2
Pour défendre son projet, 4Gas avance l'ab- sence de pollution, minimise les nuisances sonores envisageables et insiste sur l'essor de l'emploi avec le terminal méthanier (200 à 300 emplois pour le chantier sur 3 ou 4 ans puis 38 à 52 personnes permanents). Ce que propose 4Gas est une installation classée Seveso II, dans une zone déjà clas- sée Natura 2000 et le projet comprendrait deux puis trois réservoirs de gaz d'une hau- teur de 47 mètres chacune et d'un diamèt- re extérieur de 85 mètres. Il faut également savoir que le terrain prévu par la compa- figure déjà en bonne place sur la carte des grandes routes maritimes. Le Port de Bordeaux assure déjà plus de 90% des approvisionnements en produits énergé- tiques en France. Un terminal méthanier nécessite un tirant d'eau d'au moins 12m afin d'accueillir les gigantesques navires de transport, qui doivent de plus disposer d'une voie maritime réservée (un métha- nier en effet, à l'arrivée ou au départ d'un port, ne doit jamais croiser un autre navire conformément aux règles de sécurité mari- time). Le site du Verdon offre ces possibili- tés, ainsi qu'un terrain assez grand pour accueillir les infrastructures nécessaires à la regazéification. De plus, ce site est accessi- ble indépendamment des contraintes de marées. Le projet du Verdon a vu le jour en 2006. La société néerlandaise 4Gas, filiale du fonds de pension américain Carlyle et Riverstone a obtenu un accord avec le Port autonome de Bordeaux afin de réaliser ce projet. En 2007 , un débat public a eu lieu entre sep- tembre et décembre, comme pour tout projet de ce type et de cette envergure. Une consultation lancée par la mairie du Verdon a montré que 68% des votants étaient opposés à la réalisation du terminal. Le compte-rendu du Comité Particulier du Débat Public a été publié en février 2008 et 4Gas a étudié ce rapport avant d'annoncer sa décision de poursuivre l'instruction de son dossier début juin de cette année. out d'abord, qu'est-ce qu'un termi- nal méthanier et pourquoi dans l'estuaire de la Gironde ? $ Actuellement, le gaz est une source d'énergie «à la mode» : le gaz naturel est une ressource limitée comme le pétrole, mais qu'on considère comme plus abon- dante que celui-ci. A l'heure actuelle, 37% de l'énergie utilisée au niveau mondial pro- vient du pétrole, contre 23% pour le gaz (chiffres de 2006), mais le gaz est en aug- mentation constante depuis les années 70. Le gaz a un «avantage» écologique par rap- port au pétrole : son exploitation et son uti- lisation rejette 55kg de dioxyde de carbone par Gigajoule, contre 75kg pour le pétrole et 100kg pour le charbon. Le transport du gaz naturel est beaucoup plus difficile que celui du pétrole, il se fait par des gazoducs mais aussi par voie maritime. Le gaz est transporté dans des méthaniers, des navi- res très sophistiqués et très coûteux, sous forme liquéfiée, refroidie à -162 o C. Il s'agit du GNL, le gaz naturel liquéfié. Le GNL est rega- zéifié dans les terminaux méthaniers comme celui prévu sur 20 hectares au Verdon, avant sa réinjection dans les gazo- ducs. Il existe actuellement 53 terminaux méthaniers actifs dans le monde, mais la croissance du marché du gaz appelle l'ap- parition de nombreux projets. En France, deux terminaux méthaniers contrôlés par Gaz de France sont en service, à Fos-sur- Mer, dans les Bouches du Rhône et à Montoir, en Loire-Atlantique : ils fonction- nent actuellement environ à 60% de leur capacité maximale, ce qui pose la question de savoir pourquoi la construction de nou- veaux terminaux serait nécessaire. Pourquoi le site du Verdon ? En quoi le site du Verdon est-il propice à l'installation d'un terminal méthanier ? Tout d'abord, l'estuaire de la Gironde a toujours été une zone de trafic maritime intense et LITTORAL T 44- La Vie au Soleil V ANESS A M. SCHOELZKE* Le projet de terminal méthanier du Verdon-sur-mer, à la Pointe de Grave, à l'embouchure de l'estuaire de la Gironde suscite en ce moment un débat passionné. De nombreux naturistes se mobilisent depuis la proposition de ce pro- jet qui mettrait en péril le tourisme et l'environnement de cet espace naturel remarquable. V V E E R R D D O O N N - - S S U U R R - - M M E E R R : : Quand les naturistes se mobilisent contre le projet de terminal méthanier Littoral-Port Methanier.qxd 09/07/2008 09:33 Page 44

