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VALEUR À RISQUE ET CRÉDIT À RISQUE FINÉCO, volume 14, année 2004 33 VALEUR À RISQUE ET CRÉDIT À RISQUE Jean-Pierre Gueyié (UQAM), Guy Charest (Laval/UQAM), et Francis Mensah, MBA, CFA, CMA 1 Résumé. Depuis deux décennies, la valeur à risque, dite la VaR, est graduellement devenue l’outil clé pour prévoir les pertes plausibles à brève échéance dans le monde du placement. D’abord imposée aux banques via des normes de suffisance de capital, la VaR a essaimé dans la sphère financière. Les auteurs en vulgarisent le concept, les techniques d’estimation et les limites en cause. Ils montrent aussi sa transposition au monde du cr édit sous l’appellation de crédit à risque (CaR). Leur effort se veut pédagogique avant tout et vise donc un lectorat peu initié aux mesures en cause. 1. INTRODUCTION La valeur à risque (VaR) d’un placement se définit par la perte plausible dont le dépassement est peu probable à brève échéance. Dès les années 80, la notion devint accessible grâce surtout au site J.P. Morgan Riskmetrics. L’ouvrage de Jorion (1997) en marqua l’importance. White (1999), au Canada, en donna une vul- garisation succincte au bénéfice des pr aticiens. Récemment, Huynh et al. (2006, chap. 14, 15) apportent leur éclairage, en français, sur la nature et l’utilité du con- cept. Notre souci premier est d’offrir une vulgarisation efficace de la VaR. Rappelons que l’utilisation de la VaR se répandit dans le sillage de désastres financiers majeurs, comme la faillite d’Orange County en 1994 et celle de la Banque Barings en 1995. Dès 1996, le Comité superviseur bancaire de Bâle amende ses normes de suffisance de capital face aux risques subis ou pris par les banques. Il va en réviser le dispositif en 2004. Chaque banque est ainsi amenée à 1 M. Jean-Pierre Gueyié est prof esseur au Département de fina nce de l’École des sciences de la gestion à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). On le joint via gueyie.jean- [email protected]. M. Guy Chares t dirige et édite la Revue Finéco de l’Université Laval et professe à mi-temps à l’UQAM ([email protected]).M. Francis Mensah oeuvre au sein d’une société de la Couronne en plus d’enseigner à temps partiel à l’École Telfer de l’Université d’Ottawa et à l’Université du Québec en Outa ouais. On le joint via [email protected]. N.B.: La sortie retardée du volume 14(2004) a permis d’y inclure le présent article finalisé en 2008.

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VALEUR À RISQUE ET CRÉDIT À RISQUE

FINÉCO, volume 14, année 2004 33

VALEUR À RISQUE ET CRÉDIT À RISQUE

Jean-Pierre Gueyié (UQAM), Guy Charest (Laval/UQAM),et Francis Mensah, MBA, CFA, CMA1

Résumé. Depuis deux décennies, la valeur à risque, dite la VaR, est graduellementdevenue l’outil clé pour prévoir les pertes plausibles à brève échéance dans lemonde du placement. D’abord imposée aux banques via des normes de suffisancede capital, la VaR a essaimé dans la sphè re financière. Les auteurs en vulgarisentle concept, les techniques d’estimation et les limites en cause. Ils montrent aussi satransposition au monde du cr édit sous l’appellation de crédit à risque (CaR). Leureffort se veut pédagogique avant tout et vise donc un lectorat peu initié aux mesuresen cause.

1. INTRODUCTION

La valeur à risque (VaR) d’un placement se définit par la perte plausible dontle dépassement est peu probable à brève échéance. Dès les années 80, la notiondevint accessible grâce surtout au site J.P. Morgan Riskmetrics. L’ouvrage deJorion (1997) en marqua l’importance. White (1999), au Canada, en donna une vul-garisation succincte au bénéfice des pr aticiens. Récemment, Huynh et al. (2006,chap. 14, 15) apportent leur éclairage, en français, sur la nature et l’utilité du con-cept. Notre souci premier est d’offrir une vulgarisation efficace de la VaR.

Rappelons que l’utilisation de la VaR se répandit dans le s illage de désastresfinanciers majeurs, comme la faillite d’Orange County en 1994 et celle de laBanque Barings en 1995. Dès 1996, le Comité superviseur bancaire de Bâleamende ses normes de suffisance de capital face aux risques subis ou pris par lesbanques. Il va en réviser le dispositif en 2004. Chaque banque est ainsi amenée à

1 M. Jean-Pierre Gueyié est prof esseur au Département de fina nce de l’École des sciences dela gestion à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). On le joint via [email protected]. M. Guy Chares t dirige et édite la Revue Finéco de l’Université Laval et professe à mi-temps à l’UQAM ([email protected]). M. Francis Mensah oeuvre au seind’une société de la Couronne en plus d’enseigner à temps partiel à l’École Telfer de l’Universitéd’Ottawa et à l’Université du Québec en Outa ouais. On le joint via [email protected].: La sortie retardée du volume 14(2004) a pe rmis d’y inclure le présent article finaliséen 2008.

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JEAN-PIERRE GUEYIÉ, GUY CHAREST ET FRANCIS MENSAH

estimer le capital réglementaire lié aux risques de marché via la VaR, selon uneméthode préconisée, ou selon sa propre méthode. Une fois répandue chez lesbanques des pays développés, la mesure a essaimé dans la sphère financière. Elleest devenue l’outil clé qui cerne le risque de pertes, dans l’immédiat, des actifsfréquemment transigés.

La VaR, cette perte plausible au dépassement peu probable (à X%) à courtterme, comporte trois éléments: (1) le montant exposé au risque, disons 100 M; (2)le court terme choisi, disons 1 jour; et (3) le seuil de confiance, disons c=95%, d’oùX=5%. Ainsi, pour un portefeuille valant 100 M, une VaR journalière estimée à 1M au seuil de 95% indique que la perte plausible pour le jour qui vient ne devraitpas excéder le million 5 fois sur 100. Retenons bien que sous conditions normaleset à portefeuille fixe, la VaR estimative ne constitue pas la proche perte maximalepossible, car celle constatée après coup risque de lui être supérieure dans X% descas. Retenons aussi que l’estimation classique de la VaR convient pour des actifsliquides en marchés stables, donc homovariables. En cas d’hétérovariance, il fautrendre mobile la variance estimative des facteurs de risque en accordant plus depoids aux mesures récentes via des équations appropriées2.

Un attrait de la VaR classique réside dans sa relative simplicité car elle per-met de chiffrer en un seul montant la perte potentielle en cause. Il importe peu quele portefeuille englobe plusieurs types d’actifs ou soit exposé à plusieurs facteursde risque puisque la VaR synthétise les effets des expositions aux diverses sourcesde fluctuations. Elle permet donc de quantifier et de comparer les pertes plausiblesliées à différents portefeuilles ou positions sans égard à leur composition. Elles’avère un outil clé pour mesurer l’exposition globale d’une entité importante auxrisques les plus divers, pour fixer les limites de risque par région, secteur, ma-nageur, etc., et donc, pour instaurer un système intégré de contrôle des risques.

Le présent et modeste apport se veut pédagogique pour un lectorat quis’éveille au contrôle du risque à court terme en contexte important de placement,institutionnel ou autre. Il se restreint à vulgariser le concept et l’application de laVaR, avec, en prime, sa transposition au domaine du crédit. Ci-dessous, l’onaborde, en succession, les méthodes d’estimation de la VaR (section II) avant desouligner ses limites, ses variantes et diverses notions complémentaires (III). L’onmontre ensuite comment valider les diverses mesures de VaR (IV). Enfin, l’ontraite de sa transposition au risque de crédit (V) avant de conclure (VI).

