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Ils sont Normonds, n'élèvent que des voches de roce Normonde, ont bonni lênsiloge, nourrissent leurs bêtes de foçon quosi-exclusive d'herbe et de foin, et fobriquent du comembert fermier ou loit cru. peine 150 vachel si lbn additionne leurs troupeaux respectifs. Un brin d'herbe dans le bocage... La Normandie, berceau du camembert, ne compte que trois producteurs fermiers travaillant en lait cru avec des vaches Normandes nourries sans ensilage. Un volume anecdotique, ceftes, mais symbolique d'un retour au ter- roir en train de s'affirmer. ll y a désormais cinq ans, après d'interminables débats, I'AOP camembert de Normandie avait décidé de conserver l'usage exclusif du lait cru, de remonter à 500/o la paft des vaches de race Normande dans le cheptel et d'imposer le pâturage pendant six mois de l'année au moins. >> Un seul esl soas AOP Le climat humide de la région, la difficul- à faire sécher Ie foin, nbnt pas rebuté ces trois «ultms du camembert tradition- nel ». C'était une évidence pour Patrick Mercier, 53 ans, qui après avoir présidé aux destinées du syndicat de défense de lâppellation en tant qu'éleveur, a fini par devenir le second producteur fermier (après Français Durand, à Camembert), de lâppellation, à Champ Secret, dans le sud de l'Orne, près de Bagnoles de l'Orne. Alors que sa production atteint désormais un rythme quotidien de 300 camemberts, qu'il espère doubler d'ici à la fin de lân- née, il est fier de montrer son plus bel outil : une grange équipée d'un système de récupération de la chaleur pour sécher le foin. Le bâtiment est équipé d'un double plafond : une paroi translucide à lêxtérieur, une paroi noire à l'intérieur et, entre les deux, de lâir chaud qui est aspiré par un ventilateur et dirigé sous le foin. De quoi alimenter les vaches sans problème les trois mois d'hiver où elles restent à l'éta- ble. «Ef regordez lo finesse du foin obte- nue, se satisfait le fromager. Cêst vers celo qu'il fout tendre.» Les débats à nên plus finir, il les a vécus de près. «Pendont plus de dix ons, on o discuté : poturoge ou pos, Normondes ou pos... Les Normonds sont des extrémistes du roisonnoble», aime-t-il dte. «Et puis un jouç l'lnoo nous o mis ou pied du mur et demondé de voter.» Avec perte et fra- cas - Lactalis (avec Lepetit et Lanquetot) et la coopérative d'lsigny -, ont empo(é avec eux 700/o des volumes de l'appellation. «// y o eu un occord entre les fromogers qui vouloient continuer à trovoiller en loit cru et les éleveurs qui vouloient poturer et élever des Normondes. Jusqublors, les éle- veurs nbvoient pos forcément compris l'in- térêt du loit cru pour lo filière AOE et les fobriconts nbvoient pos forcément compris lo sécurité opportée en termes d'hygiène por le poturoge. Ce cohier des chorges est un retour ou bon sens poyson.» Après dix ans de velleités, épaulé par sa femme, Francine, et sa fille, Agathe, Patrick Mercier a fini par fabriquer ses premiers camembe(s à l'été 2012. ll a fait des rencontres précieuses sur son chemin initiatique : Jean-Piene Lefebvre (ancien de chez Jort), ou l'équipe de Thierry Grcindorge à Saint-Loup de Fribois qui lâccueilli pour son dernier stage avant le grand saut. Ses 99 laitière1 qui tounent à 5 500 kilos par an, sont neuf mois de lânnée en pâture. La feme, grâce à OOa

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Ils sont Normonds, n'élèvent que des voches de roce Normonde, ont bonni lênsiloge, nourrissentleurs bêtes de foçon quosi-exclusive d'herbe et de foin, et fobriquent du comembert fermier ou loit cru.

peine 150 vachel si lbn additionne

leurs troupeaux respectifs. Un brin

d'herbe dans le bocage... La Normandie,

berceau du camembert, ne compte que

trois producteurs fermiers travaillant en lait

cru avec des vaches Normandes nourries

sans ensilage. Un volume anecdotique,

ceftes, mais symbolique d'un retour au ter-

roir en train de s'affirmer. ll y a désormais

cinq ans, après d'interminables débats,

I'AOP camembert de Normandie avait

décidé de conserver l'usage exclusif du lait

cru, de remonter à 500/o la paft des vaches

de race Normande dans le cheptel et

d'imposer le pâturage pendant six mois de

l'année au moins.