Vie Au Soleil - 121 - Naturistes Contre Port Methanier

Embed Size (px)

DESCRIPTION

article magazine Vie au Soleil n°121 Juillet-Août 2008 sur mobilisation des Naturistes contre le projet de terminal méthanier au Verdon

Citation preview

Page 1: Vie Au Soleil - 121 - Naturistes Contre Port Methanier

Pour défendre son projet, 4Gas avance l'ab-sence de pollution, minimise les nuisancessonores envisageables et insiste sur l'essorde l'emploi avec le terminal méthanier (200à 300 emplois pour le chantier sur 3 ou 4ans puis 38 à 52 personnes permanents).Ce que propose 4Gas est une installationclassée Seveso II, dans une zone déjà clas-sée Natura 2000 et le projet comprendraitdeux puis trois réservoirs de gaz d'une hau-teur de 47 mètres chacune et d'un diamèt-re extérieur de 85 mètres. Il faut égalementsavoir que le terrain prévu par la compa-

figure déjà en bonne place sur la carte desgrandes routes maritimes. Le Port deBordeaux assure déjà plus de 90% desapprovisionnements en produits énergé-tiques en France. Un terminal méthaniernécessite un tirant d'eau d'au moins 12mafin d'accueillir les gigantesques navires detransport, qui doivent de plus disposerd'une voie maritime réservée (un métha-nier en effet, à l'arrivée ou au départ d'unport, ne doit jamais croiser un autre navireconformément aux règles de sécurité mari-time). Le site du Verdon offre ces possibili-tés, ainsi qu'un terrain assez grand pouraccueillir les infrastructures nécessaires à laregazéification. De plus, ce site est accessi-ble indépendamment des contraintes demarées. Le projet du Verdon a vu le jour en 2006. Lasociété néerlandaise 4Gas, filiale du fondsde pension américain Carlyle et Riverstonea obtenu un accord avec le Port autonomede Bordeaux afin de réaliser ce projet. En2007, un débat public a eu lieu entre sep-tembre et décembre, comme pour toutprojet de ce type et de cette envergure.Une consultation lancée par la mairie duVerdon a montré que 68% des votantsétaient opposés à la réalisation du terminal.Le compte-rendu du Comité Particulier duDébat Public a été publié en février 2008 et4Gas a étudié ce rapport avant d'annoncersa décision de poursuivre l'instruction deson dossier début juin de cette année.

out d'abord, qu'est-ce qu'un termi-nal méthanier et pourquoi dansl'estuaire de la Gironde ? $Actuellement, le gaz est une source

d'énergie «à la mode» : le gaz naturel estune ressource limitée comme le pétrole,mais qu'on considère comme plus abon-dante que celui-ci. A l'heure actuelle, 37%de l'énergie utilisée au niveau mondial pro-vient du pétrole, contre 23% pour le gaz(chiffres de 2006), mais le gaz est en aug-mentation constante depuis les années 70.Le gaz a un «avantage» écologique par rap-port au pétrole : son exploitation et son uti-lisation rejette 55kg de dioxyde de carbonepar Gigajoule, contre 75kg pour le pétroleet 100kg pour le charbon. Le transport dugaz naturel est beaucoup plus difficile quecelui du pétrole, il se fait par des gazoducsmais aussi par voie maritime. Le gaz esttransporté dans des méthaniers, des navi-res très sophistiqués et très coûteux, sousforme liquéfiée, refroidie à -162oC. Il s'agit duGNL, le gaz naturel liquéfié. Le GNL est rega-zéifié dans les terminaux méthanierscomme celui prévu sur 20 hectares auVerdon, avant sa réinjection dans les gazo-ducs. Il existe actuellement 53 terminauxméthaniers actifs dans le monde, mais lacroissance du marché du gaz appelle l'ap-parition de nombreux projets. En France,deux terminaux méthaniers contrôlés parGaz de France sont en service, à Fos-sur-Mer, dans les Bouches du Rhône et àMontoir, en Loire-Atlantique : ils fonction-nent actuellement environ à 60% de leurcapacité maximale, ce qui pose la questionde savoir pourquoi la construction de nou-veaux terminaux serait nécessaire.