2 Il s’agit typiquement d’équations, dites GARCH, où l’estimation mobile de l’hétérovariancepour le jour t (ht) dépend tant de l’estimation antérieure (ht-1) que du nouvel apport à la va-riance changeante. Cet apport s’exprime par le carré du choc que constitue la dernière erreurde prévision du rendement. D’où: ht = a+b(Choct-1)2 + c(ht-1).

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II. MÉTHODES D’ESTIMATION DE LA VaR

Pour estimer la VaR, l’on choisit d’ordinaire entre trois méthodes: (1) laDelta Normale où le calcul de la VaR est axé sur une seule mesure de dispersion,l’écart type; (2) la simulation historique où la répartition des variations dues au ris-que dans le passé récent sert à prédire la répartition dans le proche avenir; et (3) lasimulation Monte Carlo où la répartition des variations prochaines s’obtient en si-mulant à répétition l’effet possible du risque via un processus à tirage aléatoire.

a. La méthode Delta Normale

Outre son fondement sur la dispersion observée dans les valeurs changeantes

du portefeuille, la méthode présuppose la normalité de sorte que la moyenne

et l’écart type des variations suffisent à leur description. D’où, en cas de place-ment à hauteur P en actions au rendement aléatoire supposé normal, l’écart typemesurant le jeu du seul risque jouant sur un jour, l’estimation de la VaR s’expri-mera par:

(1)

où α chiffre le seuil de confiance, en écarts types. D’ordinaire, et s’estiment àl’aide d’une suite récente de rendements. S’agissant d’un horizon quotidien, donc

très court, l’on pose souvent que =0, de sorte que:

(2)

Par exemple, avec un placement de 1M le 2 janvier 2008 en actions Bombar-dier, la VaR, donc la perte peu probable de dépasssement en un jour au seuil deconfiance de 95% (α = 1,645), se chiffre comme suit:

VaR = 1 M (0,00163 - 1,645 x 0,02469) = -38 985, ou -40 615, selon l’équation (1) ou (2).

Ici les paramètres estimatifs pour Bombardier sont tirés du site Yahoo Finance pourles 252 jours ouvrables de l’année 2007. Bien sûr, plusieurs facteurs de risque peu-vent jouer simultanément. Ainsi, la valeur pour un Canadien d’une obligationlibellée en euros va varier tant selon les n taux d’intérêt correspondant aux n termesdes rentrées prévues que selon le taux de change $CAN/Euro. De même, sa richesseen actions américaines fluctue avec les cours en bourse US et le taux de change$CAN/$US.

μ̂( )

σ̂( )

VaR P μ̂ ασ̂–( )=

μ̂ σ̂

μ̂

VaR P ασ̂( )–=

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S’agissant d’une obligation valant P, une faible variation dans l’immédiat dutaux d’intérêt (Δy) influera sur P (quasiment) en proportion du temps pondéré deremboursement, appelé la durée D de l’obligation. Or, D se confond avec l’élasti-cité de P relative au facteur d’escompte (1+y), soit:

D = -[ΔP/P)/(Δy/(1+y)] ou, en version modifiée Dm = -(ΔP/P)/Δy)

car si Δy est très faible Δy/(1+y) tend vers Δy. La variation ΔP s’exprime donc com-modément par ΔP -DmPΔy, grâce au concept de durée qui trouve ici l’une de sesnombreuses applications en traitement du risque (Fooladi et Roberts, 1997). Pourtransformer ΔP en VaR estimative, il suffit, sachant que Δy se disperse autour de 0

selon l’écart type , de poser que la hausse Δy pouvant causer la perte plausible au

seuil de confiance choisi égale α fois l’écart type en cause, soit Δy = . Par

exemple, si l’obligation vaut P = 236 382 $, sachant que Dm = 10 ans, = 0,11%par jour et α=1,645 au seuil de 95%, alors:

VaR = -Dm PΔy = -10(236 382)(1,645)(0,0011)= -4 277 $.

C’est la perte qu’il est peu probable (à 5%) de dépasser demain. Nous taisons ici leproblème des n rentrées de l’obligation à coupons périodiques. En principe, àchaque rentrée correspondent une échéance t, un yt donné dans la structure courantedes taux, une durée classique Dt non modifiée (Dt = t pour un flux unique) et doncune VaR particulière, soit VaR = -Dt (Valeurt)Δyt, de sorte que la VaR globale del’obligation intégrerait n VaR particulières présentant diverses corrélations. Leproblème s’avère du genre traité plus loin où l’on mesure la VaR en présence de nfacteurs de risque.

En pratique, toutefois, si l’on suppose des taux yt(=y) uniformes, alors uneobligation à multiples rentrées valant P et promettant y% équivaut, dans sa sensi-bilité à y, à une obligation de même valeur, à rentrée unique au temps D, égaleà P(1+y)D. D’où, si l’obligation ci-dessus comporte 39 coupons semestriels de8 000 $, le 1er arrivant à t=0,4 semestre et le dernier, coïncidant avec la rentrée ter-minale de 200 000 $, à t = 39,4, le taux semestriel effectif étant 3,24% (ou y =6,5850% l’an), alors leur actualisation à 3,24% donne bien P = 236 382 $ et la durées’établit à D = 21,33 semestres ou 10,66 ans. Il s’ensuit alors que Dm = 10,66/(1+y)= 10,66/1,065850 = 10 ans et que VaR =...= -4 277 $. Notons que si l’on utilise sou-vent Dm plutôt que D, l’avantage n’a rien d’évident. Notons aussi que Fooladi etRoberts (1997, p. 2-7, 27-32) vulgarisent les diverses façons d’estimer les duréesobligataires.

σ̂

ασ̂

σ̂

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Dans la même veine, s’agissant d’une action valant P en portefeuille diversi-fié, seul devrait jouer son risque β relatif au mouvement du marché (Δrm), d’où unjeu de βΔrm. Si à très court terme Δrm s’avère en moyenne indistinct de 0% avec

écart type normal de , alors une variation plausible de -Δrm = -α au seuil

choisi signifie que P baissera (en %) de -βΔrm = -β , d’où l’expression de la

VaR = - Pβα .

Situations à plusieurs facteurs

Advenant que n facteurs de risque jouent sur un placement P, l’on peut englobaliser la VaR par sommation appropriée, comme s’il s’agissait du risque d’unportefeuille (σp) nullement diversifié (donc aux corrélations unitaires: ρij=1), oudiversifé (donc ρij<1). D’où, si l’on part de l’écart type du rendement du porte-feuille, soit:

, i,j=1,...,n.

l’on a par transposition, si xi = xj=1:

. VaR globale hors diversification = VaRhd = VaR1 + VaR2 +...+VaRn , (3)

ce qui constitue d’ordinaire une surestimation (prudence oblige); et,

. VaR globale avec diversification = VaRad = - . (4)

Appliquons (3) et (4) avec deux facteurs. Soit un Canadien qui en débutd’année A au jour t convertit P = 1 M $CAN en autant de $US (supposons 1 commetaux de change) pour acheter des actions de l’américaine XYZ. Calculons la VaRglobale d’un jour, de t à t+1, au seuil de 95% (α = 1,645) sachant P soumis aux ris-ques de marché et de change. Or, les variations quotidiennes des cours boursiers etdu taux de change en cause pour l’année A-1 s’avèrent indistincts de 0% en mo-

yenne, avec des écarts types respectifs de =1,2767% et de =0,5577%, la cor-rélation étant estimée à ρ1,2 = -0,055041. D’où, avec de telles données, une VaRglobale d’un jour se chiffrant comme suit:

σ̂m σ̂m

ασ̂m

σ̂m

σp xi∑∑ xjρijσiσj[ ]0 5,

=

∑∑ ρijVaRiVaRj[ ]0 5,

σ̂1 σ̂2

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. Hors diversification selon (3) où ρ1,2 = 1:

VaRhd = VaR1 + VaR2 = -

= -[1,645(1 M $)(0,012767)+(1,645)(1 M $)(0,005577)]=-[21 102+9 174]= -30 176 $.