>> Un seul esl soas AOPLe climat humide de la région, la difficul-

té à faire sécher Ie foin, nbnt pas rebuté

ces trois «ultms du camembert tradition-

nel ». C'était une évidence pour Patrick

Mercier, 53 ans, qui après avoir présidé

aux destinées du syndicat de défense

de lâppellation en tant qu'éleveur, a finipar devenir le second producteur fermier(après Français Durand, à Camembert), de

lâppellation, à Champ Secret, dans le sud

de l'Orne, près de Bagnoles de l'Orne.

Alors que sa production atteint désormais

un rythme quotidien de 300 camemberts,

qu'il espère doubler d'ici à la fin de lân-

née, il est fier de montrer son plus bel

outil : une grange équipée d'un système

de récupération de la chaleur pour sécher

le foin. Le bâtiment est équipé d'un double

plafond : une paroi translucide à lêxtérieur,

une paroi noire à l'intérieur et, entre les

deux, de lâir chaud qui est aspiré par un

ventilateur et dirigé sous le foin. De quoi

alimenter les vaches sans problème les

trois mois d'hiver où elles restent à l'éta-

ble. «Ef regordez lo finesse du foin obte-

nue, se satisfait le fromager. Cêst vers celo

qu'il fout tendre.»

Les débats à nên plus finir, il les a vécus

de près. «Pendont plus de dix ons, on o

discuté : poturoge ou pos, Normondes ou

pos... Les Normonds sont des extrémistes

du roisonnoble», aime-t-il dte. «Et puis

un jouç l'lnoo nous o mis ou pied du muret demondé de voter.» Avec perte et fra-

cas - Lactalis (avec Lepetit et Lanquetot) et

la coopérative d'lsigny -, ont empo(é avec

eux 700/o des volumes de l'appellation. «//

y o eu un occord entre les fromogers qui

vouloient continuer à trovoiller en loit cru

et les éleveurs qui vouloient poturer etélever des Normondes. Jusqublors, les éle-

veurs nbvoient pos forcément compris l'in-térêt du loit cru pour lo filière AOE et les

fobriconts nbvoient pos forcément compris

lo sécurité opportée en termes d'hygiènepor le poturoge. Ce cohier des chorges est

un retour ou bon sens poyson.»

Après dix ans de velleités, épaulé par

sa femme, Francine, et sa fille, Agathe,

Patrick Mercier a fini par fabriquer ses

premiers camembe(s à l'été 2012. ll a fait

des rencontres précieuses sur son chemin

initiatique : Jean-Piene Lefebvre (ancien

de chez Jort), ou l'équipe de Thierry

Grcindorge à Saint-Loup de Fribois qui

lâccueilli pour son dernier stage avant le

grand saut. Ses 99 laitière1 qui tounentà 5 500 kilos par an, sont neuf mois de

lânnée en pâture. La feme, grâce à OOa

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Ferme du ftamp Secret) Patrick Mercier est présentà Rungit,notamment

Chez AMt ll livre,des,:crémisi! §n fli,ect,{tn5 ijn .,l

rayon d'une centaine de kilomètres, vend à laferme et livre des enseignes bio.

lnternet : www.fermeduchampsecret.com.

Moulin des Corvées

) Christine Brostin sêst donnée pour seule zonede prospection commerciale le Cotentin.

Elle est ainsi présente sur 3,5 marchés par semaine etvend à la ferme.

Ferme lopez

) Ludovic l-opez livre une fois par semaine Rungis (SCPL,

Fromagerie du Cotentin). ll vend aussi ses fromagesnotamment à la fromagerie Beillevairg et à la plupartdes membres du Cercle des Fromagers affineurs.

Page 3: Voir l'article

OOO ses 100 hectares de prairies et 25

ha de cultures, est en autonomie totale :

herbe et foin essentiellement, avec un peu

de complémentation en céréales en hiver

>> Elevoge bioA deux heures de route, à l'Est, à Bre-

toncelles, dans le Perche, Ludovic Lopez,

43 ans, bénéficie d'un climat plus sec. La

ferme est installée au fond d'un petit val,

en plein bocage. Une résidence secon-

daire de Parisien qu'il a retransformée en

ferme après un intemède d'un quart de

siècle. «Nous ovons moins d'influences

moritimes ki, plus dbnsoleillement. Nous

sommes plus proches de lo météo du

Centre que de celle de Normondie. 0n

foit du bon foin sons trop de problèmes.»