Pourquoi le site du Verdon ?

En quoi le site du Verdon est-il propice àl'installation d'un terminal méthanier ? Toutd'abord, l'estuaire de la Gironde a toujoursété une zone de trafic maritime intense et

LITT

ORA

L

T

44- La Vie au Soleil

VANESSA M. SCHOELZKE*

Le projet de terminal méthanier du Verdon-sur-mer, à la Pointe de Grave, à l'embouchure de l'estuaire de la Girondesuscite en ce moment un débat passionné. De nombreux naturistes se mobilisent depuis la proposition de ce pro-jet qui mettrait en péril le tourisme et l'environnement de cet espace naturel remarquable.

VVVVEEEERRRRDDDDOOOONNNN----SSSSUUUURRRR----MMMMEEEERRRR ::::Quand les naturistes se mobilisent

contre le projet de terminal méthanier

Littoral-Port Methanier.qxd 09/07/2008 09:33 Page 44

Page 2: Vie Au Soleil - 121 - Naturistes Contre Port Methanier

La Vie au Soleil -45

gnie pour l'implantation est situé à proxi-mité immédiate d'habitations et proche duport de plaisance de Port-Médoc. On peutdonc s'interroger sur l'utilité de créer unecinquantaine d'emplois dans une zone oùle tourisme et la pêche devraient sansdoute être prioritaires à valoriser.

Les naturistes mobilisés

Depuis le lancement du projet, des milliersde personnes se sont mobilisées pour lut-ter contre le terminal méthanier, de part etd'autre de l'estuaire de la Gironde. Dès2007, la Fédération Française de Naturisme,Naturisme Aquitaine pour le côté Médocde l'Estuaire et le Club Naturiste desCharentes pour le côté Charente Maritimese sont positionnés contre ce projet, ontcontribué au débat public et manifesté leuropposition aux côtés de l'association «Unepointe pour tous» (http://www.medoc-pourtous.org). Les naturistes sont particu-lièrement mobilisés contre le terminal duVerdon, car le site retenu se trouve dansune région où le naturisme est très déve-loppé, avec quelques grands centrescomme Euronat ou Montalivet, des asso-ciations et de nombreuses plages naturis-tes. Les naturistes demeurent très actifsdepuis le début et agissent concrètementpour faire reculer le projet de terminalméthanier. La saison estivale 2008 sera sansaucun doute riche en actions et mobilisa-tions contre le terminal. Une lettre ouverte aux dirigeants de 4Gas aété envoyée le 14 juin : cette lettre a étésignée par de nombreuses associations oufédérations, notamment la Fédération fran-çaise de Naturisme (FFN), France NatureEnvironnement, des associations d'entre-preneurs et de commerçants, AlainBougrain-Dubourg, président de la Ligue deProtection des Oiseaux, ainsi que par 8élus, dont Dominique Bussereau, président

du Conseil général deCharente-Maritime et DidierQuentin, député-maire deRoyan et très impliqué contre leterminal méthanier. Cette lettresouligne l'intérêt écologique ettouristique de la zone concer-née par l'implantation du termi-nal méthanier. Ce que propo-sent les opposants au terminal,c'est un développement dura-ble de l'estuaire de la Gironde,notamment la création d'uneaire marine protégée, conformeaux récentes pistes de décisionproposées par le Grenelle del'environnement, et un déve-loppement économique ettouristique prenant en comptel'environnement remarquablede la zone.