. Avec diversification selon (4) où ρ1,2 = -0,0550:

VaRad = -[ + 2ρ12 VaR1 VaR2 + ]0,5

= -[(21 002)2 + 2(-0,0550)(21 102)(9 174)+(9 174)2]0,5 = -22 451 $,

soit une VaR globale d’un quart inférieure à la première estimation prudente de-30 176 $. À noter aussi que cette prudence se double d’une autre vertu, la simpli-cité des calculs3.

b. La simulation historique

L’estimation de la VaR via simulation historique présuppose que le passé sereproduit sur l’horizon choisi et s’appuie donc sur les données historiques des fac-teurs de risque pour cerner leur distribution anticipée.

Par exemple, admettons qu’on estime la VaR sur 24 heures, au jour t=0, d’unplacement en actions Bombardier au seuil de 95%. Alors la démarche typique vacomme suit:

1) établir la valeur marchande du placement (disons P = 1 M $);

2) définir la plage des données historiques (disons les derniers 504 joursouvrables ou 2 ans);

3) obtenir les données et calculer leurs variations (en %) pour chaque facteur derisque; ici le seul risque vient de la fluctuation du cours de l’action et s’exprimepar le vecteur des 504 rendements quotidiens observés (rt: t = -504,...,-1);

4) appliquer chaque rt au P courant, d’où l’obtention ici d’un vecteur de 504 mon-tants de gains ou pertes [rtP: t= -504, -503,..., -1] susceptibles de se reproduire,par hypothèses, chacun avec la fréquence 1/504;

3 Les données de base proviennent du site Yahoo Finance pour les cours boursiers et du fi-chier de la Federal Reserve Bank of San Francisco pour les taux de change.

αPσ̂1 αPσ̂2+[ ]

VaR12 VaR2

2

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5) ordonner les montants à partir du plus négatif; disons que cela donne:[1: -166 830; 2: -64 540; 3: -62 340;...; 25: -46 350; 26: -40 220; ....]; et,

(6) prendre comme VaR le montant se trouvant au seuil choisi; s’il est à 95%, alorsseulement 25 pertes, ou 5% des 504 montants équiprobables, dépassent la 26e

perte (-40 220) constituant la valeur-seuil. D’où, dans notre exemple:

VaR sur 1 jour = -40 220 $.

Dans le cas où plus d’un facteur, disons 2, ayant niveaux X et Y au jour t=0,jouent sur P, alors on établit les 2 vecteurs des 504 plus récentes variations quoti-diennes [xt%, yt%: t = -504, -503,..., -1]. Puis, l’on obtient 504 paires de niveauxplausibles pour X et Y dans un jour: [X(1+xt), Y(1+yt): t = -504,..., -1]. L’on insèreensuite ces niveaux dans la relation P=f(X,Y) disponible pour obtenir 504 valeursde P plausibles dans un jour et les ΔP correspondantes, avant d’ordonner celles-cià partir de la plus négative. Avec la 26e valeur (car 0,05*504 = 25,2), l’on obtientla VaR en cause au seuil de 95%.

Pour estimer la VaR via simulation historique, le lecteur trouvera des exem-ples plus élaborés dans divers manuels (Smithson, 1998, chap. 19; Saunders etThomas, 2001, chap. 11; etc.).

c. La simulation Monte Carlo

En simulation historique, la répartition récemment observée dans les varia-tions dues au risque sert à prédire leur évolution à brève échéance et du même coup,la VaR. Avec la Monte Carlo, la répartition s’obtient en simulant à répétition l’effetpossible du risque à brève échéance via un processus à tirage aléatoire. Cetteapproche dite stochastique s’adapte à un éventail élargi d’actifs, options comprises.Le processus typique marie une dérive (ou tendance stable) et un aléa. Dans unedémarche typique, on estime d’abord la valeur courante du placement et lesparamètres de sa variation due au risque; puis on génère n variations possibles, enautant de simulations, pour le même horizon court; il reste à les ordonner à partirde la pire perte, avant d’égaler la VaR à celle se trouvant au seuil choisi.

Par exemple, estimons la VaR sur l’horizon d’un jour boursier, au seuil de99%, pour un placement couramment évalué à V0 = 5 192 000 $, soit 220 000actions cotées à p0 = 23,60 $ dont on estime le rendement (annualisé) à 10% enmoyenne avec écart type de 30%. Sont prévues 1000 simulations. Ici l’on supposeun seul facteur de risque, p, qui subit un mouvement brownien géométrique et dontla variation en pourcentage (Δp/p0) se répartit lognormalement de sorte que:

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JEAN-PIERRE GUEYIÉ, GUY CHAREST ET FRANCIS MENSAH

ln[(p0+Δp)/p0] = ln(pt/p0) = ( ,

ce qui revient à exprimer plus commodément le prix possible de l’action par:

pt = p0 exp [( ] (5)

où l’horizon d’un jour boursier Δt = t-0 = 0,004 année ( 1/250), = 10%, =30%

et symbolise la variable normale centrée réduite à variance unitaire dont on tireune valeur au hasard à chaque simulation. Comme p0 = 23,60 $, il s’ensuit que

pt = 23,60 $ exp(0,000220 + 0,018974 ). Avec 1000 tirages de , on obtient 1000prix possibles, d’où des gains ou pertes de Vt - V0 = 220 000 (pt - p0). Les ayantordonnés à partir du pire cas de perte, l’on a les résultats décisifs suivants parmi les“onze pires simulations” sur 1000:

Donc, pour le jour boursier qui vient, la VaR, au seuil de 99%, s’établit àenviron -197 000 $ pour le placement (ou 0,90 $ par action), soit une variation de-3,79%, car pire cas ne s’avère probable qu’à 1% (10 fois sur 1000).

Bien sûr, si le placement est hétérogène et donc soumis à plusieurs aléasimparfaitement corrélés, l’on peut via simulations en calculer la VaR diminuée quid’ordinaire, mais pas toujours, en résulte et apprécier, le cas échéant, un certaineffet de diversification. Il existe des méthodes, plutôt laborieuses, pour établir lescorrélations et intégrer les composantes de la VaR, la plus répandue faisant appel àla décomposition de Cholesky. Celle-ci consiste à décomposer la matrice des cova-riances de telle sorte que les corrélations entre variables simulées se confondentavec celles observées empiriquement entre les variations liées aux multiples fac-teurs de risque en cause. Nous y revenons en fin de IIIa.

#1 #3 #5 #9 #10 #11

-2,75 -2,65 -2,56 -2,09 -2,05 -1,97

pt 22,41 22,45 22,49 22,69 22,7047 22,74

Δp=pt - p0 -1,19 -1,15 -1,11 -0,91 -0,8953 -0,86

*ΔV=Vt - V0 -262875 -253514 -245073 -200762 -196972 -189385

Δp/p0 = Δp/23,60 -5,06% -4,89% -4,72% -3,87% -3,79% -3,65%

*La moyenne arithmétique arrondie des 10 pires pertes est de -235 000 $. Elle correspond à la perte outre-seuil attendue (la POSA), soit une mesure de perte extrême moyenne à envisager. Elle constitue une mesure plus prudente que la VaR en cause ici (= -197 000 $). Nous revenons sur la POSA en III.b.

