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Vos DÉFENDEZ VOS DROITS droits au QUOTIDIEN J'ai signé un contrat qui contient une clause abusive LES FAITS Pour mon déménagement, j'ai fait appel à une société de déménageurs professionnels. Pendant le trajet, plusieurs objets ont été abîmés dont un miroir ancien, une commode Louis XVI et un écran plat Il y en a pour 2 000 de dégâts environ. J'ai fait une réclamation dans les 10 jours, demandant à être remboursée. Mais ils m'ontproposé une indemnisation dérisoire (200 €), en se fondant sur une clause du contrat que j'ai signé, mais qu'à mon grand regret, je n'avais pas eu le temps de lire. Je trouve cette clause scandaleuse et je suis à peu près sûre qu'ils ne peuventpas m'imposer cela. Commentpuis-je vérifier s'il s'agit d'une clause abusive ? Et comment faire pour obtenir gain de cause? LE DIAGNOSTIC Selon l'article L 212-1 code de la consomma- tion, est abusive toute clause qui, dans un contrat, crée au détriment du consommateur un « déséquilibre significatif» entre les droits et obligations des parties au contrat. A SAVOIR i Le code de la consommation a été modifié en juillet 2016. Certains articles ont changé de place. Avant cette date, la définition des clauses abusives se trouvait à l'article L132-1. Le droit interdit deux types de clauses Certaines clauses ont été identifiées comme abusives par le législateur. Le code de la consommation adressé deux listes différentes. D'une part, une liste «noire» de 12 clauses considérées comme abusives en toutes cir- constances (c'est-à-dire quels que soient les arguments qui peuvent être opposés par le professionnel), car elles portent une atteinte grave à l'équilibre du contrat (art. R 212-1 du 90 / Novembre2016'N° 26.Le Particulier

Vos DÉFENDEZ VOS DROITS au J'ai signé un contrat · la législation sur les clauses abusives. De même, si vous avez signé un contrat avec un particulier, vous ne serez pas concerné

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Vos D É F E N D E Z VOS DROITS droits

au QUOTIDIEN

J'ai signé un contrat qui contient une clause

abusive LES FAITS

Pour mon déménagement, j'ai fait appel à une société de déménageurs professionnels. Pendant le trajet, plusieurs objets ont été abîmés dont un miroir ancien, une commode Louis XVI et un écran plat Il y en a pour 2 000 € de dégâts environ. J'ai fait une réclamation dans les 10 jours, demandant à être remboursée. Mais ils m'ontproposé une indemnisation dérisoire (200 €), en se fondant sur une clause du contrat que j'ai signé, mais qu'à mon grand regret, je n'avais pas eu le temps de lire. Je trouve cette clause scandaleuse et je suis à peu près sûre qu'ils ne peuventpas m'imposer cela. Commentpuis-je vérifier s'il s'agit d'une clause abusive ? Et comment faire pour obtenir gain de cause?

LE DIAGNOSTIC Selon l'article L 212-1 code de la consomma­tion, est abusive toute clause qui, dans un contrat, crée au détriment du consommateur un « déséquilibre significatif» entre les droits et obligations des parties au contrat. A SAVOIR i Le code de la consommation

a été modifié en juillet 2016. Certains articles ont changé de place. Avant cette date, la définition des clauses abusives se trouvait à l'article L132-1.

Le droit interdit deux types de clauses Certaines clauses ont été identifiées comme abusives par le législateur. Le code de la consommation adressé deux listes différentes. D'une part, une liste «noire» de 12 clauses considérées comme abusives en toutes cir­constances (c'est-à-dire quels que soient les arguments qui peuvent être opposés par le professionnel), car elles portent une atteinte grave à l'équilibre du contrat (art. R 212-1 du

90 / Novembre2016'N° 26.Le Particulier

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code de la consommation - CC). D'autre part, une liste «grise» de 10 clauses, simplement présumées abusives (art. R 212-2 du CC) car le déséquilibre qu'elles créent entre les contrac­tants est moins important Pour ces dernières, en cas de litige, le professionnel pourra se défendre en prouvant que la clause était justi­fiée au regard des circonstances. Afin de faciliter la mise en œuvre de cette légis­lation, la Commission des clauses abusives est chargée d'examiner les contrats dans diffé­rents secteurs d'activité. Elle publie régulière­ment des recommandations dans lesquelles elle pointe les clauses qui lui semblent abusi­ves. Ces recommandations ne sont pas contraignantes, cela signifie que le profession­nel et le juge ne sont pas obligés d'en tenir compte. Mais elles vous seront néanmoins uti­les pour identifier des clauses contestables. Dans les contrats de déménagement, de garde-meuble et de stockage, par exemple, la Com­

mission a identifié récemment 28 clauses qui devraient, selon elle, être supprimées (recom­mandation n° 16-01 du24.3.16, voirp. 92).

