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Vivre les différences 35 ans de l’ ASF en France

Vivre les différences / 35 ans de l’ASF en France

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Gestaltung einer Broschüre anläßlich 35 Jahre Arbeit von Aktion Sühnezeichen Friedensdienste in Frankreich. Eine Produktion von Fabian Hickethier für Aktion Sühnezeichen Friedensdienste (1997). Leistungen: Konzeption, Bildredaktion, Gestaltung, Reinzeichnung.

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Vivre les différences35 ans de l’ASF en France

«De Jeunes Allemands Pro­testants construisent à Taizé une église en signe de récon­ciliation et d'expiation» – voici le titre de l’article paru dans «Le Monde» du 23 mai 1961 en réaction au début des activités de l’ASF en Fran­ce. Invités par Frère Roger Schütz de la Communauté de Taizé, des groupes de l’ASF ont construit cette égli­se, sym bole d’un nouveau rapprochement après la Seconde Guer re mondiale. D’autres chantiers, com me celui de la con struction de la synagogue de la Fraternité à Villeurban ne, ont suivi.

Les services de paix des vo lontaires se sont par la suite allongés à 18 mois dans le but d’aider à combat tre les différentes formes d’ex­clusion so ciale au sein d’une initiative française. Quelle est l'importance de ce travail dans le ca dre des relations franco­allemandes, primor­diales pour une véritable construction eu ropéenne?

Cette brochure, qui pré­sente des expériences de coopération telles qu’elles sont vé cues quotidienne­ment sur le terrain, fournira quelques ré ponses. Elle reflète les im pres sions des volontaires ainsi que celles de nos partenaires. Il y est question d'apprentissage interculturel et entre gé néra tions, d’évolution des men ta lités, de connaissances, de par tages, d’attentes et des né cessités d'une coopé­ration pour construire l’ave­nir en sem ble.

Le rôle de la mémoire est également souligné, au mo ment où de plus en plus de survivants de cette épo­que disparaissent. Pour la plupart des gens apparte­

nant aux générations suivan­tes, la tragédie de la Seconde Guerre mondiale est loin. Cependant, durant leur séjour à l’étranger, les volon­taires s’aperçoivent que le passé national­so cialiste détermine aujourd’hui enco­re les mentalités collecti ves

et les identités individuel les, même si plus decinquante ans nous séparent de la fin du IIIème Reich.

Quelles perspectives donc pour notre action? Quel doit être notre rôle face aux «nouveaux» défis de notre époque, tels que le chômage, l’exclusion politique et sociale, les craintes vis­à­vis d’une Union Européenne essentiellement écono mique, les conflits violents en Bosnie, en Tchét chénie, etc.?

ASF, en lançant un projet pilote, envisage de renforcer ses échanges internationaux. Il s’agit d’inviter des volontaires des Pays­Bas, de France, de Grande­Bretagne et de Pologne à effectuer un service volontaire en Allemagne, en s’engageant pour la transmission de la mémoire, con tre le Racisme, pour les deman­deurs d’asile et les réfugiés politiques. Ce volontariat international aiderait à développer quantitativement et qualitativement l’échange dans ces domaines d'activité essentiels pour une véritable construction eu ropéenne.

Nous remercions vivement nos partenaires pour leur coopération ainsi que l’Ambassade de la Ré publique Fédérale d’Allemagne qui nous a permis, par sa contribution financière, de publier cette brochure. Nous sommes à la disposition de tou tes les organisations qui sou­haiteraient de plus amples informations.Regine Schröer, Coordinatrice de l’ASF en France et en Belgique francophone.

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Préface

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Préface page 2

Chronologie de l’Aktion Sühne­zeichen/Friedensdienste page 5

Aktion Sühnezeichen en France page 6

Partenaires en France et en Belgique francophone page 8

Les expériences de partenariat – Témoignages des partenaires et des volontaires page 9

Statuts des volontaires de l’ASF en France et en Belgique franco­phone page 18

Pour toute information, adressez­vous au:

Comité d'ASF

10, rue de Trévise75009 ParisTél./Fax: 01.42.46.92.32

Copyright: Aktion Sühnezeichen/Friedensdienste, janvier 1997

Nous remercions la maison d’édition «Fontshop Berlin» pour le soutien logiciel et technique qu’elle nous a fourni pour la parution de cette brochure.

Réalisation: Fabian Hickethier, Manfred Rausch, Regine Schröer

Assistance linguistique: Dominique Baldassare, Hervé Dinh, Sarah NihoulAssistance technique: Dirk Sievers, Bruno Lefèvre

Photos: Archives de l’ASF (pages 4, 6, 7); Heiko Brandes (13); Matthias Briechle (12); Emmaüs Poitiers (2, 11); Eric Falkenhahn (5, 16); Philipp Herrmann (2); Fabian Hickethier (2); Chris Jasch (2, 14, 15); Fabian Klotz (12); Carsten Herzberg (5, 10, 12); Claudia Pritzlaff (9); Manfred Rausch (4); Peter Reinhard (2, 5); Christian Rühl (2, 3); Regine Schröer (2, 17).