μ̂ 0 5σ̂2

), Δt– σ̂ε̂ Δt+

μ̂ 0 5σ̂2

), Δt– σε̂ Δt+

≈ μ̂ σ̂

ε̂

ε̂ ε̂

ε̂

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III. VaR: FAIBLESSES ET COMPLÉMENTS

a. Faiblesses inhérentes à sa mesure

La VaR se veut une mesure du risque auquel s’expose une entité à brèveéchéance du fait de sa, ou de ses, positions financières (c’est-à-dire ses engage-ments non couverts). Certains regrettent qu’elle fasse fi d’une ample informationen décrivant le risque par un seul chiffre. Mais Artzner et al. (1999) jugent cettesimplicité conforme à la nature binaire (oui/non) de la prise de risque, voire à lafinalité même de mesurer le risque simplement. Toutefois, Artzner et al. luireprochent un manque de cohérence.

Selon eux, et selon Hull (2006) qui leur donne raison, une mesure cohérentede risque respecte quatre propriétés:

(1) L’invariance (ou la constance) dans l’effet: tout montant sûr S venant modifieren plus, ou moins, une position donnée baisse ou accroît d’autant le montant àrisque, donc de S.

(2) L’homogénéité: le multiple positif m d’une position donnée multiplie le risquepar m.

(3) La monotonicité: si la position X rapporte moins que Y en tout état du monde,elle est plus risquée puisque plus susceptible de rendements inférieurs.

(4) La sous-additivité: la mesure du risque de positions groupées ne dépasse pas lasomme des risques particuliers; en d’autres mots, le groupement n’ajoute pasau risque.

Selon Artzner et al. (1999), la VaR manque de cohérence vu qu’elle ne pos-sède pas la propriété de sous-additivité. À noter que Garcia et al. (2007) enconviennent mais en atténuent l’importance4. Quoi qu’il en soit, un exempled’incohérence inspiré de Hull (2006, p. 49), mais distinct, va comme suit:

4 Garcia et al. (2007) reconnaissent avec Artzner et al. (1999) que la VaR peut être une mesureincohérente. Ils estiment toutefois qu’elle résulte d’un manque d’information dans le con-texte de gestion décentralisée où ils se situent. Cependant, ce manque serait corrigible desorte qu’avec une direction manageuriale amplement informée, l’incohérence en cause se-rait hautement improbable et donc l’exception plutôt que la règle.

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(1) Soit un prêt A de 100 promettant 110 à l’échéance, avec défaut probable à1,25% et, dans ce cas, même probabilité de récupération pour chaque trancheégale de principal. Par exemple, en cas de défaut, il y a 80% des chances quela perte de principal, P, dépasse 20 et 40% que P dépasse 60, d’où des proba-bilités inconditionnelles corespondantes de 1% (=1,25% x 80%) et de 0,5%.Puisqu’au seuil de 99%, il est probable à 1% que la perte dépasse 20, on a doncVaR(A)= 20.

(2) Soit un prêt B pareil à A mais indépendant, d’où VaR(B)= 20, de sorte que lasomme des VaR prises isolément s’établit à VaR(A)+VaR(B)= 40.

(3) Supposons, pour simplifier, qu’un seul prêt peut faire défaut lorsque les deuxsont groupés en portefeuille. Il demeure qu’un défaut en son sein devient pro-bable à 2,5% (=2 x 1,25%) tandis qu’en cas de défaut unique possible, il estprobable à 40% que la perte dépasse 60. D’où une probabilité inconditionnellede 1% (=2,5% x 40%) que P dépasse 60 pour l’un des deux prêts. Mais l’autrefaisant un gain de 110-100=10, il devient donc probable à 1% que la perte duportefeuille dépasse (60-10=) 50. Ainsi, VaR(A+B)= 50 > 40. C’est une preuveque le groupement ne produit pas toujours un effet réducteur sur la VaR, d’oùle manque de cohérence de cette mesure.

NB: Si l’unique défaillance possible survient pour disons A, alors la résultante pourle portefeuille se répartit uniformément entre un gain de 10 (issu de B) et uneperte maximale de 90 (issue d’une perte totale de 100 pour A diminuée de 10,le gain de B). Comme la VaR (A+B) au seuil de 99% correspond à une pertede 50, alors la perte outre-seuil attendue égale la moyenne entre 90 et 50, soitP0SA(A+B)= 70. S’agissant de A ou de B pris isolément, la POSA se situeraà mi-chemin entre la perte maximale de 100 et la VaR de 20, d’où POSA = 60.La mesure de POSA serait cohérente ici car son niveau en portefeuille, soitPOSA(A+B)= 50 < [POSA(A)+POSA(B) = 2*60 = 120]. Il y a sous-additivité.

Par ailleurs, vu l’hypothèse de normalité sous-jacente, en adoptant la mé-thode Delta Normale, on laisse croire que seuls la moyenne et l’écart type des va-riations dues au risque conviennent pour mesurer la VaR. Or, leur anormalité (uncoefficient d’asymétrie qui diffère de zéro, ou d’aplatissement s’éloignant de 3)pose problème pour la VaR (Hull et White, 1998).

De plus, on peut critiquer la VaR issue de simulations historiques car, en pro-jetant le passé dans l’avenir, elle fait peu de cas de l’instabilité notoire des marchésavec leurs corrélations et volatilités changeantes.

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Enfin, si la simulation Monte Carlo constitue un raffinement, elle se nourritaussi de paramètres issus du passé, en plus de dépendre du processus générateur desvariations simulées, cette dépendance étant un risque de plus. Paradoxalement, plusla mesure de la VaR exige de discrétion de l’applicateur, plus elle risque d’êtreimprécise car les erreurs s’additionnent. Toutefois, n’oublions pas, d’une part, quela grosse erreur d’une méthode primaire peut dépasser la somme de petites erreursd’une méthode raffinée. D’autre part, du fait que les méthodes concurrentes puisenttoutes dans le même passé récent pour chiffrer les paramètres clés, elles tendent àdonner des VaR semblables. Mais une méthode devient plus attrayante si elle seprête bien aux tests limites5 et aux analyses de sensibilité, ce en quoi la simulationMonte Carlo s’avère supérieure. D’où, si l’on s’en tient à une méthode, il vautmieux miser sur une estimation de la VaR de type Monte Carlo. Smithson (1998,p. 471) en convient après sa revue de plusieurs recherches à teneur comparative.

Notons ici les lourds calculs inhérents aux simulations Monte Carlo dès quejouent n facteurs de risque corrélés et les solutions numériques astucieuses qui lesrendent praticables. La solution classique fait appel à la décomposition deCholesky qui permet de générer par algorithme les n aléas corrélés (ε1, ε2, ..., εn),chacun étant réparti normalement N(0,1) mais à covariances égales aux corréla-tions en cause [E(εiεj) = ρij]. François (2005, p. 216-217) illustre cette solutionitérative. L’encyclopédie Wikipedia en résume la nature et l’utilité, avec quelquesréférences pointues (en.wikipedia.org/wiki/Cholesky-decomposition).

b. Variantes ou corrections

. La perte outre-seuil attendue (POSA)

L’on sait qu’en groupant des positions, il n’en résulte pas toujours un effetréducteur sur la VaR. D’où son manque de cohérence. Au surplus, la VaR étant li-mitée par le seuil choisi, elle ne renseigne pas sur les plus grandes pertes possiblesoutre-seuil. Selon ce que rapportaient Jeffery et Chen (2006) toutefois, il n’arrive àpeu près jamais que les banques subissent des pertes qui dépassent leur “VaR”.Mais c’était avant les désastres bancaires de 2007 et 2008. La VaR demeure néan-moins une mesure archi-répandue, d’ailleurs imposée à l’externe par lesrégulateurs. Mais, à l’interne, selon Hull (2006), l’on tend à calculer en parallèleune variante qui s’avère à la fois cohérente et plus réaliste, car axée sur la possibilité

5 NDLR: Nous adoptons tests limites pour exprimer stress testing. Ces tests visent d’ordinaireà découvrir comment les mesures et modèles réagissent face à l’éventualité de marchés for-tement ébranlés où les corrélations entre facteurs de risque changent radicalement. Lesbanques sont d’ailleurs tenues de pratiquer de tels tests. Se peut-il que ces tests ne les aientpas averties de la débâcle immobilière dont elles ne cessent de souffrir encore en 2008?

