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Volume 31 numéro 1 Hiver 2013 5,95 $ Envoi Poste-publications N o de convention : 40069242 FILMS Amour The Master PERSPECTIVES Alain Resnais et le théâtre Les guides de scénarisation ENTRETIEN Nathalie Saint-Pierre De rouille et d’os de Jacques Audiard Extrait de la publication

Volume 31 numéro 1 Hiver 2013 5,95 $ HIVER 2013 De rouille

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Volume 31 numéro 1 Hiver 2013 5,95 $

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Envoi Poste-publicationsNo de convention : 40069242 FILMS

AmourThe Master

PERSPECTIVESAlain Resnais et le théâtre

Les guides de scénarisation

ENTRETIENNathalie Saint-Pierre

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De rouille et d’osde Jacques Audiard

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Extrait de la publication

Extrait de la publication

SOM

MA

IREVolume 31 numéro 1 Hiver 2013

Rédaction

Éric Perron, rédacteur en chef [email protected] 514.252.3021 poste 3413 Marie Claude Mirandette, adjointe Marie-Claude Bhérer, secrétairecomité de Rédaction

Michel Coulombe, Stéphane Defoy, Nicolas Gendron, Marie-Hélène Mello, Éric Perron et Zoé ProtatcollaboRations à ce numéRo

Frédéric Bouchard, H-Paul Chevrier, Michel Coulombe, Loïc Darses, Nicolas Gendron, Jean-Philippe Gravel, Jean-François Hamel, Luc Laporte-Rainville, Marie Claude Mirandette et Zoé ProtatcoRRection Martine Mauroy et Marie Claude MirandettePhotogRaPhies oRiginales Éric PerronPublicité [email protected]

édition

Association des cinémas parallèles du Québec (ACPQ) Martine Mauroy, directrice générale 4545, av. Pierre-De Coubertin Montréal (Québec) H1V 0B2 [email protected] 514.252.3021 poste 3746conseil d’administRation de l’acPQMichel Gagnon, président; Céline Forget, vice-présidente; Richard Boivin, secrétaire; Frédéric Lapierre, trésorier; Louise Hébert, Jocelyne L’Africain et Johanne Laurendeau, administratricesgRaPhisme sauvebranding.cainfogRaPhie Lise LamarreimPRession Impart LithodistRibution LMPI

abonnement annuel Payable à l’acPQ (4 numéRos)Individuel : 23 $ – Institutionnel : 45,99 $ (taxes comprises) Étranger : 60 $ (non taxable) Formulaire en ligne : www.cinemasparalleles.qc.caCiné-Bulles est membre de la SODEP. La revue est disponible en accès libre sur Érudit (à l’exception des deux dernières années) et est indexée dans Repère ainsi que dans l’International Index to Film Periodicals publié par la FIAFLes articles n’engagent que la responsabilité de leurs auteursToute reproduction est interdite sans l’autorisation de l’ACPQCe numéro est publié grâce à des subventions du Conseil des arts et des lettres du Québec, du Conseil des arts du Canada et du Conseil des arts de MontréaldéPôt légal

Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2013Bibliothèque et Archives Canada – ISSN 0820-8921

ENTRETIEN 8 Nathalie Saint-Pierre Scénariste et réalisatrice de Catimini14 Commentaire critique

EXPOSITION16 Quay Brothers : On Deciphering the Pharmacist’s Prescription for Lip-Reading Puppets

DU LIVRE AU FILM22 Le Torrent de Simon Lavoie

ANALYSE26 The Master de Paul Thomas Anderson

PERSPECTIVES32 Alain Resnais et le théâtre38 Les guides de scénarisation

DOCUMENTAIRE36 The End of Time de Peter Mettler

TRAVELLING ARRIÈRE48 Films adaptés de bandes dessinées

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EN COUVERTURE 2 De rouille et d’os de Jacques Audiard

Volume 31 numéro 1 Hiver 2013

FILMS20 Amour de Michael Haneke30 Life of Pi d’Ang Lee52 A Late Quartet de Yaron Zilberman53 À perdre la raison de Joachim Lafosse54 Après la neige de Paul Barbeau55 Avant que mon coeur bascule de Sébastien Rose56 Dans la maison de François Ozon57 Ésimésac de Luc Picard

58 Frankenweenie de Tim Burton59 Le Horse Palace de Nadine Gomez60 Les Manèges humains de Martin Laroche61 Thérèse Desqueyroux de Claude Miller

LIVRES62 Arrêt sur l’image – 41 portraits de cinéastes québécois63 De la cuisine au studio64 Lire et écrire un scénario

Photo de la couverture : Roger ArpajouWhy Not Productions / Sony Pictures Classics

Extrait de la publication

2 Volume 31 numéro 1

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De rouille et d’os de Jacques Audiard

Matthias Schoenaerts et Jacques Audiard lors du tournage du film De rouille et d’osPhoto : Roger Arpajou / Why Not Productions / Sony Pictures Classics

