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Vital Le savoir et l’amour nous font immortels Valentin Caro

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VitalLe savoir et l’amour nous font immortels

Valentin Caro

30.42 662512

----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique

[Roman (134x204)] NB Pages : 406 pages

- Tranche : 2 mm + (nb pages x 0,07 mm) = 30.42 ----------------------------------------------------------------------------

Vital Le savoir et l’amour nous font immortels

Valentin Caro

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A mis padres,

Lola y Valentín

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1 Kaanon Cybèles

C’est moi qui suis toutes ces créatures dans leur totalité et il n’y a pas d’autre être en dehors de moi.

Upanishad, Vedas, (Upnek’hat, I, 122)

Est-il vrai que le bonheur se dissimule derrière les atomes et non derrière les étoiles ?

Il y a plus de vie dans la mort que de mort dans la vie ?

Dans l’infini tout est-il possible ? Même l’impossible ?

Pourquoi l’immensité de l’univers ne vient-elle pas, lorsque je prends mon petit déjeuner sur ma terrasse, me susurrer à l’oreille les mystères de sa création ?

Kaanon Cybèles se posait de temps à autres de telles questions. Pourtant elle n’avait pas l’âme d’un

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poète. C’était une femme d’une grande sensibilité, mais aussi, paradoxalement, capable de gérer ses émotions avec une rigueur martiale.

Elle exerçait une profession bien pragmatique, elle n’avait pas le temps de rêver à d’autres mondes dans sa vie de tous les jours. Cependant, dans les précipices de ses nuits, elle s’adonnait à contempler les étoiles accrochées dans l’obscure voûte céleste. Étrangement un profond désir habitait dans sa chair, elle rêvait de retourner aux lieux de ses origines les plus ancestrales, de se perdre dans les arcanes de la première matrice de tous les astres, et de découvrir la raison suprême de la vie… Sa vie.

Elle était âgée de quarante trois ans, et présentait un physique d’une perfection assez atypique. Son corps svelte, singulièrement naturel, était cambré par de souples courbes sous lesquelles on pouvait sentir battre sa chair pleine de vie. Sur ses épaules tourbillonnait une magnifique chevelure noire qui de temps en temps, à la lumière du jour, révélait de petits scintillements bleu indigo qui rappelaient le halo de la pleine lune. Son visage affleurait entre les ténèbres de ses cheveux comme une vertigineuse révélation d’enchantement. L’iris de ses yeux était d’un vert brillant, cerné d’une fine auréole dorée. Douée de remarquables capacités intellectuelles, et ayant compris que le bonheur était intimement lié à la connaissance, elle voulait l’impossible : presque tout savoir.

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Kaanon était d’une grande efficacité professionnelle. Dotée d’un important bagage universitaire, elle était sur le point d’obtenir le plus haut degré de qualification comme commandant en chef de métasoniques, fonction d’une très haute responsabilité, ces engins étant capables de voler à plus de Mach cinquante.

Kaanon Cybèles était originaire de la ville de Tolède dans le secteur espagnol. Par le passé elle avait résidé dans d’autres villes qu’elle choisissait en fonction de ses études, mais aussi parce que le voyage constituait sa « mélodie » la plus personnelle.

Kaanon était toujours assoiffée de nouvelles connaissances, et rêvait de partir loin de la Terre en quête de nouveaux systèmes biologiques, compatibles ou non avec notre nature. Elle était sûre qu’un jour l’espèce humaine serait confrontée inévitablement à l’intelligence exoterrestre. Sachant qu’il y a des millions et des millions de galaxies pareilles à la nôtre, elle considérait que la vie est un phénomène naturel répandu dans l’Univers.

Elle avait compris que nous ne sommes que de la matière, qui par le hasard et la complexité, a émergé, avec le temps, beaucoup de temps, à la vie. Cette matière avait imaginé ses yeux pour les ouvrir et regarder… se regarder et par conséquent se méditer. Inévitablement, ce phénomène avait dû se produire, aussi, ailleurs que sur la terre, dans d’autres lieux, dans d’autres galaxies.