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bien réelle de plus grandes pertes. Il s’agit de la perte outre-seuil attendue [POSA]6.Son calcul est simple:

Prenons exemple de la section II.c où les dix pires pertes (donc 1% de 1 000 résul-tats de simulations) ont comme moyenne -235 000 $. Il s’agit donc de la POSA auseuil de 99%, et d’une perte accentuée de -38 000 $ par rapport à la VaR de-197 000 $. Ainsi, tandis que la VaR signale la perte qu’il est peu probable dedépasser à brève échéance, la POSA estime la perte extrême moyenne envisageableen situations outre-seuil minimalement probables. Contrairement à la VaR, laPOSA est une mesure cohérente car la POSA d’un portefeuille à plusieurs com-posantes s’avère inférieure à la somme des POSA des composantes. Un exemplechiffré de la cohérence de la POSA accompagne la démonstration, faite en IIIa, quela VaR est, quant à elle, une mesure incohérente.

. Correction via l’expansion de Cornish et Fisher (ECF; 1937)

Quoique l’ECF date de 1937, sa transposition en fin de siècle aux besoins despraticiens de la VaR allait de soi, en particulier pour leur méthode Delta Normale.C’est que l’ECF permet d’estimer, à partir des premiers cumulants ki observés pour

une variable, le quantile corrigé correspondant au quantile “normal” α de larépartition centrée-réduite N(0,1). Par exemple, si la répartition observée est pluspointue que normale, alors à un α normal de -1,645 écart type et une probabilité dedépassement à gauche de 5% correspondra un plus rapproché du centre, vu quela probabilité d’occurrence s’y trouve anormalement concentrée. Notons la parentédes cumulants7 avec les paramètres classiques: k1 = Moyenne = μ1; k2 = Variance

= μ2 = σ2; k3 = Coefficient d’asymétrie = μ3; k4 = Anormalité d’aplatissement =

6 NDLR: la perte outre-seuil attendue (POSA) équivaut à “expected tail loss” ou “expectedshort fall” (Hull, 2006). Notre appellation française nous semble d’ailleurs supérieure dufait qu’elle évoque explicitement le seuil en cause dans cette mesure.

7 Les cumulants s’apparentent aux fonctions caractéristiques et aux moments usuels. VoirEvans et al. (1993) pour les liens.

POSA = Moyenne arithmétique des pertes

supérieures à la VaR obtenuesavec le modèle utilisé au seuil convenu⎩ ⎭

⎪ ⎪⎨ ⎬⎪ ⎪⎧ ⎫

α'

α'

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(Coefficient d’aplatissement μ4) = μ4 - 3(σ2)2, d’où k4 = μ4-3 si μ2 = 1;

k5 = μ5 - 10μ3μ2; etc. En général, pour cerner il suffira de fixer α et d’estimerles ki jusqu’à k4. Chiffrons un exemple pour un quantile normal de α = -1,645 avecdes estimations d’asymétrie k3 = 0,2 et d’aplatissement anormal k4 = 1,2, sachantque l’ECF “approxime” l’alpha empirique correspondant comme suit:

+ (1/6)(α2-1) k3 + (1/24) (α3 - 3α)k4 - (1/36)(2α3 - 5α) +...

- 1,6450 + 0,0569 + 0,0242 + 0,0008 = -1,5632

Ici, le seuil de 95% se trouve poussé de α = - 1,6450 à = - 1,5632, de sorte quel’équation (2) de la méthode Delta normale devient, si l’on prend α en valeurabsolue:

VaR = - P ( ) plutôt que VaR = - P ( )Dans l’exemple donné juste après (2), cela signifie:

VaR = - 1 000 000 (1,5632*0,02469) = - 38 595 $

plutôt que VaR = - 40 615 $ avec α = 1,6450, d’où une correction de - 2 020 $ oude - 5% de la VaR.

. La VaR avec volatilité conditionnelle

La méthode Delta Normale présuppose que le jeu des facteurs de risque est àvariance constante. S’il y a hétérovariance (ht), alors il vaut mieux estimer la VaRen faisant évoluer les variances selon divers modèles autorégressifs appropriés, detype GARCH par exemple, issus des travaux fondateurs d’Engle (1982) et de Bol-lerslev (1986). La variante GARCH (1,1) classique fait dépendre la variancechangeante (l’hétérovariance ht) de son niveau antérieur, ht-1 et du dernier choc, ouerreur de prévision au carré, comme suit:

ht = ω + c(ε2t-1) + d(ht-1)

où ω représente le paramètre de variance inconditionnelle. Quant à Glosten et al.(1993), il ajoute une composante d’asymétrie:

où γ capte l’asymétrie, celle-ci étant mesurée en mode binaire: I- = 1 si le dernierchoc εt-1 (ou erreur) est négatif et 0 autrement.

3μ22–

α'

α' α≈ k32

α'

α'σ̂ ασ̂

ht = ω c εt 1–2( ) d ht 1–( ) γI -εt 1–

2+ + +

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Avec les modèles qui précèdent les estimations d’écart type entrant dans les

équations de la VaR évoluent constamment , ce qui est souhaitable ensoi vu les soubresauts de volatilité que connaît le marché.

. Variantes de la simulation historique

La simulation historique présuppose un passé garant de l’avenir.L’hypothèse devient une carence en périodes de mutation, et d’autant plus quelaVaR se veut prospective. Barone-Adesi et al. (2000) proposent d’estimer les VaRvia simulations historiques avec filtres. Ceux-ci permettent d’ajuster les rende-ments empiriques entrant dans la simulation. La méthode est lourde. Des ajuste-ments moins raffinés sont possibles via la simulation dite pondérée qui accordemoins de poids aux observations moins récentes. Également, via la simulationempirique, dite bootstrap. Celle-ci génère un grand nombre d’échantillons (disonsn) par tirage, avec remise, dans une même longue suite d’observations. L’on cal-cule une VaR par échantillon selon la méthode de simulation historique. La VaRretenue égale la moyenne des n estimations de VaR.

IV. VALIDATION DES ESTIMATIONS DE VaR

Les règles dites de Bâle veulent que les banques estiment leur VaR à leurfaçon ou via une méthode préconisée. La plupart s’en tiennent à leur propremodèle, d’où l’ajout du risque de modélisation (la VaR nourrie des mêmes donnéeschange selon le modèle). D’où aussi la nécessité pour toute banque de valider, doncde garantir, au fil de son expérience la fiabilité de ses mesures de VaR par des testsrétroactifs (le back testing). Par exemple, les VaR successives issues d’un modèledeviendraient suspectes si les grandes pertes outre-seuil observées s’avéraient tropfréquentes. Voyons quelques tests de validation, ceux de Kupiec (1995), de Christ-offersen (1993) et de Lopez (1999).

. Kupiec (1995). Ses deux tests visent à valider les modèles de VaR d’après le délaide première exception (DÉLAI 1) ou la proportion des exceptions (PROPEX).L’exception survient si la perte observée se trouve outre-seuil, et donc dépasse laVaR établie via modèle.

