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Évolution de l’écriture arabe [1-2] Avant le 10 e siècle, les graphies dites « coufiques » sont anguleuses et souvent étirées horizontalement. Progressivement se met en place un système de différenciation des voyelles et des consonnes au moyen de points et de traits qui en facilitent la lecture. Aux 12 e et 13 e siècles, des écritures arrondies se diffusent, avec des variantes locales. Elles seront privilégiées par les copistes jusqu’au 19 e siècle. 1 Deux pages de coran Sourate 1 (al-Fatiha), versets 5 à 7 (à gauche) ; sourate 6 (Les troupeaux), versets 49 (fin) à 50 (à droite) Proche-Orient, 10 e siècle Encres et or sur parchemin Don Jean Sauvaget, 1946 ; MAO 5 c/bis Ce coran est copié dans une écriture anguleuse dite « coufique ». Points et traits noirs différencient les consonnes et voyelles longues entre elles. Des points rouges indiquent les voyelles courtes ou l’absence de voyelle. À gauche, la première sourate du Coran (al-Fatiha) est dotée d’un encadrement et d’un ornement doré. Ces deux pages proviennent d’un même volume mais ne se faisaient pas face à l’origine. 2 Page de coran Sourate 51 (Ceux qui se déplacent rapidement), versets 40 (fin) à 59 Turquie ou Iran, 16 e siècle Encres noire et bleue, or sur papier Don H. Vever, 1910 ; AD 17436 Recto ; dépôt, musée des Arts Décoratifs, Paris, 2006 L’alternance de lignes d’écriture minuscule (graphie naskh) et majuscule (graphie muhaqqaq) ne correspond à aucune rupture syntaxique ou sémantique dans le texte, ni à un titrage. Il s’agit d’un pur jeu esthétique qui structure visuellement la page, sans lien avec son contenu. Dans la marge, des rosaces aident au repérage des subdivisions du texte et au décompte des versets. 3 Rosace liminaire d'un manuscrit profane Turquie ou Iran, 16 e siècle Encre et or sur papier Legs G. Marteau, 1916 ; OA 7108 Recto Les manuscrits de luxe peuvent s'ouvrir sur le motif d'une rosace (shamsa) richement enluminée. Son cercle central reçoit parfois une inscription donnant le titre du manuscrit, son lieu de destination ou le nom de son propriétaire, ce qui n'est pas le cas ici. Au revers de cette page est dépeinte une scène de banquet princier dans un jardin, iconographie souvent retenue pour les pages liminaires des ouvrages littéraires profanes.

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Évolution de l’écriture arabe [1-2] Avant le 10e siècle, les graphies dites « coufiques » sont anguleuses et souvent étirées horizontalement. Progressivement se met en place un système de différenciation des voyelles et des consonnes au moyen de points et de traits qui en facilitent la lecture. Aux 12e et 13e siècles, des écritures arrondies se diffusent, avec des variantes locales. Elles seront privilégiées par les copistes jusqu’au 19e siècle.

1 Deux pages de coran Sourate 1 (al-Fatiha), versets 5 à 7 (à gauche) ; sourate 6 (Les troupeaux), versets 49 (fin) à 50 (à droite) Proche-Orient, 10e siècle Encres et or sur parchemin Don Jean Sauvaget, 1946 ; MAO 5 c/bis Ce coran est copié dans une écriture anguleuse dite « coufique ». Points et traits noirs différencient les consonnes et voyelles longues entre elles. Des points rouges indiquent les voyelles courtes ou l’absence de voyelle. À gauche, la première sourate du Coran (al-Fatiha) est dotée d’un encadrement et d’un ornement doré. Ces deux pages proviennent d’un même volume mais ne se faisaient pas face à l’origine.

2 Page de coran Sourate 51 (Ceux qui se déplacent rapidement), versets 40 (fin) à 59 Turquie ou Iran, 16e siècle Encres noire et bleue, or sur papier Don H. Vever, 1910 ; AD 17436 Recto ; dépôt, musée des Arts Décoratifs, Paris, 2006 L’alternance de lignes d’écriture minuscule (graphie naskh) et majuscule (graphie muhaqqaq) ne correspond à aucune rupture syntaxique ou sémantique dans le texte, ni à un titrage. Il s’agit d’un pur jeu esthétique qui structure visuellement la page, sans lien avec son contenu. Dans la marge, des rosaces aident au repérage des subdivisions du texte et au décompte des versets.

3 Rosace liminaire d'un manuscrit profane Turquie ou Iran, 16e siècle Encre et or sur papier Legs G. Marteau, 1916 ; OA 7108 Recto Les manuscrits de luxe peuvent s'ouvrir sur le motif d'une rosace (shamsa) richement enluminée. Son cercle central reçoit parfois une inscription donnant le titre du manuscrit, son lieu de destination ou le nom de son propriétaire, ce qui n'est pas le cas ici. Au revers de cette page est dépeinte une scène de banquet princier dans un jardin, iconographie souvent retenue pour les pages liminaires des ouvrages littéraires profanes.

