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Thème 4 : Travail, intégration sociale et conflits Chapitre 10) Travail et intégration sociale CE QUE DIT LE PROGRAMME : Quels liens sociaux dans des sociétés où s’affirme le primat de l’individu ? Après avoir présenté l'évolution des formes de solidarité selon Durkheim, on montrera que les liens nouveaux liés à la complémentarité des fonctions sociales n'ont pas fait pour autant disparaître ceux qui reposent sur le partage de croyances et de valeurs communes. On traitera plus particulièrement de l'évolution du rôle des instances d'intégration (famille, école, travail) dans les sociétés contemporaines et on se demandera si cette évolution ne remet pas en cause l'intégration sociale. Acquis de première : socialisation, sociabilité, anomie, désaffiliation, disqualification, réseaux sociaux NOTIONS : Solidarité mécanique/organique, cohésion sociale Dans ce chapitre sera également intégrée une partie du regard croisé du programme officiel sur « Travail, emploi, chômage » où il est question de s’interroger sur le rôle du travail dans l’intégration sociale. On se demandera en quoi ce lien entre travail et intégration sociale est fragilisé par certaines évolutions de l'emploi. NOTIONS : Salariat – précarité – pauvreté DEFINITIONS DES NOTIONS A CONNAITRE POUR CE CHAPITRE Notions du programme de terminale Cohésion sociale : Situation caractérisée par la stabilité et la force des liens sociaux et par un niveau élevé de solidarité entre les membres d’un groupe/d’une société. Lien social : Tout ce qui rattache les individus et les groupes les uns aux autres. Il peut s’agir de liens directs basées sur l’interconnaissance : lien conjugal, familial, relations amicales, relations de voisinage, etc. ou de liens indirects tissés par la médiation d’institutions complexes : monde professionnel, associations, syndicats, partis, protection sociale, etc. Pauvreté : Situation des ménages qui se trouvent en-dessous du seuil de pauvreté. Le seuil de pauvreté est égal à 60% du revenu médian et tient compte de la taille des ménages. Précarité : ensemble des formes d’emploi instable entrainant des difficultés de conditions de vie. Salariat : ensemble de personnes ayant le statut de salarié et bénéficiant de ce fait de protections prévues par le droit du travail et les conventions collectives. Solidarité mécanique : Solidarité fondée sur le sentiment d'appartenir à un même groupe (principe de ressemblance). Primat du groupe sur l'individu. Solidarité organique : Solidarité fondée sur le fait d'être en interdépendance avec les autres (principe de la complémentarité). L'individu prime sur le groupe. Acquis de première :

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Thème 4 : Travail, intégration sociale et conflits

Chapitre 10) Travail et intégration sociale

CE QUE DIT LE PROGRAMME :

Quels liens sociaux dans des sociétés où s’affirme le primat de l’individu ?

Après avoir présenté l'évolution des formes de solidarité selon Durkheim, on montrera que les liens nouveaux liés à la complémentarité des fonctions sociales n'ont pas fait pour autant disparaître

ceux qui reposent sur le partage de croyances et de valeurs communes. On traitera plus particulièrement de l'évolution du rôle des instances d'intégration (famille, école, travail) dans les sociétés

contemporaines et on se demandera si cette évolution ne remet pas en cause l'intégration sociale.

Acquis de première : socialisation, sociabilité, anomie, désaffiliation, disqualification, réseaux sociaux

NOTIONS : Solidarité mécanique/organique, cohésion sociale

Dans ce chapitre sera également intégrée une partie du regard croisé du programme officiel sur « Travail, emploi, chômage » où il est question de s’interroger sur le rôle du travail dans l’intégration sociale.

On se demandera en quoi ce lien entre travail et intégration sociale est fragilisé par certaines évolutions de l'emploi.

NOTIONS : Salariat – précarité – pauvreté

DEFINITIONS DES NOTIONS A CONNAITRE POUR CE CHAPITRE

Notions du programme de terminale

Cohésion sociale : Situation caractérisée par la stabilité et la force des liens sociaux et par un niveau élevé de solidarité entre les membres d’un groupe/d’une société.

Lien social : Tout ce qui rattache les individus et les groupes les uns aux autres. Il peut s’agir de liens directs basées sur l’interconnaissance : lien conjugal, familial, relations amicales, relations de voisinage, etc. ou de liens indirects tissés par la médiation d’institutions complexes : monde professionnel, associations, syndicats, partis, protection sociale, etc.

Pauvreté : Situation des ménages qui se trouvent en-dessous du seuil de pauvreté. Le seuil de pauvreté est égal à 60% du revenu médian et tient compte de la taille des ménages.

Précarité : ensemble des formes d’emploi instable entrainant des difficultés de conditions de vie.

Salariat : ensemble de personnes ayant le statut de salarié et bénéficiant de ce fait de protections prévues par le droit du travail et les conventions collectives.

Solidarité mécanique : Solidarité fondée sur le sentiment d'appartenir à un même groupe (principe de ressemblance). Primat du groupe sur l'individu.

Solidarité organique : Solidarité fondée sur le fait d'être en interdépendance avec les autres (principe de la complémentarité). L'individu prime sur le groupe.

Acquis de première :

Anomie : affaiblissement des mécanismes d’intégration sociale, notamment par absence ou défaut de règles.

Désaffiliation : Processus de rupture avec les instances d’intégration : réseau relationnel et emploi stable.

Disqualification sociale : Processus d’affaiblissement ou de rupture des liens de l’individu à la société au sens de la perte de la protection (vulnérabilité face à l’avenir) et de la reconnaissance sociale (poids du regard négatif d’autrui).

Réseaux sociaux : Ensemble des relations amicales, professionnelles ou civiques qui peuvent être utiles à un individu et faciliter son intégration sociale.

Sociabilité : Ensemble des relations sociales effectives qu’un individu peut entretenir.

Socialisation : Processus par lequel les individus apprennent et intériorisent les normes, les valeurs, les rôles sociaux du groupe ou de la société à laquelle ils appartiennent et qui facilite leur intégration sociale.

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Notions complémentaires :

Culture : système de valeurs, de normes, de représentations et de comportements, transmis par les différentes instances de socialisation, et propres aux membres d’une collectivité humaine donnée (groupe, classe, etc.)

Famille au sens de l’insee : ensemble comprenant au moins deux personnes et constitué soit d'un couple (marié ou non) avec ou sans enfants, soit d'un adulte avec un ou plusieurs enfants. Les enfants d'une famille doivent être célibataires (et eux-mêmes sans enfant).Famille (au sens sociologique synonyme de parenté) : ensemble des personnes unies par des liens de filiation et d’alliances, et qui ne vivent pas forcément sous le même toit.

Intégration sociale : Processus par lequel un individu devient pleinement membre de la société ou d'un groupe social grâce à l’établissement de liens sociaux.

Individualisme : Processus d’autonomisation par lequel l’individu s’est peu à peu constitué comme sujet en s’affranchissant de plus en plus des institutions sociales qui encadrent ses manières de penser et d’agir.L’individualisme peut être compatible avec le partage de valeurs communes (individualisme universaliste) ou aller contre (individualisme particulariste).

SUJETS DE BAC DÉJÀ « TOMBÉS » SUR CE CHAPITRE :

Dissertation→ Quelle est la contribution de l’école à la cohésion sociale en France aujourd’hui?→ Comment les sociétés où s’affirme le primat de l’individu parviennent-elles à créer du lien social ?→ En France aujourd’hui, le lien social repose-t-il seulement sur la solidarité organique ?→ Les évolutions de la famille remettent-elles en cause son rôle dans l’intégration sociale ?

EC1→ En quoi la solidarité organique se distingue-t-elle de la solidarité mécanique chez Durkheim ?→ Le développement de la solidarité organique dans les sociétés modernes entraîne-t-il la disparition de la solidarité

mécanique ?→ Comment le travail contribue-t-il à l’intégration sociale ?→ Montrez que, selon Durkheim, dans les sociétés où s'affirme le primat de l'individu la solidarité ne faiblit pas.→ Montrez que la solidarité mécanique demeure dans une société où s'affirme le primat de l'individu.→ La solidarité organique a-t-elle fait disparaître toute forme de solidarité mécanique ?→ Montrez par une illustration que la solidarité organique dans les sociétés contemporaines n'a pas entraîné la disparition de

la solidarité mécanique.→ Quelles distinctions peut-on établir entre la solidarité mécanique et la solidarité organique ?→ En quoi la solidarité organique est-elle, pour Durkheim, caractéristique des sociétés où s'affirme le primat de l'individu ?

EC3→ Vous montrerez que la famille contribue à l’intégration sociale des individus.→ Vous montrerez que le travail comme instance d’intégration s’est affaibli.

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Introduction : aux sources du lien social Les sociétés modernes produisent de plus en plus de richesses, nous l'avons vu dans les chapitres sur la croissance. Cependant, cela ne les empêche pas de connaître à la fois des inégalités variées et des conflits qui peuvent être considérés comme des moteurs de changement social mais qui sont aussi parfois les conséquences des transformations en cours. Pourtant, finalement, au cours du temps, nos sociétés se perpétuent tout en se transformant, elles ne disparaissent pas sous la pression des inégalités et des conflits. Comment est-ce possible ? Autrement dit, la question que nous allons aborder ici consiste à nous demander comment les sociétés « tiennent », quels sont les mécanismes qui les cimentent, qui relient les individus les uns aux autres suffisamment solidement pour que la vie en société ne dégénère pas en guerre civile. Vieille question de philosophie politique : comment faire pour que les hommes puissent agir librement et constituer, malgré tout, une société cohésive ?

Document polycopié n°1 Typologie des liens sociauxJe propose de définir chaque type de lien social à partir des deux dimensions de la protection et de la reconnaissance. Les liens

sont multiples et de natures différentes, mais ils apportent tous aux individus à la fois la protection et la reconnaissance nécessaire à leur existence sociale. La protection renvoie à l’ensemble des supports que l’individu peut mobiliser face aux aléas de la vie (ressources familiales, communautaires, professionnelles…), la reconnaissance renvoie à l’interaction sociale qui stimule l’individu en lui fournissant la preuve de son existence et de sa valorisation par le regard de l’autre ou des autres. L’expression «compter sur » résume assez bien ce que l’individu peut espérer de sa relation aux autres et aux institutions en termes de protection, tandis que l’expression « compter pour » exprime l’attente, tout aussi vitale, de reconnaissance. […] Dans le prolongement de cette réflexion, quatre grands types de liens sociaux peuvent être distingués : le lien de filiation, le lien de participation élective, le lien de participation organique et le lien de citoyenneté.

Serge Paugam, Le lien social, PUF, 2010.

Types de liens Formes de protection« Compter sur »

Formes de reconnaissance« Compter pour »

Liens de filiation (parents-enfants) Solidarité intergénérationnelle, protection rapprochée Reconnaissance affective

Liens électifs (couple, amis) Solidarité interindividuelle, protection rapprochée Réciprocité affectiveLiens organiques (travail, marché)

Protection contractualisée (contrat de travail, droit du travail, protection sociale)

Sentiment d’utilité, statut social, estime de soi

Liens de citoyenneté (au sein d’un Etat) Egalité juridique Reconnaissance de l’individu

souverain, citoyen

1. Le lien social entre solidarité mécanique et solidarité organique

1.1. Solidarité mécanique et solidarité organique chez Durkheim

Avec le développement du capitalisme, la société connaît un changement social qui s’accélère au 19 ème siècle : urbanisation, développement de l’industrie, exode rural, montée de l’individualisme, etc. A la fin du 19 ème siècle, Durkheim (père de la sociologie en France) est le témoin de toutes ces transformations et va se demander comment la cohésion sociale peut être possible dans une société où le lien social (ce qu’il appelle la solidarité) ne va plus de soi et est mis en péril par la montée de l’individualisme. Il va théoriser le passage d’une société où la solidarité mécanique domine à une société où la solidarité organique devient prépondérante.

Document polycopié n°2 La diversité des formes d'intégration : solidarité mécanique et solidarité organiqueNous reconnaîtrons deux sortes seulement de solidarités1 [...]. La première [la solidarité mécanique] ne peut être forte que dans

la mesure où les idées et les tendances communes à tous les membres de la société dépassent en nombre et en intensité celles qui appartiennent personnellement à chacun d'eux. [...] La solidarité qui dérive des ressemblances est à son maximum quand la conscience collective recouvre exactement notre conscience totale et coïncide de tous points avec elle : mais, à ce moment, notre individualité est nulle. Elle ne peut naître que si la communauté prend moins de place en nous. [...] Il en est tout autrement de la solidarité que produit la division du travail. Tandis que la précédente implique que les individus se ressemblent, celle-ci suppose qu'ils diffèrent les uns des autres. La première n'est possible que dans la mesure où la personnalité individuelle est absorbée dans la personnalité collective ; la seconde n'est possible que si chacun a une sphère d'action qui lui est propre, par conséquent une personnalité. [...] Cette solidarité ressemble à celle que l'on observe chez les animaux supérieurs. Chaque organe, en effet, y a sa physionomie spéciale, son autonomie, et pourtant l'unité de l'organisme est d'autant plus grande que cette individuation 2 des parties est plus marquée. En raison de cette analogie, nous proposons d'appeler organique la solidarité qui est due à la division du travail.1. Expression utilisée par Durkheim pour désigner le lien social.2. Différenciation.

Emile Durkheim, De la division du travail social, PUF, 1930 (1ère édition 1893).

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1) Retrouvez les passages du texte où Durkheim définit la conscience collective.

Conscience collective : « …les idées et les tendances communes à tous les membres de la société… » ; « la personnalité collective ». Ensemble des croyances et des sentiments communs aux membres d’une même société.

Aujourd’hui on parlerait plus volontiers de culture commune.

Culture : système de valeurs, de normes, de représentations et de comportements, transmis par les différentes instances de socialisation, et propres aux membres d’une collectivité humaine donnée (groupe, classe, etc.)

2) Quelles sont pour Durkheim les deux origines possibles du lien social ? A quelles formes de solidarité renvoient-elles respectivement ?

Conscience collective → Solidarité mécanique. Division du travail → Solidarité organique.

Attention, ce n’est pas du tout à la division technique du travail (taylorisme) à laquelle Durkheim fait référence. Il évoque la division du travail social qui renvoie à la division des activités sociales. Celles-ci comprennent la division des activités productives, mais aussi la division des rôles entre hommes et femmes, la division des traits de caractère et des talents dans un groupe d’amis, etc.

3) Pourquoi utilise-t-il l'adjectif organique pour désigner la solidarité dans les sociétés modernes ?