Avec l’énergie du désespoirNICOLAS GENDRON

Extrait de la publication

Volume 31 numéro 1 3

Signataire de 6 longs métrages en 18 ans, le cinéaste français Jacques Audiard, 60 ans sonnants, con­dense chaque fois un processus de longue haleine en une histoire captivante où la violence et le men­songe se transforment en sorties de secours, en chances de survie. Avec De rouille et d’os, Audiard approfondit une filmographie à nulle autre pareille, sans tache, bardée de prix, qui marque son époque et qui devrait la surpasser — du moins, on peut le présumer — aussi dans la mémoire de plusieurs générations de cinéphiles. Dans la France éblouis­sante de la Côte d’Azur, cette nouvelle offrande souligne la rencontre de deux âmes brutes. Celle de Stéphanie (Marion Cotillard), dompteuse d’orques à la beauté insolente; et celle d’Ali (Matthias Schoenaerts), Belge sans le sou, avec un fiston sur les bras, qui voisine l’illégalité en renouant avec la boxe. Lorsque Marineland est le théâtre d’un drame foudroyant, leurs routes se croisent de nouveau, entre impuissance et apprivoisement.

Résumer un film d’Audiard est quelque peu ingrat. Si l’on se limite aux faits, cela tient souvent de l’im­probable, même si l’action est campée dans des mi­lieux rêches, sans concession — notons toutefois que le soleil est ici plus présent que jamais. Mais l’auteur n’a que faire de se justifier et creuse plutôt les sillons de duos d’exception que le destin réunit à mi­chemin de leurs désillusions (outre Stéphanie et Ali, la secrétaire sourdingue et le repris de justice de Sur mes lèvres en forment l’exemple le plus frappant). Jamais le scénario — ou ses ficelles — ne prend le dessus sur ce que vivent ses personnages. Ils se suffisent à eux­mêmes, tels que le suggèrent leur subconscient, leurs actes manqués et leurs se­crets enfouis. Comment expliquer en effet que Stéphanie, désormais rivée à un fauteuil roulant, coupée du monde extérieur, appelle Ali en renfort, simple visage furtif, un soir de désespoir? Parce que son numéro de téléphone traînait à sa vue? Trop fa­cile. Et Audiard se refuse à ces raccourcis : la vie en elle­même crée plus de deus ex machina qu’un scé­nariste pourrait en imaginer. Il en va plutôt de l’at­trait de l’inconnu, de la nouveauté et du danger comme électrochocs, de l’espoir obsédant d’une vie meilleure, coûte que coûte. Et, n’ayons pas peur des mots, d’une certaine animalité.

Par animalité, on entend tout le champ du désir et de la sexualité comme langage du corps. Un voca­bulaire plus ou moins déficient chez les sujets d’Au­

diard. Dans Regarde les hommes tomber, le duo de truands philosophe sur la chose : « Si tu veux pas baiser, tu baises pas. C’est tes couilles, pas les miennes. » Une pute guillerette apprend au faux

soldat d’Un héros très discret à contrôler sa nature d’éjaculateur précoce. Dans Sur mes lèvres, l’ex­taulard ne saisit pas qu’une femme puisse être gen­tille autrement que pour en venir à la baise. Au centre d’une des magouilles pulsant De battre mon cœur s’est arrêté, le sexe devient une vile monnaie d’échange. Le jeune Arabe d’Un prophète est pro­bablement le détenu le plus pudique, rougissant d’avoir à discuter du film porno vu la veille. Stéphanie et Ali ne font pas exception, même si le sexe tarde à s’immiscer entre eux. Mutilée de l’inté­rieur comme de l’extérieur, Stéphanie devra d’abord affronter la lumière et le regard des autres, qu’elle recherchait avant l’accident. Un rituel de baignade à la plage, partagé avec Ali, initiera le rapport d’in­timité qu’un plan synthétise : l’œil d’Ali qui s’éveille à la vue des courbes de Stéphanie, cette femme qu’il se surprend à couvrir de délicatesse. Ou n’est­ce pas plutôt elle qui s’étonne qu’un tel colosse puisse être aussi dévoué?

Serait­ce à dire que des sentiments sont possibles sous la carapace, que des émotions se cachent sous la surface? Quand ils finissent par baiser — jamais n’est­il question de « faire l’amour » —, Ali s’em­presse d’avertir Stéphanie : « Faut que t’arrêtes de parler maintenant! » De la maladresse à la tendresse, il n’y a pourtant qu’un pas qui tient à la confiance de chacun envers soi et envers l’autre. Stéphanie doit se réapproprier son corps, et c’est justement en voyant Ali boxer qu’on la sentira prise d’affection pour lui, comme si la puissance et la liberté phy­siques de cet homme agissaient tels des aimants. Si la sœur d’Ali prétend « qu’il n’en a rien à foutre de

Avec De rouille et d’os, Audiard approfondit une

filmographie à nulle autre pareille, sans tache,

bardée de prix, qui marque son époque et qui

devrait la surpasser […] aussi dans la mémoire

de plusieurs générations de cinéphiles.