Dessins: Fabian Hickethier

Imprimés par les presses de l’imprimerie TRIGGER à 10999 Berlin.

S o m maire

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Chronologie de l’Aktion Sühnezeichen

1958 Appel fondateur par Lo thar Kreyssig lors du synode de l’église protestante: «Nous demandons la Paix».

1959 Premiers chantiers aux Pays­Bas et en Norvège.

1961 Le travail de l’ASF en Fran ­ce debute avec la con struction de «l’Eglise de la Réconcilia tion» de Taizé.

1962 Construction de la syna­gogue de Villeurbanne, la pre mière au monde à être bâtie par des Chrétiens.

1963 A Salernes dans le Var, des volontaires construisent un système d’irrigation pour la famille d’un émigré juif al lemand.

1967 Construction de quel­ques parties de l’enceinte du cimetière juif de La Boisse, près de Lyon.

1968 L’ASF ajoute à la dénomi­nation initiale de Aktion Süh­nezeichen le terme de «Ser vi ce pour la Paix».

1971 Accord entre l’office fé déral pour le service civil de la RFA et l'ASF permettant aux jeu nes allemands reconnus com me objecteurs de conscience d’ac­complir un service social pour la paix de 18 mois à l’étran ger. 30 jeunes volontai res en France effectuent leur service dans le domaine social.

1976 Début du travail des volontaires à St­Jean­le­Blanc, en milieu rural (Nor­mandie).

1980 L’ASF tient un rôle im portant au sein du mou ve­ment de paix en Allemag ne.

1986 Inauguration du cen tre international de rencon­tres de jeunes à Oswieçzim (Auschwitz) en Polo gne, con­struit par l’ASF.

Des Années 80 à nos jours: Le champ d’acti­vité des volontaires

s’élargit: le service s’étend au domaine de l’éducation

civi que au sein d'organisations s’occupant de sujets brûlants de notre société, comme l’environ­nement, le sida, la pérennité de la mémoire de la Shoah.

Organisation de multiples initiatives fran­co­allemandes au sujet de la transmission de la

mé moire (voyages d’études, sondage auprès de ly céens français au sujet du procès Barbie, Projets d’Action Educative, échanges scolaires, colloques internationaux).

Rencontres franco­allemandes ayant pour su jet la paix, l’objection de conscience en

Europe, l'iden tité européenne.

Organisation de séminaires internationaux sur le volontariat international, au sujet de la

situation des réfugiés, sur les conséquences de la Guerre du Golfe et sur les minorités en Europe.

1993 La loi française permet à des objecteurs fran­çais de partir pour une mission de longue durée à l’étran­ger. Beaucoup partent en Allemagne dans le cadre du projet BILBO en partenariat avec l’ASF.

Dé but des chantiers d’été trinationaux en France orga­nisés par des volontaires.

1996 150 volontaires de l’ASF dans 12 pays européens ainsi qu’en Israël et aux Etats­Unis.

La première volontaire française part dans le ca dre du projet pilote de l’ASF, «Invitation de volontaires venant des pays partenaires», en Allemagne pour faire un servi­ce au mémorial de Buchenwald.

de l’ A k tion Sühnezeichen/Friedensdienste (ASF) Action Signes de Réconciliation/ Services pour la Paix

«Après la fondation de l’Aktion Sühnezeichen en 1958 nous avons du nous rendre compte qu’il était impossible de com­mencer le travail en Pologne, en Russie et en Israël, car les blessures de la guerre étaient trop profondes (...). Mais grâce aux contacts oecuméniques, des demandes arrivèrent de la Nor­vège, des Pays­Bas, de l’Angle­terre, de la Grèce et également d’Israël grâce à l’aide des juifs hollandais.

Des invitations vinrent de la France: La fraternité oecuméni­que de Taizé nous a demandé de construire l’église de la récon ciliation; l’Eglise Réformée nous a demandé de transfor­mer un vieux château prês de Lyon en une école de formation pour des pasteurs; le consul allemand de Lyon, le comte York von War tenburg, que je connaissais de puis la Résistance et comme co détenu de la pri­son de la Gesta po de Berlin, a

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« » en France

inspiré à des juifs, qui ont survécu en France (...), de nous demander la con struc­tion d’une synago gue. Cette synagogue devait devenir dans le monde juif le symbo­le fort d'un rapprochement après (...) la Shoah.

