Venezuela: l'Opposition Est en Échec Face Aux Chavistes

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    Venezuela: l'opposition est en échec faceaux chavistesPAR JEAN-BAPTISTE MOUTTETARTICLE PUBLIÉ LE MERCREDI 20 JANVIER 2016

    Qui sortira le Venezuela de la crise économique ?L'opposition parlementaire, qui souhaite pousser leprésident Nicolas Maduro vers la sortie, subit pourl'instant le rythme du gouvernement. Dans ce bras defer institutionnel, chaque camp veut apparaître commele sauveur.

    Les nerfs des politiques vénézuéliens sont soumisà rude épreuve depuis les élections législatives  du6 décembre 2015, remportées par une coalitiondes oppositions au président socialiste NicolasMaduro, la MUD (Table de l'unité démocratique).Chaque décision du gouvernement ou de l'Assembléenationale peut faire basculer le pays dans unecrise profonde. Avant la venue de Nicolas Madurodevant l'Assemblée nationale, vendredi 15 janvier, àl'occasion de son bilan annuel, journalistes et analystespolitiques avaient envisagé le pire : s'il ne venait pas,

    cela signifierait qu'il ne reconnaissait pas l'Assemblée,que le pouvoir serait divisé, le pays paralysé. NicolasMaduro est venu. Il a appelé à « un grand dialoguenational » – juste après avoir fait paraître au journalofficiel un décret sur l'état « d'urgence économique ».Le décret prévoit notamment la possibilité pour legouvernement de recourir aux moyens des entreprisesprivées et publiques (comme les transports) afind'assurer à la population, qui fait face à de gravespénuries, l'accès aux aliments et médicaments. Prise

    de court, l'opposition subit de nouveau l'agendaprésidentiel.

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    Depuis le 6 décembre, législatif et exécutif sontdans un bras de fer institutionnel continu. D'uncôté, le gouvernement tente d'étouffer les pouvoirsde l'Assemblée, de l'autre, les députés sont biendécidés à écourter le mandat du successeur d'HugoChavez. Chacun interprète la Constitution à sonavantage. Dès son premier discours, le président

    de l'Assemblée nationale, Henry Ramos Allup, a

    prévenu : « Dans un laps de temps de six mois comptésà partir de l’installation de l'Assemblée nationale,

    nous proposerons une méthode, un système, pour changer le gouvernement par voie constitutionnelle.

     Nous le ferons. »

    Le conflit politique passait avant les réponsesà la crise économique. Oscar Schemel, dirigeantde l'institut de sondage Hinterlaces, réputé prochedu gouvernement, expliquait lors d'un entretientélévisé, avant l'allocution présidentielle du 15 janvier,que « les Vénézuéliens ne cherchent pas de coupables,ils cherchent le consensus, le dialogue, la négociation

    et des solutions aux problèmes économiques. C'est cela l'agenda des Vénézuéliens ». Les heures d'attentepour obtenir des produits de première nécessité raresou subventionnés (beurre, œufs, huile, etc.) fonttoujours partie de leur quotidien. Le pays fait face àune très forte inflation (141,5 % de septembre 2014à septembre 2015 alors que le quotidien El Nacional,citant une source anonyme de la Banque centrale duVenezuela, évoque 270,7 % sur l'année 2015 avec desprévisions alarmantes pour 2016).

    L'appel du gouvernement au « dialogue national »couplé à l'état d'urgence économique a mis l'oppositionface à un dilemme. Ne pas apparaître comme lecamp qui empêche de trouver des solutions à la crise,tout en ne pliant pas l'échine devant un décret quiconforte la politique économique chaviste en luttecontre ce qu'elle qualifie de « guerre économique ».Les députés de la MUD ont jusqu'au 22 janvierpour décider si l'Assemblée approuve ou rejettele décret. Elle prend pour l'instant le temps de

    débattre entre ses différentes factions et demande augouvernement des éclaircissements. Julio Borges, lechef de file de la MUD à l'Assemblée, a déclaré quel'opposition souhaitait que le décret soit débattu par lesVénézuéliens. Un référendum est probable.

