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SYNTHÈSE Médecine palliative 277 N° 6 – Décembre 2004 Med Pal 2004; 3: 277-284 © Masson, Paris, 2004, Tous droits réservés Utilisation de la kétamine en soins palliatifs : revue de la littérature Sébastien Salas, Véronique Tuzzolino, Florence Duffaud, Cédric Mercier, Eric Dudoit, Roger Favre, Service d’Oncologie Médicale, Hôpital de la Timone, Marseille. Summary Use of ketamine in palliative care: review of the literature Over the last ten years, ketamine has been found to be a useful antalgesic agent. Given at doses below those used in anesthesi- ology, ketamine increases the antalgesic effect of opioids. Ket- amine belongs to the family of N-methyl-D-asparatate (NMDA) receptor antagonists. Its implication in neuropathic pain has been demonstrated. The drug can be used as an adjuvant for opioids in patients with refractory cancer pain. The purpose of this review of the literature is to provide a summary of current knowledge on the use of this anti-NMDA agent in palliative care: indications, efficacy, administration routes, dosage, ad- verse effects, complications. At the present time, the level of proof is insufficient to confirm the formal efficacy of ketamine in palliative care. Studies should be conducted to establish a consensus necessary for widespread use of ketamine in this in- dication. Key-words: ketamine, palliative care, neuropathic pain, review of the literature. Résumé La kétamine a montré depuis ces dix dernières années son inté- rêt comme antalgique. À des doses inférieures à celles utilisées en anesthésiologie, la kétamine augmente l’antalgie induite par les opioïdes. Elle appartient à la famille des antagonistes des récepteurs N-méthyl-D-aspartate (NMDA). Son implication dans les douleurs neuropathiques a été démontrée. Il s’agit d’un trai- tement adjuvant aux opioïdes dans la prise en charge des dou- leurs cancéreuses réfractaires. Cette revue de la littérature a pour but de déterminer l’état actuel des connaissances concernant l’utilisation de cet anti-NMDA dans le domaine des soins pallia- tifs : indications, efficacité, voies d’administration, posologies, effets secondaires, complications. Actuellement, il n’existe pas de niveau de preuve suffisant pour pouvoir affirmer de façon formelle l’efficacité de la kétamine en soins palliatifs. Des études amenant à des consensus nous paraissent indispensables pour permettre la diffusion de cette pratique. Mots clés : kétamine, soins palliatifs, douleurs neuropathiques, revue de la littérature. Introduction La kétamine, produit connu depuis une trentaine d’an- nées, a été très largement utilisée en anesthésiologie vé- térinaire et reste un produit de référence en anesthésie pédiatrique. Cette molécule a montré depuis ces dix der- nières années son intérêt comme antalgique. À des doses inférieures à celles utilisées en anesthésiologie, la kéta- mine augmente l’antalgie induite par les opioïdes. Elle est disponible en France sous forme de solution injectable en ampoules de 5 ml à 50 mg et 250 mg, com- mercialisées par les laboratoires Pfizer (Kétalar ® ), et en ampoules de 50 et 250 mg, distribuées par le Laboratoire Panpharma (Kétamine Panpharma ® .). Il s’agit d’une molé- cule de courte durée d’action, très liposoluble. Elle est principalement distribuée dans les organes richement vas- cularisés. Sa demi-vie d’action par voie intraveineuse est de 7 à 11 minutes et sa demi-vie d’élimination est de 1 à 2 heures. Essentiellement métabolisée par le foie et en particulier par le cytochrome P450, son principal méta- bolite est la norkétamine qui est ensuite hydroxylée et conjuguée avant d’être éliminée dans les urines. La kétamine appartient à la famille des antagonistes des récepteurs N-méthyl-D-aspartate (NMDA). Son implication dans les douleurs neuropathiques a été démontrée par l’ex- périmentation animale, par des essais sur volontaires sains et de petits essais cliniques [1-5]. L’activation neuronale ré- pétée induit une hyperexcitabilité diffusant vers les neuro- nes voisins et réalisant une sensibilisation en tache d’huile. Cette amplification de l’activation des neurones nociceptifs spinaux est appelée « wind-up ». Ce phénomène est respon- sable de l’allodynie. Plus la douleur persiste ou s’intensifie, et plus ce mécanisme conduit à des modifications durables des neurones et des synapses réalisant une mémorisation des phénomènes douloureux. Le récepteur NMDA a un rôle important d’activation cellulaire et de phénomène de mé- Salas S et al. Utilisation de la kétamine en soins palliatifs : revue de la littéra- ture. Med Pal 2004; 3: 277-284. Adresse pour la correspondance : Sébastien Salas, Unité Mobile de Soutien et de Soins Palliatifs, Service d’Oncologie Médicale du Professeur Favre, Hôpital de la Timone, 24, rue Saint-Pierre, 13385 Marseille Cedex 05. e-mail : [email protected]

Utilisation de la kétamine en soins palliatifs : revue de la littérature

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Médecine palliative

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N° 6 – Décembre 2004

Med Pal 2004; 3: 277-284

© Masson, Paris, 2004, Tous droits réservés

Utilisation de la kétamine en soins palliatifs : revue de la littérature

Sébastien Salas, Véronique Tuzzolino, Florence Duffaud, Cédric Mercier, Eric Dudoit, Roger Favre, Service d’Oncologie Médicale, Hôpital de la Timone, Marseille.

