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1 Vivre au Souffle de l’Esprit J Jean Bouhélier Christian Grandhaye Année 2019 -2020

Vivre au Souffle de l’Esprit · 6 - l’eau (la source) : sans eau pas de vie ! Le thème de l’eau, source de vie et de fécondité, revient sans cesse dans l’AT (cf. Gn 1,1

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Vivre au Souffle de l’Esprit

J

Jean Bouhélier

Christian Grandhaye Année 2019 -2020

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Pour introduire au parcours « VIVRE AU SOUFFLE DE L’ESPRIT »

La préparation de la célébration du quarantième anniversaire de la fondation de notre diocèse de Belfort-Montbéliard nous aura invités à revisiter les sacrements de l’initiation chrétienne. Et bien sûr impossible d’évoquer le baptême, la confirmation et l’eucharistie sans parler de la présence et du rôle de l’Esprit Saint. « Je crois en l’Esprit saint... » - Notre Credo nous fait proclamer la foi en l’Esprit saint au même titre que la foi en Dieu le Père et en Jésus Christ. Mais qui est donc pour nous cette personne de la Sainte Trinité ? Comment reconnaître sa présence dans nos vies, dans l’Église et dans le monde ? Comment nous laisser conduire par lui dans notre quotidien ? Si pour beaucoup de chrétiens l’Esprit n’est qu’un mot du Credo, une réalité abstraite, pour d’autres au contraire il est une présence vivante qui illumine et transforme l’existence. Souvent les mots manquent pour dire cette expérience de vie croyante. Mais les textes de l’Écriture, Ancien et Nouveau Testament, témoignages de l’expérience croyante, nous permettrons de renouveler et d’approfondir notre foi en l’Esprit Saint. Aucun texte de la Bible ne dit tout de l’Esprit ; nous proposons 8 fiches pour approcher, par petites touches, sa Personne, son Visage, sa Présence, son Action... Il ne s’agira pas de spéculation théologique, mais d’écoute de la Parole de Dieu, de discernement de ce que « l’Esprit dit aux Églises » (Ap 2), d’accueillir à quels commencements et recommencements il invite chacun, d’apprendre – personnellement et en Église, à « vivre au Souffle de l’Esprit ».

Fiche 1 : Qui es-tu Esprit Saint ? p. 4 Fiche 2 : Renaître de l’Esprit (Jean 3) p. 11 Fiche 3 : L’Esprit fait naître l’Église (Actes 2) p. 17 Fiche 4 : Jésus habité et envoyé par l’Esprit (Luc 3-4) p. 25 Fiche 5 : Les dons de l’Esprit (Isaïe 11 et 1 Corinthiens 12) p. 31 Fiche 6 : A cœur neuf, Esprit neuf : création et recréation (Genèse 1, Ezéchiel 36-37) p. 39 Fiche 7 : Vivre de l’Esprit qui rend libre ! (Galates 5 et Romains 8) p. 46 Fiche 8 : Présence et assistance de l’Esprit dans la communauté chrétienne (Jean 14-15-16) p. 58

Ces fiches s’adressent en premier lieu aux animateurs des groupes de lecture familière et priante de la Bible. Elles sont un outil de formation, un instrument de travail, de méditation, d’ouverture à l’Esprit Saint et d’initiation à la « vie spirituelle ». La richesse de certaines fiches conduira les animateurs à procéder à des choix en fonction des participants à leurs groupes.

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On s’étonnera peut-être qu’aucune fiche ne soit explicitement consacrée à l’Esprit Saint et la Vierge Marie, celle que les Pères du concile Vatican II appellent « la Toute sainte, pétrie par l’Esprit Saint » (Lumen Gentium 56). Les textes du Nouveau Testament ne manquent pas, du récit de l’annonciation et de la visitation, de la naissance et de la présentation, en passant par le récit des noces de Cana, jusqu’à la présence de Marie au pied de la croix et au Cénacle dans la prière d’attente de l’Esprit de Pentecôte... Que ce soit une discrète invitation à invoquer son assistance et sa médiation à chacune de nos rencontres pour entrer dans la profonde intelligence du vivre au Souffle de l’Esprit. Viens Esprit Saint, fais de nous de vrais disciples-missionnaires ! Bibliographie: - Les Cahiers Croire (n°281, mai-juin 2012): L’Esprit Saint, un souffle de vie. - Croire Aujourd’hui (n°245, mai 2008): Le souffle imprévisible de l’Esprit. - Fêtes et saisons (août/Sept.97): “L’Esprit Saint” - Cahier Evangile n°52: “L’Esprit Saint dans la Bible” - Livret de Franche Comté: Des communautés naissantes: une lecture des Actes des Apôtres (2003) - Michel RONDET, L’Esprit, espérance d’une Eglise en crise (Bayard 2011) « « Laissez-vous guider par l’Esprit (Bayard 2005) - Paul-Dominique MARCOVITS, L’Esprit se joint à notre esprit (Cerf 2011) - Michel HUBAUT, Sous la douce mouvance de l’Esprit. Initiation à la vie intérieure (Cerf, 2012) « « Prières à l’Esprit Saint (DDB 1997) - Jean-Michel MALDAME, Le Paraclet, l’Esprit qui donne vie (DDB 2009) - J-P. LEMONON, L’Esprit Saint ( Editions de L’Atelier. Tout simplement) - Jean Noël BEZANCON, Dieu n’est pas bizarre (Bayard/Centurion, 1996, p.101-114) - Jean-Noël BEZANCON, Dieu n’est pas solitaire (la Trinité), ( DDB, 1999, p.115-134) - Bernard SESBOUE, L’Esprit sans visage et sans voix (DDB 2009). - Simone PACOT, Ouvrir la porte à l’Esprit (Cerf, 2007) - Bernard BASTIAN, Éprouver sa Présence / Libérer sa Puissance – Méditations sur le Saint Esprit, EdB-Puits de Jacob, 2018 - Paul Bony, Au souffle de l’Esprit, ( ́Edition SEDIF, Le Mistral – Marseille, septembre 2015)

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Fiche 1 « Qui es-tu Esprit-saint ? »

« Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit » « La grâce de Jésus notre Seigneur, l’amour de Dieu le Père,

et la communion de l’Esprit Saint, soient toujours avec vous » (Ouverture de la célébration eucharistique – cf. 2 Co 13,13)

Cette fiche est destinée à une première rencontre de mise en route à la découverte de l’Esprit Saint. Les questions ci-dessous devraient permettre aux participants d’exprimer leurs attentes, leurs interrogations et leur expérience de la vie dans l’Esprit, de clarifier certaines notions et de poser quelques jalons avant d’aborder les textes proposés dans ce parcours. Croire en l’Esprit Saint... Les formules d’entrée dans la prière ou d’ouverture de la célébration eucharistique nous situent d’emblée au cœur de la foi chrétienne qui est trinitaire : un seul Dieu en trois personnes. Lorsque nous proclamons le Symbole des Apôtres, nous évoquons à deux reprises l’Esprit Saint : « Je crois...en Jésus-Christ,...qui a été conçu du Saint-Esprit... » « Je crois en L’Esprit-Saint... » Le Symbole de Nicée-Constantinople développe le contenu de la foi catholique en l’Esprit-Saint : « Je crois en l’Esprit-Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie ; il procède du Père et du Fils ; avec le Père et le Fils, il reçoit même adoration et même gloire ; il a parlé par les prophètes. » Croire EN..., c’est croire en QUELQU’UN, entrer dans une relation de confiance, s’appuyer sur lui pour vivre. Cependant, si l’Esprit Saint est bien une Personne, il semble être pour beaucoup le grand inconnu de la Trinité : la question n’est donc pas : « c’est quoi l’Esprit Saint, mais QUI est l’Esprit Saint ? » Question : Qu’évoque pour moi l’Esprit Saint ? Quelles certitudes, quelles questions, interrogations m’habitent à son sujet ? Éclairages Le mot « esprit » n’est pas sans ambigüités pour un occidental: - il évoque spontanément chez beaucoup une activité intellectuelle, - la culture grecque dont nous sommes héritiers oppose l’esprit (le monde des idées) et le corps (prison d’où il faudrait s’échapper) - chaque philosophe a sa notion de l’esprit (de Platon à Hegel, Marx...) - le new-age et certaines philosophies orientales nous le présentent comme une énergie cosmique impersonnelle, un « Esprit Universel » qui n’a pas grand chose à voir avec l’Esprit Saint dont parle l’Église. L’encadré ci-dessous apporte quelques précisions de vocabulaire.

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« Esprit et esprit » Le mot « esprit » nous est parvenu via les traductions latines de l’hébreu « rûah/rouah » et du grec « pneuma » par « spiritus ». et il a une longue et riche histoire en philosophie, en théologie, spiritualité ou liturgie. * « Ruâh » - au niveau de la nature la ruâh désigne le souffle du vent ; et aussi l’haleine, la respiration ; - appliquée à Dieu elle nomme l’ensemble de ses pouvoirs d’action, en particulier celui de créer la vie (Gn 2,7 / Ps 104, 29-30 / Ps 33,6). Elle se manifeste par la force communiquée à certains individus pour libérer ou sauver le peuple (juges, rois, messie, prophètes). Elle est aussi sagesse (Sg 9,17), force intérieure de la Parole de Dieu (Jr 20,9), force de transformation du cœur des croyants (Ez 36, 25-26 ; 37, 5-10.14) - au niveau humain elle explique que cet être soit un vivant : c’est parce qu’il est animé par la ruâh de Dieu, et qu’il se laisse diriger par elle, que l’humain vit. * L’équivalent grec « pneuma » - recouvre le même éventail de sens, avec insistance sur la vie de l’âme et de l’intelligence. La Septante traduit naturellement ruâh par pneuma et le Nouveau Testament adopte le terme. - Le mot y désigne surtout l’Esprit de Dieu, « l’Esprit Saint » qui habite et conduit Jésus et le fait agir avec puissance. - Dans les Actes des Apôtres l’Esprit Saint est pour Luc le grand acteur de l’expansion missionnaire de l’Église (Ac 2,419 / Ac 8,17/ Ac 10, 44-47). Paul en parle comme du fondement dynamique de la vie chrétienne (Rom 8 / Ga 5). Dans l’évangile de Jean, Jésus annonce qu’il enverra l’Esprit Saint comme un autre défenseur ou avocat, le « Paraclet » pour continuer et développer son œuvre (Jn 14,26 ; 16,13 ; 20,22).

En croyants nous nous adresserons à la Bible, Ancien et Nouveau Testament, puisque c’est d’elle que vient l’expression « Esprit Saint ». Mais avant de lire des textes laissons parler l’imaginaire biblique, laissons jouer les images symboliques: l’Écriture, dès l’AT, en est remplie ; notre liturgie souvent les utilise. Question : Quels mots, quelles images la Bible et la liturgie utilisent-elles pour évoquer l’Esprit Saint ? Éclairages :

* 4 éléments naturels dont les effets peuvent être bienfaisants ou dévastateurs :

- le vent (et le souffle) : le signe le plus universel pour évoquer notre propre esprit et celui de Dieu. Le vent (l’air, l’atmosphère) est cet élément essentiel, insaisissable, indispensable pour vivre. Il porte aussi les nuages et la pluie, sources de vie. Il fait vivre (Gn 2,7) ; mourir, c’est ‘rendre son dernier souffle’ : Job 34,14-15 / Ps 31,6 / Lc 23,46). Il met anime et pousse en avant les envoyés de Dieu (Jg 3,10/ Is 42,1 / Lc 4,1). Quand il est ‘respiration’, il traduit les états d’âme, les émotions.

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- l’eau (la source) : sans eau pas de vie ! Le thème de l’eau, source de vie et de fécondité, revient sans cesse dans l’AT (cf. Gn 1,1 / Ex 17,1-7 / Is 35, 6-7 / Ps 1 /et la source du Temple décrite par Ézéchiel (Ez 47). Saint Paul, les évangélistes et la tradition chrétienne l’associent au baptême et au Saint Esprit (cf. 1 Co 12,13 / Jn 4, 10-14 : Samaritaine / Jn 7, 37-39) - le feu : il est vivant, attire et rassemble, réchauffe et éclaire, se communique et purifie, signe de présence, il indique et sauve (le phare), il symbolise l’énergie transformante des actes de l’Esprit Saint (Si 48,1 : le prophète Élie). Le feu est aussi symbole de l’amour qui grandit dans les cœurs (Ct 8,6). Jésus annonce qu’il est venu allumer un feu sur terre et qu’il est impatient de le voir allumé (Lc 12,49). Il manifeste aussi la présence du Ressuscité : cf. le cœur brûlant des disciples d’Emmaüs (Lc 24,32). Sans oublier le récit de la Pentecôte et les langues de feu (Ac 2, 3-4). - La lumière (la nuée) : deux symboles inséparables dans les manifestations de l’Esprit Saint. Dès les théophanies de l’AT, la Nuée, tantôt obscure, tantôt lumineuse, révèle le Dieu vivant et sauveur : avec Moïse au Sinaï (Ex 24,15-18), à la Tente de Réunion (Ex 33, 9-10), et durant la marche au désert (Ex 40, 36-38 / 1 Co 10, 1-4). Avec Salomon à la dédicace du Temple (1 R 8,10-12), etc. Ces figures sont accomplies par le Christ dans l’Esprit Saint qui vient sur la Vierge Marie pour qu’elle conçoive et enfante Jésus (Lc 1,35). Sur la montagne de la Transfiguration, c’est de la Nuée lumineuse que sort la voix qui dit « Celui-ci est mon Fils, mon Élu, écoutez-le » (Lc 9,34-35). C’est la même nuée qui dérobe Jésus au yeux de ses disciples le jour de l’Ascension (Ac 1,9). * 4 autres éléments symboliques manifestent l’action de l’Esprit Saint, particulièrement dans la liturgie : - L’onction d’huile (le saint chrême) : le symbolisme de l’onction d’huile est aussi significatif de l’Esprit Saint, jusqu’à en devenir le synonyme (1 Jn 2, 20.27 / 2 Co 1,21) . L’huile imprègne, soigne, fortifie, embaume (lorsqu’elle est parfumée) (cf. Ps 132) . Les rois d’Israël étaient sacrés par une onction d’huile. . Le Messie (= ‘Celui qui a reçu l’onction’) attendu recevra en plénitude l’onction de l’Esprit (Is 61,1). Jésus est constitué ‘Christ=Messie’ par l’Esprit Saint (Lc 4, 18-19 // Lc 1, 35). . Dans les sacrements (baptême, confirmation, ordination presbytérale, onction des malades, l’onction avec l’huile consacrée dit la présence et l’action sacramentelle de l’Esprit Saint. - Le sceau : est un symbole proche de l’onction. C’’est en effet le Christ que le Père « a marqué de son sceau » (Jn 6,27) et c’est en lui que le Père nous marque aussi de son sceau (2 Co 1,22 ; Ep 1,13 ; 4,30). L’image indique l’effet indélébile de l’onction de l’Esprit Saint dans les sacrements du baptême, de la confirmation et de l’Ordre (sacrements non réitérables) - La main : C’est en imposant les mains que Jésus guérit les malades (Mc 6,5 ; 8,23) et bénit les enfants (Mc 10,16). En son nom, les apôtres feront de même (Mc 16,18) ; c’est par l’imposition des mains des apôtres que l’Esprit Saint est donné (Ac 8, 17-19 ; 13,3 ; 19,6). - Le doigt : C’est par le doigt de Dieu que la Loi de Dieu est écrite sur des tables de pierre (Ex 31,18 -> 2 Co 3,3). C’est par le doigt de Dieu que Jésus expulse les démons (Lc 11,20). L’hymne ‘Veni creator spiritu » invoque l’Esprit Saint comme « le doigt de la droite du Père ». * Enfin, parmi toutes les images de l’Esprit Saint, le symbole de la colombe occupe une place traditionnelle dans l’iconographie chrétienne. A la fin du déluge (dont le symbolisme concerne le

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baptême) la colombe, lâchée par Noé, revient, un rameau tout frais d’olivier dans le bec, signe que la terre est de nouveau habitable (Gn 8, 8-12) et que Dieu noue avec ‘toute chair’ une Alliance nouvelle et universelle. Quand le Christ remonte de l’eau de son baptême, l’Esprit Saint, sous la forme d’une colombe descend sur lui et y demeure (Mt 3,16). L’Esprit Saint descend et repose dans le cœur purifié des baptisés. Pour compléter ce qui précède, on pourra se reporter au Catéchisme de l’Église catholique (CEC n°694-701), ainsi qu’à la fiche n°1 du parcours de préparation à la confirmation « Osez la confirmation ! »

Pour poursuivre, seul ou en groupe, voici quelques textes essentiels qui mettent en jeu différents symboles de l’Esprit-Saint : * le vent, le souffle : Genèse 1,2 ; 2,7 ; 3,8 / 1 Rois 19, 11.12 / Psaume 31,6 / Qohélet 3, 20-21 / Sagesse 15, 17-13 / 1 Corinthiens 15, 35-53 * la source, l’eau : 1 Rois 18, 41-46 / Isaïe 44, 1-5 / Jérémie 2,13 / Ézéchiel 47, 1-12 / Joël 4,18 / Jean 4, 7-42 ; 7, 37-39 ; 19, 34 / Apocalypse 22, 1-21. * la colombe : Genèse 8, 6-22 / Cantique des cantiques 2,14 / Matthieu 3,16 * le feu, les langues : Genèse 15,17 / Exode 3, 1-6 / Deutéronome 4, 33 / Cantique des cantiques 8,6 / Luc 12, 49 ; 24, 13-35. * l’huile, le chrême : 1 Samuel 10, 1-7 ; 16 / Psaume 45, 8 ; 133 / Zacharie 4, 1-14 / Marc 6, 13 / Jacques 5, 14.

Toutes ces images jouent les unes avec les autres ; aucune ne dit à elle seule tout sur l’Esprit Saint ! Chacune doit être resituée dans la culture biblique et dans l’histoire du salut. On gagnera donc à lire et méditer les passages de l’Écriture qui mettent en jeu ces différents symboles. Question : A quels textes de la Bible pensez-vous spontanément qui disent qui est l’Esprit Saint, comment il se manifeste ? Quelles paroles de Jésus sur l’Esprit Saint vous reviennent en mémoire ? Il s’agit de réveiller notre mémoire biblique. Si elle est défaillante ou limitée, on pourra s’appuyer sur le document « L’Esprit Saint est... Il se manifeste... » et évoquer brièvement le contexte de ces expressions. Chacune des citations retenues ici et puisées dans la Bible évoque à sa manière la personnalité de l’Esprit Saint. Elles sont comme autant d’images suggestives qi permettent au croyant de saisir quelques aspects de son visage. Mais aucune ne l’enferme dans une définition. Elles contiennent toute la fraîcheur d’une Révélation qui nous entraîne sans cesse de commencement en commencement. Les textes essentiels feront l’objet dans lecture approfondie dans les fiches suivantes. A quels signes reconnaissons-nous la présence et l’action de l’Esprit Saint dans le monde, dans nos vies, dans l’Église ?

Éclairages :

* « Répondre aux appels de l’Esprit. Mû par la foi, se sachant conduit par l’Esprit du Seigneur qui remplit l’univers, le peuple de Dieu s’efforce de discerner dans les événements, les exigences et les requêtes de notre temps, auxquels il participe avec les autres hommes, quels sont les signes véritables de la présence ou du dessin de Dieu. La foi, en effet, éclaire toutes choses d’une lumière nouvelle et nous fait connaître la volonté divine sur la vocation intégrale de l’homme, orientant ainsi l’esprit vers des solutions pleinement humaines ».

Concile Vatican II, L’Église dans le monde de ce temps n°11

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* « Discerner, grâce au maître intérieur - L’Esprit Saint nous aide à « discerner » : à orienter notre vie, à mûrir nos choix dans la fidélité à la volonté de Dieu. Il nous parle dans l’Écriture, dans les signes de la vie quotidienne et grâce à la médiation des autres. On reconnaît son action aux fruits qu’elle produit ». Prier Hors Série n°47 * Dans l’Église : « L’Église, communion vivante dans la foi des apôtres qu’elle transmet, est le lieu de notre connaissance de l’Esprit Saint : - dans les Écritures qu’Il a inspirées ; - dans la Tradition, dont les Pères de l’Église sont les témoins toujours actuels ; - dans le Magistère de ‘Église qu’Il assiste ; - dans la liturgie sacramentelle, à travers ses paroles et ses symboles, où l’Esprit Saint nous met en communion avec le Christ - dans la prière dans laquelle il intercède pour nous ; - dans les charismes et les ministères par lesquels l’Église est édifiée ; - dans les signes de vie apostolique et missionnaire ; - dans le témoignage des saints où il manifeste sa sainteté et continue l’œuvre du salut ».

Catéchisme de l’Église Catholique (CEC n°688) Pour relire et laisser résonner en soi ce qui vient d’être découvert : Parmi les images de l’Écriture, l’une d’elle me parle-t-elle davantage ? Ai-je conscience qu’elle ne saurait à elle seule dire tout de l’Esprit Saint ? Ai-je le goût de les faire résonner ensemble ? Si j’avais à faire entrevoir qui est l’Esprit, à un catéchumène par exemple, est-ce que j’utiliserais d’autres images ? Quels textes de l’Écriture évoquant l’Esprit Saint résonnent particulièrement en moi ? A quoi m’invitent-ils ? Pour prier : L’Esprit Saint est le Maître de la prière : c’est Lui qui dans un cœur faire dire à Dieu « abba, Père » (Ga 4,6) et à Jésus « Seigneur » (1 Co 12, 3 / Rm 8) Prier, c’est laisser l’Esprit Saint prier en nous. C’est Lui qui vient au secours de notre faiblesse et vient intercéder en nous (Rm 8,26). * « Quand nous appelons l'Esprit, nous n'appelons pas à une réalité extérieure, mais à une présence intérieure. Il y a en nous, par le don de Dieu, un principe de vie, une source d'eau vive. Nous attendons, nous demandons que cette source jaillisse et anime notre esprit de sa lumière et de son amour.... La lumière intérieure vient du fond de notre cœur, là où habite celui qui nous est donné pour nous mener à la vérité toute entière. D'où l'importance primordiale de se recueillir au fond de soi. La prière n'est pas notre œuvre. Elle est œuvre de l'Esprit du Fils. Prier, c'est laisser l'Esprit prier en nous. Notre activité se réduit à un acquiescement dans la foi à sa prière en nous.

Vivre dans l'intimité du Christ par un chartreux

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* Viens, Esprit-Saint, en nos coeurs

Viens, Esprit-Saint, en nos coeurs, et envoie du haut du ciel un rayon de ta lumière. Viens en nous, père des pauvres. Viens, dispensateur des dons. Viens, lumière en nos coeurs. Consolateur souverain, hôte très doux de nos âmes, adoucissante fraîcheur. Dans le labeur, le repos ; dans la fièvre, la fraîcheur ; dans les pleurs, le réconfort. O lumière bienheureuse, viens remplir jusqu’à l’intime le coeur de tous tes fidèles.

