Verneaux Epistémologie générale

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    DU MBME AUTEUR:L ES SO UR CE S C AR TE sm NN ES E T K AN TIEN NE S DE L'lDEALISME FRANc;AIS(Beauchesne, I936).ESQU ISSE D 'UNE THEORIB DE LA CONNAlSSANCE (Beauchesne, 1954)..,

    COURS DE PHILOSOPHIE . T HOM IS TEINTRODUCTION GENERALE ET LOGIQUE, par R. Verneaux.EPISTEMOLOGIE GENERALS OU CRITIQUE DE LA CONNAISSANCE, par R . Ver-naaux."ONTOLOGIE, par P.-B. Granat.,. "PHILOSOPHIE DE LA NATURE, Propedeu rique IIlavision chretienne du monde,par J. M. Aubert. "PHILOSOPHIE DE L'HOMME (psychologie), par R. Verneaux.THEOLOGIE NATURELLE OU THEODICEB, par M. Grison.MORALE, par R. Simon.HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE ANCIENNE, par P .-B. Grenet.HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE MODERNE, par R. Verneaux.HISTOlRE DE LA PHILOSOPHIE CONTEMPORAINB, par R. Verneaux. "TEXTES DES GRANDS PHILOSOPHES, Antiquite, par R. Verneaux.TEXTES DES GRANDS PHILOSOPHES, Temps modernes, par R. Verueaux.En preparat ion :RISTOlRE DE LA PHILOSOPHIE MEmEVALE. "TEXTES DES GRANDS PHILOSOPHES, Moyen" Age, par R. Verneaux.TEXTES DES GRANDS PHILOSOPHE'S, Epoquecontemporaine, par R. Ver-neau:!:.

    ROGER VERNEAUXPro/utlUl' a l'Insntut Ca th o li qUe d e Pa ri s

    EPISTEMOLOGIEGENERALE"

    ou

    Critique de laconnaissanceNOUVELLE EDITIONREVUE E T CORRIGEE

    /

    BEAUCHESNE ET SES FILSPARIS) RUE DB RENN.BS, II7

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    NIHIL OBSTATParis tC17avril19S9.F. TOLLU.Cens.d.eput.

    IMPRIMATURParis Ic 21 avril 1959.J. HOTTOT..Vic. gin.

    TOIlS droits de traduction, de reproduction ou d'adaptationreserves pour tous pays.enquelquelangue et de quelquefacon que cesoit 1959 by !3EAUCHESNE ET SES fILS.

    INTRODUCTION

    Pour nous conformer a la tradition, nousessayerons de definir dans unchapitre preliminaire le probleme de la connaissance, la discipline quile prend pour objet, et Ia methode qui permet de le resoudre,Maisa notre avis, ce chapitre serait mieux place a la fin du traite qu'audebut, car il est le plus difficile, le plus embrouille de tous, et cela tienta ce qu'iI nepeut etre developpe d'une maniere purement formelIe,c'est-a-dire sans prendre parti dans Ies questions de fond qui seroatdiscutees en cours de route. Comme dit M. Gilson; les questions queseposent lesphilosophes sont solidaires des reponses qu'ils leur donnent.Ce n'est pas toujours vrai, mais ce I'est certainement dans le cas present.Les termes du probleme changent selon la perspective dans laquelJe /il est pose : perspective sceptique, par exemple, ou perspective idealiste,ou perspective realiste, La methode a son tour depend de la manieredont Ie probleme est formule, Et le nom meme de crit ique est discutable,car it vient de Kant et l'en peut se demander s'il a encore un sens endehors de l'idealisme kantien.Ainsi tout Ie traite devrait passer dans sa propre introduction si l'onvoulait que celle-ci soi t convenablement developpee, Pour eviterceridicule, nous nous bornerons a donner ici quelques indications SOM-rnaires, nous reservant de les reprendreetde Ies justifier par la suite.

    I. - ApER9U HISTORIQUE.La critique de la connaissance est untraite qui n'est pas fait. 11est encours de formation et n'est pas encore completement degage de l'histoire,spe~ialement de l'histoire de la philosophie moderne.C'est qu'en effet, le probleme de la connaissance n'a pris .toute sonimportance, son rel ief, son urgence, que depuis Descartes . On dit mfmesouvent que les Anciens ne l'ont pas soupconne, mais c'est faux. Ladifference qui existe entre les Anciens et Ies Modernes n'estpas que lesModernes ont souleve une question que Ies Anciens ont ignoree, maisque les Modernes .1'0nt posee dans nne perspective idealiste.comme Iepremier et meme Ieseul probleme de la philosophie, alors que Ies Anciens

    l'ont pose dansuneperspective real is te , comme une part ie de leur meta-physique. Et naturellement, si l'on admet que la formuIe idealiste est Iaseule vaIable, il 'ensuit que Ies Anciens ne l'oatpas soupconnee; maiscette sUPPPsi'!: ioD,st suiettea caution e .

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    EPISTEMOLOGIE GBNIDw.E.Historiquement, it ne serait pas difficile de montrer que le problemede laconnaissance n'est pas une invention de Descartes et de Kant.II est au centre des preoccupations de Platen, comme on peut voir enparticulier dans Ie T~eetete,dialogue tout entier consacre a recherchetles conditions d'une connaissance qui soit vraiment scientifique. - I1est traite systematiquement par Aristote : d'abord dans les S ec on ds A n a-

    lytiques, ou se trouve exposee Ia theorie de la science; puis dans Ie traiteD e I ' Am e, ou sont analysees les diverses fonctions de connaissance; enfinen plusieurs endroits de la Miraphysique, specialement au livre IV, ouIa valeur des premiers principes est defendue contre les sophistes. -Entin; it absorbe entierement l 'at tent ion des sceptiques, de Pyrrhon aSextus Empiricus. . .. 'Saint Augustin est manifestement le precurseur de Descartes. II sedegage du scepticisme en remarquant que l 'existence du moi est indubi-table: si jailor s u m . 11s'eleve ensuite du moia Dieu, et i1fonde la veritede la connaissance sur une illumination de I'esprit parIes Ideesdivines.'A l 'aubede laphilosophie medievale, le probleme de la connaissancereparait sous Iaforme du probleme des universaux : qu'est-ce qui cor-respond dans Ia reali te aux essences universel les quel'esprit conceit enlui-meme? .Passionnement .diseute pendant tout le.xms siecle, ce prc-,blemene cessera plus de hanter les philosophes. Realisme absolu d 'ori-gine platonicienne, realisme modere d'origine aristotelicienne, concep-tual isme et nominalisme, ' teUes sont les principales posit ions prisesason sujet . Mais-on aurai t tort de croire que: pour les penseurs medievauxtoute la critique se reduisait a prendre parti dans la querelle des univer-saux, Chacun d'eux a elabore une theorie complete de la connaissance :saint Thomas et saint Bonaventure, d'abord,puis Duns Scot,enfinOccam dont le nominalisme prepare directement l'epistemologie moderne.Avec Descartes, le probleme de la connaissance devient Ie premierprobleme que Ie philosophe doive resoudre s'il veut conduire par ordre

    ses pensees, Descartes ecri t dans les Regulae: Rien ne me parait plus .absurde que de discuter audacieusement sur les secrets de la nature sansavoir auparavant examine si l'intelligence humaine est capable de lespenetrer ll; ouencore : (COn ne peut rien connaitre avant de connaitrel'intelligence puisque c'est par eUe que nous connaissons toutes choses .Le probleme est double. 1 T ro uu er u n e p rem iere v er it i, absolumentindubitable, d'ou 1'0n puisse deduire toutes les autres. La methode estalors le doute, d'ou emerge le cogito, puis le moi etses idees. 20 Passerde la pensiea N tre, et specialement demontrer l 'existence du mondemateriel. Ce second probleme a ete nomme ([probleme dupont , Tousles successeurs de Descartes se sont evertues a le resoudreyet l'aboutisse-ment logique du cartesianisme est l'idealisme de Berkeley, selon qui lemonde n'a pas d'existence en dehors de nos idees.Chez Kant, la critique est la preface obligee de la metaphysique ))$car Ies sciences sont donnees, tandis que Ia metaphysique ne rest pas.II faut done chercher comment les sciences sont possibles, et s i la meta-physique est possible comme science. TeUe est 1a premiere formule,

    INl'ltODVCTION 7large, du probleme, Mais Kant remarque aussitl'lt que la connaissance .scientif ique est essentiel lement constltuee par des jugements a la foissynthitiques eta priori. Le probleme se precise done : i1revient a savoircomment sont possibles les jugements synthetiques apriori. La methodecritique en decoule, Elle est I 'analy se transcendan tale, qui consiste aremonter des jugements poses dans la science aux principes qui les . .expliquent .Cette analyse est reflese, ou riflexive, car c'est uniquementdans I'espri t qu'elle cherche les principes des jugements. Mais eile n 'estpas psychologique, elle est logique, car eIle demonte le mecanisme deIa raison pure , non celui de la vie consciente.Apres Kant, dans l'Ecole idealiste, le probleme de la connaissance.. est non seulement Ie premier, mais Ie seul que Ie philosophe ait a envi-sager. Cela va de soi, Si c'est I'esprit qui pose l'etre, la seule questionest de savoir quand et a quelles conditions son affirmation est objective .

    2. - TENDANCES DE L'tCOLE THOMISTE

    Dans l'ecolethomiste contemporaine, des discussions serrees ont eu-lieu, qui ne sont pas encore terminees 1. Eiles concernent d'abord le.nom meme du traite : une critique de la connaissance peut-elle se direthomiste? Puis la position du probleme : se pose-t-il, en quels termes?Saint Thomas I'a-t-il pose, fournit-il des principes de solutionj' EnfinIamethode : est-ce le doute, I'analyse transcendantale, la reflexion? Laseule chose qui soit au-dessus de toute discussion, mais c'est aussi laprincipale, est l 'ensemble des theses qui const ituent le real isme. Voyonsdone queUes sont les principalestendances de I 'ecole.

    10 L'influence de Descartes se fait sentir dans .la Critiriologie du car-dinal Mercier , chez Mgr Noel, disciple et successeur du cardinal Mer-cier a Louvain (Notes d'ipistemologie thomiste, et le R ial isme immed ia t)ainsi que chez le P. Picard S. J. ( le P rob leme c r it iq u e. fo ndamen t al , etRe fl ex ion s sur le problerne crit ique Jondamental2 ). Malgre des differencesnotables, ces auteurs ont en commun une tendance a presenter Ie tho-misme sous un verement cartesien. Ils admettent la necessi te d 'une cri-tique prealable a la metaphysique. lis estiment necessaire de commencerpar un doute methodique, afin qu'elle soit-radicale. Ils posent I'existencedu ~jIjet pens ant comme premiere verite indubitable, puis passent al'affirmation de l'etre et a celle du monde.Le P. Rcland-Gosselin O. P. est peut-etre moins dependant de Des-cartes (E ssa i d 'u ne c ritiq ue d e l a conno is sanc e ), Cepenciant, iladmet quelacrit ique est Iogiquement anterieure a la metaphysique. 11rejette ledoute initial, mais se propose de vaincre l'idealisme sur son propre ter-rain, ce qui l 'oblige a partir de la pensee pour rejoindre retre.Les notespubliees apres sa mort sur Le j ug em e nt d e p er ce pt io n- ~ montreat qu' il

    r, cr. VAN R IE T, L'ipistlmologie thomiste,2. A r c hi ve s d e ph i/ os oph ie , vol. I, cahier z, et XIII, r,3 . R ev ue des sc iencesph i lo soph iques e t th io log iques , 1935 .

