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INSTITUT NATIONAL DE SANTÉ PUBLIQUE DU QUÉBEC COMITÉ SUR L’IMMUNISATION DU QUÉBEC Utilisation du vaccin contre la diphtérie, le tétanos et la coqueluche acellulaire (dcaT) en prophylaxie postexposition dans le traitement des plaies

Utilisation du vaccin contre la diphtérie, le tétanos et ... · Caroline Quach, Hôpital de Montréal pour enfants, Département de pédiatrie, Université McGill . Chantal Sauvageau,

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COMITÉ SUR L’IMMUNISATION DU QUÉBEC

Utilisation du vaccin contre la diphtérie, le tétanos et la coqueluche acellulaire (dcaT) en prophylaxie postexposition dans le traitement des plaies

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AUTEUR

Comité sur l’immunisation du Québec (CIQ)

RÉDACTEURS

Nicole Boulianne, Direction des risques biologiques et de la santé au travail, Institut national de santé publique du Québec

Marilou Kiley, Direction des risques biologiques et de la santé au travail, Institut national de santé publique du Québec

Gaston De Serres, Direction des risques biologiques et de la santé au travail, Institut national de santé publique du Québec Département de médecine sociale et préventive, Université Laval

MEMBRES ACTIFS DU CIQ

François Boucher, Département de pédiatrie, Université Laval, Centre hospitalier universitaire de Québec, pavillon CHUL (CHUQ-CHUL) et Centre de recherche du Centre hospitalier universitaire de Québec

Nicole Boulianne, Direction des risques biologiques et de la santé au travail, Institut national de santé publique du Québec

Alex Carignan, Département de microbiologie et d’infectiologie, Université de Sherbrooke

Gaston De Serres, Direction des risques biologiques et de la santé au travail, Institut national de santé publique du Québec Département de médecine sociale et préventive, Université Laval

Philippe De Wals, Direction des risques biologiques et de la santé au travail, Institut national de santé publique du Québec Département de médecine sociale et préventive, Université Laval

Charles Frenette, Département de microbiologie - Maladies infectieuses et Prévention des infections, Centre universitaire de santé McGill

Vladimir Gilca, Direction des risques biologiques et de la santé au travail, Institut national de santé publique du Québec

Maryse Guay, Département des sciences de la santé communautaire, Université de Sherbrooke Direction des risques biologiques et de la santé au travail, Institut national de santé publique du Québec

Caroline Quach, Hôpital de Montréal pour enfants, Département de pédiatrie, Université McGill

Chantal Sauvageau, Direction des risques biologiques et de la santé au travail, Institut national de santé publique du Québec

Bruce Tapiéro, Service des maladies infectieuses, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine

MEMBRES LIAISON DU CIQ

Lucie Bédard, Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, Agence de la santé et des services sociaux de Montréal/Direction de santé publique

Dominique Biron, Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, Clinique pédiatrique Sainte-Foy

Marjolaine Brideau, Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux, Centre de santé et de services sociaux de Thérèse-de-Blainville

Ngoc Yen Giang Bui, Comité consultatif québécois sur la santé des voyageurs, Direction des risques biologiques et de la santé au travail, Institut national de santé publique du Québec

Hélène Gagné, représentante de la Table de concertation nationale en maladies infectieuses, Agence de la santé et des services sociaux du Saguenay–Lac-Saint-Jean

Marc Lebel, Association des pédiatres du Québec, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine

Céline Rousseau, Association des médecins microbiologistes infectiologues du Québec, Hôpital Sainte-Justine

Dominique Tessier, Collège québécois des médecins de famille, Clinique médicale du Quartier Latin

MEMBRES D’OFFICE DU CIQ

Réjean Dion, Laboratoire de santé publique du Québec, Institut national de santé publique du Québec

Marc Dionne, Direction des risques biologiques et de la santé au travail, Institut national de santé publique du Québec

Monique Landry, Direction de la protection de la santé publique, ministère de la Santé et des Services sociaux

Bruno Turmel, Direction de la protection de la santé publique, ministère de la Santé et des Services sociaux

MISE EN PAGES

Marie-France Richard, Direction des risques biologiques et de la santé au travail, Institut national de santé publique du Québec

Ce document est disponible intégralement en format électronique (PDF) sur le site Web de l’Institut national de santé publique du Québec au : http://www.inspq.qc.ca.