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Les arts du livre Dans le monde islamique, le livre manuscrit et le métier de copiste perdurent jusqu’au 19e siècle. L’imprimerie tarde à se développer, car un interdit religieux empêche la reproduction mécanique de l’écriture arabe. Celle-ci sert à transcrire diverses langues (arabe, persan, turc ottoman, ourdou…) ; ses formes varient selon les époques et les régions. Frontispices, ornements des marges et illustrations peintes agrémentent les textes ; ils contribuent à la préciosité des manuscrits, protégés par leurs reliures. Peintures d’illustration [4-6] Au 13e siècle, la peinture se développe en Irak dans les ouvrages scientifiques et littéraires. À la fin du 13e siècle, des influences extrême-orientales transforment la peinture, en Iran comme en Irak. Vers 1400, un canon se met en place, qui se diffuse au 16e siècle en Turquie et en Inde : couleurs vives et contrastées, visages non individualisés aux expressions contenues et transcription idéalisée de la nature le caractérisent. L’influence de l’art européen fait évoluer cette esthétique dès la fin du 16e siècle en Inde, un peu plus tard en Iran et en Turquie.

4 La princesse Malika se présente devant le roi Shapur ; page d’un Livre des rois (Shahnameh) de Firdawsi (m. vers 1020) Iran, début du 14e siècle Encre, pigments et or sur papier Achat, 1987 ; MAO 826 Verso Le Livre des Rois est une épopée en langue persane de plus de 50 000 distiques (couples de vers). Composée par le poète Firdawsi aux alentours de l’an mille, elle embrasse l’histoire de l’Iran de la création du monde à la chute de la dynastie sassanide, au 7e siècle de notre ère. Les plus anciennes copies illustrées remontent au tournant du 14e siècle. Les images se présentent alors comme de petites vignettes insérées dans le corps du texte. 5 Les anges se prosternent devant Adam à l’exception d’Iblis ; page d’une Histoire des prophètes Iran ou Turquie, fin du 16e siècle Encre, pigments et or sur papier Anc. coll. Sevadjian, achat 1960 ; MAO 375 Verso L’islam reconnaît à certaines figures bibliques le statut de prophète. C’est le cas d’Adam, de Moïse, d’Abraham ou de Jésus. Les anecdotes relatives à ces prophètes furent compilées par certains auteurs et fournirent aux peintres des sujets d’illustration. Adam, premier des prophètes, est assis sur un trône. Il se distingue par une auréole de flammes, signe de son statut prophétique. Le démon Iblis, qui refusa de se prosterner devant Adam, est figuré en haut à droite. 6 Le roi Ardashir reconnaît son fils Shapur parmi les enfants jouant au polo ; page d’un Livre des Rois de Firdawsi (m. vers 1020) Iran, vers 1580 Encre, pigments et or sur papier Achat, 1960 ; MAO 373 Verso

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Ardashir fut le fondateur de la dynastie sassanide d’Iran (224-651). D’après le Livre des Rois, il eut un fils unique, Shapur, qui réchappa d’un massacre et fut élevé à l’insu du roi. Vers la fin de sa vie, Ardashir apprit l’existence de ce fils et souhaita le rencontrer. De jeunes garçons, parmi lesquels Shapur, furent réunis sur une aire de jeu de polo. Ardashir se lança comme défi de reconnaître son fils et d’éprouver ainsi son instinct paternel.

Pages et peintures d’album [7-14] Dans le monde iranien, le phénomène de la collection de peintures ou de dessins, signés ou attribués à des artistes célèbres, s’amplifie à partir du 16e siècle. Cette mode se propage en Turquie et en Inde. Des marges ornées et quelques vers de poésie encadrent parfois dessins et peintures, qui trouvent place à l’intérieur d’albums formant un livre ou reliés en accordéon. L’album peut aussi renfermer des pièces de calligraphie.