Avec l’énergie du désespoir

Extrait de la publication

8 Volume 31 numéro 1

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« Je souhaitais donner à voir le système sans faire un film militant. »

MICHEL COULOMBE

Neuf années. Le fossé qui sépare Catimini de Ma voisine danse le ska paraît immense. De son

propre aveu, Nathalie Saint-Pierre, productrice, réalisatrice, scénariste et monteuse, a beau-

coup appris en faisant son premier film. Il lui a fallu renoncer en cours de tournage au film

sur la solitude qu’elle avait en tête, accepter que cela ne fonctionnât pas et faire évoluer son

projet vers la comédie dramatique. Défendu par Alexandrine Agostini et Frédéric Desager, Ma

voisine danse le ska avait attiré un peu plus de 3 000 spectateurs en salles. La cinéaste pro-

pose aujourd’hui un film plus sombre, Catimini, dans lequel elle s’intéresse au sort des jeunes

filles qui grandissent dans un monde encadré par la Direction de la protection de la jeunesse

(DPJ). Elle y suit tour à tour Cathy, Keyla, Mégane et Manu jusqu’à la scène finale. Qu’on soit

ou non concerné par le sujet, Catimini soulève de nombreuses questions. La cinéaste l’a tout

de suite constaté à Angoulême et à Namur, dans les festivals où il a été lancé. Réactions émo-

tives. Interrogations sur la façon dont on traite les enfants retirés du milieu familial au Québec.

Le film est revenu d’Angoulême avec la récompense suprême, le Valois d’or.

Nathalie Saint-PierreScénariste et réalisatrice de Catimini

Nathalie Saint-Pierre — Photo : Éric Perron

Extrait de la publication

Volume 31 numéro 1 9

Ciné-Bulles : Pourquoi s’est-il écoulé neuf années entre vos deux longs métrages?

Nathalie Saint­Pierre : Le deuxième est souvent plus difficile à faire que le premier. J’ai travaillé cinq ans à un film qui m’allumait énormément, puis j’ai dû y renoncer, en tout cas pour le moment, faute d’argent. Je me suis alors lancée dans ce qui est de­venu Catimini. Le sujet est porteur et je m’attends à ce qu’on m’en parle beaucoup. C’est aussi ce qui a facilité le financement du film.

Vous avez opté pour la fiction. Auriez-vous pu faire un documentaire sur le même sujet?

Ce serait impossible de faire un documentaire sur ce sujet, du moins avec de jeunes enfants. La DPJ ne le permettrait pas et elle aurait raison. Ces enfants sont suffisamment « objectifiés », je n’aurais pas voulu les jeter en pâture. De plus, il aurait fallu mas­quer les visages et exposer les failles des familles. C’est pourquoi je voyais vraiment une fiction.

Avez-vous fait un important travail de recherche?

Le sujet a des racines très anciennes. Quand j’étais à l’école primaire, avant la Loi sur la protection de la jeunesse qui date de 1979, il y avait l’équivalent d’un centre jeunesse près de mon école et l’on comptait de trois à cinq de ces enfants dans chaque classe. Je me souviens encore d’eux. Les garçons étaient très turbulents, très populaires, très fron­deurs, très précoces, alors que les filles avaient une aura dramatique. Comme les garçons excellaient dans les jeux de ballon et faisaient rire en classe, on les remarquait. L’amitié se tisse différemment chez les filles : on se fait des confidences, on va dormir chez l’une et chez l’autre. Tout cela n’était pas acces­sible à ces petites filles. Par ailleurs, ces enfants étaient particuliers parce qu’un jour, ils disparais­saient. Du jour au lendemain, ils n’étaient plus là. On ne les côtoyait jamais plus d’un an.

Plus tard, comme tout le monde, j’ai vu des repor­tages où des jeunes disaient qu’ils avaient connu 12 familles d’accueil. Souvent, la façon dont on trai­tait ce sujet me choquait, comme si l’on avait renon­cé à comprendre ce que ressentent ces enfants. En 2007, le système a changé. Jusque­là, les enfants étaient considérés pratiquement comme des biens

meubles. Quoique retirés à leurs parents pendant des années, sans espoir de retour, ils n’étaient pas orientés vers un projet d’adoption. Ils avaient un statut de pensionnaires toute leur vie.

En fait, pour revenir au film, tout a véritablement commencé par la rencontre d’un enfant dans une famille d’accueil. Par la suite, j’ai vu des travailleurs sociaux. Quand on est alerte face à un sujet, on dé­couvre, par exemple, qu’on a autour de soi d’anciens enfants de la DPJ. C’est comme cela que j’ai eu accès au dos sier de l’un d’eux. À 18 ans, ils peu­vent le consulter. Tout y est consigné. On y rapportait, entre autres, l’appel d’une femme, dans une famille d’accueil, qui se plai­gnait de ce jeune, très deman­dant, qui l’avait empêchée de faire son repassage! Je ne dis pas que c’est représentatif de toutes les familles d’accueil, mais quel sens des valeurs débile!

