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5 actualités Actualités pharmaceutiques n° 485 Mai 2009 AP : Attribuez-vous principa- lement les difficultés actuel- les à la maîtrise médicalisée des dépenses de santé ou à la crise économique ? YT : Je pense que les mesures visant à réduire les dépenses de santé sont en grande partie responsables des difficultés financières rencontrées par la profession. La situation est très préoccupante, en particu- lier pour les pharmaciens qui se sont endettés récemment car ils n’ont pas la capacité de renégocier leurs emprunts avec les banques. J’avoue que les rapports avec les banquiers deviennent très tendus. AP : Les officines en milieu rural vous semblent-t-elles plus touchées ? YT : Les officines rurales, qui ont moins la capacité de déve- lopper la parapharmacie, auront une croissance nulle, voire en récession cette année. À cela, j’ajoute les conséquences de la désertification médicale en milieu rural. Dans certaines zones où il n’existe pas de mai- son médicale, les départs de médecins annoncent de réelles difficultés économiques pour les officines, d’autant que la population est aussi en diminu- tion dans ces endroits. Certains devront réagir en se regrou- pant, à moins que les pouvoirs publics acceptent de soutenir le maillage territorial ou de propo- ser de nouvelles rémunérations à l’acte pharmaceutique. AP : Vous parlez de rémuné- ration de l’acte... Vous n’avez pas toujours défendu cet aspect. YT : Vous savez, il est dit que seuls les imbéciles ne chan- gent pas d’avis. Il faut adap- ter le discours à notre temps et aux réalités économiques. J’étais également opposé aux SEL (sociétés d’exercice libé- ral) car je croyais en d’autres possibilités à l’époque mais j’en ai quand même créé une. D’ailleurs, tout le monde s’installe en SEL aujourd’hui. Concernant la rémunération, la loi HPST instaure de nou- velles missions pour le phar- macien. Je dis que l’on peut accepter d’avoir une rémuné- ration diminuée en termes de marge commerciale sur les médicaments si, d’un autre côté, une rémunération moins sanctionnable sur la qualité de l’acte pharmaceutique voit le jour. De même pour les grands conditionnements qui amènent une baisse de marge de 15 % pour le pharmacien ; ces évolu- tions génèrent des économies pour l’Assurance maladie mais ce n’est pas toujours au phar- macien d’en faire les frais. Ces changements amènent à pro- poser des évolutions qui sont des réponses aux problèmes économiques du moment. AP : Isabelle Adenot a annoncé sa candidature à la présidence du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens. Allez-vous tenter à nouveau votre chance ? YT : Il n’a jamais été dans mon intention de me représenter. En revanche, je souhaite m’inves- tir plus dans les instances ordina- les. Il nous faut attendre l’élection du nouveau Conseil national et l’annonce de toutes les candida- tures pour se prononcer. Or, l’élec- tion n’a lieu que dans trois mois. Ce qui m’importe, en revanche, c’est que l’image de la profes- sion soit renforcée, que chaque pharmacien aime son conseil de l’Ordre. Il doit avoir un rôle moteur aux côtés des syndicats. Propos recueillis par Sébastien Faure Maître de conférences des Universités, Faculté de pharmacie, Angers (49) [email protected] Note 1. Le Salon Pharmagora s’est tenu du 4 au 6 avril 2009, à Paris (75). L es hold-up qui seraient en progres- sion dans les petits commerces n’épargnent pas les pharmacies. Cependant, ce sont les vols à l’étalage qui guettent principalement et quotidien- nement les pharmaciens. C’est ce que révèle l’enquête annuelle réalisée par BVA Healthcare, rendue publique le 30 mars dernier. Ce que l’on nomme la “démarque inconnue totale” est passée, dans les phar- macies, de 415 millions d’euros en 2006 à 421 mil- lions en 2007 pour atteindre aujourd’hui 476 millions (plus 13 % en un an). Ces pertes non identifiées s’expliquent prin- cipalement par les vols et pèsent de plus en plus lourd puisqu’elles correspondent aujourd’hui à 1,36 % du chiffre d’affaires des officines. Si, en 2007, 60 % d’entre elles évaluaient à plus de 1 % la part de la “démarque inconnue”, elles sont désor- mais 70 % à faire le même constat. Les officines qui affichent un chiffre d’af- faires entre 1 et 1,5 millions d’euros sem- blent plus souvent visées : elles déplorent une perte moyenne de 1,43 %. De même, dans le sud de la France, les produits dis- paraissent plus fréquemment des étala- ges : on enregistre un taux de démarque inconnue de 1,69 % dans le Sud-Est et dans les départements méditerranéens, et de 1,52 % dans le Sud-Ouest. Enfin, le libre accès favorise le passage à l’acte. Parmi les titulaires ayant déjà aménagé un tel espace, le taux moyen de démar- que inconnue est en effet supérieur à la moyenne nationale (1,41 contre 1,36 %). Cependant, les produits les plus fré- quemment subtilisés restent liés à la parapharmacie : soins du visage (cités par 53 % des pharmaciens), soins du corps (46 %) et produits d’hygiène (31 %). Face à ce phénomène, des solutions “de pro- tection adaptée” sont recherchées, telle la mise en place “d’étiquettes antivol haute sécurité” ou encore des “désactivateurs intégrés à des scanners”. Aurélie Haroche www.jim.fr Profession Vols en hausse à l’officine... et ça ne devrait pas s’arranger

Vols en hausse à l’officine… et ça ne devrait pas s’arranger

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5 actualités

Actualités pharmaceutiques n° 485 Mai 2009

AP : Attribuez-vous principa-

lement les difficultés actuel-

les à la maîtrise médicalisée

des dépenses de santé ou à

la crise économique ?