Sans ta puissance divine, il n’est rien en aucun homme, rien qui ne soit perverti. Lave ce qui est souillé, baigne ce qui est aride, guéris ce qui est blessé. Assouplis ce qui est raide, réchauffe ce qui est froid, rends droit ce qui est faussé. A tous ceux qui ont la foi et qui en toi se confient, donne tes sept dons sacrés. Donne mérite et vertu donne le salut final donne la joie éternelle. Amen

« L’ESPRIT SAINT est le souffle dynamique novateur qui oriente, conduit les humains vers les chemins de la Vie, de retour à la vie, de renouvellement de la vie, mais pas n’importe quelle vie, une vie qui retrouve son orient, une vie structurée par la Parole de Dieu. Il les mène à leur nouvelle naissance. C’est lui qui les empêche de rester au tombeau, de s’asphyxier, de se paralyser, de se fixer dans des événements du passé ou du présent ; Il leur apprend comment entrer dans le « nouveau », le renouvellement de leur humanité en son entièreté, comment le vivre et l’annoncer. Il est l’Esprit du Ressuscité. Il aide les hommes, les femmes à passer de la mort, quelle qu’en soit la nature et la forme, à la Vie. Il les aide à mettre en mots et traverser leurs passages, leurs Pâques et leurs résurrections. Il a un rôle d’enfantement ; il nous enfante dans ce passage à la nouvelle naissance que le Christ annonce (Jn 3, 1-10). Il est le grand enseignant qui mène la personne à la vérité toute entière. Et en même temps, il permet à l’être humain qui l’accueille de comprendre les choses de Dieu, d’intérioriser la Parole, de la recevoir dans le cœur profond, d’être en relation vivante personnelle avec le Père, le Fils -le Christ-, et lui-même, de découvrir sa véritable tâche au service de l’humanité, de la création. Il inspire les humains, les chercheurs de vérité, de Dieu. Il révèle à l’être humain qui il est, lui permet de découvrir sa juste place, sa fonction, son rôle dans la Création. Jésus nous dit qu’avec lui, nous ne serons jamais plus orphelins, isolés (Jn 14,18). Il est l’ami des humains, il veille, ne les laisse jamais seuls, vient à leur rencontre au cœur de leurs errance, leurs incertitudes, leur quête, leur découragement, leurs joies et leur bonheur aussi. »

Simone PACOT, Ouvrir la porte à l’Esprit, Cerf 2008, p.32-33

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Fiche 2 « RENAITRE DE L’ESPRIT »

Nous sommes faits pour la vie. Nous sommes habités du désir de vivre, et de vivre toujours plus et mieux. Mais ce désir se heurte à l’expérience de la finitude et à la mort. Des 4 évangiles, Jean est celui qui nous parle le plus de cette Vie plénière que Jésus apporte au monde : « Moi je suis venu pour que les hommes aient la Vie et qu’ils l’aient en abondance » (Jn 10,10). Comment avoir part à cette Vie nouvelle ? Comment cela peut-il se faire ? Comment naître – ou renaître – à la vie en plénitude, à la Vie divine, et par là-même connaître, voir enfin de Royaume de Dieu ? Nul ne peut naître à la Vie de Dieu sans se laisser saisir et transfigurer par l’Esprit Saint ! Telle est la Bonne nouvelle du récit de la rencontre de Nicodème avec Jésus.

La rencontre de Jésus avec Nicodème Jn 2,23 - 3, 21 = Renaître d’En-Haut, d’eau et d’Esprit

1. Lire le texte – Pistes d’interprétation * Structure du récit

1) 2, 23-25 : introduit la rencontre de Nicodème avec Jésus 2) 3, 1-12 : Rencontre et dialogue entre Jésus et Nicodème 3) 3, 16-21 :Réflexion/méditation de l’évangéliste

* 1) v.23-25 : « Jésus connaissait ce qu’il y a dans l’être humain » // 3,1 : « Il y avait un humain, Nicodème... » : à travers Nicodème (un homme particulier) se joue la rencontre de tout homme avec Celui qui a le pouvoir de nous faire naître à la plénitude de la Vie. * 2) La rencontre de Jésus avec Nicodème est la première de 3 rencontres successives de Jésus (Nicodème, la Samaritaine, le fonctionnaire royal). Ces trois épisodes mettent en scène des personnes appartenant à des sphères religieuses différentes. Nicodème est membre du peuple juif ; c’est un pharisien, docteur de la Loi, notable : le chapitre 7 (50-52) nous apprend qu’il est membre du Sanhédrin, où il défendra Jésus. Il participe à son ensevelissement (19,39). Qu’est-ce qui motive Nicodème à venir trouver Jésus ? Désir de mieux connaître Jésus, ce « maître-rabbi » aux « signes » déroutant (cf. Jn 2,13 : la purification du temple), son enseignement de la part de Dieu ? - Il vient « de nuit » ; la nuit protège l’anonymat, mais pour les rabbins c’est le temps privilégié de l’étude de la Loi-Torah. En venant à Celui qui est « la Parole/le Verbe », il s’agit de venir à la vérité, de passer des ténèbres à la lumière (3, 19-21)

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- Nicodème se situe sur le plan du savoir (Maître, nous savons... ) - Jésus l’invite d’emblée à un déplacement et parle de la nécessité de naître « d’en haut » ; mais Nicodème comprend « de nouveau » (En grec, l’adverbe anôthen signifie à nouveau ou d’en haut). Tandis que Nicodème pense à une régression dans le sein maternel, Jésus précise : il s’agit d’être engendré (passif) par l’Esprit (3,5). Il s’agit de re-naître pour connaître (vs. savoir) ! Il ne s’agit plus de savoir, mais de croire. Naître (être engendré), c’est devenir fils et par là même entrer dans une relation. - v. 3,6 : « né de la chair/né de l’Esprit » : ‘chair’ dans l’évangile de Jn désigne l’être humain dans ce qu’il a de fragile et mortel. L’humain’ ne peut donner naissance qu’à une vie mortelle. Pour entrer dans le Royaume de Dieu il est nécessaire de recevoir la vie de la part de l’Esprit.

NB : En grec – comme en hébreu et en latin – c’est le même mot, pneuma, qui désigne le vent, le souffle et l’Esprit : cette réalité mystérieuse du vent, à la fois impalpable et extrêmement puissante, en même temps souffle et signe de la vie, a servi naturellement pour désigner une force spirituelle.

- « Être engendré d’eau et d’Esprit » Jésus renvoie Nicodème, « Maître = enseignant en Israël », aux images des Écritures (voir Fiche 1) . l’eau : Ez 36, 25-27 : « Je verserai sur vous une eau pure... Je mettrai en vous mon propre esprit... » (cf. Is 44,3 ; Jer 31,33) . le vent/esprit : l’Esprit qui régénère Israël, Ez 39,29Ez37 (le souffle de Vie vient animer les ossements desséchés), Ps 143,10 . l’eau et le souffle/vent, comme au premier jour de la création (Gn 1,2), etc... Métaphores qui annoncent le don d’une vie nouvelle, d’une nouvelle naissance, d’une re-création, d’un peuple nouveau. Pour les chrétiens la formule « d’eau et d’Esprit » renvoie évidemment à l’expérience pascale et au baptême qui font entrer dans la vie nouvelle que Jésus est venu offrir au monde. Pour que l’eau fasse vivre et devienne symbole de naissance, il faut que passent sur elle le vent, le souffle, l’Esprit, et qu’elle se laisse brasser, féconder. L’enjeu, c’est de voir le Royaume (v.3) et d’entrer dans le Royaume de Dieu (v.5) A travers Nicodème et son groupe (« vous »), Jésus s’adresse à tout homme. C’est là que le lecteur peut venir pendre sa place.

« Aborder un récit d'évangile implique une attitude de lecture originale. Elle consiste à « écouter la Parole » qui s'y révèle comme une Parole de vie. Un tel acte de lecture déborde l'analyse du récit : elle est de l'ordre d'un événement qui advient, imprévisible, inattendu, au détour de tel ou tel épisode de la narration. La rencontre entre le Christ et tel ou tel acteur du récit résonne soudain dans la vie du lecteur comme une promesse, un appel, une invitation à s'attacher à la personne du Christ et à adopter sa manière de vivre. Le Christ lui-même opère pour lui ce qu'il opérait jadis avec ses disciples sur les chemins de Galilée. Il l'éveille à la foi, il l'engendre à sa propre manière d'exister. » Philippe Bacq, Chemin faisant Lumen Vitae, n°6 - septembre 2003

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* 3) v.13-21 - On passe d’un dialogue à un monologue : un discours de révélation qui exprime la foi de la communauté johannique - Il révèle le dessein de Dieu : Dieu aime le monde ! Il a donné son Fils pour que tout homme qui croit/se fie en lui ait vie éternelle. Jésus n’est pas venu pour juger (condamner) mais pour sauver. La finalité est claire : il s’agit que le croyant ait la vie éternelle, une vie qui ne s’arrête pas avec la mort. Le verbe est au présent, indication d’une réalité qui dure, dès aujourd’hui. - Ce dessein de Dieu donne le sens de la mort de Jésus sur la croix (v.13-14) : « le Fils de l’homme doit être haussé/élevé » : le terme renvoie au Livre des nombres (Nb 21,4b-9) où le peuple reconnaît sa faute et demande l’intercession de Moïse. Dans une relecture chrétienne le serpent d’airain ‘haussé’ devient préfiguration de l’élévation de Jésus sur la croix (En hébreu la valeur numérique du mot « serpent » est la même que celle du mot « Messie » !). C’est au moment où Jésus meurt qu’il manifeste le summum de la vie et de l’amour du Père. Dans le Fils, c’est Dieu lui-même qui se donne. La croix est source de salut parce qu’elle est l’expression ultime de l’amour du Père et du Fils dans l’Esprit ; c’est pourquoi elle peut être pour les croyants source de Vie. cf. Sg 16, 5-13 : « ...En effet, quiconque se retournait était sauvé, non par l’objet regardé, mais par toi lr sauveur de tous. Et ainsi tu as prouvé à nos ennemis que c’est toi qui délivres de tout mal... » cf. Jn 8,28 : « Lorsque vous aurez élevé le Fils de l’homme, vous connaîtrez que Je Suis et que je ne fais rien de moi-même : Je dis ce que le Père m’a enseigné » Jn 12,32 : « Pour moi, quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes » - v. 18-21 : d’où l’appel à venir à Celui qui est la Lumière pour faire la vérité. Les personnes qui ne la reçoivent pas restent dans les ténèbres, car l’humain est pêcheur et, de lui-même ne peut être sauvé, c’est-à-dire entrer dans le Royaume, la plénitude de Vie de Dieu. C’est la liberté de chacun qui entraîne la séparation et donc le jugement. Le jugement, qui atteint celui qui ne croit pas, est de ne pas éprouver à quel point il est aimé de Dieu et ainsi de ne pas connaître le joie d’échapper au mensonge du serpent pour commencer à vivre en vérité. - « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique » (3,16) : En Jésus son Fils et par l’Esprit à accueillir, Dieu le Père souhaite communiquer sa Vie même afin de faire de tout être humain son enfant. Jésus vient bien de Dieu (v.2), mais peut-être pas comme Nicodème le pensait. Jésus n’est pas un simple ‘maître’ digne de confiance, bon interprète de la parole de Dieu. Il vient de Dieu non seulement parce que sa doctrine est fidèle à la parole de Dieu, mais parce qu’il est le « Fils unique-engendré » (monogenos). - « ...pour que le monde soit sauvé » v.17 : rappel précieux que c’est l’amour qui non seulement donne la Vie mais la sauve. - Croire ou ne pas croire ? – Si l’amour de Dieu en Jésus est inconditionnel, il appelle une réponse de l’homme. Nicodème a disparu du récit qui reste ouvert : quelle sera finalement sa réponse ? (voir : Jn 7,50 et 19,39) – Et la nôtre ?

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2. Des questions pour intérioriser, laisser le récit résonner en soi, pour entendre une Parole vivante, et pour échanger - L’artisan de notre nouvelle naissance c’est l’Esprit Saint :

« Nous ne sommes pas maîtres de la façon dont l’Esprit va se manifester, mais ce dont nous pouvons être sûrs, c’est qu’il demande à chacun, chacune de lui ouvrir la porte de son cœur, de l’entièreté de son être, de ses expériences, pour qu’il puisse y demeurer, y accomplir son œuvre et entrer dans l’expérience humaine. » Simone Pacot, Ouvrir la porte à l’Esprit, Cerf 2008, p.25

Quelle place a l’Esprit Saint dans ma vie de foi ? Quel souci ai-je de ma « vie spirituelle » ? Quels sont les moyens que je me donne ? - « J’ai cinquante ans et je viens de naître » (= parole d’une ‘recommençante’) Quand sommes-nous « nés » véritablement à la vraie vie ? Qu’a produit en nous cette nouvelle naissance ? - « Nicodème ne vient pas seulement de nuit. Il vient de la nuit. Et il est appelé à passer de la nuit à la lumière. Cet appel est au cœur de son désir. L’homme est un être de désir qui aspire à la lumière. Et comme un veilleur il est attentif aux signes des temps » (Eloi Leclerc, Le maître du désir) Comment se manifeste ce désir profond, cette attente insatisfaite, cette quête de vie et de bonheur pour vous et pour les gens que vous rencontrez ? - Venir à Jésus, se laisser attirer par lui. Relever dans le récit les expressions qui disent l’identité de Jésus (ex. v.2, 13-15, 16-17, 18-21) Que signifient-elles pour moi ? - Croire au Fils unique engendré de Dieu - Comment vient-on à la foi ? Comment sommes-nous devenus croyant ? (Quels chemins, quelles rencontres, quelles expériences... ?) - Et nos communautés chrétiennes : peuvent-elles renaître d’en haut, d’eau et d’Esprit ? A quelles conditions ? Pouvons-nous donner des exemples ? (cf. pastorale d’engendrement, pastorale d’initiation...) - croire et/ou savoir ? Quelle place a l’intelligence dans notre vie de foi ? (cf. Rm 12,2) 3. Pour prier - Chant : Viens Esprit de Sainteté - Trouver dans ma vie ta Présence - Prière de Saint Bernard (voir ci-dessous) - Viens Esprit-Saint (Prière des pères du Concile – voir ci-dessous)

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4. Textes complémentaires * « Découvrir en chacun un espace où la rencontre est possible. En ce lieu, les mots peuvent se dire et les regards demeurer confidence. C'est la simplicité, cet espace d'accueil où l'autre se sent reconnu, écouté pour lui-même. Seule la voix qui parle au cœur ouvre le chemin de la véritable rencontre »

Anne Sigier, Les regards d'enfants * « Il y a des choses qui ne s’entendent qu’à l’heure où les sources élèvent la voix. Et c’est de nuit. […] Dans l’évangile de Jean, l’homme a toujours un rapport avec la nuit. Il est appelé à passer de la nuit à la lumière. Et cet appel est au cœur même de son être, au plus profond de son désir. […] On ne passe pas de la nuit humaine à la lumière du Royaume par un simple progrès sur le plan du savoir. Il y faut une nouvelle naissance. Une communication de vie divine qui ne peut venir que de Dieu même. Il faut naître pour connaître. »

Éloi Leclerc, Le maître du désir

* « L’Esprit souffle où il veut, et sa voix tu l’entends, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va... »

« Par où l’Esprit serait-il entré quand il est venu ? Où serait-il allé quand il est sorti ?

Vaines questions ! Car Il nous est plus intime que nous-mêmes.

En Lui nous vivons.

En Lui, nous nous mouvons. En Lui, nous sommes.

Puisque ses voies sont aussi impénétrables,

tu te demandes sans doute comment j’ai pu savoir qu’Il était présent.

Dès qu’Il est entré, Il a réveillé mon âme.

Jamais Il ne fit connaître son entrée par quelque indice ou par quelque démarche qui trompât mes sens .

Ce fut seulement par un mouvement du cœur

que je reconnus sa présence. »

Saint Bernard * « L’Esprit Saint agit comme il veut, quand il veut et où il veut ; nous nous dépensons sans prétendre, cependant, voir des résultats visibles. Nous savons seulement que notre don de soi est nécessaire. Apprenons à nous reposer dans la tendresse des bras du Père, au cœur de notre dévouement créatif et généreux. Avançons, engageons-nous à fond, mais laissons-le rendre féconds nos efforts comme bon lui semble ». « Comme je voudrais trouver les paroles pour encourager une période évangélisatrice plus fervente, joyeuse, généreuse, audacieuse, pleine d’amour profond, et de vie contagieuse ! Mais je

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sais qu’aucune motivation ne sera suffisante si ne brûle dans les cœurs le feu de l’Esprit. En définitive, une évangélisation faite avec esprit est une évangélisation avec l’Esprit Saint, parce qu’il est l’âme de l’Église évangélisatrice ».

Pape François, La Joie de l’Évangile, § 279 - 28O * Viens Esprit-Saint

Viens Esprit-Saint, viens en nos cœurs, Et comble-les de tes grâces. Enseigne-nous ce que nous devons faire, Montre-nous ce que nous devons penser, Montre-nous comment nous devons agir. Toi qui aimes la vérité par-dessus tout, Ne permets pas que nous détruisions ce que tu as disposé. Que l’ignorance ne nous induise pas en erreur, Que la légèreté ne nous séduise pas, Et que nous ne nous perdions pas En vaines considérations. Permets que nous te soyons fidèles Et que nous ne nous écartions pas de la vérité. Prière des Pères du Concile, 1962

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Fiche n°3 “L’ESPRIT FAIT NAITRE L’ÉGLISE” L’Esprit et l’Église A la naissance de l’Eglise, il y a le don de l’Esprit à la Pentecôte, qui achève le mystère pascal de mort-résurrection du Christ. Aux commencements de l’Eglise il y a donc l’Esprit. Il faut entendre “commencements” au pluriel: ce n’est pas seulement sa naissance il y a 2000 ans, mais aussi toutes les naissances, où l’Eglise naît et grandit aujourd’hui. Car l’Eglise est toujours en commencement, en naissance, en nouveaux départs. Impossible donc de parler de l’Eglise, sans parler de l’Esprit (sinon, on la réduit à une institution humaine). Mais il faut chasser deux idées: - Le Christ n’a pas fondé l’Eglise comme nous l’imaginons, en ayant tout prévu avant de mourir, même les sacrements et le droit canon ! Il a bien constitué le groupe des Douze, mais la Pentecôte est son acte de naissance: c’est son “baptême dans l’Esprit”. - L’Eglise n’est pas fondée une fois pour toutes à la Pentecôte (comme une association 1901, avec statuts déposés en préfecture): elle continue à naître aujourd’hui. Une clé de lecture pour reconnaître la présence et l’action de l’Esprit Saint, que ce soit dans la vie de l’Eglise ou que ce soit dans la Bible: c’est l’Esprit des commencements et des renouveaux: Esprit des naissances et des mises en route, Esprit des mutations et des renaissances, Esprit des départs et des envois en mission. D’ailleurs, dans la vie de l’Eglise, c’est toujours dans les moments de mutations que la réflexion sur l’Esprit se fait la plus intense (quand l’institution est puissante, elle ne parle pas de l’Esprit: elle “tourne”, elle se suffit à elle-même). Pourquoi ? Parce que l’Esprit est le contraire de la routine et de la sclérose, et qu’il se manifeste plutôt dans les temps de mutations, et donc aujourd’hui. Quand tout va bien, on n’y pense pas; mais quand ça bouge, alors oui. C’est vraiment l’Esprit de la création et de la recréation, celui qui donne vie, l’Esprit de la Résurrection.

I - Le don de l’Esprit à la Pentecôte

1) Pour lire le récit de la Pentecôte (Actes 2,1-42) 1. Lire le texte et être sensible aux mots, aux images. 2. Quelles sont les images qui expriment le don de l’Esprit? 3. Quel est le mot qui revient le plus souvent? Quelle conclusion en tirez-vous? 4. Qui sont les personnages? Qu’est-ce qui se passe? Comment les personnages sont-ils transformés? 5. Quelles sont les conséquences de ce don de l’Esprit pour l’Eglise? 6. Comment je vois que la Pentecôte se vit aujourd’hui dans ma mission et dans les communautés d’Eglise où je suis? 2) Lecture du texte Ce ‘jour de la Cinquantaine’ (après Pâques) est l’accomplissement d’une longue histoire, celle d’Israël, et aussi le commencement d’une immense histoire, celle de l’Eglise. Ce récit est un concentré de l’expérience de l’Esprit: il manifeste les ’signes de l’Esprit’ qui est à l’œuvre en nous et dans le monde. Le lien ‘Eglise’ et ’Esprit’ est fait dans le Credo: ‘Je crois en l’Esprit Saint, à la Sainte Eglise ..’.

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Ce récit n’est pas un reportage mais une catéchèse: un récit de foi pour consolider la foi d’autres croyants (cf. le projet de Luc 1, 1-4 pour son œuvre en 2 tomes: Evangile et Actes). C’est un récit très construit dans le style de Luc: alternance de récits et de discours qui donnent le sens: événement et interprétation. Ici, nous avons le cœur de la prédication chrétienne autour de Pierre et des douze. a) Vue d’ensemble: A. Récit de l’événement a) L’événement vécu par les Douze (v.1-4) b) L’événement constaté par des Juifs du monde entier (v.5-13): déconcertés, émerveillés, perplexes, moqueurs. B. Discours: L’événement interprété par des témoins: le discours de Pierre (v.14-36), à partir des Ecritures juives (Joël, Ps 16 ; 110): - C’est l’effusion de l’Esprit annoncée pour les ’derniers jours’ (14-21). - Jésus était bien l’Envoyé de Dieu (22-28) vs échec, crucifixion. - Sa résurrection en est le gage, comme cette effusion de l’Esprit (29-35). - Conclusion: 1ère proclamation de la foi chrétienne à Israël (36): ’Dieu l’a fait Seigneur et Christ ce Jésus que vous, vous aviez crucifié’. C. Récit des effets de l’événement (v.37-41): l’événement nous interpelle: ‘que devons-ns faire?’ - invitation à la conversion, au baptême pour recevoir l’Esprit St; - naissance et croissance de la 1ère comté (v.37-41). D. Tableau de la 1ère communauté: 4 caractéristiques (v.42-47). b) Pistes de lecture 1. - ‘Comme le jour de la cinquantaine/Pentecôte était plein…’ (v.1) (50 jours après Pâques). La fête de la Pentecôte: une des trois fêtes juives (avec Pâques et les Tentes) de pèlerinage. A l’origine, fête des moissons (des Semaines: 7 semaines après Pâques), Israël célèbre le don de Loi/Torah au Sinaï et de l’Alliance (Ex.19,16-19). Luc établit des correspondances entre la fête juive du don de la Loi et la Pentecôte chrétienne: . Au niveau des images: le bruit d’orage violent, le feu, les voix: langage biblique pour évoquer la manifestation de Dieu (‘théophanie’). . Au niveau de sens: fête juive = don de la Loi; Pentecôte = don de l’Esprit. L’Esprit remplace la loi. -’était plein’: Luc suggère que le don de l’Esprit ’ce jour-là’ accompli le don de la Loi. Paul en montrera les conséquences au niveau du comportement du chrétien: nous ne sommes plus sous le régime de la lettre mais de l’Esprit: la foi chrétienne n’est pas l’obéissance à des commandements extérieurs (cf. Jér 31,31 ‘Je vous donnerai un coeur nouveau... Je mettrai ma loi au-dedans de vous’) = une nouvelle Alliance dans le cœur. 2. C’est un jour décisif, fondateur = C’est ’le jour de la Pentecôte’ (v1), ‘en ce jour-là’ (v41) ns dit le texte: comprenons le jour important de la naissance de l’Eglise, de son ’baptême dans l’Esprit’. - L’Esprit est donné comme sur Jésus au Baptême, au début de son ministère (Lc 3,21-23): ‘Comme une colombe’ sur Jésus ‘Comme des langues de feu’ sur les apôtres: et ils sont ’remplis de l’Esprit St’, comme les personnages de Luc (Jean Baptiste, Elisabeth, Zacharie).

