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1/11 Note de la Direction des affaires politiques du Quai d'Orsay sur la présence soviétique en Afrique du Nord (Paris, 21 décembre 1970) Légende: Le 21 décembre 1970, en vue de préparer la 410e réunion du Conseil de l’Union de l’Europe occidentale (UEO), qui se tiendra au niveau ministériel le 11 janvier 1971 à Luxembourg, la Direction des affaires politiques du ministère français des Affaires étrangères élabore une note sur la présence soviétique en Afrique du Nord. Le ministère estime que la présence soviétique au Maghreb n'est pas de nature à mettre en danger aussi facilement qu'on le croit les positions occidentales. Source: Ministère des Affaires étrangères. Direction des Affaires Politiques. Afrique du Nord. Note. A/s. L'URSS et l'Afrique du Nord: Paris, le 21 décembre 1970. 10 p. Ministère des Affaires étrangères. Centre des Archives diplomatiques de Nantes. Archives rapatriées de l'ambassade de France à Londres. Série «Union de l'Europe occidentale (UEO)». 1953-1992 (2002). 378PO/UEO/1-389. Numéro 34. Cote UEO.1.2.Luxembourg. Réunion ministérielle 11 janvier 1971. 1970-1974. Copyright: (c) Ministère des Affaires étrangères de la République Française Avec l'autorisation du ministère des Affaires Etrangères URL: http://www.cvce.eu/obj/note_de_la_direction_des_affaires_politiques_du_quai_d_o rsay_sur_la_presence_sovietique_en_afrique_du_nord_paris_21_decembre_1970-fr- 66fe5734-a970-4d68-8785-ac2c23ce36c4.html Date de dernière mise à jour: 25/10/2016

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Note de la Direction des affaires politiques du Quai d'Orsay sur la présencesoviétique en Afrique du Nord (Paris, 21 décembre 1970)

Légende: Le 21 décembre 1970, en vue de préparer la 410e réunion du Conseil de l’Union de l’Europeoccidentale (UEO), qui se tiendra au niveau ministériel le 11 janvier 1971 à Luxembourg, la Direction desaffaires politiques du ministère français des Affaires étrangères élabore une note sur la présence soviétique enAfrique du Nord. Le ministère estime que la présence soviétique au Maghreb n'est pas de nature à mettre endanger aussi facilement qu'on le croit les positions occidentales.

Source: Ministère des Affaires étrangères. Direction des Affaires Politiques. Afrique du Nord. Note. A/s.L'URSS et l'Afrique du Nord: Paris, le 21 décembre 1970. 10 p. Ministère des Affaires étrangères.Centre des Archives diplomatiques de Nantes. Archives rapatriées de l'ambassade de France à Londres. Série«Union de l'Europe occidentale (UEO)». 1953-1992 (2002). 378PO/UEO/1-389. Numéro 34. CoteUEO.1.2.Luxembourg. Réunion ministérielle 11 janvier 1971. 1970-1974.

Copyright: (c) Ministère des Affaires étrangères de la République FrançaiseAvec l'autorisation du ministère des Affaires Etrangères

URL:http://www.cvce.eu/obj/note_de_la_direction_des_affaires_politiques_du_quai_d_orsay_sur_la_presence_sovietique_en_afrique_du_nord_paris_21_decembre_1970-fr-66fe5734-a970-4d68-8785-ac2c23ce36c4.html

Date de dernière mise à jour: 25/10/2016

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2/11

M I N I S TÈ R E

DES

AFFAI R ES ÉTR AN GÈR ES

r é p u b l i q u e f r a n ç a i s e

p a r is, l e 21 décembre 1970

D I R ECTI O N

’ d e s a f f a i r e s p o l i t i q u e s

AFR I QUE DU NORD

DV£L7 TT CE.

a/s. l'U.R.S.S. et l'Afrique du Nord.

Pour des raisons politiques et stratégiques liées

à l'intérêt qu'elle attache au Tiers-Monde et à la compétition

qui l'oppose à l'Occident, l'U.R.S.S. chercher à implanter,

dans la mesure du possible, sa présence en Afrique du Nord.

Tout en s'assurant de solides positions dans le Proche-Orient

à la faveur du conflit israélo-arabe, elle a essayé d'étendre

parallèlement son action au Maghreb. Ses efforts se sont

encore accrus du fait de sa volonté de jouer un rôle dans

la Méditerranée où les unités navales soviétiques sont

devenues plus nombreuses depuis la guerre des six ¿jours.