Le jour où j’ai eu l’idée de la structure narrative de Cati mini, tout s’est mis en place très rapi­dement. Je dois préciser que la DPJ ne me connaît pas comme cinéaste. J’ai préféré emprunter des chemins secondaires pour aller dans un foyer de groupe et dans un centre jeunesse.

Pourquoi avoir consacré le film aux filles?

Je suis une femme et j’ai une fille, alors j’ai tracé un parcours à travers quatre filles. Sûrement que Mégane a déjà été une Cathy. Je ne pouvais pas in­clure un garçon dans cette structure. Sans faire de généralisation, je pense que l’itinéraire des filles de la DPJ est différent de celui des garçons.

Il s’agit de la même jeune fille à divers moments de son parcours.

C’est ce que je voulais suggérer. J’ai cherché à faire des portraits impressionnistes, du point de vue des jeunes filles. On ne partage jamais celui des adultes. Je souhaitais donner à voir le système sans faire un film militant. Avec un seul personnage, il y aurait quelque chose de pathétique et le spectateur se di­rait : « Pauvre enfant! »

Je dois préciser que la

DPJ ne me connaît pas

comme cinéaste. J’ai

préféré emprunter des

chemins secondaires

pour aller dans un foyer

de groupe et dans un

centre jeunesse.

Extrait de la publication

16 Volume 31 numéro 1

EXPO

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Quay Brothers : On Deciphering the Pharmacist’s Prescription for Lip-Reading Puppets

Le cinéma d’animation n’est pas le seul apanage du monde de l’enfance. Loin de là! Et s’il est un duo d’ar­tistes qui le prouve, c’est bien Stephen et Timothy Quay. Chez eux, l’animation est peuplée de traces et de souvenirs, pas nécessairement heureux ni rassurants.

Ceux qui exercèrent d’abord le métier d’illustrateurs font l’objet d’une rétrospective présentée au Museum of Modern Art de New York (MoMA). Dans ce temple de l’art contemporain, sont exposés leurs films, poupées, maquettes et autres accessoires, mais aussi une panoplie de dessins, d’affiches, de gravures, de films en super 8 et d’installations retraçant la genèse de leur univers. À travers quelque 300 artefacts, cet énigmatique couple de créateurs se dévoile — probablement plus qu’ils ne l’auraient souhaité — grâce au savoir­faire de Ron Magliozzi, conservateur associé au département de cinéma du MoMA.

D’abord, une installation en forme de cercueil à lorgnette aux effluves magritiennes accueille le visiteur et exige de lui un engagement physique, contenu dans son processus même. Coffin of A Servant’s Journey (2007) évoque le quotidien d’une servante. Aux images qui s’y dévoilent par le truchement d’une lentille­œilleton se greffe un univers sonore constitué de bruits de pas amplifiés, incarnant la vacuité d’une exis­tence de servitude. Ce mécanisme simple prépare le visiteur à porter attention à ce qui se trame à l’inté­rieur de ces lieux clos (autant les artefacts que les salles d’exposition), à changer de point de vue pour

Un désir infiniMARIE CLAUDE MIRANDETTE

Image tirée du court métrage The Comb (1990)

Extrait de la publication

18 Volume 31 numéro 1

Crocodiles ou Institute Benjamenta (1995, en prise de vue réelle celui­là) et, tout au bout du cou­loir, cinq films fondamentaux, dont cette pièce maîtresse les liant à jamais à un maître de l’anima­tion surréaliste : The Cabinet of Jan Svankmajer (1984). Fin de la première partie.

L’idée de reliques, de memorabilia hante de part en part l’univers des Quay. Leurs films sont intrinsè­quement expérimentaux, explorant chaque fois des thèmes et des mondes particuliers, dans un style personnel reconnaissable entre tous. Les images fixes aux décors statiques dans lesquels se meuvent leurs personnages n’en créent pas moins une im­pression de surcharge par leurs objets hétéroclites amalgamés de manière inusitée. Faute d’une trame narrative affirmée, le spectateur a l’impression d’être laissé à lui­même dans un univers déstabili­sant, dont la matière sonore contribue largement à le déconcerter. Cet effet combiné de lenteur et d’inattendu crée une tension qui extirpe le specta­teur de sa zone de confort. Voir un film des Quay, c’est accepter de se laisser (trans)porter, de pénétrer un monde inconnu, apparemment sans repères, qui annihile toute logique externe au profit d’une dyna­mique intrinsèque en perpétuelle redéfinition. Ils n’ont de cesse de convoquer, de « ranimer » des fi­gures du passé autant que des objets banals et anec­dotiques depuis longtemps désuets. Chaque fois s’impose au spectateur cette sensation d’accéder à un espace clos et secret, un genre de musée privé peuplé des vestiges d’un énigmatique passé, quelque part entre Wunderkammer immémorial (littérale­ment « chambre des merveilles », en français l’ex­pression consacrée est « cabinet de curiosités ») et marché aux puces trivial.