Durkheim parle de société à solidarité organique en faisant une comparaison avec le corps humain. Chaque individu jouerait dans la société un rôle différent, mais complémentaire, interdépendant de celui des autres, à l’instar des différents organes du corps humain qui remplissent des fonctions différentes les unes des autres mais tout autant nécessaires à la vie.

4) Faites un schéma montrant les liens entre division du travail, montée de l’individualisme et lien social.

Conséquence 1 de la division du travail (peut constituer une menace pour la cohésion sociale) : Les tâches qui composent la vie sociale se subdivisent et les individus appelés à les remplir se spécialisent.Les individus occupant des fonctions différentes dans la société, vont se particulariser, se différencier. Ils deviennent chacun différents, ne vivant pas dans le même univers professionnel, avec le même statut. Ils vont de ce fait gagner en autonomie par rapport aux groupes auxquels ils appartiennent.

Conséquence 2 de la division du travail (permet le maintien du lien social) : Durkheim pense que c’est la division du travail fondée sur la spécialisation des individus qui impose aux hommes d’entrer en rapport les uns avec les autres. Je suis solidaire des autres, je crée des liens, car j’ai besoin d’eux et ils ont besoin de moi. Il y a interdépendance entre des individus rendus complémentaires par la division du travail. La division du travail a donc d’abord une fonction sociale : créer le lien social, ciment de la société (solidarité de type organique).

5) Classez les éléments soulignés du texte dans le tableau ci-dessous :

Société à solidarité mécanique Société à solidarité organique

Division du travail

Les individus remplissant des fonctions différenciées, se particularisent …

… en même temps qu’ils sont reliés par des liens de complémentarité et d’interdépendance

Lien social de type organique

Montée de l’individualisme

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Document polycopié n°3 Affaiblissement de la conscience collective et montée de l’individualismeLa solidarité organique repose sur la division du travail qui rend les hommes économiquement dépendants les uns des autres. La

conscience collective devient plus indéterminée et laisse plus de place aux variations individuelles ; tout en devenant plus générale, plus abstraite, plus rationnelle en laissant davantage place au libre examen, la conscience collective se renforce pour tout ce qui touche au respect de la dignité de l'homme : « l'individu devient l'objet d'une sorte de religion ». La qualité générique d'homme est en effet le seul élément qui reste commun à tous les hommes quand les fonctions sociales se sont totalement différenciées [...].

Cependant, si la conscience collective s'altère, les individus restent soumis à des systèmes de normes et de valeurs communes dans chacun des groupes particuliers auxquels ils appartiennent. Simplement, ces règles n'ont pas la même force et n'exercent pas la même contrainte que celles nées de la conscience collective. D'abord, parce qu'elles ne régissent qu'une partie de l'activité de l'individu ; ensuite, parce que chaque individu appartient à plusieurs groupes et se trouve donc soumis à plusieurs systèmes moraux différents, de sorte qu'il n'est engagé totalement dans aucun d'entre eux ; enfin, parce que les activités professionnelles aussi bien que les fonctions domestiques sont très largement choisies. En conséquence, la pluralité des systèmes moraux en concurrence laisse une marge de liberté plus importante à l'individu qui est « moins agi et davantage source d'activité spontanée ».

Henri Mendras, Jean Étienne, Les Grands Auteurs de la sociologie, Hatier, coll. « Initial », 1993.

1) Expliquez les trois raisons pour lesquelles, dans la société moderne, on observe une autonomisation des individus par rapport aux normes sociales. Elles se trouvent toutes dans le deuxième paragraphe.

→ Les normes sociales ne régissent plus la totalité de l’activité de l’individu , mais seulement une partie de celle-ci. Dans chaque groupe, dans chaque domaine de l’activité sociale, l’individu va trouver des normes sociales spécifiques à ce domaine ou à ce groupe. Alors que dans les sociétés à solidarité mécanique, la conscience collective englobait toute l’activité sociale.

→ Avec la division du travail social, les individus se trouvent engagés dans plusieurs groupes dont les normes et les valeurs sont différentes. Ils peuvent donc s’appuyer sur les normes et les valeurs d’un groupe pour prendre de la distance par rapport à un autre groupe. Les individus gagnent donc en autonomie par rapport aux normes sociales, ils ont davantage de marges de manœuvre, d’interprétation des impératifs sociaux.

→ Avec la division du travail, les individus ont la possibilité d’occuper une pluralité de fonctions aussi bien dans la sphère professionnelle que dans la sphère privée. Ainsi, ils peuvent davantage choisir leur activité professionnelle et la manière dont ils vont agencer leur vie familiale.

Les individus gagnent en autonomie par rapport aux normes sociales. Cela explique la montée de l’individualisme. Le « je » prends de l’importance par rapport au « nous »

Classez les couples d’opposition suivants dans le tableau ci-dessous : Faible division du travail / Forte division du travail Une fonction différente pour chacun, d’où complémentarité / Fonction identique pour tous Faible conscience collective / Forte conscience collective Différences entre individus (hétérogénéité) / Similitudes entre individus (homogénéité) Personnalité collective l’emporte sur la personnalité individuelle / Personnalité individuelle l’emporte sur la personnalité

collective Individu relié directement à la société sans intermédiaire / Individu relié à la société car il est relié aux parties qui la composent. Attachement aux coutumes et traditions, conformité aux normes, valeurs et rôles sociaux traditionnels (forte pression du

groupe) / Autonomie par rapport au groupe et à ses normes (montée de l’individualisme) Sociétés modernes / Sociétés traditionnelles Métaphore de la machine / Métaphore du corps humain

SOLIDARITE MECANIQUE SOLIDARITE ORGANIQUE

REMARQUE : Cette typologie duale est « idéale-typique », c’est-à-dire qu’on retrouve dans chaque société plus ou moins les deux types de liens, mais selon des dosages différents. Durkheim n’écarte pas totalement l’idée que des formes de solidarité mécanique puissent persister même lorsque le niveau d’avancement du processus de division du travail a imposé de façon générale la solidarité organique.

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1.2. Les liens nouveaux liés à la complémentarité des fonctions sociales n'ont pas fait pour autant disparaître ceux qui reposent sur le partage de croyances et de valeurs communes

Comme on l’a vu, Durkheim considère que les deux types de liens (organique et mécanique) sont présents dans la société moderne. Il théorise simplement le passage d’une solidarité mécanique dominante à une solidarité organique dominante, mais les deux coexistent. Nous allons voir que les liens relatifs à la division du travail (solidarité organique) n’ont aucunement fait disparaître les liens qui reposent sur le partage de croyances et de valeurs communes (solidarité mécanique).

Document polycopié n°4 Solidarité organique et solidarité mécanique dans la société moderneLes sociologues contemporains sont plus sensibles à l’entrecroisement, au sein même des sociétés modernes, de liens sociaux de

nature différente, les uns renvoyant à la solidarité organique, les autres à la solidarité mécanique. En d’autres termes, les liens issus de la complémentarité des fonctions n’ont pas entièrement dissous les liens plus anciens issus de l’homogénéité des croyances et des pratiques. On pourrait même dire que l'affaiblissement de la conscience collective et le risque de dissolution des valeurs ont fait naître dans certains cas des formes de résistance à l'interdépendance généralisée sous la forme de regroupements communautaires. Le débat actuel sur le communautarisme illustre, sous son caractère souvent radical, la volonté de certains d'opter pour une organisation sociale plus proche de la solidarité mécanique que de la solidarité organique.

Serge Paugam, Le lien social, PUF, 2010.

1) Comment Serge Paugam explique-t-il la montée (ou le retour ?) de certains communautarismes aujourd’hui ? Utilisez obligatoirement les notions de solidarité mécanique et organique pour répondre.

Résistance à une société où le lien serait principalement de type organique (fondé sur la complémentarité liée à la différenciation), notamment à travers la sphère du travail.

Volonté pour certains de revenir à des liens de type mécanique fondés sur le partage de normes, de valeurs, de croyances communes, sur la ressemblance des membres du groupe, de la communauté.

Liens fondés sur l’appartenance religieuse. Il en va ainsi de la référence à la communauté musulmane et du renouveau de la pratique des rites chez certains jeunes (succès du pèlerinage à la Mecque, port du voile, fréquentation de la mosquée). Voir documents polycopiés n°5a et 5b.

Certains travaux monographiques ont montré également l’importance que pouvait prendre, parmi les jeunes vivant en cité, l’affirmation d’une identité collective fondée sur une appartenance résidentielle commune, le “quartier”, et manifestée par des codes vestimentaires, gestuels, linguistiques spécifiques, des conduites viriles pour les garçons et un contrôle de la sexualité des filles, etc. On voit ici que la pression du groupe est forte et que les liens sont construits autour de règles, de valeurs et croyances communes. Toutes ces normes sont construites autour de l’opposition entre le « nous » et le « eux » : sentiment commun d’appartenir à la « jeunesse des quartiers », d’être victime de certaines formes de stigmatisation dans leurs différentes interactions sociales. Les liens sont donc fondés sur un sentiment d’appartenance, sur des normes et valeurs communes auxquelles il faut se conformer sous peine d’être sanctionné par le groupe, autant d’éléments qui renvoient à la solidarité mécanique. Voir document polycopié n°6.

Affirmation d’identités à base ethnique ou régionale (catalan, basque, corse) qui montre que les regroupements basés sur la ressemblance n’ont pas disparu.

Renouveau du monde associatif où les individus se regroupent autour de valeurs comme une cause à défendre . Voir document polycopié n°7. Exemple également des zones à défendre (ZAD).

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Document polycopié 5aPréface de Stéphane Beaud, sociologue spécialiste des classes populaires, à l’ouvrage de Nathalie Kakpo, « L’islam, un recours pour les jeunes », 2007.L’hypothèse forte qui guide cette recherche s’est révélée, in fine, tout à fait féconde : ne pas parler abstraitement de l’islam – ou du « retour à l’islam » de ces jeunes – mais, tout au contraire, ré-encastrer le religieux dans le social en ne dissociant pas le rapport à la religion de ces jeunes de quartier (ou les différentes formes que peut prendre leur religiosité) de leur histoire familiale et sociale et, plus largement de l’ensemble de leur trajectoire – scolaire, professionnelle, résidentielle, matrimoniale. Cette approche par trajectoire s’avère largement pertinente. Elle permet de dégager les ressorts sociaux des identifications religieuses, notamment les processus cumulatifs de dévalorisation sociale qui se jouent à l’école et sur le marché du travail. (…) Beaucoup de garçons suivis dans l’enquête, fortement investis dans cette quête du religieux ont été des élèves orientés contre leur gré dans la filière professionnelle (LEP) qui se sont ensuite sentis discriminés sur le marché du travail.

Document polycopié 5bLe livre de Nathalie Kakpo est basé sur une enquête de terrain qu’elle a réalisée dans une cité de Moligny dans laquelle elle a grandi, près de la frontière suisse. Parmi les jeunes qu’elle a enquêtés, elle évoque le cas d’Hassan, étudiant en doctorat de science-politique. L’identification religieuse d’Hassan s’organise autour de l’idée de communauté musulmane. Celle-ci désigne un groupe d’individus, soudés par « des comportements, une vision du monde empreints d’une culture musulmane », qui se positionne dans l’espace public pour dénoncer l’ostracisme dont il s’estime victime. Cette collectivité est construite arbitrairement par les enfants d’immigrés en fonction de leurs expériences de la société française : elle se distingue de l’Umma déterritorialisée des militants religieux et ne s’élabore pas en référence à la culture d’origine des parents. (…) L’identification d’Hassan à la communauté musulmane n’est pas contradictoire avec son scepticisme vis-à-vis de la Révélation et des dogmes religieux. (…) L’Islam devient un signifiant, une forme qu’on peut remplir avec la matière que l’on souhaite. Depuis sa première année de thèse, Hassan écrit des textes qui dénoncent la stigmatisation des enfants d’immigrés maghrébins, et mettent en scène l’acteur « communauté musulmane ».

1) En quoi ces deux extraits illustrent la persistance de formes de solidarité mécanique dans la société actuelle ?

Volonté affichée par les jeunes du premier extrait, en échecs à l’école et sur le marché du travail, de nouer des liens renvoyant à la solidarité mécanique. Réaction liée à l’impossibilité de trouver une place satisfaisante dans la division du travail social et à bénéficier de la solidarité organique. Utilisation du retour à la religion pour affirmer une appartenance à une « communauté musulmane » qu’elle soit réelle ou fantasmée.

Le cas d’Hassan illustre aussi cette recherche d’une solidarité mécanique, alors même qu’il n’est pas foncièrement attiré par la pratique religieuse. Il se sent proche des autres individus issus de l’immigration maghrébine et il dénonce la stigmatisation dont ils sont victimes dans la société française.

Document polycopié n°6 Le repli sur le quartier comme palliatif à une absence de solidarité organique ?Cet ouvrage est basé sur un échange de mails entre un jeune des quartiers populaires de Montbéliard et le sociologue Stéphane Beaud. Cette communication par mails a duré plus d’un an et Stéphane Beaud a proposé à Younes Amrani d’en faire un livre. Un extrait du témoignage de Younes.Au fur et à mesure que l'on voit la vie normale s'éloigner peu à peu de notre horizon, on s'efforce de trouver des explications très superficielles du style: "c'est la faute aux Français", "Nique sa mère, ce pays", et petit à petit, on se terre dans un brouillard, on commence par détester la France, puis on n'aime pas ses habitants, on idéalise le bled, on croit avoir une identité forte... En fait, tout ce que l'on fait, c'est se bousiller la tête, on devient parano, on voit des racistes partout et on se coupe du monde. Alors c'est là qu'on commence à squatter le quartier à la dure... Certains se plongent dans la religion, d'autres de manière inconsciente foncent tête baissée sur les murs de la prison... On s'en sort plus, trop dur dans la tête, trop de déception, trop de manque d'argent... On devrait pas laisser les jeunes de cet âge-là penser de la sorte, c'est dangereux pour tout le monde, c'est dangereux pour la société. Mais plus le temps passe, plus je me dis qu'ils ont appris à vivre en nous excluant de leurs préoccupations. Comme le disait un mec de mon quartier, " la France, elle fait ses plans sans nous"…

Source : Younes Amrani, Stéphane Beaud, Pays de malheur, 2004.