Ces demandes étaient pour nous des projets qui nous don naient l’occasion de réa­liser notre mission.

Après ces constructions, à l’intérieur desquelles nous avons pu participer à la vie chaleureuse et surprenante qui s’y était développée, de nouveaux contacts se sont

créés avec des groupes juifs en France,(...) avec des initiatives chrétiennes comme la Cimade qui était déjà active dans la résistance au profit des juifs, des réfugiés et des persécutés.

Ces partenaires nous ont demandé de ne pas arrêter les activités après la fin des chantiers mais d’approfondir la réconci­liation. Les contacts déjà établis se sont approfon­dis au cours des décen­nies suivantes. De nou­veaux partenaires qui avaient à coeur la récon­ciliation ont pris contact

* Terme du protestantisme allemand pres que intraduisi­ble, «Sühne» signifie pour les fondateurs le besoin de reconnaître la res ponsabilité allemande pour les crimes com mis pendant l’époque nazie. En envoyant des jeu nes à l’étranger, les membres du mouvement cherchaient à jeter les bases d’une réconciliation avec les pays victimes de la guerre. La traduction en français est «Action Signes de Réconciliation».

** Franz von Hammerstein, 75 ans, pasteur et mem­bre du mouvement résistant protestant contre le nazisme, «l’Eglise con fessante», a été arrêté après le 20 juillet 1944 – date de l’attentat échoué contre Hitler. Incarcéré à la prison de la Gestapo de Berlin et ensuite rescapé des camps de Buchenwald et de Dachau jusqu’à la libération, il est cofondateur de l’Aktion Süh nezeichen. Toujours actif dans l’association depuis 1958, il est aujourd’hui le porte­pa role du curatorium de l’ASF.

Aktion Sûhnezeichen en France

avec nous. Les volontai­res de la première heure (...) ont developpé les ami tiés et se sont enga­gés pour la réconciliation avec les juifs, les immi­grés et les étrangers de façon mul tiple.

Au début, certains nous ont reproché en RFA d’être des traîtres mais le nombre de volontaires et de donateurs, qui ont four ni l’argent nécessai­re, a augmenté. Sous l’in­fluence de Rosenstock­Huessy (écrivain et philo­sophe hollandais) et d’Ar thur Gillette (direc­teur de la division de la jeunesse à l’UNESCO), nous sommes devenus une partie d’un mouvement non­violent de volontai­res pour la paix et la jus­tice sociale. Sühne zei­

chen a dans ce mouvement une mission spécifique: les relations judéo­chrétiennes, le travail avec les victimes de la terreur et de la violence, avec des persécutés pour des raisons racistes (...). Ces activités, nous les partageons de plus en plus avec des gens des autres pays et notamment des français.»Franz von Hammerstein, cofon­dateur de l’ASF. **

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CCSC (Comité de Coor dina­tion pour le Service Civil, Evry), CDJC (Centre de Docu­mentation Juive Contempo raine, Paris), Fondation Auschwitz (Bru­xelles), Comité Inter­national d'Auschwitz

(Bruxelles)

Escures (St­Jean­le­Blanc), Cimade (Massy), Centre Pierre Valdo (An drézieu­Bou­théon), Foyer Grenelle (Paris)

Accueil et Service SOS Troisième Age (Lille, Paris), Aux Chênes de Mambré (Tournai), Communauté Emmaüs (Naintré, Poitiers, Tourcoing), Commu nau té de l’Arche (St. Remy­les­Chevreuse, Wam bre chies), Cimade

(Marseil le), Convivence (Bru xelles), l’Echappée (Con drieu), le Gîte (Car nas), Résidence Martin Luther King (Lille), la Solidarité (Limours), Maison d'Accueil le Gué (le Poèt­Laval)

St. Jean­le­BlancEvry

Massy

ParisLimours

St. Remy­ les­Chevreuses

Poitiers

Naintré

An drézieu­Bou théon

Condrieu

Le Poèt­Laval

Marseille

Carnas

Tourcoing Tournai

Bruxelles

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Wambrechies Lille

Les P a r t enaires en France et en Belgique francophone

au 1er janvier 1997

Le mouvement de l’Arche, répan­du dans le monde entier, a été fondé en 1964 par Jean Vanier.«L’Atre, communauté de l’Arche, est un lieu de vie pour des per­sonnes adultes ayant un handicap mental. Des volontaires, que nous appelons “assistants”, choisissent de vivre en communauté avec elles pour un temps plus ou moins long. Vivant ensemble, entre 10 et 12 personnes dans la même maison, nous partageons tout ce qui fait la vie quotidien­ne, dans un esprit de relations fraternelles mais aussi avec une exigence professionnelle: le rôle des assistants est d'accompagner les personnes dans leurs difficul­tés, les aider à progresser vers un maximum de sérénité, de maturi­té et d'autonomie en fonction de leurs capacités.