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- La pentecôte, une fête de l’Alliance entre Dieu et son peuple Cette fête constituait le peuple de Dieu. Ici, on assiste à la naissance d’un peuple nouveau l’Eglise, fondé sur les Douze apôtres (12 tribus). D’où ce rassemblement de peuples à Jérusalem pour cette fête de pèlerinage. C’est la naissance d’une ‘Communion dans l’Esprit’, l’Eglise. Et nous: quand est-ce que nous faisons l’expérience en Eglise de vivre un moment fort de communion? 3. L’Esprit est donné au début de la mission de l’Eglise, comme au début de celle de Jésus (cf. Lc 4,16-30: Jésus à la synagogue de Nazareth: ‘L’Esprit du Seigneur est sur moi, il m’a consacré par l‘onction, il m’a envoyé annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres …’. Il est au point de départ de notre mission à nous aussi. L’Esprit ouvre toujours des temps nouveaux: ‘il arrivera dans les derniers temps’ (v17): une nouvelle création, une nouvelle Alliance. C’est l’Esprit ’des commencements et des renouveaux’. 4. L’effusion de l’Esprit: - c’était le souhait exprimé par Moïse (Nb.11,29: ‘Si seulement tout le peuple du Seigneur devenait un peuple de prophète, sur qui le Seigneur aurait mis son Esprit !’’ ) et une grande promesse de Dieu transmise par Ezéchiel (36,24-28: ‘ Je vous donnerai un cœur nouveau et je mettrai en vous un esprit neuf… Je mettrai en vous mon Esprit et je vous ferai marcher selon mes lois … Vous serez mon peuple et je serai votre Dieu‘; et 37,12-14). - Le prophète Joël (après le retour d’exil) annonce cela comme certain et pour tout le peuple (Jl 3,1-5, cité par Pierre v.17-18): jeunes et vieux, hommes et femmes, hommes libres et esclaves: une communauté sans discrimination! Luc décrit la communauté des derniers temps qui fait l’expérience de l’Esprit comme l’accomplissement de cette promesse. Ce peuple, cette communauté, c’est l’Eglise. - Le don de l’Esprit est destiné à tous les peuples, pas seulement à Israël. Les 15 peuples mentionnés évoquent tout le monde connu, autour de la Méditerranée et des confins orientaux de l’empire romain jusqu’à Rome. Même s’il s’agit de Juifs pieux venus en pèlerinage pour la fête, Luc réussit à donner à l’événement une dimension universelle (cf. 1,8: ‘Vous serez mes témoins jusqu‘aux extrémités de la terre‘): ce programme commence à se réaliser ici. C’est l’annonce que les temps nouveaux commencent: ‘Je répandrai de mon Esprit sur toute chair’ (Jl 3): tous les croyants doivent recevoir l’Esprit promis pour les temps messianiques: le don de l’Esprit est universel (il est même donné aux non-baptisés: à nous de le découvrir! – Cf. Vatican II: ‘discerner les semences du Verbe’). 5. L’Esprit Saint réalise la communication, la communion entre les personnes; il fait parler et entendre. a) Le mot ’langue’ (de feu, ou parlée) revient 7 fois. . Les disciples prennent la parole (v4 et Pierre): ‘ils se mirent à parler en d’autres langues’). . Les gens entendent le merveilles de Dieu (v 6.8.11): ‘chacun les entendait dans sa propre langue’. Il y a un contraste entre ces Galiléens qui parlent (particularisme) et ces peuples qui entendent (universalisme).

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On assiste donc à une communication réussie, grâce à l’Esprit. On rêve que la communication de la Bonne Nouvelle marche toujours aussi bien! On rêve que les hommes différents arrivent toujours aussi bien à s’entendre. C’est en fait ce qui préfiguré là. ‘Parler d’autres langues’. On connaît le charisme du ‘parler en langues’ inconnues (ou glossolalie: 1 Co 12,10). Mais ici les Douze s’expriment en diverses langues et leurs auditeurs les entendent chacun dans sa langue maternelle. (Cf. les anciens prophètes: Nb 11,25-29; 1S 10,5-6; 1R 22,10). b) La Pentecôte est ainsi présentée ici comme l’anti Babel: La division de l’humanité, à la construction de la tour de Babel (Gn 11), marquée par la confusion de langues (‘bl-bl’) est surmontée, réparée, non pas par un retour à une langue unique (risque de totalitarisme dans l’unicité vs unité), grâce à l’Esprit de Pentecôte, qui donne à l’Eglise de faire entendre les merveilles de Dieu, dans la diversité des cultures et des langues des hommes et des peuples, et à chacun d’entendre la Bonne Nouvelle dans ’son propre idiome’. Le message de l’Evangile, porté dans l’Esprit Saint, est capable de faire éclater les frontières (linguistiques, culturelles, sociales, et autres ’murs de séparation’) entre les hommes. Il y a à la fois rassemblement de tous les peuples (les peuples connus à l’époque autour de la Judée qui est au centre) et respect de leur diversité. C’est cela la communion véritable: union dans la diversité. c) Cela nous parle. Nous faisons l’expérience que la Bonne Nouvelle se dit dans des ’langues’ différentes (celle des enfants, celle des jeunes n’est pas celle des grand-mères; celle des paysans n’est pas celle des informaticiens etc... Il y a diverses expressions de la même foi. De même, l’unité entre les diverses confessions chrétiennes ne se fera pas par un retour des autres au catholicisme, mais en faisant une place à toutes les traditions dans une Eglise universelle. L’Œcuménisme est celui des ’diversités réconciliées ‘ (Cf. ‘Du conflit à la communion’ - Consensus différencié / diversité réconciliée). 6. La source de cette nouveauté est le mystère pascal: la mort et la résurrection de Jésus. C’est l’annonce qu’en fait Pierre, au nom des apôtres, dans sa prédication:

‘Dieu l’a ressuscité, ce Jésus, que vous aviez crucifié, nous en sommes témoins… Exalté à la droite de Dieu, Il a donc reçu du Père l’Esprit St promis, et il l’a répandu, comme vous le voyez et l’entendez’ (v.24-32).

C’est lui qui répand l’Esprit St: l’Esprit est un don de Dieu et du Ressuscité. C’est en croyant en Jésus Christ mort-Ressuscité et en vivant l’Evangile que l’on reçoit l’Esprit Saint. L’Esprit reçu fait donc entrer dans le mystère pascal: il nous met en chemin d’exode et de passage. Dans les Actes, il fait sortir les apôtres du Cénacle. Puis il les fera sortir du monde juif et aller vers les autres peuples: par ex. Pierre chez le païen Corneille (Ac 10). C’est l’objet du récit des Actes. Aujourd’hui pour nous, c’est l’appel à être ‘une Eglise en sortie’, appelée à aller ‘aux périphéries humaines’ (Pape François: La joie de l’Evangile). 7. Aujourd’hui comme hier, cet événement interpelle, nous concerne: ‘Que devons-nous faire?’: Conversion (métanoia = changement de mentalité et de comportement comme au début du ministère de Jésus: l’Eglise poursuit la mission de Jésus), Baptême pour le pardon des péchés et

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accueil du don de l’Esprit Saint. C’est un chemin de catéchuménat (Baptême et Confirmation - l’Eucharistie arrive dans la suite du récit). En conclusion, nous voyons dans ce récit de la Pentecôte: a) A la naissance de l’Eglise, un Esprit déroutant: C’est un don gratuit, qui a des effets inattendus (communiquer, se rassembler, être unis). Qui suscite une vie débordante (des apôtres transformés, ‘remplis’). Qui fait entrer dans une vie nouvelle: cf. le tableau de la vie de la communauté en 42-47. b) La naissance d’une Eglise d’emblée missionnaire: baptisée dans l’Esprit et envoyée en mission. Luc dit à la fois: l’Eglise vient d’Israël (= continuité – Cf. la figure des Douze: les 12 tribus d’Israël); et en même temps, elle est ouverte à d’autres (= nouveauté), c’est une scène d’anticipation universelle. c) Les effets du don de l’Esprit: mission et communauté. L’Esprit envoie en mission et fait la communauté. Mais c’est le même mouvement d’ouverture aux autres: à l’extérieur, c’est la mission; à l’intérieur, c’est la communauté. C’est ce que développe le tableau suivant.

II - La première communauté de Jérusalem (Ac 2,42-47):

Quatre fidélités vécues

Ac 2,42 donne quatre notes, quatre signes de la vie ecclésiale. Elles permettent à Luc de dire ce qui fait l’essentiel de la vie d’une communauté chrétienne. C’est pour lui comme le prototype de toute vie en Eglise. Ces quatre critères donnent des points de repères à toute communauté chrétienne. a) Fidélité à l’enseignement des apôtres A la base de la communion dans la foi, il y a le témoignage apostolique rendu au Christ, de deux façons: Luc nous les montre - prêchant la Bonne Nouvelle à l’extérieur (3-4) - enseignant les nouveaux convertis (5,42) “dans les maisons, ils ne cessaient d’enseigner la Bonne Nouvelle” Ce qui réunit et fait vivre ensemble, c’est d’abord le partage d’une même foi, la même confession de foi, l’accueil d’une même parole: l’Eglise naît de la Parole (cf. les discours de Pierre ou de Paul dans les Actes) Pour nous: quelle est la place du partage de la Parole dans nos communautés? b) La communion fraternelle Les relations à l’intérieur du groupe chrétien sont transformées: ils vivent la ‘fraternité’. La communauté primitive a cherché à réaliser, par le partage des biens, une communauté de vie, dans laquelle les réalités concrètes (l’argent, la politique, la culture) rassemblent au lieu de séparer, n’enferment pas sur soi, mais ouvrent aux autres et à Dieu: la Communion dans la foi au Christ Ressuscité entraine l’union des frères.

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Pour nous: quels signes de partage et de fraternité donnent nos communautés? c) La fraction du pain Le terme désigne l’Eucharistie (cf. Lc 22,19: la Cène; 24,30: Emmaüs). Luc ne dit rien sur son déroulement, sa fréquence, le ministre ... - Ac 2,42-46 nous suggère qu’elle se vit: au cours d’un repas à domicile, dans une ambiance de joie (signe du Ressuscité, dans une communauté de frères proches et solidaires. - Ac 20,7, à Troas, suggère le rythme hebdomadaire: “le 1er jour de la semaine”. Paul y ressuscite un mort. Sens: l’Eucharistie, présence du Ressuscité, donne la vie à la communauté. Pour nous: importance de l’assemblée eucharistique dominicale? d) La prière Les chrétiens se rassemblent pour prier. 2,42 emploie le pluriel: les prières liturgiques juives au Temple, surtout les psaumes, auxquels les chrétiens restent fidèles. Autres occasions de prières: - aux moment importants de la mission: avant les trois “Pentecôtes”: Ac 1,14; 8,15; 10,9; - dans la persécution: Ac 4,23-31; 12,5-12. - pour confier un ministère: Ac 1,24 (Matthias); 6,6 (les Sept); 13,3 (Paul et Barnabé). La tonalité de la prière chrétienne est la louange et la joie (comme les bergers ou après les miracles dans l‘Evangile). Pour nous: quelle initiatives nouvelles prenons-nous pour la prière dans nos communautés?

III - La dynamique des Actes: plusieurs Pentecôtes Comment Luc rend-il compte de l’expérience de l’Esprit dans les premières communautés ? Il ne donne pas de doctrine de l’Esprit, mais il raconte son action dans l’histoire. Il fait de l’Esprit un personnage de son récit, au même titre que Pierre ou Paul. - Luc présente plusieurs irruptions de l’Esprit à chaque tournant de la mission. Lc n’a pas voulu raconter un événement unique et spectaculaire de la communauté primitive, mais mettre en valeur une réalité spirituelle souvent expérimentée: plusieurs venues de l’Esprit sur la communauté, en lien avec la mission. - Il présente des Pentecôtes successives à chaque tournant de la mission: la Pentecôte des Juifs (Ac 2,1-42) la Pentecôte des Samaritains (Ac 8,15-17) la Pentecôte des païens, ou des nations, chez le centurion Corneille (Ac 10,44-48). L’Eglise est constamment secouée par l’Esprit et poussée hors de ses frontières pour annoncer l’Evangile (cf. le plan des Actes). Donc il y a plusieurs manifestations ou irruptions de l’Esprit dans la 1ère communauté, auxquelles il faut ajouter: - l’Esprit donné dans l’épreuve de la persécution (4,31) - l’organisation des services et ministères: appel des sept ’hommes remplis d’Esprit Saint et de foi’ ( Ac 6,1-7) - le don de l’Esprit aux Ephésiens ( Ac 19,1-7).

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L’Esprit Saint est expérimenté comme une puissance, qui ‘remplit’ des hommes pour les envoyer en mission. Il intervient dans la communauté avec une souveraine liberté (il n’est pas toujours lié à l’imposition des mains des apôtres, comme chez Corneille au ch.10). Il construit l’Eglise (ch.6: institution des Sept), la conduit en mission et bâtit son unité (cf.Ac 15: assemblée de Jérusalem).

IV - Pour entendre une parole vivante - ’L’Esprit fait naître l’Eglise, ’L’Esprit conduit l’Eglise’: Qu’est-ce que la lecture du récit de la Pentecôte vous a fait découvrir sur l’Eglise? - L’Esprit, un don qui est pour tous. Quelles conséquences en tirons-nous (discerner la présence de l’Esprit chez ‘les autres’, reconnaître les charismes de chacun…) ? A quels signes voyons-nous que des personnes sont porteuses de l’Esprit ou habitées par lui? - L’Esprit St, reçu au Baptême et à la Confirmation, nous fait participer au trois fonctions du Christ: prêtre, prophète et roi. Comment exerçons-nous cette triple mission? - L’Esprit communique son souffle pour la mission. Il fait de nous des ’disciples-missionnaires’. On a parfois séparé les deux termes. Or l’Esprit de notre Baptême et de notre Confirmation nous envoie en mission. Que faisons-nous pour être des ’témoins’? - L’Esprit est-il toujours présent dans la vie de l’Eglise? On a parfois opposé ‘charisme’ (l’inspiration de l’Esprit) et ’institution’ (les structures de l’Eglise), pensant que l’institution faisait parfois obstacle à la liberté de l’Esprit. Que faut-il pour qu’il n’y ait pas opposition mais articulation entre les deux? - L’Esprit construit la communion. Dans la liturgie, il bâtit le Corps du Christ (cf. les deux épiclèses sur le pain-vin et sur l’assemblée). Comment notre fraternité est-elle une réalisation de ce que nous célébrons? Comment bâtir l’unité, dans le respect des différences, dans nos groupes et communautés? V - Pour prier Chant: Souffle de vie, force de Dieu, viens Esprit de Sainteté (K 31) Ou: Esprit de Pentecôte, souffle de Dieu, vois ton Eglise aujourd’hui rassemblée. Esprit de Pentecôte, souffle d’amour, emporte-nous dans ton élan (bis) (K138). Texte d’approfondissement:

« C’est par le don de l’Esprit à partir de l’événement de la Pentecôte, que le Père associe les hommes à la vie de son Fils. Ainsi le mystère pascal vécu par Jésus s’inscrit dans nos existences: il nous est offert de vivre notre vie et notre mort dans cette dynamique de don que l’Esprit Saint suscite et anime. Et cette

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dynamique nouvelle veut s’étendre à l’ensemble de l’histoire et de la création, qui ‘gémit encore dans les douleurs de l’enfantement’ (Rm 8,22), mais qui ‘garde l’espérance, car elle aussi sera libérée de l’esclavage de la corruption’. L’Esprit Saint qui vient d’en haut est envoyé pour convertir nos cœurs à l’amour de Dieu et des autres, mais aussi pour qu’au-dedans de notre humanité soit enfantée une nouvelle création, délivrée du mal et de la mort. Nous ne devons pas séparer ces deux actions de l’Esprit Saint qui veut susciter une nouvelle naissance à la fois dans l’intimité des cœurs, et dans la complexité du monde et de l’histoire. L’expérience chrétienne de l’Esprit Saint a toujours cette double dimension: personnelle et historique, intérieure au cœur de l’homme et à l’histoire entière du salut’ ».

Lettre aux catholiques de France, 1996. Prière Seigneur, répands en abondance ton Esprit sur le monde. Que ton souffle redonne à notre terre vieillie une nouvelle fraicheur. Que sa clarté pourchasse et dissipe tous les ténèbres qui envahissent le cœur des hommes. Que son feu purifie les grands projets des peuples. Que son élan emporte les sceptiques et les désabusés. Que descende sa paix dans les âmes troublées. Qu’il propage l’amour et ranime la vie partout où elle sommeille et où elle expire. Seigneur, répands en abondance ton Esprit sur l’Eglise. Qu’il soit le défenseur des témoins de l’Evangile, le ferment vivace de l’unité, l’inspirateur de toute communion, le promoteur infatigable d’une vraie liberté. Qu’il ouvre à tous les chrétiens le trésor de ses dons, pour que chacun trouve sa place dans la construction du Corps du Christ. Qu’il guide ceux qui empruntent de nouveaux chemins et entreprennent avec audace leur travail de prophètes. A ceux qui regardent en arrière, qu’il montre vers l’horizon des merveilles inaperçues. Qu’il soit encore pour tous l’Esprit de la promesse. Seigneur, répands en abondance ton Esprit sur chacun d’entre nous. Tu sais mieux que nous-mêmes ce qu’il y a au fond de notre désir, de nos appels, de nos demandes, de nos cris. Tu connais nos résistances, nos lâchetés et nos échecs; tu connais aussi notre faim de la vérité et cette soif de toi qui envahit l’âme. Ton amour devance notre prière pour nous combler de tout don parfait. Donne-nous ton Esprit, en ce temps de Pentecôte: qu’il réalise en nos vies l’œuvre immense de Jésus ton Fils. Amen.

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Fiche n°4 JÉSUS HABITÉ ET ENVOYÉ PAR L’ESPRIT Luc, l’Evangile des commencements dans l’Esprit Saint L’Evangile de Luc est un livre de naissances: des enfants naissent (Jean Baptiste et Jésus), des hommes se mettent debout, des communautés se forment, la joie est partout présente. La naissance de l’Eglise en milieu païen le rend attentif aux “commencements”, à ce qui démarre, à la germination d’un monde nouveau porté par des communautés nouvelles. Luc et sa communauté vivent le début d’une grande aventure et expérimentent le souffle de l’aube d’une ère nouvelle. Et l’artisan de ce commencement est l’Esprit Saint. Ce commencement est mis en scène dans trois scènes: le baptême, les tentations et le discours-programme de Jésus à la synagogue de Nazareth. Jésus a eu besoin de l’Esprit Saint au commencement de son ministère. Au commencement du ministère de Jésus est l’Esprit Saint: A la naissance de Jésus: “L’Esprit viendra sur toi ... ce qui naîtra de toi sera saint” (Lc 1,35) Au Baptême: “Le ciel s’ouvrit et l’Esprit Saint descendit sur lui” (Lc 3,21-22) Dès le début de la mission: “L’Esprit du Seigneur est sur moi, ... il m’a envoyé” (Lc 4,16-19 Dans a prière dans la mission: “Il tressaillit de joie sous l’action de l’Esprit St” (Lc 10,21) L’Esprit Saint dans la Passion: Jésus remet son Esprit (Lc 23,46. 1. Luc 3,21-22: le Baptême de Jésus: Jésus habité par l’Esprit Au commencement du ministère de Jésus est l’Esprit ; Jésus symbolise ce Peuple nouveau créé par l’Esprit, il en est la figure, “le premier-né de l’humanité nouvelle” (Col 1,15). Chez Luc, l’Esprit est omniprésent: chaque parole, chaque geste de Jésus révèle l’action de l’Esprit Saint, qui fait le monde nouveau. a) “ L’Esprit St viendra sur toi ...ce qui naitra de toi sera saint” (Lc 1,35) (naissance de Jésus) Comme figure du Peuple nouveau, le Messie ne pouvait naître de la vieillerie humaine, mais de la nouveauté de l’Esprit: sa naissance virginale fait partie de la création nouvelle. La sainteté ne peut naître que de l’Esprit Saint. Le souffle de Dieu féconde Marie, la mère de Jésus, celle qui n’enfantait pas (il féconde les stérilités humaines). C’est lui qui permet que la Parole prenne corps dans l’humanité en Marie qui l’accueille. De plus, il va mettre Marie en route vers Elisabeth: la visitation est la rencontre de ces deux femmes, visitées par l’Esprit (1,41), qui chantent la Gloire de Dieu (le Magnificat): que de mouvements et de bouleversements ! L’Esprit: - met en mouvement, fait bouger, envoie en mission; - rajeunit (cf. l’âge des personnages en Lc 1-2);

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- fait chanter la Gloire de Dieu (il est la source de la prière, de la louange). b) “Le ciel s’ouvrit et l’Esprit Saint descendit sur lui” (Lc 3,21-22) Au commencement de sa mission, Jésus est totalement investi par l’Esprit. Toute sa mission sera sous la mouvance de l’Esprit. Le baptême est comme son investiture prophétique. Ensuite, il est “poussé au désert par l’Esprit”, où il va vivre le combat contre l’esprit du mal (les tentations; Lc 4,1-13). Il est mû par l’Esprit, et non par la vieillerie humaine, pour s’attaquer au mal, et en être victorieux (pas comme Israël au désert). L’Esprit St apparaît ici comme celui qui nous engage dans le combat contre le mal, dans le combat spirituel, comme Jésus. Une question: l’Esprit était-il présent en Jésus avant son baptême? Oui, il habitait le Fils (comme il est présent en tout homme). Mais il se manifeste à nouveau quand commence la mission de Jésus (ce sera pareil sur les disciples à la Pentecôte: à une nouvelle mission correspond une nouvelle venue de l’Esprit. C’est pareil pour nous: la confirmation , l’ordination, l’effusion de l’Esprit dans le Renouveau ne double pas le Baptême: mais l’Esprit procède par approfondissement et renouvellement. c) “Il tressaillit de joie sous l’action de l’Esprit Saint” (Lc 10,21). Chez Luc, Jésus est toujours en prière avant de vivre un événement de sa mission. C’est la seule prière de Jésus dans la mission, dont on ait le contenu: “Je te bénis Père, d’avoir caché cela aux sages et aux savants, et de l’avoir révélé aux tout petits”. C’est l’expérience de la mission, alors que ça devient difficile et que les esprits forts (les Pharisiens refusent un Evangile de miséricorde pour les exclus) s‘opposent lui. Jésus ne se plaint pas pour ce qui ne marche pas: il rend grâce parce qu’il découvre l’action de Dieu qui ouvre les coeurs des petits. Ainsi l’Esprit fait faire la relecture du travail de Dieu dans les coeurs et rendre grâce pour cette action. Il en va de même pour nous.

Conclusion En voyant Jésus, les disciples voyaient non seulement le Père, mais aussi l’Esprit qui l’habitait. Résumons les grandes lignes de son action: - par l’Esprit, Jésus vient au monde: l’Esprit met au monde (en conséquence, attention à un “spirituel” qui nous retirerait du monde); - par l’Esprit, Jésus devient “Christ” (il est “oint”), il est envoyé en mission: l’Esprit fait les témoins. - par l’Esprit, il s’affronte victorieusement au mal: l’Esprit est force pour le combat de la foi. - dans la mission, il est uni à son Père par l’Esprit, dans un tressaillement de joie: l’Esprit est la source de la prière.

Un texte: Christ et Esprit sont inséparables « D’abord l’Esprit fut avec la chair du Seigneur, puisqu’il s’en fit l’onction et qu’il en était inséparable, selon ce qui est écrit: ‘Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et se poser, c’est mon Fils bien-aimé’ et ’Jésus de Nazareth, que Dieu a oint de l’Esprit Saint’. Ensuite, toute l’activité du Christ se déroula avec l’assistance de l’Esprit. Il était là, même quand il fut tenté par le diable… Avec lui encore quand il accomplissait ses miracles… Après sa résurrection des morts, il ne l’a pas quitté. Quand, pour renouveler l’homme, et lui rendre la grâce du Souffle de Dieu qu’il avait perdue, le Seigneur souffla sur la face de ses disciples, qu’a-t-il dit?: ‘Recevez l’Esprit Saint…’ Basile. Traité sur le St Esprit.

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2. Luc 4,1-13: les tentations: Jésus poussé au combat par l’Esprit L'épreuve du Fils: la tentation (4,1-13) Comme Matthieu, Luc ouvre l'itinéraire de Jésus en le montrant affronté à l'adversaire de Dieu. Il fait le lien avec le baptême (3,21-22): Jésus vient des bords du Jourdain; c'est comme "Fils de Dieu", rempli de l'Esprit Saint, que Jésus va être tenté. Il est conduit par l'Esprit au désert, ce lieu ambigu, où, selon la Bible, l'homme peut faire l'expérience des forces du mal ou de la communion avec Dieu. Le Fils de Dieu passe par trois épreuves qu'avait connues Israël au désert, comme le rappellent les trois citations du Deutéronome: le pain (recherche des seuls biens matériels), les royaumes (compromissions pour avoir le pouvoir), les prodiges (recherche des signes miraculeux qui ébahissent). Lui, il en sortira victorieux. Jésus va refuser d'être un Messie terrestre triomphant: il ne veut pas faire des miracles dans son propre intérêt, ni se mettre à genoux devant le Prince de ce monde pour exercer le pouvoir sur les hommes, ni user de pouvoirs divins pour se protéger ou pour séduire les hommes. Il ne sera pas un Messie de puissance et de séduction... mais un Crucifié. C'est ainsi qu'il accomplit la Parole de Dieu. La fidélité de Jésus à son Père et à sa mission est éprouvée. L'adversaire s'éloigne... provisoirement, jusqu'à l'Heure H de la Passion dont il sera l'acteur principal et caché. Cette scène montre que Jésus eut sans cesse à combattre la tentation d'un messianisme terrestre et à choisir un style de mission: celle d‘un homme sans pouvoir. Ses disciples après lui aussi! Conclusion: le combat spirituel Après cette scène d’entrée en matière, où Jésus combat celui qui personnifie la Mal, les Evangiles nous montreront Jésus affronté au mal de bien des façons: non seulement la maladie ou le handicap, mais aussi la dureté de cœur et le refus de croire, la possession par Mammon (l’argent) ou quelque autre démon. Mais en Jésus, l’Esprit Saint se manifeste comme puissance puisqu’il chasse les démons. A l’heure de la Passion, il sera à nouveau attaqué par le Mal. Dans l’Esprit qui agit en lui, il triomphe du Mal. Comme Jésus poussé par l’Esprit Saint à affronter l’esprit du mal après son baptême, le baptisé a, lui aussi, à lutter contre le mal. Quelles sont les formes que peut revêtir ce combat aujourd’hui pour nous? Combat pour la foi? Combat pour l’espérance? Combat pour l’amour? 3. Luc 4,16-30: prédication à Nazareth: Jésus envoyé en mission par l’Esprit 1. Une scène-clé au début de l'Evangile Luc a fait de ce récit un condensé de tout son Evangile. Placé en tête de toute l'activité de Jésus, c'est sa première prise de parole publique: elle a donc valeur de discours-programme. Luc a retravaillé cette scène, qu'on trouve beaucoup plus tard chez Mt et chez Mc, pour en faire l'ouverture du ministère de Jésus. Cette première prédication provoque l'admiration puis le rejet de la part des gens de Nazareth. C'est déjà tout le drame de l'Evangile: la Bonne Nouvelle du salut, offerte à tous, est refusée par les Juifs. Cette scène se passe dans le cadre de la liturgie de la synagogue le jour du sabbat, où on lit la Loi, les Prophètes et les Psaumes. Ici, il n’est question que de la 2ème lecture des prophètes.