Summary

Use of ketamine in palliative care: review of the literature

Over the last ten years, ketamine has been found to be a useful antalgesic agent. Given at doses below those used in anesthesi-ology, ketamine increases the antalgesic effect of opioids. Ket-amine belongs to the family of N-methyl-D-asparatate (NMDA) receptor antagonists. Its implication in neuropathic pain has been demonstrated. The drug can be used as an adjuvant for opioids in patients with refractory cancer pain. The purpose of this review of the literature is to provide a summary of current knowledge on the use of this anti-NMDA agent in palliative care: indications, efficacy, administration routes, dosage, ad-verse effects, complications. At the present time, the level of proof is insufficient to confirm the formal efficacy of ketamine in palliative care. Studies should be conducted to establish a consensus necessary for widespread use of ketamine in this in-dication.

Key-words:

ketamine, palliative care, neuropathic pain, review of the literature.

Résumé

La kétamine a montré depuis ces dix dernières années son inté-rêt comme

antalgique

. À des doses inférieures à celles utilisées en anesthésiologie, la kétamine augmente l’antalgie induite par les opioïdes. Elle appartient à la famille des antagonistes des récepteurs N-méthyl-D-aspartate (NMDA). Son implication dans les douleurs neuropathiques a été démontrée. Il s’agit d’un trai-tement adjuvant aux opioïdes dans la prise en charge des dou-leurs cancéreuses réfractaires. Cette revue de la littérature a pour but de déterminer l’état actuel des connaissances concernant l’utilisation de cet anti-NMDA dans le domaine des soins pallia-tifs : indications, efficacité, voies d’administration, posologies, effets secondaires, complications. Actuellement, il n’existe pas de niveau de preuve suffisant pour pouvoir affirmer de façon formelle l’efficacité de la kétamine en soins palliatifs. Des études amenant à des consensus nous paraissent indispensables pour permettre la diffusion de cette pratique.

Mots clés :

kétamine, soins palliatifs, douleurs neuropathiques, revue de la littérature.

Introduction

La kétamine, produit connu depuis une trentaine d’an-nées, a été très largement utilisée en anesthésiologie vé-térinaire et reste un produit de référence en anesthésiepédiatrique. Cette molécule a montré depuis ces dix der-nières années son intérêt comme

antalgique

. À des dosesinférieures à celles utilisées en anesthésiologie, la kéta-mine augmente l’antalgie induite par les opioïdes.

Elle est disponible en France sous forme de solutioninjectable en ampoules de 5 ml à 50 mg et 250 mg, com-mercialisées par les laboratoires Pfizer (Kétalar

®

), et enampoules de 50 et 250 mg, distribuées par le LaboratoirePanpharma (Kétamine Panpharma

®

.). Il s’agit d’une molé-cule de courte durée d’action, très liposoluble. Elle estprincipalement distribuée dans les organes richement vas-cularisés. Sa demi-vie d’action par voie intraveineuse estde 7 à 11 minutes et sa demi-vie d’élimination est de 1 à

2 heures. Essentiellement métabolisée par le foie et enparticulier par le cytochrome P450, son principal méta-bolite est la norkétamine qui est ensuite hydroxylée etconjuguée avant d’être éliminée dans les urines.

La kétamine appartient à la famille des antagonistes desrécepteurs N-méthyl-D-aspartate (NMDA). Son implicationdans les douleurs neuropathiques a été démontrée par l’ex-périmentation animale, par des essais sur volontaires sainset de petits essais cliniques [1-5]. L’activation neuronale ré-pétée induit une hyperexcitabilité diffusant vers les neuro-nes voisins et réalisant une sensibilisation en tache d’huile.Cette amplification de l’activation des neurones nociceptifsspinaux est appelée «

wind-up

». Ce phénomène est respon-sable de l’allodynie. Plus la douleur persiste ou s’intensifie,et plus ce mécanisme conduit à des modifications durablesdes neurones et des synapses réalisant une mémorisationdes phénomènes douloureux. Le récepteur NMDA a un rôleimportant d’activation cellulaire et de phénomène de mé-

Salas S et al. Utilisation de la kétamine en soins palliatifs : revue de la littéra-

ture. Med Pal 2004; 3: 277-284.