7 Poème calligraphié en persan ; page d’album Iran, début du 17e siècle Encre, pigments et or sur papier Achat, 1996 ; MAO 1200 Recto Ces deux vers calligraphiés en écriture nastaliq sont extraits d’un ghazal du poète Orfi Shirazi (1555-1591). Né en Iran, dans la ville de Shiraz, Orfi poursuivit sa carrière en Inde, à la cour de l’empereur moghol Akbar. Il mourut à Lahore (Pakistan). Le persan était alors la langue officielle de la cour et de l’administration des cours musulmanes du sous-continent indien. 8 Jeune princesse tenant une coupe ; page du même album Iran, début du 17e siècle Encre, pigments et or sur papier Achat, 1996 ; MAO 1199 Recto Cette peinture et la calligraphie précédente (MAO 1200) proviennent d’un même album. Les quelques pages dispersées de ce recueil montrent qu’il contenait une galerie de figures isolées, qui constituent des archétypes de la peinture iranienne. Cette jeune princesse fait écho aux scènes de divertissements princiers des manuscrits contemporains et au thème du banquet cher à la littérature persane. 9 Vers de poésie et marge illustrée ; page d’album Iran, première moitié du 17e siècle ou seconde moitié du 19e siècle Encre, pigments et or sur papier Legs G. Marteau, 1916 ; OA 7161 Des petites scènes galantes ou de banquet en pleine nature occupent la marge autour du texte. Le canon des personnages et leurs costumes sont typiques de la première moitié du 17e siècle. Ce style fut remis au goût du jour dans la seconde moitié du 19e siècle par des artistes cherchant l’inspiration dans les œuvres du passé. Ces fidèles pastiches sont souvent difficiles à distinguer de leurs authentiques modèles.

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10 Jeune prince caressant un faucon ; page d’album Iran, début 17e siècle Encre, pigments et or sur papier Don M. Sulzbach, 1919 ; OA 7506 Cette page provient du même album que les numéros 7 et 8 (MAO 1200 et MAO 1199). Le sujet renvoie à la pratique de la chasse au faucon ou à l’autour, fort prisée autrefois dans le monde islamique et qui y subsiste encore de nos jours. Le rapace apprivoisé se tient perché sur le gant de protection du jeune prince. Il porte à son cou un collier à grelot qui permet de localiser l’animal une fois qu'il s'est envolé vers sa proie. 11 Visite d’un jeune disciple à un ascète Iran ou Afghanistan, début du 17e siècle Encre, pigments et or sur papier Legs G. Marteau, 1916 ; OA 7097 Le thème de l’ascète en méditation est récurrent dans la peinture persane. En écho à la conversation mystique des deux hommes, d’autres dialogues s’instaurent dans le paysage et dans les marges, entre deux pies, deux paons, etc. Longtemps considérée comme une page d'album, car dépourvue de texte au revers, ce folio provient plus vraisemblablement d'un recueil de poèmes dont les illustrations ont été dispersées. 12 Deux oiseaux ; page de l’Album du prince Salim Inde, vers 1590-1600 Encre, pigments et or sur papier Attribué à Mansur (actif vers 1590-1625) Achat, 1996, anc. coll. Duffeuty ; OA 36 19 P Recto Les sujets animaliers, fréquents dans les albums impériaux de l’Inde, ont souvent été attribués au peintre Mansur, qui en fit sa spécialité. Bien que les animaux qu'il dépeint avec minutie et exactitude soient généralement reconnaissables, l'espèce de ces deux oiseaux n'a pas encore été identifiée. Cette peinture peut être considérée comme une œuvre du début de sa carrière ou comme une peinture d'après une œuvre de Mansur. 13 Homme offrant un poisson à une femme ; page d’album Inde, vers 1590 Attribué à Husayn (actif vers 1580-1590) Encre, pigments et or sur papier Achat, 1996, anc. coll. Duffeuty ; OA 3619 C Recto A la fin du 16e siècle, les gravures et bibles illustrées apportées en Inde par les missionnaires jésuites fournissent de nouveaux sujets aux peintres locaux. Ceux-ci s’en emparent pour les adapter souvent très librement. Ainsi, cette scène insolite et étrange a pu s’inspirer de l’histoire de Tobie (Ancien Testament). L’archange Raphaël aurait conseillé à Tobie de récupérer le fiel d'un énorme poisson surgi du fleuve Tigre, lui confiant qu’il pourrait guérir la cécité de son père.

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14 Figure allégorique ; page d’album Inde, vers 1590 Attribué à Basawan (actif vers 1656-1600) Encre, pigments et or sur papier Achat, 1996, anc. coll. Duffeuty ; OA 3619 J Verso Collaborant aux illustrations de nombreux manuscrits, Basawan fut souvent chargé d’en exécuter le dessin et la composition. Le subtil modelé de ses personnages et les drapés de leurs costumes trahissent une connaissance des gravures européennes. L’artiste s'en inspire mais pour composer des sujets à nos yeux énigmatiques. La figure féminine centrale de ce dessin serait une adaptation de l’allégorie féminine du frontispice de la Bible polyglotte d'Anvers (1568-1572).

Vitrine de grand format

Tissu aux lions Espagne ou Sicile, 14e-16e siècle Damas de soie AOR 1941-104, attribution par l’Office des biens privés, 1941