YT : Je pense que les mesures visant à réduire les dépenses de santé sont en grande partie responsables des difficultés financières rencontrées par la profession. La situation est très préoccupante, en particu-lier pour les pharmaciens qui se sont endettés récemment car ils n’ont pas la capacité de renégocier leurs emprunts avec les banques. J’avoue que les rapports avec les banquiers deviennent très tendus.

AP : Les officines en milieu

rural vous semblent-t-elles

plus touchées ?

YT : Les officines rurales, qui ont moins la capacité de déve-lopper la parapharmacie, auront une croissance nulle, voire en récession cette année. À cela,

j’ajoute les conséquences de la désertification médicale en milieu rural. Dans certaines zones où il n’existe pas de mai-son médicale, les départs de médecins annoncent de réelles difficultés économiques pour les officines, d’autant que la population est aussi en diminu-tion dans ces endroits. Certains devront réagir en se regrou-pant, à moins que les pouvoirs publics acceptent de soutenir le maillage territorial ou de propo-ser de nouvelles rémunérations à l’acte pharmaceutique.

AP : Vous parlez de rémuné-

ration de l’acte... Vous n’avez

pas toujours défendu cet

aspect.

YT : Vous savez, il est dit que seuls les imbéciles ne chan-gent pas d’avis. Il faut adap-ter le discours à notre temps et aux réalités économiques. J’étais également opposé aux SEL (sociétés d’exercice libé-

ral) car je croyais en d’autres possibilités à l’époque mais j ’en ai quand même créé une. D’ailleurs, tout le monde s’installe en SEL aujourd’hui. Concernant la rémunération, la loi HPST instaure de nou-velles missions pour le phar-macien. Je dis que l’on peut accepter d’avoir une rémuné-ration diminuée en termes de marge commerciale sur les médicaments si, d’un autre côté, une rémunération moins sanctionnable sur la qualité de l’acte pharmaceutique voit le jour. De même pour les grands conditionnements qui amènent une baisse de marge de 15 % pour le pharmacien ; ces évolu-tions génèrent des économies pour l’Assurance maladie mais ce n’est pas toujours au phar-macien d’en faire les frais. Ces changements amènent à pro-poser des évolutions qui sont des réponses aux problèmes économiques du moment.

AP : Isabelle Adenot a annoncé sa

candidature à la présidence du

Conseil national de l’Ordre des

pharmaciens. Allez-vous tenter

à nouveau votre chance ?

YT : Il n’a jamais été dans mon intention de me représenter. En revanche, je souhaite m’inves-tir plus dans les instances ordina-les. Il nous faut attendre l’élection du nouveau Conseil national et l’annonce de toutes les candida-tures pour se prononcer. Or, l’élec-tion n’a lieu que dans trois mois. Ce qui m’importe, en revanche, c’est que l’image de la profes-sion soit renforcée, que chaque pharmacien aime son conseil de l’Ordre. Il doit avoir un rôle moteur aux côtés des syndicats. �

Propos recueillis par

Sébastien Faure

Maître de conférences des Universités,

Faculté de pharmacie, Angers (49)

[email protected]

Note1. Le Salon Pharmagora s’est tenu

du 4 au 6 avril 2009, à Paris (75).

L es hold-up qui seraient en progres-

sion dans les petits commerces

n’épargnent pas les pharmacies.

Cependant, ce sont les vols à l’étalage

qui guettent principalement et quotidien-

nement les pharmaciens. C’est ce que

révèle l’enquête annuelle réalisée par BVA

Healthcare, rendue publique le 30 mars

dernier. Ce que l’on nomme la “démarque

inconnue totale” est passée, dans les phar-

macies,

de 415 millions d’euros en 2006 à 421 mil-

lions en 2007 pour atteindre aujourd’hui

476 millions (plus 13 % en un an). Ces

pertes non identifiées s’expliquent prin-

cipalement par les vols et pèsent de plus

en plus lourd puisqu’elles correspondent

aujourd’hui à 1,36 % du chiffre d’affaires

des officines. Si, en 2007, 60 % d’entre

elles évaluaient à plus de 1 % la part de

la “démarque inconnue”, elles sont désor-

mais 70 % à faire le même constat.

Les officines qui affichent un chiffre d’af-

faires entre 1 et 1,5 millions d’euros sem-

blent plus souvent visées : elles déplorent

une perte moyenne de 1,43 %. De même,

dans le sud de la France, les produits dis-

paraissent plus fréquemment des étala-

ges : on enregistre un taux de démarque

inconnue de 1,69 % dans le Sud-Est et

dans les départements méditerranéens,

et de 1,52 % dans le Sud-Ouest. Enfin, le

libre accès favorise le passage à l’acte.

Parmi les titulaires ayant déjà aménagé

un tel espace, le taux moyen de démar-

que inconnue est en effet supérieur à la

moyenne nationale (1,41 contre 1,36 %).

Cependant, les produits les plus fré-

quemment subti lisés restent liés à la

para pharmacie : soins du visage (cités par

53 % des pharmaciens), soins du corps

(46 %) et produits d’hygiène (31 %). Face

à ce phénomène, des solutions “de pro-

tection adaptée” sont recherchées, telle la

mise en place “d’étiquettes antivol haute

sécurité” ou encore des “désactivateurs

intégrés à des scanners”.

Aurélie Haroche

www.jim.fr

Profession

Vols en hausse à l’officine... et ça ne devrait pas s’arranger