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    EPISTEMOLOGIE .GimRALBavai~ de .serieusesdifficu1tes it conduire sa-cri tique dela connaissancesensible Jusqu'a l'affirmation de l'existence du Dlonde . . .2I;'influence de Kantregne.chez leP, Marechal S. J .S a these estexpo~ee dan.s le tome V de songran:d ouvrage sur l e Po in t de departdeIa ,!,eta?~yStque; Ie volume a pour titre: le .Thomisme deaant laphiloio.:.phie crmque. :. -". .L'intention du P. Marechal est de reconcilier Kant ersaint Thomasgrace it une interpretation nouvelle des deux doctrines. Saint Thomasa fait. une I C ~itique .me~phy.sique)) : il tient pour evident .que .nousco~sons 1 etre en. SOl, et 11cherche it quelles conditions une tel leconnaissance est J?Osslbl:. ~t a fait une ((critique transcendantaIe ~~.partant de ~ar:presentatlon, 11cherche comment l'activite du sujet cons...tn; t! un objet l ln~anent . Le but du P. Marechal estd'amenerles deux~l~ques it eolncider, car Ie .~o~nt de depart de la premiere .doit etre!ustlfie _parla second~. La coincidence est possible, pense-t- il , si on lesl~te~ret~, non pasd une facon statique, mais d'une facon dynamique,c est-a:dire en te~t com~te .du dynamisme de I'esprit qui le porteau-de1a .d: tout objet particulier vers une apprehension de l'Absolu,L'aff irmatton a une valeur objective parce qu'elle s 'insere dans la final ite \

    de I 'activi te spir ituel le : ({L'objet s 'avere commc etre dans lamesureou ils'impose comme fin. : . . .. 3 M. Gilson s'est eleve avec vigueur contre les tentatives prece-dentes q?'il qualifie ~e.monstruosites (R~alisme thomiste et critiquedel~ ~onnazssanc~ .le Rea!tstn; methodique), L'idee d e realisme critique,dit-i l, est au~sl contradictoire que celle de cercle carre, car une cri tiquede Ia connaissance est essentiellement, de bout en bout idealiste LerCalis,me,tient .pour evident que nons connaissons l'etre.;n soi tel qu'Ues~; 11 s appuie .consrammcnt .sur cette .evidence et ne peut done lademontrer.Ainsi route tentat ive pour reioindrcsaint Thomas en partantde Descartes o.ude Kant est d'avance condamnec a l'cchec, Ce qu'ontrouve chez saint Thomas, c'est nne th eo rie d e la connaissance ct une

    Critique desc~nnaissance~? car la~nnaissance .doit ctre expliquee, conuneto~t aut~ fait, it l~ l~mlere de 1erre, et Ies divers types de connaissancedOlv:ent etre examines. Un tel real isme n'est pas ({crit ique ~~,mais dog-matlquc OU methodique 11. . ..A la position de M .:Gilson, nous sommes tente de rattacher cellesdu,P. de Tonque.dec S. J...e: de M. Y. Sim0!l' L'ouvragedu P.deTon-quedec a pour titre : C ri ti qu e d e la connalssance,mais on n'y trouveaucun essai de concordisme entre saint Thomas; Descartes et Kant. IIdonne un expose du thomisme qui 'se tient toniours tres pres destextes.L'ouvragede M. Y. Simon, Introduction a l 'o nt ol og ie d u c on n ai tr ee stde meme type, a ceci pres qu'il interprete saint Thomas it I'aided'undesescommentateurs, Jean de Saint . .Thomas.~o ~'. quelq1;le~philosophes tiennent pour un re!i1isme critique,

    qUI nest m thomistico-cartesien, ni thomist ico-kantien, qui n'est pasno? plus-un expose pur et simple de ce qu'a dit saint Thomas, maisqw.prolonge la pens~~e saint Thomas.par evolution homogene, c 'est- ;. a~dire par nne explication. de ses principes grace au.choc centre les

    INTRODUCTION 9philosophies modemes. Telle est la position du P. G6ny S. J. dent letraite latin : Cr it ic a , De c ogn i ti on i i kumanae oalore disquis i tio , quoiqueecrit en 1914 et done anterieur aux controverses recentes, nous paraittoujours digne d'etre cite et etudie, Telle est aussi, et plus nettement, laposition que prennent M. Maritain dans le s D e gris d u savoir etMgr Joli-vet dans le T ho mism e e t la c ritiq ue d e la c on no issa nc e;C'est uneposition de ce type que nous soutiendrons. En consequence,on doh s'attendre a trouver iciune part d'mterpretation personnelleplus grande que dans Ies autres branches du thomisme, quoique nous

    nous efforcionsde la reduire au minimum.

    3. - LB PROBLEME DE LA CONNAISSANCE.Il doit etre bien entendu tout d'abord que si nous parlons du problemede fa connaissance, au singulier, c 'est seulement pour faire court et pourrester au niveau le plus haut de generalite. Prendre la formule stricte-ment conduirait a de graves erreurs, car en realite, ily a divers typesde connaissance, et Ie philosophe rencontre it leur sujet de multiples

    problemes La plupart des formules proposees par les philosophes modernesnous .paraissent manquer de largeur et mente de ((sincerite :. elles neconcernentqu'un point particulier ou un type de connaissance, et quipis est, .e1les supposent des demarches et des theses tres discutables,Passons en revue quelques-unes des plus notables. "; .10Le probleme n'est pas de decouvrir nne p rem ie re v e ri te , c'est-a-direnne verite qui soit indubitable et qui puisse servir de principe pourdeduire toutes les verites metaphysiques. C'est III un faux probleme,car rien n'autorise a penser que les veri tes metaphysiques se deduisentles unes des autres comme les theoremes de la geometric. L'idee d'une( mathematique universelle est l 'idee-mere du cartesianisme, mais c'estun preiuge de mathematicien qui ne peut etre admis a orienter toute lacritique.20 Le probleme de la connaissaru:e ne peut se reduire au problemedu monde exterieur, Se demander si le monde existe, c'est encore unprobleme specifiquement cartesien, II ne se pose que si l'on a com-mefice la critique par le doute qui rompt toutes Ies communicationsde l'esprit avec le monde, et laisse la pensee en face d'elle-meme. 11presuppose I'idealisme, car c'est une demarche caracteristique de l'idea-lisme que de vouloir rejoindre .le monde en partant de la pensee, Parcentre, ilnous parait legi time de demander comment nous savons que.le monde existe, Ce n'est plus alorsun faux probleme, i1 entre dansla critique de la connaissance sensible.3 0 Le probleme de la connaissance-ne se reduit pas non plus au pro-bleme de l'origine des i dee s. C'estencore un probleme cartesien, et c 'estchez Locke le seul probleme, Car pour Descartes et ses successeurs,les idees sont les seuls objets immediarement presents a l'esprit, desorte que c'est en cherchant leur origine qU'ODaura chance de prouver

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    10 UIST~OL(>Gm GfNER.u.Equ'un objet reely correspond. Or, il: y alien certainement de ehercher .I'origine des idees. Mais c'est un p rob l eme p sycholo g iqu e ; il n 'in te re ss e .la critique que dans la mesure ou sa solution pent servir a determinerla valeur objective des concepts; II entre donc dans I e p ro bl em e desuniversaux, qui . est lui-meme un caspartlculier de la crit ique de taconnaissance i n te l lec tuel le .. 4 Le probleme de la connaissance ne consiste pas a chercher c ommen t /--I es sc ien ce ss on t p oss ib le s .e t s ila m eta p hy siq ue es t p oss ib le en tant quescience. C'est un probleme kantien. 11suppose que la metaphysique n'apas encore tr ou ve ( (la voie sure ' d' une s ci ence , comme dit Kant, qu'ellen'existe pas encore comme science. 11 suppose de plus qu'il n'ya qu'unseul type de connaissance scientifique, et qu'en reflechissant sur le ssciences mathematiques et physiques on tr ou ve ra l es conditions d'unemetaphysique scientifique. Evidemment, la premiere partie de la formuleest valable, car la reuss i te des sciences est un fait etonnant qui demandeex~lication. Mais c~mmeles sciences ne sont pas autre chose, au fond,qu un ensemble de jugements vrais, Ie probleme pose par leur existenceest resolu par la critique de la connaissance i n te l lec tuel lec .et .s i .beso inest par cel le de la connaissance sensible;5 Le probleme crit ique ne consiste pas non plus a chercher commentsont possibles le s jugements symMtiquesa priori, ou ce qui revient aumeme a determiner 1 a sphere de 1aconnaissance possible par raison pure.Ce problemeest typiquement kantien et doit etre laisse pour compte asoli inventeur. Car il suppose qu'il y .a des jugements synthetiques. ap r i o r i dans Ies sciences, et que la metaphysique doit par definition sedevelop per sans aucun recours a l'esperience.Mais y a-t-il des jugementssynthetiques a priori? Rien n'est moins sUr; en tout cas c'est un pro>:blem: prealable au probleme kantien,Etla metaphysique est-el le oeuvrede raIson. pure ?Cette .conception rationaliste,: que Kant a heritee deWolf, est eminemment fragile; en tout cas el le doit etre examinee. AinsiIe probleme recule, pour ainsi dire; Et de toute facon la fonnllle deKant estetroi te, car s 'il y a d'autresconnaissances que les connaissances(I pures }),comme tout le monde l 'admet, et Kant lui-meme, ces connais-sances doivent etre critiquees, .. .Quc:lle formule prop?ser,en fin de compte? Nous n'en voyons pasde meilleure que celle-ci :quelle est la va leur de la connaissance humaine, .ou bien : porter un jugement de valeur motive sur les diverses formesde.la connaissance humaine. Cette formule est assez generale pourengle-.ber toutes les formes de connaissance et tous les problemes qui se posenta leur sujet. Ellene pi'e;uge d'aucunesolution, mais presuppose seule-. ment les donnees du .probleme strictement indispensables.Il est clair que, des qu'on entre en matiere, on ne peut.rester long-temps a ce niveau de genera lite, car on se condamnerait a ne dire quedes generalites. Cependant ilest peut-etreutile, .avantd'enrrer dans Iemaquis desproblemes speciaux, d'avoir assigne a la recherche sa direction.

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    INTRODUCTION II

    4. - LA NOTION DE CRITIQUE.11 n'y a I:'3S de nom approprie pour designer I'etude du problemede Ia connaissance. Aucun de ceuxqui ont ete proposes n'est entiere-ment satisfaisant, ni du resteadmis par tout le monde,Le terme de criteriologie aete longtemps classique, Mais i1a l'incon-venient d'etre etroit, car i1 ne designeque l'etude des criteres de laverite, ce qui est un probleme particulier.Epistimologie pourrait convenir. Le terme est pris dans un sens tl'eSgeneral par les philosophes de langue anglaise. Nous sommes prts aI'accepter en ce sens, et nous l 'emploierons al 'occasion. Mais en France,on lui donne d'ordinaire son se ns e ry mo lo giq ue : etude de la science.11devient ' a lors trop etroi t.car la connaissance scientifique n'est pas leIe seul mode de connaissance,Gnoseologie serait excellent, mais i1 n'a ete employe que par le philo-sophe italien Zamboni, et n 'est pas couramment recu, On pourrait dureste tout aussi bien dire, par analogie avec la logique et .l'ethique, lagnostique, Mais le terme n'a pas cours.Nous ne voyons aucun inconvenient a adopter Ie nom de critique.Au sensetymologique, crit iquer , c 'est t rier, choisir, e t done juger , jugerla valeur d'une chose en fonction d'une regle ou d'un ideal. C'est ence sens qu'on parle de cri tique litteraire, de cri tique musicale, etc. Dansle domaine philosophique, I l y a deux especes de critique : une critiquedes acres humains, ou disons de l'agir, par rapport au bien de I'hommetel que le definit la raison; c'est l 'ethique, ......,.t une critique des connais-sances humaines, ou disons du connaitre, par rapport au orai.Assurement, Ie terme a une saveur kantienne caracterisee, car ilaete introduit par Kant dans le Iangage courant de la philosophie avecle titre celebre : Critique de l a rai son pure . Mais ce qui est caracteristiquede Kant, ce n'est pas d'entreprendre une cririque,c'est d'entreprendre

    une critique de l a r ai so n p ur e. 11y a plus qu'une nuance, il y a un abimeentre une critique de la raison pure et une critique de Ia connaissance.La premiere aboutit necessairement a l 'idealisme, parce qu'elle en part.La seconde ne prejuge den. C'est ce qui apparaitra clairement en preci-. sant la methode et Ie point de depart de la critique.5. - L A METHODE CRITIQUE