    Dans cette lutte, l'opposition a déjà perdu quelquesplumes. Le pouvoir chaviste a pris soin de placerses pions avant la prise de fonctions des nouveauxdéputés. Il a ainsi instauré un Parlement communalnational. Représentant les membres de conseilscommunaux, des assemblées d'habitants de quartier,

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    ce Parlement est censé relancer une démocratie plusdirecte et par la même occasion concurrencer le

    travail législatif de l'hémicycle. Selon la ministre desCommunes, Isis Ochoa, qui s'est exprimée dans unentretien à la Venezolana de Televisión le 8 janvier, leParlement communal « est un instrument qui impulsel'agenda législatif populaire »  et ne prétend pas sesubstituer à l'Assemblée. Bien entendu, cette hauteinstance du pouvoir communal n'est pas reconnue parl'opposition.

    Par décret, Nicolas Maduro a aussi pris soin de retirerau Parlement le pouvoir de nommer les membres

    de la direction de la banque centrale du Venezuela,des postes clefs en ces temps de crise économique.Mais surtout, l'opposition pourrait être privée de samajorité des deux tiers assurée par l'élection de 112députés sur 167, majorité qui lui donnait les outils pourréduire la durée du mandat présidentiel, convoquerdes référendums ou mettre en place une assembléeconstituante. Fin décembre, la chambre électorale dutribunal suprême de justice a suspendu l'élection detrois députés de l'opposition et d'un chaviste de l'État

    d'Amazonas (sud du pays), dénoncés pour avoir achetédes votes. La MUD a décidé d'investir tout de mêmeses trois députés : la coalition voit en effet dans le TSJun pouvoir à la solde des chavistes. Difficile de ne paslui donner raison. Trente-quatre nouveaux juges (13titulaires et 21 suppléants) ont été nommés in extremisfin décembre par l'ancienne assemblée chaviste lors desa dernière session.

    Tout ce qui rappelle seize ans de pouvoirchaviste doit disparaître

    Alimentant la surenchère, le TSJ a menacé de déclarernulles toutes les décisions du Parlement. L'oppositiona été contrainte de rétropédaler et les trois députés misen cause se sont finalement retirés de l'Assemblée.La MUD pense avoir trouvé la parade : l'Assembléecompte désormais 163 députés au total et non plus 167,et la majorité des deux tiers serait sauvée. La balleretourne au tribunal suprême de justice. Mais mêmeavec une majorité diminuée, l'opposition conservede larges pouvoirs tels que ceux lui permettant de

    s'opposer aux décrets présidentiels ou de voter desmotions de censure contre des ministres ou le vice-

    président.Quand l'opposition tente d'impulser une nouvelle ère,même symbolique, cela se transforme en déconfiture.À son arrivée à la présidence de l'Assemblée nationale,Henry Ramos Allup a demandé au personnel dese débarrasser des portraits de Hugo Chavez,Nicolas Maduro et même Simon Bolivar, le père del'indépendance : « Je ne veux pas voir un tableauqui ne soit pas le portrait classique du Libérateur 

    [Simon Bolivar, ndlr]. Je ne veux pas voir Chavez ou

     Maduro. Amenez tous ces trucs à Miraflores [le palaisprésidentiel – ndlr] ou jetez-les aux toilettes. »