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Kaanon allait à la rencontre des autres avec ses trois passe-partout emblématiques, qu’elle savait capables d’ouvrir tous les portes : l’observation, le respect et enfin l’affection pour tous ceux qu’elle rencontrait dans sa vie. Comme l’ancien philosophe Spinoza, elle avait découvert que rien n’est plus capital pour un être humain qu’un autre être humain.

En cette année 2221, elle avait choisi de s’installer, pour quelques mois, à Libéral car cette ville, au centre du secteur nord américain, était dotée de magnifiques parcs naturels au cœur d’un grand réseau d’universités, indispensables pour couronner sa formation. Elle voulait, en effet, perfectionner ses compétences en navigation de métasoniques, bien qu’elle fût déjà considérée comme l’une des meilleures pilotes du Centre de Vols Extraterrestres de Benguela, dans le secteur africain. Le pilotage de ces appareils, dont la forme et les dimensions les font ressembler à des trains volants, n’est pas seulement technique ou mécanique ; il exige aussi une fine connaissance des personnes et groupes sociaux, compte tenu du fait qu’aujourd’hui on transporte au moins cinq mille personnes par voyage, pour une durée qui peut atteindre plusieurs mois a l’intérieur de notre système solaire.

Kaanon Cybèles vivait à une époque où la disparition de toutes les nations, comme entités politiques, était complète, ou régnait la libre

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circulation des personnes et des biens dans tous les secteurs de la planète.

L’existence des nations appartenait donc au passé, les dernières ayant disparues autour de 2150, extinction qui marque la fin de ce qu’on appelle l’ère préhumaine ou marchande et institue le début de l’actuelle ère humaine.

Le terme de « secteur » désigne un grand ensemble territorial qui s’est substitué géographiquement aux anciennes nations.

Autour des années 2100, les pseudos démocraties mercantilistes, habillées d’une médiatisation très sophistiquée, avaient réussi la transformation des citoyens des nations en clients des hyper entreprises mondiales d’assurances, de sécurité et de piètres spectacles de masse. La déchéance humaine fut totale, conséquence d’un gigantesque marché sans état. L’intérêt personnel avait relégué au second plan la raison constitutive de toute société et laissé la place à une vulgaire masse mondiale de consommateurs. A cette époque, le déséquilibre écologique était arrivé à son paroxysme, annonçant la disparition imminente de notre espèce. Des religions primitives ou nouvelles, concessionnaires de nouveaux paradis, exploitaient le malheur ou la perversité des foules. Notre espèce se métamorphosait en une véritable plaie humaine. Le progrès avait été totalement asphyxié par l’hystérie de la croissance économique. L’accumulation des richesses entre les mains d’une minuscule élite

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mondiale et la paupérisation consécutive des peuples, ajoutées à l’insécurité régnante, menèrent rapidement à un chaos suicidaire, entraînant la disparition, dans une révolte populaire, de tous les hyper négociants planétaires.

L’arrivée au pouvoir, du « Big Diktat », mené par une junte militaire soutenue et conseillée par quelques tribus de philosophes, techniciens et écologistes radicaux, fit disparaître les trois-quarts de notre espèce, dans un conflit aussi rapide que mortifère. Aujourd’hui, 2221, il ne resta plus sur terre qu’un milliard d’êtres humains.

Après quelques années de commandement du Big Diktat et l’application de son principe fondamental, la loi sur le plafonnement des biens qui interdisait toute accumulation démesurée de richesses par une personne physique ou un groupe réduit, l’humanité peu à peu, entre les années 2130 et 2135, mit en place la première République Planétaire, à sa tête le Centre du Directoire de la Planète Azul, le C.D.P.A.