En principe, le juge n'a pas à intervenir Si une clause figure dans la liste noire ou la liste grise, on dit qu'elle est «réputée non écrite» (art.L 241-1 du CC). Cela signifie qu'elle est automatiquement privée d'effet, sans que le juge n'ait à intervenir Le mieux, dans ce cas, est de l'ignoret Si elle vous empêche de faire quel­que chose (par exemple, demander des indem­nités), vous pouvez passer outre. Si elle vous impose quelque chose (par exemple, payer des indemnités), vous pouvez refiiset Si l'affaire va en justice, vous n'aurez pas à prouver le carac­tère abusif de la clause. Soyez plus prudent si la clause ne figure pas parmi ces deux listes. Il se peut qu'elle soit considérée comme abusive si elle crée un déséquilibre à votre détriment, mais vous devrez en apporter la preuve en justice.

LA PROCEDURE

1. Vérifiez si la clause peut être contestée Pour savoir si des clauses repérées dans votre contrat sont abusives, vous devez, dans un premier temps, les comparer avec celles qui sonténumérées aux articles R 212-1 etR212-2 du code de la consommation (anciens articles R132-1 etR 132-2).

Lii clause figure-t-elle dans la liste noire ? Ces clauses « noires » de l'article R. 212-1 ont en commun de porter une atteinte grave à l'équi­libre du contrat Elles sont considérées comme abusives, sans même qu'un juge n'aitbesoin de le constater. On dit qu'elles sont « réputées non écrites » : tout se passe comme si elles ne figu­raient pas au contrat On peut les classer en 4 grandes catégories : > les clauses qui suppriment ou réduisent un droit du consommateur. Par exemple, vous renoncez à votre droit à une réparation pleine et entière si le professionnel manque à l'une de ses obligations ; » les clauses qui octroient un pouvoir unila­téral au professionnel. Par exemple, le pro­fessionnel se réserve le droit de modifier le prix, la durée ou les caractéristiques du service, en cours de contrat, sans vous laisser la faculté de

le résilier de manière anticipée et d'obtenir un remboursement; > les clauses qui octroient un avantage non réciproque. Par exemple, une disposition sou­mettant la résiliation d'un contrat à durée indé­terminée à un délai de préavis plus long pour le consommateur que pour le professionnel ; . . .

Le Particulier .iV" 1126'Novembre2016/91

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MON CONTRAT C O N T l i N T UNE CLAUSE A B U S I V E

• les clauses qui induisent le consommateur en erreur. Par exemple, une mention indi­quant que le client reconnaît avoir lu et accepté les conditions générales de vente, alors que cel­les-ci ne lui ont jamais été remises, et qu'il n'a aucun moyen de les consulter par lui-même. Dans le cas du litige avec une société de démé­nagement étudié ici, la clause douteuse du contrat correspond bien à une clause « noire » décrite au 6° de l'article R 212-1 du code de la consommation. Elle limite le droit à répara­tion du client pour des dégâts causés par le déménageur à une somme forfaitaire de 200 €, alors que sa perte réelle s'élève à 2 000 €. Il est en droit de refuser les 200 €, pour réclamer une juste réparation du préjudice subi.

La clause figure-t-elle dans la liste grise ? Les clauses dites « grises » de l'article R212-2 créent un déséquilibre entre les parties au contrat, mais ce déséquilibre n'est pas qualifié de grave (contrairement celui des clauses dites «noires»). Soit elles accordent au profession­nel un avantage non réciproque, soit elles imposent au consommateur des obligations excessives. 11 peut s'agir, par exemple, d'une clause vous faisant perdre les arrhes que vous avez versées, si vous renoncez à conclure ou à exécuterun contrat, mais sans prévoir de péna­lité équivalente pour le professionnel si c'est lui qui y renonce. Ou bien d'une clause vous obli-

Seuls les contrats entre professionnels et consommateurs sont concernés La législation contre les clauses abusives ne s'applique qu'aux contrats conclus entre un pro­fessionnel (prestataire de servi­ces, fournisseur, sodété com­merciale, organisme assumant des missions de service public.) agissant dans le cadre de son activité et un consommateur, c'est-à-dire une personne ayant agi en dehors de son activité professionnelle. Par consé­quent, si vous avez conclu un contrat de service ou de fourni­ture de biens pour les besoins de votre activité professionnelle (par exemple si vous avez fait

appel à des déménageurs pour vider votre local commercial), vous ne pourrez pas invoquer la législation sur les clauses abusives. De même, si vous avez signé un contrat avec un particulier, vous ne serez pas concerné par cette réglementa­tion. Mais vous pouvez être protégé par d'autres textes de loi spécifiques à votre situation. Par exemple, si vous avez trouvé une dause choquante dans un contrat de bail passé avec un bailleur privé, vérifiez si elle n'est pas interdite par la loin" 89-462 du 6 juillet 1989.

géant à payer une indemnité d'un montant manifestement disproportionné, si vous ne respectez pas vos engagements (appelée aussi « clause pénale »). Ou encore d'une clause qui supprime ou limite vos possibilités d'action en justice ou vos recours. Ces clauses-là sont présumées abusives. Mais il s'agit d'une présomption simple. Si le profes­sionnel vous assigne en justice ou si c'est vous qui l'assignez, chacun dans l'espoir de récupé­rer ce qu'il estime être son dû, le professionnel tentera d'apporter la preuve que la clause est justifiée au regard des circonstances (ce qui est impossible avec les clauses «noires», présu­mées abusives de manière irréfragable, c'est-à-dire sans que le professionnel puisse appor­ter la preuve de leur légitimité). Et sachez que le juge peut lui donner raison.