    Une fois le probleme defini, la nature de la methode en decouled 'el le-meme, Commencons par eearter celles qui ne peuvent convenir .1Ce ne peut etre Ie dome; La methode cartesienne est inadmissiblepour plusieurs raisons. D'abord parce que le rOle du doute methodique

    est de decouvrir une premiere verite; or c'est la, nous l'avons vu, unfaux probleme, Ensuite parce que cette methode revient a admettre lescepticisme, au moins provisoirement etdans I' intention de le depasser,Mais le scepticisme n'est admissible a aucun titre: les arguments qu'il

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    I~ E PI sr iMO l. OG IE G lm ERA LEavance sont sans valeur. cequi .revient a dire qu' il est arbi traire;etcomrne attitude d'esprit, i1 est une sorte de mort spirituelle. Enfln, ~;iron admet, ne serait-ce qu'un.instant, ses arguments, on ne peut plus19depasser, on en est detinitivementprisoanier.20 La methode critiquene sereduitpas a Panaryse ps;'Jchologique, sur-tout si ron entend par Ia une analysegenetiquedes idees, proeedantpar

    observation interne; et s 'interdisantde depasser le plan des phenomenesau fai ts de conscleace.L' introspection est sans douteindispensable pour.fournir a la critique son objet, pour decrire la connaissance et les connais-sauces, carc'estee qui est a cri tiquer, Et l 'analyse genetique des ideesest necessairepourporter sur elles un jugement de valeur. Mais I 'analysepsychologiquene peut suffire, etaparlerstrictementelle n'estpas 1amethode dela critique ..Sur cepoint,Kant a raison contreLocke. Unephysiologic de l'entendement ; comrneil dit, relle que Locke l'a pra-tiqueeyne peut apporter de reponsea laquestion cri tique car celle-cin'est pas une quest io n d e fait. elk est nne question dedroit. On ne demandepas, par exemple, si nous avonsdesccrtitudes, ousinous pensons parconcepts abstraits; on cherche dansquels cas lescertitudes que nousavons sont Iegit irnescou ce que peuvent representer des concepts . Pourtrancher une question de droit, Ie s faits ne suffisent pas, Ia raison doitentrer en jeu. . . .30Mais it ne suit pas de l3 . que la methode cri tique soit ranalyse trans- \,cendantale de Kant, ou I'anaryse reflexive de Lachelier et Brunschvicgqui n'endiffere que par Ie nom. Carcette methode est sibien adapteeau probleme kantien qu'elle ne peut etre transportee dans un autrecontexte. Elle consistc a chercher dans laraison pure les sources desjugements synthetiqucs a priori qui constituentla science. Si done onn'aecepte pas la formule kantienne du probleme critique, on nepcutaccepter non plus Ia methode kantienne. La crit ique cxige certainementune analyse des fonctions de connaissance et du suietconnaissanr, etnon pas seulement une analyse psychologique se tenant au niveau des .phenomenes; mais une analyse logique ou rationnelle, Mais on ne peut, .sansune grave equivoque, .I'appeler transcendantale. Du reste, chercherdans l'esprit seul .l'explication de la connaissance, c'escpresupposerl 'idealisme, c'estadmettre sans cri tique que l 'obiet connu est integrale-rnent construit par l'activite du sujet. Si la connaissanceresulte de lajonction entre un sujet etun objet existant en soi, I'explication de .laconnaissance exige une analyse des deux termes en presence, afin demontrer comment leur relation e~t possible.. '.II apparalt done en fin decompte que la methode critique n'est passimple. On pourrai t sans doute la definir d 'un mot: reflexion, ou analyse,car elle est effectivement une refiexion sur.Iaconnaissancey'uneanalysede la connaissance, Maisces termes sont silarges qu'ilslaissenrechapperlecaractere specif ique de l a r ef le x ion et de I'analyse c rit iq ue s: .La crit ique exige d 'abord une description des connaissances.qui relevesi l'on veut de la psychologie, mais qui serait peut-etre mieux nommeeune phenomenologie de laconnaissance , Elle comporte ensuiteurieevaluation de nos connaissances, qui nechercheaucunement ales mettre

    TILi

    I. ~.~

    INTRODUCTIONen doute, mais qui ne retient conune. abso~~ent certaines que. cepesqui sont evidentes. Reste enfin a . expbquer 1ev~dence. 11ne sa~a~t etrequest ion de la demontrer; ce seral tAune entrepnse ~~surde car ~evidencese suffit e t elle est la garantie supreme de la connaissance. MaIS on peute n rendre. raison, ou comme on dit 1a fonder )~.I~suffi t pour.cel~ de laprendre comme un fait, et de remonter a ses prlnClpeS tant objectifs quesubjectifs, . .Tel est le schema general et theorique de la methode cnnque, Dansl 'applic1tion, elle est beaucoup moins nette. ?n pourrait te~r Ie m01l!_entdescriptif pour preliminaire et le renvoyer a. la psycholog:e. De meme.on p en t e st ime r que l'explication de la ~onn~ssance appa~ent a la p.s~~chelogie rationnelle. Peu importe; la reparnnon des maneres en tr81:esdistincts est a notre avis sans interet. Si l'on y tient, nous sOllJI!lespretsa admettre que l'essentiel de la crit ique se reduit a faire Ia jonction entrela psychologie et l 'ontologie, car c 'est de cela tres exactement que dependla valeur de la connaissance.

    6. - LES PRESUPPOSES DE LA CRITIQUE.11 semble it premiere vue que l e p rob leme de la co~aissance 50i\unprobleme absolu, car des qu' on Ie pose,. on met en quest1o~. tout ce qu .oncroyait savoir. Ou en d'autres termes, 11semble,que la crlt1qu~ ne d?lVeadmettre aucun presuppose sous peine d'etre infidele a son mten~lOn;car ce qu'el le supposerait ne serait pas cri tique. Cet ideal ~e r~di~smephilosophique est d'origine cartesienne, car. Descartes m~?tualt so~doute methodique precisement pour se defaire de tout preiuge. M~sest-ce possible? Est-ce en cela que consiste la sincerire qu'exige la en-. ,uque. ... ..A notre sens, cette conception de la sincerite critique est inc~nslstante)pour ne pas dire absurde. I1n'y a pas, et it ne peut pas,! aV.Olr,de pro-

    bleme absolu : c 'est une notion inrrinsequement contradictoire. En e~etun probleme a necessairement des donnees; sinon il s 'evanouit . Un pointd'interrogation sur une feuille blanche n'a aucun sens. Pour qu'~ pro-bleme surgisse, on doit le poser, et poser un' probleme, ,c'est definir cequ'on cherche, indiquer l 'inconnue par rapport a des elements ~onnu~.A' it is i, une science, une etude, une recherche quelconques ont necessai-rement certaines conditions qui les rendent possibles. Quellessont lesconditions de la critique? La sincerite demande simplement qu'on lesmetre en lumiere. .La crit ique a d'abord des condit ions [ormelles, Elle suppose en prennerlieu f a l og iq u e comme instrument detoute~a pensee co?~rente et de toutprogres de l'esprit. Kant a bien vu ce .po!nt, et sa cnu9-u.e ne met pas.en question 1 2 0 logique formelle, ni Ie pnncrpe de contradlctlon. sur lequelelle se fonde. Du reste Descartes lui-memese defend d'avoir porte ledoute jusqu'aux principes premiers. .Plus profondement, la crit ique suppose l'intel~ig_enc:, ou la. r~son, oule bon sens, peu importe le nom, comme facu1te innee de distinguer le .

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    14vrai d 'avec lefaux;Et ellesuppose en meme temps uneidee.de.la v e n t epar rapport a quoi .1'on pourra juger la valeur des conna is sances .~~. conditions seresument en un certain dogmatisme, oppose au seep-ncisme .absolu. Et ce dogmatismene doitpas eveiller de scrupules nifaire difficulte, car lescepticisme rendrait impossibles toutei:>ensee ellgeneralet la critique en particulier, .. . .Outre ces conditions formelles, la critique a des conditions que pourla symetrie no?S appellerons mauriel les . Comme toute etude, Iacritiquesuppose u n o bj et . Elle se le donne done, etelle ne peut faire autrementsous peine d'etre une recherche sans objet, ce qui serait absurde, Quelest cet objet? La conna issance , evidemment; cela resulte de l'idee memede critique (de la connaissance). La r e fl exi on n ' es t possible que s'ilyades actes directs de connaissance, etelle est elle-meme un mode deconnai .ss~ce; Pretendre reflechir avant de connaitre, dit Hegelqui pourune f o is f a it freuve ~ebon ~ens, cs t aussiabsurdeque Ia sage precautionde ce scolastiquequi voulait apprendre a nager avant de se risquer dansl'eau . .. . . .. .....Tel est donc le point de depart de 1acri tique ~Iesactes de co~ssance..Insistons un instant sur cct te idee; Carla plupart des erreurs proviennent .

    d'UD.mauvais point de depart.. Ce ne peut etre le cogito, c' e st- a- dir e l a p en se e p ur e, v id ee de tout objetpar Ie doute, Car reduire toute connaissance a Ia conscience que la penseea d'elle-meme, c'est s'etre engage tresavant dans la critique, et y etreentre parune mauvaise porte; celIe du scepticisme. II'y a pas de penseesans objet, et supprimer toutobjet, c'est supprimer la pensee et la cons-cience meme, I . ..Ce n'est pas non plus un e science determinee, prise pour type uniquede connaissancevraie, evidente, Ce ne sera ni les mathematiques (Des-cartes), ~i la physique de Newton (Kant), ni 1ascience positive (Renou-vier) , m Iaphysique mathematique (BrunschvicgjcCar i l est arbitrairede choisir pour type une ..cience plutotqu'une autre. La critique ainsi

    engllgee est non seulement partielle maispartiale etfaussee des l'origine:Du r es te u ne science repose sur des aetes elementaires de connaissance,la sensat ion, l 'abstraction.Je jugementyl 'Induction et Ia deduction.etsa valeur depend de Ia leur. . .Te~ns done pour acquisque le point de depart de la critique est Iaccnnaissance, Par analogie avec Ie cogito cartesien, et pour bien marquerla ~ff~rence~ onpourrait dire cognosco. Cogito se developpeenego cogitoc0.ftt~zones, je p en se des pensees, Cognosco s e deve loppe ell ego cognoscealzqw.~) je connaisque1que chose.Ou. bien encore on .pour ra ir . d ir e queIe pointde depart dela critique est le phenomene.Ce n'estp; iS la uneposition phenomeniste comme on pourrait le croire, car ausens propredu mot un phenomene est un e chose apparaissant.a unsujet,ce qui esttres exactement la connaissance. . ..