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2. Vue d'ensemble: a) Prédication à la synagogue: 16-20: lecture de l'Ecriture 21-22: message de Jésus et réactions d'étonnement. b) Le rejet du prophète: 23-24: Jésus mal accueilli chez lui 25-27: rappel des miracles d'Elie et d'Elisée pour des étrangers 28-30: tentative de tuer Jésus et son départ. 3. Questions: - Quels sont les mots importants, qui reviennent, ou qui s'opposent? - Remarquez tout ce qui tourne autour de la Parole: le livre des Ecritures, la parole de Jésus. Quelles correspondances voyez-vous entre les v.16-17 et 20? Pourquoi cette symétrie? - Quelle est la mission de Jésus, d’après la citation d’Isaïe? - Notez les catégories de pauvres citées. Comparez avec 6,20 (les béatitudes), 7,22; 14,13.21. - Que font les acteurs? Qu’est-ce qui vous étonne? - Notez les oppositions à propos des lieux. - Pourquoi cette différence entre Nazareth et Capharnaüm? - Quel rapport avec les miracles d’Elie et d’Elisée? On peut lire en 1Rois 17 : Elie chez la veuve de Sarepta, et en 2Rois5 : la guérison de Naaman le Syrien. - Comment est expliqué le rejet de Jésus par les gens de Nazareth? Qu’annonce-t-il dans la suite de l’Evangile? 4. Pistes de lecture 1) L’Ecriture citée, mise en valeur par le petit récit concentrique (v.16-20), annonce le programme de Jésus. Il s’applique ce texte d’Isaïe à lui-même. Il est donc l’envoyé de Dieu attendu: le dernier prophète ou le Messie d’Is 61. Aux vv.25-27, Jésus résumera encore deux récits de l’Ecriture, eux aussi sur les prophètes. Luc souligne ainsi que Jésus accomplit les paroles des prophètes. Avec lui commence le temps de la grâce: "l'année d'accueil" promise pour le Jubilé doit durer toujours avec Jésus. "Un grand prophète s'est levé parmi nous et Dieu a visité son peuple" (7,16. Voir aussi 7,22: la Bonne Nouvelle annoncée aux pauvres). 2) Luc a déjà présenté Jésus comme rempli d’Esprit Saint (3,22; 4,1.14). C’est un libérateur qui annonce la Bonne nouvelle aux pauvres et aux captifs. Le signe: il guérit malades et infirmes. Pour les auditeurs, cette annonce est d’abord un « message de grâce »; elle promet la faveur de Dieu pour son peuple. Luc insistera beaucoup sur cette activité libératrice de l’Esprit Saint, envoyé par le Père à la Pentecôte. 3) C'est "aujourd'hui" le temps du salut "Il commença à leur dire": avec Jésus, une ère nouvelle commence, celle de la libération, qui "accomplit" toute l'Ecriture, pour ceux qui accueillent cette Parole. On peut chercher tous les "aujourd'hui" de Luc, qui disent l'actualité de la Bonne nouvelle: 2,11; 5,26; 13,32; 19,9; 23,43. Quelles conséquences en tirer? 4) Luc met en valeur l’ouverture aux étrangers (cf. les oppositions entre « dans ta patrie » et « en Israël » avec « de Sarepta » ou « le Syrien »). Cette ouverture caractérise la mission de Jésus. Nazareth, sa « patrie », n’accueille pas son prophète (proverbe du v.24), à la différence de

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Capharnaüm où Jésus (« médecin » v.23) fait des guérisons, racontées juste après (4,36.39-41). Jésus est bien un prophète comme Elie et Elisée, qui avaient répandu les bienfaits de Dieu sur les païens (1R17 1.9; 2R5,14). On comprend pourquoi Luc a supprimé, dans la citation d’Isaïe, la fin qui pouvait paraître hostile aux païens (« la vengeance de notre Dieu »). Le salut est pour tous: les actions d'Elie et d'Elisée étaient déjà signe de cet universalisme du don de Dieu. L'annonce que le privilège d'Israël a pris fin provoque la colère et le rejet. Jésus s'adressera aux exclus d'Israël. Et les apôtres porteront la Bonne Nouvelle aux païens. Luc veut raconter cette ouverture, qui a été douloureuse. 5) Le prophète est rejeté par les siens, qui ne voient en lui que « le fils de Joseph », et non le Messie ou le Prophète annoncé par Isaïe. Ils sont jaloux de Capharnaüm, où Jésus habite et devient célèbre. Ils finissent par vouloir le tuer. La parole divise, suscite l'incompréhension, le conflit. Le rejet du prophète "hors de la ville, sur la colline" évoque la croix. Mais Jésus "passant" "poursuit sa route", qui le mènera à Jérusalem et à Pâques. Tout le drame de l'Evangile est là en germe. C’est le destin des prophètes que d’être rejetés et même supprimés. Mais personne ne peut empêcher Jésus d’accomplir sa mission et de suivre « son chemin », de Nazareth à Jérusalem (v.30 cf. 9,51). Peut-être est-ce déjà une allusion à sa résurrection? 6) Cette scène dans une synagogue en annonce aussi d'autres, où des missionnaires chrétiens comme Paul iront porter la parole dans les assemblées juives (Ac 13,5), se feront mettre dehors et se tourneront alors vers les païens pour leur annoncer l'Evangile, comme à Antioche de Pisidie (Ac 13,13-48). La question posée est donc celle de l'incrédulité d'Israël face à Jésus et à son Evangile. 7) Liens avec le récit de la Pentecôte Même place au commencement de la mission de Jésus et de la mission de l'Eglise: c'est le même Esprit qui confie la mission prophétique de témoigner de l'action de Dieu dans le monde. Jésus, comme Pierre le fera à la Pentecôte, fait un discours-programme pour expliquer ce qui se passe. Même lecture de l'Ecriture pour éclairer l'aujourd'hui. Même annonce de l'ouverture du salut aux étrangers et de l'universalisme de la Bonne Nouvelle (Pentecôte: tous les peuples, l'Esprit "sur toute chair"). Mêmes réactions hostiles des auditeurs, qui refusent de se décider ("ils sont ivres"). Ainsi, il y a continuité entre Jésus et l'Eglise: c'est le même Esprit qui est l'acteur de la mission, une mission qui rencontre les mêmes résistances. 8) Entendre une parole vivante pour nous aujourd’hui

- Ainsi tout l’Evangile est résumé, préfiguré, dans ce “commencement”, dans cette scène-programme, où Luc semble nous dire: “l’évangélisation, c’est comme cela que ça marche”. On comprend que c’est fait pour les pauvres et que ça s’apparente à un combat! Ainsi, la communauté de Luc se comprend envoyée par l’Esprit Saint en mission comme Jésus: pour proclamer la Bonne Nouvelle aux pauvres.

- Avons-nous conscience de vivre de cette nouveauté de l’Evangile, de ce “commencement” d’un monde nouveau annoncé par Jésus et inauguré dans sa résurrection? De qui témoignons-nous?

- A quels aspects du visage de Jésus avons-nous été sensibles: le croyant nourri de l'Ecriture, qui est fidèle à la Parole de Dieu? Celui qui combat et résiste au malin? Le prophète de feu, qui parle et agit comme Elie (c'est un modèle pour Luc)? Le témoin de Dieu, rempli de la force de l'Esprit?

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L'envoyé de la grâce de Dieu? Celui qui ouvre les frontières? Le libérateur des opprimés et des prisonniers? Celui qui ouvre un passage sur les chemins bloqués des hommes (cf. v30) ? Le prophète qui pousse à faire des choix devant l'arrivée du Règne de Dieu? Sommes-nous étonnés par la nouveauté de Jésus: un homme libre qui ouvre des voies nouvelles, un homme habité par l'Esprit, un homme qui parle avec "autorité" ...? - Quelle Bonne nouvelle pour aujourd'hui? Qui sont les captifs et les prisonniers aujourd'hui? De quoi avons-nous besoin d'être libérés? Quelles situations sont à changer pour que naisse une espérance? Comment l'Evangile peut être une Bonne Nouvelle? "Aujourd'hui" est le temps du salut, le temps où Dieu agit par son Esprit. - Où sont les témoins "pleins d'Esprit" et les prophètes aujourd'hui? Quels combats mener? Quels gestes-signes poser? Quelle parole proposer? N'y a-t-il pas une façon d'invoquer la "tolérance" aujourd'hui, qui nous paralyse pour proposer la foi? N'a-t-on pas peur d'une parole qui va à contre-courant, qui divise (on cherche le consensus facile), qui passe par la croix? - Comment notre Eglise est-elle signe de "libération des pauvres"? Signe ‘d’ouverture aux Nations‘? Est-elle prophétique, ouverte au souffle de l'Esprit? 4. Pour prier - Chant: L’Esprit de Dieu repose sur moi; l’esprit de Dieu m’a consacré; l’Esprit de Dieu m’a envoyé proclamer la paix, la joie (K31). Ou: ‘Dieu qui nous appelle à vivre aux combat de la liberté’ (K38). - Reprise d’un passage de l’Evangile - Texte de méditation

Sans l’Esprit Saint, Dieu est loin, le Christ reste dans le passé,

l’Évangile est une lettre morte, l’Église une simple organisation,

l’autorité une domination, la mission une propagande,

le culte une évocation, et l’agir chrétien une morale d’esclave.

Mais avec l'Esprit-Saint, le cosmos est soulevé

et gémit dans l’enfantement du Royaume, le Christ ressuscité est là,

l’Évangile est puissance de vie, l’Église signifie la communion trinitaire,

l’autorité est un service libérateur, la mission est une Pentecôte,

la liturgie est mémorial et anticipation, l’agir humain est déifié.

Ignace de Lattaquié (Métropolite orthodoxe)

Né Hazim dans le village de Mhardey (Mhardeh), près de Hama en Syrie en 1921, le métropolite Ignatios de Lattaquié, appelé également patriarche Ignace IV d’Antioche, est le primat de l’Eglise orthodoxe en Syrie, au Liban, en Irak et au Koweït depuis le 2 juillet 1979.

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Fiche 5 LES DONS DE L’ESPRIT Les dons et les charismes Le terme ‘charisme’ signifie littéralement ’don de la grâce’. Paul a le souci de rattacher les charismes à Dieu le Père, au Seigneur Jésus et à l’Esprit Saint. Notre langage est souvent restrictif, car il tend à lier uniquement charismes et Esprit Saint. C’est Paul qui a introduit ce mot dans le langage chrétien. Dans la langue grecque, charisme désigne le résultat de la charis, la grâce, comprise comme action; ses synonymes: faveur, bienfait, cadeau. Il faut distinguer les ’dons’ et les ’charismes’. Les dons sont donnés à tous (= aptitudes, talents…). Les charismes sont donnés à certains pour une mission au service de tous. 1. Is 11,1-5: « Les sept dons du Saint Esprit » ‘Toi, l’Esprit aux sept dons’. Cette strophe du Veni Creator rappelle la doctrine traditionnelle des sept dons de l’Esprit Saint, qui tient une grande place dans la vie chrétienne, et dans la liturgie de la Confirmation. Is 11,1-9: l’annonce d’un nouveau David La liste des dons de l’Esprit a son origine dans l’Ecriture. Quand le prophète Isaïe annonce la naissance future d’un roi parfait, il voit reposer sur lui, à l’avance, l’Esprit du Seigneur. Cet Esprit apporte avec lui toutes les qualités qui sont nécessaires à un bon roi, pour faire triompher la justice et la paix: ‘Sur lui repose l’Esprit du Seigneur, esprit de sagesse et d’intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de science et de crainte du Seigneur’ (Is 11,2). a) Lecture du texte Ce poème messianique précise certains traits essentiels du Messie à venir:

- il est de souche davidique (par Jessé, père de David) (v.1), - il sera rempli de l’Esprit prophétique (v.2), - il fera régner la justice entre les hommes, reflet de la sainteté de Dieu (v.3-5), - et il rétablira la paix paradisiaque, fruit de la connaissance de Dieu (v.6-9).

Après des annonces de malheur (ch.10), ce sont des annonces de bonheur: les verbes, au futur, visent l’avenir. Le v.1 fait allusion à la monarchie; le ‘rameau’ est le sceptre. On va repartir de Jessé et non de David, car la monarchie est bien malade, c’est une vieille souche, il faut repartir de zéro. Les v.2-3a introduisent les dons de l’Esprit du Seigneur. Comme sur Saül et David (1S 16,13), comme sur les actions des Juges, sauveurs d’Israël, l’Esprit est pour les rois force de Dieu pour gouverner. Une nouveauté: l’Esprit va “reposer” = demeurer. Les fruits de l’Esprit sont ceux de la sagesse personnifiée en Pr 8,12-14: sagesse-discernement-conseil, qualités nécessaires pour gouverner.

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La vaillance : pour mener les combats du peuple. La connaissance et crainte de Dieu: cf. Osée 4,1; 6,6. Les v.3b-5: décrivent le ministère du personnage: surtout la fonction judiciaire (le roi rend la justice). La justice est un don de Dieu. Elle suppose discernement, qui aille au delà des apparences. Elle doit s’exercer au bénéfice des pauvres. Le roi doit faire usage de la force qui vient de Dieu pour redresser les torts. La justice/fidélité sont les qualités de l’action royale. Les hanches et les reins sont les symboles de force physique, ici du caractère indéfectible de son action. b) Vers une lecture messianique Ce qui est dit du roi annoncé est attendu du Messie à venir. Mais comment Isaïe nous tourne-t-il vers une figure de Messie, qui dépasse tout roi humain? En appelant de ses voeux une refondation de la royauté. Comment cela sera-t-il possible? En faisant appel à l’Esprit Saint pour dépasser la crise insurmontable humainement; ses dons dépassent les attributs d’un roi ordinaire! Jésus va récapituler en lui et dépasser cette figure messianique. c) Comprendre les ‘sept dons de l’Esprit’ Pour arriver à la perfection du chiffre 7, la traduction de la Bible en grec, puis en latin, ajoutera la ‘piété’. La grande prière de la Confirmation reprend cette liste, en affirmant que ces dons de l’Esprit étaient présents en la personne de Jésus: ils ne sont donc pas à négliger. Il est important de les comprendre dans leur sens biblique pour ne pas les dévaluer. La sagesse est presque un autre nom de l’Esprit divin. Elle est le couronnement des dons, parce qu’elle fait aimer Dieu de tout son cœur et de toute son âme. L’intelligence, selon l’Ecriture, fait entrer dans le mystère de Dieu, alors que l’homme par lui-même, en est tout à fait incapable. Le conseil permet de voir le chemin à suivre, et pour mieux le discerner, il n’est pas inutile de ‘prendre conseil’ de l’Esprit Saint. La force est l’un des qualificatifs les plus fréquents de l’Esprit. Elle est à l’opposé de la violence. Dieu lui-même est appelé ‘le Seigneur, le Fort, le Vaillant’ (Ps 23,8). La science ne ressemble guère à ce que nous appelons ainsi. Il s’agit de connaître Dieu et toute chose par rapport à lui. L’ignorant, c’est celui qui met une créature à la place du Créateur. C’est l’idolâtre (Rm 1,21-23). La piété ne désigne pas d’abord les actes de piété, mais notre attitude à l’égard de nos parents, ou de ceux à qui nous devons de la reconnaissance. C’est l’affection filiale. Quant à la crainte de Dieu, elle est le point de départ de la sagesse (Pr 1,7). Ce n’est pas la peur. C’est le respect et le sentiment de la distance que nous éprouvons à l’égard de Celui qui est infiniment ‘au-delà’ de nous mais sait se faite ‘tout-proche’. Les dons sont donc des aides que Dieu nous apporte pour que nous répondions à notre vocation de baptisés. Les dons de l’Esprit, dans l’harmonie et l’abondance que représente le chiffre 7, nous en rendent capables.

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Un texte à lire: « A l’inverse du démon, l’Esprit fait toutes choses pour notre bien et notre salut. D’abord, sa venue est douce son emprise suave, son joug très léger. Des rayons de lumière et de science précèdent sa présence. Il vient avec les sentiments d’un ami véritable; car il vient sauver, guérir, enseigner, avertir, fortifier, consoler, éclairer l’esprit, d’abord chez celui qui le reçoit, et ensuite, par lui, chez les autres ».

Saint Cyrille de Jérusalem : Catéchèse baptismale. 2. 1Co 12: le corps du Christ et les charismes 1. La ferveur de l’Esprit et l’appel au discernement - Les origines de l’Eglise ont été très marquées par la ferveur de l’Esprit, selon la promesse de Dieu: ‘Aux derniers temps, je répandrai de mon Esprit sur tous …’ (Joël 3,1-5 cité par Pierre en Actes 2,17-18, qui le constate à la Pentecôte). Paul en est témoin dans les jeunes Eglises: « N’éteignez pas l’Esprit, ne méprisez pas les messages des prophètes, discernez tout » (1Th 5,19). A Corinthe, les interventions des prophètes dans les assemblées sont tellement fréquentes qu’ils se coupent la parole; quant aux glossolales, ils prient dans une langue mystérieuse qui leur échappe et qui passe pour être celle des anges. Ces pratiques étaient ambigües. D’un côté, elles correspondaient à la nouveauté des ‘derniers temps’ marqués par l’effusion de l’Esprit. D’un autre côté elles ressemblaient à l’enthousiasme religieux du monde grec, à l‘intérêt porté aux phénomènes de ‘possession’ divine, dans la divination ou la glossolalie. Il arrivait que dans les assemblées chrétiennes, certains convertis récents du paganisme se comportent comme s’ils étaient ’entraînés hors d’eux-mêmes et dévoyés vers des idoles muettes’ (1 Co 12,2).

C’est à propos de ces manifestations spirituelles que Paul, interrogé par ses correspondants, fait une longue mise au point (1Co 12-14). Il reprend le vocabulaire des Corinthiens, mais y substitue le sien: les Corinthiens parlaient d’ ‘expériences spirituelles’ (pneumatika 12,1), qui pouvaient les gonfler de suffisance et les faire remarquer par leur aspect spectaculaire. Paul régit en parlant de ‘charismes’, de ‘dons de grâce’, pour mettre l’accent sur le libre don de l’Esprit, dans la diversité, en vue du bien de tous. Les deux manifestations spirituelles tant prisées par les Corinthiens (prophétie et glossolalie) ne sont pas les seuls dons de l’Esprit. - Paul traite le sujet de la façon suivante:

12,1-3: Introduction du sujet 12,4-11: Evocation de la diversité des dons de l’Esprit 12,12-31: Eclairage par la comparaison du corps humain: l’Eglise est corps du Christ 13,1-13: Digression: l’ amour est le don par excellence 14,1-40: Retour au sujet pour réguler prière en langue (glossolalie) et prophétie.

- Trois mots sont avancés, qui déplacent la question initiale: don, corps, amour (agapè): les dons de l’Esprit contribuent à former l’Eglise comme corps du Christ dans l’amour. C’est le critère pour évaluer toute manifestation spirituelle - Pour lire le chap. 12, voici la progression du discours:

12,1-3: entrée en matière; 1er discernement de l’Esprit: la foi au Christ 12,4-11: 1ère prise de distance: la variété des dons de l’Esprit pour le bien commun 12,12-27: les dons de l’Esprit au service du corps du Christ: - énoncé sur l’Eglise (v.12-13)

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- développement allégorique sur le corps (14-26) - retour à l’Eglise et application de l’allégorie du corps (27-30) 12,28-30: retour à la variété des dons, mais en les hiérarchisant 12,31: transition vers l’éloge de l’amour (ch. 13)

2. Précisions de vocabulaire * Anathème: dit ce qui est voué à l’extermination (chose ou personne); synonyme de malédiction, de rejet. Dt 21,22-23 était utilisé pour déclarer anathème le pendu, et fut appliqué au Crucifié (Ga 3,13). * Charismes: ‘dons de grâce’. Paul l’utilise pour parler de la justification (Rm 5,15-16) et de la vie éternelle (Rm 6,23), ou de la vocation d’Israël (Rm 11,29), d’une vocation personnelle comme le célibat (1Co 7,7), ou d’une contribution particulière à la vie communautaire comme ici (Rm 12,6; 1Co 1,7; 12,6). Remarquons qu’en Rm 12,6-8, les services communautaires tels que: direction, service du partage, enseignement sont énumérés parmi les ’charismata’, dons de grâce: il n’y a rien là de spectaculaire ou d’occasionnel. Les ’services’ ne sont pas tous des ‘ministères’ (permanents ou institués), mais tous les ministères sont des ’services’; pour Paul, ils sont aussi des dons de grâce. * Corps: dans l’anthropologie paulinienne, le ‘corps’ ne se confond pas avec la ‘chair’. Le ‘corps’ est la personne en tant qu’insérée dans l’histoire, la communauté, la durée. La ‘chair’ désigne l’homme tout entier considéré dans sa faiblesse ou dans sa propension au péché. * Corps du Christ: chez Paul, il s’agit de la personne du Christ, qui a été crucifié, ressuscité, est devenu source de l’Esprit, donné en communion dans l’Eucharistie (1Co 10,16). Par la foi et le baptême, les croyants reçoivent du Christ l’Esprit qui les fait vivre: ils deviennent ’membres du Christ’ (1Co 6,15). L’Eglise est ’le corps du Christ’ parce qu’elle reçoit de lui sa vie et son unité, et parce qu’en elle, le Ressuscité se donne à voir aux hommes comme source d’unité. * Glossolalie: le ‘parler en langues’: dans la prière, le glossolale emploie des mots étranges, qui ne se comprennent pas et nécessitent une interprétation; phénomène religieux universel, provoqué dans une ambiance d’enthousiasme. Ici et dans les Actes, il s’agit de prière adressée à Dieu pour chanter ses merveilles (134,1; 14,2; Ac 2,11; 10,46). La pratique était connue du judaïsme mystique. * Prophètes: la prophétie consiste à dire la Parole de Dieu, en relation avec les événements, pour y faire entendre les appels de Dieu: à la conversion, encouragement, décision opportune (Ac 11,27-30). Le prophète approfondit l’intelligence du mystère pascal, réconforte, rend grâce pour les actions de Dieu dans l’histoire (Lc 1,67-79). Tout croyant peut dire une parole prophétique dans l’assemblée (11,5; 14,5). Mais certains seulement sont reconnus comme prophètes patentés et exercent, avec les enseignants (‘docteurs’, qui font le lien avec l’Ecriture), un rôle de direction de communautés. Les prophètes viennent après les ’apôtres’ (témoins du Ressuscité) et avant les ’maîtres’ ou enseignants (v.28): ce sont tous des services de la Parole.