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    Le nouveau président de l'Assemblée visait en réalitéle portrait digital de Simon Bolivar, présenté en 2012par Hugo Chavez. Tout ce qui rappelle seize ans depouvoir chaviste doit disparaître, même l'anecdotique.Il n'en fallait pas tant pour alimenter la rhétoriquedu pouvoir qui taxe régulièrement les membres de

    l'opposition d'« apatrides» prêts à balayer tout cequi fut entrepris. Nicolas Maduro et le gouvernementrebondissent immédiatement sur l'affaire, s'insurgent,appellent les jeunes à peindre des portraits du héros del'indépendance et du défunt président dans tout le pays.L'émotion grandissante pousse le secrétaire général dela MUD, Jesús “Chúo” Torrealba, à se désolidariser duprésident de l'Assemblée nationale et à demander desexcuses via Twitter« aux millions de chavistes qui ont 

    voté pour nous et ceux qui ne l'ont pas fait, non pour 

    ce qui a été fait mais comment cela a été fait ».L'Assemblée s'est vue trop forte, et son oppositionterriblement prévisible. Les législatives ont été « unvote de sanction et une abstention de sanction » contrele gouvernement, avance le sociologue libertaireRafael Uzcategui, « l'opposition ne peut pas agir comme si la large majorité obtenue se traduisait 

     par un appui réel dans une si grande partie de la

     population ».

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    L'affrontement avec le TSJ et l'épisode des portraits,achevés en déroutes, donnent l'image d'une opposition

    où s'est imposée la branche la plus radicale. Ces« salidistas », partisans de la « salida  », la sortie,ont pour priorité absolue le changement d'exécutif,solution sine qua non  pour venir à bout de la criseéconomique. Ce mouvement de la « Salida » a prisforme en février 2014, quand de vastes manifestations,qui se sont poursuivies plusieurs mois, ont cherchéà faire pression sur le gouvernement pour le pousserà la démission. Le bilan fut lourd : 43 morts. Lespartis « salidistas » ne sont pourtant pas les plus

    imposants à la chambre. Voluntad Popular (le partide l'opposant incarcéré Leopoldo Lopez) réunit 15députés, Primero Justicia, parti de droite qui s'estrecentré, plus modéré, arrive en tête des partis de lacoalition de la MUD avec 33 députés. Mais HenryRamos Allup a été élu avec leur appui et ne l'a pasoublié. S'il a critiqué le mouvement de la « Salida »en février 2014, un bon point pour les modérés, il saitaussi montrer les dents. « Il est un provocateur qui a lesens de la répartie. Il peut répondre aux attaques du

    gouvernement », note Rafael Uzcategui.

    En ne cherchant pas une conciliation a minima,l'opposition est tombée dans la caricature de saradicalité. Peu avant le décret sur l'état d'urgenceéconomique, la MUD a donc revu sa stratégieconflictuelle. Ricardo Sucre Heredia, politologuede l'Université centrale du Venezuela, ouvertement

    proche de la MUD, soutient que « après lesdeux “chocs”, il y a eu des critiques de la gestion de

     Henry Ramos Allup. La “sortie”du gouvernement peut ne plus être une priorité », comme les autres mesuresvoulues par la branche radicale.

    La gauche de la MUD a interpellé les députés surl'urgence de prendre des mesures économiques. Desappels finalement entendus : ce mardi 19 janviersont par exemple débattus à l'Assemblée l'accès auxmédicaments, la « sécurité industrielle et la crise dusystème de santé ». Le choc frontal est remis à plustard. Le sociologue Heinz Dieterich, qui a théorisé

    le « socialisme du XXIe  siècle », dont le terme futrepris par Hugo Chavez, assurait dans un entretiendébut janvier au quotidien d'opposition El Nacional que « le plus probable est que le conflit institutionnel(…) se déplacera dans peu de semaines dans la rue,

    laissant l'Assemblée au second plan ». « Les gens sont 

     fatigués des manifestations qui peuvent dégénérer, ils

    sont fatigués par la crise. Personne n'a envie d'aller 

    à l'affrontement», rappelle quant à lui Olivier Folz,américaniste spécialiste du Venezuela à l'université de

    Lorraine. Pourtant, les divergences sur les raisons dela crise et sur les solutions à apporter demeurent :« Deux modèles sont en présence : le capitaliste

    que vous voulez restaurer et le socialiste que nous

    nous efforçons de défendre et de faire progresser 

    », avertissait le numéro 2 du chavisme, DiosdadoCabello, le 23 décembre 2015.

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