Tahiti et ses archipels. Polynésie françaiseMADÈRE LA CRÈTE
VIVANTE
Jean SECRET SAINT JACQUES
M. RIV IBRE-SESTIER VENISE
Victor CRASTRE TOLÈDE
cœur de l'Espagne
Elian-J. FINBERX PROVENCE
pastorale et transhumance
DU PÉTROLE au Moyen-Orient
Cornélia NIEl<.STRASZ et Letty CI.A US SARDAIGNE
Marie MAURON AU FIL DU RHONE des glaciers à la mer
l'eter SCHMID VOYAGE EN CHINE
Ilermauu SCHREIBER TYROL
J.-J. BOURGOIS MARTINIQUE
Couverture :
Habi ta t ions de pêcheurs sur la l agune de Maeva
( I l u a h i n e ) l'hoto E. Aubcrt de la Rite
Prilitc(l in France
PHOTOGRAPHIES DE E. AUBERT DE LA RÜE
O U V R A G E S D U M Ê M E A U T E U R
CHEZ LE MÊME ÉDITEUR
T R O P I Q U E S (En collaboration avec F. Bourlière et J.-P.
Harroy) 1954
CHEZ D'AUTRES ÉDITEURS
P I E R R E S P R É C I E U S E S E T P I E R R E S D ' O R N E M E
N T A T I O N
(Épuisé) P. Lechevalier 1928
T E R R E S F R A N Ç A I S E S I N C O N N U E S (Épuisé) Société
Parisienne d'Edition 193°
L ' H O M M E E T L E S I L E S
Gallimard 193 5
L A S O M A L I E F R A N Ç A I S E Gallimard 1939
L ' H O M M E E T L E V E N T
Gallimard 1940
S A I N T - P 1 E R R E - E T - M I Q U E L O N Edit. de l'Arbre,
Montréal 1944
L E S N O U V E L L E S H É B R I D E S
(Iles de Cendres et de Corail) Edit. de l'Arbre, AIontréal
1945
L E S T E R R E S A U S T R A L E S
Coll. Que Sais-je ? Presses Universitaires 19 5 3
D E U X A N S A U X I L E S D E L A
D É S O L A T I O N (Archipel de Kergue len) Julliard 1954
B R É S I L A R I D E (La Vie dans la Caat inga) Gallimard 1 95
7
L ' H O M M E E T L E S V O L C A N S
Gallimard 19 5 8
"ç; Horizons de France, r qjf -
V I S A G h S 1) (-T M O N D E
E . A U B E R T D E L A R U E
T A H I T I et ses
ARCHIPELS
cent héliogravures et une carte
H O R I Z O N S D E F R A N C E
P A R I S
Tahiti. Privée de coraux protecteurs, la côte de Papenoo est
directement exposée à la grosse houle du Pacifique. Having no coral
reefs to proiect il, lhe coast of Papenoo is direclly exposed to
the heavy swell of the Paci fie.
TAHITI ET
et ses Archipels
Tahiti. La côte d'Arue, bordée de récifs de coraux. The coasi of
Arue wilh ils coral reefs.
Tahiti. Un coin paisible du lagon T a i a - rapu). Au loin, les
montagnes de
P a p e a r i . .i*l*e! M Ihe lagoofT al
^ V e ^ faninçulci of Taiar£qmi. —- Js&tonu^the mounlains
ol
Papèari. n *- -
AVANT-PROPOS
Tahiti demeure encore pour beaucoup de gens synonyme de vie
primitive, d'existence insouciante, de large hospitalité. C'est,
dit-on, le pays des belles filles peu farouches et de l'amour
libre. Le seul nom de cette île merveilleuse n'évoque-t-il pas des
terres ensoleillées, caressées par l'alité, dont les habitants
mènent une vie sans souci, évoluant dans leurs gracieuses pirogues
sur les eaux calmes et claires des lagons ou, parés de fleurs,
passent le plus clair de leur temps à chanter et à danser à l'ombre
des palmiers?