C'est l'Algérie qui a constitué le point d'ancrage

de cette politique. Dès après l'indépendance de cet état né

de la décolonisation, l'U.R.S.S. lui a fourni une assistance

technique et une aide militaire considérables. A partir

d'Alger, le Kremlin a effectué des tentatives vers les autres

états du Maghreb, favorisant la politique de rapprochement

avec ses voisins inaugurée par le Colonel Boumediene depuis

deux ans. L'action russe a partiellement réussi au Maroc,

mais elle n'a été accueillie à Tunis qu'avec une reserve

mêlée de méfiance. Quant à la nouvelle Libye, issue du putsch

du 1er septembre 1969, elle a maintenu ses distances avec

Moscou encore qu'un certain rapprochement se dessine depuis

les toutes récentes livraisons de matériel militaire.

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3/11

Un bilan sommaire des résultats obtenus par

l'Union Soviétique dans ces quatre Etats, tant en ce qui

concerne les échanges commerciaux que la coopération et

l'assistance militaire, permet de mesurer la portée et

l'importance de la pénétration sovietique dans une région

qui intéresse le Kremlin au triple point de vue méditer­

ranéen, arabe et africain.

I. Relations commerciales de l'U.R.S.S. avec le Maghreb.

Dans sa politique de développement de ses

relations commerciales avec l'Afrique du Nord, Moscou

n'obtient que des résultats inégaux. C'est l'Algérie qui,

de loin, est le principal partenaire de l'U-.R.S.S.,

notamment depuis 1'accord-cadre signé en juillet 1968.

Pourtant le volume des échanges est resté inférieur aux

prévisions. Le protocole prévoyait pour 1969 un montant

de 125 millions de dollars : or, il n'a pas dépassé 80

millions, si bien que la Russie n'occupe que le sixième

rang parmi les clients de l'Algérie. Le vin, marchandise

algérienne sensible, est opportunément devenu l'un des

éléments importants des exportations algériennes. Jr’ar

l'accord de 1968, conclu pour une période de sept années,

l'U.R.S.S. s'est engagée à acheter 5 millions d'hectolitres

par an, à un prix cependant inférieur de la moitié à celui

payé par la France. M. Yaker, Ministre du Commerce, s'est

rendu à Moscou en août 1970, pour préparer la signature

d'un accord commercial à long terme. Les échanges ont

atteint le chiffre de 120 millions de dollars pour l'année

en cours.

Avec le Maroc, les échanges commerciaux, régis

par un accord d'une durée de cinq ans conclu en juillet

1968 à Rabat, se sont développés à une cadence constante.

D'un volume de 10 millions de dollars en 1962 ils sont passé

à |H millions en 1969, plaçant l'U.R.S.S. au quatrième rang

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4/11

des fournisseurs du Maroc après la France, l'Allemagne

et les Etats-Unis, Mais ils demeurent toutefois limités

et peu diversifiés. Les exportations marocaines assurées

à 80 % par les agrumes des qualités les plus médiocres

ont môme tendance à se ralentir depuis 1967 tandis que

les importations de pétrole et de machines augmentent.

La balance est ainsi très largement déficitaire et il

est encore prématuré de mesurer les résultats du dernier

accord signé par M. Jaïdi, Ministre du Commerce, à Moscou

le 27 février dernier, prévoyant l'octroi par l'U.R.S.S.

d'un crédit de 44 millions de dollars destinés à des

achats d'équipement.

Avec la Tunisie, les relations commerciales,

régies par un accord signé en mars 1962, fondé sur le

système du clearing, et sur l'accord commercial conclu

en novembre 1964 pour la durée du plan quadriennal, ont

régulièrement progressé jusqu'en 1967 où leur montant

global atteignait 5j2 millions de dollars. Une baisse

a été ensuite enregistrée en 1968. Pour l'année 1969»

le chiffre est de 2,5 millions, ce qui traduit le niveau

modeste des échanges. Le nouveau Ministre tunisien des

Affaires Etrangères semble avoir pour objectif de ranimer

ces échanges dans un sens favorable à la Tunisie.

Quant à la Libye. ses rapports commerciaux

avec l'U.R.S.S. sont pratiquement insignifiants.

II. Coopération économique et technique.

L'aide de l'U.R.S.S. s'est d'abord manifestée

en Afrique du Nord au profit de 1'Algérie ou elle a pris,

dès le lendemain de l'indépendance, une ampleur considé­

rable, les Russes étant présents, à côté des Français,

dans la plupart des secteurs vitaux de l'économie. En

1963 et 1964, deux prêts d'un montant respectif de 500

et de 625 millions de francs remboursables en 12 ans

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5/11

4 .

permirent à la coopération soviétique de s'implanter

solidement dans le domaine du pétrole (Centre des hydro­

carbures de Rocher Noir), de l'hydraulique, des recherches

minières et de la sidérurgie (construction du complexe

d'Annaba).