Document polycopié n°7 Motifs d'adhésions aux associations en France métropolitaine (en %)Raisons indiquées 2002 2010

Pour pratiquer un sport 20,6 27,8Pour participer à une activité culturelle ou artistique 15,3 25,6Pour défendre une cause 31,5 40,5Pour faire respecter ses droits et ceux des autres 29,2 36,6Pour rencontrer des personnes qui ont les mêmes préoccupations 61,7 62,7Pour être utile à la société, pour faire quelque chose pour les autres 39,1 56,9Pour vous épanouir, pour occuper son temps libre 47,0 57,4Pour aider, défendre les intérêts de ses enfants ou d'autres membres de son entourage 16,6 29,1Pour avoir accès à des renseignements ou des services 23,9 28,5Autre raison 15,8 17,7Lecture : en 2002, 20,6 % des adhésions étaient motivées par la volonté de pratiquer un sport. La somme des pourcentages est supérieure à 100 % du fait des réponses multiples. Champ : ensemble des adhésions renseignées par les enquêtes.

Source : Économie et Statistique, n°459, INSEE 2013.1) Surlignez dans le document les quatre motifs qui révèlent particulièrement la persistance d’une solidarité mécanique.

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Document polycopié n°8 Les manifestations « pro-Charlie » et la conscience collectivePuisque donc les sentiments qu'offense le crime sont, au sein d'une même société, les plus universellement collectifs qui soient,

puisqu'ils sont même des états particulièrement forts de la conscience commune, il est impossible qu'ils tolèrent la contradiction. Surtout si cette contradiction n'est pas purement théorique, si elle s'affirme non seulement par des paroles, mais par des actes, comme elle est alors portée à son maximum, nous ne pouvons manquer de nous raidir contre elle avec passion.

(…) Quand nous réclamons la répression du crime, ce n'est pas nous que nous voulons personnellement venger, mais quelque chose de sacré que nous sentons plus ou moins confusément en dehors et au-dessus de nous.

(…) Quant au caractère social de cette réaction, il dérive de la nature sociale des sentiments offensés. Parce que ceux-ci se retrouvent dans toutes les consciences, l'infraction commise soulève chez tous ceux qui en sont témoins ou qui en savent l'existence une même indignation. Tout le monde est atteint, par conséquent, tout le monde se raidit contre l'attaque. Non seulement la réaction est générale, mais elle est collective, ce qui n'est pas la même chose ; elle ne se produit pas isolément chez chacun, mais avec un ensemble et une unité, d'ailleurs variables suivant les cas. (…) Sans doute, nous aimons en tout temps la compagnie de ceux qui pensent et qui sentent comme nous ; mais c'est avec passion, et non plus seulement avec plaisir, que nous la recherchons au sortir de discussions où nos croyances communes ont été vivement combattues. Le crime rapproche donc les consciences honnêtes et les concentre. Il n'y a qu'à voir ce qui se produit, surtout dans une petite ville, quand quelque scandale moral vient d'être commis. On s'arrête dans la rue, on se visite, on se retrouve aux endroits convenus pour parler de l'événement et on s'indigne en commun. De toutes ces impressions similaires qui s'échangent, de toutes les colères qui s'expriment, se dégage une colère unique, plus ou moins déterminée suivant les cas, qui est celle de tout le monde sans être celle de personne en particulier. C'est la colère publique.

Emile Durkheim, De la division du travail social, 1893.

1) En quoi ce texte écrit par Durkheim à la fin du 19ème siècle semble faire écho aux manifestations autour du slogan « Nous sommes Charlie » ?

Réaction dictée par la conscience collective, le partage de valeurs communes, quand cette conscience collective est offensée par le crime, en l’occurrence les attentats.Colère partagée face à un crime qui offense la conscience collective.

2) En quoi ces manifestations peuvent s’interpréter comme la persistance de certaines formes de solidarité mécanique dans la société contemporaine ?

Volonté d’affirmer ces valeurs communes et d’éprouver physiquement (par les manifestations) le fait qu’elles sont partagées avec d’autres membres de la société. Les manifestations post-attentats qui ont réuni plusieurs millions de personnes dans toute la France autour du slogan « Nous sommes Charlie » révèleraient ainsi une volonté des manifestants de mettre en avant des liens sociaux renvoyant à la solidarité mécanique, fondés sur le partage de valeurs communes.

Les exemples précédents illustrent le fait que les liens sociaux dans les sociétés modernes ne peuvent se réduire à des liens d’interdépendance fondés sur la division du travail (solidarité organique).

Synthèse du 1.2.

CERTES, les liens fondés sur la complémentarité des fonctions (division du travail) ont gagné de l’importance et sont aujourd’hui un fondement essentiel du lien social. Ainsi, le mouvement de marchandisation de nombreuses activités a renforcé le caractère organique du lien social puisque les individus ont besoin des autres pour se procurer les biens et les services qu’ils ne produisent pas eux-mêmes (liens marchands).MAIS le lien social aujourd’hui est encore en partie de type mécanique. De nombreux liens sociaux contemporains entretenus par des groupes, des mouvements ou des institutions conservent des dimensions relevant de la solidarité mécanique (communautés basées sur la coutume locale, la langue ou l’appartenance ethnique ; mouvements religieux ou spirituels...). Ces groupes continuent de rassembler les individus autour de croyances et de valeurs partagées. Les liens qu’ils tissent, fondés sur la similitude et la proximité d’origine (l’ethnie), de lieu (régionalisme et coutumes, quartiers populaires), de croyances (groupes religieux ou spirituels), de culture (style de vie) ou de valeurs (causes à défendre), apparaissent caractéristiques de la solidarité mécanique.

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1.3. L’individualisme dans les sociétés contemporaines : fragilisation ou transformation du lien social ?

Problématique : Comment former une société solidaire tout en préservant la liberté des individus ? La montée de l’individualisme met-elle en péril la cohésion sociale ?

Document polycopié n°9 Du mariage arrangé au mariage libre Les Larroque et les Desqueyroux ont laissé leurs logis d’Argelouse* tels qu’ils les reçurent des ascendants […] M. Larroque se félicitait de ce qu’Argelouse, qui le débarrassait de sa fille, la rapprochait de ce Bernard Desqueyroux qu’elle devait épouser, un jour, selon le vœu des deux familles, et bien que leur accord n’eût pas un caractère officiel. […] Tout le pays les mariait parce que leurs propriétés semblaient faites pour se confondre et le sage garçon était sur ce point d’accord avec tout le pays. » *hameau isolé des Landes

Source : François Mauriac, Thérèse Desqueyroux, Livre de poche, p31-32, 1927

1) Qui décide de ce mariage ? Quelle en est la justification ? Ce type de mariage est-il la norme aujourd’hui ?

→ Ce passage permet de montrer le contraire de l’individualisme, la situation autrefois commune où c’est le groupe d’appartenance (la famille) qui décide pour l’individu, « primat du groupe sur l’individu » et non le fait pour l’individu d’opérer lui-même ses choix.

→ Le déterminant de l’union est alors économique, il s’agit de conserver ou d’accroître la richesse des deux familles. La reproduction sociale du groupe passe avant l’individu. La cohésion sociale est assurée par les liens du mariage et le maintien de l’ordre établi (riches d’un côté et pauvres de l’autre).

→ Aujourd’hui, dans notre société, explicitement c’est l’individu qui choisit son conjoint, on peut donc parler d’individualisme.

Qu’est-ce que l’individualisme au sens sociologique ?

Définition : Processus d’autonomisation par lequel l’individu s’est peu à peu constitué comme sujet en s’affranchissant de plus en plus des institutions sociales qui encadrent ses manières de penser et d’agir.L’individualisme peut être compatible avec le partage de valeurs communes ( individualisme universaliste) ou aller contre (individualisme particulariste).

Avec la montée de l’individualisme (ou processus d’individualisation), les individus acceptent de moins en moins que leurs choix soient dictés par des institutions sociales contraignantes : la famille, la religion, le syndicat ou le parti par exemple. Ils veulent décider par eux-mêmes. Les individus ont peu à peu acquis une capacité à se définir par eux-mêmes et non en fonction de leur appartenance à telle ou telle entité collective.

Le processus d’individualisation connaitrait depuis quelques décennies une accélération, voire une forme d’accomplissement. Libérés des carcans collectifs et des assignations statutaires, nous serions désormais soumis à l’injonction sociale d’ « être soi », un « soi » authentique et singulier.Dans ce nouveau cadre, où plus rien ne semble aller de soi, l’individu est de moins en moins porté par la tradition et les institutions. Il est appelé, exercice hautement périlleux, à s’ « inventer lui-même », à choisir son héritage, son identité, ses appartenances et sa morale.

Attention de ne pas confondre individualisme et égoïsme : l’altruisme n’a pas disparu avec l’individualisme, les individus peuvent choisir d’aider les autres, mais ils ne se laissent plus dicter leurs comportements.

Aux origines de la montée de l’individualisme

→ Le développement de l’industrie va entraîner le développement de l’urbanisation (les industries se développent dans les villes et les travailleurs habitent là où ils travaillent). Au 19ème siècle, il ne peut pas être question d’habiter très loin de son lieu de travail. L’habitat groupé, urbain, se développe donc très rapidement dans les zones qui s’industrialisent. L’urbanisation va transformer radicalement les genres de vie et les solidarités. A la campagne, avant l’industrialisation, les solidarités familiale et villageoise sont très fortes et encadrent les individus. L’urbanisation rend possible l’individualisation croissante des comportements : l’individu est loin du regard de sa famille et de la communauté villageoise qui pesait sur lui à la campagne dans les sociétés traditionnelles. Il va pouvoir s’affranchir de ce contrôle social pesant, même si cela ne signifie pas que le contrôle social disparaisse bien évidemment.

→ De plus, l’approfondissement de la division du travail fait que les individus se particularisent puisqu’ils occupent chacun des fonctions différentes. Avec le développement des possibilités de mobilité sociale, les individus peuvent « choisir » la profession qu’ils souhaitent occuper et celle-ci va constituer leur identité.

→ Plusieurs facteurs peuvent expliquer l’accélération du processus d’individualisation depuis les années 60 : l’entrée massive des femmes sur le marché du travail, l’extension du périmètre de l’État-providence qui, en organisant une solidarité anonyme et généralisée, a renforcé l’émancipation des individus, la massification de l’enseignement et l’émergence des mass media qui ont contribué à diffuser les valeurs individualistes…

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Document 2 p. 236 Bordas Les risques des sociétés modernes : l’anomie et la désaffiliationParce qu'une société moderne est une société différenciée, dans laquelle les écarts se creusent entre les rôles occupés par chacun en

fonction des progrès de la division du travail, elle est menacée de dissociation. Émile Durkheim appelle anomie ce manque d'intégration qui guette une formation sociale dans laquelle des relations de réciprocité ne sont pas maintenues ou restaurées par-delà la différenciation croissante des tâches accomplies par des individus et des groupes de plus en plus divers.

[...] Plus une société devient complexe et plus ses membres se différencient, [plus] elle exige que tous les sujets sociaux soient reliés par des liens « organiques ». Cette coexistence d'une différenciation accrue, qui peut comme aujourd'hui mener à des formes exacerbées d'individualisme, et de la nécessité de maintenir ou reconstituer des rapports transversaux entre les individus ou les groupes qui les rendent solidaires est un des grands défis que nous avons aujourd'hui à affronter. Ce que l'on appelle un peu schématiquement « exclusion », « fracture sociale » ou «société duale », c'est ce spectre d'une coupure qui ruinerait la possibilité de «faire société ».

[Cette question n'est pas nouvelle puisque, dès la fin du 19ème siècle, une prise de conscience se fait jour face aux transformations comme l'urbanisation, la salarisation, le développement de la mobilité géographique, etc.]. Il apparaît que les formes antérieures de cohésion sociale fondées sur la proximité sociale et géographique entre des individus liés par des relations d'interconnaissance sont en déclin. On peut nommer désaffiliation ce processus de rupture avec les attaches antérieures qui risque de laisser les individus isolés, livrés à eux-mêmes.

Robert CASTEL, «La cohésion sociale». in Robert CASTEL et al., Les mutations de la société française, tome II, les grandes questions économiques et sociales, La Découverte, colt. Repères, 2007

1) Quels sont les dangers de la montée de l’individualisme liés à l’approfondissement de la division du travail et à l’affaiblissement de la solidarité mécanique ?

Avec l’individualisme, nous voulons pouvoir choisir notre lieu de résidence, notre conjoint, notre emploi… Cette liberté a une contrepartie nécessaire : le propriétaire de notre logement, notre conjoint, notre employeur peuvent aussi choisir un ou une autre que nous. Notre existence sociale dépend de notre aptitude à offrir quelque chose en échange de ce que nous demandons. Cette règle du jeu impitoyable signifie que nous pouvons nous faire exclure du jeu, la solidarité ne va plus de soi. L’individualisation rend donc moins évidente et « naturelle » l’intégration sociale et le lien social.Deux dangers pour la cohésion sociale :

→ ANOMIE. Pour Durkheim, face à l’affirmation des individus et de leurs désirs par définition illimités, la société doit donner des bornes et des objectifs pour éviter l’anomie. L’individualisme peut donc devenir particulariste ; on peut citer certaines pathologies de l’individu moderne : égoïsme, narcissisme, recherche de satisfaction immédiate.

→ DESAFFILIATION (concept dû à Robert Castel, sociologue français mort en mars 2013) : Processus de rupture avec les instances d’intégration : réseau relationnel et emploi stable. L’aboutissement de ce processus est l’exclusion sociale. L’individu peut se retrouver seul lorsque les liens qui le rattachaient à la société ont été rompus (rupture familiale et perte d’emploi notamment).

Cependant, il faut se méfier du lieu commun selon lequel l'individualisme serait nécessairement une menace pour le lien social.

Document 4 p.237 Les ambivalences du processus d’individualisationSchématiquement on peut résumer la première modernité à l'émancipation vis-à-vis des relations de dépendance personnelle, aussi

bien celle du paternalisme dans la sphère de l'entreprise ou de la politique que celle de la famille dans la sphère privée. Par la sécurité sociale, la protection sociale, les retraites..., l'État-providence a libéré les individus, pour une part, des relations de dépendance interpersonnelles.