Cent faits inexacts, dissimulés par quelques réalités, composent la
légende charmante et vivace qui auréole Tahiti et ses archipels,
les présentant comme de véritables paradis terrestres, où règne un
printemps perpétuel. Cette aimable renommée d'îles enchanteresses,
peut-être encore sincèrement méritée il y a une centaine d'années,
ne correspond plus à la réalité d'aujourd'hui. Près de deux siècles
se sont écoulés depuis les voyages de Wallis, de Bougainville et de
Cook et même dans la lointaine Océanie le temps passe et tout
évolue. Le pareo et la guitare, totalement inconnus des anciens
Polynésiens et introduits par les commerçants européens,
disparaissent à leur tour devant la robe de plage, le short et la
radio. Les scooters et les motos envahissent Tahiti et les pirogues
abandonnent leur voile pour de puissants moteurs hors-bord. Leur
isolement relatif n'a pas protégé
les archipels de la Polynésie française d'une transformation
profonde, plus marquée sans doute ici qu'en d'autres lieux de la
Polynésie, aux Samoa et aux Tonga par exemple.
Sans se lamenter inutilement sur les changements survenus, recon-
naissons qu'il subsiste néanmoins de ce passé fortuné un très beau
cadre, ce qui est consolant, mais vouloir perpétuer, en I9JS,
l'illusion flatteuse d'une Polynésie de rêve, me semble une
imposture monumen- tale, abusant un public crédule et trop épris
d'exotisme.
J'ai tenté de présenter, dans les vues qui suivent, un tableau
objectif du Tahiti actuel et des archipels qui l'entourent. On y
verra les multiples visages de la belle nature polynésienne, la
luxuriante et l'étrange végétation des rivages et des montagnes.
Des scènes plai- santes et pittoresques montrent ce qui subsiste
encore de naturel et de spontané che les Océaniens de notre
époque.
Hiro, divinité malfaisante s'apprêtant à dévorer un ennemi, tel que
le concevait un vieux sculpteur de Raiatea.
Initiation au monde polynésien
SITUATION. — Fondés en 1843, les Etablissements français de
l'Océanie se sont officiellement effacés, le 26 juillet 1956,
devant la Polynésie française, appellation nouvelle plus élégante,
sentant moins le comptoir commercial, mais manquant d'exactitude.
Deux groupes insulaires typiquement polynésiens : Wallis et Futuna,
dépendant également de la France, mais situés à 3 000 km à l'Ouest
de Tahiti, dans les parages des Samoa, demeurent toujours rattachés
à la Nouvelle-Calédonie, elle- même distante de 2 000 km. En
échange, l'atoll de Clipperton, désert et perdu au large des côtes
mexicaines, continue à relever administrativement de Papeete, dont
le séparent 5 000 km, à peu près la largeur de l'Atlantique !
L'ensemble des archipels de la Polynésie française, si l'on néglige
ce minuscule atoll de Clipperton, réunit environ 125 îles
éparpillées sur vingt degrés de latitude, entre les 8e et 28e
parallèles, couvrant dans le centre du Pacifique austral une aire
océanique de 4 millions de km2. C'est à peu près la superficie de
l'Europe, mais les terres émergées ne représentent, en tout, que 4
000 km2, l'importance d'un petit département français.
Parmi ces îles, les plus nombreuses sont de formation madréporique,
la plupart des atolls typiques, dépassant à peine le niveau des
flots. A ces îles basses, on oppose les îles hautes, d'origine
volcanique, simples sommets de puissants édifices sous- marins
surgissant de plusieurs milliers de mètres de profondeur.
Coralliennes ou volcaniques, ces îles s'entremêlent parfois et
s'ordonnent en quatre rangées principales, sensiblement parallèles
et s'orientant du Nord-Ouest au Sud-Est. Ces alignements forment,
en s'écartant de l'équateur vers le Sud, les archipels des
Marquises, des Tuamotu, de la Société et des Australes.
Les Marquises, avec neuf îles principales, volcaniques et
montagneuses, d'une étendue globale de 1 274 km2, se répartissent
en trois groupes. Au Nord, Hatutu, Eiao et Motu iti, arides et
désertes, sont les plus petites. Ce sont, au centre, Nuku Hiva, Ua
Huka et Ua Pu et au Sud enfin : Tahuta, Hiva Hoa, Motane et Fatu
Hiva.
Les Tuamotu comptent une soixantaine d'atolls principaux, semés sur
une distance de 800 km. Leurs dimensions sont extrêmement variables
et les plus consi- dérables, comme Fakarava et Rangiroa, ont
respectivement 60 et 70 km de diamètre. Peu de terres sont aussi
déshéritées que ces îles coralliennes, dangereusement exposées aux
assauts de la mer. Tout à fait à l'extrémité orientale des Tuamotu
surgit le petit groupe des Gambier, avec Mangareva comme île
principale, réputée pour ses huîtres perlières.