    INTRODUCTION I S

    1.- NEcEssITl~ DE LA CRITIQUE.11doit eue clair mainterant que le probleme de la connaissance n'estpas u:nfaux probleme s' il est pose correctement, c 'est-a-dire dans toutesa generaIite et avec un~ entiere sin:erite: Ce qui revient a dire que la

    critique est possible. Mais est-elle necessa,re? ~ . , .Elle l'est a un double titre. Elle est exigee tant par Iefait de lerreurque par le fait de la v irite. .. .Le fait de I'erreur souleve inevitablement Ie probleme cnnque dansl 'esprit de l 'homme, et par consequent aussi dans l 'espri t du philosophe.Ca r spontanement nous ex~r

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    16 : EP ISTEMOLOGIE G :ENERALEphilosophes depuis Platon .se sont etonnes du fait, sesent pose des'questions a son sujet , bref ont elaboreune epistemologie, Car c'est Iafonctionpropre du philosophe que de chercher a comprendre tout cequiest, Voila pourquoi la crit ique est necessaire : le philosophe renierai tsavocations 'il s 'en abstenait .Mais cet tenecessite est evidemment hypo-thet ique, etnon pas absolue, car nul n'est . tenu.d 'etrephilosophe,

    8. - CRITIQUE ET ME-rAPHYSIQUE.Pour en finiravec ces preliminaires, il nous reste a preciser les rapportsde Ia critique avec la metaphysique, Deux. questions se presentent .:celle de' sa priorite et celle de sa specificite. .La critiqueest-elle anterieure a.Ia metaphyslquezRlen nes'opposea ce.que la premiere demarche de la philosophiesoit unereflexioncri tique sur l es modes in Jra -ph ilosoph ique$ deconnaitre : connaissanceempirique et connaissance scientifique, 11importe en effet de montrerque ces modes de connaissance ne sent-pas entierement.satisfaisants etque l'esprit exige une.conaaissanceplusapprofondie dqreeLqest ce .que fai t du reste Aristote, tres sommairernent, dans .le premier chaJ?itr~ -

    de la Metaphysique.Mais laquestion n'est pas Ia. Elle est de savorr siune critique dela connaissanceen general; ou de l'intelligence,de laraison, est prealable a lametaphysique e.:' .C'est .Ia these de Descartesvpour qui lareflexion de.l'intelligence. surelle-meme est Iapremiere demarche de la philosophie.C'estaussi Iathese de Kant, pour qui la critique de Ia raison pure est Ia prefaceobligee de lametaphysique.cCela doit s'cntcndre evidcmment d'unepriorite logique,non pas d'une.prioritc chronologique.. _ . _ L'ideesemble joste, car la.critiquemetcn question la possibilite de1a metaphysique. Celle-ci ne sera-doncfondee qu'apres examen desfonctions de connaissance qu'elle ut il ise. MaisPideeconrraire .n 'esr pasmoins juste . La cri tiquede laconnaissance metaphysique suppose qu'i ly'a unemetaphysiquejautrement, elle seraitsansobiet. Et c'est pourquoichez Kant I'impossibilite de la metaphysique est impliquee dans lamaniere dont i l pose I e p ro bl em e , . S'i l.n'y a pas de metaphysique ~ommescience, on aura beau examiner tantqu'on voudra Ies autres SCIences,on ne trouvera jamais Ia possibilite de celle-la, et ron ne pourra 9}11{conclure a son impossibilite. '.' d~

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    I S E P Is r iM o L OG lE G E N E RA L Ede l'ecole thomiste, nous n~y reviendrons pIus.Si I'on veut yetudierun point particulier, on n'a qu'a consulter leurs tables des matieres,Les travaux. spec ia ux se ron t. i nd i que s en leur lieu. 'Poural leger les references aux. ceuvres de saint ,Thomas, nous avonsadopte les abreviations suivantes : -Sent.designe le Comme nt ai re su r l es Sentences; onindique auparavantle livre, et a la suite Ia distinction, la question et l'article; p. ex. I Sent.

    19; 5, I.Ver. designe l'opuscule D e V er ita te qui figure parmi les Questionsdisputees~' OIl indique ensuite la question et Particle; p. ex. Ver. I, 9S. disigne la Somme thiologique~' on indique 1a partie, Ia question etl 'artic1e; p. ex . S. I,17,2.C;G. designe Ie COnt ra G e n te s; on indique Ia partie et le chapitre;p. ex. C. G. III, 52. .D e Anima designe le Comme nt ai re s ur le Traiti de l'm e d 'Ar i s -tote; on indique la partie et 1a Ie~on,puis le numero du paragrapheselon l'edition Cathala; p, ex. De A n ima ,I I, 6; n0304~Meta. designe le COmmen ta ir e, sur la Mitaphysique d'Aristote;memes indications que pour Ie De Anima. Premiereparbe

    I 'IIi~IIiJIj,! .,j"nIiIII~

    LES COURANTS PRINCIPAUXDE L'EPISttMOLOGIE '

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    11n 'est pas possible de classer toutes les positions qui ont ete prisesau cours de I'histoire sur Ie probleme de la connaissance. 11 va donede soi que nous ne parlerons icique des principales. Nousles ramenonsa cinq. Quoique les frontieres qui les separent ne scient pas nettementmarquees, cependant, au moins a t it re de tendances 01 1 de cour~nts,elles sont assez distinctes et peuvent se presenter dans un ordre Iogique.La premiere quest ion que doiv~ trancher r l~ ~ri tique est .de s~voirsil'esprit humain est capable d'attemdre la vente, ou ce qui revient aumeme s' il a des certi tudeslegitlmes. Si l 'on desespere d 'at teindre jamais

    la verite dans aucun domaine; on est sceptique. Le scepticisme consisteprecisement a suspendre son jugement sur toutes choses. La positioncontraire est le dog m atism e : elle consiste a soutenir que nous pouvonsconnaltre la verite etque nous l'atteignons dans certains cas.Si 1'on donne gain de cause auscepticisme, tout est regle : la critiques'arrete, comme aussi toute philosophie et meme toute pensee. Sinon,deux: nouvelles questions se posent, .La premiere est celle-ci : par quel moyen , par quelle faculte, connais-sons-nous h i verite? Par l'experience, repond l'empirisme, eUe est l'uniquesource de nos connaissances. Par la raison, repond Ie rationalisme, carel le est seule a pouvoir saisir desverites necessaireset universelles.La seconde question concerne Yobjet connu : qu'est-ce que nous pou-vans connaitre, quelles especes de chases nous sont accessibles? L'idia-l isme pretend que l'esprit est clos, enferme en lui-meme et qu'il.nepeut connaitre que ses propres idees. Le realisme soutient que nouspouvons connaitre le reel, c'est-a-dire l'etre existant en soi hors denotre esprit. .On peut prevoir des maintenant Ia these que nous soutiendrons :l'homme est capable de connaitre avec certitude, par l' experience et laraison conjointement, I 'e tre reel . Cette posit ionrejet te Ie scepticisme;elle est done dogmatiste, Elle rejette it la fois l'empirisme et le ratio-nalisme en tant qu'ils excluent, le premier la raison et le second l'expe-rience. Enfin, e1le rejette I'idealisrne : elle est done realiste.Le seul ennui est qu'il n'y a pas de terme adequat, assez ample etassez precis en meme temps; pour la designer. C'est evidemment unennui bien minime, et qui n'interesse que Ie point de vue scolaire a utoute doctrine dolt etre etiquetee. Pour y pallier, nous adopterons lenom de realisme, encore qu'i l puisse s 'appliquer it des doctr ines tresdiverses et laisse echapper le caractere specifique de la doctrine thomiste.

    C lf AP ITRE PREMIER

    LE SCEPTICISME

    Le scepticisme est une tentation permanente pour 1'esprit humaindes qu'il reflechit et quitte le terrain ferme des certitudes de seas com-mun. nest une manifestation de I'inquietude congenitale de l'hommeet de sa perpetuelle insatisfaction, Mais comme it pousse l'inquietude itIal imite et l'erige en une sorte d'absolu, itaboutit a un desespoir intellec-tuel '. .I .- L E S ECOLES.

    Si 1 '0n jette un coupd'rei l sur l 'histoire de la philosophie occidentale ,on apercoit comme une oscillation continue entre Ie dogroatisme et Iescepticisme. Chaque grand effort de pensee dogmatique est suivi parune crise de decouragement et de desespoir,Les premiersphilosophes grecs, Thales, Heraclite, Parmenide, Demo-crite, se lancent dans diverses tentatives pour expliquerla Nature. Maisbicntot surviennent les Sophistes, Protagoras, Gorgias, qui font tablerase d'un siecle de travail. - Socrate sauve la philosophic. Platon etAristote construisent les systemes lespluspuissants que l 'esprit humainait jamais enfantes, Mais Aristote n'est pas encore disparuque surgitPyrrhon, qui donne son nom a toute une ecole recommandant le doutecommc seule sagesse. - Pendant tout Ie moyen age, les grands docteurschretiens, guides par la foi , prolongent et perfect ionnent la philosophieancienne. Mais a l'aube des temps modernes Montaigne ressuscite Iescepticisme grec er presente le doute comme un ((mol oreiller ou doitse re'fioser une tete bien faite. - A l'epoque moderne, Ie mouvement dependule s'accelere, Descartes relance Ia pensee metaphysique, MaisHume dissour Ie cartesianisme par une critique corrosiveet s'etablitdans le scepticisme. - Meme aventure avec Kant : il donne a la philo-sophie un nouveau depart, mais bientot Ie scepticisme reparait sous laforme du posit ivisme, - Mime aventure, enfin, avec Hegel, leplus auda-cieux, -Ieplus dogroatique des philosophes modernes. La dissolut ion del'hegelianisme s'accomplit sous nos yeux : c'est 1a philosophiede l'ab-surde, forme contemporaine du scepticisme eternel,1. Cf. BOYER, Pourquoi et comment s'occuper du sceptidsme, Reoue de philo-sophie, 1925.

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    22 UISTEMOLOGIE GtmRALES'il fallait donner une definition convenant a toutes les formes descepticisme que presente l'histoire , nous risquerions celle ci : l e mouoe-m e nt d e d is so lu ti on d 'u n d ogm at is me . On comprend ainsi qu'il y ait diffe-rentes formes et differeats degres de scepticisme, Le scepticisme prenddiverses formes selon Ie dogrnatisme auquel i1 s'oppose : dissoudre laphilosophie des premiers physiciens, comme ont fait les sophistes, ne

    donne pas tout a fait I e m eme r es ul ta t que dissoudre l e s ys tem e h eg e li en ,comme font les existentialistes. Et p a re il lem en t l e scepticisme est suscep-tible d'une infinite de degres, car Ie mouvement de dissolut ion pent al lerplus ou moins loin: il'arrete en general avant Panean ti ss emen t comp le t,de sorte qu'on trouve encore dans les philosophies sceptiques un certainfond de dogmatisme.Mais cela dit, si 1'0n veut prendre connaissance du scepticisme, c'esttouiours aux sceptiques grees qu'it faut revenir, car on n' a pas fait mieux,et tous les autres dependent d'eux 1.Le scepticisme grec presentequatreformes principales. .La forme extreme, heroique, setrouve chez Pyrrhon.Tsui seu1, autantqu 'on sache, car iln'a rien ecrit, a tente de oiore un scepticisme absolu.Sa devise etait pas plus au pas plutot , au sens de pas plus ouique non, pas plutot ceci que cela . Ne rien croire, s'abstenir de juger, sedefier meme des impressions sensibles, vivre dans une complete indiffe-rence, ataraxic ou apathie, telle etait la sagesse de Pyrrhon. Son but etaitdone de depouiller l'homme, exuere hominem,c'est-a-dire de sedepouiller de son humanite. Son effort etait nne ascese dont la limite estl'extinction de la pensee et me~e de la conscience. Cet ideal n'est passans analogie avec Ie nirvana des bouddhistes, et peut-etreadherait-ilau fond de lui-meme a une religion pantheiste dont l 'i ndi ff e rence n ' es tque la manifestation exterieure.Pyrrhon est le heros et le saint de I'ecole. Apres lui Ie scepticismedevient une dialectique puremelit intellectuelle, dirigee principalementcontre le dogmatisme des stoiciens,La Nouvelle Academic, dont les chefs furent successivement Areesi-las et Carneade, professe leprobabilisme. Aucune representation n'estevidente; nous ne semmes done jamais assures d'etre dans la verite.Mais certaines representations sont vraisemblables ou probables; el lessuffisent tres bien a 'la vie.Le scepticisme classique, dont Ie maitre est Aenesideme, est un phlwnominisme. Le sceptique consent a croire aux apparences, en tant qu'ellessont immediatement presentee a.la conscience et s 'imposent a elle. 11revoque en doute tout le reste et s'abstient de porter aucun jugementsur la realite des choses ou sur ce qu'elles sont en elles-memes, J'aifroid, dit-il Iipeu pres, de cela jene puis douter , Mais fait- il froid? Aucunmoyen de le savoir. N'empeche que sur cette base fort etroite Aenesi-deme rest ituai t, au grand etonnement des historiens, une metaphysiqueapparenree a celle d'Heraclite.La demiere etape du scepticisme greeest l'empz'risme. C'est ce qu'onI. Cf. BROCHARD, Le s S c ep t iq ue s g r ee s, et ROBIN, pyrrhon.