Or les conditions économiques et les luttes idéologiques ont remis en question l'État-providence et le salariat stable, à partir des années 1970. [...] Sans la force de ces liens impersonnels, comment les individus peuvent-ils s'individualiser ? Ainsi, comment certains jeunes adultes qui n'ont pas de ressources propres suffisantes peuvent-ils prendre de la distance vis-à-vis du quartier, de leur culture d'origine, de leur famille, du groupe de leurs pairs ? La logique relationnelle, l'attention à autrui, la construction d'une identité personnelle ne peuvent s'imposer que si les hommes et les femmes sont « pris » aussi dans un réseau de relations impersonnelles. En voulant réduire au minimum les fonctions de l'État, le libéralisme économique crée un environnement qui interdit l'individualisation des individus et qui donc favorise, consciemment ou non, le communautarisme, sous le prétexte de lutter contre l'assistance. Les solidarités familiales peuvent être positives mais elles ont l'ambiguïté du don qui crée de la dépendance. Seuls ces liens impersonnels permettent le desserrement des liens de dépendance personnelle afin que les relations interindividuelles puissent prendre la forme de relations amoureuses, amicales, affectueuses, fraternelles. La différenciation et l'émancipation sont deux éléments du processus d'individualisation. Elles exigent, l'une et l'autre, le cadre d'une société qui conserve un haut niveau de solidarité nationale.

François DE SINGLY, Les uns avec les autres, quand l'individualisme crée du lien, Hachette, coll. Pluriel, 2010.

1) Quel est le volet positif du processus d’individualisation mis en avant par François de Singly ?

Autonomisation par rapport à certaines relations sociales de dépendance. Par exemple, quand l’individu est dépendant financièrement des solidarités familiales, il n’est pas libre de faire ses propres choix qui peuvent lui être imposés par celle-ci.Lorsque l’individu devient indépendant de ce type de solidarités, il s’émancipe et peut alors construire des relations véritablement électives qui relèvent de ses propres choix. Il ne se laisse plus dicter ses comportements. Grâce à l'individualisation, l'individu a plus de marges de manœuvre dans la conduite de sa vie.Le fait que les individus contemporains soient « individualisés » ne signifie pas qu’ils aiment être seuls, que leur rêve soit la solitude. Il veut dire que ces individus apprécient d’avoir plusieurs appartenances pour ne pas être liés par un lien unique. Pour l’exprimer schématiquement, le lien social serait composé de fils moins solides que les fils antérieurs, mais il en comprendrait nettement plus.

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2) Quelle est la condition essentielle pour que ces aspects positifs soient accessibles à tous ?

Pour ceux qui disposent de ressources de toutes sortes, l’individualisme est synonyme d’autonomie, de liberté individuelle, alors que pour les autres, soumis au poids des contraintes, il peut signifier fragilité et isolement.Le besoin de se reposer sur le groupe est variable selon les groupes sociaux . A la différence des catégories aisées, déjà solidement intégrées par leur position économique et statutaire, les classes populaires, moins bien dotées en ressources économiques, sociales et culturelles sont plus fragiles et ressentent de manière plus cruciale le rôle des instances d’intégration sociale (cas de l’école pour un enfant de milieu populaire par exemple).

L’individualisation de chacun nécessite donc un État-providence fort et efficace ainsi qu’une certaine stabilité de l’emploi. Les individus, étant alors libérés des dépendances vis-à-vis de leurs groupes d’appartenance, peuvent alors s’émanciper et mener la vie qu’ils ont choisie.En ce sens, le projet libéral, en affaiblissant l’Etat-providence et en précarisant l’emploi, rend les individus à nouveau dépendant des solidarités privées et des groupes dans lesquels ils sont insérés : famille, quartier, communauté fondée sur l’appartenance religieuse ou ethnique, etc.

Document polycopié n°10 Le partage de valeurs communesD’autres phénomènes témoignent d’un certain dynamisme du lien social dans notre société. La vie associative et le bénévolat

notamment se portent bien. La France compte 12 millions de bénévoles âgés de plus de 15 ans, soit plus d’une personne sur quatre (27 % en 2002, contre 23 % six ans plus tôt). Une pratique élargie donc. C’est pour eux un moyen de se sentir utile à la société et de s’épanouir, quand il n’est pas un vecteur d’action militante. Les 900 000 associations totalisent plus de 21 millions d’adhérents qui, en participant à des activités, peuvent tisser des liens. Les associations sont clairement un lieu d’intégration important et 70 000 nouvelles sont créées chaque année. Ainsi, l’investissement citoyen reste fort. Il s’exprime parfois sous des formes renouvelées, comme le montre l’émergence de nouveaux mouvements sociaux (Droit au logement, Attac…), dont les revendications se portent notamment vers la défense des sans-papiers, la lutte contre le chômage ou la mondialisation libérale. Ils visent une mobilisation massive, par des actions innovantes et médiatisées : sit-in, concerts de soutien, boycott… L’initiative de l’association Les enfants de Don Quichotte d’ériger des tentes pour les sans-abri dans plusieurs villes françaises en est un exemple récent. L’autonomie acquise par les différentes personnes qui composent la société n’empêche d’ailleurs pas la solidarité de demeurer une valeur partagée. Pour le sociologue François de Singly, cette montée de l’individualisme n’est pas une évolution négative. Bien au contraire. Elle permet de construire « un lien social plus souple, plus respectueux des personnes, parce qu’il valorise les liens électifs, un lien qui sache unir, sans trop serrer, et permette ainsi une nouvelle capacité de vivre ensemble ». On ne peut donc pas parler de véritable crise, profonde. Disons plutôt que le lien social est aujourd’hui différent. Il se transforme et se recompose.

L. Baune, « Le lien social, ciment du vivre ensemble », Alternatives Économiques, n° 261, septembre 2007.

1) Quels sont les arguments développés par l’auteur pour montrer que l’individualisme ne remet pas nécessairement en cause la cohésion sociale ?

→ Partage des valeurs de solidarité dans les enquêtes.→ Engagement associatif bénévole pour des causes humanitaires ou politiques. L’engagement citoyen demeure donc vif.

Individualisme universaliste.

Synthèse de ce 1.3.Double dimension de l’individualisme : Condition de notre autonomie, de notre liberté, de notre émancipation par rapport aux normes et valeurs imposées par nos groupes d’appartenance. MAIS AUSSI :

Risque d’anomie quand l’individu n’est plus inséré dans des groupes qui lui transmettent des normes et des valeurs qui bornent ses désirs.

Risque de fragilité et d’isolement pour l’individu devant les contraintes économiques et sociales qui pèsent sur lui. Danger de l’individualisme particulariste.

La cohésion sociale passe alors par l’intervention d’un Etat-providence qui assure à chacun les moyens de son autonomie par rapport aux groupes d’appartenances. Ce serait donc plutôt la remise en cause de l’Etat-providence qui constituerait le principal risque pour la cohésion sociale et non la montée de l’individualisme.

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2. Les instances d’intégration face à la montée de l’individualisme et aux mutations socio-économiques

L’intégration sociale des individus et donc la cohésion sociale reposent sur des instances d’intégration. Nous étudierons donc les rôles respectifs de la famille, de l’école, du travail et verrons comment ces instances se transforment avec la montée de l’individualisme et les mutations socio-économiques.

Problématique : Ces évolutions fragilisent-elles leur capacité à intégrer les individus et à renforcer le lien social ?

2.1. Une institution familiale en mutation mais qui demeure une instance fondamentale d’intégration sociale

Pourquoi la famille est-elle considérée comme une instance d’intégration sociale ?

Intégration sociale : Processus par lequel un individu devient membre de la société ou d'un groupe social grâce à l’établissement de liens sociaux. L’individu peut donc être plus ou moins intégré selon :

Les liens interpersonnels qu’il noue avec les autres = sociabilité = établissement de relations sociales avec les autres. Les liens qui reposent sur le partage de normes et valeurs communes au sein d’un groupe ou d’une société transmises au

cours de la socialisation. Les liens marchands : le fait d’occuper un emploi le relie à l’ensemble de la société puisqu’il occupe une place dans la

production de richesse. Les liens politiques qui le relient à l’ensemble de la société en tant que citoyen.

La famille est une instance fondamentale d’intégration pour plusieurs raisons : C’est une institution sociale, ce qui signifie qu’elle encadre les comportements individuels. Une institution sociale définit ce

qui est socialement valorisé, légitime, accepté, dans un domaine de la vie sociale. Elle agit ainsi comme une contrainte sociale que subissent les individus. L’institution familiale définit donc ce qui est socialement valorisé, légitime, accepté dans le domaine du couple, des relations parentales, etc. Notre horizon est très largement borné par le cadre fixé par l’institution familiale.

C’est une instance de socialisation. C’est au sein de l’univers familial que les individus apprennent et intériorisent les normes, les valeurs, les rôles sociaux, de la société ou du groupe auquel ils appartiennent. Cela renforce la cohésion sociale par le partage de normes et valeurs communes.

Elle joue un rôle important dans la réussite scolaire et donc détermine en partie l’insertion professionnelle des individus. Elle intègre par les solidarités familiales entre ses membres : solidarités affectives, de service et pécuniaires (dons

d’argent).

2.1.1. La mutation de la famille semble fragiliser son rôle intégrateur…

Document polycopié n°11 L’évolution des formes familiales (en % des ménages)

Champ : France métropolitaine ; Source : INSEE, Recensements.

Ménage : ensemble de personnes résidant ensemble. Un célibataire constitue un ménage.

Au sens de l’insee, une famille comprend au moins deux personnes et elle est constituée soit d'un couple (marié ou non) avec ou sans enfants, soit d'un adulte avec un ou plusieurs enfants. Les enfants d'une famille doivent être célibataires (et eux-mêmes sans enfant).

Les ménages complexes, au sens statistique du terme, sont ceux qui comptent plus d'une famille ou plusieurs personnes isolées, ou toute autre combinaison de familles et personnes isolées.

1) Enoncez les principales évolutions des formes familiales en France depuis 1968.

Hausse du célibat, souvent subi plutôt que choisi (peut révéler un certain isolement relationnel).Hausse des familles monoparentales et des familles recomposées.Baisse du nombre d’enfants.

2) Quel est le poids de la famille au sens de l’INSEE (cf. ci-dessus) dans l’ensemble des ménages en 2006 ?

Famille au sens de l’insee = Couple avec enfant + couple sans enfant = 54% des ménages.

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Document polycopié n°12Évolution du nombre de mariages et de pacs conclus selon le sexe des

partenaires jusqu'en 2012 en France (hors Mayotte)

Année Mariages

Pacs Unions entre partenaires

de sexes opposés

Pacs de même sexe

Pacs de sexes opposés Ensemble

1970 393 700 /// /// /// ///1980 334 400 /// /// /// ///1990 294 690 /// /// /// ///2000 305 234 5 412 16 859 22 271 322 0932010 251 654 9 143 196 415 205 558 448 069

Sources : Insee, statistiques de l'état civil ; SDSE, fichiers détails pacs.

1) Calculez le taux de variation du nombre de mariages entre 1970 et 2010, puis faite une phrase donnant la signification du résultat trouvé.

Taux de variation = (251 654 – 393 700) / 393 700 = -36% D’après l’insee, en France, entre 1970 et 2010, le nombre de mariages a diminué de 36%.

2) Comment a évolué le nombre d’unions entre 2000 et 2010 ?

Il a augmenté suite à la création du PACS.

Donc recul de l’institution du mariage (à relativiser toutefois puisque le nombre de mariages reste élevé). → Le mariage n’est plus considéré comme l’horizon indépassable du couple.→ Le mariage n’est plus considéré comme un préalable à la naissance des enfants.

Le recul du mariage ne signifie pas la remise en cause du couple : → Le nombre total d’unions (PACS + mariage) a tendance à augmenter.→ Les unions continuent de se former, mais de manière plus informelle (engouement pour le PACS).→ Des sociologues ont montré qu’on ne pouvait faire apparaître de différences claires dans les modes de vie des

couples mariés et des couples non mariés. La fidélité reste une valeur centrale.

Document polycopié n°13Nombre de divorces en

France1960 30 1821970 38 9491980 81 1561990 105 8132000 114 0052010 130 810

Source : ministère de la justice, insee.

1) Calculez le coefficient multiplicateur du nombre de divorces entre 1960 et 2010, puis faites une phrase donnant la signification du résultat trouvé.

Coefficient multiplicateur du nombre de divorces entre 1960 et 2010 = 130 810 / 30 182 = 4,3D’après les données de l’insee et du ministère de la justice, en France, entre 1960 et 2010, le nombre de divorces a été multiplié par 4 environ.

Les unions sont donc devenues plus fragiles.La montée des divorces n’est pas synonyme d’absence de liens entre parents et enfants. On parle d’indissolubilité du lien de filiation, même en cas de divorce !

Nous allons voir à présent que ces évolutions ont pour cause principale la montée de l’individualisme.

Document polycopié n°14 Montée de l’individualisme et évolution de la familleSavoir dans l'isoloir les citoyens peuvent L'avoir la nostalgie d'une société bien tenue, ils ne veulent pas d'un tel ordre dans leur

vie personnelle. Tel est le cas pour le mariage rendu plus fragile avec le divorce par consentement mutuel. Cette précarité a des effets qui ne sont pas toujours positifs au moment de la séparation pour les partenaires et pour leurs enfants. Personne n'ose cependant proposer la suppression d'un tel divorce. [...]

Ainsi, apparaît une contradiction principale des sociétés contemporaines : si les individus souhaitent plutôt un lien social « fort », ils ne veulent pas, pour autant, en payer le prix qui consisterait à diminuer leur liberté. Ils apprécient aussi ce lien social moderne électif. On le saisit avec une dénonciation qui fait l'unanimité, celle du lien traditionnel qui unit les époux dans un mariage arrangé, dans un mariage forcé. En Inde, un père n'est-il pas satisfait d'avoir marié le même jour tous ses fils, âgés de 14 à 4 ans, à des petites filles du même âge ? Signe d'une alliance entre groupes, un tel mariage prend peu en compte les individus 1. Il en existe des traces encore dans les sociétés occidentales mais le « droit d'aimer » fait aujourd'hui partie des droits approuvés2. L'indignation ressentie à l'évocation des mariages arrangés renvoie au fait que l'amour doit être libre même dans le mariage. Un couple réunit deux individus qui se sont choisis et qui ne sont pas contraints de rester pour d'autres raisons que leurs propres satisfactions. L'amour forme une des figures centrales du lien dans les sociétés contemporaines. [...] Pour résoudre la contradiction entre l'élection et la permanence de l'union, Durkheim pensait que les époux devaient changer de nature une fois mariés : libres à l'entrée, ils devenaient ensuite, selon son expression, des « fonctionnaires de la vie domestique ». Cette formule magique, pour être efficace, présupposait que l'individu renonce à sa liberté, ne pouvant plus, selon les exigences de l'institution, rompre un lien même trop serré, même étouffant. Un tel renoncement est devenu irréaliste, les individus contemporains se définissant d'abord par ce sentiment de liberté.1. Pierre Prakash, « Mariages de déraison en Inde », Libération le 9 juillet 2002.2. Titre en couverture d'un numéro de juin 2002 de Paris-Match : «Le cadeau de la Reine à Charles. Pour son jubilé, Élisabeth II offre à son fils le droit d'aimer. À plus de 50 ans, le prince est autorisé à rendre public son amour pour Camilla.