Les reproductions à des fins d’étude privée ou de recherche sont autorisées en vertu de l’article 29 de la Loi sur le droit d’auteur. Toute autre utilisation doit faire l’objet d’une autorisation du gouvernement du Québec qui détient les droits exclusifs de propriété intellectuelle sur ce document. Cette autorisation peut être obtenue en formulant une demande au guichet central du Service de la gestion des droits d’auteur des Publications du Québec à l’aide d’un formulaire en ligne accessible à l’adresse suivante : http://www.droitauteur.gouv.qc.ca/autorisation.php, ou en écrivant un courriel à : [email protected].

Les données contenues dans le document peuvent être citées, à condition d’en mentionner la source.

DÉPÔT LÉGAL – 1er TRIMESTRE 2013 BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES NATIONALES DU QUÉBEC BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES CANADA ISBN : 978-2-550-67251-7 (VERSION IMPRIMÉE) ISBN : 978-2-550-67252-4 (PDF)

©Gouvernement du Québec (2013)

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Résumé

En 2004, le vaccin contre la diphtérie, la coqueluche et le tétanos (dcaT) est devenu disponible au Québec et a remplacé le vaccin contre la diphtérie et le tétanos (d2T5) pour la vaccination en 3e secondaire. Une seule dose de vaccin est également recommandée aux adultes qui n’ont pas reçu une dose à l’adolescence. Ce vaccin n’a toutefois pas remplacé le d2T5 dans les urgences par crainte de survaccination et d’augmentation des réactions locales. Dans ce contexte, le ministère de la Santé et des Services sociaux a demandé au Comité sur l’immunisation du Québec (CIQ) s’il était encore justifié d’exercer cette prudence à l’égard du dcaT.

Le présent avis comprend entre autres une revue de littérature sur les recommandations actuelles à l’égard du dcaT et sur la sécurité de ce vaccin ainsi que des recommandations du CIQ quant à son utilisation en prophylaxie postexposition dans le traitement des plaies. Les informations disponibles dans cet avis supportent l’administration d’une dose de rappel du dcaT en raison d’un profil de sécurité comparable à celui du dT chez l’adolescent et l’adulte. De plus, la consultation pour un traitement de plaie constitue une opportunité de mettre à jour la vaccination contre la coqueluche dans la population adulte.

Le Comité sur l’immunisation du Québec a donc émis un avis favorable à l’utilisation du vaccin dcaT en prophylaxie postexposition dans le traitement des plaies en remplacement de l’actuel vaccin d2T5 dans la mesure où la personne à qui il est administré n’a pas déjà reçu une dose d’un vaccin avec le composant coqueluche acellulaire. Afin de faciliter l’implantation de ce changement de pratique, il a également été précisé que les professionnels de la santé soient informés de ces nouvelles recommandations ainsi que des arguments scientifiques qui le supportent.

Contexte

En 2004, le vaccin dcaT1

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est devenu disponible au Québec et a remplacé le vaccin d2T5 pour la vaccination des élèves de 3e année du secondaire. Il est également recommandé d’administrer une seule dose de dcaT aux personnes âgées de 18 ans ou plus qui n’ont pas reçu une dose de vaccin comprenant la composante coqueluche à l’adolescence[ ]. Toutefois, le vaccin dcaT n’a pas jusqu’à maintenant remplacé le d2T5 dans les salles d’urgence par crainte de survaccination et d’une augmentation des réactions locales. Chez l’enfant, la fréquence et l’intensité des réactions locales ont tendance à augmenter avec le nombre de doses de vaccin acellulaire contre la coqueluche[2]. La crainte que cet événement se produise également chez l’adulte a été évoquée et c’est la raison pour laquelle le vaccin dcaT n’est pas disponible dans les salles d’urgence au Québec. C’est dans ce contexte que le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a demandé au Comité sur l’immunisation du Québec (CIQ) s’il est encore justifié d’exercer cette prudence à l’égard du dcaT.