Depuis deux ans, il bénéficie de lâutono-

mie en foin pour ses 24 vaches. Normand

dbrigine, il a fait ses classes à 18 ans chez

Vallée, puis Gillot et Besnieç avant de

paftir dans une fruitère savoyarde du côté

de Châtel (reblochon et abondance), suivi

d'un passage chez Candia Tetra brick, pour

finir responsable de collecte chez Biolait.

Après une expérience avortée en Gaec, il

s'installe en 2000 avec un troupeau d'une

soixantaines de chèvres et une vingtaine

de Normandes, élevées en bio. En 2007, à

la naissance de ses jumelles, il décide de

se spécialiser en camembert, abandonne

les chèvres et les marchés quotidiens, pour

rationaliser sa production et bénéficier

d'une meilleure qualité de vie.

«Dêmblée, raconte-t-i1,7'oi opté pour le

foin et l'herbe. Je sovois que ço foisoit de

lo meilleure quolité. Celo ne donne pos

le même /oit » Petites particularités, il

fabrique au lait entier - «plus de consis'

tonce, plus de motière, plus dbrômes» -,

procède à sept passages pour remplir les

moules contre cinq habituellement - «/es

louchées sont plus petites, c'est plus de

trovoil, mois l'égouttoge est plus lent,

et plus il l'est, mieux c'est» -, et cultive

lui-même ses ferments par repiquage de

levain chaque semaine. L'AOfl il vient

dên faire la demande, même si la zone

dâppellation récemment redessinée

lêxclut désorm6i5. «J'espère obtenir une

dérogotion>>. ll dispose de 45 ha autour de

la ferme. Ses 24 vaches sont en général

en pâture à partir du 10-15 mars jusquâu

15-20 novembre. «5olt 4 mois moximum

ou foin, ovec juste une complémentotion

en groins de luzerne et lin. Elles donnent

4 500 kilos de loit por on, je ne les pousse

pos, je suis proche du système extensif »

Dans le Nord de la Manche, à une dizaine

de kilomètres de Cherbourg, au Theil,

Christine Brostin, 42 ans, élève, avec son

mari,22 vaches. A peine plus que ses

parents, à qui elle a succédé. Lêxploita-

tion et ses 32 ha permet de produire du

foin et des céréales. «1bi boroudé dons

|industrie, raconte-t-elle, ovont de revenisur lo ferme fomiliole en 1998. Jhvis eu

lbccosion de fobriquer de l'édom, de lo

mimolette, de lo roclette, du soint poulin,

mois le comembert, ço tomboit sous le

sens. Le loit cru o été une évidence. »

Dêmblée, elle ménage ses vaches (4 000

à 4 500 kilos par an), qui sont à l'herbe et

à la bettemve fourragère toute l'année :

elles peuvent sortir de l'étable l'hiver. Mal-

gré son tempérament énergique, Christine

Brostin limite son horizon commercial au

Cotentin. «Ce qui m'intéresse, c'est de tro-

voiller bien. Je nbi pos envie dbugmenter

lo production ou de recruter. Jhi énormé-

ment trovoillé pour loncer lo fromogerie,

je veux gorder du temps pour mes trois

enfonts». La qualité de vie est un leitmotiv

pour ces fromagers. Ludovic Lopez, lui non

plus, nênvisage pas de s'agrandiç malgré

la demande. «Lo suppression totole du

moïs en 2004 nous o considéroblement

sinplifié le trovoil, souligne Patrick Mer-

cier : il suffit dbuvrir lo clôture oux voches,

plus besoin de foire d'ensiloge, d'épon- i

doge de fumier, etc.»

Pour tous, la valorisation est bonne. «0n

orrive à foire des comemberts qui pèsent

jusqu'ù 300 g ovec 1,9 litre de loit seu-

lement, souligne Patrick Mercier, grôce à

l'utilisotion exclusive de Normondes, qui

ont un loit très fromogeoble, ou type dbli-mentotion et oux rendements modestes.»

Chez Christine Brostin, par exemple, les

taux de MG oscillent entre 42 et 53, les IP

vailent de 32 à 36. Surtout, pour chacun

d'entre eux, une ambition sêst réalisée :

«1e voulois refoire un produit qui se

perdoit, raconte LucJovic Lopez, tout foire

à lbncienne». «Revenir oux goûts ini-

troux», renchérit Patrick Mercier. IPanAnNaun SprnAT-CzAR ri

I

ffi6ô":

frf,égr*çe de rcd.tffi*Cr6a*,rgre -

I rue MarieTétos34 4o744o,Faxo!'e-mail : espag nac@w anadoo,ft'Site web : espagnac-freres.fr