Il y a 11 ans, nous accueillions le premier volontaire de l’ASF et depuis, 4 autres sont venus tour à tour partager la vie de l’Atre. Nous avons chaque fois été frap­pés par le sérieux de l’engage­ment de ces jeunes, leur sens de la responsabilité, leur réflexion sur le sens de ce qu’ils sont en train de vivre, leur respect pour ce qui nous environne, la nature, la vie. Leur travail avec l'ASF en fait des personnes ouvertes et qui recherchent un dialogue vrai et sincère (...).

L’Arche se veut solidaire de tous ceux qui, dans ce monde, travaillent à la paix, à l’unité, croient à la valeur et à la dignité de toute personne, créent des ponts entre riches et pauvres (...).»Renée Stroucken, Directrice

«Durant ces premiers mois, ma position vis­à­vis du handicap a com­plètement changé. Au début, je voulais connaî­tre dans les détails le handicap de chaque personne; maintenant, cette question n’est plus aussi importante. Les amitiés nouées et le peu d'importance accordé au handicap ont fait s’effondrer beaucoup de barrières dans ma tête. C’est ainsi que se crée une île sans différences mais sans mettre au même niveau les per­sonnes handicapées et non­handicapées. Ce sont mes co­résidents handicapés qui m'ont montré comment on peut vivre dans le pré­sent.»Christian Rühl, volontai­re en 1995­1997.

L’A t re , Communauté de l’Arche à Wambrechies (Nord) (9

Les expériences de partenariat – Témoignages des partenaires et des volontaires

«C’est en 1982 que commence avec une char­mante jeune fille la désormais longue liste des volontaires dans notre foyer de Limours (Essonne).

Cette résidence, créée grâce à Monsieur Carlo Schmid pour venir en aide à des survivants du natio­nal­socialisme, est située dans un ancien château à trente km de Paris. C’est là que des bénévoles de l’ASF continuent à remplir leur tâche en prêtant assistance aux pensionnaires, ce qui n’est pas toujours facile pour eux compte­tenu des différences d’âge, d’ori­gine et de langue. Cepen dant, grâce à leur formation et à leur esprit d’équipe, leur travail s’est toujours accompli sans heurts et ils ont tous laissé de bons et amicaux souvenirs.

Pendant plusieurs années, nous avons pu mettre à la disposition de l’ASF un des appartements appartenant à La Solidarité pour y loger des volontaires qui, eux, s'occupaient de nos membres âgés demeurant dans Paris ou en banlieue. Pour ces jeunes gens aussi, nous nous sommes félicités de leur dévoue ment et de leur com pétence en di verses circonstan ces.

Je ne veux pas terminer sans men tionner aussi la co opération de vo tre orga­nisation à la reconstruction de la Synagogue de Villeurbanne.

En conclusion, permettez­moi de vous dire que La Solidarité apprécie grande­ment votre oeuvre pour Sühnezei chen und Frie densdienst, votre devise (...).»Ernest Lamm.

«Limours est un monde incompara­

ble,(...) excitant, in quiétant, presque

mystique et aussi triste. J’ai fait des

expériences très intéressantes, mes

positions vis­à­vis des personnes âgées

d’une manière générale ont changé et

je vais garder encore longtemps des

souvenirs de cette période. Je n’oublie­

rai pas les ma mies, j’ai gagné des

impressions pour la vie, j’ai du mal à

les formuler, (....) je sens un peu de

nostalgie pour cette maison de retraite,

qui aurait pu prédire cela? (...)»

Sebastian Holtmann, volontaire en

1996.

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L a S o l i d a r i t é des Refugies Israelites à Paris

«Pour nous, à la Commu nau­té de Chatellerault, j’y ai vu la possibilité d’une ouvertu­re à une autre culture, une autre mentalité et à une con­frontation culturelle entre des jeunes. La guerre de 39 à 45 et le nazisme: quelle mé moire existe chez les jeu­nes Français et Allemands? Je ne pense pas que cet échange eut réellement lieu.

Il me semble que des efforts sont à faire de part et d’au­tre, entre partenai res (...).

Accepter la con frontation entre vous, volontai res ayant vécu le plus souvent une en fance heureuse, peu mûris par les difficultés de la vie et des jeunes compagnons qui sont très mûrs, de par les ga lères vécues, des vies familia les disloquées.

Le temps vécu avec Daniel m’incite à renouveler l’accueil d’un volontaire de l’ASF. La rencontre est source d’enrichissements mutuels, difficilement per­ceptibles parfois, mais je suis sûr que ce n’est pas du temps perdu».Bruno Pagot, responsable de la Communauté Chatellerault.