La crainte de survaccination provient de ce qui a été observé avec l’administration de la prophylaxie antitétanique dans les salles d’urgence. Puisque les antécédents de vaccination ne sont pas toujours disponibles dans ce contexte et que les patients ne se souviennent pas toujours s’ils ont ou non reçu un vaccin antitétanique au cours des dernières années, le vaccin d2T5 est parfois administré plus souvent que nécessaire. Il se peut également que le vaccin administré ne soit pas inscrit dans le carnet de vaccination, ou tout autre document, entraînant ainsi une perte d’information et un risque de revaccination inutile dans le futur.

Le présent avis cherchera donc à documenter les impacts potentiels positifs et négatifs de l’utilisation du dcaT lors de l’administration de la prophylaxie antitétanique dans un contexte de traitement de plaie, particulièrement en salle d’urgence.

1 Vaccin à formulation antigénique réduit pour la diphtérie et la

coqueluche et équivalente au d2t5 pour le tétanos.

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Recommandations actuelles concernant l’utilisation du dcaT chez l’adolescent et l’adulte

Au Canada, le Comité consultatif national sur l’immunisation (CCNI) recommande l’administration d’une dose unique de la formulation pour adolescents et adultes du vaccin anticoquelucheux acellulaire à tous les préadolescents, adolescents et adultes qui n’ont reçu aucune dose de ce vaccin[3].

Aux États-Unis, l’Advisory Committee on Immunization Practices (ACIP) recommande que les adolescents et les adultes âgés de 10 à 64 ans, qui n’ont jamais reçu de dcaT, reçoivent une seule dose de dcaT pour remplacer une dose de dT lors du rappel de vaccination contre le tétanos, la diphtérie et la coqueluche[4-5]. Récemment, l’ACIP émettait des recommandations pour l’utilisation du dcaT chez les femmes enceintes et pour les personnes en contact avec des enfants âgés de moins de 12 mois. Pour les femmes enceintes qui n’ont pas reçu de dcaT antérieurement, il est recommandé d’administrer le dcaT durant la grossesse, de préférence au cours du 3e trimestre ou à la fin du 2e trimestre (après 20 semaines). Aussi, les adolescents et les adultes (19 ans ou plus) n’ayant pas reçu de dcaT doivent recevoir une dose unique de ce vaccin s’ils ont ou prévoient avoir des contacts étroits avec des enfants âgés de moins de 12 mois; cette dose devrait être administrée au moins deux semaines avant le début du contact[6].

En France, un rappel contre la coqueluche (dTcaPolio) est recommandé aux adolescents entre l’âge de 11 et 13 ans[7]. Une seule dose de vaccin dTcaPolio est aussi recommandée aux adultes susceptibles de devenir parents. De même, cette recommandation est faite pour l’entourage familial lors d’une grossesse et lors du rappel aux dix ans en l’absence de vaccination contre la coqueluche depuis les dix dernières années. Au Luxembourg, un rappel de dcaT est recommandé chez les adultes à tous les 10 ans avec un vaccin combiné comprenant la composante coqueluche acellulaire[7]. La dose de rappel à l'adolescence a également été adoptée par de nombreux autres pays européens, dont la Finlande et l'Allemagne[8].

Les recommandations les plus distinctes concernant l'utilisation du dcaT sont celles du Royaume-Uni et de l’Australie[9]. Au Royaume-Uni, la vaccination contre la coqueluche n’est pas recommandée pour les enfants

âgés de 10 ans ou plus, ni pour les adultes[10]. L'Australie, tout comme le Royaume-Uni, ne recommande plus de dose de rappel tous les 10 ans, mais recommande toutefois une dose à l'adolescence avec un vaccin dcaT, ainsi qu'une dose de rappel à 50 ans avec un dcaT dans la mesure où ce dernier n’a pas déjà été reçu lors d'un traitement de plaie.

Sécurité du vaccin dcaT

Les données des études publiées jusqu’à maintenant confirment la sécurité du vaccin dcaT chez les adolescents et les adultes. Les manifestations indésirables survenues après le dcaT sont comparables à celles observées après le dT[4, 11-12], et le taux brut rapporté en post-commercialisation aux États-Unis pour les réactions sévères est inférieur à celui rapporté suite à l’administration du vaccin pédiatrique chez les enfants[13]. L’événement le plus fréquemment rapporté après l’administration du dcaT est une réaction locale au site d’injection[11, 13].