    LE SCEPTICISMEt rouve chez Sextus Empiricus, et c'est le developpement Iogique duphenomenisme. Car si ron admet les phenomenes, rien n'empeche deles observer. Et si on les observe, on remarque certains rapports constants,des successions regulieres, qui pennettent de les prevoir et d'agir sureux, Ainsi prend naissance nne science positive, oil plutot positiviste.Ni Hume ni Comte n'ont rien invente de vraiment nouveau.

    2. - LES ARGUMENTS SCEPTIQUES.

    Les sceptiques ne manquent pas d'arguments, its en ont au contraireun grand nombre qu'ils developpent avec une Ingeniosite , une subti li tesans ega le s , Aenesi deme les a codifies en dix tropes , Le s principauxsont les suivants,1' Les contradictions des philosophes, et plus Iargement la diversitedes opinions humaines, SUI' aucun sujet les hommes ne sont d'accord.

    Qui a raison? Impossible de trencher, car si ron donnait son opinion, onne ferait qu'ajouter un element de discorde, C'est I'argument le plussimple et le plus frappant. On le retrouve a routes les epoques de Phis-toire, et [usque chez Kant.2 Les erreurs, et tres specialement les erreurs des seas, Ies reves, leshallucinations, l 'ivresse, la folie. Comment s'assurer de n'etre pas toujourstrompe? Impossible, puisque ce qui nous parait vrai ne l'est pas neces-sairement et que I'erreur s'impose anous avec lameme force que laverite. C'est l 'argument favori de Descartes .3 La relatiou de Ia connaissance est l'argument le plus profond. Dpent prendre deux formes. D'abord ehaque chose est relative a toutesles autres, car rien dans l'univers n'est isole, separable de l'ensemble.Impossible done de connaitre une chose sans connaitre toutes les autres,Mais personne ne pretend tout savoir, - D'autre part, l'objet connu estrelatif a un sujet, qui est toujours un individu de telle constitution, de

    tel age, dans tel etat de sante, dans telle situation. Impossible done desavoir ce que 1achose est en e l le -meme , i ndependammen t de sa relationa nous.4() Le diaUele est un argument de pure logique. Si une propositionn'est pas demontree, iln'y a aucune raison de I'admettre. Sionlademontrece s6f.1 au moyen d'un principe. Mais si on ne demontre pas le principe .on commet line ( petit ion de principe ; et si on essaie de le demontrer,ce sera au moyen d'un autre principe, et ainsi de suite Ii l'infini,Par ces arguments convergents, le sceptique ne pretend pas prouverl'impossibilite d'atteindre 1averite, ce qui serait une position dogmatique,et d'ailleurs contradictoire, II ne pretend pas que ses arguments sont,vrais, i1 s'en sert seulement pour montrer, en se placant sur le terraindogmatique, qu 'on ne peut rien affirmer. Les tropes, ditSextus Empiri-cus qui etait medecin, Iiberent l 'esprit comme un purgatif l ibere l 'intes-tin en s'evacuant lui-meme. La conclusion n'est done.pas je nesaisrien I), mais plutot je m'abstiens (de juger), [ 'examine, je cherche , oumieux encore que sais-je? formule dont Montaignea fait sa devise.

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    moISTEMOLOGIE G E N E R A L E LE S cE PTICI SME

    3. - E x A M E N DE S ARGUMENTS SCEPT IQUES .qu'unechose ne peut etreintegralement connue etcomprise seule. Mais ..entre' r ien et tout, ilya place pour une infini te de connaissanees vraies,L'autre type de relativi te n 'entraine pas non plus la ruine de la connais-sance. Car si celle-ci est relative a un suiet, a sa constitution, a sasitua-tion, etc. elle est aussi, et tout autant, relative a une chose. Elle est donca mi-chemin.entre la subjectivite pure et l 'obiectivi te pure, qui sont deslimites inaccessibles. Elles'approche tantot de l'une, tantot de l'autre,sans y atteindre jamais. Meme si .l'on ne connait une chose que d'un point ,de Vue particulier, on la connait telle qu'elle est, on Ia connait sons telou tel aspect.40 L'argument du dial lele suppose qu'une proposition n'est certaineque si elle est demontree, Ce qui est absurde, car toute demonstrat ions'appuie necessairement sur desprincipes Indemontrables, Ces principessont parfois des postulats , et alors toutes les proposit ions qu'on en deduitsont conditionnelles. Mais certains principes sont evidents. Cela signifiequ'ils n'ont pas besoin de demonstration parce que leur verite apparaita I'espri t des qu'il en comprend lestermes.Au total, Ies arguments sceptiques n'ont d'autre role que d'apporterun semblant de justification a une position qui a ete prise independam-ment d'eux, c'est-a-dire arbitrairement.

    Commetoujeurs les objections sont faciles, brotales, impressionnantes,alors que Ies reponses sont complexes, nuancees, delicates, Mais en gros,il est assez clair que les arguments avances par les sceptiques n'ont pasla portee qu'ils leurattribuent.1La contradict ion des opinions est un fai t indeniable, Qu'en peat-ontirer? Rien. Car d'abord voila au moinsun point sur lequel i1n'y a pascontradiction, et eela suffit pour que l'argument croule. - De pluscertaines contradict ions peuvent provenir de la complexite des chases,de telle sorte que Ies deux partis aient egalement raison. - Par ailleurs,s i 1 'on examine les opinions deshommes, on verra qu'el les s 'accordentsur les fai ts et surles principes; quand elles divergent,c'estdans l' inter-pretation des faits et dans I'application des principes. - Enfin, pour cequi regarde specialement les contradictions des philosophes, c'est setenira un niveau d'observation tres exterieur ettres supericiel qUI!devoir seulement l'opposition dessystemes, Sous-jacents a Ia diversite, il ya un petit nombre de principes dans lesquels tous les philosophes com-municnt des lors qu 'i ls philosophent, et qu'on pent appeleravec Leibnizune ph ilosoph ia perenn is . L'unite est aussi reelle et aussi evidente que ladiversite,20L'argumentde l 'erreur se retourne centre Iesceptique, D'unefacongenerale, d 'abord, pour que I 'argument soit valable, i l faut que l 'erreursoit un fait , c 'est-a-dire qu'elle soit reelle et qu'elle soit apercue, Maisdire qu'elle est reelle, c'est dire qu'il est orai que ron se trompe. Parconsequent, s'il est vrai que ron se trompe souvent.il n'est pas possibleque ron se trompe toujours. -Et d'autre part, l'erreur ne peut etreconnue que par rapport it Ia verite; elle n'apparait que sur. un fond deverite, par opposition a des [ugements vrais et connus comme leis. Sinous etions constamment dans I'erreur, nous n'aurions pas Ia notion

    d'erreur. Par consequent, Ia possibilite d'uneerreur universelle est exclueau moment meme au 1'0n s'apercoit qu'on s'est trompe. .Cette argumentation vaut en particulier pour le reve et l 'hallucination.Si I'on revait tout le temps, on n'aurait meme pas la notion de reve, etsi r o n ne distinguait pas Ie teve de Ia veille, la question de savoir si laveille est un reve ne se poserait pas.Quant auxerreurs des sens, ilaut nier purement et simplement leurexistence. II n'y a erreur que dans les jugements qui depassent Ies objetspropres des sens et leurs donnees immediates.3 La. relat ivite est incontestable dans Iesdeux sens indiques, Maissur le premier i lfaut remarquer ceci , L 'argument vaudrait s ichaque choseetaitpure relation aux autres, si eUe se reduisait a un croisement de rela-tions. II ne vaut pas si une chose a un etre, propre, car alors elle peut etre'connue sans les autres. Or Ia premiere hypothese. est absurde, car unerelation n'existe pas en elle-meme, mais suppose des termes. Si chaquechose n 'etai t querelat ionaux autres, l'univers entier sombrerai t dans Ieneant, Ce qui reste en fin decomptedePargumenr, c'est seulement

    4 . - D rscussrox DU SCEPTICISME.Nous examinerons d'abord le scepticisme dans la purete de son essence,comme indifference totale ou doute universel. Nous dirons ensuitequelques mots sur ses principales formes historiques.: .Pascal ecrit Je mets en fait qu'il n'y a'jamais eu de pyrrhonieneffectif parfait (fr. 434). L 'histoire lui donne raison. Pyrrhon lui-memen'a pas reussi a s'etablir d'une facon permanente dans l'indifference,Dans ces conditions, est-ce la peine de combattre une ombre qui n'a pasde reali te? OW, car meme si Ie scepticisme reste une sorte d'ideal inacces-sible, on n'est pas dispense de montrer que eet ideal est inacceptable.De plus, en critiquant I'ideal, on critique par Ia meme taus ceux quis'en inspirent, dans la mesure ou ils s'en inspirent.Mais il faut commencer par ecarter quelques arguments inefficaces.Les coups de baton, d'abord, I'argumentum baculinum de Moliere. Cetargument frappant ne vaut rien contre Ie scepticisme classique, qui nemet pas en doute les phenomenes, et ilne vaut pas grand-chose centrePyrrhon qui declarai t Iui-meme tres diffici le de depouiller entierementl'homme. - Inutile egalement de souligner que le scepticisme estcontraire au sens commun. C'est vrai, mais eela ne suffit pas a prouverqu'il a tort, car le role de la critique est precisement d'examiner la .valeur des certitudes spontanees. - Pent-on dire enfin que c'est unedoctrine intrinsequement contradictoire? Non. Nous mettrons tout a

    l'heure en lumiere une contradiction chez Ie sceprique, mais e1Ie n'estpas dans sa doctrine, car i1 n'en a pas. Quand que1qu'un n'affirme rien, .le principe de contradict ion perd sesdroits parce qu' il n 'a pas de matiereo u s'appliquer,