Depuis leurs premiers essais, chacun de leurs films compose un univers s’articulant à l’intérieur d’un espace clos dont les décors immobiles semblent immuables, dominés par une dialectique du temps et de l’espace ayant bien peu à voir avec le monde réel. Ils créent chaque fois des mondes imagi­naires autoréférentiels obéissant à leur tempo ralité propre. Peut­être parce qu’ils n’ont pas été for­més en cinéma, leurs films semblent étrangers aux règles de logique spatio­temporelle et de l’éclairage. Comme s’ils pensaient d’abord en termes de lignes, d’images graphiques se développant par ajouts de couches successives, sémantiquement autant que plasti quement.

Parfois successivement, parfois simultanément, les frères Quay n’ont eu de cesse d’explorer diverses formes d’expressions artistiques qui se sont mutuel­lement influencées; ainsi, le graphisme a nourri l’activité cinématographique; le travail scénogra­phique — au cinéma autant qu’à la scène (ballet, opéra et théâtre) — a teinté l’élaboration de disposi­tifs installatifs, comme si leurs différentes activités s’emboîtaient les unes dans les autres, telles des Matriochkas, sans égard à leur matérialité. Leur ap­proche est chaque fois celle de chorégraphes, véri­tables deus ex machina d’univers insolites mus par leurs règles propres. À travers celles­ci, ils dirigent tacitement le spectateur dans un dédale d’objets et de décors; ils orchestrent les corps en présence (que ce soit des poupées, des danseurs ou des acteurs)pour mieux les manipuler.

Ce qui est vrai de leurs films l’est tout autant des installations qu’ils multiplient depuis 1997. C’est chaque fois le corps du spectateur qui est pris en

Trois vues de la scénographie de l’exposition : agrandissement photographique montrant les jumeaux avec leur mère vers 1948, vitrines murales avec deux marionnettes du film Stille nacht II : Are We Still Married? et diverses affiches polonaises des années 1960 ayant inspirées les frères Quay

Quay Brothers : On Deciphering the Pharmacist’s Prescription for Lip-Reading Puppets

Extrait de la publication

22 Volume 31 numéro 1

Québec / 2012 / 150 min

Réal. et scén. Simon Lavoie, d’après une nou-velle d’Anne Hébert image Mathieu Laver dière son Marcel Chouinard et Patrice Leblanc mus. Normand Corbeil mont. Nicolas Roy PRod. Sylvain Corbeil et Jacques Blain int. Victor Andrés Trelles Turgeon, Laurence Leboeuf, Domi-nique Quesnel, Anthony Therrien dist. Remstar Dis-tri bution

Le Torrent de Simon LavoieD

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Anne Hébert, l’une des plus grandes écrivaines qué­bécoises de la seconde moitié du XXe siècle, est l’au­teure d’un œuvre varié qui s’échelonne sur plus de cinq décennies, composé de nouvelles, de romans, de pièces de théâtre, de poèmes et de scénarios. Pourtant, le cinéma n’a que peu puisé dans ce réper­toire littéraire, malgré sa richesse et sa portée socio­historique. Il y a bien l’exception de Kamou raska (1973) de Claude Jutra, adapté de sa fresque histo­rique du même titre, dont elle a signé, avec le réa­lisateur, le scénario et les dialogues; puis, celle, moins mémorable, des Fous de Bassan (1986) d’Yves Simoneau, à partir du roman publié en 1982. Un quart de siècle plus tard, Simon Lavoie (Le Déserteur, 2008, et Laurentie, 2011) s’est lancé le défi, ou a peut­être ressenti la nécessité, de combler ce manque en adaptant, pour son troisième long métrage, la célèbre nouvelle d’Anne Hébert, origi­nellement publiée en 1950, Le Torrent. Celle­ci ap­partient en outre à un recueil de nouvelles auquel elle donne son titre et qui avait alors permis à l’écri­vaine de se positionner comme une figure de proue de la littérature québécoise.

L’histoire du film reprend sensiblement le récit de la nouvelle. Les changements sont peu nombreux, voire absents. François, un enfant studieux et calme, habite avec sa mère, « la grande Claudine », dans une maison éloignée de toute civilisation. La rou­tine quotidienne consiste à travailler sur la terre du matin au soir, sans relâche. La mère et le fils vivent dans une profonde réclusion, et leurs existences sont gouvernées par des valeurs hautement reli­gieuses. Le garçon, tourmenté par les sévices et les punitions maternels, est pressenti par sa mère pour épouser le sacerdoce. Devenu un jeune homme so­litaire et apeuré, François prend contre toute attente la décision de ne pas suivre le chemin que celle­ci lui impose depuis sa naissance. Une réaction vio­lente de sa mère, répondant à ce refus, le rend sourd.