«(....) J’ai l’impression d’avoir trouvé ma place dans la Communauté. (....) J’ai non seulement trouvé une bonne façon de partager réellement la vie dans la communauté, mais aussi à travers ça, un sens pour vivre ici en étant volontaire de l’ASF.

Les démar ches d’Em­maüs, c’est­à­dire agir contre l’exclusion, et cel les de l’ASF, agir contre l’amne­sie des faits du IIIème Reich, qui étaient l’exclu­sion par excellence, vont très bien ensem ble, surtout parce qu’il y a d’abord un échange réel avec les Compag nons et surtout parce que nous arrivons à bien vivre en semble mal­gré nos différences et les problèmes qu’elles peuvent poser dans la vie quoti­dienne».Daniel Ficker, volontaire en 1995­1997.

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C o m munauté E m maüs à Chatellerault (Vienne)

Les expériences de partenariat – Témoignages des partenaires et des volontaires

«Il y a plus de 20 ans aujourd’hui, Accueil et Service se lançait dans une formidable aventure humaine et socia le. Durant cette période, nom­breux sont les jeunes de l’ASF qui ont partagé, avec l'association, les actions entre prises au bénéfice des personnes handicapées par l’âge ou la maladie (...).

Les personnes âgées que nous suivons ont vé cu les dures épreuves de la seconde guerre mondiale. La relation profondément humaine et so ciale qui se créée entre les jeunes vo lontaires al lemands de l’ASF et ces personnes âgées est sy nonyme d’oubli et de partage et ne peut qu’être bénéfique à nos deux na tions. La rencontre entre une per­sonne de 85 ans et un jeune de 20 ans est cel le du souvenir et de l’avenir. Cette rencontre permet de briser, pour quelque temps, la profonde solitu­de des personnes âgées (...).»Pierre Gehin, responsable du service «Dépannage» de

12) «Dix­huit mois! C’est un bout de vie du rant laquelle mes façons de voir, d’être et de penser ont mûri. J’ai découvert une autre manière de travailler, une équipe motivée autour d'un projet de vie, d’un projet social. C’est une expérience fonda­mentale dans ma vie, une aventure humai­ne (...).

Je me souviendrais toute ma vie de cette personne âgée, d’ori­gine polonaise, qui s’est effondrée en lar mes, dans mes bras et qui m’a raconté sa vie, com­bien elle avait souf­fert des Allemands, et de son incroyable étonnement pour la sérénité qui l’inon­dait au fur et à mesure qu’elle se confiait à ce jeune allemand que je suis (...).»Rainer Schulz, volon­taire en 1995­1996.

Accuei l et S e r v i c e SOS Troisième Age à Paris et à Lille

«Pourquoi choisir un allemand de l'ASF?Il semble à l’équipe absolument nécessaire (...) de tenir compte de ce qui a fait l’histoire de la per­sonne âgée. Car une personne âgée est une personne unique qui a vécu un certain nombre d’années, et est riche d’expérien­ces diverses (...). Elle a besoin de parler (...). De parler de ce qui la fait encore souffrir: la guerre, la per te d’un être cher. La confron­tation de deux générations, l’une française, l’autre allemande, qui se parlent, essayent de se com­prendre, aura énormément d’ef­fets sur l’une et sur l’autre. Pour l’une, cela atténuera la souffran­ce par une certaine forme de réconciliation, pour l’autre, cela encouragera la volonté ardente de construire un monde qu’elle veut croire pouvoir être meilleur (...).»Pierre Willefert, responsable de l’antenne de Lille.

Il s’agit d’une communauté chré­tienne qui assure l’accueil, l’héber­gement et l’accompagnement social pour des personnes sans abri à Tournai.«(...) En 1994, pour la première fois, une jeune volontaire s’intéresse à notre projet et se propose de nous accompagner, elle sera suivie par un autre, un garçon cette fois.

Notre expérience est donc limitée dans le temps, un peu plus de deux ans. Je peux cependant affirmer qu’elle est tout à fait positive. Leur peu de connaissances en français n'a pas posé de problèmes de communi­cation, ils ont montré une facilité d’in tégration assez étonnante et pourtant ils ont eu à vivre des situa­

tions très éprouvantes (...). Vivre dans un millieu culturel très défavo­risé, être disponible à tout moment, courir le risque de se faire “manger” par l’au tre, les autres, qui sont tou­jours de mandeurs d’affection (...). Le statut particulier du volontaire le fait participer à toutes les responsa­bilités de l’équipe animatrice et à la prise de décision. Ce n’est pas non plus facile puisqu’il lui faut aussi s’in tégrer et se faire reconnaître par l’équipe et cela ne va pas toujours sans mal! Je dois reconnaître que la réussite de ce partenariat est due à la qualité des jeunes volontaires avec qui nous avons travaillé et aux liens d'amitiés qui se sont créés au fil du temps.»Francis Dermaux, Diacre.