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3. Questions pour travailler le texte a) Observez les mises au point que Paul fait en 12,1-3, puis en 12,4-11 et 12,28-31. Qu’est-ce qui est fondamental? Qu’est-ce qui est commun, qu’est-ce qui est différent? Quand et pourquoi met-il une hiérarchie dans l’énumération des charismes? b) Dans la comparaison de la communauté avec le corps humain (12,12-26), s’agit-il seulement d’unité? Et quelle forme d’unité Paul veut-il promouvoir? c) Paul s’en tient-il à une comparaison: l’Eglise ‘comme’ un corps? Comment comprenez-vous ce qu’il dit du rapport entre le Christ et la communauté ecclésiale dans les v.12-13 et 27? 4. Pistes de lecture a) Dons personnels et gratuits (12,1-11) Paul invite à parler des pratiques spirituelles non comme d’expériences manipulables et flatteuses, mais comme de libres dons de l’Esprit en vue du bien commun. Le don fondamental de l’Esprit, c’est la foi en Jésus Seigneur (v. 1-3). Avec l’Esprit, vous ne risquez pas de partager l’avis d’un Paul Pharisien, considérant que Jésus était maudit à cause de sa crucifixion! Inversement, vous ne pourrez jamais confesser la foi pascale, qui est à la base de l’existence chrétienne, sans l’Esprit. Ainsi Paul coupe à la racine toute prétention élitiste des soit-disant ’spirituels’ à monopoliser l’Esprit. Le premier langage inspiré, c’est l’acte de foi; ce don est fait à tous les croyants! Puis Paul étale sous nos yeux la variété des dons de l’Esprit, pour éviter de les ramener seulement à la prophétie et à la glossolalie comme à Corinthe. Les dons de l’Esprit, ce peut être une parole de sagesse ou de connaissance, mais aussi des actes (guérisons, miracles); les prophéties ont besoin de discernement et les langues d’interprétation. ‘A un autre’: l’Esprit est contre les monopoles; et l’uniformité n’est pas de mise. L’unité est dans la source: ‘C’est le même Esprit qui distribue, répartit les dons, toujours pour le bien commun‘. Et il ne faut pas parler seulement de ‘dons‘, mais aussi de ‘services’ et de ‘mises à l’action’: les dons de l’Esprit mettent au service du Seigneur pour coopérer à l’œuvre de Dieu. Le fonctionnement des charismes est trinitaire dans sa source et sa finalité; il est communautaire dans son exercice. Pas étonnant qu’on en vienne à la comparaison du corps pour signifier diversité et unité. b) L’allégorie du corps (12,12-26) La comparaison est connue dans le monde gréco-romain (cf. la fable d’Esope des membres et de l’estomac). Mais Paul ne se contente pas de dire: ‘L’Eglise est ‘comme un corps’; il dit: ‘Vous êtes un corps, le corps du Christ’ (v 27). Ce passage est encadré par des énoncés ecclésiologiques (v. 12-13 et 27). Il n’y a pas de corps sans diversité des membres, diversité nécessaire à l’unité. Paul ne décrit pas un corps quelconque, mais choisit les détails qui font penser au comportement ecclésial que les Corinthiens devraient avoir. - La diversité (v 14-17). Accepter d’être différents, sans se croire supérieur, ni sans s’identifier à ceux qui sont au-dessus. Les images vont de bas en haut, du moins au plus digne: pied, main, oreille, œil. Allusion à ces Corinthiens qui voudraient tenir dans le corps une place excellente!

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- Interdépendance (v 18-26). Il n’y a pas de corps sans organisation et sans unité. Paul l’attribue à Dieu, qui ‘a établi’: les membres dans le corps (v.18), certains dans l’Eglise (v.28). Cette fois, les images vont des membres supérieurs aux membres inférieurs, dans un mépris affiché pour les premiers rôles! Les membres supérieurs ne peuvent se passer des autres, qui sont ’nécessaires’. Les deux fois où l’initiative divine est mentionnée, c’est pour dire sa liberté (v. 18) et son attention aux plus faibles (v. 24). Donc tous sont différents et tous sont nécessaires; mais il y a positivement ’le même souci mutuel’. L’interdépendance devient communion. Les verbes ‘souffrir avec’ et ’être glorifié avec’ sont choisis en fonction du mystère pascal auquel tous communient. c) ‘Vous êtes le Corps du Christ’ (12,27-31) L’allégorie est encadrée par deux énoncés de foi: une sur le Christ (v 12), l’autre sur l’Eglise (v 27), étroitement solidaires. Le premier compare le Christ au corps (v .12). Il joue pour les croyants le même rôle que le corps par rapport à ses membres: il les ramène à l’unité. Il n’est pas comparé ici à la tête, comme il le sera en Colossiens et Ephésiens. Par le baptême, les croyants sont référés à ce corps unique du Christ, pour lui appartenir comme ses membres: ‘Nous avons été baptisés à un seul corps, pour être à Christ’ (lui appartenir, et pas seulement ’former’ un corps). L’incorporation à l’Eglise est seconde par rapport à l’incorporation au Christ (cf 6,15: ‘Ne savez-vous pas que vos corps (personnes) sont membres du Christ?’). On est de l’Eglise parce qu’on est du Christ. Cette incorporation au Christ se fait par l’Esprit, qui nous donne de vivre de sa vie de ressuscité: ‘Nous avons été baptisés à un seul corps en un seul Esprit (du Christ)’. Il y a bien plus qu’une simple union morale, union des sentiments et de la volonté. Et la formule d’unité: ‘soit Juifs, soit Grecs, soit esclaves, soit libres’ manifeste que l’appartenance à l’unique corps du Christ transcende, relativise toutes les différences d’origine: religieuses, culturelles, sociologiques. Le 2ème énoncé déclare: ‘Vous êtes le corps du Christ et ses membres chacun pour sa part’ (v. 27). Vous n’êtes pas seulement comparables à un corps (diversité, interdépendance, unité). Vous êtes réellement un corps, dans lequel se laisse voir et agir le Christ: ‘un corps en Christ’ (Rm 12,5). Le Christ lui-même se donne à voir à travers la communauté, à tel point que si elle est divisée, on devrait en conclure que ‘le Christ est divisé’? (1,13). Seule la communauté peut être dite ‘corps du Christ’; chacun n’est qu’un membre et ne peut donc vouloir être tout. d) D’une ‘hiérarchie’ à l’autre Aux v 28-30, Paul énumère à nouveau une liste de charismes, mais en les hiérarchisant, pour souligner ceux qui sont établis dans une certaine responsabilité; ensuite pour illustrer encore la nécessaire diversité inhérente à la communion ecclésiale. Tous ne font pas tout ni la même chose. Il y a: 1° des apôtres; 2° des prophètes; 3° des enseignants. Cet ordre est significatif de l’originalité chrétienne par rapport au judaïsme qui donnait les premiers rôles aux maîtres (docteurs de la Loi, scribes, sages). Dans les communautés chrétiennes viennent en premier les apôtres qui annoncent le Christ pascal, le fondement. Apôtres, prophètes et maîtres sont des dons de Dieu pour son Eglise (don du Christ en Eph 4,8-11). Mais à cette hiérarchie des ministres s’en substitue une autre, où s’établit la valeur suprême de l’existence chrétienne et de la construction ecclésiale: celle de l’amour. L’agapè n’est pas seulement ’un’ charisme, c’est l’activité du Saint Esprit au cœur de l’homme. e) Pistes pour actualiser

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a) ‘Diversité de dons, mais c’est le même Esprit’: en quoi cette mise au point sur les ’charismes’ vous paraît-elle d’actualité: retour aux sources, valeurs, limites? Quelle image de l’Eglise peut-elle promouvoir? b) ‘Les plus faibles sont nécessaires’: de quelles faiblesses, de quelles pauvretés l’Eglise a-t-elle besoin aujourd’hui? c) ‘Vous êtes le corps du Christ’: quel regard portez-vous sur votre communauté locale telle que vous la connaissez? Quelle dignité, quelle responsabilité? d) Comment les divers charismes énumérés par Paul sont-ils vécus dans les services de l’Eglise aujourd’hui? 3. Le discernement des esprits Au terme de ce parcours, la question qui se pose est celle du discernement: comment reconnaître l’œuvre de l’Esprit? Comment discerner les conduites à tenir? Une vocation? Paul dit: ‘N’éteignez pas l’Esprit. Ne dépréciez pas les dons de prophétie; mais vérifiez tout: ce qui est bon, retenez-le. Gardez-vous de toute espèce de mal’ (1 Thes 5,19-22). On l’a vu, Paul range le discernement parmi les charismes (12,10: ‘(il donne) à un autre le discernement des esprits’). Le curé d’Ars avait ce don! Les critères de discernement a) La foi ‘Nul ne peut dire: ‘Jésus est Seigneur’, si ce n’est par l’Esprit St’ (12,3). C’est l’Esprit qui permet de reconnaître en Jésus le crucifié le Seigneur de ma vie, et me fait comprendre l’Evangile de l’intérieur. Donc tout ce qui fait grandir la foi et la relation personnelle à Jésus Christ et la fidélité à l’Evangile, vient de l’Esprit Saint. b) L’amour ‘Parmi les dons de l’Esprit, je vais vous indiquer une voie très supérieure’ (12,31). L’amour fraternel, la charité, est ce don le meilleur. Ce qui construit l’amour vient donc de l’Esprit. c) La construction de la communauté ‘Chacun reçoit le don de manifester l’Esprit en vue du bien de tous’ (12,7). ‘ Celui qui prophétise édifie l’assemblée’ (14,4). ‘Cherchez à être inspirés, mais que ce soit pour l’édification de l’assemblée’ (14,12). Donc pas de charismes à usage individuel! Mais ces dons sont faits pour la mission et pour faire grandir l’Eglise, la communauté. d) Les fruits de l’Esprit: ‘Le fruit de l’Esprit est amour, joie, paix, patience, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maitrise de soi’ (Ga 5,22-23). Cette liste ressemble à l’éloge de la charité en 1Co 13. Concrètement, comment discerner? - Dans une histoire: faire la relecture d’un cheminement pour voir l’Esprit à l’œuvre. - En Eglise: c’est la foi de la communauté croyante qui nous éclaire. - Dans la prière. - En étant attentif aux fruits d’une décision: la paix, la joie, la liberté, l’humilité qui en découlent. 4. Pour prier - Chant: ‘Nous sommes le corps du Christ’, chacun de nous est un membre de ce corps. Chacun reçoit la grâce de l’Esprit pour le bien du corps entier’ (A 14-56)

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- Relire 1Co 13,2-13 - Prière: Donne-nous de savoir lire les signes Esprit saint, toi qui ouvres les yeux de notre cœur pour discerner en toute chose sa dimension intérieure, aide-nous à ‘voir’ la réalité spirituelle cachée dans les paroles et les signes, que Jésus a multipliés sur les routes de Palestine. Esprit Saint, toi la source du discernement, donne-nous le regard de la foi pour apprendre à ‘voir’ à travers les événements personnels et collectifs, petits et grands, les ’signes’ qu’accomplit Jésus Christ pour nous aujourd’hui. Esprit Saint, toi le dynamisme de l’Histoire, accorde à chacun de nous la grâce de ‘voir‘, à travers les aspirations, les souffrances et l’engagement des hommes, les sacrements de l’Eglise, le cri des prophètes et la vie des saints, les fragiles bourgeons de l’amour, de la justice et de la paix, les ’signes’ de la lente émergence du Royaume et la Présence de Celui qui vient. Esprit Saint, toi l’intelligence et la vigilance du cœur, secoue nos somnolences et nos torpeurs, donnent -nous de ‘voir’ au creux du quotidien: une parole, un silence, une prière, une croix à la croisée des chemins, les ’signes’ du Royaume qui vient, des passages de Jésus vivant, qui nous invite chaque jour à grandir en aimant.

Michel Hubaut

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Fiche 6 A CŒUR NEUF, ESPRIT NEUF: CRÉATION ET RECRÉATION L’Esprit à l’oeuvre dans l’histoire du salut et dans le monde Parcourons l’Ancien et le Nouveau Testament, pour découvrir le rôle de l’Esprit dans l’histoire du peuple de Dieu. Une clé de lecture pour reconnaître la présence et l’action de l’Esprit Saint, que ce soit dans la vie de l’Eglise, ou que ce soit dans la Bible: c’est l’Esprit des commencements et des renouveaux: Esprit des naissances et des mises en route, Esprit des mutations et des renaissances, Esprit des départs et des envois en mission. Relisons donc quelques grands textes de l’Ecriture, pour découvrir le rôle de l’Esprit dans l’histoire du Peuple de Dieu: c’est une “histoire de salut”, c’est-à-dire que les croyants y ont découvert la trace de l’Esprit à l’oeuvre. Cette lecture nous aidera à faire relecture de nos vies, pour y découvrir aussi la trace de l’Esprit.

1. L’Esprit au commencement du monde et du peuple de Dieu a) La création Le souffle de Dieu préside à la création et donne la vie: c’est “le souffle de Dieu planant sur les eaux” des origines (Gn 1,2): il visite le chaos (l’indistinct, l’inexistant) et voici qu’apparaît l’univers organisé comme un corps: “Dieu dit: que la lumière soit, et la lumière fut”. L’Esprit est la vie, il s’oppose à la non-vie du chaos. C’est le souffle, qui fait que cette masse de glaise devienne un homme: “Dieu insuffla dans ses narines le souffle de vie, et l’homme devint un être vivant, un corps qui respire”, un être qui vit de la vie de Dieu (Gn 2,7). A mettre en lien avec Jn 20,22: “Jésus souffla sur eux et dit: recevez l’Esprit Saint”: le lien est clair entre le souffle et l’Esprit Saint. C’est encore ce vent qui assèchera la terre après le déluge, pour qu’elle ressuscite à la vie (Gn 8,1). On en conclut que le souffle de Dieu, l’haleine de vie, préside à toute naissance. Il fait le corps (donc corporel ne s’oppose pas à spirituel!). Il est force de vie et de renouvellement: Dieu maintient en vie par son souffle, sa “ruah”. Il est présence de communion par laquelle Dieu entre en relation. Cf. Ps 104,29-30: “Tu reprends leur souffle, ils expirent et retournent à la poussière. Tu envoies ton souffle, ils sont créés et tu renouvelles la face de la terre” b) L’Exode Dans l’Ancien Testament, le souffle de Dieu préside à la naissance et au renouvellement du Peuple de Dieu. Ainsi l’Exode est considéré comme l’acte de naissance de ce peuple, et dans le passage de la Mer Rouge, on lit: “Le Seigneur refoula la Mer par un puissant vent d’Est (souffle); les eaux se fendirent et les fils d’Israël pénétrèrent au milieu” (Ex 14,21-22) et ils traversent la Mer. Il ouvre une route à travers les eaux du chaos, il ouvre un passage vers la vie et vers la liberté. En les traversant, un peuple nait des eaux de la mort, il en sort (c’est un exode), grâce à l’Esprit qui lui donne vie. C’est une belle image du Baptême, acte de naissance du chrétien.

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2. L’Esprit renouvelle le Peuple de Dieu: Ezéchiel 36,24-28 a) L’Esprit parle par les prophètes pour guider le peuple Sous la conduite des rois, le peuple s’installe et s’enrichit; l’injustice grandit et la fracture sociale s’installe. Le peuple est tenté d’oublier l’Alliance avec Dieu. Des hommes inspirés par Dieu se lèvent pour parler en son nom. Ils dénoncent l’injustice et l’hypocrisie religieuse. Ils donnent le sens des événements qui arrivent et appellent à la foi. Ils prêchent la conversion et annoncent la venue d’un roi juste. Donc ils parlent au nom d’un Autre: “Je mets mes paroles dans ta bouche”. C’est l’Esprit du Seigneur qui les habite: il inspire leur parole et leur style de vie. C’est lui qui les “consacre” et les envoie en mission. Cf Is 61,1-2: “L’Esprit du Seigneur est sur moi; il m’a oint (onction du Messie), envoyé porter un message”. La Parole de Dieu, chez les prophètes, annonce le renouvellement du peuple de Dieu par le don de son Esprit. b) Le contexte d’Ez 36 Quel chrétien n’a pas chanté: ‘Donne-nous Seigneur un coeur nouveau, mets en nous, Seigneur, un esprit nouveau’? Voici un texte d’Ezéchiel qui a fait fortune! On est en exil à Babylone. Après la lamentation et la reconnaissances des fautes, qui ont amené la catastrophe de l‘Exil, le prophète se tourne vers l’avenir: Dieu va agir. Comment? En renouvelant le coeur du peuple: par une recréation intérieure. Par quel moyen? En lui donnant son Esprit. Israël va naître à nouveau, pour vivre en relation avec son Dieu: “Vous serez mon peuple et je serai votre Dieu” (v.28). L’Esprit est Celui qui met en Alliance, qui recrée cette Alliance nouvelle (Cf. Jér 31,31). A Ezéchiel, Dieu ne cesse de parler, même en terre étrangère. La parole qui lui est adressée est à la fois réprobatrice et consolatrice. Dieu reproche au peuple d’Israël d’avoir ‘profané son nom’ par son infidélité. Mais il s’engage à rétablir l’honneur de son nom et à donner aux exilés ’un cœur nouveau’ et ‘un esprit nouveau’. Le peuple pourra habiter de nouveau sur la terre de ses pères. c) L’architecture du texte: 36,16-38 Si l’on compare le début et la fin du texte, on remarque que l’on passe d’un état présent, l’Exil, marqué par la souillure et la dispersion, à une espérance future de restauration, dont témoignent à la fois les nations et Israël purifié par l’épreuve. Au centre s’inscrit le don de l’Esprit, qui permet le passage d’un Israël dispersé et rebelle, à un Israël rassemblé et à nouveau fidèle. On peut remarquer cette structure concentrique:

A. L’Exil, souillure et dispersion (v.16-19) B. Ce n’est pas pour le peuple que Dieu agit, mais pour l’honneur du Nom (v.20-24) C. Le don d’un esprit nouveau et d’un cœur de chair (v.25-28) B’. Ce n’est pas à cause d’Israël souillé (v.28-32) A’. La restauration: purification et rassemblement (v.33-38).

L’initiative en revient à Dieu seul, dont la motivation, qui peut surprendre, est de préserver l’honneur de son nom, qui a été profané par la dispersion d’Israël au milieu des nations. Comment comprendre cela? Que signifie ‘Israël a profané mon saint Nom parmi les peuples’? (v. 20-21; 22-23; et le contraire: v.35-36). Il faut se dire que dans l’Ancien Orient, chaque peuple était protégé par son Dieu. S’il connait le désastre, c’est que son Dieu n’est pas assez fort. Puisque les Israélites sont exilés (à cause de leur infidélité à l‘Alliance), les autres peuples en concluent que le Seigneur n’est pas capable de protéger son peuple !

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Or cette situation ne peut plus durer, il faut agir! d) Une dynamique de l’histoire

a) Le passé (v.16-21) est marqué par la souillure d’Israël, et cela se traduit par l’Exil à l’étranger. Il s’agit d’une mise à distance du don de Dieu: la terre et l’élection.

b) Le présent (v.22-32) témoigne de l’agir de Dieu. D’abord à travers la vraie motivation de son action: non pas pour le peuple, mais pour l’honneur de son Nom (22-23). Ensuite à travers ses actions pour changer la situation: - il va libérer son peuple: ‘Je vous prendrai d’entre les nations, je vous rassemblerai, je vous ramènerai sur votre terre’ (v.24); - il va le purifier: ’Je répandrai sur vous une eau pure’ (v.25); cf. les purifications par aspersion d’eau au Temple et le symbolisme de l’eau comme source de vie (cf. Ez 47); - enfin, changement radical: il lui donne ‘un cœur de chair’ à la place de son ’coeur de pierre’, et il donne son Esprit.

c) L’avenir (v.33-38) sera marqué par le retour d’Israël dans sa terre et la prospérité retrouvée.

Les conséquences en seront: - ‘Les nations sauront que je suis le Seigneur’ (v.23.35.36): le but est atteint. - ‘Je vous ferai marcher selon mes lois, garder et pratiquer mes coutumes’ (v.27): ils auront enfin une bonne conduite! - ‘Vous serez mon peuple et je serai votre Dieu’ (v.28): l’Alliance est rétablie. - ‘J’appellerai le blé… je ferai abonder le fruit de l’arbre, le produit des champs.. ‘ (v.29-30) et ’le pays dévasté sera cultivé au lieu d’être un désert… les villes en ruine seront habitées’ (v.33-35): fertilité du pays, reconstruction des villes, multiplication du peuple, donc une vie heureuse en accord avec la terre et en communion avec le Seigneur. Chaque élément de ce triptyque s’ouvre par une parole divine: - v.16-17: ‘Il y eut une parole du Seigneur: écoute fils d’homme’; - v.22: ‘Dis à la maison d’Israël’; - v.33: ‘Ainsi parle le Seigneur Yahvé’. Et chaque élément met en scène trois acteurs: Yahvé, Israël et les Nations, autour d’une tension, l’honneur profané du Nom: - dans le passé, Israël a profané le Nom de Yahvé par ses souillures et ses idolâtries, et continue à le profaner en étant dispersé; - de fait, dans le présent, les nations se rient de l’honneur bafoué du Nom de Dieu en jugeant l’Exil d’Israël comme une impuissance de Dieu; - aussi, dans ce même présent, Yahvé agira en faveur de son Nom en rassemblant Israël et en le purifiant, pour qu’éclate sa grandeur et sa sainteté aux yeux des nations. Car s’il est vrai que Yahvé est un Dieu saint (cf. Lv 19), il rendra saint son peuple, pour ‘que son Nom soit sanctifié’. e) Une création renouvelée, œuvre de l’Esprit Après le regard historique, approfondissons la dimension anthropologique de ce beau texte:

‘Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés; de toutes vos souillures et de toutes vos ordures je vous purifierai. Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau; j’ôterai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai mon esprit en vous et je ferai que vous marchiez selon mes lois …’ (v.25-27).

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Le cœur est le siège de l’intelligence et de la volonté. Un cœur de pierre, endurci, n’écoute pas, ne comprend pas. Ce cœur de chair sera accompagné d’un ’esprit nouveau’: l’homme est alors une nouvelle créature (on est proche du récit de création (Gn 2-3), et de Ez 37,1-14: cf. après). Mais cela ne suffit pas: le Seigneur va donner son propre Esprit. C’est une puissance de renouvellement, qui rend capable de faire du neuf, qui recrée l’homme. La conséquence, on le voit, est la fidélité à l’alliance avec Dieu. Il s’agit d’une recréation. On songe ici à Jer 31,31-34: ‘Des jours viennent, où je conclurai avec la maison d’Israël une alliance nouvelle…: je déposerai mes directives au fond d’eux-mêmes, les inscrivant dans leur être; je deviendrai Dieu pour eux, et eux deviendront un peuple pour moi’. S’il n’est pas question de ‘nouvelle alliance’ chez Ezéchiel, il est bien question d’un ’cœur nouveau’ et d’un ’esprit nouveau’, en l’homme, recréé par le don de l’Esprit de Dieu. Seul cet Esprit rendra l’homme capable d’accomplir ce qu’il n’avait pu faire seul jusque là: suivre en toute fidélité les lois et les coutumes de Dieu. On peut parler d’une création renouvelée, qu’évoque d’ailleurs le double symbolisme de l’eau et de l’Esprit. Ce grand texte d’Ezéchiel fait attendre les temps messianiques, caractérisés par une grande effusion de l’Esprit (Za 4,6; 6,8; Joël 3,1-2). On comprend qu’il ait une place de choix à la veillée pascale avant de célébrer les baptêmes, sacrement du renouvellement de toute la personne. 3. L’Esprit fait vivre et revivre: Ez 37,1-14: la vision des ossements desséchés Dans les oracles d’espérance et de consolation, après la promesse de restauration nationale et spirituelle d’Ez 36, le chap. 37 développe ce renouveau, avec la vision-métaphore des ossements, qui par la parole du prophète et le don de l’Esprit de Dieu, redeviennent corps vivants. Dieu, par son Esprit, redonne vie à son peuple. Le v.11 donne la clé de lecture: “Nous sommes morts”: à un peuple qui a tout perdu (terre, temple, roi), ses avoirs et ses illusions, découragé, un peuple qui n’a plus d’espérance, donc à un peuple “mort”, le prophète donne une parole de vie, qui remet debout. a) Structure du texte:

A - Introduction et mise en scène de la vision: v.1-3 La question du Seigneur au prophète B - L’action symbolique: 1. Prophétie sur les ossements: v.4-10 2. Prophétie sur le souffle / Esprit: v.9-10 C - Prophétie sur la maison d’Israël: 1. Explication de la vision des ossements: v.11 2. Prophétie sur la maison d’Israël: v.12-14

b) Vocabulaire

- ‘Fils d’homme’ (v.3.9.11): tournure hébraïque propre à Ezéchiel, qui exprime le contraste entre la Gloire de Dieu et le prophète qui n’est qu’un homme (cf. 2,1). Ici, Ezéchiel veut signifier qu’il n’est pas l’objet de la parole divine en tant qu’individu, mais en tant que membre de la communauté des hommes.