Adresse pour la correspondance :

Sébastien Salas, Unité Mobile de Soutien et de Soins Palliatifs, Service d’Oncologie

Médicale du Professeur Favre, Hôpital de la Timone, 24, rue Saint-Pierre, 13385

Marseille Cedex 05.

e-mail : [email protected]

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Utilisation de la kétamine en soins palliatifs : revue de la littérature

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morisation. La kétamine, en tant qu’antagoniste des récep-teurs NMDA, peut diminuer les effets de sensibilisation cen-trale secondaires au «

wind-up

». C’est par ce phénomèneque les anti-NMDA seraient actifs sur l’hyperalgésie.

De plus, les récepteurs NMDA semblent jouer un rôledans les phénomènes de tolérance aux opioïdes [6]. Lakétamine à faible dose peut partiellement rendre réversi-bles ces phénomènes. Son utilisation en association avecla morphine semble donc augmenter l’antalgie au prixd’effets secondaires modérés [7, 8].

Actuellement, la kétamine est utilisée dans quelquespays dont les pays scandinaves, l’Angleterre, l’Italie, laBelgique, le Japon et l’Australie.

En France, la kétamine a fait l’objet d’une autorisationde mise sur le marché comme agent anesthésique unique,comme inducteur d’anesthésie avant l’administrationd’autres agents anesthésiques et comme potentialisateurd’agents anesthésiques de faible puissance. Par ailleurs, il

s’agit d’un traitement adjuvant auxopioïdes dans la prise en charge desdouleurs cancéreuses réfractaires.Ainsi cette indication est avancéedans la littérature bien qu’elle ne soitpas documentée par des essais clini-ques de qualité, randomisés, avec ungrand nombre de patients inclus [9].Les modalités d’administration ainsique les posologies de la kétamine nesont pas pour le moment standardi-sées lorsque celle-ci est employée à

faible dose et comme traitement adjuvant des morphiniquesdans les douleurs cancéreuses [9].

Cette revue de la littérature a pour but de déterminerl’état actuel des connaissances concernant l’utilisation decet anti-NMDA dans le domaine des soins palliatifs : in-dications, efficacité, voies d’administration, posologies,effets secondaires, complications.

Méthodologie

La recherche bibliographique s’est faite à partir de labase de données

MEDLINE

sur

National Library of Me-dicine

(

Pubmed

) et

Embase

sur l’utilisation de la kétaminecomme antalgique en soins palliatifs. Les études fonda-mentales chez l’homme ou chez l’animal n’ont donc pasété retenues. Les mots clés ont été

Kétamine, Kétalar, pal-liative care

et seuls les articles en langue anglaise ont étécités. Les articles recensés s’échelonnent entre 1990 et dé-cembre 2003. Les patients concernés par cette revue sontdans la majorité des cas âgés de plus de 18 ans. Il existecependant un compte rendu du cas d’une enfant de douzeans.

Résultats

(tableau I)

Nous avons retrouvé 11 articles en langue anglaise.Cependant, un seul de ces articles est publié dans une re-vue de soins palliatifs [10]. Nous n’avons pas retrouvéd’articles en langue française selon cette méthodologie.Certains articles sont publiés dans des revues spécialiséesdans la prise en charge de la douleur, comme le

Journalof Pain and Symptom management

et

Pain

[6]. On noteégalement des publications dans des revues de cancéro-logie comme

l’European Journal of cancer

[2].Un autre article est publié dans une revue d’anesthésie.

Certains auteurs se sont donc intéressés aux molécules quipourraient augmenter l’effet antalgique et modifier lesphénomènes de tolérance aux opioïdes.

Compte rendus de cas

La majorité des articles sont des

comptes rendus de cas

.L’un d’eux concerne un homme porteur d’un carcinomeépidermoïde du sinus maxillaire inopérable, avec métasta-ses osseuses crâniennes et cervicales [11]. Des opioïdes parvoie intraveineuse, transdermique et épidurale, avaient étéutilisés sans succès sur des douleurs sévères de la face. Enrevanche, un épisode d’accès douloureux a pu être immé-diatement contrôlé par l’administration de kétamine asso-ciée à un corticoïde et de la lidocaine. Par la suite le patienta bénéficié de perfusions de kétamine à des doses comprisesentre 100 et 200 milligrammes par heure, perfusions quiont permis de le soulager jusqu’à son décès. Les auteursconcluent que cette molécule aurait une action co-analgé-sique sur les accès douloureux des patients porteurs d’uncancer à un stade avancé. Une lettre publiée en 2000 dans

Journal of Pain and Symptom management

rapporte l’his-toire d’un jeune homme de 20 ans porteur d’un neurofibro-sarcome [12]. Ce patient présente des douleurs mal calméesmalgré un traitement par opiacé, anti-inflammatoire nonstéroïdien et anticonvulsivant. Le patient étant toujours al-gique après une perfusion épidurale de bupivacaine, mor-phine, clonidine et fentanyl, puis de morphine, gabapantineet dexaméthasone, un protocole de kétamine orale de 50 à100 mg toutes les 4 heures avec des doses de secours ensous cutanée est mis en place. Seule la perfusion sous cu-tanée a permis une sédation des douleurs et ainsi le patienta pu quitter l’hôpital avec une perfusion de 1,8 grammepar 24 heures. La kétamine a été associée à un morphiniqueet au midazolam. La dose initiale a été portée à 3,2 gram-mes par 24 heures dans les jours qui ont précédé le décès.L’importance de la voie d’administration de l’anti-NMDAest ainsi suggérée. Un autre article publié dans une revued’anesthésiologie évoque une cause particulière de cépha-

Les modalités d’administration et les posologies de la kétamine ne sont, pour le moment, pas standardisées.