François de Singly, Les uns avec les autres. Quand l'individualisme crée du lien, Armand Colin, 2003

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1) D’après François de Singly quel est le fondement du couple dans la famille contemporaine ? En quoi cela fragilise-t-il l’institution du mariage ?

Très présent dans les familles traditionnelles, le lien statutaire est imposé en raison du statut d’un individu : c’est la place qu’il occupe dans le réseau de parenté qui définit ses relations avec les autres membres de la famille. C’est une norme prescrite.

Le lien affinitaire ou électif, plus présent dans les familles contemporaines, est un lien affectif (on parle de familles relationnelles) qui repose sur une entente réciproque, des affinités, des sentiments partagés entre les différents individus. C’est une illustration de la montée de l’individualisme.

Le phénomène de désinstitutionalisation familiale est le passage de liens familiaux de type statutaire à des liens de type affinitaire. Caractère électif du lien conjugal : l’union reposant sur une entente, des affinités, il est moins impératif de l’officialiser (baisse des mariages). L’importance du sentiment amoureux se retourne contre le mariage : si l’amour devient le seul fondement du couple, le mariage devient superflu (pourquoi se marier, pourquoi donner un contenu juridique à une union dont la solidité ne tient plus à une contrainte extérieure, mais doit tout au sentiment amoureux, l’important c’est de s’aimer). D’où développement des unions libres, des Pacs et diminution du nombre de mariages.

2) Comment François de Singly explique la montée du divorce ?

Dans la famille traditionnelle, ce qui soudait le couple était principalement le respect des normes sociales qui condamnaient le divorce. S’aimer n’était pas absolument nécessaire pour se marier (mariages arrangés) et ne plus s’aimer ne conduisait pas au divorce.

Dans la famille contemporaine, au contraire, il devient légitime de rompre cette union en l’absence de relations affectives satisfaisantes (hausse des divorces). C’est l’amour qui fonde le couple, donc lorsque celui-ci a disparu, plus rien ne vient souder le couple.Longtemps interdit, exceptionnel, marginal, signe d’une instabilité familiale, d’une crise de l’individu et de la société, le divorce est devenu aujourd’hui un acte courant et banalisé, un choix individuel. Le divorce par consentement mutuel a été autorisé en 1975.

3) Quels sont les dangers de ces évolutions pour la cohésion sociale ?

Eclatement des familles suite à un divorce peut être source sinon d'exclusion, du moins de pauvreté. Cela concerne surtout les femmes ayant des enfants à charge (familles monoparentales) : le divorce ou la séparation augmente souvent considérablement la précarité de leur situation (diminution des revenus, perte de réseau de sociabilité, plus grande difficulté à recomposer une famille, ce qui s'ajoute souvent à la précarité de l'emploi, plus fréquent pour les femmes que pour les hommes). Les études sur les SDF montrent que la rupture avec le milieu familial est un facteur essentiel de la chute dans l’univers de la marginalité. Robert Castel fait de la fragilisation du réseau relationnel (dont le réseau familial) une cause essentielle de fragilisation qui peut mener à la désaffiliation.

→ Solidarité familiale et liens familiaux réduits à un nombre plus restreint de personnes en raison de la réduction de la taille de la famille (conséquence de la séparation éventuelle du couple des parents et du plus petit nombre d'enfants). Si l'éloignement géographique s'ajoute au petit nombre de personnes familialement liées, on comprend que le lien social qui en résulte soit plus fragile qu'avant quand les membres de la famille étaient nombreux et restaient proches géographiquement.

→ Le fondement du couple sur des relations plus contractuelles et donc révocables (divorce) rendent les solidarités familiales plus précaires. Plus de ruptures familiales, donc plus d’individus touchés par la perte des liens familiaux. La solidarité ne va plus de soi, elle est élective. Par ailleurs, le caractère électif du lien familial ne concerne pas uniquement le lien conjugal. Il vaut également pour les liens avec les frères et sœurs, la parenté éloignée et, quoique dans une moindre mesure, pour les liens avec les parents, surtout lorsque l'enfant grandit et devient adulte. Faire partie de la même famille constitue moins que par le passé une raison suffisante pour continuer à se voir. En l'absence d'entente réelle, le lien se défait. Si on ne choisit pas sa famille, on choisit ceux de ses membres avec lesquels on continuera d'entretenir des relations.

Ces trois premiers arguments expliquent l’accroissement du risque d’isolement relationnel.→ Multiplication des modèles familiaux et privatisation de l’institution familiale peuvent affaiblir la capacité de la famille à

transmettre des normes et des valeurs communes aux membres de la société. Ainsi, cela pourrait affecter la cohésion sociale.

4) François de Singly considère-t-il l’évolution de la famille liée à la montée de l’individualisme n’a que des conséquences négatives ?

Non. L’émergence de la famille contemporaine relationnelle accroît l’autonomie des individus par rapport à l’institution familiale. Les relations familiales sont aujourd’hui davantage électives, reposent sur des liens affectifs plus vrais et plus intenses que par le passé. La famille est mise au service des individus qui la composent, de leur satisfaction, de leur bien-être. Le « nous » est au service des « je » alors que dans la famille traditionnelle les « je » étaient au service du « nous ». La fragilité du couple est la contrepartie de ce surcroît de liberté qui devient une exigence pour la plupart des individus avec la montée de l’individualisme.

La famille ne peut se réduire à la définition qu’en donne l’insee. En sociologie, on peut définir la famille comme l’ensemble des personnes unies par des liens de filiation et d’alliances, et qui ne vivent pas forcément sous le même toit.

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Document polycopié n°15 Une vision occidentale de la familleLes solidarités entre générations sont largement façonnées par la

culture, mais ce phénomène est difficile à saisir dans son ampleur et dans ses contenus. Les comparaisons interculturelles ne sont pas toujours suffisantes pour l'observer, les différences entre pays ayant tendance à se réduire sous l'effet de la modernité.

Parallèlement à une évolution convergente au niveau international, il se produit, au sein des sociétés, une diversification des formes familiales (familles monoparentales, recomposées, homosexuelles, couples pacsés, en concubinage...). Le processus d'individualisation autant que l'hétérogénéité culturelle de la société contribuent à cette pluralité. Dans le même mouvement, les relations entre générations ont été profondément transformées, perdurant sous des formes diversifiées. Le modèle d'« intimité à distance », caractéristique de cette évolution depuis les années soixante, tend à dominer dans les sociétés de plus en plus individualistes.Claudine Attias-Donfut et Rémi Gallou, «L'impact des cultures d'origine sur

les pratiques d'entraide familiale», Informations sociales n°134, 2006.

Enquête PRI, CNAV, Insee, 2003.

1) Montrez que l’importance de l’aide familiale représentée dans le graphique est dépendante de facteurs culturels.

Dans les pays du Maghreb, environ 70% des individus estiment qu’un parent devrait accueillir un parent dépendant. En Europe, ce chiffre se situe entre 20 et 30%, soit 40 points de moins.

2) Comment expliquer ces différences ?

Montée de l’individualisme dans les pays occidentaux avec la modernité. Les individus, aussi bien les personnes âgées que leurs enfants, ont décohabité (notamment en raison de l’industrialisation et de l’exode rural). Intimité à distance : les liens demeurent forts (la plupart des enquêtes le montrent) entre parents âgés et leurs enfants, mais chacun souhaite vivre dans son propre logement.

3) En quoi cette évolution peut fragiliser la cohésion sociale ?

Un nombre important de personnes âgées sont confiées à des institutions spécialisées et une partie d’entre elles ne reçoivent pas ou peu de visites de la part de leurs descendants. La montée de l’individualisme peut ici être la cause d’une solitude et d’un isolement des personnes âgées. Pour que cette évolution ne se traduise pas par cette fragilisation, le rôle de l’Etat-providence est crucial. Certains évoquent d’ailleurs la nécessité de créer un nouveau risque social (le risque de dépendance) pris en charge par la Sécurité sociale.

2.1.2. … mais la famille demeure une instance fondamentale d’intégration

LES SOLIDARITES FAMILIALES DEMEURENT VIVES

Document 4 p.241 Bordas

1) Que signifient les données entourées ?

D’après le Credoc, en France, en 2007, 23% des individus avaient été aidés par un membre de la famille qui n’habitait pas avec lui.D’après le Credoc, en France, en 2007, 59% des individus avaient apporté de l’aide à un membre de sa famille qui habitait avec lui.

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2) La montée de l’individualisme a-t-elle fait disparaître les solidarités familiales ?

Non, celles-ci demeurent extrêmement vives. Elles peuvent prendre la forme d’un soutien moral, d’un service rendu ou d’une aide financière. On voit que la majorité des individus est concernée (aide apportée et/ou aide reçue).

Les services entre générations peuvent aller dans les deux sens :→ Grands-parents qui gardent les enfants le mercredi ou lorsqu’ils sont malades. → Parents qui payent un studio à leur enfant qui est étudiant.→ Fils qui s’occupe du jardin de sa mère âgée ou du bricolage, l’aide à remplir ses papiers administratifs (par exemple pour

l’aide à domicile qui vient quotidiennement).

Les enquêtes démontrent le maintien de relations régulières avec leur famille d’origine pour des jeunes âgés d’au moins 25 ans et ayant quitté le domicile parental.Avec allongement de la scolarité, les difficultés d’insertion professionnelle, les enfants demeurent plus longtemps chez leurs parents, preuve que les liens demeurent intenses. De plus, après leur départ du domicile parental, La mobilisation des solidarités familiales demeurent intense ; ils reçoivent encore un soutien important de la part de leurs parents. En cas de perte d’emploi, le réseau familial peut aider temporairement : aide financière (prêt ou don), mais également en lui fournissant un logement. Evolution que la crise risque de renforcer.

Remarques : → ces solidarités familiales creusent les inégalités puisque les familles aisées peuvent apporter une aide plus conséquente,

notamment financièrement. L’Etat-providence (solidarité publique) est donc déterminant. Si l’on fait reposer l’essentiel de la solidarité sur les familles, certains seront mieux protégés que d’autres !

→ Ces solidarités reposent davantage sur les femmes qui fournissent davantage de leurs temps que les hommes.

LA FAMILLE DEMEURE UNE INSTANCE ESSENTIELLE DE SOCIALISATION

Socialisation : Processus par lequel les individus apprennent et intériorisent les normes, les valeurs, les rôles sociaux du groupe ou de la société à laquelle ils appartiennent et qui facilite leur intégration sociale.On distingue la socialisation primaire et la socialisation secondaire. La première se déroule dans l'enfance (notamment dans la famille), la seconde prédomine à l'âge adulte (travail, amis).

Document polycopié n°16 En 1999, trois Français sur quatre considéraient que le « devoir des parents est de faire le mieux pour leurs enfants, même aux

dépens de leur propre bien-être ». L'opinion selon laquelle « on doit aimer et respecter ses parents quels que soient leurs défauts et leurs qualités » recueille les mêmes suffrages. Ces proportions ont très peu évolué depuis vingt ans. En revanche, derrière ce consensus général, on relève de profonds changements. Les notions d'obéissance, de foi religieuse, de persévérance, caractéristiques d'une éducation statutaire fondée sur la règle et l'asymétrie parents/enfants, stagnent ou régressent. Les qualités que les parents encouragent chez leurs enfants concernent de plus en plus les « compétences relationnelles » : tolérance et respect des autres, sens des responsabilités, application au travail. Bref, il s'agit d'inculquer des dispositions qui ont une incidence sur les rapports avec autrui, dans l'entourage familial ou professionnel.

Le souci de transmission et d'inculcation de la règle n'est plus un objectif en soi. Les parents deviennent des accompagnateurs plutôt que des guides. Ils ne cherchent plus à tout contrôler. Dès les premières heures de l'adolescence, vers l'âge de 12 ans, ils acceptent qu'une certaine déprise puisse opérer, de sorte que l'enfant se construise dans l'alternance entre l'appartenance familiale et l'appartenance au groupe de pairs. Cette transformation du rapport éducatif est typique d'une famille dans laquelle l'enfant a le droit d'être traité en tant qu'individu.

Jean-Hugues Déchaux, Sociologie de la famille, Repères, La Découverte, 2007.1) Quelles sont les nouvelles normes et valeurs transmises par la famille ?

Les nouvelles normes et valeurs transmises par la famille sont de deux types : → Inculquer des dispositions d’ordre relationnel : tolérance et respect, sens des responsabilités.→ Autonomie : recul de l’inculcation, égalité des statuts (François de Singly parle de famille démocratique).

2) Expliquez la phrase soulignée.

On parle d’une éducation statutaire pour désigner les modèles éducatifs dans lesquels la relation parent/enfant repose sur l’autorité des parents et l’obéissance des enfants. Ce type de modèle éducatif est aujourd’hui beaucoup moins fréquent surtout dans les classes moyennes et dominantes.

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3) Montrez que ces mutations de la socialisation familiale sont en phase avec la montée de l’individualisme.

Ces mutations reposent sur un affaiblissement ou une remise en cause d’un modèle communautaire prescriptif (ici la famille et les statuts qui lui sont associés) au bénéfice de l’individu et de son épanouissement (ici l’enfant). Cette émancipation de l’individu au détriment du groupe est caractéristique du processus d’individualisation.Si les parents valorisent davantage l’autonomie que l’obéissance, c’est aussi pour que leurs enfants soient en phase avec les évolutions de la société et notamment la montée de l’individualisme et la valorisation de l’autonomie.

Deux arguments supplémentaires : → On peut ajouter que la persistance des inégalités scolaires liées à l’origine sociale démontre que la famille continue d’être

une instance fondamentale de socialisation puisque celle-ci continue de déterminer fortement la réussite scolaire. Voir chapitre 5.

→ De même, la plupart des enquêtes concernant la sociologie du vote montrent que les valeurs et l’affiliation politiques (clivage gauche-droite) des individus sont fortement déterminés par le positionnement politique des parents ( socialisation politique).

A retenir : si les normes et valeurs transmises évoluent, la famille demeure l’instance centrale de socialisation.

Exercice polycopié n°1

En relisant l’ensemble du 2.1., relevez dans un premier temps toutes les évolutions de la famille qui peuvent faire craindre une fragilisation du lien social, puis dan un second temps tous les arguments qui permettent de nuancer ce propos.