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- ‘Entrer / venir’ (v.5.9.10): s’applique à la terre d’Israël, comme au souffle/esprit: l’entrée du souffle/Esprit de Dieu dans les ossements comme dans le peuple est la condition pour qu’il puisse ensuite entrer dans le pays. - ‘Monter’ (v.6.8.12.13): ‘Je ferai monter sur vous de la chair’ (6), ‘Je vous ferai monter de vos tombeaux’ (12.13): le verbe est utilisé dans la tradition biblique pour parler de la ‘montée d’Egypte’ (= la libération de l’Exode), et a toujours le Seigneur comme sujet. - ‘Souffle/esprit/vent/Esprit’ (du Seigneur): 4 sens de l’hébreux ruah présents dans le texte. L’Esprit du Seigneur agit dans le prophète pour inaugurer l‘action et la parole prophétique, et dans les Israélites pour les installer dans leur pays. c) Questions pour travailler le texte

- Repérer les emplois du mot ’souffle/esprit’ (7 fois) - quel est son rôle? - Observez comment s’opère la reviviscence des ossements: comparez avec Gn 2,7. - Repérez les verbes d’action de Dieu pour: . La transformation des ossements . La restauration du peuple Quel visage de Dieu révèlent-ils? - La parole du prophète / la parole du Seigneur: quel est leur rôle respectif? d) Au fil du texte: pistes de lecture 1. Introduction et vision (v.1-3) - v.1: ‘La main du Seigneur sur moi’: marque l’initiative de Dieu qui, par son Esprit, emporte le prophète dans la vision: elle introduit toujours un nouvel oracle. - La vallée est sans doute celle où le prophète a eu la vision de la Gloire-Présence de Dieu (3,22). Des ossements accumulés sur le sol sont un signe de malheur, car il fallait être enseveli avec ses pères dans le tombeau de famille (cf. Gn 35,29; 50,5). Dieu est présent au cœur des situations de détresse et de mort. - La question du Seigneur au prophète (v.3) est en lien avec la lamentation désabusée des Israélites en Exil: ‘Nos ossements sont desséchés, notre espérance est détruite’ (v.11). 2. Dans la vallée de la mort (v.4-10) - Le texte est rythmé par l’initiative divine: ‘Le Seigneur me dit …’ (v.3.9.11), à laquelle le prophète répond en prophétisant: il est l’instrument de l’agir de Dieu. La parole prophétique est efficace, elle a le pouvoir de faire revivre. - La ‘re-création’ des morts se fait en deux temps, comme lors de la création de l’homme au jardin d’Eden (Gn 2,7): le souffle de Dieu, qui avait jadis donné vie au premier homme de la terre, redonnera vie au peuple d’Israël: ‘Je mettrai mon souffle en vous et vous vivrez’ (v.14). Comme dans le 2ème récit de création, la formation du corps précède le don de l’Esprit. 3. Une nouvelle espérance (v.11-14) - Grâce à l’expérience qu’il vient de vivre, le prophète sait que la parole du Seigneur peut faire triompher la vie: ouvrir les tombeaux, faire remonter, ramener sur le terre d’Israël … - C’est en parlant que Dieu fait vivre et revivre (comme à la création: Gn 1). Comme la parole de Dieu a vivifiés et rassemblé les ossements, elle continue de la faire par le ministère d’Ezéchiel. - Au sein même du désespoir et de la mort physique et spirituelle, l’Esprit de Dieu dont la parole prophétique va susciter la venue, fera jaillir un recommencement, dont l’annonce doit redonner l’espérance aux déportés.

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- Ce peuple, à nouveau vivant, et en communion avec son Dieu, sera ‘mon peuple’ (formule de l’Alliance), car son Dieu est un Dieu qui dit et qui fait (‘dabar’ v.14), un Dieu qui sait (qui connaît), un Dieu qui peut. - Alors ’Tu sauras que JE SUIS LE SEIGNEUR’ (cf. Ex 3,6): la révélation de Dieu se fait dans son action continue pour son peuple en péril. e) Prolongements - Que découvre-t-on du rôle de l’Esprit à travers ce texte? L’Esprit fait revivre ceux qu’on croyait morts, fait renaître l’espérance, ouvre un avenir quand tout parait bouché, donne corps à un peuple et le renouvelle de l’intérieur (par le coeur). C’est bien l’Esprit des commencements et des renouveaux. Ici, la place et le rôle de l’Esprit commencent avec l’Esprit qui inspire les prophètes (1) et s’achève sur l’Esprit qui sera donné à tous les exilés (14): annonce d’un peuple tout entier porteur de l’Esprit, prophétique (cf. Ac 2 à la Pentecôte). - La résurrection des morts ne deviendra une croyance juive qu’au cours du 2ème siècle (avec les martyrs juifs de la persécution d’Antiochus), croyance attestée en Dn 12,3. Plus tard, ce texte sera lu comme une annonce de la résurrection des morts. En effet, les Pères ont souvent lu dans cette vision une prophétie de la résurrection du Christ et des morts. En mettant en scène la mort et la vie, puis la victoire de la vie, Ezéchiel a créé un univers symbolique, qui permet à la foi au Christ ressuscité de se déployer. Dans la résurrection du Christ, le Vivant remis debout et sorti du tombeau (cf. Ap 1,17-18), le croyant peut trouver une espérance. En 1Co 15,35-58, Paul s’efforce de répondre à la question: ‘Comment les morts ressuscitent-ils? Avec quel corps?’ (15,35): il dit le cœur de la foi Chrétienne: la résurrection est recréation, fruit de l’Esprit Saint. Ce qu’essaie de traduire l’expression ’corps spirituel‘ (15,43-44). Et en Rm 8,11, il montre que l’Esprit Saint est l’agent de la résurrection: ‘Si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, il donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous’. Entendre une parole pour aujourd’hui . Comment réagissons-nous dans les situations d’angoisse et d’incertitude? Qu’est-ce qui nous permet de tenir dans l’espérance? Quels signes de renaissance ou de résurrection nous gardent-ils dans l’espérance? . Pensons au témoignage de foi et d’espérance des chrétiens persécutés. . Quelles expériences de la force donnée par l’Esprit Saint avons-nous faites? 4. L’Esprit à l’oeuvre dans le monde Qu’est-ce que cela signifie que l’Esprit fait le ‘monde nouveau’, la ‘nouvelle création’? Donnons quelques jalons. a) L’Esprit construit ce monde en genèse De la Genèse à l’Apocalypse, la Bible nous présente la genèse du monde, car la création n’est pas finie: depuis ’Le souffle de Dieu planait sur les eaux’ de Gn 1, pour mettre de l’ordre dans le chaos originel, jusqu’au ’Voici, je fais toutes chose nouvelles’ de Ap 22,1-2 , Dieu renouvelle le monde par son Esprit. La prière Eucharistique IV dit : ’L’Esprit poursuit son œuvre dans le monde et achève toute sanctification’.

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Car ‘la création gémit, elle est en travail d’enfantement’, dit Paul en Rm 8,12-22.

Nous pouvons chercher des signes de cette genèse, où l’Esprit est à l’œuvre pour construire ce monde (dans l’économique, le politique, le culturel …), pour organiser le chaos, afin de faire surgir la vie.

b) L’Esprit fait triompher l’amour ‘L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit qui nous a été donné’, dit Paul en Rm 5,5. De même, l’hymne à l’amour (1Co 13), inséré dans le développement sur les charismes, montre que l’amour est produit en nous par l’Esprit, ainsi que les fruit de l’Esprit (Ga 5,22).

c) L’Esprit préserve ce monde de sa fragilité Notre monde est précaire, fragile, prompt à s’autodétruire, à ne plus croire en ses capacités. Le péché est puissance de décréation. Mais l’Esprit nous arme pour ce combat. C’est pourquoi il est appelé “Paraclet” (= défenseur, avocat: cf. Jn 14,16; 15,26; 16,7), “Consolateur”, il est celui qui nous rend fort, parce qu’il redonne confiance. Il est l’Esprit qui ouvre l’avenir, sans illusion ni naïveté. (voir Fiche n°8)

Il faut relire notre histoire pour y discerner la trace de l’Esprit des commencements et des renouveaux. La Bible veut dire que notre histoire est habitée par une présence; elle n’est pas un non-sens: il y a du sens, parce qu’il y a Quelqu’un. L’action de l’Esprit du Seigneur, dans l’histoire de l’humanité en fait une histoire de salut, histoire sainte car habitée par l’Esprit Saint. 5. Pour prier - Chant: Au cœur de ce monde le souffle de l’Esprit - Prière: Esprit de Dieu pour notre terre

Toi, le jour sans crépuscule, Esprit de Dieu pour notre terre, Comment es-tu la nuit la plus obscure? Toi, la source des eaux vives, esprit de Dieu pour notre terre, Comment es-tu la soif que rien n’apaise? Toi, la braise qui réchauffe, Esprit de Dieu pour notre terre, Comment es-tu la froide solitude? Toi, la force qui rassemble, Esprit de Dieu pour notre terre, Comment es-tu le glaive qui divise? Toi la paix que rien ne trouble, Esprit de Dieu pour notre terre, Comment es-tu la guerre au cœur de l’homme? Toi l’amour qui fait le monde, Esprit de Dieu pour notre terre, Comment es-tu le souffle qui disperse? Toi la vie de toutes choses, Esprit de Dieu pour notre terre, Comment es-tu le feu qui consume?

Didier Rimaud

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Fiche 7 « VIVRE DE L’ESPRIT QUI REND LIBRE » Au plus intime de lui-même, l’homme sensible à l’action de l’Esprit, se laisse transformer et son existence terrestre est assumée par l’Esprit de Dieu. Dans ses lettres, saint Paul évoque les effets de l’Esprit de Dieu à l’œuvre dans le monde et en l’homme. L’Esprit, le pneuma, qualifie Dieu en sa puissance créatrice, en ce qu’il a de plus intime ; il communique à l’homme sa force transformante pour que soit manifestée la présence mystérieuse du Ressuscité (2 Co 3,18).

« Paul s’attache à montrer les multiples fonctions de l’Esprit. L’Esprit de Dieu justifie (1 Tm 3,16), sanctifie (2 Th 2,13 / Rm 15,16), parle (1 Tm 4,1), enseigne (1 Co 2,13), révèle (1 Co 2,10), donne la connaissance du mystère (Ep 3,5), intercède (Rm 8,26). Il anime et construit le corps du chrétien comme corps du Christ qui est l’Église (1 Co 12 et Ep 2, 18.22), car il habite dans les cœurs et les hommes sont sa demeure (1 Co 3,16 ; Rm 8,11 ; 2 Tm 1,14). L’homme est appelé à donner son adhésion à l’Esprit qui œuvre en lui, à se laisser porter par ce mouvement qui le conduit ver le Père dans le Christ ».

Cahier Évangile 88 , Vocabulaire des épîtres de Paul, p.28-29 Nous allons lire deux textes essentiels qui, en raison de leur richesse, peuvent éventuellement constituer la matière de deux rencontres.

Galates 5, 1-25 : L’Esprit et la liberté du chrétien

« C'est pour que nous soyons vraiment libres que Christ nous a libérés.

Tenez donc ferme et ne vous laissez pas remettre sous le joug de l'esclavage » Ga 5,1

Ce que recouvre le mot « liberté » chez Paul correspond-il à nos conceptions modernes de la liberté : « faire ce que je veux, quand je veux, comme je veux ! » ? A l’époque de Paul la société se répartit entre citoyens libres et esclaves. Pour les philosophes grecs, seul le sage est libre. A quelle liberté le chrétien est-il appelé ? Quels sont donc les enjeux de l’argumentation de Paul dans ce chapitre ?

Paul, en plaçant le Christ au centre de l’existence, propose à l’homme d’entrer dans une vie nouvelle qui est une dynamique de liberté en vue de devenir plus humain. Tel est le principe de la vie chrétienne que le croyant, appuyé sur la force de l’Esprit, essaie de mettre en œuvre.

1. Le contexte de la lettre aux Galates. * Cette lettre, qui peut être datée du début des années 50, est adressée aux églises de Galatie. Au temps de Paul, la Galatie peut désigner le pays des Galates, entendu au sens ethnique d’hommes venus du nord-ouest de l’Europe qui se sont fixés en Anatolie, à savoir la région nord de l’actuelle Turquie, ou l’ensemble de la province qui s’étend au sud. * La crise Galate : le danger d’un « autre évangile »

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- Les missions de Paul et de ses collaborateurs, telles que rapportées dans les Actes des apôtres, l’ont conduit à annoncer l’Évangile à des hommes et des femmes d’origine juive et païenne (non-juifs). Comment alors faire cohabiter dans une même communauté chrétienne juifs convertis et non-juifs ? 3 questions importantes se posent :

1. Peut-on accepter dans les communautés chrétiennes des personnes qui n’appartiennent pas au peuple de Dieu (= non circoncis) ? Faut-il que les chrétiens d’origine païenne soient circoncis ?

2. Si les nouveaux croyants ne sont pas circoncis, ils sont impurs et donc infréquentables - Que faire pour que les chrétiens juifs et non-juifs puissent partager la même table (et donc vivre l’eucharistie ensemble) ?

3. Quel est donc le rôle de la Loi/Torah juive (et de ses prescriptions) ? A quelles conditions est-on sauvé ? En quoi consiste la liberté chrétienne

On sait que cette querelle a traversé toutes les premières communautés chrétiennes. Elle a été tranchée lors d’une grande Assemblée à Jérusalem vers l'an 50 :

« Les apôtres, les anciens et les frères saluent les frères d’origine païenne qui se trouvent à Antioche, en Syrie et en Cilicie... . L’Esprit Saint et nous mêmes, nous avons en effet décidé de ne vous imposer aucune autre charge que ces exigences inévitables : vous abstenir des viandes des sacrifices païens, du sang, des animaux étouffés et de l’immoralité. Si vous évitez tout cela avec soin vous aurez bien agi. Adieu. » (Ac 15)

Mais, visiblement, lorsque Paul écrit aux Galates, la querelle n'est pas calmée. En Galatie comme ailleurs, certains ‘judaïsants’ veulent imposer aux croyants d’origine païenne la circoncision et l’observance de la Loi de Moïse. Paul entreprend donc de répondre : pour lui, lorsque des païens veulent recevoir le baptême, leur imposer au préalable d'adhérer au judaïsme, ce serait faire d'eux les esclaves d'une loi désormais dépassée. La loi juive fut une pédagogie de Dieu pour préparer son peuple à accueillir le Messie. Depuis la venue du Christ, on est entrés dans une deuxième étape de l'histoire humaine : tout homme, juif ou non juif, peut être baptisé et devenir membre du Corps du Christ ;

« L’homme n’est pas justifié par les œuvres de la Loi, mais seulement par la foi en Jésus Christ ; nous avons cru, nous aussi, en Jésus Christ, afin d’être justifiés par la foi en Christ et non par les œuvres de la Loi, parce que par les œuvres de la Loi personne ne sera justifié. (…) Ô Galates stupides, qui vous a envoûtés, alors que sous vos yeux, a été exposé Jésus Christ crucifié ?... » Ga 2, 16ss ; 3,1

Comment revenir en arrière après être passé de l’esclavage de la Loi à la liberté des enfants de Dieu ! Aux Galates menacés d’un retour à l’esclavage, Paul va indiquer ce qui constitue le fondement de la foi chrétienne : le Christ a libéré les croyants dont la foi agit par la charité. 2. Pour lire le texte de Ga 5, 1-25 1) Pour une première approche Plus qu’un plan, il convient de repérer le mouvement du texte qui reflète l’effort passionné et pressant de Paul pour convaincre les Galates de ne pas retomber « sous le joug de l’esclavage » (v.1) mais de rester fidèle au Christ libérateur et la foi initiale.

- Repérez l’opposition entre les deux groupes de croyants : moi/nous vs. vous Et cependant les Galates judaïsants restent des « frères » qui restent appelés à la même foi (un « vous » qui reste inclusif)

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- Notez l’engagement et le témoignage personnel de Paul : Moi Paul...pour moi...Quant à moi... N’est-il pas lui-même un vivant exemple du passage de la Loi à la liberté de la foi en Christ ? - Listez les arguments utilisés par Paul pour exhorter les Galates - La véhémence de Paul peut aller jusqu’à l’ironie mordante (cf. v. 12.15) - Quel est pour Paul le rôle de l’Esprit 2) des précisions de vocabulaire Une difficulté de ce texte tient au sens des mots (justice, loi, chair, ...) qui, chez Saint Paul, n’ont pas le même sens que dans notre français courant du vingt-et-unième siècle. Des clarifications s’imposent : - Justifier, justification : une notion qui tient une place centrale dans le judaïsme, chez Paul (et dans la tradition luthérienne). Pour comprendre l’opposition mise par Paul entre justice de la Loi et justice de la foi, il faut se rappeler que pour l’AT, la justice englobe l’ensemble des relations entre Dieu et l’homme dans le cadre de l’Alliance. La justice de Dieu est sa fidélité à son Alliance. Pour Paul qui a rencontré le Christ ressuscité dans l’expérience du chemin vers Damas (cf. Ga 1, 11-2,10) la justification (l’ajustement du croyant à son Seigneur) est en rapport avec la foi au Christ : elle est l’acte de miséricorde par lequel Dieu gracie le pécheur qui a foi en Jésus-Christ. Elle est une « nouvelle création » (Ga 6,15) qui rend l’homme capable d’aimer vraiment (agapè).

- la Loi . le grec nomos traduit imparfaitement l’hébreu tôrah : donner une direction dans la vie > instruire enseigner . Dans l’AT, la Torah atteste de l’alliance entre Dieu et son peuple, suite à un acte de libération. . Chaque sabbat, la torah écrite (Pentateuque) est commentée et expliquée par la torah orale, non pas comme un code de loi, mais comme une parole vivante . C’est dans l’obéissance aux commandements (mitsvots) qu’Israël trouve la vie et qu’il se maintient dans l’Alliance

- Circoncision . Elle est pratiquée dans de nombreuses cultures et religions, avec une valeur et une signification différentes. . Dans la tradition juive = rite -> marque corporelle de l’Alliance passée entre Dieu et Abraham (Gn 17,1) . Elle devient marqueur identitaire de la culture et de la foi juive après le retour d’exil et au moment de la politique d’hellénisation forcée d’Antiochos IV (cf. livres des Macchabées) - Paul s’en prend non à la symbolique de l’Alliance, mais à la prétention de la Loi et de l’observance des commandements (Ga 5,3) à sauver l’homme, à le rendre « juste »

- Chair, corps, esprit : dans le langage biblique, ce ne sont pas des " parties " de l'être humain, mais une façon de parler de l'être humain sous différents aspects qui le caractérisent tout entier ; l'homme est chair, esprit, corps : . la " chair " dit l'humain dans sa faiblesse ; ce n'est pas une partie de l'homme, ce n'est pas le corps opposé à l'esprit ; c'est l'homme tout entier, mais en tant que marqué par la précarité, la faiblesse, l'inclination au péché. La chair n’est pas le péché mais la voie par laquelle le péché s’introduit dans l’homme. Manipulée par le mal, la chair produit alors des œuvres qui empêchent l’homme d’être héritier du Royaume (Ga 5, 19-21) . l'esprit (grec : pneuma) : a) disposition intérieure de l’homme b) Esprit Saint qui imprime un élan filial à toute la vie du croyant ;

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à l'opposé de ‘chair’ (= faiblesse), " esprit / pneuma" renvoie à puissance, liberté, sainteté ; c'est ce qui qualifie l'Esprit saint en Dieu ; « vivre selon la chair » = vivre sans référence à Dieu, prétendre devenir à soi-même sa propre référence, et produire en conséquence les ‘œuvres de la chair’ (Ga 5,21) « vivre selon l’Esprit » = vivre en référence à Dieu et à sa volonté, vivre en Fils, être rendu capable de vivre dans la sainteté, et de porter le fruit de l’Esprit Saint (Ga 5, 22)

3) Pistes d’interprétation

- « Christ nous a libérés » : l’image sous-jacente est celle de ‘l’esclavage’ ; Christ ne nous a pas affranchis pour que nous redevenions esclaves d’autres réalités, mais pour être vraiment libres, c’est-à-dire pour être Fils du Père et frères les uns des autres.

- Pour Paul, la liberté est cette capacité que nous avons à faire de toute occasion de notre existence une bonne circonstance pour aimer, pour appeler Dieu ‘Père’, et regarder les humains qui nous entourent comme frères et sœurs, quelles que soient les circonstances de notre vie (esclave ou homme libre)

- L’épître aux Galates rappelle l’urgence, dans la vie spirituelle comme dans la vie ecclésiale, de fixer le regard sur le message libérateur de la croix. Il ne s’agit donc pas d’une liberté au rabais, mais d’une liberté exigeante à la suite du Christ : « Avec le Christ, je suis un crucifié ; je vis, mais ce n’est plus moi, c’est Christ qui vit en moi. Car ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi du Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi. Je ne rends pas inutile la grâce de Dieu ; car si par la loi on atteint la justice, c’est donc pour rien que Christ est mort ». Ga 2, 19-21

- Liberté et amour fraternel : Si le Christ nous a libérés, ce n’est pas pour nous faire changer de servitude, mais pour nous conférer la liberté des enfants de Dieu et la possibilité de mener une vie filiale et fraternelle qui se vérifie dans le passage de la servitude au service fraternel (v. 14) Le critère de discernement de l’authentique liberté : « la foi opérant par l’amour-charité » (5,6)

- Le fruit de l'Esprit (5, 19-23) A l'intérieur de cette exhortation insistante à s'en remettre à l'Esprit, et non plus à la Loi, Paul ne laisse pas les croyants de l'Évangile sans repères. Il oppose " les œuvres de la chair " et " le fruit de l'Esprit " (Remarquer le singulier). Quand on est conduit par l’Esprit, on est à même de discerner : de telles listes, qui proviennent sans doute de la catéchèse baptismale, permettent à chacun de mieux identifier les obscurités et de vaincre les résistances qui sont encore en lui.

- « Pour que nous restions libres... Tenez donc ferme » - rien n’est jamais acquis ; le chrétien reste quelqu’un de divisé (v.17), invité à une persévérance que seul donne l’Esprit Saint (v.18)

- Pour résumer : La liberté chrétienne selon saint Paul :

- La liberté que prêche Paul n’est ni licence ni libertinage ; elle correspond à une vocation (un appel) (Ga 5, 1.13) qui s’inscrit dans la ligne de la Promesse faite à Abraham - Cette liberté ne peut se déployer qu’en raison de la libération opérée par le Christ (Ga 5,1) - La liberté chrétienne se caractérise d’abord comme vie filiale (Ga 4, 4-7) - La liberté chrétienne s’épanouit dans le service mutuel, dans l’amour-agapè (Ga 5, 22s) - L’Esprit Saint en est l’acteur décisif : « marchons sous l’impulsion de l’Esprit Saint » (Ga 5,25)

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3. Des questions pour intérioriser, laisser le récit résonner en soi, pour entendre une Parole vivante, et pour échanger - Libre dans l’Esprit

« Être libre dans le Saint Esprit, c’est se découvrir aimé de Dieu, aimé d’amour fou et ainsi pouvoir se désarmer, se déposséder, se libérer du ressentiment et de la peur, devenir capable d’accueillir comme Dieu nous accueille, de discerner et de servir en tout l’homme comme en toute situation historique les chances de la vie ».