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    26 EPISTbioLOGm GENERALE LE SCEPTICISME 27La ref utat ion p rat ique du scepticisme a ete inauguree par Aristote.Celui-ci ne visait pas 'Ie scepticisme proprement dit, qui n'esistait pasencore, mais 1a sophistique, qui n'en differe pas beaucoup. L'action,dit-il, implique un jugement sur ce qui est bon ou mauvais, uti le ounuisib1e, et aussi sur ce qui est. ou n'est pas. Pourquoi notre philo-sophe se met-il en route vers Megare, au lieu de rester chez luiet de

    penser seulement qu'i l y va?Pourquoi, s'il rencontreun puits ou unprecipice, nes'y dirige.:.t-ilpas,mais pourquoi levoyons-nous au contraireI'eviter comme s'i1pensait qu'i1 n'est pasegalement bon et mauvais:d'y tomber? 11est clair qu'il estime que telle chose est meilleure et telleautre pire, (Meta. IV,4, 1008 b 10-30; cf . saint Thomas, Meta. IV, 9,nO654-657.) Vindifference absolue n'est pas possible pratiguem.ent;elle entrainerait l'inaction et la mort a bref delai,Cette idee a e t e reprise par Hume, puis par Renouvier. Tous deuxechappent au scepticisme par la croyance pratiquement necessaire ildes theses de reaIite ;On peut du reste prolonger la critique d'Aristote, et l'interioriser,pour ainsi dire. Car I 'asceseInrellectuelle du doute, sicontraire aumouvement naturel de l'esprit, implique 1aconviction que l'indifferenceest le souverain bien de l'homme, it quoi tout doit etre sacrifie, I1 y adone au fond du scepticisme une contradiction. Elle n'est pas pensee,ou doctrinale, in actu signato, Elle est vecue, in aau exercito, ce quiest bien pis. Mais comme une contradiction formelle ne peut ette niconcueni vecue, ce que nous en disons revient simplement it signalerque l'ideal sceptique n'est nipensable ni realisable. .Outre cette refutation pratique, une rej utat ion theor ique est-elle pos-sible? Hume estimait que le scepticisme est theoriquement inexpugnable,et que seule la pratique empeche de s'y tenir, C'est vrai, non pas ence sens que les arguments sceptiques sont irrefutables, mais parce quele scepticisme est l'aneantissement de la pensee, Si quelqu'un decide derenoncer a son humanite.. ildevient semblable aune souche )l, selonle mot d'Aristote, et aucune argumentation n'a plus prise sur lui. Maissi le sceptique parle, il est perdu, car ilne peut ni s'exprimer, ni sejustifier qu'en vertu d'un dogmatisme latent.Dirait-il seulement : Que sais-je? ))i1a cesse d'etre sceptique. Carilachoisi cette expression parce qu'elle a un sens defini, parce qu'elle. n'est pas equivalentea je sais )l, ni it je ne sais pas , Et ce sens n'estpas purement subjectif, ilest social, ou inter-subjectif, c'est-a-dire qu'iljouit d'une certaine objectivite,A plus forte raison sile sceptique chercheit se justifier, ilrenie son scepticisme, car dans l'acte meme d'argumenteri1 admet que ses raisons sont solides, capables d'impressionner toutesprit qui les comprend.Ainsi Spinoza n'avait pas tort de dire que le scepticisme est en prin-cipe une secte de muets , Mais comme en fait les sceptiques sontd'intarissables discoureurs, nous retrouvons la contradiction vecue dejareneontree sur le plan pratique.Voila pour I'indifference pyrrhonienne. Que dire maintenant de cesformes attenuees de scepticisme que sont le probabilisme et le pheno-

    inemsme? Elles sont peut-etre plus coherentes au point de vuepratique,mais elles lesont assurement beaucoupmoins au point de vuetheorique1.. Tombent-elles, d'abord, sous la refutation pratique? Ce n'est pas evi-dent, car eUesont ete concues precisement pour obvier au reproche derendre la vie impossible. On nepeut certes pas vivre moralement, nihumainement, sans quelques certitudes, et qui transcendent les pheno-menes subjectifs. Mais peut-etre est-il possible de se maintenir en viesimplement. Pourtant la refutation pratique reste valable it leur egarddans lamesure oil eUescultivent Ie doute : la mortification du jugementimplique la conviction que l'indifference est bonne.Que valent-eUes au point de vue theorique? L'attenuationqu'ellesapportent au pyrrhonisme est leur perte.Le vraisemblable et Ie probable n'ont de sens que par rapport auvrai et au certain. Si done rien n'est certain, rien non plus n'est pro-bable. De plus, en admettant meme qu'aucune representation ne fasseconnaitre avec evidence un objet, i1y a au moins deux choses qui sontcertaines : que telle representation est probable et telle autre non, quelapremiere est un meilleur guide pour la vie que 1 a seconde. Impossibledone de se tenir dans un pur probabilisme.Impossible aussi de se tenir dans un pur phenomenisme, Car d'abordl'idee de phenomene pur est absurde, une apparition etant necessairementl'apparition de que1que chose. De plus le phenomenisme implique aumoins trois certitudes qui depassent Ie phenomene : qu'on ne doit rienaffirmer qui ne soit evident, que lephenomene repond a cette condition,et que rien d'autre ne la realise..

    5. -LE'SCEPTICISME METHODIQUE.De la critique precedente, il resulte non seulement que le scepticismene peut etre adopte comme supreme sagesse, mais qu'il ne peut pasnon plus etre utilise comme methode. C'est ce que nous voulons mettre

    en lumiere pour terminer.Montaigne, et apres .lui Charron, Huet et meme Pascal, ont pease .que Ie scepticisme, en humiliant la raison, est le meilleur moyen depreparer le ceeur a la foi chretienne, Descartes; et de nos [ours Husserl,ont estime qu'i1 est le seul moyen de fonder une philosophie vraimentscieiHfique.. .Miiisd'abord, puisque les arguments sceptiques sont sans valeur, iln',:! a aucune ra is on d'entrer dans cette voie. Si 1'0n y entre, ce serapar un coup de force, par un decret arbitraire de la volonte, Ensuite,'.on ne s'y 'maintient, meme temporairement, que par une subtile contra-diction. Et enfin, O U cela menerait-il?En ce qui concerne la foi, le scepticisme laisserait peut-etre place itun acte aveugle, qui serait un nouveau coup de force de la volonte,Ce serait une foi de type lutherien, non pas une foi de type catholique.Car celle-ci.n'est aucunement un mouvement aveugle du coeur,elle est

    I. cr . SAINT AUGUSTIN, Contra Academicos,

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    EPlStEMOLOGffiGENERAtBun assentimentraisonnable, c'est-a-dire intellectuellement motive. Cul-tiver le scepticisme reviendrait donea saper sesbases et it la rendreimpossible.Sur le plan philosopbique, si ron consent un seul instant it mettreen doute l' evidence, comme fait Descartes par l'hypothese du MalinGenie, on s'enferme definit ivement dans.Iescepticisme, car on ne trou-vera jamaisrien de mieux, aucun meilleur motif d'affirmer. Mais alorsle doute cesse d'etre methodique, - Et si 1'0n met entre parenthesesI'existence du monde et du moi.comme fait Husserl par sa reduction.phenomenologique ll,on arrive acet etonnant resultat de fonder la phi-losophie comme description des essences en supprimant Ie philosophe,1a description et les essences. En theorie rien n'existe plus. Mais en fait,evidemment, la phenomenologie est l'eeuvre d'un philosophe reel,decrivant les essences qu'il abstrait du monde reel. Mettre l' existenceentre parentheses est un art if ice purement typograpbique.Pourtant, it y a chez saint Thomas un texte ou bon nombre de tho-mistescontemporains ont em trouverI 'exigence d'un doute methodiqueuniverse! a l'entree de la metaphysique, Un doute partiel, dit saintThomas, convient aux sciences qui etudienr des verites particulieres; a1a metaphysique, qui etudie la verite en general, convient un doute uni-versel. Aliae scientiae considerant particulariter de veritate; unde etparticulariter ad eas pertinet circa singulas veritates dubitare. Sed istascientia, s icut habet universalem considerationem de veri tate , i ta etiamad earn pertinet universalis dubitatio de veritate; et ideo non particu-.lar iter sed simul universalem dubitationem prosequitur; (Meta. III,I, n O 3 43 .) . 1

    Universa li s dub ita tio de ver ita te: n'y a-t-i l pas la une admirable concor-dance, n'est-ce pas exactement ce que fera Descartes? Non. Car d 'abordnulle part saint Thomas ne reprend a son compte les arguments scep-tiques et n'essaye de cultiver un doute universel comme moyen dedecouvrir one verite indubitable. On. peut le regretter, si ron estimeque Descartes a raison de le faire, mais c'est.un fait qu'il ne s'en souciepas. II precede comme si l'ecole sceptique n'avait jamais existe; a . 1adifference de saint Augustin, i1 l'ignore deliberement,Et cette attitude dogmatique )) se comprend facilement si ron serretant soit peu Ie teste cite. Car on ne doit pas erre dupe des mots. Lemot lat in dubitatio t raduit le motgree aporie.Or aporie ne signifie pas( doute ll, qui se dit en gree ipoche, mais .difflculte II ou probleme ,Lebut dupassageest done simplement de justifier l'habitude qu'avaitAristote de commencer toutes s e s ' recherches par la position du pro-bleme , Cela nous parait assez elementaire, mais c'est capital pourIa bonne marche de l'esprit, car si ron ne definit pas exactement cequ'on cherehe, on n'a aucune chance de Ie trouver. Dans les sciencesparticulieres, les problemes sont speciaux,ils portent sur des pointstres etroits, En meraphysique, ils sont absolument generaux puisqu' ilsportent sur l'etre. Ou en d'autres termes, les sciences cherchent desverites, alors que Ia metaphysique cherche la verite : elle doit doneposer son probleme d'une facon tout a faitgenerale,

    L'EMi'IRISME 2911 n'y a rien de plus a . chercher dans ce passage. Y voir un preceptede doute universe1 est un contre-sens assez grave.

    CONCLUSION

    Le scepticisme est une des tentat ives de l 'espri t humain pour atteindrel'absolu. C'est pourquoi it n'est pas depourvu de seduction.Voyant I'impossibilite d'atteindre un absolu positif, qui serait ladivinite meme, le sceptique s'avance aussi loin que possible dans lavoie du renoncement vers un terme qui serait un absolu negatif Caron ne peut nier que lesceptique accompli ne soit infai ll ible et impas-sible, comme -Ie voulait Pyrrhon, Mais c'est parcequ'il s'est depouillede son humanite sans la remplacer par r ien. La seduction du scepticismeest done au fond celle du neant.

    CHAPITRE I Ii..'EMPIRISME

    I1n'est pas toujours facile de dist inguer l'empirisme du scepticismecar leurs. frontieres sont communes. Ainsi, le demier des sceptiquesgrecs, Sextus, est de fait un empiriste, et Ie plus rigoureux des empiristesmodernes, Humevsedeclare sceptique. Cependant, si l'on definit lescepticisme scIon son essence, comme one attitude de douteuniversel,l 'empirisme apparai t comme one forme, faible peut-etre mais caracte-risee, de dogmatisme, et ron refusera d'appeler Home le plus inge-nieux de tous les sceptiques , selon le mot de Kant. Du reste, l'empi-risme est un mouvement philosophique dont les ramifications sontmult iples. Le seul trai t commun a routes est de n'admettre qu'un moyende connaissance : I'experience,I. - LES ECOLES.

    L'histoire presente comme un long dialogue, une discussion propre-ment interminable, entre l 'empirisme et le rationalisme, chacun s 'affir-mant contre l 'autre et s'approfondissant sous la pression de I'adversaire,Du-cote de I'empirisme, le progres a ete d'elargir et d'approfondirsabase iusqu'a trouver dans certaines experiences un acces a la metaphy-sique,Dans la philosophie grecque, I 'empirisme n'est encore qu'un sensua-lisme, Heracli te , se fondant sur les donnees des.sens, soutenait que l 'e treest purdevenir : Tout coule, disait-il, rien ne demeure. Son discipleProtagoras, remarquant que la sensation est relat ive a Ia constitution de