L'archipel de la Société, ainsi nommé par le capitaine Cook, en
l'honneur de la Société Royale de Londres, comprend à l'est Tahiti,
île double autour de laquelle se rassemblent le cône volcanique de
Mehetia, l'atoll de Tetiaroa, l'un et l'autre habités seulement de
façon intermittente, Moorea, au profil si gracieusement découpé et
Maiao ou Tupuai Manu, réduite à quelques modestes collines.
L'archipel de la Société se poursuit à l'Ouest par les Iles
Sous-le-Vent, avec les deux Huahine, enfermées
dans u n même lagon, comme le sont également, à peu de distance,
Raiatea et Tahaa. Viennen t ensuite Bora Bora et l'atoll de Tupuai
ou Motu iti, Maupiti et enfin les trois atolls de l 'Ouest :
Mopelia, Scilly et Bellingshausen.
U n dernier groupe s'espace le long du tropique, celui des
Australes, qui prend souvent place sur les cartes sous le n o m
d'archipel Tupuai. Cette chaîne, fort lâche, débute à l 'Ouest avec
Maria, corallienne et basse, que suivent, hors de vue les unes des
autres, Rimatara, Ruru tu , Tupuai et Raivavae, îles mixtes, à la
fois volcaniques et coralliennes, à l 'exception de l
'avant-dernière, exclusivement formée par des laves, comme le sont
également Rapa, très à l 'écart plus au Sud et Marotiri , le poin t
le plus méridional de la Polynésie française.
Peut-être convient-il, avant d'aller plus loin et que ne s'allonge
la liste des noms et des mots polynésiens, d ' u n emploi à peu
près inévitable lorsqu 'on évoque ces îles, par simple commodi té
et n o n pour faire plus couleur locale, de d o n n e r quelques
brèves not ions sur leur prononcia t ion. Dans la langue
polynésienne, toutes les voyelles se p rononcen t . Suivant l 'or
thographe admise pour la t ranscr ipt ion de ses vocables, le u se
p rononce toujours ou, le e se dit é. Papeete ne doit pas se dire
Papète, mais Papéété. La lettre h est en général for tement
aspirée. Le b n'existe pas, mais certains européens l ' on t
introduit , à tort, dans la transcript ion de divers noms et disent
Tubuai au lieu de Tupuai, Bora Bora à la place de Pora Pora.
L'usage de Bora Bora s 'étant généralisé, j 'ai adopté, comme
d'autres, cette or thographe incorrecte. De sérieuses difficultés
se présentent pou r écrire correctement les noms de lieux, les
documents officiels ne suivant, eux-mêmes, aucune règle sur la
façon de les écrire.
Q U E L Q U E S M O T S D ' H I S T O I R E . — La découverte de
Tahit i est attribuée à Wallis, en 1767. L 'année suivante, le 6
avril 1768, Bougainville, à bord de la Boudeuse y vint à son tour
et annexa l'île en lui d o n n a n t le n o m de Nouvelle Cythère.
Charmé par sa beauté et la douceur de ses habitants, le récit
enchanteur et quelque peu enfantin qu'il d o n n a de son séjour
est à l 'origine de la légende de Tahiti . Cook vint y séjourner
plusieurs mois en 1769 afin d 'observer le passage de Vénus devant
le soleil. U n e expédition espagnole entreprit trois voyages entre
1772 et 1775 en vue d'évangéliser les insulaires et son chef
Domingo Boenecheo mouru t à Tautira. Ce fut, u n peu plus tard, en
1788, le passage du capitaine Bligh, à bord du Bounty, l'escale de
Tahiti étant à l 'origine de la célèbre mutinerie. L'ère des
découvertes prit fin en 1791 avec le voyage du navigateur anglais
Vancouver.
L 'époque de la colonisation s 'ouvrait en 1797, avec l'arrivée du
Duff amenant trente missionnaires de la LondonMissionary Society de
Londres. En 1812, Tahit i leur était acquise, par la conversion du
roi Pomare II. Leur action se porta, quelques années plus tard,
vers les autres archipels. De leur côté, les Pères de Picpus
débarquèrent aux Gambier en 1834, à Tahit i deux ans plus tard et
aux Marquises en 1838. En mai 1842, l 'amiral D u Petit Thouars
prenait possession des îles Marquises au n o m de la France et, le
9 septembre 1842, établissait u n protectorat provisoire sur Tahi t
i et ses dépen- dances, acte qui fut ratifié par Louis-Philippe le
25 mars 1843. Les luttes d'influence entre l 'Angleterre et la
France prirent fin lorsque le roi Pomare V céda à la France, le 29
juin 1880, l 'ensemble de ses états (Tahit i et îles de la Société,
Raivavae, Tupuai
POLYNÉSIE FRANÇAISE
et Tuamotu). Rapa fut acquis en 1887, Rurutu en 1900 et Rimatara en
1901. En 1945 la citoyenneté française a été accordée à tous les
ressortissants des différents archipels formant aujourd'hui la
Polynésie française.