C’est à Alma Ata, dans le secteur d’Asie Centrale, que siège cette institution principale qui regroupe les deux plus hautes instances politiques : la Convention, qui réunit les trois mille porte-parole délégués par les différents secteurs de la Terre, et la Présidence, constituée d’un triumvirat Présidentiel et de trente-quatre ministres ou secrétaires d’état, tous élus ou réélus tous les deux ans en fonction des spécificités des projets à développer. La Présidence ou Directoire,

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ses ministres et la totalité de la Convention, sont étroitement surveillés dans leur action par un illustre concile de sages, composé exclusivement de seniors indépendants et issus de tous les différents secteurs de l’activité humaine, formant un conseil constitutionnel possédant les pleins pouvoirs de surveillance et de destitution, appelé Commission de Veille Politique.

Les propositions du C.D.P.A. issues des débats sont soumises rapidement à un vote général de tous les citoyens du globe, grâce à des systèmes de liaisons instantanées.

Le Directoire avait décidé de convoquer les trois mille Délégués mandatés par les habitants des différents territoires endogènes et exogènes de la Terre à une assemblée plénière, afin d’examiner ensemble les dernières découvertes scientifiques et leurs conséquences. Il s’agissait de déterminer les décisions politiques rendues nécessaires pour la continuité de notre espèce dans le progrès. Cependant, cette fois l’objet des débats n’avait pas été spécifié dans la convocation.

Kaanon avait reçu une invitation du Directoire pour participer à la prochaine Assemblée Générale en qualité d’observatrice.

C’était la première fois qu’elle était appelée pour assister à une telle réunion. Le style de l’invitation était bien loin de la froideur administrative habituelle, et prenait une étrange tournure personnelle spécifiant que le C.D.P.A. comptait tout particulièrement sur sa

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présence. Kaanon ne s’en expliquait pas les raisons : elle n’était qu’une simple pilote de métasoniques, d’une très grande compétence il est vrai, mais elle n’avait rien à voir avec la politique mondiale.

Elle préparait son voyage à Alma Ata, et, en fermant machinalement sa valise, se demandait pour quel réel motif elle avait été invitée avec une telle fermeté à participer à cette réunion.

Habituellement, lors de toutes les assemblées du C.D.P.A., la convocation était accompagnée d’un ordre du jour mais cette fois le document portait uniquement une singulière mention, « Sur l’immortalité », semblant indiquer le thème des débats.

Quoi qu’il en soit, Kaanon restait désorientée face à l’étrange attitude du Centre Directoire de la Planète Azul et, en l’absence de toute indication précise, bien embarrassée pour préparer la documentation nécessaire à cette réunion.

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2 Sur l’immortalité

La première condition de l’immortalité, c’est la mort.

Stanislaw Jerzy Lec, Nouvelles pensées échevelées

Pendant la plus grande partie de son existence, l’humanité a vécu, dans la nature et en accord avec elle. Actuellement, en 2221, contrairement aux utopies mécanistes des générations passées, le retour à la nature et à ses valeurs s’est raisonnablement imposé pour le bien-être biologique de notre espèce.

Les populations des années 2000 imaginaient les villes du futur pleines de tours, plus étranges les unes que les autres, reliées entre elles par de gigantesques passerelles et illuminées de milliers de spots multicolores ; on rêvait de robots androïdes, totalement soumis à notre volonté et à nos désirs ; on

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supposait que tous les transports se feraient par voie aérienne et que les cieux deviendraient un enchevêtrement d’artères lévitant au milieu d’une atmosphère humide et blafarde, hérissée de panneaux publicitaires géants… Enfin, on se représentait l’avenir à l’image de tous les gadgets de pacotille des anciens films interactifs de science-fiction.