. DÉLAI 1. Si symbolise le délai aléatoire englobant le jour v de premièreexception et p la probabilité constante qu’une exception survienne en tout jour,alors la probabilité d’observer la première exception s’exprime par:

σ̂t ht0 5,=( )

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Ici se répartit géométriquement8 avec moyenne égale à 1/p. D’où si p = 0,05, ledélai moyen égale 20 jours. En généralisant, le test de l’hypothèse nulle voulant quela probabilité théorique p* (=1 - Seuil de confiance convenu) ne diffère pas de 1/vs’effectue via le ratio de vraisemblance (RV) suivant:

RV(DÉLAI 1) = -2 ln{p*(1-p*)v-1/[v-1(1-v-1)v-1]}.

Or RV obéit à la loi du khi-carré avec un degré de liberté et l’hypothèse est rejetéesi RV dépasse le seuil critique de la table pertinente.

. PROPEX. Avec ce test, l’on vérifie que la proportion x/n des exceptions, oupertes outre-seuil, observées dans la suite de n VaR prédites ne diffère pas del’attente théorique, disons p*. Kupiec suppose que les exceptions se répartissentbinomialement. Le test exige de calculer le ratio de vraisemblance suivant:

RV(PROPEX) = - 2 ln {(p*)x(1-p*)n-x/[(x/n)x[1-(x/n)]n-x]}.

Si le RV, qui suit une loi du khi-carré, dépasse le seuil critique de la table, alors onrejette l’hypothèse nulle.

. Christoffersen (1998). Ses trois tests se basent sur: la couverture inconditionnelle(CI), l’indépendance des exceptions (IE) et la couverture conditionnelle (CC).

. CI. Ce test ne diffère du test sur la proportion d’exceptions (PROPEX) de Kupiec(1995) que par les symboles utilisés. Passons outre.

. IE. Ce test veut qu’en absence d’indépendance l’on observe des grappes d’excep-tions. Pour procéder, on recourt à une variable binaire It(α) égale à 1 (ou 0autrement) si la réalisation Rt s’avère une exception par rapport à la prédiction deVaR. Le test exige d’établir la matrice des fréquences observées pour toutes lessuccessions de deux jours {t-1, t} avec 4 cas possibles, soit (It-1=0; It=0), (0;1),(1;0) et (1;1) dont les nombres respectifs sont n00, n01, n10 et n11. Par exemple, sil’on observe dix-sept I=1 ou 0 comme suit, 10011100010110001, avec seize suc-cessions de deux jours possibles, l’on aura la matrice suivante:

8 Pour un rappel condensé des propriétés de quelque 40 répartitions, y compris lagéométrique, lire Evans et al. (1993).

Prob T̃ v=[ ] p 1 p–( )v 1–=

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(n00 = 5) + (n10 = 4), d’où n0 = 9 cas liés à la normalité

(n01 = 4) + (n11 = 3), d’où n1 = 7 cas liés aux exceptions

[(n00 + n01) = 9] + [(n10 + n11) = 7], d’où n = 16 cas au total

où n00 donne le nombre de successions normales de 2 jours, n01 le nombre d’inter-ruptions de la normalité; n10 le nombre de retours à la normalité, n11 le nombred’exceptions répétées et n le nombre total de successions possibles. Sousl’hypothèse d’indépendance des exceptions, la fonction de vraisemblance

s’exprime par avec π1=n1/n comme proportion des cas liésaux exceptions. Sous l’hypothèse alternative de dépendance l’on a:

où π01 = n01/(n00+ n01) et π11 = n11/(n10 + n11). Pour réaliser le test d’indépen-dance, l’on recourt au ratio de vraisemblance, soit RV(IE) = 2 ln(La/L0), qui obéit,pourvu que n soit élevé, à la loi du khi-carré avec 1 degré de liberté. Pour illustrer,pratiquons le test même si n n’est que de 16. Ainsi, ayant établi que π1 = 7/16, π01= 4/9, etc., on obtient L0 = 1,0157E-8, La = 1,7331E-5 et RV(IE) = 2 ln(La/L0) =

14,88 . Or cette valeur dépasse largement la valeur critique de la loi au seuilde 99%, soit 6,63. D’où le rejet de l’hypothèse d’indépendance. Ce rejet n’étonnepas vu que, dans la courte suite de successions de 2 jours en cause, l’on observe uneproportion élevée (7/16) de cas liés aux exceptions, celles-ci comprenant d’ailleurs2 grappes (l’une de 3, l’autre de 2).

. IC. Ce test d’indépendance conditionnelle vérifie simultanément s’il y a indépen-dance des exceptions et si leur proportion se conforme aux attentes, ce qui revientà combiner les tests CI et IE. D’où un ratio de vraisemblance additif, soit:RV(IC) = RV(CI) + RV(IE) qui obéit à la loi du khi-carré à 2 degrés de liberté.L’hypothèse nulle est rejetée si le ratio dépasse le seuil critique en cause.

. LOPEZ (1999). Notons que les tests ci-dessus ne renseignent pas sur la doubledimension de fréquence et d’ampleur des pertes outre-seuil (POS), donc extrêmes,par rapport à la VaR alors que le Comité superviseur de Bâle en fait grand cas. Or,Lopez en tient compte avec sa fonction de perte (FP) s’exprimant comme suit:

L0 1 π1–( )n0π1

n1=

La 1 π01–( )n00 π01( )

n01 1 π11–( )n10 π11( )

n11=

χ12∼

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Ici la fonction de perte ne sert pas à un test d’hypothèse. Elle permet plutôt d’attri-buer un score au modèle en sommant la suite des FPt. Du même coup, elle s’avèreutile pour comparer les résultats des modèles de VaR dans le temps et entre insti-tutions. D’autres auteurs, dont Berkowitz (1999), ont oeuvré dans le même sens.

V. RISQUE DE CRÉDIT ET CRÉDIT À RISQUE (CaR)

De la VaR classique des années 80 à la valeur mise à risque par les créditsaccordés, dite crédit à risque ou CaR ci-dessous (et Credit Value at Risk ou CVaRen américain), la transposition allait de soi. Dans les années 90, les régulateurs ontexigé des banques qu’elles cernent mieux leurs risques de crédit et qu’elles lesreflètent dans un ajout à leur capital, et cela en dépit de mesures disponibles plutôtsimplistes (Hull et White, 1999, p. 195). Mais les raffinements de la CaR n’ont pastardé. Il ne s’agit plus tellement de pertes attendues sur le crédit accordé. Celles-ci,on les provisionne depuis toujours en fonction de probabilités stables bien connues.Il s’agit plutôt d’estimer la répartition des pertes inattendues issues, par exemple,de chocs indésirables au niveau des emprunteurs (comme une décote subite decrédit) ou de conjonctures perverses (comme une bulle de crédit qui éclate, ouencore, une flambée dans les taux d’intérêt et, par ricochet, dans les corrélationsentre entités défaillantes). L’importance cruciale du crédit dans l’économie con-juguée aux progrès en mathématiques du risque ont déjà suscité une panoplie deméthodes pour cerner le risque de crédit. Ces méthodes ont déjà fait l’objet de plu-sieurs évaluations comparatives (Crouhy et al., 2000; Gordy, 2000; Lopez etSaindenberg, 2000; De Servigny et Renault, 2004; etc.). Pour les fondements en lamatière, le lecteur trouvera utile de puiser, comme nous, dans la dernière édition deJorion (2007, chap. 23).