ASPECTS PHYSIQUES. — Longtemps l'opinion fut admise par certains
que des témoins d'un socle ancien existaient en quelques îles
(Rurutu, Rimarata, Maupiti), vestiges d'un continent, maintenant
englouti, dans cette partie du Pacifique. Ce point de vue,
s'appuyant sur des déterminations de roches erronées, doit être
défini- tivement rejeté. Les îles de la Polynésie sont, sans
exception, typiquement océaniques, surgies des profondeurs de la
mer. Les unes, édifiées par des coraux, sont des atolls, les
autres, de nature éruptive, sont apparues entre le Pliocène et le
Pléistocène, mais toute activité volcanique est aujourd'hui
éteinte. Quelques îles sont de formation mixte (Maiao, Rimatara,
Rurutu), réunissant autour d'un noyau central éruptif, d'anciens
récifs madréporiques portés à des niveaux divers.
Beaucoup de ces volcans insulaires sont d'une nature complexe,
résultant d'éruptions successives qui se sont manifestées par
l'épanchement de laves très fluides et éventuellement par des
phénomènes explosifs accumulant des brèches et des tufs. Dans
l'ensemble, les laves basaltiques sont dominantes, mais les
trachytes et phonolites sont représentés sur plusieurs îles. A
Tahiti et Rapa s'observent, en outre, des types de laves beaucoup
plus rares.
Peu d'îles hautes conservent leur allure conique primitive.
L'érosion les a profondément disséquées pour la plupart et beaucoup
ne sont plus que des squelettes de volcans, extraordinairement
déchiquetés bien souvent, hérissés de pics et hachés d'étroites et
courtes vallées aux pentes vertigineuses, séparées par des crêtes
en lame de couteau. Telles sont les Marquises en général et les
îles de la Société, de même que la lointaine Rapa, s'élevant à des
altitudes comprises entre 700 et 1 200 m. Tahiti, la plus grande et
la plus élevée, en a près du double, son point culminant,
l'Orofena, atteignant 2 237 m. D'autres îles ont été réduites à des
collines escarpées, mais de dimensions modestes, n'excédant guère
400 m de hauteur, comme Maupiti, Mangareva et certaines des
Australes, tandis que Maiao et Rimatara, les plus applanies de
toutes, n'ont même pas 100 m.
Dans l'ensemble, les îles montagneuses sont sillonnées de cascades
et de torrents, temporaires chez les plus petites, permanents chez
les autres. Une étroite plaine litto- rale, inégalement développée,
souvent discontinue, entoure ces terres volcaniques. Là se
rassemblent la presque totalité de leurs habitants et leurs
cultures. Quelques fonds de vallée, les pentes inférieures des
montagnes représentent avec cette terrasse côtière, les seules
parties utiles des îles. Tout le reste est en général d'un relief
trop accidenté pour que l'on puisse en tirer grand profit. Cette
précieuse terrasse périphé- rique, édifiée par les alluvions des
torrents ou de nature corallienne dans quelques cas, fait défaut
aux Marquises. Son absence se fait fâcheusement sentir, car elle
seule, permet des communications aisées d'une vallée à l'autre.
Dans ces îles, où aucun chemin ne peut longer le rivage, on est
contraint d'emprunter des itinéraires acroba- tiques pour se
déplacer, les sentiers s'accrochant à des pentes
invraisemblables.
Un récif-frangeant, nivelé par la mer qui le recouvre à chaque
marée, toujours
Tahiti. Ressac sur une plage de sable volcanique de Tiarei. % Des'
filets de pêche sèchent, suspendus aux pandanus. Waves breaking on
a beach of volcatiic sand al 7 iarei. Fishing nels have been hutig
up lo dry on pandanuses.
Tahiti. Sur leysentier de l'Aorai, un arbre c h a r g e a lichens
chevelus.
w. A tree covered ^with .hairy lichens along the p th toi Aora i j
^ N ^
Couverture