La réalité actuelle ne ressemble en rien à ces projections. Après l’arrivée au pouvoir du « Big diktat », on décida de raser tous les gratte-ciel, à l’exception de quelques milliers d’édifices de valeur historique. Un grand chantier, qui dura de longues années, entreprit d’effacer cette sinistre image de la croissance, afin de retrouver l’aspect naturel et verdoyant de notre planète et de redonner leur place aux arbres, aux rivières et aux montagnes. On construisit des bâtiments légers, de taille raisonnable, entre lesquels on pouvait se déplacer à pied. On redécouvrit le plaisir salutaire de la marche, sans risquer sa vie ou se perdre dans les dédales de couloirs de fer et de béton sous l’agression continuelle des publicités tapageuses.

Kaanon était arrivée à Alma Ata après un vol rapide direct de Liberal. À travers les vitres de la navette qui la conduisait de l’aéroport au centre de la ville, elle voyait se dérouler un paysage champêtre piqueté de pommiers en fleurs dont les bouquets blancs semblaient être des flocons tombés des montagnes environnantes. Le véhicule franchit

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plusieurs ponts sur des canaux, puis stationna à l’entrée d’une allée piétonne ombragée, qui conduisait au Palais du Directoire ou elle devait notifier son arrivé. Lorsqu’elle pénétra dans le bâtiment, elle perçut dans les commentaires des intervenants une même curiosité, suscitée par le comportement atypique du Directoire.

L’expression « sur l’immortalité » avait laissé perplexe l’ensemble des participants qui ne parvenaient pas à envisager la véritable teneur de cette réunion.

Chacun y allait de son hypothèse mais tous s’accordaient à penser qu’un ou plusieurs scientifiques allaient leur faire part des résultats d’une découverte capitale.

Après ces notifications dans le Directoire, Kaanon s’installa dans sa chambre d’hôtel, et accomplit le premier geste rituel de tous ses déplacements : elle ouvrit son bagage et plaça sur la table sa station organique, appareil d’assistance, lointain descendant des anciens ordinateurs, sorte de cerveau interactif autonome à commande vocale, produisant une parfaite image holographique flottant dans l’oxygène de l’air et relié à toute l’information disponible dans la planète. Puis elle sortit de sa valise ce qu’elle avait de plus précieux : une petite mais véritable bibliothèque ambulante. Même si sa station lui permettait de se connecter rapidement aux centres de documentation du monde entier, Kaanon continuait à préférer le

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contact du livre et aimait s’entourer de ses ouvrages favoris ou en cours de lecture. Les avoir tout proches, c’était comme retrouver ses auteurs de prédilection assis au chevet de son lit, ainsi, toujours, elle se sentait en complice compagnie.

Elle décida de prendre quelques notes écrites à la main et appela la réception pour demander qu’on lui apporte la pochette de papier qu’on avait manifestement négligé de disposer sur la table de son appartement. Quelques longues minutes plus tard, pensant qu’on avait apparemment oublié sa demande, agacée, elle décida de descendre à l’accueil, ce qui lui permettrait du même coup, éventuellement, d’en savoir un peu plus sur la réunion et sur les autres membres invités à l’Assemblée Générale.

En sortant de sa chambre elle aperçut dans le couloir un jeune homme, vêtu d’un costume gris clair et d’allure distinguée. Il s’approchait à grands pas vers elle, un paquet de feuilles à la main. Elle supposa qu’il s’agissait de celles qu’elle avait demandées à la réception.

– Il y a bien longtemps que je vous attendais, murmura Kaanon entre ses dents en arrachant la pochette des mains de l’employé.

Kaanon ne fut pas insensible au regard fasciné du beau garçon d’étage, mais sans se départir de son rictus, elle le remercia rapidement et rentra dans sa chambre, esquissant un petit sourire poli avant de claquer la porte sous le regard à la fois ébahi et

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admiratif de ce charmant jeune homme. Kaanon poussa quelques livres sur la table pour installer son petit bloc de papier. A sa grande surprise, elle constata que les feuilles étaient déjà utilisées et griffonnées de quelques annotations éparses.

– Mais qu’est-ce qu’il m’a apporté ce crétin… grommela-t-elle agacée.