Olivier Clément, Parole et pain, n°18 Comment ces paroles résonnent-elles en nous ? - Même si le problème de la Loi juive semble périmé, le thème de la liberté spirituelle garde toute sa valeur : Aujourd'hui de qui, de quoi sommes-nous " esclaves " ? " Marcher sous la conduite de l'Esprit ", est-ce cela, la liberté ? En quoi est-ce différent d’obéir à la Loi ? - Où s’enracine notre confiance: dans la foi au Christ ? dans nos pratiques ? dans la présence de l’Esprit en nous ? 4. Pour prier

- Peuple choisi (Dieu fait de nous en Jésus Christ des hommes libres) K 64 - Dieu qui nous appelles à vivre K 158 - Oraison :

Dieu, notre Père, tu envoies dans nos cœurs l'Esprit de ton Fils. Qu'il nous conduise de jour en jour à plus de liberté pour aimer. Par Jésus le Christ Notre Seigneur. Amen

Romains 8 : Vivre en fils conduits par l’Esprit

Comment s’ajuster à Dieu ? Personne ne peut être en communion avec Dieu par ses propres forces. Mais la justice de Dieu s’est manifestée en Jésus-Christ (Rm 3,21-4). L’adhésion au Christ met l’homme en communion avec Dieu. C’est ce qui s’appelle « la justification par la foi » et non par la Loi. Par la foi, tout être humain entre dans une existence nouvelle. Dieu vient à nous en répandant son Esprit dans nos cœurs, Il opère une transformation intérieure de l’existence. Au cœur de la lettre aux Romains, le chapitre 8 développe ce qu’il advient à « ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu » (Rm 8,8) 1. Pour lire le texte de Rm 8 1) - Une première approche * Le chapitre 8 succède heureusement au chapitre 7 dans lequel Paul exprime l’expérience chrétienne d’une déchirure intérieure entre le vouloir et le faire :

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« Car je sais qu’en moi le bien n’habite pas : vouloir le bien est à ma portée, mais non pas l’accomplir, puisque le bien que je veux, je ne le fais pas et le mal que je ne veux pas, je le fais. Or si ce que je ne veux pas je le fais, ce n’est pas moi qui agis, mais le péché qui habite en moi... Malheureux homme que je suis ! Qui me délivrera de ce corps qui appartient à la mort ? » Rm 7, 18-24

Situation tragique et sans issue ? Non, Paul a fait l’expérience de la foi en Christ qui l’a libéré de cet esclavage : « Grâce soit rendue à Dieu par Jésus Christ notre Seigneur ! » (7, 25) * Rm 8 est un chant de victoire et un chant d’espérance : - Un chant de victoire parce que l’homme échappe à la condamnation, grâce à l’Esprit qui le rend capable de vivre en fils de Dieu, sans qu’il ait plus besoin d’être encadré, menacé, sanctionné par la Loi. - Un chant d’espérance ensuite : « les souffrances du temps présent - de ce temps intermédiaire entre l’appel à la foi et la glorification finale - sont sans proportion avec la gloire à venir » ; cette gloire, l’Esprit l’appelle et l’anticipe au cœur des croyants. 2) - Structure de Romains 8 « Grâce soit rendue à Dieu par Jésus-Christ notre Seigneur ! »

1. 8,1-11 : « Maintenant, plus de condamnation....car...car...afin que... or... » 2. 8,12-30 : Conséquence : Vivre en fils de Dieu par-avec-dans l’Esprit 3. 8,31-39 : Cri de joie et de victoire : Hymne à l’Amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ

Remarque : ce chapitre est un beau morceau de rhétorique classique. Il convient donc de repérer les marqueurs de l’argumentation : expression de la cause (car...car...), des conséquences (afin que... ainsi donc...), explicitation des arguments (or... en effet...), etc. Voir en fin de la fiche une proposition de découpage du texte faisant ressortir les mouvements de l’argumentation. 3) - Précisions de vocabulaire : - chair/esprit – esprit et Esprit – loi/justice/justifier : voir ci-dessus dans le commentaire de Galates 5 les explications correspondantes.

- Esclavage / péché : « Empruntée à la réalité socio-économique du premier siècle, la métaphore de l’esclavage compose un récit de salut où les forces cosmiques sont quasi personnifiées. Esclave d’un sinistre maître appelé « Péché », l’ « Humain » en est affranchi par un nouveau maître plus puissant, Jésus-Christ. Par sa mort, celui-ci a affronté « Mort », homme de main de « Péché », et nous a libérés de l’esclavage en nous libérant (pour libérer un esclave, il fallait payer une rançon à son ancien maître). Or, si l’esclave affranchi est libre, il est encore redevable à son libérateur, son « Seigneur », qu’il sert dorénavant ». Note de la Nouvelle traduction de la Bible, Bayard 2001, p.3037 - chair de péché : la condition humaine marquée par les séquelles du péché (souffrances, humiliations, violences subies, mort...)

- chair / esprit : ne sont pas deux composés de l’être humain mais deux dimensions de l’existence, selon que la personne est enfermée dans la faiblesse physique et morale, ou qu’elle est ouverte à l’action de l’Esprit en elle. - On vit « selon la chair « ou « selon l’esprit »,

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- on est « dans la chair » ou « dans l’esprit »

- corps : n’est pas l’équivalent de la « chair » ; mais la personne en tant qu’elle est enracinée dans le monde , la société, la durée ;.exceptionnellement, il peut renvoyer au corps « charnel » comme en 8, 13 : « faites mourir par l’Esprit les œuvres du corps ».

- Gloire / glorifier : l’acte final qui découle de la justification : le salut est une participation à la « gloire » du Christ ressuscité ; la « gloire » est « ce qui fait le poids »( héb. kavod) , ce qui fait la valeur et la beauté de l’être de Dieu et de ceux qu’il configure à son Image.

4) - Au fil du texte : 1. – Ouverture (8, 1-4) : Libération du péché par l’Esprit « Mais maintenant il n’y a plus de condamnation pour ceux qui sont en Christ Jésus ».v.1 - Car ce n’est plus le Péché qui fait la loi en l’homme, mais l’Esprit, et l’Esprit, c’est la justice et la vie. Dans un puissant raccourci, Paul ramasse toute l’histoire du salut :

- jusqu’à maintenant la Loi de Dieu s’était montrée impuissante à arracher l’homme à la servitude à cause de « la chair » (c’est-à-dire la condition humaine marquée toute entière par la faiblesse physique et morale) ; elle ne faisait que l’enfoncer un peu plus dans la transgression ; - alors Dieu a envoyé son propre Fils dans cette même condition humaine, sans péché, mais non sans la marque des conséquences du péché (appartenance à une humanité pécheresse, violence subie, humiliation, souffrances et mort, tout ce qui en fait une « chair de péché ») ; - en ce Fils, parfaitement obéissant jusqu’à mourir sur une croix, Dieu « a condamné le Péché dans la chair » : là même où le Péché régnait, il a été vaincu et éliminé ; en son Fils Dieu a fait ce que la Loi était impuissante à faire (non pas punir le péché, mais l’éliminer) ; - et maintenant la visée de justice de la Loi s’accomplit en « nous », les croyants, dont la conduite n’obéit plus à la chair, mais à l’Esprit (que nous recevons du Christ de Pâques).

2. – Argumentation en deux mouvements : a) Premier mouvement (8, 5-17) : la docilité à l’Esprit ne peut que conduire à la vie, à la gloire. En deux séquences parallèles (5-11/12-17), Paul oppose deux logiques, deux dynamiques : celle de la chair et celle de l’Esprit. - La logique de la chair est de s’opposer à Dieu, elle est une logique de mort. - Le dynamisme de l’Esprit est de conduire à la vie par la justice. Et chaque fois (9. 12.15), Paul dit : vous (les croyants), vous n’êtes pas dans la logique de « la chair », mais sous le dynamisme de l’Esprit. Par conséquent vous serez vainqueurs du péché et de la mort, résurrection comprise. La seconde séquence (12-17) va plus loin que la première : Paul ne se contente pas de dire que l’Esprit habite en vous (9.11), mais qu’il vous conduit, et cela est l’apanage des enfants de Dieu (14), ce qui amène à parler de la condition filiale des croyants. Si nous sommes enfants, nous sommes héritiers, héritiers avec le Christ, le Fils premier-né, « s’il est vrai que nous souffrons-avec lui pour être glorifiés avec lui » (8, 17). b) Deuxième mouvement (8, 18-28) : souffrances et gloire ; l’espérance Dans ce 2ème mouvement, Paul réfute implicitement le doute qui pourrait affecter les croyants devant les épreuves qui les atteignent dans cet entre-deux qui va de Pâques à la révélation finale de la gloire des enfants de Dieu : il n’y pas de proportion entre les souffrances du temps présent et la gloire qui doit se révéler en nous ; pas de proportion ni d’incertitude. Temps d’épreuves qui est aussi le temps de l’espérance.

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Le texte est balisé par trois « gémir », à la fois de détresse et d’attente (19-27) : - celui de la création en travail d’enfantement (19-22) - celui de nous-mêmes rendus impatients de par les prémices de l’Esprit, qui nous font attendre la libération totale (23- 25) - enfin le « gémir » de l’Esprit lui-même, sa prière au plus intime de nos coeurs , qui nous accorde au dessein de Dieu (26-27) qui va immanquablement de la « prédestination » à la « glorification » (28-30). 3. Péroraison (8, 31-39) : Hymne à l’amour de Dieu Conclusion amplifiée, lyrique, qui célèbre l’amour de Dieu manifesté en Christ Jésus, invincible amour dont rien ne pourra nous séparer et dont Paul le premier a fait l’expérience (cf. 2 Co 11, 18-31) 2. – L’action de l’Esprit Saint selon Rm 8 L’Esprit Saint est la figure dominante de ce chapitre, mais Il est toujours présenté dans une perspective trinitaire : Il est l’Esprit du Père et l’Esprit du Christ. Quel est son rôle ? - L’Esprit est l’auteur de la vie nouvelle chez les croyants : une vie de fidélité et d’amour ; il est « l’amour de Dieu versé dans nos coeurs » (cf. Rm 5, 5). Il réalise ce qu’annonçaient les prophètes de la Nouvelle Alliance : Jérémie et Ezéchiel (voir Fiche 6: « À cœur neuf, esprit neuf... ») Il remédie à l’impuissance de la Loi (8,10), il est source de vie parce qu’il permet de vivre dans la justice, dans la sainteté, il fait passer de la condition charnelle à la condition spirituelle il conforme au Christ et permet aux croyants d’agir des croyants dans la liberté spirituelle (cf. Ga 5,13-16). - Il « habite » dans le cœur et dans la communauté des croyants, comme dans un temple (8, 9 ; cf. 1Co 3, 16 ; 6, 19) ; cette habitation de l’Esprit est la marque de l’appartenance au Christ : « Qui n’a pas l’Esprit du Christ ne lui appartient pas » (8, 9). - Non seulement il « habite » (statiquement), mais il « conduit » (dynamiquement). Assistance permanente qui permet aux croyants de faire l’expérience qu’ils sont « enfants de Dieu », car ce sont ses enfants que Dieu « conduit » : « tous ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu » ( 8, 14) . - Il donne un esprit filial parce qu’il inspire l’amour de Dieu et lui enlève la crainte. Le don de l’Esprit signifie le passage de la servitude (agir par crainte) à la liberté (agir de plein cœur par amour) (8, 15 ; cf. Ga 4, 7). Cet esprit filial se traduit en particulier dans la prière qui s’adresse à Dieu avec la même familiarité et la même confiance que la prière de Jésus lui-même : « Abba = papa » (8, 15 ; Ga 4, 6 ; cf. Lc 11, 2 ; Mc 14, 36). L’Esprit fait en sorte que la prière du Fils devienne celle des croyants. - L’Esprit stimule l’espérance. Le « gémir » de l’Esprit (8, 26) s’inscrit au cœur du « gémir » des croyants (8, 23) et le stimule. A son tour le gémissement des croyants assume le gémissement de toute la création en mal d’enfantement (8, 19-20). Selon la perspective héritée de l’Ecriture, le cosmos est associé à la réussite de l’humanité dont il constitue le milieu de vie. L’espérance chrétienne dépasse les individus, elle concerne le monde comme « création de Dieu ». - L’Esprit éduque la prière au cœur de cette tension vers l’achèvement final. L’Esprit est l’éducateur de la prière parce qu’il est l’éducateur du désir selon Dieu. Le désir de l’Esprit (8, 27) correspond au désir de Dieu de nous configurer à son Fils (8, 27-28).

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- L’Esprit est puissance de vie et de résurrection (8, 10-11). Même si le corps se délabre, la personne du croyant est déjà habitée par l’Esprit qui est à l’origine de la résurrection du Christ et sera donc aussi à l’origine de la sienne. 3. Des questions pour intérioriser, laisser le récit résonner en soi, pour entendre une Parole vivante, et pour échanger - « Ceux-là sont fils de Dieu qui sont conduits par l’Esprit de Dieu » Rm 8, 14

« Nous ne sommes pas maîtres de la façon dont l’Esprit va se manifester, mais ce dont nous pouvons être sûrs, c’est qu’il demande à chacun, chacune de lui ouvrir la porte de son cœur, de l’entièreté de son être, de ses expériences, pour qu’il puisse y demeurer, y accomplir son œuvre et entrer dans l’expérience humaine. »

Simone Pacot, Ouvrir la porte à l’Esprit, Cerf 2008, p.25 Quelle place a l’Esprit Saint dans ma vie de foi ? Quel souci ai-je de ma « vie spirituelle » ? Quels sont les moyens que je me donne ?

- A quels signes est-ce que je reconnais la présence de l’Esprit Saint dans ma vie ? Dans la vie du monde et de l’Église ? - « La création gémit dans les douleurs de l’enfantement... » - Quel regard ‘espérance nous donne l’Esprit dans la situation présente du monde ? Quelle part nous arrive-t-il de prendre à cet enfantement ? Ce peut être l’occasion de relire l’encyclique « Loué sois-tu ! » du pape François :

« Pollution et changement climatique – perte de la biodiversité – détérioration de la qualité de la vie humaine et dégradation sociale – inégalité planétaire... Ces situations provoquent les gémissements de sœur terre, qui se joignent au gémissement des abandonnés du monde, dans une clameur exigeant de nous une autre direction. Nous n’avons jamais autant maltraité ni fait de mal à notre maison commune qu’en ces deux derniers siècles. Mais nous sommes appelés à être les instruments de Dieu le Père pour que notre planète soit ce qu’il a rêvé en la créant et pour qu’elle réponde à son projet de paix, de beauté et de plénitude » (§ 53)

4 . Pour prier Chants : - A ce monde que tu fais (T 146-1 - Amour qui nous attends (Tamié – E 173-1) -Frère Roger de Taizé

« Esprit de Dieu ressuscité, Saint-Esprit, si nous savions ce que nous pouvons te demander pour prier comme il faut ! Mais voilà que les balbutiements de notre prière passent par le creuset de notre pauvreté, de notre petite foi. Alors Toi, le Dieu vivant, tu entres dans notre âme de pauvre, tu entres dans notre faiblesse et tu lis en nos cœurs nos intentions authentiques. Et ton Esprit vient au-dedans de nous, il vient exprimer l’inexprimable à travers d’humbles paroles, et des soupirs, et des silences. Et tu nous dis : ’’ Ne te préoccupe de rien, ne t’inquiète pas de ton peu de capacité à prier.

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Sache-le, dans ton attente priante, j’ai déjà ouvert les chemins.

Ainsi, tu nous donnes de comprendre que tu appelles chacun par son nom, que tu éveilles des jaillissements intérieurs, que tu as déposé en chacun un don unique, irremplaçable. Nos yeux s’ouvrent et, dans la pauvre prière, nous comprenons que l’homme ne se réalise qu’en présence de Dieu ».

Saint Isaac le Syrien

« L’Esprit, quand il demeure dans un homme, ne le quitte pas dès lors que cet homme est devenu prière. Car l’Esprit lui-même ne cesse de prier en lui. Que cet homme dorme ou qu’il veille, la prière désormais ne s’en va pas de son âme. Qu’il mange, qu’il boive, qu’il dorme, quoi qu’il fasse, et jusque dans le sommeil profond, les parfums et l’encens de la prière. s’élèvent sans peine de son cœur. La prière ne le quitte plus ».

Devenir fils et filles dans le Fils, « premier-né d’une multitude de frères » (Rm 8,29)

« Les Pères de l’Eglise disaient volontiers que « le Christ s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu ». Avec Paul, on pourrait dire aussi que le Fils s’est fait homme pour que les hommes deviennent fils. En lui nous ne voyons pas seulement un Sauveur qui nous tire de la catastrophe, un ami qui nous accueille chez lui et partage avec nous ses biens ; nous reconnaissons le premier-né d’une multitude de frères, le frère aîné. Le Fils a fait de nous des fils, des frères ».

Jean-Marie Gueulette : Laisse Dieu être Dieu en toi , Cerf 2002, p.37 ........................ Complément : Présentation structurée de Romains 7,25 – 8, 39 7:25 Grâce soit rendue à Dieu par Jésus Christ notre Seigneur! Me voilà donc à la fois assujetti (esclave)

par l'intelligence à la loi de Dieu et par la chair à la loi du péché.

8:1 Il n'y a donc, maintenant, plus aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus Christ. 2 CAR la loi de l'Esprit qui donne la vie en Jésus Christ

m'a libéré de la loi du péché et de la mort. 3 CAR ce qui était im-possible à la loi,

car la chair la vouait à l'im-puissance, Dieu l'a fait en envoyant son propre Fils dans la condition de notre chair de péché, et en ce qui concerne le péché, il a condamné le péché dans la chair,

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4 AFIN QUE la justice de la loi soit accomplie en nous,

qui ne marchons pas selon la chair, mais selon l'Esprit.

5 En effet, existant/menant une existence selon la chair, on tend à ce qui est charnel mais selon l'Esprit, on tend à ce qui est spirituel:

6 car la chair tend à la mort, mais l'Esprit tend à la vie et à la paix.

7 Car le mouvement de la chair est révolte contre Dieu; elle ne se soumet pas à la loi de Dieu; elle ne le peut même pas.

8 En menant une existence dans la chair im-possible de plaire à Dieu. 9 OR vous, vous n'êtes pas dans la chair,

mais dans l'Esprit, puisque l'Esprit de Dieu habite en vous.

Si quelqu'un n'a pas l'Esprit du Christ, il ne lui appartient pas. 10 Si Christ est en vous, votre corps,

il est vrai, est voué à la mort à cause du péché, mais l'Esprit est votre vie à cause de la justice.

11 Et si l'Esprit de Celui-qui-a-ressuscité-Jésus-d'entre-les-morts habite en vous, Celui qui a ressuscité Jésus Christ d'entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels, par son Esprit-qui-habite-en-vous.

12 AINSI DONC, frères, nous avons une dette,( :nous sommes des débiteurs) mais non envers la chair pour devoir vivre selon la chair.

13 Car si vous vivez selon la chair, vous mourrez; mais si, par l'Esprit, vous faites mourir les actes du corps, vous vivrez.

14 EN EFFET, ceux-là sont fils de Dieu qui sont conduits par l'Esprit de Dieu: 15 car vous n'avez pas reçu un esprit qui vous rende esclaves et vous ramène à la peur,

mais un Esprit qui fait de vous des fils adoptifs et dans lequel nous crions: Abba, Père.

16 Cet Esprit lui-même ‘rend témoignage avec nous’ à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu.

17 Enfants, et donc héritiers: héritiers de Dieu, cohéritiers de Christ, puisque, ayant part à ses souffrances,

nous aurons part aussi à sa gloire.

18 J'estime en effet que les souffrances du temps présent sont sans proportion avec la gloire qui doit être révélée en nous.

19 Car la création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu: 20 en effet, soumise au pouvoir du néant (fragile, éphémère)

- non de son propre gré, mais par l'autorité de celui qui l'a livrée -, elle garde l'espérance,

21 que elle aussi, la création, sera libérée de l'esclavage de la corruption, pour avoir part à la liberté de la gloire des enfants de Dieu.

22 Nous le savons en effet: la création tout entière gémit (‘gémit avec’) , et souffre (‘souffre avec’) dans les douleurs de l'enfantement, maintenant encore ;

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23 Elle n'est pas la seule: nous aussi, qui possédons les prémices de l'Esprit, nous gémissons intérieurement, attendant l'adoption filiale, la délivrance pour notre corps.

24 Car nous avons été sauvés, mais c'est en espérance. Or, voir ce qu'on espère n'est plus espérer: ce que l'on voit, comment l'espérer encore?

25 Mais espérer ce que nous ne voyons pas, c'est l'attendre avec persévérance. 26 De même, l'Esprit aussi vient en aide à notre faiblesse,

car nous ne savons pas prier comme il faut, mais l'Esprit lui-même intercède pour nous en gémissements inexprimables,

27 et Celui qui scrute les coeurs sait quelle est l'intention de l'Esprit: c'est selon Dieu en effet que l'Esprit intercède pour les saints.

28 Nous savons d'autre part que tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu, qui sont appelés selon son dessein.

29 Ceux que d'avance il a connus, (pré-connus) il les a aussi pré-destinés à être conformes à l'image de son Fils,

afin que celui-ci soit le premier-né d'une multitude de frères; 30 ceux qu'il a pré-destinés, il les a aussi appelés;

ceux qu'il a appelés, il les a aussi justifiés; et ceux qu'il a justifiés, il les a aussi glorifiés.

31 Que dire de plus face à tout cela?

Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? 32 Lui qui n'a pas épargné (ménagé) son propre Fils, mais l'a livré (donné, remis) pour nous tous,

comment, avec son Fils, ne nous donnerait-il pas tout?

33 Qui accusera les élus de Dieu? Dieu justifie !

34 Qui condamnera ?

Jésus Christ est mort, bien plus il est ressuscité, lui qui est à la droite de Dieu et qui intercède pour nous!

35 Qui nous séparera de l'amour du Christ ? La détresse, l'angoisse, la persécution, la faim, le dénuement, le danger, le glaive?

36 selon qu'il est écrit: A cause de toi nous sommes mis à mort tout le long du jour, nous avons été considérés comme des bêtes de boucherie. (Ps 44,23) 37 Mais en tout cela, nous sommes super-vainqueurs par celui qui nous a aimés. 38 J’ai la certitude en effet que ni la mort ni la vie,

ni les anges ni les dominations, ni le présent ni l'avenir, ni les puissances,

39 ni les forces des hauteurs ni celles des profondeurs, ni aucune autre créature,

rien ne pourra nous séparer de l'Amour de Dieu celui (manifesté) en Jésus Christ, notre Seigneur.

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Fiche 8 « PRESENCE ET ASSISTANCE DE L’ESPRIT DANS LA COMMUNAUTE CHRETIENNE »

L’évangile selon Saint Jean est centré sur le Christ ; mais dans le Christ, Jean voit la source inépuisable et débordante de l’Esprit Saint pour l’humanité toute entière. Dans certains textes (Jn 1-12 et Jn 13-17), il est question de l’Esprit sous le mode de l’annonce ou de la promesse ; dans d’autres (Jn 18-20) sous le mode de l’accomplissement et du don. Pensons, par exemple, à la double annonce de la part de Jésus : la première est faite à Nicodème (3, 1-8) : Le rôle capital de l’Esprit est de permettre de naître à la vie de Dieu et d’entrer en communion avec lui (voir Fiche 2 : « Renaître de l’Esprit »). La deuxième est révélée à la Samaritaine (4, 1-24) : il s’agit de l’adoration en esprit et en vérité. Dans l'Évangile de Jean, c'est surtout lors des Discours d'adieux (Jn 13-16) que Jésus parle de l'Esprit : il annonce sa venue comme celui qui prendra le relais de sa présence et de son œuvre en le désignant comme l'Esprit de vérité, et le Paraclet, c'est-à- dire le Défenseur des croyants dans un monde devenu hostile aux chrétiens (Jn 14, 14-26). Dans ce contexte de foi difficile, le Paraclet, l'Esprit de vérité, intervient pour rendre témoignage à Jésus, mais aussi pour transformer les disciples eux-mêmes en témoins (Jn 15, 26-27). Le départ de Jésus ne signifie pas l’abandon des siens, mais il est la condition nécessaire pour que vienne le Paraclet (16, 7) ; et celui-ci agira face au monde pour réhabiliter Jésus (16, 8-11) et il conduira la communauté dans la vérité tout entière (16, 12-15). De même que le Fils est envoyé par le Père, l'Esprit est envoyé par le Père, mais aussi par le Fils. L'Esprit n'est pas un " successeur " de Jésus, mais celui grâce auquel Jésus continue de réaliser sa mission : révéler le Père et conduire les hommes au salut. Nous allons aborder ces 5 passages des discours après la Cène (texte en annexe de cette fiche) dans lesquels Jésus parle du Paraclet : 1. Présence de l’Esprit Saint dans une communauté ‘orpheline’ de Jésus : Jn 14, 14-17 et Jn 14, 25-26 2. L’Esprit Saint dans la communauté affrontée à la haine du monde : Jn 15, 26-27 3. Vivre par l’Esprit Saint dans un monde où continue le procès de Jésus : Jn 16, 7-11 et Jn 16, 12-15

I. Lecture des Textes

1. Présence de l’Esprit Saint dans une communauté ‘orpheline’ de Jésus : Jn 14, 14-17 et Jn 14, 25-26 (Textes 1 et 2 en annexe)

1) Des questions pour aborder les textes : - Avant d'étudier les textes I et II, (= les deux premiers des 5 passages sur l’Esprit Saint dans les discours d’adieu) lire le chapitre 14 pour mieux saisir le contexte. - Quelles promesses Jésus fait-il à ses disciples ? Comment vont elles se réaliser ?