La gestion du crédit envisagée ci-dessous se situe au niveau du portefeuille.Cela se justifie d’autant plus que l’abondance des dérivés de crédit facilite une ges-tion intégrée. Mais distinguons d’abord entre deux sources classiques de risque decrédit: la décote, ou baisse, dans la qualité du crédit et la défaillance.

FPt 1 Δ en %( )t2où 1 signifie que Perte = POS > VaR+=

Δ = Ampleur du dépassement, en %, de POS sur VaRFPt 0 si Perte ne dépasse pas la VaR =⎩ ⎭

⎪ ⎪⎨ ⎬⎪ ⎪⎧ ⎫

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. Risques classiques: décote et défaillance

Notons qu’en marché de crédit très liquide où abondent les titres de dette etleurs dérivés, la défaillance fait plutôt exception. En effet, un titre peut s’y dévalo-riser à divers degrés sans que son émetteur défaille. Par exemple, une décote du titrede AAA à A ne fera qu’abaisser son cours et, par ricochet, qu’augmenter le rende-ment exigé par le marché. Ainsi perçu, un événement de crédit négatif englobetoute érosion de la qualité (ou cote) du titre allant jusqu’à une exceptionnelledéfaillance.

Ce qui angoisse plus un prêteur, c’est la défaillance, ou le défaut, possible del’emprunteur face à ses obligations. Plus formellement, ce risque existe là où lesrentrées promises selon le contrat de prêt peuvent ne pas se produire à temps ou entotalité.

Quant à la perte possible liée au crédit i (PERTEi), elle s’exprime par le pro-duit de 3 facteurs: le montant exposé (Xi), la probabilité de défaut (Pi) et, le caséchéant, la fraction non récupérée (Fi). D’où PERTEi = XiPiFi. La répartition despertes possibles dues au crédit s’avère fortement asymétrique à gauche. Elle se ca-ractérise par la perte moyenne dite attendue, soit E(PERTEi), dont le dépassementjusqu’à la perte limite (PL), inhérente au seuil élevé que dicte la prudence, ou larègle, constitue la perte inattendue, celle qu’on assimile au crédit à risque (explicitéci-après).

La perte attendue d’un seul crédit s’exprime par E(XiPiFi). Par exemple, si1 M $ (=Xi) est exposé sur 1 an avec 40% de récupération (Fi = 1-0,40) en cas dedéfaut probable à 2% (=Pi), alors la perte attendue s’élève à 8 000 $. Au niveau d’unportefeuille p, elle égale:

E(PERTEp) =

Si F, P et F sont trois variables indépendantes, alors leur produit attendu égale leproduit des trois attentes, d’où:

E(PERTEp) =

Bien sûr, dans une optique de portefeuille il faut tenir compte des corrélationsqui existent entre les propensions à défaillir des emprunteurs. Quant aux pertesattendues, elles n’exigent qu’une gestion de routine et des fonds de réserve puisésd’ordinaire dans les bénéfices. Le crédit à risque (CaR), qui exige une capitalisationminimale, réside dans l’excédent de pertes au-delà du niveau attendu, donc dans les

E PERTEi( )∑ E XiPiFi( ), i=1,...,n.∑=

E Xi( )∑ E Pi( )E Fi( ), i=1,...,n.

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pertes inattendues sur l’horizon convenu. D’où une rémunération sur le créditaccordé qui à la fois compense la perte attendue et offre une prime de risque sur lemontant capitalisé sous-jacent. À noter que les calculs de suffisance de capital sontcomplexes. Le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire (2004) les a précisés.

. Mesure du crédit à risque (CaR) et son utilité

La mesure du CaR sert d’ordinaire à gérer, sur un horizon souvent annuel,des titres de prêts s’avérant peu liquides. Ceux-ci sont sous forte influence des ren-trées espacées promises et des rendements à forte asymétrie négative. Par contraste,la VaR s’applique d’ordinaire à la gestion au jour le jour d’actifs liquides sous hauteinfluence du marché et aux variations réparties plutôt normalement autour d’unemoyenne souvent indistincte de zéro. Vu son horizon d’ordinaire annuel et la forteasymétrie à gauche des variations en cause, l’estimation du CaR ne peut faire fi dela perte attendue très distincte de zéro. D’où un CaR estimatif qui s’exprime par laperte limite excédant la perte attendue, en conformité avec l’intuition que le risqueréside dans des variations qui déjouent, en mal, les attentes.

Indéniablement, le CaR s’avère plus complexe à évaluer que la VaR, vu quela répartition des pertes à considérer (pour l’essentiel peu prévisibles) pose de plusgrands défis. En effet, il faut savoir chiffrer bien des choses, notamment: l’éven-tualité de chocs, rares peut-être mais fortement négatifs, comme la décote de créditou la défaillance chez les emprunteurs; la propension de ces derniers à connaître lemême sort (de par leur parenté sectorielle ou l’alternance des expansions et réces-sions); les pertes en cas de défaut; la variabilité des montants exposés au risque decrédit; etc. En bref, les effets entourant les défaillances ne se mesurent pas aisément(Fama, 1986; Allen et Saunders, 2002).

À cause des nombreuses variables aléatoires, souvent corrélées, qui jouentsur des pertes liées au crédit, on se rabat d’ordinaire sur des simulations MonteCarlo, aux calculs onéreux, pour en cerner la répartition. Toutefois, ceux qui maî-trisent les mathématiques pointues nécessaires à un meilleur traitement descorrélations (ex.: Hamerle et al., 2007) ou à la dérivation d’approximationsastucieuses (ex.: Giese, 2006), se targuent d’obtenir des solutions analytiquesquasi-instantanées beaucoup moins coûteuses (ex.: Avesani et al., 2006).

Contentons-nous ici de supposer que nous avons estimé la fonction de répar-tition des pertes dues au crédit, soit F(PERTE) = F à densité f . Alors laperte limite (PL) au seuil prudent c choisi, donc très élevé, est telle que:

F = .

x( ) x( )

x PL=( ) f x( ) x( ) 1 c–( )=d∞–

PL

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Le crédit à risque (CaR) se mesure alors par la portion de la perte limite qui dépassela perte attendue, soit:

CaR = PL - E(PERTE)

puisque le risque réside dans le danger de tomber sous les attentes.

L’évaluation du CaR importe grandement pour les banques car elle leur sertà estimer le capital suffisant, selon les règlements, pour couvrir les pertes inatten-dues liées à leur portefeuille de crédits. Ce capital réglementaire se veut tel qu’ildevient hautement improbable, au seuil convenu, que les pertes réelles surpassentle capital constitué.

En 1997, la maison J.P. Morgan innova en proposant un modèle pour chiffrerle risque de crédit (une VaR transposée au crédit) appelé CreditMetrics. Ont vitesuivi les modèles Portfolio Manager de KMV Corporation, CreditRisk+ de CréditSuisse First Boston, CreditPortfolioView de McKinsey, Portfolio Risk Tracker deStandard & Poor, etc. Saunders et Thomas (2001, chap. 13) donnent un aperçu deces modèles. Pour une revue comparative, l’on peut s’en remettre aux auteurs citésau début de cette section V. Le tableau 1 en caractérise plusieurs. On y voit quepour 4 modèles sur 5 l’on procède via simulations. Seul CreditRisk+ se traite ana-lytiquement. C’est le modèle, de type actuariel, qu’Avesani et al. (2006) recom-mandent pour son efficacité.

La modélisation probabiliste du risque de crédit visant à bien mesurer le CaRpeut être déroutante (Hull et White, 1999). Elle accuse certes un retard par rapportà celle, très développée, de la VaR liée au risque de marché. Mais les progrès sontrapides et les raffinements suggérés par de nombreux chercheurs pointus cesannées-ci en témoignent, notamment ceux déjà cités et Hillebrand (2006)9.