«Je vis (...) avec des personnes qui ne sont pas de ma culture, de mon cercle de vie, de ma société. Des gens dont j’avais souvent entendu dire que s’ils étaient dans une telle situation de pauvreté, c’était de leur faute: ils boivent, ils ne veu­lent pas travailler, etc.

Aujourd’hui, j'ai trou vé parmi eux de vérita bles compa­gnons, des amis. Mon regard a com­plètement changé. Je suis devenue plus sensi ble aux personnes marginalisées, je peux dire que maintenant elles oc cupent une place dans ma vie. Je crois bien que c’est alors moi qui suis fina­lement la première éduquée à la paix ici.»Sabine Knauber, volon­taire en 1994­1995.

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Aux C h ê n e s de Mambré à Tournai

Les expériences de partenariat – Témoignages des partenaires et des volontaires

«Le centre d’études et de documentation sur l'univers concentra­tion naire» de Bruxelles ré fléchit à une pédagogie convenable à la trans­mission de l’histoire récente, spéciale ment du nazisme.

«Nous avons eu le grand plaisir d’ac cueil­lir successivement au sein de no tre Fonda tion depuis 1989 Markus, Mar kus II, Chris, Johan­nes, Steffen, Hans­Jörg, (...) Hendrike et Hans­Chri stian, qui est tou­jours présent en ce mo ment, (les trois der­niers) au service du Comi té In ternational Auschwitz.

Tous se sont illustrés ou s’illustrent bril lam­ment dans leurs tâches réparties entre la gestion de notre Biblio thè que et le développement de mul tiples travaux tels que ceux relatifs à la réalisa­tion de la Rencontre Pé da go gique Internatio­na le “La mémoire d’Au­schwitz dans l’En seigne­ment” (Bru xelles, 1991), du Col loque Internatio­nal “Histoire et mé moi re des crimes et génocides nazis” (Bru xel les, 1992), et des deux Rencon tres Internationales consacrées aux en registrements au dio visuels des témoi­gna ges des rescapés des camps de con centration et d'extermination nazis (Paris, 1995 et Bru xelles,

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La Fondation Auschwitz à Bruxelles

1996), sans omet tre les éditions des Actes de ces tra vaux (...).

Nous espérons que cette forme de volontariat à l’étranger se pour suivra et même se développe­ra très fortement. Nous souhai­tons également qu'une telle for­mule puisse croître dans l’autre sens, partant de Belgique et de France vers l’Al lemagne et d'au­tres pays. Si toute la jeunesse avait la possibilité de vivre une telle expérience à l’étran ger au sein d’associations réfléchissant et travaillant tant sur l’Histoire et la Mémoire que sur la multipli­cité des thèmes relatifs aux notions d’intégration – et de

différen ciation – culturelle (mais également éco­nomique et politi que), des liens et des relations durables s’installeraient nécessairement pour le plus grand bé néfice de tous (...).»Daniel Weyssow, Collaborateur Scien tifique.

«On a appris à se connaître (...) de personne à person­ne. Nous avions découvert que nous avons des tas de choses à nous dire. Nous avons pris conscience de nos différences d’évalua­tion même si nous sommes tous d’ac­cord pour lutter contre le fascisme.»Philippe, étudiant en lettres, participant à l’un des séminaires.

«Auschwitz comme symbole du génocide industriel reste uni­que, mais beaucoup de survivants souli­gnent aussi que nous ne devons pas fermer les yeux devant les purifications éthniques à Srebrenica ou au Rwan da. Selon moi, il faut montrer les paral­lèles et dans ce contex­te le travail pédagogi­que avec Auschwitz joue un rôle impor­tant.(...) Les rencontres avec des survivants, les visites des différents lieux de mémoire (...) nous donnent la possi­bilité uni que, d’en apprendre plus sur la responsabilité (...). Car la réconciliation, qui reste toujours néces­saire, passe par la confrontation avec le passé, pour en suite construire des fon­dements pour l’ave­nir.»Hans­Jörg Hess, volon­taire en 1994­1996.

«La FNDIRP et le Comité d’ASF se sont rencontrés il y a une dizaine d'années à l’occasion de l'organisation en novem­bre 1984 d’un séminaire de jeunes, Allemands et Français à Rothau, près du camp du Strut hof. (..) Puis ce fut le sé minaire d'Auschwitz (...) en mai 1988. Durant une semaine, jeunes Allemands, Fran çais et Polonais se docu­mentèrent, discutèrent de la Dé por tation et du génocide. Ren contre particulièrement enrichissante pour tous.