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- Repérer le jeu des pronoms : « je – vous – il » ; à quelles relations renvoient-ils ? - Le monde / vous : de qui s’agit-il ? Qu’est-ce qui caractérise chacun ? (voir lexique ci-dessous) - Quels sont les titres donnés à l’Esprit ? - Origine et mission de l’Esprit : relever les verbes qui le caractérisent. 2) Précisions lexicales * Le Paraclet « Jean est le seul à utiliser le mot Paraclet pour désigner l’Esprit. C’est la forme passive du verbe parakaleô : celui qui est appelé aupès de... (par exemple l’avocat au tribunal), celui qui vient au secours, celui qui est témoin de la défense (la traduction liturgique opte pour le terme Défenseur). Au sens actif, c ‘est l’intercesseur, le médiateur, le consolateur. Dans l’évangile de Jean, le Paraclet est le témoin de Jésus, l’interprète de son message devant ses ennemis, en particulier au procès, le consolateur des disciples et donc leur aide. Dans 1 Jn 2,1 Jésus est présenté comme un Paraclet, intercesseur de l’homme pécheur devant Dieu ».

Alain Marchadour, L’Évangile de Jean, Centurion, 1992, p.196 * Vérité : au sens hérité du langage biblique : solidité, fidélité, authenticité de l'engagement de Dieu dans la révélation qu'il fait de lui-même, du salut qu'il propose : il est vrai. L'homme à son tour est appelé à répondre à Dieu en vérité, à " faire la vérité ". * L’Esprit de vérité : l’expression est propre à Jean. L'Esprit-Saint est " l'Esprit de vérité ", littéralement " l'Esprit de la vérité ", avec l'article défini devant le mot vérité ; il ne s'agit pas de vérité en général, mais de la vérité par laquelle Jésus se définit lui-même : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie » (14,6).

* Le monde : « Pour désigner le monde, Jean utilise le mot grec kosmos, qui désigne l’univers ordonné, par opposition au chaos. Dans ce monde, l’homme occupe une place importante, car c’est par lui que cette mise en ordre, inaugurée à la création, se poursuit. L’expression « monde » peut aussi désigner l’ensemble de la société humaine (« l’humanité »). Ce monde créé pour l’homme est aussi un monde affecté par le péché et par le mal. C’est un monde de « ténèbres » (Jn 1,5). Dans la première partie de l’évangile de Jean (Jn 1-12) le monde est décrit comme l’espace où Dieu manifeste son amour (3,16) et sa volonté de salut pour les hommes (voir Fiche 2). Mais certains ont préféré les ténèbres (3,19) et se sont opposés à Jésus. Pour ceux-là Jean emploie le terme « monde » dans un sens négatif, surtout dans la deuxième partie de l’évangile (Jn 13-21). Le monde représente alors l’univers qui est sous l’emprise du Mal et qui est incompatible avec les disciples de Jésus (16,20), car « ils ne sont pas du monde » (Jn 17,14-15) ».

Alain Marchadour, L’Évangile de Jean, Centurion, 1992, p.205

3) Pistes de lecture - Jean s'adresse à une communauté qui va être confrontée à la disparition de Jésus, menacée de se trouver ‘orpheline de Jésus ‘; mais elle reçoit la promesse : « Je ne vous laisserai pas orphelins... » (14, 18).

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Le départ de Jésus ne signe pas son absence ni son impuissance ; au contraire, en allant vers le Père, il sera plus que jamais présent à l'histoire, et d'abord à l'histoire de ceux qui mettent leur foi en lui. - C’est à la prière du Fils que le Père donnera « un autre Paraclet » aux disciples qui, à la différence du « monde » (= de ceux qui s’opposent à Jésus), peuvent le recevoir dans la mesure où ils aiment Jésus, c’est-à-dire gardent ses commandements. - « Si vous m’aimez... » : Le verbe «aimer » et toujours lié à « garder mes commandements / ma parole ». C’est la reprise d’un thème important du Deutéronome où la pratique des commandements exprime l’amour et la fidélité pour le Dieu de l’Alliance (cf. Dt 6,4-6; 7,9). - v.17 « Vous le connaissez (= vous en faites l’expérience), parce qu’il demeure auprès de vous (= verbe au présent) et il sera en vous (= verbe au futur) : Référence implicite à la prophétie d’Ézéchiel (36, 26-27) : « Je mettrai mon Esprit en vous » (cf. Fiche 6 : « A cœur neuf, Esprit neuf... »). Après la glorification de Jésus, l’Esprit envoyé par le Père sera à l’intérieur des croyants (cf. Rm 5,5 ; Ga 4,6) - Deux verbes disent la fonction du Paraclet : « enseigner » et « rappeler/faire se souvenir » : L’Esprit enseigne en rappelant, c’est-à-dire en rendant actuelle la parole du Christ : il donne sens à tout ce qui a été dit à la lumière de Pâques et des Écritures. Les apôtres ne comprenaient guère les paroles du Christ. Ce n’est qu’à la venue de l’Esprit à la Pentecôte que le sens leur sera ouvert (cf. Fiche 3). De même les chrétiens ne peuvent pénétrer la parole de Dieu qu’avec la lumière de l’Esprit. L’Esprit est la mémoire vivante du Christ.

2. L’Esprit Saint dans la communauté affrontée à la haine du monde :

Jn 15, 26-27 (Texte 4 en annexe) Ce passage se lit au terme du chapitre 15 dans lequel Jésus, à travers l’allégorie de la vigne, explicite le lien qui l’unit à ses disciples. Il est caractérisé par la répétition du verbe « demeurer » : « Demeurez en moi... demeurez dans mes paroles... demeurez dans mon amour... » (Jn 15, 4.5.6.7.9.11.16). Au v. 18 le ton change : à l’amour s’oppose la haine. « Si le monde vous hait, sachez qu’il m’a haï le premier » - Communauté de destin : ceux qui sont unis au Christ sont exposés au même rejet que lui (15, 20-21). L’évangéliste fait allusion ici à la situation de la communauté chrétienne primitive, confrontée à l’opposition du judaïsme pharisien à la fin du 1er siècle. C’est « le monde », qui refuse de croire en Jésus, qui a de la haine contre ses disciples (7 fois le verbe ‘haïr’ dans les v. 18-25 !). L’hostilité qu’a rencontrée Jésus (cf. chapitres 5 à 12) continue dans le présent des disciples et de la communauté. « Quand viendra le Paraclet que moi je vous enverrai... » : C’est la grande promesse de la Pentecôte. Quand les apôtres auront reçu l’Esprit de la vérité, ils pourront témoigner de tout ce qu’ils auront vécu dès le commencement avec Jésus.

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A la différence de 14,16 et 26, c’est Jésus (et non le Père) qui enverra le Paraclet ; mais il l’enverra « d’auprès du Père ». La traduction liturgique choisit le verbe « procéder », qui est employé dans le Credo de Nicée-Constantinople (381) pour exprimer l’origine de l’Esprit dans la Trinité. Ici il s’agit de sa mission dans le temps qui est de « témoigner » sur Jésus. « Il me rendra témoignage... vous aussi vous témoignerez... » v.26.27 Le verbe « témoigner » (martureô) apparaît ici 2 fois (sur 33 emplois dans l’évangile de Jean !) : pour qualifier une fonction du Paraclet et des disciples de Jésus. Ce témoignage vise à faire entrer dans la vraie connaissance du Fils et de sa mission, qui est de révéler le Père. Le témoignage des disciples, et des croyants après eux, vient de l’Esprit et concerne aussi la personne de Jésus, fortement présente dans les v. 26 et 27 : « que MOI, je vous enverrai » ; en ma faveur » (littéralement « à propos de MOI ») ; « vous êtes avec MOI ». L’Esprit rend témoignage du Christ aux disciples et par eux au monde. Le témoignage des envoyés est le fait d’hommes qui ont partagé la vie de Jésus depuis le début de son ministère (cf. Ac 1,21), mais aussi conjointement le fait de l’Esprit de vérité qui leur assure l’intelligence profonde du Christ et qui donne ainsi à la prédication de ces hommes sa véritable force et sa vérité (Ac 5,32)

3. Vivre par l’Esprit Saint dans un monde où continue le procès de Jésus : Jn 16, 7-11 et Jn 16, 12-15 (Textes 5 et 6 en annexe)

Le but des discours d’adieu est d’affermir la foi menacée des croyants afin d’endiguer le danger de renier sa foi. La situation des disciples dans le monde n'est pas allée dans le sens de l'apaisement. " Le Procès fait à Jésus" continue à travers le procès fait à ses disciples. Ils sont exposés à l'hostilité du " monde " (16, 1-4a) ; mais le départ de Jésus est la condition nécessaire pour que vienne le Paraclet (16, 7) ; celui-ci agira face au monde pour ‘réhabiliter’ Jésus (8-11) et il conduira la communauté dans la vérité tout entière (12-15). Les deux textes proposés ici sont les deux derniers passages où est exprimé le rôle de l'Esprit. Le premier texte tourné vers le face à face avec "le monde", le second tourné vers l'approfondissement continuel de la connaissance de Jésus par le Maître intérieur qu'est l'Esprit de vérité. 1) Des questions pour aborder ces deux textes : - Relevez les verbes qui sont au futur : Après les versets qui parlaient de l’Esprit Saint aux chapitres 14 et 15, qu’apprenons-nous de plus à son sujet ? - v. 9 " en fait de péché " : en quoi cela consiste-t-il ? v. 10 " en fait de justice " : qui est le Juste ? v. 11 " en fait de jugement" : qui va être jugé ? (voir lexique ci dessous). - Soulignez tout le positif du texte V. Pourquoi Jésus n'a-t-il pas tout dit ? Quel rôle a-t-il laissé à l'Esprit ? 2) Des précisions lexicales

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* glorification : Dieu " glorifie " en faisant participer à sa " gloire " (à ce qui fait " le poids " en Dieu : sa vie, sa sainteté, sa puissance, son rayonnement, son amour) ; c'est ainsi que le Père glorifiera Jésus en sa passion (Jn 12, 28). L'homme " glorifie " Dieu quand il reconnaît et fait reconnaître la gloire de Dieu, pas seulement par la parole, mais par le don de sa vie. L'Esprit " glorifiera " Jésus, en le faisant reconnaître par les disciples pour celui qu'il est vraiment, le Fils, qui participe entièrement à la gloire du Père *péché : dans le IVème évangile, il arrive au terme ‘péché’ d'être employé au sujet de fautes religieuses particulières (9, 34), mais il désigne surtout, au singulier, le péché par excellence, " le péché du monde " (1, 29), qui consiste à se fermer à la parole de Dieu portée par Jésus (8, 21 ; 9, 41 ; 15, 22-24 ; 16, 8). Étant un refus de la révélation de Celui qui est l’Envoyé du Père, le péché est une révolte contre Dieu. 3) Pistes d’interprétation L'évangile de Jean présente le ministère public de Jésus, culminant dans la passion, comme un immense procès, toujours en cours. Jésus fait le procès du monde et le monde fait le procès de Jésus. Apparemment " le monde " l'a emporté et il continue de mettre les croyants en accusation. a) Dans le " procès " fait à Jésus, le Paraclet le réhabilite (16, 7-11), - « Je vous dis la vérité : c’est votre intérêt que je parte » (v.7) : paradoxe ! Il faut que Jésus s’en aille pour permettre la venue du Paraclet en eux et demeurer ainsi présent dans la communauté après Pâque. Les disciples auront ainsi non seulement un Défenseur mais aussi un interprète pour mieux le comprendre. - Les v.8-11 expriment le rôle du « Paraclet-Esprit de vérité », à la fois juge et avocat: « établir la culpabilité du monde », c’est-à-dire de l’humanité qui refuse la personne et la révélation apportée par Jésus , et par là même réhabiliter Jésus : . « en matière de péché / ils ne croient pas en moi’»: le péché par excellence est le refus de reconnaître Jésus comme l'Envoyé du Père (cf. 8,24 ; 9,30-41 ; 15,22-24) et, c'est un comble, de le considérer comme " pécheur " quand il se présente ainsi ; mais c'est l'inverse qui est vrai, comme le montrera la venue de l'Esprit ; . « en matière de justice / je retourne au Père » : c'est Jésus qui est le Juste par excellence,

et le monde qui est " pécheur " ; le signe en est sa glorification auprès du Père qui a reconnu son Fils dans la fidélité de son amour jusqu'à la Croix ; l'invisibilité du Christ pascal n'est pas le signe de sa disparition , mais la conséquence de sa glorification (cf. lexique)

. « en matière de jugement /le Prince de ce monde est jugé» : il a été jugé (dans le sens de « condamné ») par Dieu lors de l’événement de la Croix. Le verbe « juger » est au parfait grec : Jésus est glorifié, le Prince de ce monde (Satan) est définitivement condamné., son pouvoir est

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illusoire. Il est important de noter que ce n’est pas « le monde » comme tel qui a été jugé par Dieu, mais son Prince ; le monde reste donc aimé par Dieu (cf. Jn 3, 16 – Fiche 2 : « Renaître de l’Esprit ») b) L’Esprit Saint conduira la communauté dans la vérité toute entière ( 16, 12-15) - « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais... » - Au-delà de tout ce que Jésus a dit aux siens, il reste beaucoup de choses qu’il voudrait leur confier, mais ils ne sont pas encore capables de les porter. Cela ne deviendra possible qu’après l’événement pascal (mort-résurrection-ascension-pentecôte): l’Esprit guidera les disciples (= les fera cheminer comme en un nouvel Exode) jusqu’à la vérité, c’est-à-dire Jésus lui-même comme accomplissement de la parole du Père. « Il vous fera connaître les choses à venir... » : il ne s’agit pas de prédiction, mais à chaque époque l’Esprit éclaire les événements à la lumière de la révélation. C’est le sens de tout le travail de la théologie qui actualise la révélation : l’intelligence croyante au service de la vérité sous la conduite de l’Esprit. - Le passage s’achève sur deux versets particulièrement trinitaires (v. 14-15) : L’Esprit reprend ce que le Fils a été et a apporté et qui vient du Père.

4. En résumé :

* quel est le rôle de l’Esprit Saint ? Il n’est pas défini de manière théorique, mais en fonction de ce qu’il fait :

- Il conduit à la vérité (d’où son nom ‘Esprit de Vérité’) - Il enseigne les disciples et leur rappelle tout ce que Jésus a dit - Il joue un rôle dans la relecture et la mémoire des événements que Jésus a vécu - Il révèle aux disciples toutes choses - Il juge le monde. * Quelles sont ses relations ? Il vient du Père. Il témoigne du Fils et glorifie Jésus. Il est présent aux côtés des disciples pour les guider, les soutenir et les défendre en tant qu’ ‘avocat’.

Récapitulation

1 - L'Esprit de vérité est " un autre Paraclet ", un autre Christ, pourrait-on dire Les mêmes verbes qui caractérisent l'envoi et la présence de Jésus auprès des disciples caractérisent aussi l'envoi et la présence de l'Esprit : " venir du Père " , " être envoyé par le Père ", " être donné par le Père ", " pas accueilli par le monde mais par les seuls croyants ", " vu par les seuls croyants ", il est avec et dans les disciples, " il demeure " auprès d'eux, " il ne parle pas de sa propre autorité ", " il rend témoignage ", " il enseigne ", " il conduit à la vérité " ; " il communique ". Toutes les fonctions du Paraclet sont relatives au Fils, à la révélation dont il est porteur ; leur but est l'adhésion toujours plus profonde des croyants à Jésus et le témoignage assuré qu'ils lui rendent dans le monde.

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2 - On peut regrouper sous trois verbes les fonctions de l'Esprit de vérité: - " être avec " et même " être en " : réalisation de l'Alliance. L'évangile de Jean, sans méconnaître la mission (témoignage), souligne d'abord le rôle de " l'Esprit de la vérité " qui consiste à faire des disciples de véritables disciples. - " enseigner " : à l'image de la Sagesse éducatrice, l'Esprit de la vérité interprète la révélation : la Parole de Jésus. Enseignement qui fait de lui la mémoire vivante de Jésus. - " témoigner " : l'Esprit intervient dans une communauté qui reste dans le monde où se prolonge " le procès " fait à Jésus et qui doit souvent l'affronter ; il en fait aussi des témoins qui relaient la parole de Jésus à ceux de ce " monde " qui pourraient devenir croyants.

Paul Bony, Au souffle de l’Esprit, Marseille 2008

II. Des questions pour intérioriser, laisser les paroles de l’Écriture résonner en soi, pour entendre une Parole vivante, et pour échanger

- « Pour accueillir la Révélation, l’homme doit ouvrir sa conscience et son cœur à l’action de l’Esprit Saint qui lui fait comprendre la Parole de Dieu présente dans les Écritures Saintes »

Benoît XVI, La Parole du Seigneur, n°25

Quelle place donnons-nous à l’Esprit-Saint lorsque nous lisons la Bible ? Partageons notre expérience. - Qu'est-ce que cela veut dire pour moi aujourd'hui : "accueillir l'Esprit- Saint" ? (Le recevoir, Le voir, Le reconnaître). Quels sont les signes, ces derniers temps, de Son action dans l’Église, dans la société ? - Dans quelles circonstances ai-je eu l'occasion de reconnaître la présence de l'Esprit ? Et que l'Esprit-Saint se fait l'avocat de ma foi ? - En relisant les 5 textes, quelle expression résonne particulièrement en moi ? A quoi m’invite-t-elle ? - Au terme de ce parcours qu’ai-je découvert d’essentiel sur l’Esprit Saint ? En quoi ma foi, ma vie, mes engagements s’en trouvent-ils enrichis, transformés ?

III. Pour prier

- Chant : Ouvrez vos cœurs – K 79 - Prière sous forme litanique (qui reprend les étapes du parcours de l’année) Tous – Béni sois-tu, Esprit saint Lecteur : - Esprit Créateur, au commencement Tu planais sur les eaux, par ton souffle tous les êtres ont reçu la vie. - Béni sois-tu, Esprit saint - Conseiller admirable, sous ton inspiration les prophètes ont rendu témoignage à la Parole de Dieu ...

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- Tu as préparé la Vierge Marie à devenir la mère du Seigneur... - Tu es descendu sur Jésus au jour de son baptême... - Tu l'as conduit au désert... - Tu l’as assisté dans sa proclamation du Royaume... - Tu es descendu sur les apôtres pour les rassembler dans une communion nouvelle, l’Église de Pentecôte... - Tu nous as engendrés à la vie d’enfants de Dieu... - Toi qui pries au-dedans de nous... - Toi notre Défenseur et notre Consolateur... - Jésus nous a promis que tu seras toujours avec nous et en nous... - - Fais de nous des témoins vivants de l'Évangile Béni sois-tu, Esprit saint

- Veni Creator 1 Viens, Esprit créateur, nous visiter, Viens éclairer l'âme de tes fils, Emplis nos cœurs de grâce et de lumière, Toi qui créas toute chose avec amour. 2 Toi le don, l'envoyé du Dieu très haut, Tu t'es fait pour nous le défenseur. Tu es l'amour, le feu, la source vive, Force et douceur de la grâce du Seigneur ! 3 Donne-nous les sept dons de ton amour, Toi le doigt qui œuvre au nom du Père, Toi dont il nous promit le règne et la venue, Toi qui inspires nos lèvres pour chanter. 4 Mets en nous ta clarté, embrase-nous, En nos cœurs répands l'amour du Père. Viens fortifier nos corps dans leur faiblesse, Et donne-nous ta vigueur éternelle.

5 Chasse au loin l'ennemi qui nous menace, Hâte-toi de nous donner la paix, Afin que nous marchions sous ta conduite, Et que nos vies soient lavées de tout péché. 6 Fais-nous voir le visage du Très-Haut, Et révèle-nous celui du Fils, Et toi l'Esprit commun qui les rassemble, Viens en nos cœurs, qu'à jamais nous croyions en toi. 7 Gloire à Dieu notre Père dans les cieux, Gloire au Fils qui monte des enfers, Gloire à l'Esprit de force et de sagesse, Dans tous les siècles des siècles. Amen

- Karl Rahner

Viens, Esprit du Père et du Fils. Viens, Esprit d’amour. Viens, Esprit d’enfance, de paix, de confiance, de joie. Viens, allégresse secrète qui brille à travers les larmes du monde. Viens, vie plus forte que nos morts d’ici-bas. Viens, père des pauvres et avocat des opprimés. Viens, Lumière de l’éternelle vérité et Amour répandu en nos cœurs. Viens et renouvelle et amplifie ta visite au-dedans de nous-mêmes.

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C’est en toi que nous mettons notre confiance. C’est toi que nous aimons, car tu es toi-même l’Amour. En toi, nous avons Dieu pour Père, parce que au-dedans de nous-mêmes, tu cries : ’’Abba, Père bien-aimé !’’ Demeure en nous, ne nous abandonne pas, ni dans l’âpre combat de la vie, ni à l’heure où il touchera à son terme et où nous serons tout seuls. Viens, Esprit-Saint !

ANNEXE Présence de l’Esprit Saint dans une communauté "orpheline "de Jésus

Texte I : Jn 14, 14-17 14 Si vous me demandez quelque chose en mon nom, je le ferai. 15 Si vous m'aimez, vous garderez mes commandements 16 et je prierai le Père et il vous donnera un autre Paraclet, pour qu'il soit avec vous à jamais, 17 l'Esprit de Vérité, que le monde ne peut pas recevoir, parce qu'il ne le voit pas ni ne le reconnaît

. Texte II : Jn 14, 25-26 25 Je vous ai dit cela tandis que je demeurais près de vous. 26 Mais le Paraclet, l'Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que je vous ai dit.

Vous, vous le connaissez, parce qu'il demeure auprès de vous et il sera en vous.

L’Esprit Saint dans la communauté affrontée à la haine du monde

Texte III : Jn 15, 26-27 15 26 Lorsque viendra le Paraclet, que je vous enverrai d'auprès du Père, l'Esprit de vérité, qui vient du Père, il me rendra témoignage. 27 Mais vous aussi, vous témoignerez, parce que vous êtes avec moi depuis le commencement.

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Vivre par l’Esprit Saint dans un monde où continue le procès de Jésus

Texte IV : Jn 16, 7-11 16 7 Cependant je vous dis la vérité : c'est votre intérêt que je parte ; car si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous ; mais si je pars, je vous l'enverrai. 8 Et lui, une fois venu, il établira la culpabilité du monde

en fait de péché, en fait de justice et en fait de jugement : 9 de péché, parce qu'ils ne croient pas en moi ; 10 de justice, parce que je vais vers le Père et que vous ne me verrez plus ; 11 de jugement, parce que le Prince de ce monde est jugé.

Texte V : Jn 16, 12-15 16 12 J'ai encore beaucoup à vous dire, mais vous ne pouvez pas le porter à présent. 13 Mais quand il viendra, lui, l'Esprit de vérité, il vous introduira dans la vérité tout entière ; car il ne parlera pas de lui-même, mais ce qu'il entendra, il le dira et il vous fera connaître les choses à venir.

14 Lui me glorifiera, car c'est de mon bien qu'il recevra et il vous le fera connaître. 15 Tout ce qu'a le Père est à moi. Voilà pourquoi j'ai dit que c'est de mon bien qu'il reçoit et il vous le fera connaître.

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