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DOSSIER Il LE SURSAUT LIBÉRAL VOYEURISME FINANCIER: LA DROITE DIT STOP A PRÈS LA CRISE DE 2008, la vague de contestation qui se manifesta rapidement fut d'abord issue de la gauche anticapitaliste. Incarnée par le mouvement des Indignés, elle pointa du doigt à juste titre les banques et le système capitaliste comme principaux respon - sables de la crise. Mais elle ignora une nou - velle donne essentielle: le système n'est plus capitaliste, en ce sens qu'il ne revêt plus les caractéristiques d'un capitalisme libéral jusque-là vanté comme fondement de la société occidentale. La nouvelle réali- , c'est celle d'un interventionnisme ram- pant des Etats, devenus scrutateurs et om- niprésents dans la gestion de la crise, ad- ministrant directement l'économie et les banques défaillantes, et étendant chaque jour davantage leurs filets sur la sphère privée des citoyens. C'est cette dérive que dénonce, depuis quelque temps, une autre critique, celle de la droite. Face aux Etats fouineurs, les libéraux manifestent de diverses manières leur ras-le-bol. Ce sursaut libéral, parti- culièrement audible en Suisse, dénonce les administrations pléthoriques, la perte de souveraineté des petits pays ainsi que le rapide déclin des libertés individuelles, sans précédent depuis la Seconde Guerre. r: essor des caméras vidéo de surveillance, l'hystérie médiatique autour de l'affaire Cahuzac, la chasse aux sorcières dont font l'objet les fraudeurs fiscaux en Europe et aux Etats-Unis, le strip-tease financier auquel se sont livrés les ministres français mi-avril, l'image d'un Etat qui ne protège 34 BIL AN plus (ni en Europe ni en Suisse) les comptes bancaires des épargnants privés en cas de faillite d'une banque, mais autorise leur ponction aux fins d'assainissement des banques, ont révélé combien, au fil de ces cinq dernières années, la protection de droits civils - comme la propriété privée et les libertés individuelles - subit une mutation. Dans l'effort visant à récupérer les re - cettes fiscales évadées, l'ordre juridique et l'Etat de droit se sont vu trop souvent sacri- fiés à l'arbitraire politique. Les vols de don- nées bancaires récupérées par l'Allemagne ou la France, le recours excessif au droit d'urgence en Suisse ont montré combien la «raison d'Etat» a transfiguré les démo - craties libérales. Et, désormais, l'avènement d'une ère de l'échange automatique de renseignements entre Etats se précise, depuis que le G20 a déclaré à fin avril qu'il devenait le nouveau standard international. Cela fera encore gagner du terrain à la transparence, aux dépens de la sphère privée des citoyens. Certes, l'objectif légitime d'enrayer l'éva- sion fiscale peut justifier cette évolution, mais la perte de confidentialité et de liberté de disposer de ses biens promet d'aller au - delà de ce seul objectif. La machine à contrôle des Etats s'em- balle, et tout prétexte - fût-illégitime - semble invariablement mener à des contrôles accrus: ainsi, pendant que l'at- tentat de Boston captait tous les regards, le Congrès américain passait une loi contro- versée sur la cybersécurité, la CISPA, qui prévoit que les entreprises privées pour- ront désormais partager avec le gouverne- ment fédéral plus d'informations sur leurs utilisateurs en ligne. Même si, là aussi, l'objectif est louable de vouloir contrer le cyberespionnage qui affecte nombre d'entreprises américaines, le résultat sera que sous ce prétexte, celles-ci pourront transmettre des données privées sans devoir protéger l'identité personnelle de leurs clients utilisateurs du web. !:étatisme, dénonce par ailleurs le mouvement libéral américain, est aussi à l'oeuvre dans les politiques monétaires interventionnistes des Etats qui, suivant le modèle américain adopté par la Fed du - rant ces dix dernières années, usent de la planche à billets pour dévaluer monnaies et dettes, aux dépens des épargnants pri- vés, qu' aucun processus démocratique ne consulte au préalable à ce sujet. Cette critique, typiquement de droite, a pris son essor durant la dernière décennie, en particulier par la voix du parlementaire américain Ron Paul. Elle postule qu'impri- mer de la monnaie papier en quantités toujours plus grandes prive les ménages de leurs propriétés en réduisant la valeur de leur épargne à long terme. Et, à ce titre, des défenseurs des libertés civiles comme Ron Paul vont jusqu'à dire que la dévalua- tian créée par la Fed viole le s• amende- ment de la Constitution américaine, selon lequel «nul ne pourra être privé de sa vie, de sa liberté ou de ses biens sans procédure légale régulière». Etatiste, protectionniste, autoritaire, li- berticide, confiscatoire, tels sont les termes utilisés par cette droite libérale qui crie «stop» à la métamorphose en Big Brother des Etats surendettés de l'après-2008. Ce dossier propose un aperçu des problèmes contre lesquels se concentre le combat li- bertaire aujourd'hui, principalement vu de Suisse. Des Etats anticoncurrence et confiscatoires Depuis la crise, l'Union européenne (UE) s'inscrit dans une logique de hausse des impôts et de recouvrement des recettes qui lui échappent, par tous les moyens. Au plan des 34 pays de l'OCDE, les charges fiscales l" MAl 201 3

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DOSSIER Il LE SURSAUT LIBÉRAL