La cohésion sociale peut être fragilisée par les évolutions de la famille liées à la montée de

l’individualismeLes limites de cette thèse

Il semble plus pertinent de parler de mutation et de permanence institutionnelle que de crise.

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2.2. La massification scolaire et le rôle de l’école dans la cohésion socialeL’école est une instance d’intégration sociale car :

Elle fonctionne sur le principe d’égalité des chances : obligation scolaire, gratuité, ZEP. Elle donne donc à chacun la possibilité de réussir et aux élèves de milieux populaires de connaître une ascension sociale. Voir chapitre 5 : démocratisation quantitative qui rend possible la mobilité structurelle. De plus, elle permet à des élèves de toute origine sociale de se fréquenter en son sein (mixité sociale).Elle a une fonction de socialisation et de transmission de normes et de valeurs communes (collège unique, socle commun de connaissances). Voici un extrait du projet de programme d’un enseignement moral et civique : « Les jeunes au lycée sont conduits à maîtriser les conditions de l’autonomie de jugement et à acquérir une claire conscience de leur responsabilité morale individuelle et collective. Ils s’inscrivent également dans deux registres de citoyenneté : l’un qui vise à cultiver le sentiment d’appartenance à la communauté des citoyens, l’autre qui développe la volonté de participer à la vie démocratique et peut déjà trouver à s’exercer en milieu scolaire. Nombre d’élèves atteignent l’âge de la majorité au lycée et acquièrent le droit de vote. Il ne faut pas oublier également que le législateur donne deux missions précises à cet enseignement. La loi du 27 octobre1997, portant réforme du service national, fait obligation à l’éducation nationale d’assurer une éducation à la défense (c’est au cours de la scolarité au lycée qu’a lieu la Journée Défense et Citoyenneté). Ensuite, en application de la loi du 16 mars 1998, relative à la nationalité, celle-ci doit également assumer la présentation des principes fondamentaux qui régissent la nationalité française. »Elle est la condition essentielle de l’insertion professionnelle des individus qui repose sur l’acquisition de savoirs et savoir-faire validés par les diplômes obtenus.A travers les connaissances qu’elle délivre, elle accroît la compréhension que les individus ont du monde et, donc, leur autonomie.

Mais les évolutions de l’école (massification, ségrégation sociale, déclassement) lui permettent-elles de remplir efficacement ces différentes fonctions ?

Document 3 p.242 BordasNous avons examiné précisément les difficultés du système éducatif français à la lumière des enquêtes réalisées par le Programme

international pour le suivi des acquis des élèves, mieux connu sous le nom de Pisa. Disons-le d'emblée, la plupart des problèmes identifiés par cet exercice de comparaison à grande échelle pointent un même ensemble de causes : l'élitisme républicain de notre école, sa culture du classement et de l'élimination précoce, sa tolérance aux inégalités et à leur reproduction. Sous la carrosserie égalitaire de notre République, c'est une forme d'aristocratisme inavouée qui fait tourner le moteur. En dépit des politiques de démocratisation entreprises ces dernières décennies (mais souvent inachevées), l'école française est en effet trop et trop tôt sélective.

[...] Pour certains, peu nombreux, la méritocratie scolaire est une course aux meilleures positions; pour d'autres, très nombreux, elle se traduit par une relégation rapide et désormais particulièrement coûteuse sur le marché du travail.

Les résultats sont là, et ils ne sont pas brillants : la France fait figure de mauvaise élève dans sa catégorie, celle des pays riches et développés. Non seulement elle compte un taux très élevé de jeunes en échec, mais elle ne parvient pas à fournir des élites assez étoffées pour répondre aux besoins de la nouvelle donne économique. En somme, elle n'est ni juste ni efficace. Pire : dans cette affaire, comme souvent, l'école est à l'image de la société qui l'entoure, une société qui se pense plus juste et plus égalitaire que beaucoup d'autres, alors qu'elle est restée, en pratique, élitiste et inégalitaire. [...] La France est ainsi le pays du grand écart : si ses élites scolaires font presque jeu égal avec l'excellence internationale, 40 % de ses effectifs se situent dans les profondeurs du classement.

Christian BAUDELOT et Roger ESTABLET, L'élitisme républicain. L'école française à l'épreuve des comparaisons internationales, Seuil - La République des idées, 2009.

1. Qu'est-ce que l'élitisme républicain, d'après ce texte?

Selon les auteurs, l’élitisme républicain qui caractérise la France se solde par une excellente formation très sélective mais réservée à une minorité socialement favorisée.

2. Comment se traduit-il dans l'enquête internationale Pisa ?

Cela se traduit par une place globale médiocre mais surtout une population d’élèves très polarisés, avec une élite très bien formée, et une part très importante d’élèves souvent peu favorisés socialement, avec des résultats peu brillants. Inégalité sociale de réussite scolaire qui remet en cause le principe d’égalité des chances.

3. Quelles en sont les conséquences en termes de cohésion sociale ?

Ceci creuse les inégalités sociales et économiques, et ne peut que remettre en cause la cohésion sociale.Ceux qui sortent du système scolaire en ayant échoué (150 000 jeunes sortent chaque année du système éducatif sans diplôme) ne peuvent que nourrir un fort ressentiment face à cette institution et parfois face à la société dans son ensemble. L’absence de diplôme est devenue de plus en plus problématique à mesure que l’école s’est massifiée . Par ailleurs, ces jeunes en échec – souvent issus de milieux populaires – développent parfois une culture anti-scolaire nécessaire à leur intégration aux groupes de pairs du quartier.Enfin, leur insertion professionnelle (une des fonctions de l’école) est compromise. Voir document polycopié n°17 (taux de chômage des sans-diplômes).

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Document polycopié n°17Taux de chômage en 2011 selon le diplôme et la durée écoulée depuis la fin de la formation initiale

en % Sortis depuis 1 à 4 ans de formation initiale

Sortis depuis 5 à 10 ans de formation initiale

Ensemble 19,1 11,4Enseignement supérieur 9,4 5,2 dont : - enseignement supérieur long (bac +3 au moins) - enseignement supérieur court (bac+2)

9,39,7

5,25,2

Bac, CAP-BEP et équivalents 22,1 13,1 dont : - baccalauréat - CAP-BEP

18,427,5

11,215,9

Brevet, CEP et sans diplôme 45,7 29,5Insee.

Document polycopié n°18 Les carences de la carte scolaireÀ l'heure où le nouveau ministre de l'Éducation nationale annonce l'assouplissement de la carte scolaire et sa suppression à terme,

l'ouvrage de Marco Oberti bien que rédigé antérieurement à cette mesure, tombe à point nommé. Selon l'auteur, [...] les espaces urbain et scolaire ont en effet connu des évolutions conjointes au cours des dernières décennies: accentuation de la ségrégation urbaine et scolaire, massification scolaire, allongement généralisé des études.

[L'enquête] montre une forte corrélation entre le profil des communes et les caractéristiques de l'offre scolaire. Les communes les plus favorisées concentrent le plus grand nombre d'options, de langues rares, de sections européennes, internationales, de classes à horaires aménagés, d'enseignants agrégés et âgés. [...] Cette concentration des offres scolaires « d'excellence » est source d'inégalités flagrantes à plusieurs titres. L'enrichissement de l'offre scolaire sur un territoire donné a pour corollaire son appauvrissement sur d'autres territoires. Cette répartition est d'autant plus inégale que les enfants de classes populaires sont les moins mobiles géographiquement car les plus à même de respecter la carte scolaire. [...]

L'enquête permet également d'affiner les différents types de stratégies scolaires familiales en fonction du capital culturel et économique. Les classes supérieures se distinguent par une logique de « performance » qui correspond à une recherche de l'excellence. Les classes moyennes se distinguent par une logique «d'intégration et de protection ». Elles sont en quête d'intégration dans les établissements d'excellence et cherchent à fuir les établissements populaires considérés comme potentiellement dangereux pour l'avenir scolaire de leurs enfants. Les classes populaires se distinguent quant à elles par une logique de «retrait », par une distance scolaire. [...]

Confrontée à la ségrégation urbaine, la carte scolaire paraît incapable de garantir la mixité scolaire. Elle s'applique de façon inégale selon les groupes sociaux en renforçant la protection des plus favorisés et en accentuant la relégation et la disqualification des plus défavorisés.Choukri Ben Ayed, «Marc Oberti - L'école dans la ville: ségrégation-mixitécarte scolaire», note critique, Revue française de pédagogie

n°160, 2007.

1) Montrez que l'école peut participer à accentuer la ségrégation sociale.

Si l’accès à des études longues s’est considérablement accru, le processus de sélection demeure malgré la massification et il a conduit parents et élèves à une logique individualiste de concurrence scolaire exacerbée où le choix de l’établissement, des options ou de l’orientation deviennent des enjeux décisifs qui génèrent de plus en plus une ségrégation sociale de l’Ecole (ghettoïsation).L’évitement scolaire consiste, pour les parents, à mettre en place des stratégies de scolarisation de leurs enfants visant à contourner des établissements populaires. Les stratégies familiales sont influencées par la quantité de capital culturel et économique possédée par les familles. Celles développées par les parents de catégorie favorisée sont souvent plus rentables.Le système scolaire favorise donc une différenciation des parcours qui contribue à une ségrégation des populations scolaires et des établissements en fonction de l’origine sociale.Cela va à l’encontre de la mixité sociale, c’est-à-dire de l’idée d’une école permettant à des individus de toute origine sociale de se fréquenter.

Ce processus se rencontre également à l’intérieur des établissements scolaires où selon les séries, selon les classes, on ne trouve pas les mêmes populations d’élèves. Voir document ci-dessous :

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Document polycopié n°19 Les prénoms des sériesOn peut aussi s’intéresser aux relations entre séries et prénoms. A chaque série est associée un groupe de prénoms surreprésentés (je n’ai gardé que les prénoms qui apparaissaient plus de 60 fois). Ainsi, les “Aliénor” représentent au total 2 candidates sur 10 000, mais elles sont 6 sur 10 000 candidates au bac “L” (littéraire) : elles sont 3 fois plus nombreuses à passer le bac “L” (littéraire) que ce qui est attendu à partir de leur nombre total. Et les prénoms diffèrent. Dans certaines séries (“S” et “STG” par exemple), ce sont des prénoms masculins qui sont surreprésentés… mais ce ne sont pas les mêmes : Augustin est plus fréquent en série S, Ahmed en série STG.

Deux derniers arguments pour montrer que le rôle de l’école est fragilisé :

Déclassement scolaire et paradoxe d’Anderson. Certains diplômes ne garantissent plus à leurs titulaires la position sociale qu’ils espéraient obtenir. Voir chapitre 5.

Enfin, face à des publics scolaires plus hétérogènes à la fois sur le plan social et culturel, l’école éprouve davantage de difficultés à transmettre une culture commune. Dans ce contexte, l’échec scolaire est perçu comme un stigmate et vécu comme une forme de mépris. L’institution scolaire est alors le théâtre de diverses manifestations anomiques : violences, absentéisme, décrochage scolaire et déscolarisation.

Attention : malgré ces difficultés, l’école continue néanmoins de jouer un rôle fondamental dans l’intégration sociale (voir les raisons évoquées au début de ce 2.2.).

Source : blog du sociologue Baptiste Coulmont, billet du 30/3/2013

http://coulmont.com/blog/2013/03/30/series-de-prenoms/

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2.3. Travail et cohésion sociale

Les années 1945-75 correspondent à ce que de nombreux auteurs ont désigné comme un type de société salariale » (Robert Castel, 1995). Le type d’emploi est un emploi régulier, à plein temps, à durée indéterminée, souvent le même pour toute la vie, ou alors avec une mobilité ascendante, c’est-à-dire une progression de carrière permettant d’améliorer son sort. Il s’agit également d’un emploi qui donne accès à des droits collectifs et à des mesures de protection sociale. Cette condition salariale hégémonique commence à s’effriter de manière durable à partir du milieu et même du début des années 1970.

Salariat : ensemble de personnes ayant le statut de salarié et bénéficiant de ce fait de protections prévues par le droit du travail et les conventions collectives.

Problématique : en quoi la montée du chômage et la précarisation de l’emploi fragilisent la capacité du travail à intégrer et à créer du lien social ?

2.3.1. Le travail et l’emploi, facteurs décisifs de l’intégration sociale

5 arguments essentiels :

L’emploi apporte d’abord un revenu, ce qui permet de se conformer à certaines normes de consommation, d’avoir accès au logement, etc. Le chômage n’est pas nécessairement synonyme de pauvreté grâce à l’assurance-chômage, mais le chômage de longue durée peut y conduire.

L’emploi permet d’avoir accès à la protection sociale (voir document polycopié n°20).

Mais avoir un emploi, c’est aussi avoir un statut, une reconnaissance sociale de son utilité. Notre identité sociale se définit principalement en rapport à notre activité professionnelle. Le chômage entraîne un sentiment d’ « inutilité au monde ». L’emploi demeure la plus importante machine à produire de l’identité sociale.

L’emploi facilite les relations sociales. Le chômage au contraire les fragilise (collègues de travail, mais aussi fragilisation des réseaux amical et familial), risque d’un certain isolement. S’explique en partie par une certaine honte sociale ressentie par les chômeurs qui les pousse à s’isoler et à limiter peu à peu les relations sociales qu’ils avaient auparavant.

L’emploi est favorable à l’équilibre psychologique : il offre des repères temporels et favorise l’estime de soi. Les chômeurs subissent plus souvent que la moyenne des maux tels que la dépression. Le temps libre des chômeurs est souvent un temps « vide » : difficultés à trouver des activités de substitution.

Document polycopié n°20 L’intégration par la protection socialeJusqu'à l'établissement des protections sociales, le pur travailleur était tragiquement dépourvu de protections, que pouvait seule

procurer la propriété privée. Il risquait ainsi de basculer dans la déchéance lorsque l'accident, la maladie, le chômage, la vieillesse l'empêchaient de survivre et de faire survivre sa famille avec son maigre salaire. D'où l'importance fondamentale des cotisations sociales.