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www.e2med.com/mp

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Sébastien Salas

et al.

Tableau I : Liste des articles faisant état de l’utilisation de la kétamine en soins palliatifs.Table I: Publications on the use of ketamine in palliative care.

Titre Année Auteurs Revue Posologie et voie d’administration

Compte-rendus de cas

Effective treatment of severe cancer pain of the head using low-dose ketamine in an opioid-tolerant patient

1995 Clark, J.L. and G.E. Kalan

J Pain Symptom Manage

50 mg bolus IV suivi de100mg/h puis 200 mg/h en perfusion IV continue

Ketamine for cancer pain. 2000 Lloyd-Williams, M.

J Pain Symptom Manage

50 à 100 mg per os toutes les 4 heures avec bolus SC puis 1,8 g /24 h puis 3,2 g/24 h en Perfusion SC

Retro-orbital tumour--an uncommon cause of headache in pregnancy

2001 Roberts, L.J. and C.R. Goucke

Anaesth Intensive Care

Topical ketamine in the treatment of mucositis pain.

2003 Slatkin, N.E. and M. Rhiner

Pain Med Bains de bouche

Long-term treatment with ketamine in a 12-year-old girl with severe neuropathic pain caused by a cervical spinal tumor

2001 Klepstad, P., et al

J Pediatr Hematol Oncol

Dose test de 7,5 mg IV puis 36-410 mg/ 24 h IV

Revues de la littérature en cancérologie

New approaches to pain control in patients with cancer

1997 Ahmedzai, S. Eur J Cancer

Advances in cancer pain management

2001 McDonnell, F.J., J.W. Sloan, and S.R. Hamann

Curr Pain Headache

Ketamine as adjuvant to opioids for cancer pain. A qualitative systematic review

2003 Bell, R.F., C. Eccleston, and E. Kalso,

J Pain Symptom Manage

4 études : 0,5 mg/kg 2 fois/j Per os

1 mg/kg/j SC

600 mg/j IV

67,2 mg/j Intrathécal

Correspondances The need for ketamine. 2000 Lawlor, P.G. and Y. Tarumi

J Pain Symptom Manage

Clinical experience with oral ketamine

2000 Vielvoye-Kerkmeer, A.P., M. van der Weide, and C. Mattern,

J Pain Symptom Manage

2 mg 3 fois/24 h Per os à 8 mg/ 24 h Per os

Publications issue de revue de soins palliatifs

Ketamine and problems with advanced palliative care in the community setting

2000 Baumrucker, S.J.

Am J Hosp Palliat Care,

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Utilisation de la kétamine en soins palliatifs : revue de la littérature

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lées. Une femme enceinte de 31 ans, chez laquelle on dé-couvre une tumeur rétro-orbitaire, présente une recrudes-cence de ses symptômes au décours du troisième trimestrede grossesse. La plupart des médicaments des douleurs neu-ropathiques étant contre-indiquée, un traitement à base demorphine, de paracétamol, d’amitryptilline, de kétamine as-socié à un support psychologique est mis en place avec debons résultats. Les auteurs insistent sur la difficulté qu’areprésentée ce cas, compte tenu des contre-indications liéesà l’état gestationnel de la patiente [13].

Une autre étude de cas concerne un mode d’utilisationparticulier de la kétamine. Une femme de 32 ans atteinted’un carcinome épidermoïde de la langue a réalisé desbains de bouche à la kétamine dans le cadre d’une muciteradio-induite. Bien entendu, l’efficacité de cette thérapeu-tique reste à évaluer, y compris dans le cadre d’autres étio-logies de douleurs buccales [14].

Une observation a été rapportée chez l’enfant. Unefillette de douze ans porteuse d’unglioblastome responsable de douleursneuropathiques sévères a été calméepar une dose test de 7,5 mg de kéta-mine en intra veineux puis par l’as-sociation de morphine en sous cuta-née et de kétamine en perfusion intraveineuse. Les doses utilisées ont étécroissantes, de 36 à 410 mg par

vingt-quatre heures. Elle a bénéficié de soixante-septjours de ce traitement avant de décéder. La conclusion decet article est qu’il s’agit d’un traitement qui peut être ef-ficace chez l’enfant présentant des douleurs neuropathi-ques ne répondant pas aux autres antalgiques. On peutremarquer que la durée de ce traitement a été relativementlongue, poursuivie au domicile et s’inscrit bien dans uncontexte de soins palliatifs [15].

