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Réaction monarchique ou transition démocratique ? (1814-1851) La période peut être abordée à partir du livre consacré aux monarchies post-révolutionnaires au point seuil ainsi qu’à plusieurs chapitres et articles : - Francis Démier, L’Histoire, n°401. Notamment les pages 30-32 pour une analyse rapide de la grande charte. - Un chapitre dans le Bréal qui sert de base à la présente fiche. - Deux chapitres dans l’Ellipse, plusieurs pages consacrées à la restauration dans l’invention de la démocratie (Winock, Berstein) avec un passage intéressant p. 111-116 intitulé « les apprentissages paradoxaux ». A signaler aussi les ouvrages de Caron et de Démier. En ce qui concerne le XIX e siècle, notre compréhension est souvent empreinte d’une linéarité fondée sur une marche inéluctable vers la République libérale des années 1870-1880. En réalité, une infinité d’histoires possibles se sont déployées (Fureix) et c’est de cette multiplicité de voies qu’il faut aussi rendre compte en envisageant les notions de citoyenneté, de république et de démocratie dans la France du premier XIX e siècle. I. De la Restauration aux Trois Glorieuses : l’impossible renoncement à la citoyenneté. Temps d’apprentissage du parlementarisme, la Restauration et la monarchie de juillet peuvent être considérées comme un moment d’expériences citoyennes, républicaines et démocratiques. La citoyenneté s’organise autour du bicaméralisme avec la Chambre des Pairs et la chambre des députés, pourvue par des élections régulières au suffrage censitaire. Parallèlement à cette citoyenneté encadrée, des modes d’expression et de contestation se développent ; usages de pétitions publiques, organisation de souscriptions, utilisation politique de charivaris et de cortèges funéraires, jusqu’à la réunion de banquets d’opposition. Pour Caron, la période n’est pas cette époque que l’on qualifie parfois de « moment anglais », pas plus qu’elle n’est un retour à l’Ancien Régime même si ce danger est perçu comme possible par certains contemporains. 1) Les débuts difficiles d’un régime en quête de légitimité (1814-1820) C’est en 1814 que le frère de Louis XVI, ancien comte de Provence, Louis XVIII entre en France. Le 2 mai 1814, il prononce sa déclaration dite de Saint-Ouen. Il y affirme la nécessité d’accepter les principes politiques de 1789. L’esprit de compromis trouve un écho dans l’élaboration de la « Charte constitutionnelle » destinée à encadrer le

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Page 1: Web viewC’est une « monarchie » censitaire. - Le pouvoir législatif est partagé entre deux chambres : Chambre des pairs, Chambre des députés

Réaction monarchique ou transition démocratique ? (1814-1851)

La période peut être abordée à partir du livre consacré aux monarchies post-révolutionnaires au point seuil ainsi qu’à plusieurs chapitres et articles :- Francis Démier, L’Histoire, n°401. Notamment les pages 30-32 pour une analyse rapide de la grande charte.- Un chapitre dans le Bréal qui sert de base à la présente fiche.- Deux chapitres dans l’Ellipse,  plusieurs pages consacrées à la restauration dans l’invention de la démocratie (Winock, Berstein) avec un passage intéressant p. 111-116 intitulé « les apprentissages paradoxaux ».A signaler aussi les ouvrages de Caron et de Démier.

En ce qui concerne le XIX e siècle, notre compréhension est souvent empreinte d’une linéarité fondée sur une marche inéluctable vers la République libérale des années 1870-1880. En réalité, une infinité d’histoires possibles se sont déployées (Fureix) et c’est de cette multiplicité de voies qu’il faut aussi rendre compte en envisageant les notions de citoyenneté, de république et de démocratie dans la France du premier XIX e siècle.

I. De la Restauration aux Trois Glorieuses : l’impossible renoncement à la citoyenneté.Temps d’apprentissage du parlementarisme, la Restauration et la monarchie de juillet peuvent être considérées comme un moment d’expériences citoyennes, républicaines et démocratiques. La citoyenneté s’organise autour du bicaméralisme avec la Chambre des Pairs et la chambre des députés, pourvue par des élections régulières au suffrage censitaire. Parallèlement à cette citoyenneté encadrée, des modes d’expression et de contestation se développent ; usages de pétitions publiques, organisation de souscriptions, utilisation politique de charivaris et de cortèges funéraires, jusqu’à la réunion de banquets d’opposition.Pour Caron, la période n’est pas cette époque que l’on qualifie parfois de « moment anglais », pas plus qu’elle n’est un retour à l’Ancien Régime même si ce danger est perçu comme possible par certains contemporains.

1) Les débuts difficiles d’un régime en quête de légitimité (1814-1820) C’est en 1814 que le frère de Louis XVI, ancien comte de Provence, Louis XVIII entre en France. Le 2 mai 1814, il prononce sa déclaration dite de Saint-Ouen. Il y affirme la nécessité d’accepter les principes politiques de 1789.  L’esprit de compromis trouve un écho dans l’élaboration de la « Charte constitutionnelle » destinée à encadrer le nouveau régime.  Cette charte, octroyée, s’inspire de celle de la Magna Carta de 1214. Celle-ci repose sur plusieurs aspects :- Elle reconnait l’existence de principes fondamentaux issus de 1789, tels que l’égalité civile, la liberté individuelle, la liberté de culte, ou encore la garantie de la propriété. - Le régime est une monarchie reposant sur le principe héréditaire.- C’est une « monarchie » censitaire. - Le pouvoir législatif est partagé entre deux chambres : Chambre des pairs, Chambre des députés. - Les électeurs : hommes âgés de plus de 30 ans et payant une contribution directe ou supérieure à 300 francs.Après la période des Cents jours, Louis XVIII, qui avait fui, regagne le palais des Tuileries en Juillet 1815. Il s’en suit une épuration de l’armée et de l’administration. L’entrée dans la « seconde Restauration » s’accompagne également d’une nouvelle « Terreur blanche », moment d’expression contre-révolutionnaire. C’est dans cette ambiance que se déroulent les premières élections.1815 juillet-août : terreur blanche. Des royalistes massacrent des bonapartistes et des jacobinistes.1815 août  : Elections législatives remportées par les ultras. C’est la « chambre introuvable » selon le mot de Louis XVIII. Elle est le fruit de la victoire des ultras.(Caron p.11).1816 : Louis XVIII dissout la chambre introuvable. Les élections du 4 octobre voient la victoire des modérées et des Constitutionnels. La restauration entre dans une phase de libéralisation du régime.1817 : loi électorale.(Loi Laîné). Caron p. 16.La loi Laîné : Cette loi organise les élections législatives au suffrage direct et au scrutin de liste dans les