JEAN-FRANÇOIS HAMEL

Récit d’une dépossession

Quelque temps plus tard, habitant seul suite au dé­cès de sa mère, il croise la route d’un Amérindien accompagné d’une jeune fille; il achète cette der­nière et la ramène chez lui. Ainsi débute, entre ces deux êtres que tout sépare, une relation marquée par une impossibilité à communiquer, jusqu’au jour où celle qu’il a prénommée Amica s’enfuit subitement.

L’univers d’Anne Hébert ne pouvait trouver un écho plus juste dans le cinéma contemporain québécois qu’à travers le regard de Simon Lavoie. Déjà dans Laurentie, il empruntait une approche fascinante pour aborder les questions de l’identité et du refou­lement d’une certaine détresse, aussi innommable qu’insurmontable, dans la psyché masculine québé­coise. L’aliénation à la fois physique et morale qui caractérise le personnage d’Hébert est marquée au sceau de cette même incertitude identitaire. Sa construction du héros déchu qu’est François est parfaitement réussie, on pourrait même la qualifier d’irréprochable. Le cinéaste parvient à transférer à l’écran l’angoisse qui hante la nouvelle. Sur ce point, le film pénètre de manière introspective dans cette âme troublée, sans jamais que ne prédomine une action rapide, ni un enchaînement expéditif. Le Torrent voit tout par les yeux de son protagoniste et absorbe dans pratiquement chacun de ses plans la douleur d’un être à qui l’on a volé le droit d’être libre. Cela permet de rendre justice au motif de l’in­tériorité omniprésent chez Anne Hébert, dont l’écriture repose sur l’utilisation d’un « je » expri­mant ses pensées, ses doutes, en toute subjectivité. Il y a donc là une belle harmonie entre ce récit à la première personne, vécu de l’intérieur, et sa trans­position au grand écran. Le film, en effet, montre des scènes où s’érige une vision isolée, celle de François, en face d’un monde dont il est exclu, en parfaite harmonie avec le type de narration de l’œuvre originale.

Extrait de la publication

32 Volume 31 numéro 1

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EAlain Resnais et le théâtre

À 90 ans, Alain Resnais paraît plus jeune que jamais. Ses ré­cents films, de Pas sur la bouche (2003) aux Herbes folles (2009) en passant par Cœurs (2006), contiennent des éléments à la fois fantaisistes et ludiques franchement rafraîchissants; ils ont davantage l’air des germes d’une carrière prometteuse et juvénile que des derniers soubresauts d’une filmographie ad­mirable. Ils soulignent en outre l’esprit débridé et libre du ci­néaste qui continue, plus d’un demi­siècle après ses débuts, à se réinventer, touchant à plusieurs genres cinématographiques dans une perpétuelle recherche d’originalité. Depuis son pre­mier long métrage, Hiroshima mon amour (1959), Resnais s’est placé en marge du cinéma dominant son époque, sous l’influence de la Nouvelle Vague, pour proposer un univers héritier des autres arts (littérature, théâtre, bande dessinée) et profondément ancré dans une culture à la fois classique et

populaire. Et il s’est distancé des autres réalisateurs marquants de cette période (Truffaut, Godard, etc.) en recourant à des ar­tifices de toutes sortes, parfois contraires aux tournages en dé­cor naturel préconisés par une frange du cinéma moderne et contemporain. Chez Resnais, l’hybridité, sous ses formes les plus variables, est au cœur d’une démarche où le film n’est plus le miroir de la réalité, mais son dépassement par l’imaginaire.

Très tôt, la littérature a occupé le centre de son œuvre à carac­tère multidisciplinaire : Hiroshima mon amour (écrit par Marguerite Duras) et L’Année dernière à Marienbad (1961, écrit par Alain Robbe­Grillet) ont été pensés et réalisés dans un cadre littéraire, puisé à même les thèmes et les auteurs du Nouveau Roman alors en vogue. Depuis les années 1980, c’est vers le théâtre (et ses variantes, dont la comédie musicale)

L’art de l’illusionJEAN-FRANÇOIS HAMEL Mathieu Amalric, Sabine Azéma et Pierre Arditi

dans vous n’avez encore rien vu

Extrait de la publication

38 Volume 31 numéro 1

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ELes guides de scénarisation

Faut-il savoir lirepour écrire un scénario?H-PAUL CHEVRIER

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Extrait de la publication

Volume 31 numéro 1 39

Dans son livre Le Scénario (1986), Jean­Paul Torok élabore une histoire du scénario, autant chez les Américains que chez les Français. Il constate qu’il y a « plus de ressemblance entre des films écrits par le même scénariste pour des réalisateurs dif­férents qu’entre des films du même réalisateur écrits par divers scénaristes ». Il nous semble qu’on devrait refaire l’histoire du cinéma… selon les scénaristes, et non pas selon les cinéastes. L’auteur explique aussi comment la Nouvelle Vague française a dénié la moindre fonction créatrice au scénario pour mieux transférer le statut d’auteur au seul metteur en scène. La Politique des auteurs aura comme effet pervers, encore aujourd’hui, que la production d’un film se décide moins sur la qualité intrinsèque du scénario que sur la réputation du ci­néaste et ses relations.