Quelques études ont été réalisées sur la sécurité de l’administration répétée, entre 5 et 10 ans après une première dose, du dcaT chez les adolescents et les adultes. Halperin a publié une étude menée au Canada et aux États-Unis ayant pour objectif d’évaluer la sécurité et l’immunogénicité d’une seconde dose de dcaT (Adacel®) chez les adolescents et les adultes environ 5 ans après la dose précédente[14]. Dans cette étude non randomisée, les participants de trois études antérieures randomisées sur le dcaT ont reçu une seconde dose de dcaT. Les données de sécurité recueillies auprès des participants lors des études antérieures ont servi de contrôles historiques. Au total, 545 participants âgés de 15 à 69 ans ont été inclus dans l’étude. Près de 95 % d’entre eux ont présenté au moins une réaction secondaire après la dose de rappel. Ces manifestations indésirables étaient un peu plus fréquentes après la dose de rappel qu’après la dose initiale (contrôles historiques). La plupart de ces réactions étaient d’intensité modérée et de courte durée. Les réactions locales et systémiques ont été plus fréquemment rapportées dans le groupe ayant reçu un rappel vs contrôles historiques; la douleur : 87,6 % (IC95 % : 84-90,2) vs 73,8 % (IC95 % : 69,9-77,5), la rougeur au site d’injection, 28,6 % (IC95 % : 24,8-32,6) vs 19,2 % (IC95 % : 16-22,8), l’œdème : 25,6 % (IC95 % : 22-29,5) vs 16,2 % (IC95 % : 13,2-19,6) la myalgie : 61 % (IC95 % : 56,8-65,2) vs 27,7 % (IC95 % : 23,9-31,6), les céphalées : 53,2 % (IC95 % : 48,9-57,5) vs 39,7 % (IC95 % : 35,5-43,9), ou la fièvre : 6,5 % (IC95 % : 4,6-8,9) vs 4,4 % (IC95 % : 2,9-6,5). Les proportions de personnes ayant présenté des

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manifestations indésirables non sollicitées étaient similaires à celles obtenues dans les études antérieures. Les auteurs concluent qu’une seconde dose de dcaT est sécuritaire et immunogène, mais que l’intervalle optimal entre deux doses chez l’adulte reste à déterminer.

Une autre étude récente non randomisée d’Halperin menée au Canada[15] avec le vaccin dcaT (Adacel®) a montré que le risque d’effets secondaires était semblable chez les 404 adultes qui recevaient ce vaccin pour la première fois (naïfs) et chez les 342 adultes qui avaient reçu une deuxième dose de vaccin dix ans après leur première dose. Durant les 7 jours suivant la vaccination, le pourcentage de participants ayant eu une réaction locale, peu importe la sévérité, était respectivement de 87,1 % et 88,9 %. La douleur locale était le problème le plus souvent rencontré, mais les douleurs suffisantes pour empêcher les activités de la vie quotidienne (grade 3) étaient peu fréquentes (1,7 % contre 2,6 %). Des symptômes systémiques ont été rapportés par 70,6 % des participants naïfs et 74,4 % des revaccinés. La majorité des réactions systémiques sont survenues dans les trois premiers jours et étaient disparues dans les 7 jours suivant la vaccination. Les myalgies (53,5 % vs 60,1 %), les céphalées (37,6 % vs 40,6 %) et les malaises (29 % vs 29,4 %) étaient les symptômes systémiques les plus fréquents. La fièvre a été rapportée par 4,9 % et 4,2 % des participants respectivement.

En Australie, une étude récente avait également pour objectif d’évaluer l’immunogénicité et la sécurité d’un rappel de dcaT (Boostrix®) chez des adultes qui avaient reçu un dcaT dix ans plus tôt dans le cadre d’un essai randomisé[16]. Au total, 163 participants ont reçu deux doses de dcaT après un intervalle de dix ans. Les réactions d’œdème au site d’injection ont été plus fréquemment rapportées après le rappel, comparativement à la dose initiale. Trois réactions d’œdème supérieur à 100 mm ont été rapportées, mais aucun œdème diffus impliquant tout le membre vacciné n’a été observé. L’incidence des autres réactions locales (douleur, rougeur) et des réactions systémiques était similaire à celle rapportée après la dose précédente. L’administration répétée 10 ans après une première dose du vaccin dcaT n’a pas été associée à une augmentation des réactions cliniquement significatives. Selon les auteurs de cette étude, des rappels répétés du vaccin contre la coqueluche seraient nécessaires en raison d’une diminution de l’immunité suite à l’infection naturelle ou à la vaccination.