Essais

Aucun essai clinique n’a été mené en soins palliatifs.L’utilisation de la kétamine dans ce domaine n’a donc pasété validée par des études randomisées.

Revue de la littérature en cancérologie

On retrouve également dans ce travail des revues dela littérature sur l’utilisation de la kétamine en cancéro-logie. Ahmadzai, dans

l’European Journal of Cancer

dejuillet 1997, passe en revue les différents traitements dela douleur cancéreuse et leurs effets secondaires : mor-phine, méthadone, hydromorphone, patch de fentanyl,strontium 89 et biphosphonate dans les douleurs de mé-

tastases osseuses. La kétamine à petite dose fait partie deson arsenal thérapeutique pour traiter les douleurs réfrac-taires et neuropathiques [16].

Un autre auteur en 2001 analyse les différents traite-ments antalgiques en oncologie et en soins palliatifs, dontles anti-inflammatoires non stéroïdiens, la méthadone, lakétamine et les biphosphonates, et souligne l’importancede la balance entre les influences excitatrices et inhibitri-ces du système nerveux central [17].

Une revue systématique de la littérature a été publiéeen septembre 2003 dans

Journal of Pain and SymptomManagement

. L’auteur, à l’aide d’une méthodologie rigou-reuse, étudie les différents articles portant sur l’utilisationde la kétamine comme traitement adjuvant des opioïdesdans les douleurs réfractaires en cancérologie [9]. Son tra-vail sur Medline, Embase, Cancerlit, The Cochrane Libraryanalyse quatre études randomisées. Dans ces études, lapopulation est définie comme présentant des douleurscancéreuses résistantes à la morphine ou aux anti-inflam-matoires non stéroïdiens, des douleurs liées à la patholo-gie cancéreuse en phase terminale ou des douleurs réfrac-taires aux opiacés chez des patients présentant unKarnofsky supérieur à 50 %. Un autre critère d’utilisationde la kétamine dans ces essais est le caractère neuropa-thique ou mixte de la douleur. Le mode d’administrationde la molécule diffère selon l’étude : orale, épidurale, in-trathécale, sous-cutanée ou intraveineuse.

Les doses utilisées diffèrent également d’une étude àl’autre : 0,5 mg/kg 2 fois par jour per os, 1 mg/kg/j ensous cutanée, 600 mg/j en intraveineux et 67,2 mg/j parvoie intrathécale.

Deux essais sont des études en

cross over

[18, 19]. Surles quatre essais, un seul compare la kétamine à un placebo,les trois autres comparent la kétamine à la morphine. Deuxessais sont considérés dans cette revue comme non fiablesau niveau méthodologique [20, 21]. Les deux autres con-cluent que la kétamine permettrait de réduire l’intensité desdouleurs cancéreuses d’origine neuropathique et la con-sommation de morphine [18, 19]. Cependant, ces étudesconcernent un faible effectif de patients, le type de douleurn’est pas décrit et la stratégie de prise en charge des accèsdouloureux n’est pas exposée. Pour l’auteur, il est donc né-cessaire de faire des études contrôlées randomisées sur unplus grand nombre de patients en homogénéisant le moded’administration de la kétamine.

Correspondances

On trouve également deux lettres questions-réponses.Dans la première, qui correspond à un commentaire d’uncompte rendu de cas, Peter Lawlor rappelle l’importanced’une prise en charge globale et multidisciplinaire et met

L’utilisation de la kétamine n’a donc pas été validée par des études randomisées.

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en garde contre l’augmentation systématique des doses demorphiniques comme réponse à toute douleur. L’auteurfait remarquer également que la mise en place de proto-coles utilisant la kétamine n’est pas une solution exclusiveet que la douleur peut avoir de multiples facettes. Danssa réponse, Perry G. Fine reconnaît la nécessité d’une priseen charge globale de la douleur, mais refuse d’attribuerles douleurs intenses à la somatisation d’une détresse psy-chologique et trouve donc tout à fait justifiée l’introduc-tion de petites doses de kétamine [22]. Cet échange estassez proche des questionnements qui existent en soinspalliatifs.