Un projet d'aire marine

Depuis le lancement du projet par 4Gas,on parle de plus en plus de la créationd'une aire marine protégée ou d'un parcmarin dans l'estuaire de la Gironde. JérômeBignon, député de la Somme et présidentde l'agence des aires marines protégées estoptimiste quant à la possibilité de créationd'une aire protégée, tout en précisant quece ne serait pas seulement «pour luttercontre le terminal méthanier» mais en pre-mier lieu pour favoriser un développementdurable de cet estuaire. Evidemment, ceprojet de zone protégée en chagrine cer-tains, comme les pêcheurs et d'autresexploitants de la mer, très nombreux dansla région, mais il s'inscrit dans une volontéclairement exprimée lors du Grenelle del'environnement de créer une dizaine deparcs marins en France d'ici 2012 (le pre-mier parc marin français a vu le jour en2007, en Mer d'Iroise, dans le Finistère). Trèsrécemment, un communiqué ministérielde Jean-Louis Borloo et Nathalie Kosciusko-Morizet précise que «les projets d'aména-gements de l'estuaire de la Gironde et despertuis charentais devront être examinés àl'aune des engagements du Grenelle del'environnement», ce qui laisse présagerune issue favorable au projet. DidierQuentin s'est félicité dans la presse de lapublication de ce communiqué. L'aboutissement de ce projet complique-rait en effet la tâche de 4Gas pour finaliserle terminal méthanier, que l'on voit effecti-vement mal cohabiter avec une zone mari-ne protégée.

Pourquoi au Verdon ?

Mais pourquoi cet engouementpour la construction de terminauxméthaniers ? Le projet du Verdonn'est pas le seul ; deux autresimplantations sont en projet enFrance, à Dunkerque par EDF et àAntifer, par Gaz de Normandie(détenu à plus de 66% par le nou-vel opérateur Powéo). Or la capa-cité de ces terminaux dépasseraitde très loin les besoins de gaz enFrance ainsi que la capacité duréseau de gazoducs en France. Lespartisans de ces implantations

avancent deux arguments : assurer la sécu-rité d'approvisionnement en gaz non seu-lement de la France mais de l'Europe et flui-difier la concurrence sur les marchésgaziers, ce qui serait favorable aux consom-mateurs (un argument toujours efficace enpériode d'inflation...). On se rend compte àquel point ce projet s'inscrit dans un sché-ma plus vaste d'une économie mondiali-sée et aux enjeux non seulement écono-miques mais aussi stratégiques. En périodede pénurie, on imagine à quel point lecontrôle des ressources énergétiques estimportant au point de vue politique. Unapprovisionnement maritime permet eneffet d'éviter les risques techniques et sur-tout politiques du transport par gazoducsdepuis les zones de production. La situation de l'estuaire de la Gironde, avecce projet industriel et le débat passionnéqui s'en suit illustre très bien la dichotomieactuelle entre la nécessité d'envisager rapi-dement un développement durable entrouvant notamment des alternatives éner-gétique et en conciliant développementéconomique et protection de l'environne-ment, et les enjeux économiques mondia-lisés actuels. L'action des naturistes dans cecombat illustre bien les valeurs que veulentvéhiculer ces derniers, des valeurs qui fontpasser la qualité de l'environnement avantles profits industriels. Comme le soulignentde nombreuses pancartes dans les mani-festations anti-terminal méthanier : pour-quoi Bordeaux rimerait avec UNESCO etVerdon-sur-Mer avec Seveso ?

* : Vanessa M. Schoelzke est journaliste et photographe- Voir sa présentation faite dans cette édition.

POUR ALLER PLUS LOIN - Une sélection d'articles du journal Sud-Ouest au sujet du terminal méthanier :http://www.sudouest.com:80/160608/cestapunta.asp- Le site de l'association «Une pointe pour tous» :http://www.medocpourtous.org/- Le site de Naturisme Aquitaine : http://www.naturisme-aquitaine.fr/- Le site de la Fédération française de naturisme : http://www.ffn-naturisme.com- Forum de lecteurs de Sud-Ouest, intéressant pour se rendre compte de l'ampleurdes débats : http://www.special.sudouest.com/article.php3?id_article=4346

Littoral-Port Methanier.qxd 09/07/2008 09:33 Page 45