En juillet 1990 était organi sé (...) un troisième séminaire à Rothau, qui réu­nissait des jeu nes Français et des jeunes Allemands venus d’Allemag ne de l’Ouest et de l’Est.(...) Tout au long de ces rencon tres, la collaboration se dérou la dans une entente totale. (...) Ainsi se nouèrent des ami tiés durables entre les jeunes et des relations de confiance entre les deux associations: respect mutuel et estime réci proque, même attachement à la mémoire des crimes nazis, chacune à sa manière. Ami tiés aussi entre anciens déportés et jeunes militants allemands de la mémoire. Une coopéra­tion somme toute exemplai­re et tournée vers l’avenir.»Maurice Cling, déporté à Auschwitz et à Dachau.

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Les expériences de partenariat

FNDIRP ( F é d ération Nationale des Déportés et Internés Résistants Patriotes) à Paris

La Fondation Auschwitz à Bruxelles

16)

Née de l’aide apportée aux réfugiés et aux prison­niers pendant la deuxième guerre mondiale, la Cimade a fait évoluer ses activités vers l’accueil de réfugiés de toutes origines en France.

«Les activités d'animation auxquelles participent les volontai res avec les équipiers de la Cima de ont un volet culturel (conféren ces­débats, bibliothèque, sé mi naires, projections de films vi déo, etc.) et un autre plus proprement convivial (fêtes, repas régio­naux, etc.) (...).

Deux élements ont attiré particu­lièrement notre attention:

1) La grande capacité d'écoute dont ont fait preuve les volontaires vis­à­vis des résidents et en particu­lier des réfugiés. Dans un établisse­ment comme celui ci, où l’on reçoit des réfugiés en difficulté, l’écoute s'avère une des principales quali­tés pour ceux qui y travaillent.

2) La conscience politique et humaine, au sens vaste du ter me, est une autre particularité qui frappe positivement chez les jeu­nes allemands que nous avons accueillis. Leur sensibilité écologis­te, leur sens de la justice, nous ont beaucoup apporté.»Oliver Batista, coordination d’ani­mation du Centre International Cimade.

«Comme j’habite sur pla ce (...), je partage mon quotidien avec les résidents; ainsi, j’ap­prends beaucoup sur les différentes cultures, le mode de vie dans leur pays d'ori gine et les problè mes qu’ils affron­tent en tant que réfu­giés politiques en France. Ce mé lange cos­mopolite de ré sidents me permet d'enrichir mes connaissances sur le monde mais aussi de mieux comprendre ma propre culture. On me pose beaucoup de ques­tions sur l’Allemag ne, notamment sur la “chu­te du mur” et la deu­xième guerre mondiale. Il n’est pas toujours faci­le de se faire compren­dre quand il s’agit de su jets délicats.»Eric Falkenhahn, volon­taire en 1996­1997.

C i m a d e à Massy (Essonne)

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«L’ASF­Escures est un projet particulier: Vivre Allemand dans une petite chaumière normande.

A leur arrivée, les jeunes sont confrontés à un double défi: s’ada pter à la culture française (problème de la langue), ensuite la dé couverte d'un autre milieu (...). De quoi s’agit­il?

D’un travail plus ou moins régulier chez les paysans et les personnes agées; cette présence en milieu rural a permis aux jeunes de l’ASF de s'enraciner et à partir de là, d’être reconnus de différents partenai res.»

(D’autre part il y a le contact avec) «le lycée, les Maisons de jeunes, la Maison fa miliale.

Au mois de juillet, nous avons fêté les 20 ans de la présence de l’ASF à St­Jean.

Qu'a apporté le projet? Pour les jeu­nes, une riche expérience personnelle, l’obliga tion de gérer sa vie, la rencontre avec des gens différents; pour nous Normands, gens très réservés, ce contact avec des jeunes allemands nous a permis de faire tomber les frontières. Je pense à cette grand­mère qui vient de faire un pull à Pirmin (son ma ri était anti­alle­mand). Aujourd’hui, dans le contexte international, comment le pro jet doit il évoluer? La guerre de 39­45 est déjà loin, les rancoeurs s’estompent.

Nous voyons monter un nouveau natio­nalisme. L’ASF devrait peut­être s’impli­quer un peu plus avec des partenaires locaux (...)»Yves­Marie Vallée, agriculteur.

E s c u re s St. Jean-le-Blanc ( C a l v a d o s )

C i m a d e à Massy (Essonne)

«J’ai vécu dix­huit mois passionnants. J’ai été surpris du nombre de gens qui ont partagé un peu de leur vie avec nous. En travaillant, par­lant, discutant, vo ya­geant, mangeant ou faisant la fête tous en semble, les gens nous prennent au sérieux parce que notre message de réconciliation et de solidarité se ma nifeste dans notre travail quotidien en cassant du bois et en animant des réu­nions.»Florian Link, volontai­re en 1993.