VOYEURISME FINANCIER: LA DROITE DIT STOP

APRÈS LA CRISE DE 2008, la vague de contestation qui se manifesta rapidement fut d'abord issue de la gauche anticapitaliste. Incarnée par

le mouvement des Indignés, elle pointa du doigt à juste titre les banques et le système capitaliste comme principaux respon­sables de la crise. Mais elle ignora une nou­velle donne essentielle: le système n'est plus capitaliste, en ce sens qu'il ne revêt plus les caractéristiques d'un capitalisme libéral jusque-là vanté comme fondement de la société occidentale. La nouvelle réali­té, c'est celle d'un interventionnisme ram­pant des Etats, devenus scrutateurs et om­niprésents dans la gestion de la crise, ad­ministrant directement l'économie et les banques défaillantes, et étendant chaque jour davantage leurs filets sur la sphère privée des citoyens.

C'est cette dérive que dénonce, depuis quelque temps, une autre critique, celle de la droite. Face aux Etats fouineurs, les libéraux manifestent de diverses manières leur ras-le-bol. Ce sursaut libéral, parti­culièrement audible en Suisse, dénonce les administrations pléthoriques, la perte de souveraineté des petits pays ainsi que le rapide déclin des libertés individuelles, sans précédent depuis la Seconde Guerre. r: essor des caméras vidéo de surveillance, l'hystérie médiatique autour de l'affaire Cahuzac, la chasse aux sorcières dont font l'objet les fraudeurs fiscaux en Europe et aux Etats-Unis, le strip-tease financier auquel se sont livrés les ministres français mi-avril, l'image d'un Etat qui ne protège

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plus (ni en Europe ni en Suisse) les comptes bancaires des épargnants privés en cas de faillite d'une banque, mais autorise leur ponction aux fins d'assainissement des banques, ont révélé combien, au fil de ces cinq dernières années, la protection de droits civils - comme la propriété privée et les libertés individuelles - subit une mutation.

Dans l'effort visant à récupérer les re­cettes fiscales évadées, l'ordre juridique et l'Etat de droit se sont vu trop souvent sacri­fiés à l'arbitraire politique. Les vols de don­nées bancaires récupérées par l'Allemagne ou la France, le recours excessif au droit d'urgence en Suisse ont montré combien la «raison d'Etat» a transfiguré les démo­craties libérales.

Et, désormais, l'avènement d'une ère de l'échange automatique de renseignements entre Etats se précise, depuis que le G20 a déclaré à fin avril qu'il devenait le nouveau standard international. Cela fera encore gagner du terrain à la transparence, aux dépens de la sphère privée des citoyens. Certes, l'objectif légitime d'enrayer l'éva­sion fiscale peut justifier cette évolution, mais la perte de confidentialité et de liberté de disposer de ses biens promet d'aller au­delà de ce seul objectif.

La machine à contrôle des Etats s'em­balle, et tout prétexte - fût-illégitime -semble invariablement mener à des contrôles accrus: ainsi, pendant que l'at­tentat de Boston captait tous les regards, le Congrès américain passait une loi contro­versée sur la cybersécurité, la CISPA, qui prévoit que les entreprises privées pour-

ront désormais partager avec le gouverne­ment fédéral plus d'informations sur leurs utilisateurs en ligne. Même si, là aussi, l'objectif est louable de vouloir contrer le cyberespionnage qui affecte nombre d'entreprises américaines, le résultat sera que sous ce prétexte, celles-ci pourront transmettre des données privées sans devoir protéger l'identité personnelle de leurs clients utilisateurs du web.

!:étatisme, dénonce par ailleurs le mouvement libéral américain, est aussi à l'œuvre dans les politiques monétaires interventionnistes des Etats qui, suivant le modèle américain adopté par la Fed du­rant ces dix dernières années, usent de la planche à billets pour dévaluer monnaies et dettes, aux dépens des épargnants pri­vés, qu'aucun processus démocratique ne consulte au préalable à ce sujet.

Cette critique, typiquement de droite, a pris son essor durant la dernière décennie, en particulier par la voix du parlementaire américain Ron Paul. Elle postule qu'impri­mer de la monnaie papier en quantités toujours plus grandes prive les ménages de leurs propriétés en réduisant la valeur de leur épargne à long terme. Et, à ce titre, des défenseurs des libertés civiles comme Ron Paul vont jusqu'à dire que la dévalua­tian créée par la Fed viole le s• amende­ment de la Constitution américaine, selon lequel «nul ne pourra être privé de sa vie, de sa liberté ou de ses biens sans procédure légale régulière».

Etatiste, protectionniste, autoritaire, li­berticide, confiscatoire, tels sont les termes utilisés par cette droite libérale qui crie «stop» à la métamorphose en Big Brother des Etats surendettés de l'après-2008. Ce dossier propose un aperçu des problèmes contre lesquels se concentre le combat li­bertaire aujourd'hui, principalement vu de Suisse.

