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Étude de textes : Catulle, Poèmes, 5 + Du Bellay, « Vivons, Gordes, vivons » + Louise Labé « Baise m’encor... » Comment les poètes du XVI e siècle se sont-ils approprié le poème de Catulle ? Éléments d’intro : célèbre poème du poète latin Catulle, I er siècle av JC. Antiquité = source d’inspiration pour les artistes de la Renaissance, en particulier pour le sauteurs de la Pléiade, dont fait partie Du Bellay. Imitation des thèmes et de l’expression. Mais pas seulement imitation. I. Imitation dans l’inspiration thématique : 1. Le thème du Carpe Diem Poème de Catulle : thème du Carpe Diem (selon l’expression rendue célèbre par Horace) Présent dans l’injonction « VIVAMUS » (vivons) Et dans l’évocation de la brièveté de la vie : vers 4 – 5 – 6. Opposition aux remarques des vieillards, à la méchanceté et à la jalousie : vers 2 et les deux derniers. Du Bellay reprend ce thème du Carpe Diem : les deux quatrains et le second tercet. On ne trouve pas explicitement ce thème dans le poème de Louise Labé. 2. Le thème de l’invitation à l’amour Présent chez Catulle dans l’injonction « AMEMUS » (aimons) Puis dans l’impératif « DA » (donne) suivi d’une répétitions du mot « baisers » accompagnés de plusieurs nombres. (« MILLE », « CENTUM ») répétés avec l’adverbe « DEINDE » (ensuite). Dans le poème de Louise Labé, on retrouve cette invitation à l’amour, et le public cultivé entendait dans « Baise m’encor, rebaise moi et baise » un écho du célèbre poème de Catulle. Cet aspect érotique n’existe pas dans le poème de Du Bellay. Sur le plan thématique, on peut dire que les deux poètes du XVI e siècle se sont approprié des aspects différents du poème de Catulle. II. Imitation de l’expression. 1. Elle est très grande dans le poème de Du Bellay. Le vers 1 est un calque quasi exact, sauf le remplacement de « aimons » par la répétition de « vivons ». On retrouve l’évocation des remarques des vieillards ; et celle de la brièveté de la vie : idée de la course du soleil vers 5 et 6 chez Du Bellay et vers 4 chez Catulle, opposition de « lumière » et « nuit » tous deux à la rime chez Du Bellay / opposition de « lux » et « nox » en début et fin de vers chez Catulle, et vers 8 qui est presque une traduction du vers 6 de Catulle. 2. L’imitation de l’expression est moins frappante chez Louise Labé, mais il faut remarquer quand même la répétition de « baiser » (verbe et nom) et celle de « Donne » qui font écho à « DA » et « BASIA » chez Catulle. III. Dépassement de la simple imitation. Cependant, les deux poèmes présentent une part d’originalité.

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Étude de textes : Catulle, Poèmes, 5 + Du Bellay, « Vivons, Gordes, vivons » + Louise Labé « Baise m’encor... »Comment les poètes du XVIe siècle se sont-ils approprié le poème de Catulle ?

Éléments d’intro : célèbre poème du poète latin Catulle, Ier siècle av JC.Antiquité = source d’inspiration pour les artistes de la Renaissance, en particulier pour le sauteurs de la Pléiade, dont fait partie Du Bellay.Imitation des thèmes et de l’expression. Mais pas seulement imitation.

I. Imitation dans l’inspiration thématique :1. Le thème du Carpe Diem

Poème de Catulle : thème du Carpe Diem (selon l’expression rendue célèbre par Horace)Présent dans l’injonction « VIVAMUS » (vivons)Et dans l’évocation de la brièveté de la vie : vers 4 – 5 – 6.Opposition aux remarques des vieillards, à la méchanceté et à la jalousie : vers 2 et les deux derniers.

Du Bellay reprend ce thème du Carpe Diem : les deux quatrains et le second tercet.On ne trouve pas explicitement ce thème dans le poème de Louise Labé.

2. Le thème de l’invitation à l’amourPrésent chez Catulle dans l’injonction « AMEMUS » (aimons)Puis dans l’impératif « DA » (donne) suivi d’une répétitions du mot « baisers » accompagnés de plusieurs nombres. (« MILLE », « CENTUM ») répétés avec l’adverbe « DEINDE » (ensuite).

Dans le poème de Louise Labé, on retrouve cette invitation à l’amour, et le public cultivé entendait dans « Baise m’encor, rebaise moi et baise » un écho du célèbre poème de Catulle.Cet aspect érotique n’existe pas dans le poème de Du Bellay.

Sur le plan thématique, on peut dire que les deux poètes du XVIe siècle se sont approprié des aspects différents du poème de Catulle.

II. Imitation de l’expression.1. Elle est très grande dans le poème de Du Bellay.

Le vers 1 est un calque quasi exact, sauf le remplacement de « aimons » par la répétition de « vivons ».On retrouve l’évocation des remarques des vieillards ; et celle de la brièveté de la vie : idée de la course du soleil vers 5 et 6 chez Du Bellay et vers 4 chez Catulle, opposition de « lumière » et « nuit » tous deux à la rime chez Du Bellay / opposition de « lux » et « nox » en début et fin de vers chez Catulle, et vers 8 qui est presque une traduction du vers 6 de Catulle.

2. L’imitation de l’expression est moins frappante chez Louise Labé, mais il faut remarquer quand même la répétition de « baiser » (verbe et nom) et celle de « Donne » qui font écho à « DA » et « BASIA » chez Catulle.

III. Dépassement de la simple imitation.Cependant, les deux poèmes présentent une part d’originalité.

1. Du Bellay consacre les deux tercets à une idée nouvelle : les premiers vers du 1er tercet rejettent une forme vulgaire du Carpe Diem : « Donc imiterons-nous le vivre d’une bête ? / Non... » ; les quatre derniers vers invitent à une sorte de Carpe Diem raisonnable, comme le montre en particulier l’opposition entre « quelque fois » et « toujours »

2. Louise Labé, dans les tercets, dépasse la simple invitation à l’amour présente dans les quatrains : le distique du 1er tercet affirme la possibilité pour les Amants de dédoubler leur vie ; le quatrain formé par les quatre derniers vers affirme le besoin d’exprimer concrètement ses sentiments.

Éléments de conclusion :La comparaison de ces deux poèmes avec un poème antique qu’on peut appeler « poème source », nous a permis de constater : que le poème antique a inspiré les poètes de la Renaissance dans les thèmes abordés, mais que chaque poète a

retenu un thème différent que l’expression même peut être profondément modelée par le poème ancien que cette imitation n’empêche pas l’expression d’une idée originale : l’idée originale semble même naître de

l’imitation, car l’imitation permet de mettre en valeur ce qui va différer du modèle. que la structure du sonnet permet de mettre en relief cette part d’originalité : c’est dans les tercets que le sonnet

prend son sens profond ; et on distingue aussi l’existence d’une structure cachée 2 + 4 sous la structure 3 + 3