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RÉSUMÉS DES COMMUNICATIONS 19 SYMPOSIUM 4 Voyage au pays de la phobie sociale : une étude ethnographique D. AMADO (1, 2) (1) Centre de recherche Fernand-Seguin, Hôpital Louis-H. Lafontaine, Montréal, Canada. (2) Clinique universitaire de psychologie, Université de Montréal, Montréal, Canada. Résumé. Cette étude ethnographique porte sur le fonction- nement in vivo de phobiques sociaux. L’objectif est de déterminer s’il existe un pattern de comportements qui les caractérise afin de répondre aux questions suivantes : comment se comportent-ils avec les personnes clefs de leur environne- ment ? Dans quelle mesure diffèrent-ils de personnes témoins (timides ou non) ? Enfin, l’hypothèse d’un pattern de comportements spécifique aux phobiques sociaux a éga- lement été testée en évaluant les changements de comporte- ments observés après avoir bénéficié d’une thérapie de groupe. Problématique. Il ressort de la littérature sur la phobie so- ciale une certaine ambiguïté. La définition de type DSM est remise en question lorsqu’on considère la phobie sociale en tant que construit psychologique, au sens de Cronbach et Meehl (1955). Basé sur leurs principes, il est possible de mettre en évidence plusieurs « failles » de validité : varia- tions dans les études de fidélité, de prévalence, et distinction peu claire avec le trouble de la personnalité évitante. Les observations comportementales, en situation de laboratoire, n’indiquent pas non plus de manière satisfaisante ce qui ca- ractérise les phobiques sociaux, ni ce qui les distinguent des timides, en plus du fait que la validité écologique de ces ob- servations est loin d’être établie.Cette recherche ethnogra- phique se base donc sur l’observation d’interactions in situ, enrichie par des mesures complémentaires : (1) entrevues avec les participants ; (2) entrevues avec leurs proches ; (3) journal de bord ; (4) dossiers cliniques ; et (5) échelles auto- rapportées. Discussion. L’analyse met en évidence un pattern global de « surprotection de soi » spécifique aux phobiques sociaux. Ce pattern se décline en sous-patterns, renvoyant à différen- tes tactiques, en fonction des sphères de vie, selon les types de situations sociales en jeu. Les phobiques sociaux ont ten- dance à rejeter une possibilité d’interaction nouvelle soit en s’esquivant soit en étant agressif. Cette observation est vala- ble pour toutes les sphères de vies étudiées, même si l’on re- marque une variation de l’intensité et de la fréquence de ces comportements en fonction du degré d’intimité des rela- tions. Plus la probabilité de contacts interpersonnels non prévisibles est élevée, plus le pattern de surprotection de soi est susceptible d’être exacerbé. Une fois la zone de confort créée, les phobiques sociaux peuvent interagir en baissant la garde. Ce pattern de fonctionnement s’estompe, voire dispa- raît, après la thérapie appuyant par le fait même sa validité conceptuelle.

Voyage au pays de la phobie sociale : une étude ethnographique

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RÉSUMÉS DES COMMUNICATIONS 19

SYMPOSIUM 4

Voyage au pays de la phobie sociale : une étude ethnographique

D. AMADO (1, 2)

(1) Centre de recherche Fernand-Seguin, Hôpital Louis-H. Lafontaine, Montréal, Canada.(2) Clinique universitaire de psychologie, Université de Montréal, Montréal, Canada.

Résumé. Cette étude ethnographique porte sur le fonction-nement in vivo de phobiques sociaux. L’objectif est dedéterminer s’il existe un pattern de comportements qui lescaractérise afin de répondre aux questions suivantes : commentse comportent-ils avec les personnes clefs de leur environne-ment ? Dans quelle mesure diffèrent-ils de personnestémoins (timides ou non) ? Enfin, l’hypothèse d’un patternde comportements spécifique aux phobiques sociaux a éga-lement été testée en évaluant les changements de comporte-ments observés après avoir bénéficié d’une thérapie degroupe.

Problématique. Il ressort de la littérature sur la phobie so-ciale une certaine ambiguïté. La définition de type DSM estremise en question lorsqu’on considère la phobie sociale entant que construit psychologique, au sens de Cronbach etMeehl (1955). Basé sur leurs principes, il est possible demettre en évidence plusieurs « failles » de validité : varia-tions dans les études de fidélité, de prévalence, et distinctionpeu claire avec le trouble de la personnalité évitante. Lesobservations comportementales, en situation de laboratoire,n’indiquent pas non plus de manière satisfaisante ce qui ca-ractérise les phobiques sociaux, ni ce qui les distinguent destimides, en plus du fait que la validité écologique de ces ob-servations est loin d’être établie.Cette recherche ethnogra-phique se base donc sur l’observation d’interactions in situ,enrichie par des mesures complémentaires : (1) entrevuesavec les participants ; (2) entrevues avec leurs proches ; (3)journal de bord ; (4) dossiers cliniques ; et (5) échelles auto-rapportées.

Discussion. L’analyse met en évidence un pattern global de« surprotection de soi » spécifique aux phobiques sociaux.Ce pattern se décline en sous-patterns, renvoyant à différen-tes tactiques, en fonction des sphères de vie, selon les typesde situations sociales en jeu. Les phobiques sociaux ont ten-dance à rejeter une possibilité d’interaction nouvelle soit ens’esquivant soit en étant agressif. Cette observation est vala-ble pour toutes les sphères de vies étudiées, même si l’on re-marque une variation de l’intensité et de la fréquence de cescomportements en fonction du degré d’intimité des rela-tions. Plus la probabilité de contacts interpersonnels non

prévisibles est élevée, plus le pattern de surprotection de soiest susceptible d’être exacerbé. Une fois la zone de confortcréée, les phobiques sociaux peuvent interagir en baissant lagarde. Ce pattern de fonctionnement s’estompe, voire dispa-raît, après la thérapie appuyant par le fait même sa validitéconceptuelle.