Des Etats anticoncurrence et confiscatoires Depuis la crise, l'Union européenne (UE) s'inscrit dans une logique de hausse des impôts et de recouvrement des recettes qui lui échappent, par tous les moyens. Au plan des 34 pays de l'OCDE, les charges fiscales

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continuent d'augmenter. En 2012, le pré­lèvement moyen d'impôts et de cotisations sociales sur les revenus du travail a atteint 35,6%. Des hausses importantes étaient déjà intervenues en 2011. Depuis 2010, la charge fiscale s'est alourdie dans 26 pays de l'OCDE et a diminué dans 7, ce qui a inversé les réductions enregistrées entre 2007 et 2010. En France, le gouvernement veut augmenter de 10 milliards supplé­mentaires en 2014les prélèvements obli­gatoires, c'est-à-dire l'ensemble des im­pôts, des taxes et des cotisations sociales.

En parallèle, les pays de l'OCDE s'at­taquent aux statuts fiscaux avantageux, ceux des particuliers et des sociétés, en utilisant la doctrine de la «concurrence fiscale dommageable». Pour Edmond Tavernier, associé à l'étude Tavernier Tschanz à Genève et expert en planifi­cation fiscale, «parler de «concurrence fiscale dom mageable>> est une hypocrisie lorsqu'on sait que ces mêmes Etats, dans tous les autres domaines, prônent la libre concurrence, censée être le pivot de l' éco­nomie de marché>>.

I.:idée d'une concurrence «domma­geable>> ne serait donc promue que pour éliminer les régimes fiscaux plus com­pétitifs, comme celui de la Suisse, en les alignant sur ceux des pays les moins corn­pétitifs. Le maintien de régimes fiscaux compétitifs forcerait pourtant les Etats les moins bien gérés à améliorer leurs fi­nances. Supprimer les avantages compé­titifs des pays en matière fiscale, c'est per­mettre aux Etats trop dispendieux de le rester indéfiniment.

D'ailleurs, poursuit Edmond Tavernier, on voit les méfaits de l'absence de concur­renee sur les Etats eux-mêmes: du seulfait qu'ils jouissent d'un monopole sur leur territoire, ils s'avèrent en général de mé­diocres prestataires de services, faute de concurrence pour les stimuler à amélio­rer constamment leurs performances et à devenir meilleurs.

Autre critique de la droite: la fin de l'Etat de droit. Les coups portés au droit suisse dans les litiges fiscaux avec les Etats-Unis puis avec l'Europe ont signé, pour nombre d'observateurs, la fin de la garantie de pro-

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Siège de l'OCDE à Paris. L'instance n'a «aucune légitimité démocratique>>, dénonce Edmond Tavernier.

cédure régulière. Décisions arbitraires, droit d'urgence et forte instabilité juri­dique ont caractérisé cette période.

Dans l'affaire UBS - Etats-Unis, le sys­tème juridique suisse (Tribunal adminis ­tratif fédéral) a invalidé en vain l'accord Suisse-Etats-Unis prévoyant la livraison de 4500 noms de citoyens américains à Washington. Dans l'affaire du vol de don­nées bancaires, arrivées aux mains d'Etats européens, les jurisprudences ont été variables sur les qualifications de recel, chaque Etat y allant de sa propre inter­prétation. Lorsque la Suisse a été jusqu'à livrer des noms d'employés de banques suisses aux autorités américaines, l'avocat genevois Douglas Hornung a dénoncé la violation par le Conseil fédéral des règles d'entraide internationale: le 4 avril 2012, Berne aurait ainsi délivré une autorisa­tion «personnelle et secrète>> à HSBC et aux autres banques de transmettre les­dites données directement, sans respec­ter les règles sur l'entraide, et sans que les intéressés puissent faire valoir leurs objections et, le cas échéant, s'adresser à un juge avant que les données ne soient transmises.

De même, l'arbitraire est à l'œuvre dans les changements d'interprétation de si­tuations acceptées par le passé, et sou­dain jugées illégitimes, puis illégales, par les Etats forts. Ainsi, la distinction suisse entre fraude et évasion fiscale a-t-elle été invalidée par les Etats-Unis d'abord, puis par l'UE. De la même façon, l'OCDE exerce

actuellement une pression accrue sur les pratiques d'optimisation fiscale des mul­tinationales. Ces dernières parvenaient jusqu'ici en toute légalité à localiser une grande partie de leurs profits dans des juri­dictions peu ou pas taxées afin d'échapper à l'impôt sur leur lieu d'activité réel. Assez courante, cette pratique utilisant des «prix de transfert>> est devenue une source de tensions nouvelles entre les entreprises du web (Face book, Google, Amazon, Apple et leurs semblables) et les pays d'Europe où elles sont actives.

«Ce qui est regrettable dans cette dé­marche, c'est le fait que ces planifications fiscales clairement acceptées par les Etats depuis vingt ans et mises sur pied en toute légalité soient aujourd'hui remises en question par des instances sans aucune légitimité démocratique, comme l'OCDE etle G20, qui décrètent de nouvelles inter­prétations ou de nouvelles définitions>> , avait réagi Edmond Tavernier dans l'édi­tion de février de Bilan. Pour l'expert fiscal, «dire que ce qui était acceptable depuis vingt ans ne l'est plus, sans qu'il n'y ait eu, au préalable, de changement de loi, cela signifie que l'on n'est plus totalement dans un Etat de droit>>.

