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(Pour commencer, on récite la partie de son cours qui permet de contextualiser l’extrait :) Le roman réaliste propose un nouveau type de héros 1 . Il est en interaction avec son milieu, c’est-à-dire une société donnée, à un moment historique donné. Les écrivains veulent montrer comment les classes sociales et les conditions matérielles influencent les individus. Quand Maupassant écrit Bel-Ami, il propose sa propre interprétation du nouveau type d’individu engendré par la société de son temps 2 , une société dominée par la bourgeoisie, le rêve de l’entreprenariat, de la méritocratie et de l’individualisme. C’est également une société dominée par l’argent. Cet extrait est l’incipit du roman. Cela signifie qu’il ne dispose que de quelques lignes pour 1/ nous donner envie de continuer notre lecture 2/ nous présenter à grands traits les principales caractéristiques de son personnage principal. Problématique : portrait de l’ambitieux à la manière de Maupassant = le prédateur sexuel Annonce du plan : I. Situation initiale = un jouisseur sans le sou II. Or, c’est un conquérant que rien n’arrête III.Par conséquent, il va se transformer en prédateur sexuel I. Situation initiale : un jouisseur sans le sou 1 Le mot est pris au sens de « personnage principal ». 2 Se reporter au contexte historique des années qui succèdent au Premier Empire, à la Restauration et à la révolution ratée de 1848.

Web viewEn une page, Maupassant brosse le portrait d’un personnage qui avance, qui fend la foule et s’élèvera au-dessus des autres,

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(Pour commencer, on récite la partie de son cours qui permet de contextualiser l’extrait :) Le roman réaliste propose un nouveau type de héros1. Il est en interaction avec son milieu, c’est-à-dire une société donnée, à un moment historique donné. Les écrivains veulent montrer comment les classes sociales et les conditions matérielles influencent les individus. Quand Maupassant écrit Bel-Ami, il propose sa propre interprétation du nouveau type d’individu engendré par la société de son temps2, une société dominée par la bourgeoisie, le rêve de l’entreprenariat, de la méritocratie et de l’individualisme. C’est également une société dominée par l’argent. Cet extrait est l’incipit du roman. Cela signifie qu’il ne dispose que de quelques lignes pour 1/ nous donner envie de continuer notre lecture 2/ nous présenter à grands traits les principales caractéristiques de son personnage principal.

Problématique : portrait de l’ambitieux à la manière de Maupassant = le prédateur sexuel

Annonce du plan :

I. Situation initiale = un jouisseur sans le souII. Or, c’est un conquérant que rien n’arrêteIII. Par conséquent, il va se transformer en prédateur sexuel

I. Situation initiale : un jouisseur sans le sou

1. Champ lexical de l’argent , détails de son budget (l.1 et §4). Il ne peut pas manger à sa faim (doit sacrifier un repas sur trois). Le roman réaliste montre que les conditions financières d’un personnage déterminent son comportement.

2. Narrateur omniscient « Il réfléchit que… » = discours narrativisé qui nous donne accès à ses pensées. Il calcule son budget pour garder de quoi se payer « deux bocks sur le boulevard » : le boulevard est le lieu où l’on sort, où l’on s’amuse et où l’on peut éventuellement trouver l’aventure. Il préfère manger moins pour pouvoir sortir. Le luxe est donc plus important pour lui que le nécessaire. De plus, « sa grande dépense et son grand plaisir des nuits » sous-entend que c’est un jouisseur.

1 Le mot est pris au sens de « personnage principal ».2 Se reporter au contexte historique des années qui succèdent au Premier Empire, à la Restauration et à la révolution ratée de 1848.

3. Un effet de contraste entre l’environnement minable/médiocre qui est celui des pauvres (« la caissière… petites ouvrières… entre deux âges, mal peignée, négligée, coiffée d’un chapeau toujours poussiéreux… robe de travers… gargote »3 + insatisfaction des bourgeoises que leurs maris ne comblent pas) et Duroy 4 : « roy » laisse entendre qu’il a des aspirations d’aristocrate5. Il les méprise, on le voit à l’expression « beau soldat tombé dans le civil ». Il sent qu’il a déchu en se retrouvant parmi les gens du peuple qui l’entourent.

II. Or, c’est un conquérant que rien n’arrête

1. Le narrateur insiste plusieurs fois (l. 3, 4, 19) sur le fait que Duroy était soldat auparavant. Il souligne son côté conquérant. En outre, le « hussard » évoque les clichés du militaire violent et brutal.

2. Verbes d’action : il est toujours décrit en action et en mouvement (dès la ligne 1, 1re ligne du roman). C’est un homme qui avance, qui agit. Il est maître de son destin.

3. La description de sa manière de marcher dans la rue : « poussant les gens pour ne point se déranger de sa route », la formule au sens concret peut être interprétée au sens symbolique aussi. Il pousse les gens, les « heurtant »« brutalement » (l. 21). Cela annonce déjà une attitude sans scrupule, il n’aura aucune pitié pour personne et ne reculera devant aucun obstacle.

4. Gradation (l. 23-24) du nombre des complément d’objets directs et gradation rythmique. Non seulement il défie tout et tout le monde, mais le texte suggère que son ambition s’accroît constamment.

III. Par conséquent, il va se transformer en prédateur sexuel

1. On le devine déjà parce que son portrait souligne sa beauté (26-30). Il est blond aux yeux bleus, ce qui correspond au stéréotype de la perfection. Il attire le regard de toutes les femmes qui le voient (§3), y compris les femmes mariées.

3 Tous ces termes véhiculent des connotations péjoratives.4 Dans une fiction, les noms ne sont pas choisis par hasard. Un écrivain veut nous donner un indice sur le caractère de son personnage. L’art de l’interprétation des noms s’appelle l’onomastique.5 Parenthèse : étymologie d’aristocratie = https://fr.wiktionary.org/wiki/aristocratie --> le pouvoir aux meilleurs, ceux qui sont considérés ou se considèrent comme supérieurs.

2. Il est séducteur, on le sait car seules les femmes sont décrites en détails (§3), cela sous-entend qu’il ne regarde qu’elles car le point de vue du narrateur est interne.

3. Le narrateur nous laisse déjà deviner qu’il est prêt à commettre le mal : « il ressemblait au mauvais sujet des romans populaires ». C’est un mauvais garçon qui séduit d’autant plus les femmes qu’il y a du danger qui émane de lui.

4. Il est discrètement comparé à un prédateur : « un de ces regards de joli garçon, qui s’étendent comme des coups d’épervier ». Il regarde les femmes comme un rapace choisit sa proie. Comme eux, il a l’œil acéré : « une pupille toute petite ». La « moustache retroussée » fait penser à la babine retroussée de quelque animal carnassier.

(Conclusion)

Comme les désignations l’indiquent, Georges Duroy apparaît déjà dans cet incipit comme un être jouisseur, égoïste, ambitieux et potentiellement dangereux pour toutes les proies qui feront l’erreur de succomber à son charme de mauvais garçon. En une page, Maupassant brosse le portrait d’un personnage qui avance, qui fend la foule et s’élèvera au-dessus des autres, en les piétinant si besoin est. En même temps, ce personnage est typique du réalisme du XIXe siècle car, tout en étant immoral, Duroy est également un héros de l’énergie, prêt à s’opposer à toutes les forces sociales qui présenteront un obstacle à son irrésistible avancée.