Dans une autre lettre, Ans P.E.Vielvoye-Kerkmeer parlede son expérience de l’utilisation de la kétamine orale chezdes patients cancéreux, douloureux malgré les opioïdes, ouchez ceux qui présentent des effets secondaires morphino-induits. Il débute à petites doses 2 mg 3 fois par jour enaugmentant progressivement si besoin à 6 puis à 8 mg 3 à4 fois par jour. Le but est de trouver une dose efficace sansentraîner d’effets secondaires neuropsychiques pouvant en-traver la relation du patient avec son entourage. L’auteurse demande si la différence des doses de kétamine utilisées(faibles dans son expérience et élevées chez H. Hayes) pour-rait venir de la différence de populations : patients cancé-reux douloureux et patients douloureux chroniques noncancéreux [23]. Dans sa réponse, Helen Hays confirme quesa série concernait des patients présentant une douleurchronique non cancéreuse chez lesquels la kétamine oralea été utilisée à fortes doses et poursuivie chez 4 de ces pa-tients. Tous ont reçu une dose test de kétamine IV de0,4 mg/kg après un bolus de midazolam de 0,05 mg/kgpour prévenir les effets secondaires. S’il existait une dimi-nution des douleurs, la kétamine était passée sous formeorale. H. Hays reprend aussi les différentes posologies dekétamine utilisées ainsi que les différentes voies d’adminis-tration selon les auteurs. Sa conclusion est que les patientsdouloureux non cancéreux demandent une approche dif-férente et que d’autres études doivent être faites dans lesdeux populations pour cibler les doses efficaces et les effetssecondaires pour chacune d’elle.

Publication issue d’une revue de soins palliatifs

Baumrucker, dans

American Journal of Hospice andPalliative Care

, parle des difficultés rencontrées pour faireaccepter à la communauté médicale les avancées théra-peutiques en soins palliatifs. Cet article est la seule publi-cation parue dans une revue de soins palliatifs sur ce sujet.

Pour Baumrucker, la kétamine a une multitude d’in-dications et représenterait un produit révolutionnaire ensoins palliatifs.

Toutefois, dans son institution, son utilisation est ré-servée à l’anesthésie. Il est primordial pour l’auteur d’édu-quer la communauté médicale sur l’utilisation de tous lestraitements qui pourraient améliorer les patients en soinspalliatifs et vaincre les résistances qui entourent la fin devie [10].

Discussion

Malgré les convictions de nombreux auteurs, dansl’état actuel de nos connaissances, il est impossible deconclure de façon formelle à l’efficacité de la kétamineen soins palliatifs. La kétamine est un antagoniste des ré-cepteurs NMDA. De nombreux travaux pré-cliniques, chezl’animal et le volontaire sain, ont permis de le prouver [1-5]. Cette molécule est déjà utilisée dans les douleurs can-céreuses dans de nombreux pays et il existe un très grandnombre de publications sur l’utilisa-tion de la kétamine en algologie [9].Toutefois, il y en a peu concernantson utilisation de façon spécifique ensoins palliatifs. Ces publications sonten effet pour la plupart des

rapportsde cas

et il n’existe pas pour le mo-ment d’essai clinique randomisé debonne qualité avec une puissancesuffisante, issu de services de soinspalliatifs. Les populations actuellement étudiées corres-pondent à des patients, suivis dans des services de can-cérologie qui diffèrent par leur pathologie, leur prise encharge et leur stade. On se heurte aux difficultés d’éva-luation sur une population hétérogène en raison de l’âge,des pathologies très différentes et de la poly-médication.Très souvent, ces patients présentent une insuffisance ré-nale, hépatique, respiratoire ou des troubles des fonctionssupérieures et ne forment donc pas des groupes réellementhomogènes.

De plus, faut-il utiliser la voie orale, la voie sous-cu-tanée, la voie intraveineuse ? Faut-il utiliser la perfusioncontinue ? Les bolus sont-ils efficaces ? La posologie àutiliser reste elle-même à discuter, même si les faibles do-ses semblent plus souvent utilisées. Les effets secondairesainsi que l’efficacité ne sont également pas évalués. Sil’action de la kétamine sur les douleurs neuropathiquesne peut se discuter, le gain qu’elle pourrait apporter surle confort et la qualité de vie des malades en soins pal-liatifs reste un mystère. Par ailleurs, une question encoreplus fondamentale persiste : quelle est l’indication exactede la kétamine ?

Dans notre expérience, nous l’utilisons pour les pa-tients au stade terminal d’une pathologie cancéreuse pré-sentant des douleurs réfractaires au traitement morphini-

La mise en placede protocoles utilisant

la kétaminen’est pas une solution

exclusive.

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Médecine palliative

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Utilisation de la kétamine en soins palliatifs : revue de la littérature

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que et aux traitements actuellement validés dans lesdouleurs neuropathiques.

Voies d’administration

Notre voie d’administration préférentielle reste la voieintraveineuse, ceci parce que nos patients sont tous por-teurs d’une voie centrale. Notre choix ne s’est pas fait enfonction du mode d’administration le plus efficace maisdu plus pratique. Cependant, les patients de services desoins palliatifs n’ont pas toujours un accès veineux aussiconfortable. La voie orale et la voie sous-cutanée restentà explorer [7, 24, 25]. D’autres voies comme la voie in-trathécale, la voie transdermique méritent une attentionparticulière [26, 27]. Pour mémoire, citons l’utilisation dela kétamine par voie intra-rectale et intra-nasale. Iln’existe pas actuellement d’études comparatives permet-tant de privilégier l’une ou l’autre de ces voies. La voiesous-cutanée est facilement accessible, semble peu dou-loureuse, mais les doses utilisées par cette voie ne sontpas définies. La forme orale permettrait d’élargir les pres-criptions. Cette voie est possible avec une solution réaliséeà partir de la préparation à destination systémique. Etcomme le souligne le docteur Jean Vibes, dans la premièreédition de l’