Fin de la sphère privée Toute une frange de la population en Suisse ne souhaite pas tomber dans le voyeurisme financier et la fin de la confidentialité en ce qui concerne ses affaires financières pri­vées. Anticipant la fin du secret bancaire

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DOSSIER// LE SURSAUT LIBÉRAL

pour les Suisses, le Parti libéral- radical suisse (PLR) vient de lancer une initia­tive musclée, qui vise à ce que la sphère privée du citoyen, garantie par l'article 13 de la Constitution suisse, soit étendue à la «sphère privée financière » . «Dans les limites de la loi, bien entendu», précise le conseiller national PLR Christian Lüscher. «Si je suis une personne domiciliée en Suisse, je dois avoir droit à la confidenti­alité financière et ne devrais avoir aucune obligation de divulguer mes avoirs aux au­torités suisses>> , estime l'avocat genevois. I:initiative vise à contrer la législation pro­posée par Eveline Widmer-Schlurnpf qui prévoit d'abolir le secret bancaire pour les Suisses. La droite helvétique se battra pour le maintenir, sauf en cas de fraude fiscale et d'escroquerie fiscale. «Nous sommes tata­lement opposés à la levée du secret ban­caire pour les Suisses>> , souligne Christian Lüscher.

Dans le monde de la gestion de fortune, les acteurs du métier, même s'ils ont fait le deuil du secret fiscal pour les clients étran­gers, sont friands de solutions préservant un tant soit peu de confidentialité pour leurs clients face à l'intrusion des adminis­trations. A Genève, la société Golden Tech de Michel Roch et Guy Girod, qui propose un logiciel de conformité aux réglementa­tians pour les gérants indépendants, offre aussi avec ce service des possibilités tout à fait légales de cryptage de toutes les com­munications entre le gérant et son client.

Outre les voies légales, il y a toute la quête de confidentialité par des voies plus risquées. «J'ai quitté la Suisse et l'Europe, témoigne un gérant de fortune auparavant basé à · Genève. La Suisse est devenue le 17• Lander allemand: plus de secret ban­caire, les banques trahissent leurs clients et leurs employés, on marche sur la tête. I:argent est sale partout en Europe, le fisc est roi. A quoi bon? >>

La fin du secret fiscal qui a longtemps protégé les clients offshore en Suisse sus­cite des tentations de fuite et une recherche accrue de solutions préservant le secret. Des gestionnaires de fortune ont émigré hors du continent. «Ma vision de la vie est fondamentalement différente de celle qui

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nous est proposée en Europe aujourd'hui, poursuit le gérant cité plus haut. J'ai pris le maquis aujourd'hui pour aider mes clients à échapper à la grande spoliation, au de­lirium tremens des fiscs européens, car c'est de cela dont il s'agit. Et je suis fier de dire que je suis hors-la-loi. Mon grand­père était résistant, j'ai le sentiment que je suis son digne petit-fils. Je suis passeur,

lES MÊMES SlOGANS QU'EN 1979 «On vit un retour au libéralisme antiétatique. constate l'historien Hans-Ulrich Jost. professeur honoraire à l'Université de Lausanne. Le libéralisme. rappelle-t-il, a été le message des radicaux suisses qui ont construit cet Etat fédéral et avaient la majorité au Conseil fédéral jusqu'en 1959. Durant ces années, ils ne défendaient pas un Etat fort dans le sens d'un Etat centralisé. mais ne niaient pas la nécessité de l'Etat et de l'Etat de droit>>. Cela a changé de façon très nette à la fin des années 1970. A cette époque, les radicaux alémaniques ont été traversés par un courant libéral qui rappelle celui d'aujourd'hui: «On ne peut pas se payer l'Etat, disaient-ils: il est devenu trop cher.>> Leur slogan, en 1979. était «moins d'Etat, plus de libertés>>. La même année, la «NZZ>> s'est réjouie du «retour de Friedrich Hayek>> . Le Parti radical vivait une rupture idéologique. Toutefois. constate Hans-Ulrich Jost. «ils n'ont jamais pu déstabiliser la croyànce majoritaire en un Etat fort>>. Par la suite. ce discours anti-Etat a été repris par I'UDC. Aujourd'hui, les courants proches des radicaux reviennent à ces idées, réclamant moins d'Etat. refusant la transparence totale. le tout accompagné d'un fort sentiment anti Bruxelles. Mais aujourd'hui comme hier, I'UDC tend à récupérer ces thèmes, met en garde Hans-Ulrich Jost. «Les radicaux, au moins, se basent sur l'idéologie libérale pure. inspirée de Hayek, visant le moins possible d'Etat et un cadre favorable à la place financière et à l'économie. Chez I'UDC, ce n'est pas très clair.>>

comme au bon vieux temps. Aujourd'hui tous les détenteurs de comptes en Suisse sont à deux doigts de se faire dénoncer au fisc français. La question n'est pas si, mais quand. Les trusts et sociétés offshore ne protégeront rien dans le cas des banques suisses car elles vont tout donner. >> Un témoignage emblématique d'une époque, d'un climat malaisé, ressenti par de nom­breux praticiens de la finance helvétique et du monde des affaires.

Comme toujours, l'excès de transpa­rence porte en lui les excès inverses, à sa­voir une quête de solutions d'opacité et d'anonymat, créant un marché noir du «secret financier >>. Des sites comme PT Club (www.ptclub.com/aboutus.html) , à l'instar de nombreux autres, proposent des services de «privacy >> comprenant toute la palette du touriste financier incognito: sociétés offshore, «banques anonymes>>, boîtes aux lettres, «passeports bancaires>>, << identités alternatives>>. Un marché - lo­giquement - promis à un bel avenir.