Les capacités des volontaires doivent être jugées de maniè­re réaliste. Les difficultés dues à la langue et à la formation parfois insuffisante portent préjudice – ne serait­ce qu'au début – à la qualité et à l’effi­cience du travail.

Le volontaire est avant tout – même quand il fait tout ce qui est en son possible – une personne qui apprend. Il ap prend tout d'abord à saisir les mécanismes au moyen des­quels la société exclut des gens et ensuite comment on peut aller à l'encontre de ces mécanismes d'une manière concrète. Ce processus d'ap­prentissage peut agir après coup sur le comportement du volontaire dans son propre pays. Le volontaire peut bien sûr faire profiter son organi­sation partenaire de cette dis­position à apprendre.

C'est pourquoi les volontai­res ne peuvent et ne doivent pas remplacer de main d'oeu­vre professionnelle. Toutefois, leurs engagements et leurs points de vues différents peu­vent enrichir les activités du projet.

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Possibi l ités et limites du travail des v o l o n t a i r e s

«Le travail de l’ASF en France vu dans le contex t e h i s t o r i q u e des relations f r a n c o - a l l e mandes

Nous voulons essayer, par le biais de notre travail dans les différents projets, de pren dre nos responsa­bilités face à l’Histoire. Nous ne sommes pas nombreux et face à l’ampleur de la tâche qui nous est exposée nous ne pouvons influencer les relations entre Al le mands et Français que d’une manière li mitée et à petite échel le (...).

Les victimes du na tio nal­socialisme sont pro fondément présen tes dans la conscience des Français – il suffit de penser aux réactions inquiètes des Français pendant les

attentats contre des étrangers à Rostock (fin 1992) et ail­leurs (...).

Que le “poids d'être allemand(e)” (Ralf Giordano) sem­ble devenir plus léger au fil des années ne change rien à notre besoin fondamental d’entente franco­allemande. Beaucoup de vieilles inquiétudes d’une domination alle­mande ont resurgi avec la réunification qui a, ces derniers temps, compliqué notre tâche au lieu d'accelerer le pro­cessus de rapprochement franco­allemand tant espéré en raison de l’écart temporel avec la deuxième guerre mon­diale (...).

Les relations franco­allemandes sont d’une grande importance pour les deux pays ainsi que pour la réussite du processus de rapprochement européen; elles sont en même temps toujours exposées aux dangers (...).

Pour nous, volontaires en France et en Belgique francophone, le point de départ du travail de l’ASF est et reste la pensée des crimes du IIIème Reich, la tentative d'une compréhen­sion avec ses victimes tout comme celle d’éviter la répétition de ces ac tes.

Nos efforts ne consistent pas à “maîtriser” l'histoire ou à “réparer” les crimes commis. Nous tenons ces deux actions pour impossibles. Mal­gré toutes les politiques de réconci­liation officielle depuis la fin de la guerre, les relations franco­alleman­des sont empreintes du souvenir de l'occupation allemande en France et en Belgique francophone étant don­né que la persécution à été ici me née de manière rigoureuse. L’expé rience de la collaboration constitue un poids supplémentaire à ces relations (...).

Notre but en tant que volontaires de l’ASF est le travail avec les victimes di rectes du national­socialisme, une trans mission vivante du souvenir des crimes du système nazi ainsi qu’un engagement contre la réorganisation de structures fascistes autoritaires, dans le do maine socio­politique avant tout (...). Tirer les leçons de l’histoire impli­que de signaler les tendances parallèles dans notre société actuelle et de les contrer (...).

En effet nous pouvons citer aujourd'hui beaucoup d’exemples où des groupes de personnes sont discrimi­nés et mis en marge de la société de ma nière brutale. Quelques uns d’entre eux, comme les handicapés, les person­nes âgées (qui dans le jargon nazi étaient caractérisés d’“indigne de vi vre”), les étrangers (ne faisant pas partie de la “race aryenne”), les anciens délinquants, les homosexuels, les prostituées (caractérisées d’“asocia­les”) et d’autres avaient sous le régime nazi déjà à souffrir de discrimination et de persécution et sont encore aujourd'hui intégrés insuffisamment dans la société. De nouveaux groupes les ont ré joints depuis peu: alcooliques, toxicomanes et malades du Sida ont été placés ces dernières décennies dans l'isolement social (...).

Nous, volontaires en France et en Belgique francophone, considérons l'engagement dans les champs d'activi­tés actuels comme essentiel pour la continuation et le développement futur du travail de l'ASF en France et à un niveau international.»

La politique des p ro j e t s de l’ASF en F r a n ce et en Belgique fr a n c o phone – champ d’act iv i tés et perspectives