Au Québec comme ailleurs, le scénario est d’abord prétexte à composer un générique et à élaborer le financement d’un pro­jet de film, les producteurs consacreront plus de temps à cons­tituer un casting, à réclamer des subventions et à trouver un distributeur qu’à discuter du scénario. Il arrive qu’on appelle un scénariste en renfort, simplement pour mettre en forme les idées du réalisateur, structurer le récit ou justifier les person­nages, toujours sous la direction du producteur. Souvent, le scénariste intervient à la toute fin du processus, comme un technicien supérieur (mais révocable) qu’on nomme « con­seiller en scénarisation » ou script-doctor.

Le paradoxe, c’est que Téléfilm Canada, la SODEC et les autres institutions jugent un projet sur la base de son scénario. Pour effectuer leur sélection, les instances considèrent d’abord la feuille de route du réalisateur pour ensuite faire vérifier le scé­nario par des lecteurs externes. Dans les rapports que ceux­ci rendent aux organismes, il arrive fréquemment qu’ils relèvent l’absence de pivots dramatiques et de retournements de situa­tion, ce qui indique éloquemment que les évaluateurs basent leur jugement sur des grilles inspirées de certains guides de scénarisation. En effet, les fiches d’évaluation prennent en compte (sans l’avouer) les 3 actes de Syd Field ou les 5 étapes de Robert McKee, sinon les 7 clés de John Truby. Dans les pages qui suivent, nous résumerons les approches des princi­paux ouvrages sur la scénarisation et soulignerons les lacunes de chacune de celles­ci, quitte à reformuler la recette de base.

Au commencement…

Dans les années 1940 et 1950, les scénaristes ont à leur dis­position peu d’outils, sinon le classique d’Eugene Vale, The

Tech nique of Screenplay Writing, paru en 1944, et le livre de Lajos Egri, The Art of Dramatic Writing, publié en 1946. Dans les années 1960 et 1970, le monde de l’édition se consacre sur­tout aux grammaires du cinéma. Il faut attendre le tournant des années 1980 et la mort annoncée du cinéma pour se re­trouver avec un tsunami d’ouvrages sur la façon de rédiger un scénario de film. Dwight Swain dans Film Script Writing (1976), William Miller dans Screenwriting for Narrative Film and Television (1980), Tom Stempel dans Screenwriting (1982) et d’autres mettent à jour le livre d’Eugene Vale (réédité en 1980) en fournissant des exemples tirés de films des années 1970. Puis Michel Chion dans Écrire un scénario (1985), An­toine Cucca dans L’Écriture du scénario (1986), Jean­Claude Carrière et Pascal Bonitzer dans Exercices de scénario (1990), entre autres, font la même chose en français.

Linda Seger dans Making a Good Script Great (1987), Michael Hauge dans Writing Screenplays That Sell (1988), Viki King dans How to Write a Movie in 21 Days (1988) et d’autres peau­finent les théories de Syd Field (dont on parlera plus loin). Pierre Jenn dans Techniques du scénario (1991), Jean­Marie Roth dans Écrire un scénario de film (1995), Valéria Cynthia Selinger dans Les Secrets du scénario (1995), pour ne nommer qu’eux, participent à cette vague de guides d’écriture. Surgis­sent dans les années 2000 des éditeurs spécialisés dans la scé­narisation, aussi bien d’un court métrage, d’une série télévisée que d’un documentaire. En plus des nombreuses publications sur la façon d’écrire une histoire.

Le livre le plus honnête reste celui d’Yves Lavandier, La Dra-maturgie (éditions Le Clown & l’enfant, 1994). Il illustre La Poétique d’Aristote, un incontournable de l’Antiquité grecque sur la dramaturgie. Celui­ci explorait déjà les principes de base du drame (exposition, crise, climax), ses fonctions (identifica­tion, catharsis), ainsi que le statut des personnages (caractéri­sation, motivations) et certaines lois dramatiques (unité de lieu, de temps, d’action). Sa division en trois actes se décline en protase/épitase/catastrophe. Elle mutera en conflit/développe­ment/résolution chez les dramaturges italiens et français des XVIe et XVIIe siècles, puis en conflit/choc et paroxysme/con­ciliation chez Hegel. Le premier acte se prolonge jusqu’à ce que le spectateur soit informé de l’objectif du personnage, le deuxième, jusqu’à ce que celui­ci ait atteint ou abandonné son objectif, tandis que le troisième sera celui de la décompression et du retour à l’équilibre.