<<Toute cette campagne de transparence qui a été imposée aux citoyens est là pour préparer l'expropriation de leurs biens, commente Jean-Pierre Diserens, secré ­taire général de la Convention des conseil­lers financiers indépendants (CIFA) . Si je suis un client de banque, j'ai le droit de disposer des avoirs qui m'appartiennent comme bon me semble. Je devrais pouvoir retirer 10 millions de francs d'un coup et les jeter dans le Rhône si l'envie m'en prend, car c'est mon argent. >> Le secrétaire général de la CIFA, qui déplore un monde où <<l'Etat s'approprie nos revenus et décide combien on a le droit de garder>>, voit là <<une éta­tisation de la capacité créatrice de valeur ajoutée du citoyen au bénéfice de l'Etat>>.

Esprit antibusiness Il n'y a pas que les aspects de sphère pri­vée financière qui font réagir les chantres du libéralisme. Il y a aussi le constat, plus essentiel encore, que la dérive autoritaire des Etats est mauvaise pour les affaires. r; excès d'étatisme participe d'une perte de fibre entrepreneuriale sur le continent eu­ropéen, tout comme aux Etats-Unis. Dans le contexte d'une économie trop pénétrée

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EN COLÈRE, ILS DÉNONCENT LA DÉRIVE AUTORITAIRE DES ÉTATS

WWW.BI LAN .CH

Le conseiller national PLR Christian Lüscher (ci-dessus) dont le parti

a lancé une initiative «pour la protection de la sphère privée>> , le PLR valaisan Philippe Nantermod, (à gauche) qui combat l'expansion de l'Etat du Valais, et Marc Studer,

président du Lobby des citoyens, qui défend la place financière.

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par l'Etat, le sens entrepreneurial et la saine prise de risque se perdent.

Dans son ouvrage qui vient de paraître, Le choc des capitalismes, le financier Daniel Pinto, CEO de Stanhope Capital à Londres, estime que l'Occident tue l'esprit entre­preneurial et perd la guerre économique qui l'oppose aux économies émergentes, car il sacrifie les créateurs d'entreprises à des Etats-providence au bord du gouffre. De leur côté, les puissances émergentes ont placé l'entrepreneur au cœur de leur modèle de développement et de conquête, s'appropriant ainsi la méthode qui fit autre­fois le succès occidental.

Il cite, paradoxalement, l'exemple de la Chine où c'est l'ensemble de l'appareil éta­tique qui s'est transformé en force entre­preneuriale aux côtés d'un secteur privé en plein essor, ou de l'Inde où règnent de véritables dynasties familiales d'entre­preneurs, là où, en Europe, l'Etat devient l'ennemi de l'entrepreneur. Pour l'auteur, l'Etat ne doit plus jouer le rôle de mère nourricière mais celui de «coach» créant un environnement permettant à l'initiative privée de s'épanouir et de réussir.

En Suisse, l'abandon d'intérêts stratégiques En Suisse, un sursaut libéral patriote s'est opéré, à travers l'action de deux groupes d'intérêt, Swiss Respect et le Lobby des citoyens, pour défendre la place financière. J.:approbation précipitée par le national d'une modification de la loi sur le blanchi­ment d'argent supprimant l'intervention du juge en cas de transmission de données à l'étranger aura servi de catalyseur au sursaut qui se dessinait déjà depuis avril dernier avec l'affaire des 10 000 noms de clients livrés aux Etats-Unis. Une réaction contre le totalitarisme rampant etla viola­tion des droits fondamentaux qui s'observe depuis 2001.

Le terme de pays revient plus souvent qu'à son tour dans le discours des fonda­teurs de Swiss Respect, tout comme dans celui du président du Lobby des citoyens, Marc Studer. Deux mouvements nés dans le milieu des gérants de fortune indépen­dants, mais qui ont pour souci commun

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d'élargir leur horizon à la défense des inté­rêts du pays.

Autre point commun entre les deux mouvements pour ainsi dire parallèles: un lien fort avec le Valais: Marc Studer y a passé ses années formatrices et deux des fondateurs de Swiss Respect, rean-Paul Tissières et rean-Daniel Balet, y résident toujours. S'il est domicilié sur la côte vau­doise, tout comme Antoine Spillmann, le quatrième du noyau dur de Swiss Respect, Flavien de Murait, porte, lui, un grand nom de l'histoire suisse, et son père est un phi­losophe bien connu qui s'inscrit dans une grande tradition de pensée catholique. Avec André Reszler, notamment, un professeur d'origine hongroise féru de culture euro­péenne et grand défenseur du libéralisme, ce dernier avait fait les grandes heures du Centre européen de la culture au tournant des années 1980, alors sous l'égide de Denis de Rougemont.

Mais pas de grandes discussions phi­losophiques chez Swiss Respect, où une certaine idéologie libérale conservatrice est largement implicite: l'élément déclen­cheur de sa formation en mai dernier a été l'affaire des 10 000 noms livrés aux Etats­Unis par certaines banques suisses sur la base d'une dérogation faite le 4 avril 2012 à l'article 271 du Code pénal qui punit les «actes effectués sans droit pour le compte d'un Etat étranger». C'est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase en train de se remplir depuis le 18 février 2009, date de l'annonce de la transmission aux Etats-Unis des noms de quelque 250 clients d'UBS, au mépris des procédures établies par la Convention de double imposition.