Cl

L'accord-cadre conclu en juillet 1968 a eu

pour conséquence d'entraîner un développement de cette

assistance notamment en ce qui concerne la recherche

géologique - au Sahara notamment - et dans l'industrie

du pétrole. Le nombre des techniciens soviétiques en

Algérie est estimé à 1700, enseignants exclus, auquel

il convient d'ajouter 1000 experts appartenant aux autres

pays de l'Est. Dans le domaine de l'agriculture également

les Russes déploient une vive activité (construction de

barrages, détachement de vétérinaires, etc). En mars

1969, à l'issue du voyage de M. Bouteflika à Moscou, une

commission mixte intergouvemementale de coopération

économique, scientifique et technique a été créée en

attendant la conclusion d'accords à long terme quin'est

pas encore intervenue» Il semble d'ailleurs que la visite

de M. Podgomy (fin mars 1969) ait marqué le point culmi­

nant de la pénétration soviétique dans l'économie algérienne.

Si l'on exclut le domaine encore actif du pétrole - trois

nouveaux accords ont été conclus en mai dernier entre la

Sonatrach et Techno—Export — on enregistre depuis environ

un an une pause très nette qui correspond d'ailleurs à une

amélioration des relations de l'Algérie avec les pays

occidentaux.

Au Maroc, l'assistance économique soviétique

a débuté en 1966 à la suite de l'accord de coopération

signé le 27 octobre après le voyage du Roi Hassan II à

Moscou. Elle a connu un essor rapide, mais les résultats

n'ont pas répondu aux espoirs du début : en trois ans,

5 millions de dollars sur les 36 prévus ont été engagés.

Jusqu'ici, la seule affaire ayant abouti a été la cons­

truction du complexe hydroélectrique de Zaouia N'Ourbaz,

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6/11

la construction d'une usine de transformation des métaux

ayant été abandonnée et la recherche de minerais non '

ferreux à Bou Uadine s'étant avérée infructueuse. Actuel­

lement, les Soviétiques s'efforcent de trouver d'autres

champs d'action, dans le domaine de la recherche géologique

notamment. Ils ont obtenu des résultats au gisement de cobalt de Bou Azzer»

Le voyage de H. Podgorny à Rabat en avril 1969

s'est traduit par une certaine relance de la coopération.

Les Russes ont fourni une centrale thermique pour la

mine de charbon de Jerada où leurs ingénieurs, étroitement

surveillés par la police marocaine, seraient désormais plus

de 350. D'autre part, M. Jaïdi a signé à Moscou en février

dernier un accord portant création d'une commission mixte

intergouvemementale de coopération économique, scienti­

fique et technique.

Avec la Tunisie, l'U.R.S.S. a signé le 30

août 1969 un accord de coopération assorti d'un prêt

de 25 millions de roubles à 3 %, complété en 1965 par

un autre prêt de 5 millions de roubles. Ces capitaux

ont servi au financement de l'édification par les Sovié­

tiques d'un barrage sur l'Oued Kasseb et à la construction

de l'Institut National Technique dont la France fournit

les enseignants. Des accords ont été également conclus

sur la modernisation des ports et sur l'assistance prêtée

par "Aéroflot" à "Tunis Air”. Une centaine d'experts

comprenant des techniciens, des médecins et des professeurs

travaillent en Tunisie.

III. Assistance militaire.

Des deux pays, l'Algérie et le Maroc, ayant eu

recours, en Afrique du Nord, à l'assistance militaire

soviétique, c'est le premier qui, de loin, a été le

principal bénéficiaire.

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7/11

la Tchécoslovaquie fournissait en 1967» avec l'autorisation

de Moscou» 150 chars T 54» 30 canons anti-chars et 180

camions, le tout représentant une valeur de 90 millions

de francs. D'autre çart» en juin 1969» une importante

mission militaire marocaine s'est rendue à Moscou sur

invitation de M. Podgorny. Un autre indice des bonnes

relations que le royaume chérifien entend maintenir» dans

ce domaine, avec Moscou est l'autorisation d'escale accordée

déjà à trois reprises, dans les ports de Tanger ou de

Casablanca» à des bâtiments de guerre soviétiques.