Abrégés Masson

sur les douleurs neuropathi-ques de 2002 [28], elle nécessite desdoses beaucoup plus élevées –300 à360 mg/jour, en partie à cause d’unindex thérapeutique faible. Les effetssecondaires sont donc ici très majo-rés, contraignant, une fois sur deux,

à l’arrêt du traitement. La voie intra-thécale reste une voied’exception, mais pourrait avoir des indications pour lespatients présentant de volumineuses tumeurs sous-diaphragmatiques responsables de douleurs neuropathi-ques. La forme transdermique serait une voie idéale, maiselle est loin d’être d’utilisation courante. Enfin, la voieintramusculaire ne paraît pas vraiment adaptée à un pa-tient en fin de vie car il s’agit d’une voie particulièrementdouloureuse et les patients sont souvent porteurs de trou-bles de la coagulation.

Modes d’administration

De notre point de vue, l’administration continue sansbolus semble la plus adaptée [11].

Son utilisation en bolus est sans fondement théoriquemême si certains praticiens peuvent initier le traitementpar des flashs de 0,25 mg/kg [18].

Posologies

Les doses utilisées varient de 0,5 mg/kg 2 à 3 fois parjour jusqu’à 60 mg 6 fois par jour per os, de 0,05 mg/kg/hà 4,8 grammes/24 heures en sous-cutanée, de 0,1 mg/kgà 500 mg par 24 heures en intraveineux, et jusqu’à

67,2 mg/24 heures en intrathécal. Tous les auteurs s’ac-cordent pour utiliser la kétamine à doses infra-anesthési-ques sans qu’il y ait de véritable consensus. Les faiblesdoses de 0,5 mg/kg/24 heures à 1 mg/kg/24 heures sontdes posologies que nous adoptons.

Indications

Les indications même de l’utilisation de la kétaminene sont pas formalisées. Elle a été utilisée avec succès dansles douleurs post-opératoires, dans les douleurs chroni-ques, et les douleurs cancéreuses. Mais il semblerait queles doses efficaces soient différentes selon qu’il s’agissed’une douleur cancéreuse ou non [23]. Il est donc légitimede se demander si la prise en charge des douleurs en ser-vice d’oncologie médicale est la même qu’en unité desoins palliatifs, et de s’interroger sur le type de popula-tions concernées en fonction du recrutement de ces ser-vices respectifs. Ces populations sont-elles semblables ?N’existe-t-il pas des différences qui pourraient entraînerdes variations d’efficacité et d’effets secondaires ?

De plus, il semble difficile actuellement d’affirmer lerôle propre de la kétamine comme antalgique en soinspalliatifs. En effet, elle a toujours été utilisée en associa-tion avec d’autres molécules en cas d’échec thérapeutiqueou en cas d’effets secondaires morphino-induits trop gê-nants. Selon les études, elle a été associée à tous les mor-phiniques dont la méthadone, mais aussi avec les anti-inflammatoires, les antidépresseurs, les antiépileptiques,les biphosphonates dans les douleurs de métastases osseu-ses. Par ailleurs, dans plusieurs séries, des traitements ac-tifs tels que radiothérapie, chimiothérapie, radio-isotopesont été poursuivis. On voit donc toutes les difficultés quiexistent pour affirmer l’exclusivité du rôle de la kétaminedans l’amélioration des douleurs. On peut donc raisonna-blement placer la kétamine comme co-antalgique en soinspalliatifs, la prescrire pour les patients présentant à la foisune douleur neuropathique sous opiacés et une douleurréfractaire aux antiépileptiques et/ou aux antidépresseurs.

Contre-indications

Il existe peu de contre-indications à l’utilisation de lakétamine hormis l’hypersensibilité reconnue et la porphy-rie.

Effets secondaires

En soins palliatifs, les effets secondaires pourraientêtre relativisés par rapport aux avantages qu’elle procu-rerait. En anesthésiologie, on retrouve fréquemment ta-chycardie, hypo ou hypertension artérielle, phénomènesd’arythmie, de dépression respiratoire en cas d’injectionintraveineuse rapide. On peut également noter des mou-vements anormaux et des phénomènes de diplopie et nys-tagmus. En fait, l’effet le plus problématique aux doses

La forme transdermique serait une voie idéale.