Autre date à retenir, celle du 21 mars 2013, avec l'approbation par le Conseil na­tional d'une modification de la loi sur le blanchiment d'argent (LBA) qui autorise le Bureau de communication en matière de blanchiment, plus connu sous son sigle alémanique de MROS, à transmettre des déclarations de soupçons à ses homolo­gues étrangers sans en référer à un juge. Une perspective d'autant plus inquiétante que ces «communications>> s'avèrent le plus souvent infondées.

Il a suffi pour que la Suisse s'exécute que

le <<groupe Egmont>>, une <<amicale de bar­bouzes>> selon l'expression du conseiller national UDC Yves Nidegger, la menace de l'exclure. Au passage, le Conseil fédé­ral a relevé, dans son message du 27 juin 2012 relatif à cet objet, que les nouvelles prérogatives du MROS entraînent la fin de la prépondérance du secret bancaire et du secret de fonction. Le sentiment de révolte qui monte devant cette capitulation a certes un élément patriotique mais aussi et plus encore une composante libérale: en novembre dernier déjà, le premier à tirer la sonnette d'alarme a été Lionel Halpérin, un avocat membre du comité directeur du PLR genevois, effrayé par l'abandon des garanties juridiques qui doivent normale­ment accompagner une transmission de données à l'étranger.

Sentant bien qu'il fallait prendre les Chambres par surprise pour faire passer ce texte dans la foulée avant que l'opinion ne s'avise de son contenu et de ses im­plications, les services du Parlement ont bousculé le programme de la session du national: initialement prévu en avril, le débat sur le MROS a été avancé au 21 mars. Sage précaution: elle a coupé l'herbe sous les pieds de Christian Lüscher qui était en train de tenter de mobiliser son groupe pour obtenir au moins l'introduction d'un droit de recours des personnes concernées parles <<communications>> internationales duMROS.

Freiné dans son élan, le conseiller na­tional genevois n'est parvenu à rallier à la cause de la résistance à l'ultimatum du groupe Egmont qu'une minorité de PLR. Au final, une septantaine de conseil­lers nationaux auront tout de même voté contre une modification de la LBA qui, pour une fois, n'est pas passée comme une lettre à la poste. Surprise par l'accé­lération du tempo, Swiss Respect n'est pas non plus parvenue à s'organiser: l'asso­ciation envisageait sérieusement de lan­cer un référendum, ce qui n'est désormais guère possible pour des raisons de délai. << Mais on se prépare, en cas d'accepta­tion par les Chambres de la convention de double imposition sur les successions avec la France>> , souligne rean-Paul Tissières,

1ER MAl 2013

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LES DIVERSES MANIFESTATIONS DE L1ÉTATISME

U FARDEAU FISCAL TOUJOURS PLUS LOURD

1. Islande 34,5

2. Japon 31,2

3. Canada 30,8 4. Etats-Unis 29,6

5. Australie 27,2

6. Corée 21,0

7. Israël 19,2

8. ~e~ig~e 19,0

9. Nouvelle-Zélande 16,4

10. Chili 7,0

OCDE 35,6

Charges fiscales sur le revenu du travail dans l'OCDE Imposition en % des revenus du travail en 2012

- Plus de 50% - De40% à49%

De30%à 39% - De20% à29% - De10% à19% - Moins de 10%

EXPANSION DES ÉTATS: LE CAS DU VALAIS, OBJET D'UNE INITIATIVE PLR La croissance des dépenses publiques du Valais dépasse celle de son PIB (Base 100;2004)

- Croissance 2004-2013 - Croissance dépense pubiques 2004-2013

135

130

125

120

J15. ..... 11Q

1Q5. 100 Budget ---,-

2004 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14

43% C'est la quete-part de l'Etat fédéral dans l'économie suisse en 2010, en tenant compte des assurances sociales, ce qui signif ie que les Suisses travaillent jusqu'à la mi-juin pour s'acquitter des prélèvements obligatoires. En 1965, la part de l'Etat n'était que de 17,5%.

INTERVENTIONS DE LA FED: COMMENT , LA BANQUE CENTRALE ADMINISTRE LE MARCHE Impact sur la Bourse américaine (indice S&P 500)

- QE1* - QE2* - Opération Twist* - QE3*

l!J.Q 1§Q .

HQ l::JQ

70

Mars 09 Nov. 09 Juillet 10 Mars 11 Nov. 11 Juillet 12

Sources: country submisslons, OCDE Economie Outlook Volume 2012 (No. 92), www.vs.ch, ZeroHedge, Société Générale. * Opérations visant à faire baisser artificiellement les taux d'intérêts longs

WWW .BILAN.CH BILAN 39

DOSSIER Il LE SURSAUT LIBÉRAL

qui fait état de la volonté de Swiss Respect de lancer un référendum.

Autre combat en perspective, l'initiative «Sauvez l'or de la Suisse» : Swiss Respect, tout comme le Lobby des citoyens, a parti­cipé à la récolte des signatures pour ce texte qui a maintenant abouti.

Tout va trop vite, comme pour donner raison à Yves Nidegger qui parlait, lui, de «capitulation au pas de charge»: c'était le 11 mars à Berne à l'occasion de la présenta­ti on du Lobby des citoyens à Berne, la pre­mière du genre, dans un restaurant proche du Palais fédéral. Marc Studer avait invité des parlementaires de tous les partis et, de fait, une douzaine sont venus, dont peut­être une moitié d'UDC et quelques PDC.