Une étude réalisée en Finlande a également évalué l’immunogénicité et la sécurité d’une 2e dose de dcaT (Boostrix®) administrée à de jeunes adultes ayant reçu un

dcaT dix ans plus tôt[17]. Des 510 participants à l’étude randomisée initiale, 82 ont accepté de participer à l’étude de l’an 10. Les réactions au site d’injection ont été rapportées par la plupart des participants. La douleur a été rapportée par 94 % des participants, mais seulement trois l’ont qualifiée de sévère. La rougeur et l’œdème suivant la vaccination ont été rapportés par plus de 50 % des participants, mais ces réactions étaient de niveau 3 (≥ 50 mm) pour 17 % et 19 % des participants respectivement. Deux participants ont rapporté un œdème diffus important. La fatigue était la réaction systémique la plus fréquemment rapportée. Les autres réactions signalées étaient principalement observées au site d’injection et incluaient un hématome, de l’induration, du prurit, de la chaleur et des éruptions. Les résultats de cette étude démontrent que le profil de sécurité observé est acceptable auprès de la population adulte étudiée. Les auteurs suggèrent donc de remplacer le dT par le dcaT pour le rappel aux dix ans.

Une autre étude européenne (Pays-Bas, Belgique et Espagne) a évalué l’immunogénicité et la sécurité de la vaccination primaire avec le dcaT (Boostrix®) comparativement au dT[18]. Dans cet essai randomisé, plus de 400 adultes âgés de 40 ans ou plus ont été suivis. Ils n’avaient pas d’antécédent de vaccination dT depuis 20 ans, ou alors leur histoire vaccinale était inconnue. Les participants du premier groupe expérimental recevaient trois doses (0-1-6 mois) de dcaT, alors que ceux du 2e groupe recevaient une dose de dcaT-Polio suivie de deux doses de dT; les sujets du groupe contrôle recevaient trois doses de dT. Il n’y a pas eu d’augmentation d’incidence des réactions locales ou systémiques attendues après chacune des doses. Aucune différence significative n’a été observée entre les réactions locales et systémiques survenues dans les deux groupes expérimentaux et celles observées dans le groupe contrôle. Les auteurs concluent que l’administration répétée du dcaT chez les adultes n’a pas été associée à une augmentation des réactions locales ou systémiques comparativement à des doses répétées de dT.

Enfin, une dernière étude non randomisée réalisée en Allemagne a examiné l’administration d’un rappel de dcaT-Polio (Boostrix©-Polio) chez plus de 400 adolescents, cinq ans après leur dose précédente[19]. Ces jeunes avaient reçu soit un dcaT-Polio ou un dcaT+Polio entre les âges de 4 à 8 ans. La douleur au site d’injection était la réaction la plus fréquemment rapportée après la vaccination. Les réactions systémiques attendues ont été rapportées par moins de 25 % des sujets. Au total, 9 % des sujets du groupe dcaT-Polio et 14 % de ceux du groupe

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dcaT+Polio ont rapporté des réactions locales de niveau 3. Deux cas d’œdème important au site d’injection ont été rapportés. Aucun effet secondaire sévère n’a été signalé au cours de l’étude. Les auteurs concluent qu’une dose de rappel de dcaT-Polio après une vaccination avec dcaT-Polio ou dcat+Polio a été très immunogène et bien tolérée. Les auteurs de cette étude favorisent aussi l’utilisation répétée du Boostrix© Polio chez les adolescents.