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© Masson, Paris, 2004, Tous droits réservés

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Sébastien Salas

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utilisées en soins palliatifs est la psychodyslepsie, respon-sable de perturbations des sensations visuelles et auditi-ves, de sensation de mort imminente, de troubles de l’hu-meur et de l’image corporelle. Des épisodes d’anxiété, dedélire aigu, de sensation de flottement, de dépersonnali-sation, de rêves éveillés voire d’hallucinations sont pos-sibles. Il semblerait que les facteurs favorisants soient lesexe féminin et l’injection intraveineuse rapide. La majo-rité des auteurs sont d’accord pour dire que ces effets sontdoses-dépendants et que l’utilisation de midazolam ou dediazépam, ou encore d’halopéridol, les fait nettement di-minuer voire disparaître. Dans notre expérience, nousn’avons pas eu d’effets secondaires nous obligeant à in-terrompre la perfusion de kétamine.

Kétamine et législation

En raison de ses effets psycho-actifs, la kétamine a étédétournée à des fins toxicomaniaques. Elle fait donc l’ob-jet depuis l’arrêté du 16.08.2001 d’un classement à la fa-mille des stupéfiants ; mais les conditions de détention dela kétamine ne diffèrent en rien des autres médicamentsd’anesthésie non classés comme tels. L’utilisation de la ké-tamine n’est pas plus contraignante que celle de la mor-phine et la législation ne doit pas être un frein à son uti-lisation.

Essais cliniques et kétamine

Comme nous l’avons vu, la grande majorité des arti-cles concluent à l’efficacité de la kétamine sur la douleurcancéreuse. Toutefois la qualité méthodologique est sou-vent critiquable. En effet, il n’existe que peu d’études con-tre placebo ; la plupart des procédés de randomisation nesont pas décrits et il y a très peu de descriptions des ca-ractéristiques de la douleur ; celle-ci est qualifiée de« cancéreuse », « rebelle », « neuropathique », « à compo-sante franchement neuropathique » ou encore « réfrac-taire ». L’intensité de la douleur n’est pas toujours évaluéepar une échelle. Il est dit que la douleur diminue, s’amé-liore ou disparaît, mais elle est très rarement quantifiée.Il est difficile de suivre l’évolution et l’évaluation d’unedouleur quand les composantes de celle-ci ne sont pasclairement définies. De plus, les conclusions des différen-tes études peuvent être discordantes. Certains auteurs con-cluent à l’efficacité de la kétamine en tant que co-antal-gique ; d’autres affirment qu’elle diminue de façonsignificative la tolérance aux morphiniques ainsi que lesdouleurs induites par les morphiniques ; mais il est diffi-cile d’éliminer dans ces cas-là une augmentation des dou-leurs due à l’évolution de la pathologie cancéreuse.

D’autre part, aucune étude ne mesure la qualité de viedes patients sous kétamine et le bénéfice réel ressenti parle patient. Nous mesurons toutes les difficultés à menerdes études sur des patients en soins palliatifs, c’est-à-dire

fragilisés, présentant des cancers et des stades différents.Ils peuvent être porteurs de pathologies autres que despathologies cancéreuses, comme l’insuffisance cardiaquepar exemple. Les groupes de patients sont donc très sou-vent hétérogènes, les traitements antalgiques utilisésavant la kétamine différents par leur nature, leur poso-logie et leur voie d’administration. Ce type d’essai sur ungrand nombre de patients en phase terminale est bienentendu difficile à mettre en œuvre et à conduire.

Pourtant, pour pouvoir réellement conclure à l’effica-cité de la kétamine, il serait indispensable de faire desétudes randomisées à grande échelle sur ce type de pa-tients avec des groupes le plus homogène possible.

Conclusion

Il n’existe pas de niveau de preuve suffisant dans lalittérature pour pouvoir affirmer de façon formelle l’effi-cacité de la kétamine en soins palliatifs.

Tous les articles concluent de façon prudente à la pro-bable efficacité de la kétamine en association aux opioïdesdans les douleurs cancéreuses. Ce sont pour la plupart des«

case reports

» ou comptes rendus decas décrivant une amélioration del’analgésie avec l’association de cesmolécules.

Il est primordial de mener des es-sais randomisés contrôlés de qualité,sur des groupes de patients nom-breux et homogènes. Pour pouvoirprogresser, la médecine palliative abesoin, comme les autres disciplines,de l’étude de nombreux médicaments dans un cadre scien-tifique. Il ne faut pas perdre de vue que le confort despatients reste la priorité absolue. Tous les essais qui res-pectent ce principe éthique sont à notre sens autorisés.

Nous utilisons la kétamine chez des patients en soinspalliatifs et présentant des douleurs non calmées par l’ar-senal thérapeutique existant. Son utilisation en deuxièmeintention nous semble licite, mais des essais amenant àdes consensus sur les indications, les posologies, les voiesd’administration et la prévention des effets secondairesnous paraissent indispensables pour permettre la diffusionde cette pratique en soins palliatifs.

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Il existe peu de contre-indications à l’utilisation

de la kétamine hormisl’hypersensibilité.

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Médecine palliative

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N° 6 – Décembre 2004

Utilisation de la kétamine en soins palliatifs : revue de la littérature

S Y N T H È S E

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