En Libye enfin, où les offres de l'U.R.S.S.

au lendemain du coup d'Etat avaient été repoussées, le

débarquement de matériel militaire sovietique dans les

ports de Tripoli et de Benghazi en juillet dernier constitue

un fait nouveau. Il s'agit, d'après les informations recueil­

lies, de 132 chars type T 55» de 45 automitrailleuses

amphibies et d'armement léger. On s'interroge encore sur

la portée réelle de cette livraison à laquelle la R.A.U.

n'est pas étrangère, du personnel égyptien ayant réceptionné

les chars. Récemment, dans la deuxième quinzaine de novembre,

le chef d'état-major de l'armée libyenne s'est rendu à

Moscou au moment où M. Ali Sabri, Vice-Président de la

R.A.U., et le Ministre de la Défense soudanais s'y trouvaient

déjà. L'objet de cette mission paraît avoir été l'achat de

matériel militaire sans qu'il soit possible d'affirmer que

des entretiens intéressant les pays de la fédération - alors

tripartite - se soient déroulés à cette occasion.

*

♦ *

Si l'U.R.S.S. a ainsi pris pied en Afrique du

Nord, singulièrement en Algérie qui constitue le pivot

de son action et plus modestement au Maroc et en Libye,

sa politique se heurte néanmoins à des obstacles qui

limitent son influence et font barrière à une pénétration en profondeur.

D'une manière générale, la religion musulmane -

par essence exclusive de toute compromission avec une

autre ideologie — constitue là comme ailleurs un frein

7 .

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8/11

puissantt notamment au sein des masses, contre la 'diffusion

des principes.du marxisme-léninisme. En outre, les états

du Maghreb, qui se sont affranchis d'une tutelle colonisa­

trice, sont, à des degrés divers, partisans du non-aligne­

ment et n'entendent pas se laisser entraîner dans le jeu

bipolaire des grandes hégémonies, quelles que soient leurs

sympathies respectives.

Il est significatif à cet égard de noter que

les quatre capitales du Maghreb sont maintenant d'accord

pour demander que la Méditerranée devienne un "lac de paix"

et qu'elle soit soustraite à la compétition des deux

Super-Grands. Ainsi la sixième flotte américaine et les

unités de l'escadre soviétique sont-elles traitées sur le

même pied.

L'évolution récente de l'Algérie est révélatrice

des difficultés éprouvées par le Kremlin pour élargir son

influence.

Si la coopération bilatérale entre Alger et

Moscou conserve un caractère privilégié, il n'empêche que

le "socialisme spécifique" algérien s'avère incompatible

avec l'orthodoxie marxiste ainsi qu'en témoignent tant

la mise hors la loi du parti communiste algérien dès 1962

que le contentieux créé par la présence de représentants

algériens aux assises communistes internationales. De même,

en ce qui concerne le conflit du Proche-Orient, clé de la

situation en Méditerranée, la position de l'Algérie, hostile

dès le début à toute solution politique, diverge aujourd'hui

de la ligne de conduite soviétique. Pour l'Algérie, pays

progressiste, l'Ù.R.S.S. joue à la fois le rôle de caution

et de soutien, dans la lutte contre le sous-développement.

Mais elle n'est ni la suzeraine, ni la tutrice d'un état

dont le nationalisme ombrageux n'a cessé de s'affirmer.

Au Maroc, la conjoncture se présente différemment

en ce sens que le regime chérifien, d'essence théocratique,

ayant noue d'excellentes relations avec les puissances

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9/11

9.

occidentales et sûr de son autorité sur une population

attachée aux traditions ancestrales, ne redoute pas le

dialogue avec Moscou. Pendant longtemps, l'assistance

militaire soviétique à l'Algérie n'a inspiré à Rabat que

méfiance. Cette hypothèque est maintenant levée depuis

la réconciliation du Colonel Boumediene et de Hassan II.

Aussi l'U.R.S.S. a-t-elle essayé de raffermir ses liens

avec le Maroc et M. Podgorny, venant d'Alger, a été

accueilli avec cordialité à Rabat en avril 1969» Par là,

le Roi a sans doute voulu marquer qu'il se prêtait, dans

une certaine mesure, à une politique de rapprochement avec

Moscou sans pour autant s'éloigner en aucune manière de

l'Occident. M. William Rogers, Secrétaire d'Etat américain,

était d'ailleurs quelques mois plus tard également son

hôte, en février 19 70 .

Mais si M. Rogers a été également reçu à Tunis,

il n'en a pas été de même pour M. Podgorny qui avait

pourtant manifesté son désir de poursuivre son voyage

maghrébin vers cette capitale. Un certain malaise existe

en effet dans les relations entre l'U.R.S.S. et la

République du Président Bourguiba. Celui-ci a vu avec

méfiance les Soviétiques imposer leur présence navale

en Méditerranée et livrer massivement des armes à la

R.A.U. Il a en outre condamné sans ambages l'intervention

russe en Tchécoslovaquie. Par ailleurs, la présence au

large des côtes tunisiennes d'une "flotille de pêche"

soviétique est pour lui source d'irritation. La Tunisie,

pays bourgeois et libéral, reste, en fait, tournée vers

l'Occident et redoute les entreprises inspirées par le

Kremlin ou ses sectateurs.