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    : BP ISTEMOLOGIE .G tN fRALEnos-seas, declarai t : . L'homme est la mesure de toutes choses ..for-mule parfaite et definitive du relativisme et de l'humanisme. Epicure,enfin, est celebre surtout par sa morale du plaisir; mais cette moralene se comprend que comme la consequenced'une theorie sensualistede la connaissance. Quel est Ie bien de l'homme? Rien-d'autre que cequeles sens nous en apprennent, done le plaisir. Le poete latin Lucrecemit en vers la doctrine d'Epicure, .Au moyen age, l'empirisme est represente principalement par Occam;ilprend alors le nom de nominalisme. Sa these centrale est qu'il n'y apas dans I'esprit de concepts abstraits et universels representant desessences, mais seulement des termes ou des noms, dont tout Ie sensconsiste a designer des individus donnes par I'experience, Cette doctrine,qui supprime en quelque sorte l 'intelligence, sera desormais integree al'empirisme dont elle est une armature essentiel le.L'empirisme anglais peut etre pris comme un tout car ilpresente uneremarquable homogeneiteet n'a guere varie en troia siecles. Lockeest encore realiste, Berkeley professe l'immaterialisme, Hume est pheno-meniste. Bentham tire les consequences morales du phenomenisme avecson arithmetique des plaisirs. Mill elabore une logique empiriste, Spencer,enfin, est evolutionniste. Mais les principes crit iques sont identiqueschez tous, et c'est Hume qui les a definitivement formules, 1 11 n'ya pas dans l 'esprit d 'idees innees ni de concepts abstrai ts . 2 La connais-sance se reduit a des impressions sensibles et a des idees qui sontdes copies affaibl ies de ces impressions.c'est-a-dire des images. 3 Lesqualites sensibles sont subjectives, 4 Les relations entre idees se reduisenta des associations. S O Les principes premiers, et en particu1ier le principed e causalite, sont des associat ions d 'idees devenues habituel les , 6 Laconnaissance esrIimitee aux phenomenes et toute metaphysique estimpossible.L'empirisme anglais a eu son echo en France avec Condillae, quiconstruit un systeme sensualiste rainenant -toute connaissance a Ia sen-sat ion transformee de diverses manieres, Quant au positivisme de Comte,s'il ne depend pas directement de l'empirisme anglais, ile rejoint tresexactement, Toute proposition, dit Comte, qui n'est pas strictementreductible a I'enonciation d'un fait, ne peut avoir aucune valeur, nireelle ni intelligible. Le positivisme borne done la connaissance aI'etude des phenomenes naturels et de leurs lois selon les pro c edes deIa methode experimentale.Avec Bergson,on peut dire que l'empirisme prend un nouvel elan,car sans cesser d'etre phenomeniste, i l debouche dans 1 a metaphysique.Bergson a bien defini sa position en l'appelant un positivisme spir i-tualis te. II ne refuse pas toute valeur a l 'intelligence conceptuelle , i1lui assigne pour fonction Paction, et pour objet la matiere, l'espaceetle nombre; mais Il lui denie toute portee metaphysique. C'est I 'intuition,mode de connaissance supra-intellectuelle, qui saisit l'we et permet detrancher les grands problemes metaphysiques, L 'intuit ion estd'abordla conscience, qui apercoit la vie psychologique comme duree plire,etconstate la liberte comme un fait. Blles'etend ensuite a .l'esprit .en

    31nous, et a la vie dans l'univers. Enfin, sous la forme de I'experiencemystique, elle percoit obscurement la presence d'un Dieu dont le nomest Amour.De nos [ours, dans la l igne ouverte par Bergson, et par. oppositionau rationalisme hegelien, l'empirisme est plus florissant que jamais, 11 -coasiste a exploiter certaines experiences auxquelles on accorde uneportee metaphysique : ce sont des experiences d'ordre affectij, le sen-timent etant tenu pour plus penetrant et plus revelateur que les sensou l'intelligence.. .. Pour Heidegger, l'angoisse revele l'existant dans son ensemble, parcequ'elle est le sentiment d'un glissement, d'un effo~d:ement, ou tou~s'aneantit. Elle reveIe done l'homme et le monde conjomtement, Ie morcomme etre contingent jete dans le monde, et le monde comme existantbrut denue de seas, opaque, absurde.Pour Jaspers, le sentiment de I'ichec revele a la fois nos limites etl'etre transcendant, .ou plus exactement la Transcendance, qui nousenglobe. Car l'echec dessine en creux, p.our ainsi dire, ~u ~ D:e~tif,la plenitude de l 'e tre a laquelle nous aspirons sans pOUVOIrjamais 1at-.teindre ni meme la concevoir positivement. .Pour Sartre , la nauseeest une intuition de l'etre en soi absurde, c'est-a-dire des choses qui existent sans raison. Et Yangoisse est Ie sentimentde notre liberte absolue, d'un choix que rien ne peut justifier parce

    qu'il cree notre etre et pose les valeurs.Pour Marcel, enfin, Yengagement , la f idel ite, l 'amour, nous revelentnotre etre profond, ~[e comme s~jet perman~nt et personn:e l ibre, eten face de nous autrui comme toi l), c'est-a-dire comme sujet et per-sonne avec qui je suis en communication.

    2. - LES ARGUMENTS DE L'EMPllUSME.

    L'empirisme se pose OU s'affirme comme un fait, ce qui est tresnormal, d'ailleurs, car ses principes lui interdisent de demomrer sesaffirmations. Mais dans 1 a discussion, rien ne l'empeche de se placerSUI le terrain de l'adversairepour l'abattte, comme faisait deja le seep-ticisme,Positivement, done, il n'y a pas de preuves a attendre, en dehors ~ela th~se meme qui definit.l'empirisme : c'est un f~t qu~ toute ~on~~us-sance provient de l 'ezperience, qu 'aucune affirmation nest vraie 81 ellene se fonde sur une experience, qu'une idee n'est rien de plus qu'unresume de multiples experiences.A cela se ramene le grand et unique argument de Comte en faveurdu positivisme : la loi des trois etats. L'histoire montre, dit-iI, que((Ie mode de penserpositif est le propre de I'intelligence arrivee a laplenitude de son developpement D. Apres avoir trave~e ~'et~t~?eologi,!u.e,puis I'etat metaphysique, l'humanite est enfin arnvee a 1etat positifAyant renonce a toute explication transcendante de l~ nature, elle borneson ambition it connaitre 'Ies phenomenes et leurs lOIS en les observant.

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    EP ISTEMOLOGIE GENERA.LEEn ce qui conceme les arguments polemiques, 'Ie mieux est sansdoute de les classer selon la theorie qu' ils visent ,Contre la theorie cartesienne des idees innees , Locke a dit tout l'essen- .tiel, et ses snccesseurs n'ont den aioute. S'agit- il d' idees mnees actuellestoutes formees dans l'esprit et presentee en lui des l'origine? L'hypo~these est contraire aux faits, car ni les enfants,ni les sauvages ni les

    fous, n'ont les idees d'un homme adulte c ul tiv e, - S'agit-il'd'ideesinnees uirtuelles, d'idees que l'espri t actual ise en Ies t irant de son proprefond? L'hypothese est contradictoire, car la pensee, selon Descartes sedefinit par la conscience. Dire qu'une idee est dans l'esprit sans~u'ill 'apercoive, c'est dire a la fois qu'elle y est et qu'elle n'y est pas.Contre 1 a theorie scolastique de l'abstractioa, les arguments sontmultiples. ,Berkeley est probablement le plus radical des nominalistes . D'abordc'est un fait, dit-il, que je n'ai pas la merveilleuse faculte de formerdes idees abstraites : je ne puis me representer un homme qui ne soitni grand nipetit, ni blanc ni noir, etc., et qui soit tout cela ensemble.Du reste , ajoute-t-il , l'abstraction est impossible: on ne peut pas conce-voir. separement des qualites qui ne peuvent exister separees, comme

    serait par exemple une couleursans surface. Hume estime quela questionest reglee definitivement par les arguments de Berkeley.Chez Bergson, 1 a critique du concept est en dependance de la meta-phy~iq~:. La these fondamentale. de l'ontologie bergsonienne est quela rea lite est un mouvement connan. Ce serait trop peu dire que leschoses sont en mouvement; l'intuition montre qu'il n'exisre pas dechoses, mais seulement du mouvement, que l'etre est pur changemenr,Ceci pose, la critique de l'intelligence suit d'elle-meme, Par ses conceptselle represente des choses definies, distinctes les unes des autres e~sta~les, immobiles. Sa fonction est de prendre une serie de vues ins:an- ,tanees sur lechangement, et de morceler la realite, Ce precede estnecessaire a l'action, mais i11aisse echapper le reel.D~ ~'existentialisme,.la critique du concept est double. n y a d'abord~e cnnque de la connaissance en general, qui englobe la connaissancemtelle~eIle comme ~as part iculier . Ile revient ;i t cette constatation quela CO~.31ssanc: est objectioe, D'ou surt qu'elle est radicalement incapablede saisir le sujet comme tel, en nous ou en autrui : elle Ie transforme~eces.sairement en objet , ce qui revient a dire qu'elle ne peut jamaisla~~mdre comme sujet, - II Y .a d'autre part une critique qui visespecialement le concept . Elle revient a constater .qu'il est abstrait etuniversel. De Ia suit qu'il est par nature, ou par conetiturion incapablede representer l'inelividuel et l'existanr, 'La critique empiriste des p ri nc ip e s p rem ie rs se developpe en deuxvagues. La premiere conceme le principe de causalite la seconde Ieprincipe de contradiction. 'Personn~ n'a ete plus radical que Hume dans la critique de (( l'ideede connexion necessaire ; ilia reduit a une association devenue habi-tuelle entre deux idees. .D'abord Ie principe de causallte n'est pas evident a p ri or i, car il neI

    L'EMPIRISME 3 3 .ramene pas au principe d'idenrite. Comme l'effet est different de laon aura beau analyser la cause, on ne trouvera jamais I'effet, etinversement on peut tres bien concevoir un fait sans concevoir unecause. Ilest done impossible de poser a p rio ri que tout ce qui com-mence d'exister a une cause, ni que les memes causes produisent tou-jours le s memes e ff et s, - Ne peut-on demontrer le principe de causa-

    l ite par l 'absurde? On dit : si une chosecommencait d'exister.sans cause,elle aurait leneant pour cause, ce qui est absurde. Non, repond Hume,it y a ta une petition de principe, car on suppose ce qui est a demontrer,a savoir que tout doit avoir une cause. Quand on dit qu'unfait n'apas de cause, on ne veut pas dire qu'il a leneant pour cause;' ce quiserait absurde en effet; onveut dire simplement qu'il n'a pas de cause,cequi n 'estaucunement contradictoire.D'autrepart, le principe de eausalite n 'est pas donne par l'experience.Ni Ies sens; ni la conscience, ne percoivent Faction, Ie l ien necessaireentre deux phenomenes; Us percoivent seulement la succession des deuxphenomenes. Par exemple, [e vom une boule de billard en toucher uneautre; la premiere s'arrete et la seeonde se met enmouvement;la vuene percoit pas Paction de lapremiere sur la seconde. au encore, j 'aiconscience de vouloir lever Ie bras, puis j 'a i conscience du mouvementde mon bras; mais la conscience ne percoit pas l'action de lavolontesur le bras. Si done le principe de causalite nous parait necessaire, c'estque nous avons pris l'habitude de voir tel phenomene suivi de tel autre,au point de ne plus pouvoir penser autrement. Mais rien ne garantitque Ies lois quenous observons sont valables en dehors des limites denotre experience. .Hume tient encore pour evident le principe d 'identite , et pour.neces-saires . les sciences d'idees qui se fondent sur lui, a savoir les mathe-matiques ou tout le raisonnement se reduit a une cascade d'equations.Mais it suffit de prolonger tant soit peu sa critique du principe decausalite pour qu'elle atteigne taus Ies principes. C'est ce qu'ont faitMill, Spencer, et de nos jours Laporte;' Rougier, Semis, le Cercle deVienne, ainsique nombre de philosophes anglo-saxons. Les principes,disent-ils, sont une generalisation des donnees d'~erience. Pour unepart, its sont done verifies: en tant qu'ils resument I 'esperience, Maispourune autre part , en tantqu 'universels et necessaires, ce sont depur~;:conventions Iogiques, ou des habitudes mentales. Ce qui le prouve,.c'est 4 'abord le fait que la raison humaine evolue .:deschoses longtemps[ugees inconcevables cessent de paraitre telles quand l'experience a mon ..tre qu'elles sont reelles; et inversement Ie principe de contradiction,comme imperatif de. coherence intellectuelle , n 'a prevaIu que. tardive-ment dans - l'humanite. C'est aussi un fait que les principes sont m.isen echec par les donnees de l'esperience,

    3 . - E X A M E N DE S ARGUMENT S BMPI RI ST B S.Reservant la these generale de l'empirisme, nous avons ici apasseJ:en revue ses arguments speciaux,