Bénéfices possibles associés à l’utilisation du vaccin dcaT en prophylaxie postexposition dans le traitement des plaies

Selon l’enquête nationale sur la vaccination des adultes canadiens en 2010, 41 % des Québécois âgés de 18 ans ou plus disaient avoir reçu le vaccin contre le tétanos au cours des 10 dernières années, et cette vaccination était le plus souvent rapportée par ceux qui avaient eu un traitement pour une plaie comparativement à ceux qui n’en avaient pas eu (76 % contre 29 %)[20]. Dans le cadre de l’enquête québécoise sur la couverture vaccinale contre la grippe saisonnière et le pneumocoque réalisée en 2012, quelques questions sur la vaccination contre le tétanos ont été posées aux personnes âgées de 50 ans ou plus. Le tiers des répondants avait reçu le vaccin contre le tétanos au cours des dix dernières années ou à 50 ans et le fait d’avoir été soigné pour une plaie était significativement associé à une meilleure couverture vaccinale (Dubé Ève, Communication personnelle, 2012). La couverture vaccinale était également plus élevée parmi les répondants qui avaient reçu une recommandation par un professionnel de la santé de se faire vacciner comparativement à ceux qui n’en avaient pas reçue (87 % contre 16 %, (p < 0,0001)).

Ces résultats font ressortir que l’administration de la prophylaxie antitétanique lors du traitement d’une plaie constitue une occasion de mettre à jour le calendrier vaccinal contre le tétanos et la diphtérie, mais aussi contre la coqueluche chez les adultes qui pourraient en bénéficier.

Acceptabilité par les professionnels

Une enquête téléphonique a été réalisée en août 2012 auprès de 24 gestionnaires des 11 CSSS en Montérégie, afin de connaître l’acceptabilité et les aspects pratiques de l’utilisation du vaccin dcaT en prophylaxie postexposition des plaies[21]. Selon les résultats de cette enquête, la majorité des gestionnaires considéraient que l’urgence ou la clinique sans rendez-vous était un bon endroit pour offrir un rappel du vaccin contre la coqueluche. La présence de recommandations claires sur l’administration de ce vaccin était le facteur jugé le plus favorable à l’instauration de cette pratique. De plus, il existerait peu d’obstacles au changement de vaccin. La formation des professionnels sera bien sûr une étape incontournable à l’implantation du changement de vaccin, afin de s’assurer que les recommandations liées à l’utilisation du dcaT chez l’adulte soient bien connues des professionnels œuvrant dans les milieux cliniques concernés.

Aspects opérationnels reliés à ce changement

Le remplacement sur une base régulière du vaccin d2T5 par le dcaT nécessitera malgré tout que les deux vaccins soient disponibles pour l’application de la prophylaxie postexposition, puisque certains adultes pourraient avoir déjà reçu un vaccin contre la coqueluche depuis sa disponibilité en 2004 au Québec. Cette cohabitation pourra produire des erreurs dans l’utilisation des produits administrés dans la mesure où une protection contre la coqueluche ne serait pas requise et qu’un vaccin dcaT serait utilisé. À l’inverse, on pourrait utiliser le vaccin dT au lieu du vaccin dcaT. Une étude américaine menée en Arizona a examiné la conformité dans l’application des recommandations d’utilisation du vaccin dcaT vs dT dans les départements d’urgence lors d’un traitement de plaie[22]. Aux États-Unis, jusqu’à tout récemment, le vaccin dcaT était recommandé uniquement chez les personnes âgées de moins de 65 ans, alors que le dT était recommandé chez celles âgées de 65 ans et plus. La conformité aux recommandations était de 76 % chez les ≥ 65 ans, alors qu’elle était de 68 % chez les moins de 65 ans. On pourrait peut-être s’attendre à un pourcentage de non-conformité de l’ordre de 30 % si les deux vaccins étaient disponibles.

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Aspects liés au coût

Dans l’enquête téléphonique réalisée en Montérégie, les coûts du changement et des vaccins semblaient peu connus des personnes interrogées et ne semblaient pas faire obstacle au changement. Toutefois, les coûts reliés à la formation du personnel ont été cités en tant que barrières potentielles et cet aspect devra être considéré dans la mise en œuvre du changement proposé. Enfin, le remplacement du d2T5 par le dcaT occasionnerait pour le MSSS un différentiel de prix de l’ordre d’environ deux dollars par dose.

Conformité du programme

Les recommandations australiennes et américaines font état de l’utilisation spécifique du vaccin dcaT lors du traitement de plaie à l’urgence. Nous n’avons pas trouvé de recommandations qui mentionnaient l’exclusion de son utilisation dans ce contexte.