9 Nonobstant les acquis concernant la VaR, les critiques ne manquent pas pour trouver lamesure dangereuse. Elle serait gonflée de sorte que les pertes observées ne la dépasssent àpeu près jamais, ce qui amoindrirait dangereusement la vigilance des manageurs de risque,dans les banques en particulier (Jeffery et Chen, 2006; Jeffery, 2006). Mais les pertesbancaires désastreuses de 2008 ont probablement accru cette vigilance.

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TABLEAU 1Comparaison des modèles d’estimation du risque de crédit

Le grand défi, bien sûr, est d’intégrer VaR et CaR en une seule mesure glo-bale convaincante des pertes plausibles que les manageurs financiers doivent, parprudence, garder constamment à l’esprit au fil du temps. Déjà les praticiens s’yconsacrent sur une base empirique exploratoire. C’est d’ailleurs le cas de certainsanalystes et stagiaires du risque chez Hydro-Québec dont le mandat en 2008, a-t-on appris, porte précisément “sur un modèle d’estimation des pertes combinant lesrisques de marché et ceux de crédit”.

VI. CONCLUSION

Depuis les années 80, on a grandement innové au bénéfice des porte-feuillistes, banquiers ou autres décisionnaires, dans le traitement au jour le jour durisque dit de marché. L’innovation vint de la modélisation probabiliste intégrée dujeu des facteurs agissant dans l’immédiat sur la valeur des portefeuilles d’actifs li-quides. Il en résulta des mesures convaincantes de la valeur dite à risque, la VaR,

CreditMetrics CreditPortfolio- View

Portfolio Risk Tracker

Porfolio Manager

CreditRisk +

Définitiondu risque

Variation de valeur mar-chande

Variation de va- leur marchande, pertes en casde défaut

Variation de valeur marchande

Pertes en cas de défaut

Pertes en cas de défaut

Événements de crédit

Décote,défaut

Décote,défaut

Décote, défautet variation de l’écart entre taux d’intérêt

Défaut Défaut

Prise en compte du risque de taux d’intérêt

Non Non Oui Non Non

Inducteurs de risque

Facteurs liésau pays et à l’industrie

Facteurs macro-économiques

Facteurs liés au pays et à l’industrie

Facteurs liés à la valeur des actifs

Taux de défaut

Probabilités de transition

Constantes Induites par des facteurs macro-économiques

Constantes Constantes s.o.

Taux de recou-vrement en cas de défaut

Aléatoireselon la loi

Aléatoire selon la loi

Aléatoire selon la loi

Aléatoire selon la loi

Pertes en cas de défaut (constante)

Mode desolution

Viasimulations

Viasimulations

Viasimulations

Viasimulations

Analytique

Source: De Servigny et Renault (2004).

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cette estimation de la perte peu dépassable à brève échéance, et qui guide les inter-ventions opportunes. Le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, en 1996,incorpore les effets des risques de marché dans ses normes internationales de suff-isance de capital avant d’en réviser le dispositif en 2004 (Bâle II).

En fin de siècle, la modélisation sophistiquée du risque fut étendue aumarché, beaucoup moins liquide, du crédit. Or, ce marché s’avère surtout sensibleaux rentrées promises, d’ordinaire espacées, du remboursement et aux événements,plutôt rares et imprévisibles, qui agissent de façon complexe sur la qualité du créditet, par là, sur les probabilités de défaut et les pertes en découlant. D’où la grandedifficulté de chiffrer, sur un horizon plus distant, le crédit mis à risque, ci-baptiséCaR. Néanmoins, à partir de 1997, diverses mesures ressemblant au CaR devinrentdisponibles. Celles-ci visaient à cerner l’ampleur limite, sur un horizon d’ordinaireannuel, du dépassement des pertes attendues liées aux crédits consentis. Le CaRs’avère une mesure clairement plus coûteuse et moins répandue que la VaR, voireencore au stade de développements prometteurs.

Notons que la mesure de la VaR a depuis longtemps fait sentir son utilité dansla sphère financière entière, tandis que la mesure du CaR ne déborde pas tellementencore des milieux bancaires, ou autres, soumis à une réglementation exigeante. Ilreste que l’importance des deux mesures est établie. D’où notre souci de vulgarisa-tion à leur sujet, le lectorat visé étant celui qui s’éveille au traitement des risques demarché et de crédit.

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JEAN-PIERRE GUEYIÉ, GUY CHAREST ET FRANCIS MENSAH

SUMMARY

Value at Risk and Credit Value at Risk

Jean-Pierre Gueyié (UQAM), Guy Charest (Laval/UQAM)and Francis Mensah , MBA, CFA, CMA

Our pedagogical effort in this article is aimed at readers with a nascent interest in the value-preserving aspects of risk management. Hence its focus on the nature and application of the two keyconcepts in the arena: Value at Risk (VaR) and Credit Value at Risk (CVaR). Their estimation gener-ally involves daily and yearly horizons, respectively. VaR calculations were launched by J.P. Morganin the eighties and rapidly gained adoption in the banking industry where it became a regulatory toolfor establishing capital sufficiency requirements. It spread to most risk management circles. In thelate nineties, VaR was transposed to the world of credit management, hence its CVaR label. Both con-cepts are meant to measure the extent of loss unlikely to be surpassed, i.e. the amount at risk, given aconfidence level (say 95 or 99%) over the stated horizon. VaR estimation is usually approached viaDelta Normal techniques, historical simulations or Monte Carlo simulations. We provide quantitativeexamples of each type and underline the limitations involved.

Beyond these limitations, VaR itself has been criticized for failing to meet all the properties ofa coherent risk measure: it is not sub-additive (Artzner et al., 1999; Hull, 2006) in the sense thatmerging VaRs may result in a VaR larger than the sum of the individual VaRs. The problem may beoverstated (Garcia et al., 2007). Improved VaRs are presented, namely VaRs based on conditionalvolatility and filtered historical simulation (Barone-Adesi et al., 2000). A more prudent, emerging,alternative measure, according to Hull (2006), is the expected shortfall: it amounts to the average losspossible beyond the VaR level. Its calculation is exemplified in the text.

VaR users, bankers in particular, tend to develop their own VaR model rather than adopt mod-els suggested by regulators. This creates an additional uncertainty and the need to address theirreliability. This is done through backtesting, which permits to assess whether the number of excep-tions (i.e. the number of cases in which observed losses exceed the VaR) falls within the frequencyinherent to the confidence level chosen. We explain the two tests proposed by Kupiec (1995), theirbases being the proportion of failures and the time until the first failure. We do the same with the threetests suggested by Christoffersen (1998): unconditional coverage, conditional coverage and indepen-dence of exception.

The extension of VaR to credit risk yielded the CVaR measure, which is estimated by a metriccalled unexpected credit loss, and is defined as the difference between the mean credit loss and theworst credit loss, given a stated confidence level. While its interpretation is akin to that of the VaR, itis much more complex to estimate. Several estimation models have been proposed by the industry dur-ing the late nineties, namely CreditMetrics by J.P. Morgan, CreditRisk+ by Credit Suisse First Bostonand CreditPortfolioView by McKinsey, amongst many others. Possibly because they are far morecomplex and costly to apply, CVaR models, however appropriate for internal straight estimations, doneither provide consistent links between credit exposure and loss distribution, nor elicit broad usage(Crouhy et al., 2000). Table 1 shows their variety. It still has a host of financial engineers grapplingwith their complex nature (Giese, 2006; Hillebrand, 2006; Avesani et al., 2006; Hamerle et al., 2007).Understandably, the quest ahead lies in measures integrating both VaR and CVaR.

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