Avec l'assurance obligatoire dont le principe s'impose avec la loi de 1910 sur les retraites, le travailleur se constitue « comme une propriété ». Il se construit un droit de toucher des prestations pour le temps où provisoirement (maladie, accident) ou définitivement (vieillesse) il cessera son activité. C'est le sens fort de l'expression « protection sociale » : ce sont les prestations sociales qui protègent. C'est-à-dire que le non-propriétaire lui-même est protégé par un équivalent de la propriété (une sorte de protection sociale) qu'il tire de son travail. C'est aussi une contribution décisive à la problématique de la cohésion sociale : grâce à ces ressources garanties par la loi, le travailleur est maintenu dans le circuit des échanges sociaux, il ne décroche pas de la commune appartenance à la société, il demeure un « semblable » [...]. Au fur et à mesure que le salariat devient une condition solide à laquelle sont rattachés un salaire relativement confortable et des protections fortes, il apparaît qu'il peut être la matrice de base d'une intégration réelle dans la société moderne. Dès lors, le mot d'ordre de l'abolition du salariat par une rupture révolutionnaire perd progressivement de sa crédibilité. On peut être à la fois salarié et parfaitement intégré aux modes de vie dominants, participer à la consommation de masse et jouir de droits sociaux étendus [...]. De plus, la structure même de la société salariale présente une association fortement articulée de différenciation sociale et de solidarité organique qui paraît relever le défi de la cohésion sociale dans une société moderne. Le monde du salariat est en effet fortement différencié, et il existe de très grandes disparités, non seulement en termes de revenus, mais aussi de prestige et de pouvoir, entre par exemple un ouvrier au Smic et un cadre supérieur. Cependant tous s'inscrivent dans un même ensemble en ce sens qu'ils partagent les mêmes droits sociaux, droit du travail et protection sociale. Ainsi, ils sont à la fois inégaux et semblables, dans la mesure où même ceux qui sont placés au bas de la hiérarchie salariale sont censés disposer de ce minimum de ressources et de droits nécessaires pour assurer leur indépendance et tenir une place reconnue dans la société ».

Robert Castel, « La cohésion sociale », dans Les Grandes Questions économiques et sociales, 2007.

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1) En quoi l'État-providence renforce-t-il la cohésion d'une société ?

Au 19ème siècle, lorsque l’individu connaît des périodes de non travail (maladie, chômage, vieillesse), il risque de tomber rapidement dans la déchéance sociale sauf si la famille peut apporter son aide, ce qui était difficilement le cas. Sinon, il devient vite un marginal. Cela permet de montrer qu’une des conditions essentielles pour que le travail soit un élément essentiel d’intégration sociale est que lui soit attaché un certain nombre de droits sociaux.

La mise en place de l’Etat-providence a permis à chaque salarié de disposer d’un droit à la protection sociale, ce qui permet de construire une société de semblables où chacun puisse se sentir membre à part entière de cette société, malgré les inégalités qui la traversent. C’est par le fait d’attacher des protections fortes au travail que s’est construite une citoyenneté sociale. Cela permet encore de souligner le rôle essentiel de l’Etat dans la cohésion sociale.

L’emploi apporte donc des droits sociaux à celui qui l’occupe. C’est donc une des dimensions essentielles de l’intégration par le travail.

2.3.2. Une société salariale fragilisée

PAR LA MONTEE DU CHOMAGE

Document polycopié n°21 Les conséquences du chômageAinsi, pour donner un autre exemple, prenons le cas de Monsieur A., originaire du Maroc, arrivé en France en 1973. À 53 ans, ce père de huit enfants est au chômage depuis quatre ans au moment de l’entretien. Il a connu deux longues expériences en tant que magasinier (pendant 10 ans) puis veilleur de nuit (pendant 5 ans). Au début des années 90, il est amené à changer fréquemment d’employeurs, jusqu’en 1998, date à laquelle commence pour lui la longue période de chômage durant laquelle nous le rencontrons. Sans véritable « statut » dans le travail, celui-ci ne lui en donnait pas moins un, et important, dans la vie familiale. Certes la famille reste solidaire dans l’épreuve du chômage, contrairement au cas, où, précisément, les attributs liés au statut du travail et aux revenus correspondants, sont importants. Monsieur A. conçoit cependant une grande détresse, qu’il impute surtout à l’image (négative) qu’il pense donner désormais à ses enfants… alors même qu’il s’en occupe davantage : mais c’est justement ce qui lui semble négatif. C’est ce qu’il met en avant surtout, avec le « vide » créé par le chômage. Il n’amène pas spontanément les difficultés financières, qui sont pourtant nombreuses puisqu’il est « en fin de droit » et relève désormais de la CMU…

Source : Y. Benarrosh, « Le travail vu du chômage, une comparaison hommes/femmes », Document de travail, n° 62, CEE, juin 2006

Document polycopié n°22 Les conséquences du chômageLorsqu’on est au chômage, on perd contact, de facto, avec une partie de son réseau social : les relations nouées dans l’univers professionnel se distendent avec le temps (collègues, clients, fournisseurs, etc.). Rappelons qu’avec 20% du réseau amical, les personnes rencontrées au travail représentent la deuxième source d’amis, juste derrière l’école. Mais ce n’est pas tout. Les enquêtes du CRÉDOC révèlent que c’est l’ensemble des liens sociaux qui se fragilise lorsqu’on est sans emploi. Les chômeurs vivent moins souvent en couple (32 %, contre 50 % des salariés en CDI), ils rencontrent moins souvent des membres de leur famille (19 % ne voient jamais leur famille, contre seulement 10 % des salariés en CDI), reçoivent moins souvent des amis ou des relations chez eux, adhèrent moins aux associations (37 %, contre 47 % des salariés en CDI), sortent moins fréquemment (cinéma, activités culturelles ou sportives, etc.). Il est d’ailleurs symptomatique qu’en cas de coup dur, ils hésiteraient à faire appel à leur entourage, préférant mobiliser les services sociaux. Des enquêtes de l’INSEE confirment et complètent ces résultats : par rapport à un actif, un chômeur a 8% de risques supplémentaires d’exprimer un sentiment de solitude ou d’ennui ; il discute en moyenne avec 8 interlocuteurs par semaine (parenté, amis, voisins…), alors que les actifs occupés s’entretiennent avec 10 personnes en moyenne. Concernant la vie de couple, Serge Paugam avait déjà montré, à travers des études de biographies, que le fait d’être au chômage fragilisait les couples : la probabilité de rupture est plus importante lorsque l’un des deux partenaires traverse une période de chômage. La corrélation entre l’instabilité professionnelle et la fragilisation du lien social semble assez claire. Elle peut d’ailleurs se lire dans les deux sens : la précarité professionnelle conduit à un affaiblissement du tissu relationnel, et, inversement, un réseau social peu étendu apporte moins d’opportunités professionnelles. En effet, le relatif isolement des chômeurs ne facilite pas leur retour à l’emploi, tandis que les actifs occupés, multipliant les contacts, sont généralement mieux informés des possibilités d’emploi dans le secteur.

Sources : Régis Bigot, L’instabilité professionnelle développe un sentiment de mal-être et fragilise les liens sociaux, Credoc, mai 2007

Document polycopié 23 Les conséquences du chômage

Proportion d’individus déclarant avoir souffert, au cours des 4 dernières semaines, des maux suivantChômeurs Emploi précaire Emploi stable

Nervosité 53 52 45Insomnies 39 30 29Etat dépressif 22 16 11

Source : CREDOC, enquête « Conditions de vie et Aspirations des Français », 2003-2005.

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1) En reprenant les 5 arguments du 2.3.1 sur le rôle du travail dans l’intégration sociale, montrez comment le chômage de masse peut fragiliser ce rôle.

1.

2.

3.

4.

5.

Bien comprendre que le chômage fragilise d’autres dimensions que la stricte intégration professionnelle.

Remarque : cela ne signifie pas bien sûr que la souffrance au travail soit inexistante, loin de là, mais nos sociétés sont fondées sur le travail et en être privé est donc source de difficultés.

PAUVRETE

Pauvreté : Situation des ménages qui se trouvent en-dessous du seuil de pauvreté. Le seuil de pauvreté est égal à 60% du revenu médian et tient compte de la taille des ménages.

Quelques seuils de pauvreté à 60% du niveau de vie médian : 1 000 euros pour une personne seule 1 490 euros pour une famille monoparentale avec un enfant de plus de 14 ans 1 490 euros pour un couple sans enfant 2 483 euros pour un couple avec deux enfants de plus de 14 ans

Taux de pauvreté = nombre de personnes sous le seuil de pauvreté / population totale.

2000 Nombre de pauvres Taux de pauvretéSeuil à 50% 4 165 000 7,2%Seuil à 60% 7 838 000 13,6%

2012 Nombre de pauvres Taux de pauvretéSeuil à 50% 5 060 000 8,2%Seuil à 60% 8 637 000 14%

Insee.

Le taux de pauvreté des salariés est de 3%. Celui des chômeurs de 23,7% (Insee, 2010). Le chômage accroît donc sensiblement le risque de pauvreté.Ainsi, le chômage de longue durée peut mener à la pauvreté monétaire puisque le chômeur perd peu à peu ses droits à l’assurance chômage et ne vit plus qu’avec les minimas sociaux qui ne suffisent pas pour se situer au-dessus du seuil de pauvreté.

Le travail, parce qu’il permet à l’individu d’acquérir un statut social, de disposer de revenus et d’accéder à des droits et des garanties sociales, est donc devenu un pilier de l’intégration sociale dans nos sociétés. La montée du chômage fragilise donc nécessairement la cohésion sociale, notamment le chômage de longue durée qui peut mener à l’exclusion.

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PAR LA MONTEE DES EMPLOIS ATYPIQUES

Précarité : ensemble des formes d’emploi instable entrainant des difficultés de conditions de vie.

Document polycopié n°24

Insee.

1) Qu’est-ce qu’un emploi typique ?

CDI temps plein.

2) Les expressions « emploi précaire » et « emplois atypiques » sont-elles totalement synonymes ?

Non. On peut les distinguer. Emploi précaire = CDD + Intérim + contrats aidés + stages. Emploi atypique s’oppose à emploi typique, donc déroge à l’une des deux conditions : soit un emploi précaire qui s’oppose au CDI, soit un emploi à temps partiel qui s’oppose au temps plein, soit les deux (un emploi super-atypique en quelque sorte!)L’emploi précaire est donc un sous-ensemble des emplois atypiques, mais on peut avoir un emploi en CDI à temps partiel (c’est un emploi atypique qui n’est pas précaire !).

3) Exprimez l’évolution relative du nombre d’intérimaires et du nombre de salariés en CDD entre 1985 et 2011 ?

Intérim : multiplié par 5CDD : multiplié par 6

4) Comment a évolué la part des emplois précaires dans le total des emplois entre 1975 et 2011 ?

Multiplié par 10.On peut aussi dire qu’elle a augmenté de 12 points.

5) Comment a évolué la part des emplois atypiques dans l’emploi total ?

Multiplié par 4 On peut aussi dire qu’elle a augmenté de 25 points

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Document polycopié n°25

1) En stock, les emplois précaires sont-ils majoritaires ? et en flux ?

En stock, ils sont très minoritaires. Le CDI reste la norme.En flux, ils sont majoritaires. La majorité des embauches se font en CDD.

Document polycopié n°26

Eurostat.1) Qu’est-ce qu’un travailleur pauvre ?

Un travailleur pauvre est une personne en emploi une bonne partie de l’année et qui se trouve en-dessous du seuil de pauvreté.

2) En prenant le cas de la France, montrez par des données chiffrées pertinentes que le développement des emplois atypiques explique une bonne partie de l’existence de travailleurs pauvres.

→ Temps partiel multiplie par 2 le risque d’être pauvre par rapport à un temps complet. Salaire plus faible.→ Emploi précaire multiplie par 3 le risque d’être pauvre par rapport à un emploi stable : intermittence du revenu sur l’année.→ Environ 1 million de travailleurs pauvres au seuil de 50% et près de 2 millions au seuil de 60%.

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Document polycopié n°27 Les conséquences des emplois précairesDans une certaine mesure, avoir un emploi c'est, comme avec les fonctions assurées sous l'Ancien Régime, avoir un état... et être sans emploi, c'est être sans état. Celui qui s'investit dans les seules activités domestiques ou bénévoles n'a pas la reconnaissance symbolique d'être classé actif l'usage des mots n'est pas neutre : catalogué inactif, il est de fait déclassé. Subit aussi une perte d'identité sociale celui qui décroche de l'activité productive, tout particulièrement le chômeur de longue durée. Ceux enfin qui ne disposent pas d'un emploi stable ou qui sont trop faiblement rémunérés, le précaire ou le worker poor, sont, comme l'indigent, victimes d'une certaine mort sociale, faute de pouvoir être valorisés par le travail, de pouvoir appartenir à des collectifs de travail, faute d'avoir les moyens de mettre en œuvre des projets dans les diverses dimensions de la vie sociale : vie professionnelle, vie familiale, organisation des loisirs, participation à la vie publique...

B. FLACHES, Travail et intégration sociale, Bréal, coll. « Thèmes et débats », 2002.

1) Expliquez les conséquences pour les salariés précaires d’avoir à occuper ce type d’emplois.

Intermittence du revenu qui peut mener à la pauvreté (développement des travailleurs pauvres). Voir document polycopié n°26.

Plus difficile de se faire des relations sociales durables avec les collègues car changement fréquent d’entreprises. Difficile de s’inscrire dans un collectif de travail, dans un réseau de sociabilité puisqu’on ne cesse de changer d’entreprise. De plus, développement des horaires flexibles, des temps partiels imposés, qui fragilisent le collectif de travail car tous les salariés ne travaillent pas aux mêmes heures. Donc l’intégration des individus par la fréquentation d’un même lieu – l’entreprise – semble mise en péril par la précarisation de l’emploi et la flexibilité quantitative interne.

Effets sur les conditions de vie au travail. Emplois précaires souvent conçus parfois comme un allongement de la période d’essai. Salaires plus faibles, revenus irréguliers, peu de perspectives de carrière, conditions de travail dégradées car rapport de force totalement en faveur de l’entreprise.

Effets sur la vie hors travail : Exclu d’une certaine norme de consommation. Difficultés d’accès au crédit, à trouver un loge -ment. Difficultés à se projeter dans l’avenir (installation en couple, bébé, difficultés à quitter le domicile parental).

Les conséquences de la précarisation sont accentuées par une tendance à la déstabilisation des collectifs de travail.

Document polycopié n°28 La déstabilisation des collectifs de travailLes enquêtes sociologiques de terrain convergent vers le constat d'une réelle transformation du monde du travail (…). Elles

montrent comment, de l'expérience collective et socialisatrice qu'il était auparavant, le travail s'est mué en une épreuve individuelle. Plus de trente années de "modernisation" ont abouti à une individualisation systématique de la relation au travail, depuis l'introduction des horaires variables jusqu'à la généralisation actuelle de l'entretien annuel, au cours duquel chaque salarié reçoit ses objectifs puis, une fois l'année écoulée, voit sa performance évaluée, ce qui conditionne ses augmentations de salaire, sa carrière, voire sa stabilité dans le poste et l'entreprise.