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chefs-lieux de départements, ce qui avantage de fait la bourgeoisie urbaine, souvent libérale.  Le débat qui précède le vote de la loi fut l’un des plus importants de la Restauration obligeant les députés à se positionner face au principe même du droit de vote et donc face aux précédents révolutionnaires et impériaux. Une véritable ligne de fracture passe alors au sein des monarchistes qui trouvent sa plus forte expression au printemps 1830.Cette loi qui transfère le lieu de vote du chef-lieu d’arrondissement à celui du département décourage de nombreux gentilshommes ruraux à se rendre aux urnes, ce qui contribue à un recul de la droite ultra à la chambre.Pour Pierre Rosanvallon, la nouvelle délimitation du corps électoral (110 000 électeurs pour 32 millions d’habitants) s’accompagne d’un débat prolongé en direction de l’opinion publique par le biais de la presse qui connaît un nouvel essor (Loi de Serre de 1819). On peut citer La Minerve de Benjamin Constant ou Le Constitutionnel qui publie 20000 numéros par jour.

2) Un durcissement ultra (1820-1828)Un attentat politique met un point d’arrêt à la libéralisation du régime.Dans la nuit du 13 au 14 février, le dauphin du trône, le duc de Berry, est assassiné par un bonapartiste, l’ouvrier Louvel. Cet attentat qui contribue à la bipolarisation de la classe politique contribue aussi à un changement de cap :- Le libéral Descazes est remplacé par le duc de Richelieu.- Suppression de certaine liberté comme celle de la presse.- Une nouvelle loi électorale est adoptée en 1820, appelée la loi du double vote. Elle restaure un scrutin d’arrondissement pour 258 sièges, ce qui estfavorable aux notables ruraux. Les 172 autres sièges de la Chambre sont pourvus au niveau départemental par le quart le plus imposé des électeurs. Ces derniers sont donc amenés à voter deux fois.  Le nombre de députés de gauche diminue après cette nouvelle loi.En 1824, Charles X succède à Louis XVIII. Il prend des mesures qui témoignent d’un durcissement du régime avec la remise au gout du jour du sacre à Reims, la loi sur le sacrilège et loi dite du « milliard des émigrés » et qui indemnise les nobles ayant quitté la France pendant la Révolution.

3) Résistances et contestations (1820-1828)La contestation accompagne le tournant réactionnaire du régime. Elle peut prendre la forme d’une opposition institutionnelle comme celle des libéraux, qui à la Chambre, font échouer le projet de loi sur le droit d’aînesse remettant en cause l’égalité devant la succession. Mais c’est aussi et surtout en dehors de la Chambre des députés que se poursuit la politisation de la société française. La privation du droit de réunion et d’association conduit les Français à emprunter d’autres voies d’engagement comme l’appartenance à des sociétés secrètes. A cet égard, la Charbonnerie est fondée en France en 1821. Influencée par la Carboneria italienne, elle est initialement républicaine mais l’arrivée de nombreux libéraux, favorables à une monarchie constitutionnelle, tend à diluer ce républicanisme. Suite à plusieurs conspirations avortées, la Charbonnerie se dissout d’elle-même. (cf. B.Goujon p.193 et ss.).La diversité des modes d’action adoptés par l’opposition libérale explique le recours à d’autres outils d’opposition plus ponctuels :- Les « enterrements de contestation » étudiés par E.Fureix.- Les banquets constituent un autre moyen d’afficher et d’exprimer un engagement collectif.C’est à travers ces pratiques et rituels que s’affirme une culture d’opposition sous la Restauration. Pour autant, on ne peut  pas parler d’un réel courant républicain. En réalité, l’opposition au régime est marquée par des convergences entre idée républicaine, bonapartisme et libéralisme. Ces convergences ne permettent pas de faire de distinctions trop tranchées entre idéologie. Au final, la faiblesse des partisans de la république et des idéaux démocratiques peut contribuer à expliquer l’absence d’une piste sérieuse de réforme républicaine du régime après la révolution de juillet 1830.

4) Vers l’affrontement (1828-1830)Si l’on ne peut pas parler sous la Restauration de « parti républicain », la montée des formes de contestation, parfois d’inspiration républicaine mais pas uniquement, s’observe à partir de 1828. C’est l’année 1830 qui voit les résistances opposées à l’exécutif se cristalliser avec, par exemple la naissance du journal Le National fondé par Thiers, Mignet et Carrel. Il bénéficie du soutien financier de Lafitte. L’opposition se fait aussi jour à l’assemblée. Face à cet état de fait, Louis XVIII adopte 4 ordonnances qui suscitent une révolution.