Est-il possible d’assurer à toute l’humanité une alimentation suffisante, de qualité, saine et durable ?

Tous les cinq ans, des pays du monde entier se réunissent dans le but de, je cite, «  faire l’inventaire des moyens dont dispose l’homme pour satisfaire les besoins d’une civilisation et faire ressortir dans une ou plusieurs branches de l’activité humaine les progrès réalisés ou les perspectives d’avenir » (D’après le protocole du Bureau International des Expositions). C’est la première Exposition Universelle officielle consacrée à la sécurité alimentaire et à la diversité de l’alimentation, à l'heure où près de 30% de la population mondiale souffre de malnutrition.

Pavillon Slow Food - Herzog & de Meuron

Véritable vitrine pour l’Italie, l’expo universelle attirera 20 millions de visiteurs. Hôtels, restaurants, et transports des environs de Milan bénéficieront des retombées économiques, ainsi que les employés sur le site et les grandes marques italiennes qui y sont représentées. Mais le montant investit est contesté (3,2 milliards d'euros, dont 1,35 milliard d'argent public). En attendant la fin de l’expo et le bilan que le pays pourra en tirer, les sceptiques continuent de pointer du doigt une expo grand public, trop marketing et publicitaire, allant presque ironiquement à l’encontre du thème de cette année : Nourrir la planète.

Car en se penchant sur la liste des sponsors, on retrouve quelques grands noms de l'agroalimentaire: McDonald's, Coca-Cola, Ferrero... Des entreprises rarement associées à un mode de consommation sain…

Alors, promo d’idées écolos rétrogrades noyées dans une immense vitrine publicitaire pour de grandes marques de l’agroalimentaire et de la grande consommation ? Ou véritable questionnement sur la question de la faim, en prenant les problèmes par leurs réalités et en s’adressant consciemment à un public avisé, qui se retrouve parmi les … personnes qui mangent chez Macdo dans le Monde ?

Alors nous y sommes allés. Nous avons découvert une grande manifestation s’organisant en un long déambulatoire (le Decumanu) sur lequel s’insèrent de plus petites ruelles (le Cardo) occupées par les pavillons de chaque pays. Cette disposition rappelle celle des premières cités romaines.

Nous avons commencé par gouter les chocolats belges, les gelati italiennes, observer les restaurants libanais, polonais ou espagnol, contempler les tapis et les exportations de cotons tiges du Turkménistan (et son dictateur sur chaque couverture de livres), les danseurs iraniens, les animateurs en gros fruits rouges qui déambulent entre les pavillons, les musiciens russes, les très beaux paysages irlandais… Et c’est là que j’ai compris : L’expo universelle est une grande vitrine, une invitation au tourisme, ou à défaut de pouvoir se payer l’aller-retour en Patagonie, au restaurant hors de prix du pavillon. On s’est même laissé aller à une photo chilienne de touristes, avec des lamas en carton et des faux ponchos…

Certes. Mais il a plusieurs niveaux de lecture.

Macdo est un bon indicateur de richesse d’un pays

L’approche artistique de la nutrition est à la mode

Les réponses scientifiques et techniques sont innovantes

Cependant, dans cet article je ne traiterai pas ces trois problématiques, qui sont plus ou moins à nuancer… J’exposerai en revanche, en quelques lignes, l’architecture et le design des différents pavillons.

Plan de Pompéi

Voici pour commencer l’Aquaponic System, une solution belge qui recréé un petit écosystème indépendant, qui réutilise les déchets des poissons (nitrates) qui alimentent à leur tour les salades. Celles-ci tournent en permanence autour d’une lumière artificielle, tout en recevant la même quantité de nutriments.

l’Aquaponic System

Puis nous avons Slow Food, un mouvement «écolo-gastronomique» créé en Italie en 1986 en opposition au fast-food, et qui possède deux pavillons réalisés par Herzog & de Meuron (cf photo1) En créant une ambiance de réfectoire, les architectes invitent le visiteur à se pencher sur chacune de ses habitudes culinaires, et à réfléchir sur la biodiversité qui l’entoure. Le visiteur est actif, et se dirige à sa guise dans le pavillon. On est responsable de ce que l’on mange, on se donne la peine de prendre conscience et de réagir. Voici un pavillon différent des autres (qui donnent parfois l’impression de suivre passivement une chaîne de touristes…)

Breathe Austria 

Le pavillon Autrichien nous a beaucoup plu. Pense-t-on assez à ce nutriment plus qu’essentiel ? L’air est au centre des préoccupations des architectes de Breathe Austria qui orientent toute la construction autour d’une forêt typique autrichienne. La flore locale doit être davantage investit et expliquée aux habitants. De la photosynthèse qui unie eau, lumière et végétaux né un air qui vient donner vie à des maisons, des immeubles, des quartiers entiers, dans l’idée du groupe d’architectes.

Le pavillon français est plus discret. Il est entièrement réalisé en épicéa du Jura (à l’intérieur) et en mélèze (à l’extérieur). Son allure suggère une halle, où sont disposés ou suspendus tous les ustensiles et ingrédients de la très renommée cuisine française. Ce plafond d’objets suspendus évoque un paysage type français, inversé avec ses collines et ses montagnes. Le bâtiment, réalisé par les architectes Anouk Legendre et Nicolas Desmazière, est ouvert de part en part, sans portes ni fenêtres, et laisse passer un flux d’air qui recréé une ventilation naturelle.

Emirats Arabes Unis La forme urbaine compacte s’inspire de celles des premières cités du pays. Le rapport au désert est ici très pertinant, une grande part de la population mondiale y vit et doit apprendre à y survivre, qu’il s’agisse d’eau, de nourriture ou de d’habitat. L’architecte Norman Foster fait rentrer le visiteur par un grand canyon évoquant les rides et ondulations des dunes du désert.

Le pavillon anglais dénonce quant à lui la destruction des écosystèmes qui s’ils disparaissent compromettent notre survie. Après un cheminement à travers des bacs d’herbes sauvages situés juste au niveau de nos yeux, (un peu comme des bac à compost modernes, qui gagnent davantage de terre en étant à plusieurs centimètres au-dessus du sol), on atteint une grande structure de métal qui s’élève au-dessus du sol et qui matérialise une ruche. La nuit, on peut observer les lumières de la structure qui forment la boule centrale de la ruche. Voici une petite vidéo qui expose le pavillon.

https://www.youtube.com/watch?t=62&v=RM8IHnfnP54

Pour en savoir plus je vous conseille l’excellent site Archdaily http://www.archdaily.com/tag/milan-expo-2015/