Certes opposée à la modification de la LBA, l'UDC n'en fait pas une ligne rouge, trop occupée à se concentrer sur son énième initiative an ti -étrangers. I.: été der­nier, l'UDC ne s'était pas non plus engagée aux côtés de l'ASIN et des Jeunes socia­listes pour participer à la récolte de signa­tures contre les accords Rubik. Pourtant, il n'aurait manqué que peu de signatures pour faire aboutir le référendum contre l'accord avec l'Allemagne, peut -être coulé par la seule chancellerie d'Etat de Genève qui avait envoyé un paquet de 1500 signa­tures en courrier B. Le souvenir est amer pour Marc Studer qui s'était engagé dans ce combat et a élaboré maintenant sa propre alternative à Rubik. Sur ce point égale­ment, il est en accord avec Swiss Respect qui ne cache pas son manque de sympa­thie pour le «prélèvement libératoire à la source».

Mais ce qui différencie le Lobby des ci­toyens de Swiss Respect, c'est d'une part la tactique du premier qui n'usurpe pas son nom puisque Marc Studer a effecti­vement une carte de lobbyiste auprès du Parlement. D'autre part, le Lobby des ci­toyens a aussi une dimension culturelle, avec un intérêt marqué pour l'Histoire suisse. En filigrane, il y a l'idée d'un retour aux sources partagée à des degrés divers par tous ceux qui s'inscrivent en faux par rapport à l'évolution de ces trois dernières années.

Depuis quelques semaines, on perçoit

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plus nettement un raidissement de cette volonté de résistance qui prend un tour politique. A cet égard, l'affaire du MROS aura servi de catalyseur: une fois de plus, le Département fédéral des finances avec sa politique du fait accompli est parvenu à prendre les opposants potentiels par sur­prise. Mais cela pourrait bien avoir été la dernière fois ...

La même prise de conscience des inté­rêts de la place financière a incité la Suisse à rejeter les appels en faveur d'une régle­mentation plus stricte du secteur des né­gociants de matières premières comme le pétrole, les grains et le café qui représente près de 10% du PIE genevois et 3, 5% du PIE suisse. Des acteurs comme Vitol, Glencore ou Trafigura, basés à Genève et à Zoug principalement, représentent aujourd'hui un secteur clé dans lequel la Suisse riva­lise avec d'autres hubs comme Singapour, Dubaï et Londres. Se refusant cette fois à sacrifier sa compétitivité et l'attractivité de son cadre légal pour les acteurs de ce domaine, la Suisse laissera le secteur s'au­toréguler, c'est -à-dire élaborer ses propres standards de bonne conduite et s'engager à prendre des mesures visant davantage de transparence en s'alignant sur les stan­dards internationaux en vigueur et sans faire d'excès de zèle.

La nécessité d'un Etat svelte Nombre d'entreprises déménageront leurs sièges sociaux hors d'Europe, en quête de pays plus «business friendly >>, anti­cipe Gérard Moulin, gérant de fonds chez Delubac Asset Management à Paris, affir­mant que «la voie est libre pour les pays les plus performants». Si les différences de traitements fiscaux intra-européens continueront de créer des tensions en ali­mentant le débat «local» sur le dumping fiscal, à l'échelle de la planète c'est un <<non-sujet»: <<On est bon ou on ne l'est pas», tranche Gérard Moulin.

Dans le domaine entrepreneurial, dit­il, l'attractivité n'est pas la conséquence de <<facilités», de blanchiment, ou de tri­cheries, mais simplement des atouts d'un Etat << mince» parrapportauxEtats <<gras» qu'on trouve en Europe. En effet, un impôt

sur les sociétés faibles est possible quand l'Etat est mince; c'est donc littéralement une course de sportifs qui s'est engagée, où les concurrents en surpoids n'auront donc aucune chance. << La crise de 2008-2009 aura accéléré le mouvement bien naturel du transfert des richesses des Etats gras vers les Etats minces.»

En Suisse, la nécessité d'un Etat svelte préoccupe aussi les libéraux-radicaux. <<On assiste à un accroissement de quote ­part de l'Etat dans le PIE. Malgré des fi­nances équilibrées, l'Etat est toujours plus vorace en ressources et occupe une place de plus en plus importante dans l'éco­nomie, constate le PLR valaisan Philippe Nantermod. Cette situation est dangereuse :sur le long terme et induit nécessairement une dépendance croissante des individus à l'égard de l'Etat. »

Il évoque l'initiative parlementaire va­laisanne qui vise à stopper l'expansion de l'Etat du Valais. <<Plus l'Etat a de moyens, plus ill es utilise. Si vous avez deux fois plus de fonctionnaires, il devient deux fois plus fouineur, et il faut limiter sa capacité de nuisance. » Il observe que les dépenses et les recettes publiques du Valais croissent globalement beaucoup plus vite que le PIE réel. Ainsi, le budget 2013 soumis au vote du Parlement cantonal prévoit une aug­mentation des charges de l'ordre de 3, 9% tandis que l'économie réelle ne croîtra vraisemblablement que de 1,8%. De 2004 à 2013, la part des dépenses publiques dans le PIE cantonal a crû de 14,68% à 17,92%. De 2003 à 2013 , les impôts totaux en Valais auront augmenté de plus de 45 % tandis que le PIE croissait de moins de 20%. I.:Etat grandit ainsi deux fois plus vite que l'économie réelle, sans réelle nouvelle tâche publique.