Synthèse

La consultation pour le traitement d’une plaie constitue une opportunité de mettre à jour non seulement la vaccination contre la diphtérie et le tétanos, mais également contre la coqueluche. C’est ce que semblent montrer les enquêtes canadiennes de couverture vaccinale chez l’adulte ainsi que les résultats de l’enquête québécoise réalisée en 2012. Si on ne profite pas de cette opportunité de vaccination, on réduit de façon significative notre capacité d’élever la protection contre la coqueluche dans la population adulte. L’administration d’une dose de rappel du dcaT présente un profil de sécurité comparable à celui du dT et l’administration dans un intervalle de 5 ou 10 ans ne semble pas associée à une augmentation cliniquement significative des effets secondaires chez l’adolescent et l’adulte.

Recommandation

Le Comité sur l’immunisation du Québec est favorable à l’utilisation du vaccin dcaT en prophylaxie postexposition lors d’un traitement des plaies en remplacement de l’actuel vaccin d2T5 dans la mesure où la personne à qui il est administré n’a pas déjà reçu une dose d’un vaccin avec le composant coqueluche acellulaire. Chez la personne qui ne connaît pas son statut vaccinal à l’égard de la coqueluche, y compris si elle a reçu ou non un vaccin acellulaire, il est recommandé d’utiliser de préférence le dcaT. Afin de faciliter l’implantation de ce changement de pratique, les professionnels de la santé devront être informés de cette nouvelle recommandation et des arguments scientifiques qui le supportent. Les recommandations actuelles concernant la vaccination des adultes contre la coqueluche ne sont pas modifiées et sont en cours d’examen par un groupe de travail du CIQ.

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Références

1 Ministère de la Santé et des Services sociaux. Protocole d'immunisation du Québec (PIQ). Cinquième édition, [En ligne].

2 De Serres, G. Avis du Comité sur l'immunisation du Québec : Utilisation du vaccin dcaT-Polio au lieu du DCaT-Polio pour la dose de rappel administrée aux enfants de 4-6 ans avant l'entrée scolaire. Québec: Institut national de santé publique du Québec, 2010, 1-6.

http://publications. msss.gouv.qc.ca/acrobat/f/documentation/piq/09-283-02.pdf

3 Agence de la santé publique du Canada. Intervalle dans l'administration des vaccins contre la diphtérie, le tétanos et la coqueluche. RMTC. 2005;31(DCC-8 et 9):17-22.

4 Kretsinger, K., Broder, K. R., Cortese, M. M., Joyce, M. P., Ortega-Sanchez, I., Lee, G. M., et al. Preventing tetanus, diphtheria, and pertussis among adults: use of tetanus toxoid, reduced diphtheria toxoid and acellular pertussis vaccine. MMWR Recomm Rep. 2006;55(RR-17):1-36.

5 Bell, G. C., Foster, S. L. 2010 pertussis outbreak and updated Tdap recommendations. J Am Pharm Assoc. 2011;51(1):118-20.

6 Center for diseases control and prevention. ACIP provisional recommendations for pregnant women on use of tetanus toxoid, reduced diphtheria toxoid and acellular pertussis vaccine (Tdap), [On line]. http://www.cdc.gov/vaccines/recs/provisional/default.htm

7 Institut de Veille Sanitaire. Calendrier des vaccinations et recommandations vaccinales 2009 selon l'avis du Haut conseil de la santé publique. Bulletin Épidémiologique Hebdomadaire. 2009;16-17:147-162.

8 VENICE. Report on First survey of Immunisation Programs in Europe. Venice Work Package No. 3: Venice Project, 2007, 37 p.

9 National Health and Medical Research Council. The Australian Immunisation Handbook 9th Edition 2008. [On line]. http://immunise.health.gov.au/internet/ immunise/publishing.nsf/Content/Handbook-home

10 World Health Organisation. (2010). Immunization summary - A statistical reference containing data through 2008. 197 p.

(Page consulted September 1st, 2010).

11 Halperin, S. A., Smith, B., Russell, M., Hasselback, P., Guasparini, R., Skowronski, D., et al. An adult formulation of a five-component acellular pertussis vaccine combined with diphtheria and tetanus toxoids is safe and immunogenic in adolescents and adults. Vaccine. 2000;18:1312-1319.

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