Son irritation monta d’un cran et elle s’approcha furieusement de la porte avec l’intention de les jeter dans la poubelle du couloir où, de préférence, si elle pouvait le faire, au visage de l’étonnant garçon d’étage.

Elle se calma et décida à nouveau de descendre à l’accueil de l’hôtel, plutôt que de les appeler par téléphone, afin de rendre les feuilles déjà écrites et d’en récupérer de nouvelles. Dans son élan, elle s’arrêta un instant, la main droite sur la poignée de la porte et les papiers chiffonnés dans la main gauche, et furtivement se mit à lire ce qui y était écrit.

D’un coup d’œil rapide, elle constata qu’il s’agissait de poèmes ou de brèves citations et se rapprochant avec une pointe de curiosité de la lumière de la fenêtre, elle commença la lecture de ces griffonnages :

« Je voudrais mourir de vivre. » Étonnée, elle continua à lire. « Mon amour, il est dur le chemin… Sans savoir même si nous sommes dans le

chemin. » Et plus loin :

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« J’aime regarder le silence, silence contre silence, sans bruit, sans violence, silence, seulement silence. » Kaanon se demandait ce dont il s’agissait mais ne

put s’empêcher de poursuivre sa lecture. « Il faut que je sois raisonnable avec moi… Dans le plus profond de ma personne Je ne sais pas qui je suis, Je ne sais pas ce que je veux, et je ne sais pas ce qui est en train d’arriver. » Kaanon étrangement interpellée par l’intimité de

ces petits textes saisit la page suivante, malgré la coupable impression d’intrusion qu’elle ressentait.

« Je suis serein, il a quelqu’un qui m’attend à la fin de la journée avec impatience, toujours dans ma chambre… C’est la nuit, nous ne rêvons pas, nous nous échappons seulement ensemble. »

« La mort est dénuée d’espoir, la nostalgie est son antichambre. »

« La force de gravité est la solidarité de la matière pour rester assemblée. »

Kaanon comprit soudain qu’elle avait entre les mains les intimes annotations manuscrites d’un inconnu. Par pudeur, elle entassa d’un coup toutes les feuilles, cessa de lire et se dirigea vers la porte avec l’intention de remettre à la direction ces documents très personnels, vraisemblablement égarés et déposés par erreur entre ses mains par le beau, mais assez stupide employé de l’hôtel.

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Elle ouvrit la porte, avança de quelques pas et recula brusquement, car elle s’était retrouvée nez à nez avec l’inamovible garçon d’étage.

– Madame, laissez-moi me présenter, je suis le commandant de métasoniques Thalo Mega et si vous n’y voyez pas d’inconvénient, je voudrais récupérer mon manuscrit.

Ils se regardèrent un moment en silence puis il ajouta d’une voix plus aimable :

– Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi vous me l’avez arraché des mains avec autant de détermination.

Kaanon se rendit compte de sa méprise et resta quelques instants à son tour tétanisée. La réveillant de son mutisme, le commandant Thalo réitéra sa demande :

– Madame, je vous en prie, je souhaiterais reprendre mes notes.

– Euh, oui, bien sûr, pardonnez-moi j’ai commis une erreur ridicule. Je vous ai pris pour quelqu’un d’autre.

La tête basse comme un enfant qui vient de faire une bêtise, elle rendit les feuilles au commandant Mega.

Kaanon rentra dans sa chambre et, sans quitter son regard de celui de « l’ex-garçon d’étage », ferma doucement la porte en répétant :

– Excusez-moi. A l’intérieur, elle éprouva une vertigineuse sensation

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de joie qu’elle trouva immédiatement ridicule. Kaanon ne savait pas encore qu’elle venait de faire

la connaissance, et d’une manière étonnamment intime grâce à ses notes personnelles, de l’homme qui l’emmènerait dans le voyage le plus incroyable réalisé par notre humanité.