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    34 llPISTmOiOGIE GtNiRALEL'argume~lt. de LOcke centre les idees innees actuelles nous parai tva1a~le. Mals ~lpourfend AunfantOme, car personne n'a jamais soutenupareille doctrine, pas meme Descartes malgre quelques expressions?la1heur~uses qui le donnent a croire. - L'argumentcontre Ies ideesInne~s virtuelles v~ut contre Descartes, parce que celui-ci definit lape~ee pa~la cons~le~ce. 11ne vaut pas contre Leibniz et toute sa lignee

    philosophique, qui rejettent ~ definition cartesienne de la pensee, Pournotre part, no~s ne v~yons nen d'impossible ni de contradictoire a ceque ce~es Idees. s ,01entsubconscientes et meme inconscienres.Considerons la sene des ar~entscontre l'idie abstraite. Que valentce~ de Berkeley? Sur le premier , dans la mesure Oll Il est nne confidencestnctement per~o~elle,. no~ n:ayons rien it dire. 1 1 est fort possibleq~~ ~erk~Iey n w ! Jam81~.reu;>sl a ~ormer une idee abstraite, ou qu'iln 8l~.Jam~s e.ssaye, et q~ il SOl~rest .e canto~e toute sa vie dans le plande I tmagmanon, -:--Mais quor qu'il en sort du fait, qui appartient ausecr~t de ~ conscience, on peut au moins remarquer que I'argumentattemt uniquementIa theorie de Locke, et nuUement celle d'Aristote.~n ne. peut se repr~enter un ,homme, dit Berkeley, qui ne soit ni grandru pent, etc. Certainement, repondrons-nous, car la representation d'unhomme est une Image, qui est necessairement concrete. Le concept esttout autre c~os~. II ne represente aucun homme, ni d'ailleurs taus leshommes, rows I homme, c'est-a-dire I'essence ((homme ,Cette re~rque fournit la sol~tion du second argument. On ne peutpas se representer ,a partee , U l ne peut exister separe, dit Berkeley,une .couleur s:ms etendue. C ~st vra. l, parce qu'il s'agit d'une qualites;nsl~le. concI;te, dont la re~r;sentatlon est une image. Mais c'est fauxs II s agit de 1essence quahte II, de I'essence (I couleur ou meme del'essence Ie rouge ll. On peut tres bien comprendre ce q:e c'est qu'unecouleur sans se representer aucun corps colore.Sur Ia cri tique bergsonienne, nous ferons seulement deux remarques,10Pour affirmer que le reel est duree pure, it faut avoir deja recuse Iavaleur du.concept c?mme moyen de connaitrc l 'e tre , car un mouvcmentsans mobile e~t stn~ement inconcevable. Or, c'est en s'appuyant surcette these metaphyslqt;~ que Ber~o~ critique Ie concept. II se meuidone dan~ un cercIe vrcieux, 20 S1 l' intel ligence immobilise Ia dureeeUe n:attemt p~s le reel qui est duree. Mais alors, eUe ne nous fait rie~conruntre de reel et ne pe?,t en rien guider l'action. II'est pas possiblede se~arer la valeur pratique et Ia valeur theoriqued'une fonction deconnaissance,Dans Ia critique existentialiste, Ie premier argument est nul ce n'estqu'un [eude mots. Ri~ n'emp~che; en principe, qu'un sujet ;oit objet 'de cO~81ssance co~e 11est objet d amour ou .de haine, qu'il soit connutel q.u IIest, en tant ~~e que sujet, - Le second argument, par centre,es! juste, P~r une coincidence admirable, il reprend exactement Ia doc-t~e de saint Thomas : le concept represente une essence abstraite ilIaisse done echapper l'individuel et I 'existant, qui ne peuvent etre donnesque dans une experience.Venonsen a la critique des premiers principes. Hume a raison, C I O Y O n s . . . ,

    3 S

    lIOUS, quand il soutient que le principe de causalite ne peut se reduireau principe d'identite, ni se demontrer par l'absurde. Mais on ne peuttirer de Ia qu'il n'est pas evident, car c'est supposer qu'il n'y a qu'unseul type d'evidence : celle des jugements analytiques, c'est-a-dire duprincipe d'identite. - De meme, il est vrai que la causalite n'est pasper0le dans les cas chcisis par Hume pour les besoins de sa these.Mais it ne s'ensuit pas qu'elle ne puisse etre percue autrement.Sur la crit ique du principe de contradiction, il n 'y a pas grand-choseit dire. Simplement ceci : ilest faux que la raison humaineevolue, ilest faux que l'expenence presente des contradictions. Sans doute, l 'exer-ciee de Ia raison peut etre plus ou mains rigoureux; par exemple, lapensee primit ive au la pensee chinoise, ne sont pas tres ((logiques ;mais une pensee forme1lement contradictoire se detruirait elle-meme.De meme, l'experience presente souvent des donnees confuses, et quipeuvent meme it premiere vue paraitre contradictoires; mais l'anaIysen'y decouvre jamais d'etres intrinsequement contradictoires.

    4. - DISCUSSION DE L'EMPIRISME.11 y a dans l'empirisme nne importante verite, dont ilse nourrit etqui lui donne Ia force de resister aUXcoups du rationalisme : c'est quel'esprit humain n'a pas d' idees innees, et que Pexperience lui estindis-pensable. Elle lui est meme doublement necessaire : d'abord, d'unefacon generale, pour lui donner un objet it penser, ensuite et plus spe-cialement, pour la mettre en contact avec lesexistants. Cene these,l'empirisme a raison de Ia presenter cornme un fait: elle peut bien s'ex-pliquer par la nature de I'esprit hurnain, fini et incarne, mais eUe ne

    pent etre demontree it proprement parler.Le vice essentiel de I'empirismeest de privet l 'homme d' intelligeneeet de raison en bomant toute connaissance aux objets concrets fournispar I'experience. En eela, il est infidele aux donnees Ies plus claires deI'experience. Car c'est un fait que l'homme est capable de penser desessences abstraites du .sensible , de; comprendre ce que sont les chosesqu'il voit, Gest un fait que les principes premiers sont evideats pareux-memes, que leur verite apparait ala seule condition qu'on comprenneleurs termes. C'est un fait qu'en raisonnant bien; l'homme est capablede q)nnaitre autre chose que ce qui lui est directement donne par l 'expe-rience, Brer, le vice essentiel de I 'empirisme est d 'etre insuffisammentempiriste au de retre etroitement, c'est-a-dire d'accorder une valeurabsolue it une forme particu1iere d'experience en niant les autres, Si1'on tient compte de toute l'experience humaine, on ne peut plus etreempiriste.La meme critique peut se presenter d 'une autrefacon, peur-etre plusprofonde. L'empirisme voit bien que l'esprit humain n'est pas doued'une spontaneite absoIue,. qu'il n'est pas capable de tirer les objetsqu'il connait de son propre fond. Mais l'empirisme en arrive it deniertoute sponraneite au sujet, et it faire de la connaissance une reception

  • 5/12/2018 Verneaux Epist mologie g n rale

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    EPISTEMOLOGIE GENERALEpassive d'impressions. Or c'est un fait que la connaissance, a tous sesdegres, est un acte du snjet . La spontaneite est deja visible dans la simplesensation, elle est plus manifeste dans I 'imagination, et plus encore dansla comprehension et le jugement. L'empirisme ne voit dans la connais-sance que le role de I'objet, il meconnalt celui dn suiet qui est aussiessentiel.Apres cette critique generale, considerons ell particulier le positivismeet l'existentialisme.Chez Comte, la loi des trois etats n'est pas une preuve, elle est uneexpression du positivisme. Car rien ne justifie le privilege accorde al 'e tat posit if . Qu' il apparaisse apres les antres ne prouve aucunementqu'il soitmeilleur. Le critere chronologique n'a de sens que dans nnetheorie du progres necessaire, et a son tour, cette theorie n'a de sensque .dans. nne meta physique rationaliste et optimiste cornme celIe deHegel. C'est nne chose etonnante que de voir Ie posi tivisme se contredireaussi ouvertement, -Est-il an moinsune theorie satisfaisantede laconnaissance scientif ique? Nullement.Dans son ouvrage inti tule Del' explication d an s le s sciences, Meyerson a monrre d'une facon detail lee,et a notre sens definitive, qu'a aucun moment de son developpementIa science n'est conforme au schema positiviste. Jamais Ie savant ne seborne a observer les phenomenes et leurs lois; ilcroit a l 'existence ((ensoi des choses qui lui apparaissent, et il cherche Ies causes des phe-nomenes; [(il fait de la metaphysiqne comme ilrespire .Quant a l 'existentialisme, son intention l'oblige evidemment a se tenirau contact de l'experience, puisqu'elle est seule a donner l'existence;et iI enrichira peut-etre la philosophic en scrutant certaines experiencesqui n'y avaientpas eneore droit de cite. Mais une chose est claire:l'experience a elle seule est incapable de fonder une metaphysique, Desqu'on parle de l'homme, eta plus forte raison de l'etre, l'intelligenceest en reuvre et l'on est passe du plan concret au plan abstrait. Si le phiIo-sophe voulait se cantonner strictement dans [(l 'existence , ildevrai t sebomer a decrire ses impressions personnelles au fur et a mesure qu' ellesse presentent; ce qui reviendrait a deserter la philosophie pour lalitte-rature, et plus precisement pour nne litterature de journal intime ,Et c'est encore trop, car le langage humain implique un exercice del'intelligence. A la limite, comme 1'a bien vu Jaspers, Ie philosopheexistentialiste devrait se contente:r d'exister en silence.

    Co,NCLUSION

    De meme que Iescepticisme, quand it est fidele a son essence, degradel 'homme au niveau de la plante, de meme l 'empirismejs' il e tai t logique,degraderait l'homme au 'niveau de l'anima!. Mais denier a l'hommel'intelligence est tout a fait vain, et personne ne s'y risque. Seulemeat,dans l'empirisme le role de l'intelligence est reduit au minimum, ou plutot.iln'est pas recollnu quoiqu' iI soi t en fai t exerce,

    LE RAT I, ONAL ISME 37

    CHAPlTRE IIILE RATIONALISME

    Le rationalisme est la tendance exactement inverse de I'empirisme,s i ron a quelque difficulte a faire une ?isti~ction n~tte ~ntre s~epti-cisme et empirisme, d'une part, entre rationalisme et idealisme, d autrepart, on n'a aucune peine it di~tinguer Ie ratio~li~~e de l~eml?irisme.Meme quand Ie rationalisme fait nne place a 1experience, il lui refusetoute valeur scientifique. IIxploite aisement les faiblesses de son adver-saire, mais lui-merne, a nos yeux, s'engage dans nne impasse en niantla part de verite de l'empirismc.

    I. - LES ECOLES.Dans la philosophie grecque, Ie rationalisme a donne deux mouve-ments remarquables : Peleatisme et le stotcisme. : Les declarations deParmenide ne laissent place a aucune equivoque: la voie de I'experiencene conduit qu'a l'erreur; la raison seule conduit le sage vers Ie ceeurde la verite qui forme un beau cercle u, La premiere verite que posela raison est le principe d'identite : {{L'etre est, Ie non-etre n'est pas. D'on Parmenide deduit une metaphysique moniste, niant avec intre-pidi te Ie changement et la diversi te des etres, affirmant l' immobil ite etI'unite de l'etre. - La morale stoicienne repose sur une metaphysiquede meme type. Lc sage se rend indifferentaux circonstances etaux mou-vements de la sensibilite, ils 'efforce d 'etre insensible au plaisir et aladouleur, il extirpe sespassions. M~ispourquoi? Parce qe le bonheurreside dans la vertu, que la vertu. consiste a vivre selon la raison, que

    la raison, enfin, est Dieu meme, immanent dans le monde et dansl'homme. Vivre conformement a la raison, c'est etre Dieu,Dans la philosophie moderne, Ie rationalisme est apparu avec Des-cartes, et il a revetu des formes plus ou moins pures. Chez Descartes,ils:C;;i'primeprincipalement par l'idee de Ia mathematique universelleet p~ r ' Ia theorie des idees innees, . ..Lei> mathematiques sont pour Descartes le type de la SCience, carelles sont a la fois r igoureuses et progressives. Pour que la connaissancesoit scientif ique, en quelque domaine que ce soit, mais sp