Quant à la Libye, le nouveau régime, tôt

sollicité, n'a au début accueilli qu'avec froideur et

reserve les offres soviétiques, tandis que l'anti­

communisme du Colonel Gaddafi s'affichait de .plus en plus.

.../

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10/11

10 .

Une.certaine détente oemble se dessiner actuellement,

sans doute sur les instances de l'Egypte. En mars dernier,

le Ministre du Pétrole, M. Mabrouk, s'est rendu à Moscou.

En mai, une mission d'experts est arrivée à Tripoli ainsi

qu'une délégation de la commission de solidarité entre

l'U.R.S.S. et les pays afro-asiatiques. L'éventuelle

assistance de Moscou dans le domaine du pétrole et de

la recherche géologique est à l'étude. Rien n'est encore

décidé, mais il se pourrait que l'Union Soviétique qui,

selon sa tactique éprouvée dans les pays révolutionnaires

arabes, vient de livrer des armes a Tripoli, fût mainte­

nant décidée à sortir de son expectative pour tenter

d'établir avee la Libye une coopération fondamentale.

♦ *

En somme, pour réelle qu'elle soit, la presence

soviétique au Maghreb présente un caractère limité qui

n'est pas de nature à mettre aisément en danger les

positions occidentales. Sur le plan militaire notamment

l'Union Soviétique ne dispose dans la région d'aucune base

pouvant servir de point d'appui à sa flotte de la Méditerrané

La France, quant à elle, ne considère pas l'U.R.S.S. en

Afrique du Nord comme un adversaire, mais plutôt comme un

concurrent qui cherche à imposer ses experts, ses produits

et ses techniques, au détriment parfois des intérêts français.

Mais le marché nord-africain paraît assez vaste pour s'offrir

à la compétition internationale, conformément, du reste, aux

voeux des dirigeants maghrébins qui connaissent les dangers

d'un tête-à-tête trop solitaire avec une Super-Puissance

dont nul n'ignore de quelle nature égoïste sont dans le

Tiers-Monde ses objectifs politiques./.

Si

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11/11

6.

Dès après l'indépendance, l'aide militaire

russe a revêtu en Algérie une forme considérable. L'Armée

nationale populaire a été presque entièrement équipée,

au moins en ce qui concerne l'armement lourd, par des

matériels soviétiques. Ces fournitures massives ont

porté notamment sur des avions, 20 à 25 MIG 21, 40 MIG 17*

20 à 25 bombardiers IL 28, 15 à 20 YAK 18, des vedettes

lance-missiles, 170 chars T 54 ou 55* 100 chars T 34,

des milliers de véhicules divers, des rampes sol-air et

des missiles. Ces achats qui représentent une valeur

d'environ 700 millions de freines, ont bénéficié de crédits

de 10 à 15 ans à 3 % d'intérêt. En outre, les instructeurs

soviétiques assurent l'encadrement de cinq écoles mili­

taires (Arme blindée, artillerie, D.C.A., une école de

pilotage et une école de mécaniciens d'aviation). D'autre

part, 1300 cadres de l'ANP ont déjà reçu une formation en

U.R.S.S.

A l'heure actuelle, on enregistre cependant,

dans le rythme des fournitures d'armements, un ralentisse­

ment très net qui correspond à la volonté des Algériens de

se dégager, autant que possible, d'une emprise trop exclu­

sive des Russes. Le chiffre aujourd'hui retenu de quelque

800 experts militaires soviétiques - auquel il convient

d'ajouter 400 personnels auxiliaires — marque un recul

par rapport aux années qui suivirent l'indépendance. De

™ même, la visite officielle du Maréchal Gretchko en juillet

1968 et celle de l'Amiral Gorchkov en mars dernier n'ont

pas abouti aux résultats escomptés à Moscou en raison du

refus opposé par le Colonel Boùmediene à certaines demandes

qui auraient entraîné un élargissement de l'action sovié­tique .

Quant au Maroc, il a reçu de 1960 à 1962

10 000 tonnes d'armement, notamment des canons et des mor­

tiers, des chars T 54, 12 MIG 17 et 2 MIG 15. Les livrai­

sons, interrompues à la suite du conflit algéro-marocain

de 1963, reprirent par l'envoi de munitions, tandis que