Un juste équilibre voudrait que les col­lectivités ne croissent que dans une pro­portion similaire à celle de l'économie réelle. I.:initiative parlementaire vise à modifier la Constitution cantonale dans ce sens. << En2000, on travaillait une demi­journée par semaine pour financer le can­ton. Au rythme où ça va, on travaillera une journée entière en 2020. La taille de l'Etat grandit, mais pas le nombre de semaines.

l ' " MAl 2013

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On est toujours plus à travailler pour fi­nancer la collectivité publique. Bientôt, le fruit du travail n'appartiendra plus à l'in­dividu, mais à la collectivité. Dans le do­maine des subventions d'assurance-ma­ladie, on atteint des sommes aberrantes. »

La tendance s'observe aussi au niveau de toute la Suisse. Sur le plan fédéral, la quote-part de l'Etat était de 29,8 % en 2010, sans tenir compte des assurances sociales. En tenant compte de celles- ci, EconomieSuisse estime la quote-part de l'Etat à 43 %, en excluant encore d'autres éléments comme, par exemple, Billag. Ainsi, avec une quote-part publique d'en­viron 45 %, les collectivités publiques im­posent aux Suisses de travailler jusqu'à la mi- juin pour s'acquitter des prélèvements obligatoires! Cette situation désolante doit être comparée avec la situation de 1965, où la quote-part de l'Etat n'était que de 17,5 %, soit l'équivalent de la force du seul Etat du Valais aujourd'hui.

Au lieu de chercher à grossir en s' atta­quant à la fiscalité des autres, les Etats sous-performants pourraient renoncer à un grand nombre de fonctions qu'on leur a données depuis des dizaines d'années et laisser aux individus davantage de choix et de ressources financières, puisque leurs impôts devraient alors diminuer de manière notable, estime Edmond Tavernier. «Les citoyens n'auraient plus à soutenir financièrement un système onéreux et la fiscalité sur les individus et les entreprises devrait alors baisser considérablement.»

Clairement, l'idée du «moins d'Etat» revient en force dans les milieux libéraux. Mais à l'heure actuelle, déplore Edmond Tavernier, on arrive à des systèmes confis­catoires «où les mêmes capitaux sont im­posés plusieurs fois par l'impôt sur la for­tune, l'impôt sur les revenus, l'impôt sur la consommation et les impôts de toute

o sorte. Et comme cela ne suffit pas, on y ~ ajoute encore un impôt sur les sucees­~ sions, encore plus confiscatoire puisqu'il ffi n'a aucune légitimité ou fondement éco­~ nomique: il n'y a, en effet, aucune création ~ de richesses ou de valeur à l'occasion d'un 0 I 0.. décès.» a

WWW.B IL AN.CH

«LA NOUVELLE GÉNÉRATION POLITIQUE CORRIGERA CES DÉRIVES»

Questions à Pierre Bessard, directeur de l'Institut Libéral fondé en 1979, qui a étendu en novembre ses activités en Suisse romande depuis son siège de Genève.

Quel regard jetez-vous sur l'OCDE, la France et son voyeu­risme fiscal, les Etats-Unis et leur interventionnisme économique? Ces dérives semblent défaire la notion selon laquelle l'Etat est au service des citoyens et non l'inverse. l:expérience des deux derniers siècles documente à

profusion les limites et les dangers de l'action étatique et la supériorité non seulement de l'économie libre de marché, mais aussi des institutions de la société civile comme la famille, les associations laïques ou religieuses, la solidarité volontaire.

Quelles solutions prônez-vous pour défendre les libertés Individuelles contre la tendance des Etats fouineurs? Il s'agit en fin de compte de ce qui est tolérable et acceptable aux yeux des citoyens. Nous aimons croire que la raison est du côté de la liberté. Cepen-

dant, la force est du côté des Etats, surtout lorsqu'ils s'agrègent en cartels, comme le G20 ou I'UE. A court terme, il est difficile pour les défenseurs des libertés individuelles de faire pencher la balance du bon côté. Mais, à moyen terme, nous· assisterons à un correctif avec le changement de génération du personnel politique. J'en suis convaincu en observant les mouvements de jeunes sur le continent, notamment les European Students for Liberty.

Cette évolution a-t-elle affaibli l'entrepreneurlat en Europe? Incontestablement. Il ne faut pas oublier que le capitalisme, la révolution indus­trielle sont nés en Europe: au nord de l'Italie, aux Pays-Bas, en Suisse, en Allemagne, en Angleterre ... C'est une évolution profondément humaniste associée à l'affranchissement du féodalisme, de l'arbitraire du pouvoir et de la sujétion de l'individu. La dérive de l'Etat-providence n'est pas non plus une fatalité. En Suisse, le seul endroit où on a voté sur la question, les citoyens avaient d'abord rejeté l'introduction de l'A VS à plus de 60%. l:Etat ne fait le plus souvent que se substituer aux solutions privées, l'efficience en moins. Et il ne crée rien qu'il ne prélève d'abord auprès du secteur privé.

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