Lavandier rappelle un principe fondamental, celui du person­nage qui cherche à atteindre un objectif et qui est confronté à des obstacles. Il faut que l’objectif du personnage soit aussi mo­tivé que difficile et clairement perçu par le spectateur. Que les obstacles frappent surtout le protagoniste quand il est déjà

Je n’ai jamais écrit de scénario, mais je suis mieux placé qu’une poule pour juger de la qualité d’une omelette.

(Clayton Rawson)

Extrait de la publication

40 Volume 31 numéro 1

Centre PHILes guides de scénarisation

En s’appuyant sur un corpus de films hollywoodiens des

années 1970, Field codifie ce que les scénaristes faisaient

instinctivement depuis toujours. Mais il a répété, illustré et

dessiné son paradigme jusqu’à en faire vérité.

éprouvé et qu’ils se présentent dans un crescendo. Le per­sonnage est caractérisé par ses motivations, ses désirs et les moyens qu’il utilise pour atteindre son objectif. Les person­nages doivent se distinguer sur les plans professionnel, social et intime, quitte à ce qu’on leur fournisse une biographie ima­ginaire antérieure à ce qui est raconté dans le scénario. En s’appuyant sur un répertoire de 14 000 pièces de théâtre, films et albums de bandes dessinées, l’auteur illustre comment ra­conter une histoire simple avec un début, un milieu et une fin.

La cinquième édition de La Dramaturgie, en 2011, conserve la partie théorique (546 pages) et l’auteur détache les annexes « Construire un récit » et « Évaluer un scénario » pour en faire

deux livres autonomes (Le Clown & l’enfant). Ce qui nous ramène aux guides de scénarisation qui ne proposent pas un inventaire des mécanismes du récit, mais plutôt une méthode pour les appliquer, une sorte de marche à suivre, généralement accompagnée d’exercices. En effet, certains gourous ont vendu des recettes de scénario lors de conférences à travers le monde. Issus de ces ateliers de motivation pour scénaristes en panne, ces best sellers s’intitulent Screenplay de Syd Field (1979), Story de Robert McKey (1997), Anatomy of Story de John Truby (2007) et The Writer’s Journey de Christopher Vogler (1992).

Les 3 actes de Syd Field Dans Screenplay, Syd Field répète les recommandations tradi­tionnelles : donnez à votre personnage une vision du monde, un point de vue personnel, trouvez­lui des comportements et des traits de caractère spécifiques. Mais l’auteur a ceci de par­ticulier qu’il consacre plus des trois quarts de son livre à la structure du récit. On ne commence pas à écrire avant d’avoir trouvé le dénouement et l’on suit scrupuleusement le paradig­me des 3 actes. Field reprend le schéma aristotélicien, en pré­cisant que le deuxième acte doit être deux fois plus long que les deux autres et qu’il faut des retournements de situations (ou pivots, comme il les désigne) à la fin des actes 1 et 2.

Dans la mesure où une page de scénario correspond à une minute de film, dans un scénario moyen de 120 pages (pour un film de deux heures), le premier et le troisième actes du­rent chacun 30 minutes ou pages et le deuxième acte dure le double, soit 60 minutes ou pages. Le premier acte est une mise en situation et dès les 10 premières minutes, il faut dé­gager la motivation principale du héros. À la fin du premier acte, soit aux pages 25, 26 ou 27, un pivot dramatique est nécessaire, à savoir un événement qui change radicalement le cours de l’histoire. Le deuxième acte développe les tentatives du héros pour régler le conflit, avec habituellement un pivot entre les pages 85 et 90. Le troisième acte fournit la résolution du conflit initial.

Dans The Screenwriter’s Workbook en 1984, le coach Field explicite ses mantras jusqu’à proposer la lecture de son livre comme un atelier : faites l’exercice à la fin du chapitre et une fois le livre terminé, vous aurez un scénario! Il faut commencer par trouver un sujet, donc rédiger une idée en trois phrases centrées sur le personnage et l’action. Ensuite, on élabore une structure, on rédige une idée selon le paradigme, avec le com­mencement, la fin et les deux pivots dramatiques. Le résumé de l’histoire (qu’il appelle synopsis) aura quatre pages ainsi divisées : une demi­page pour décrire la séquence d’ouverture, une demi­page pour l’action générale du premier acte, une demi­page pour le pivot à la fin du premier acte, une page pour l’action de deuxième acte, une demi­page pour le pivot à la fin du deuxième acte et, finalement, une page pour le dénouement du troisième acte. Mais surtout, il importe de bien connaître le personnage principal. Que veut­il atteindre au cours du scé­nario? Quelle force l’anime tout au long de l’histoire? Quel est son point de vue sur le monde? Pour répondre à ces questions, il est indispensable de rédiger une courte biographie du per­sonnage principal (entre trois et cinq pages) depuis sa nais­sance jusqu’au moment où commence le film. On écrira aussi une courte biographie de deux autres personnages importants afin d’établir les grandes lignes de leur vie intime, sociale et professionnelle.

Extrait de la publication