Les collectifs de travail, si précieux pour une prise en charge commune des difficultés (à travers des pratiques de solidarité, d'aide et de transmission de conseils), et un décryptage de la souffrance en termes de rapport de forces et d'exploitation (en résonance avec les enjeux politiques, syndicaux, économiques), en sont sortis considérablement affaiblis. A l'heure actuelle, c'est tout seul que les salariés ont à affronter les difficultés du travail. Dans ce corps-à-corps solitaire, la souffrance est vécue comme le signe d'une insuffisance personnelle ou comme une malchance, un fatum. Elle n'a plus de portée politique, au sens noble du terme.

Mais il faut relever aussi que les difficultés, pour les salariés, se sont accrues en raison d'une stratégie managériale bien particulière : l'organisation taylorienne du travail (qui inscrivait la contrainte et le contrôle dans la définition même des tâches) n'étant plus aussi efficace, l'idée s'est ancrée au sein des directions qu'une déstabilisation systématique des salariés les rendrait plus réceptifs, plus enclins à répondre positivement aux exigences de leur hiérarchie. D'où la mise en place de changements incessants : restructurations, réorganisations, externalisations, déménagements, mobilité systématiques. Dans ce contexte fébrile et instable, où les salariés ont toujours tout à recommencer, ils vivent dans la peur de se trouver en situation d'incompétence.

Danielle Linhart, Une confrontation épuisante avec des exigences sans fin, Le Monde, 10 septembre 2010.

1) Relevez toutes les transformations du monde du travail qui ont conduit à une individualisation plus grande et à un affaiblissement des collectifs de travail.

Horaires variables : certains collègues ne se croisent qu’épisodiquement car ils n’ont pas les mêmes horaires. Généralisation de l’entretien annuel. L’évolution de carrière est individualisée : dépend de l’évaluation annuelle du

supérieur hiérarchique. Auparavant, l’espoir de progression de salaires était un espoir collectif : les augmentations étaient obtenues collectivement (rôle des grilles de qualification contenues dans les conventions collectives).

Changements incessants : plus difficile de créer un collectif de travail. Sentiment d’insécurité permanent qui limite la possibilité d’une action collective.

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2) Pourquoi cette évolution pose problème pour les salariés dans l’entreprise ?

Alors que le salarié était autrefois protégé par les négociations collectives, il est aujourd’hui seul en première ligne.

On observe donc une individualisation croissante de la carrière d’un salarié : chacun négocie avec son employeur tout ce qui concerne son emploi (contenu, rémunération, avancement, conditions de travail, etc…) alors que pendant la période fordiste, les syndicats jouaient dans ce domaine le rôle essentiel. Dans la plupart des entreprises, chaque salarié rencontre une fois par an au moins son supérieur hiérarchique pour faire le bilan de son activité dans l’entreprise et déterminer les objectifs à atteindre pour l’année à venir. Les rémunérations et l’avancement sont évidemment liés à cet entretien. Les salariés sont de plus en plus évalués selon leurs performances individuelles en dehors du contexte du collectif de travail . Ainsi, le salarié peut bénéficier d’avantages (hausse de salaires, primes, avancement) en fonction de ses compétences et des objectifs que chacun doit atteindre individuellement.On est loin de la logique des qualifications où les rémunérations étaient définies collectivement par des accords de branche. Pour un poste particulier, le salaire était le même dans la branche.

Double fragilisation de la société salariale : du côté de la protection sociale et du côté de la garantie collective des conditions de travail.3) Pourquoi ces évolutions affaiblissent le rôle du travail comme instance d’intégration sociale ?

Ces évolutions fragilisent un des rôles essentiels du travail, à savoir les solidarités nouées sur le lieu de travail. Cette individualisation des relations de travail affaiblit les collectifs de travail.

2.3.3. La fragilisation de la société salariale peut mener à la désaffiliation et à la disqualification

Document polycopié n°29 Chômage et désaffiliationIl semble que l'on puisse appréhender l'exclusion, ou plutôt la désaffiliation, à la conjonction de deux axes : il y a la montée du

chômage et de la précarité du travail qui risque de s'installer en "inemployabi lité" permanente ; il y a corrélativement une fragilisation des supports relationnels, des formes traditionnelles de socialisation qui risque d'aboutir à l'isolement social. Être exclu, c'est alors se trouver à la fois hors de l'ordre du travail et hors des réseaux concrets de solidarité. C'est se retrouver sans place assignée dans la société.

Les sociétés industrielles avancées ou postindustrielles sont en train de redécouvrir l'existence de catégories de gens occupant une position que l'on pourrait qualifier de surnuméraire. Ils ne sont pas intégrés, et ils ne sont peut-être pas intégrables, au sens où quelqu'un comme Émile Durkheim, par exempte, parle d'intégration. L'intégration renvoie à une conception de la société comme un tout au sein duquel les individus et les groupes occupent des positions interdépendantes. Cela ne veut pas dire l'égalité des positions ni la justice sociale. Néanmoins, dans le modèle durkheimien, les groupes, même subordonnés, ont leur place, parce que leur présence est nécessaire à l'ensemble. Par exemple, un ouvrier spécialisé ou un manœuvre peuvent être exploités, ils n'en sont pas moins indispensables. Même s'il y a aujourd'hui davantage de salariés, il y a aussi un nombre croissant de salariés précarisés, pour lesquels il est de plus en plus difficile de construire un avenir assuré à partir de leur emploi, sur le double plan de la stabilité des relations de travail (menace du chômage, précarisation de remploi) et des protections liées au travail (effritement d'une protection sociale directement attachée au statut de salarié). »

Robert Castel, « L'exclusion existe-t-elle? », Lycée/La table ronde pédagogique, cndp.fr, 2001.

Selon Castel, l’intégration à la vie sociale est fondée d’une part sur l’emploi occupé et d’autre part sur les relations sociales, donc il y a d’une part l’axe intégration par le travail et d’autre part l’axe intégration dans une sociabilité socio-familiale (famille, voisinage, amis…).

Sa grille d'analyse de l'espace social combine deux dimensions : l'axe de la place dans la division du travail et celui de la participation aux réseaux de sociabilité. Cette combinaison, qui n'est pas une corrélation (la précarité peut être compensée par la densité des réseaux de sociabilité primaire), permet de distinguer plusieurs zones de cohésion sociale : – la zone d'intégration associe travail stable et insertion relationnelle solide ; – la vulnérabilité sociale est une zone intermédiaire, instable qui conjugue la précarité du travail et la fragilité des relations (à commencer par la fragilité du lien conjugal ou l’absence de ce lien).– la zone de désaffiliation associe l'absence de participation à toute activité productive et l'isolement relationnel.

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1) L’analyse du processus d’exclusion par Robert Castel peut être schématisée par le graphique à deux dimensions ci-dessous. Placez dans ce graphique les expressions suivantes : insertion professionnelle – Insertion dans les rapports sociaux (réseau relationnel) – Intégration sociale – désaffiliation – vulnérabilité sociale.

2) Quel est le processus qui mène à la désaffiliation d’après Robert Castel ?

Castel préfère le concept de désaffiliation pour montrer que l’exclusion n’est pas un état, mais un processus. Désaffiliation : Processus de rupture avec les instances d’intégration : réseau relationnel et emploi stable.

L’exclusion est perçue par Castel comme un basculement progressif dans une zone de vulnérabilité sociale, puis de désaffiliation (contraire d’affiliation qui signifie « rendre fils » c’est-à-dire adopter comme membre du groupe). C’est un affaiblissement progressif du lien permis par les différentes instances d’intégration : perte d’emploi, rupture familiale (divorce ou absence de lien conjugal, rupture avec les parents, etc.) et/ou perte du logement.

3) En quoi les évolutions du travail depuis une trentaine d’années peuvent multiplier les cas de désaffiliation ?

Précarisation + montée du chômage qui plongent nombre d’individus dans une zone de vulnérabilité sociale : Fragilisation (dans le cas de la précarité) ou perte (dans le cas du chômage) des relations liées au travail. Fragilisation des droits à la protection sociale puisque notre système demeure principalement fondé sur l’exercice d’un

emploi. Exemple des chômeurs de longue durée qui n’ont plus droit à l’assurance chômage. Fragilisation des relations sociales hors travail et risque d’isolement relationnel liée aux difficultés dans la sphère du

travail.

Lorsque les difficultés se cumulent et qu’il y a rupture avec les différentes instances d’intégration, ce processus peut mener à la désaffiliation.

4) Pourquoi l’évolution du travail affaiblit la solidarité organique au sens de Durkheim ?

La solidarité organique est fondée sur la division du travail, notamment dans la sphère de la production. L’idée est que chaque individu est relié à tous les autres car les fonctions étant différenciées et complémentaires, il a besoin des autres et les autres ont besoin de lui.Mais avec l’avènement de ce que Castel appelle le « précariat », certains individus ont de grandes difficultés à s’insérer durablement dans la division du travail. Le lien organique est alors très fragilisé. Castel parle d’individus « surnuméraires » ou « inutiles au monde » pour désigner le fait que la société ne semble pas avoir besoin d’eux puisqu’ils n’occupent plus d’emploi ou de manière intermittente.

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Document 4 p.245 Bordas Le processus de disqualification socialePour définir le lien social, on peut prendre en compte ce fondement essentiel qu'est la protection, c'est-à-dire le fait de pouvoir

se dire «je peux compter sur qui ? Je peux compter sur un système de protection sociale généralisé mais si celui s’écroule, je peux compter sur qui ? Sur mes proches, certes, sur ma famille, mes collègues de travail, etc.» Mais ce n'est pas la seule dimension du lien : l'autre dimension, tout aussi fondamentale, est de savoir «est-ce que je compte pour quelqu'un ? ». [Le lien social] conduit finalement à donner à l'individu le sentiment qu'il est reconnu par autrui, c’est-à-dire par le regard que portent les autres sur lui.

[…] Dans le processus de disqualification sociale que j'ai décrit et analysé dans mestravaux, on peut souligner la double dimension de la perte d'un certain nombre de protections et d'une certaine insécurité économique et sociale, du fait de ne plus avoir un emploi stable par exemple, du fait d'avoir rompu avec un certain nombre des membres de se famille, et de ne plus pouvoir compter sur une protection sociale universelle. Mais cela n'est pas tout. En même temps, une personne en situation de pauvreté voit sa position menacée dans la société en général. Le statut qui la caractérise est un statut qui correspond finalement à la dernière strate de la société. La personne pauvre est désignée socialement comme appartenant à un ensemble social que d'aucuns considèrent comme extrêmement dévalorisant, et peut-être même que certains caractériseraient comme étant le produit d'une certaine incompétence, d'une irresponsabilité sociale, parfois même de la paresse. C'est cette double dimension, celle liée au fait de manquer d'appui et d'être vulnérable du point de vue de la protection que l'on peut avoir, mais aussi d'être sous un regard méprisant mettant en relief son inutilité, qui caractérise le processus de disqualification sociale.

Entretien avec Serge PAUGAM, La vie des idées, mai 2008.

1) Par rapport à l’analyse de Robert Castel, Serge Paugam ajoute une explication supplémentaire au processus pouvant mener à l’exclusion. Expliquez laquelle.

Paugam, comme Castel, analyse l’exclusion comme l’aboutissement d’un processus d’affaiblissement, voire de rupture, avec les protections qu’apportent les différentes instances d’intégration.

Il ajoute cependant une dimension supplémentaire avec son concept de disqualification sociale.Disqualification sociale: Processus de stigmatisation d’un individu par la société suite à un affaiblissement puis une rupture des liens sociaux.

Paugam insiste sur les interactions entre l’individu et la société qui, par sa réaction (l’étiquetage) amène l’individu à intérioriser l’image de soi dévalorisée qu’elle lui renvoie et à l’enfermer dans sa situation. L’exclusion est alors vue comme une « carrière morale » au cours de laquelle la personnalité des individus se transforme en se conformant aux attentes sociales : puisque la société lui renvoie l’image d’un assisté, l’individu en vient à accepter sa situation, à s’auto-dévaloriser, ce qui peut le mener vers la marginalisation.

Les individus qui connaissent un échec professionnel et se retrouvent au chômage prennent conscience progressivement de la distance qui les sépare de ceux qui bénéficient d’une bonne insertion professionnelle. Le regard envers les chômeurs étant dévalorisant (étiquetage), ils intériorisent peu à peu un sentiment d’infériorité, encore aggravé le jour où ils doivent avoir recours à l’aide sociale. Cette première phase est appelée par Paugam « phase de fragilité ». Vient ensuite la phase de dépendance où l’individu a cette fois recours régulièrement à l’aide sociale. Il intériorise peu à peu sa situation d’assisté et la dévalorisation qui va avec dans notre société. Il est découragé et n’espère pratiquement plus sortir de sa situation et retrouver durablement une place dans l’univers professionnel.Ces phases peuvent s’enchaîner : les difficultés d’insertion professionnelle qui durent conduisent à s’adresser aux services sociaux pour obtenir des aides régulières, le découragement lié à l’absence de perspectives amène à se résigner à accepter le statut d’assisté, il peut s’accompagner d’une dégradation de la santé qui éloigne encore de l’emploi. La situation de dépendance peut déboucher sur la rupture quand le cumul de handicaps (emploi, santé, logement…) anéantit l’espoir de s’en sortir et conduit souvent à un abandon de soi, à des problèmes d’alcool ou de drogue. C’est la troisième phase, « phase de disqualification », l’individu est marginalisé, exclu de la société. Il n’a même plus recours à l’aide sociale, il a perdu toute protection.

REMARQUE SUJETS DE BAC

Dans un sujet de bac, il faut éviter de parler, sans nuances, d’une « crise » absolue des instances d’intégration. On assiste essentiellement à une fragilisation de la capacité de ces instances à créer de la cohésion sociale. Elles continuent d’être au cœur des processus d’intégration sociale.

Le terme de « crise » peut éventuellement se justifier pour certaines catégories sociales, les plus vulnérables, qui subissent de plein fouet les transformations de la famille et surtout de l’emploi.

FAMILLE : montée de l’individualisme qui transforme le rôle de cette instance d’intégration, mais celle-ci continue de jouer son rôle.ECOLE : continue de jouer un rôle fondamental d’intégration sociale. Mais les transformations de l’institution scolaire et de la situation de l’emploi créent de nouvelles difficultés.TRAVAIL : Reste probablement la machine la plus efficace pour créer de l’intégration sociale. Mais montée du chômage et précarisation fragilisent son rôle, de même que l’individualisation des relations de travail.