Si la clause ne figure dans aucune liste, il faudra prouver qu'elle est abusive Les listes noires et grises ne sontpas exhausti­ves. Elles permettent, à coup sûr, d'« épingler » certaines clauses, mais d'autres peuvent se révéler elles aussi abusives, sans pour autant figurer sur ces Hstes. Dans ces cas-là, c'est au juge qu'il revient de dire si une clause doit être interdite ou non. Devant le juge, c'est à vous de prouver que la clause contestée est abusive. Avant le procès, il faudra donc préparer votre dossier. Pour savoir si un tribunal a déj à statué sur ce type de clause, vous pouvez vous rendre sur le site de la Commission des clauses abusives, qui recense de nombreuses références jurisprudentielles classées par thème (assurance, automobile, banque, club de sport, etc.). Vous y trouverez aussi ses avis et ses recommandations, qui peuvent venir conforter votre demande. La Commission s'est prononcée récemment sur la validité de clauses figurant dans des contrats de déménagement, de garde-meuble et de stockage (recommandation n° 16-01 du 24.3.16). Dans les contrats de déménagement, elle demande la suppression de trois types de clauses qu'elle identifie comme faisant partie de la liste noire : celles qui excluent la respon­sabilité du professionnel en dehors d'un cas de force maj eure (un accident ou une panne) ; cel­les qui écartent ou limitent sa responsabilité lorsque le dommage a été causé par un sous-traitant; et celles qui plafonnent l'indemnisa­tion des chents à une valeur inférieure au montant qui a été déclaré.

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2. Tentez de résoudre le conflit à l'amiable Adressez-vous, par téléphone, ptiis par courrier, au service clients de l'entreprise, afin de trouver un arrangement En cas de litige avec un démé­nageur, expliquez d'une part, que vous refusez l'offre d'indemnisation plafonnée (à 200 € dans notre exemple), parce que la clause qui la pré­voit au contrat est interdite par l'article R 212-1-6° du code de la consommation, et d'autre part, que vous réclamez des indemnités à la hau­teur de la valeur des biens endommagés (soit 2000 € dans notre exemple). I l est conseillé d'envoyerun courrier recommandé avec avis de réception. Si votre demande aboutit, les clauses resteront dans le contrat mais seront sans effet En revanche, si la société de déménagement refuse de vous indemniser ou ne vous répond pas, vous devrez aller en justice pour tenter d'obtenir gain de cause. Avant de saisir directe-ment le juge, nous conseillons de prendre contact avec une association de consomma­teurs, comme l'UFC Que Choisir ou Consom­mation, logement et cadre de vie (CLCV). Elle vous sera d'un grand secours pour identifier les

clauses abusives contenues dans votre contrat, et pourra faire pression sur le professionnel.

A SAVOIR Pour trouver une issue non contentieuse à votre iitige, songez à la médiation. Vous pouvez saisir gratuitement un médiateur de la consommation. Vous trouverez la liste des médiateurs par secteur professionnel sur le site du ministère de l'Économie : economie.gouv.fr/ mediation-conso.

3. Défendez-vous devant les tribunaux Si vous réclamez une somme d'argent à un pro­fessionnel (par exemple des dommages et intérêts en cas de dégâts causés à vos meubles), vous serez à l'origine du procès. Mais il peut arriver que ce soit le professionnel qui vous réclame un paiement, en vertu d'une clause que vous estimez abusive (par exemple : des pénahtés). Dans ce cas, vous invoquerez le caractère abusif de la clause en défense.

Faites appel à une association de consommateurs Si vous êtes au moins deux consommateurs confrontés au même problème, l'association pourra intenter une action en représentation conjointe (art 622-1 du CC), ou une action de groupe (art.L 623-1) afin de défendre vos intérêts (voir le n° 1125 du Particulier, p. 70 et le n° 1106, p. 22). Mais si vous êtes seul, l'association ne

pourra agir que pour défendre les intérêts collectifs des consommateurs, et non les

vôtres. La clause pourra être jugée illicite, mais vous ne serez pas indemnisé.

Saisissez vous-même le juge Afin d'être indemnisé pour la dégradation de vos biens, vous devrez agir en responsabilité contre la société de déménagement Adressez-vous au tribunal d'instance de votre domicile (c'est possible sans avocat), si les sommes que vous réclamez sont inférieures à 10 000 €. Au-delà de 10 000 €, saisissez le tribunal de grande instance (l'avocat est alors obligatoire).

C A R O L I N E M A Z O D I E R

• Consommation, logement et cadre de vie (CLCV) Annuaire des points d'accueil de l'association surclcv.org • UFC-Que choisir Tél.: 0143 48 55 48 quecholsir.org • Commission des clauses abusives Pour prendre contact, remplir un formulaire sur clauses-abusives.fr

Le Particulier «JV" 1126'Novembre2016/9l