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8/13/2019 Wolfgang KLEIN - L'acquisition d'une langue trangre
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KLEIN - .Lacquisition .de .langue.trangre1
Wolfgang KLEIN :L'acquisition de langue trangre.
Paris, Armand Colin, 1989
Traduction par Colette NOYAU (ms dfinitif).
(Zweitspracherwerb. Eine Einfhrung.Athenum Taschenbcher Linguistik. Knigstein/Ts, Athenum Verlag 1984, 206 p.)
http://colette.noyau.free.fr
SOMMAIRE
FICHIER 1-A chapitres 1 3
Pagination du manuscritAvant-propos
3
I. Le processus d'acquisition de la langue
5
1. Acqurir une langue, quelques ralits simples, quelques questions
importantes, quelques thories connues.
6
1.1 L'acquisition de la langue maternelle
61.1.1 Le dveloppement cognitif, social et linguistique
61.1.2 Le "dispositif d'acquisition linguistique"
8
1.1.3 La priode critique pour l'acquisition de la langue maternelle
9
1.1.4 Bilinguisme compos, bilinguisme coordonn
10
1.1.5 Dominance et spcificit des langues pour le bilingue
11
1.1.6 Retard de dveloppement chez les enfants bilingues?
12
1.2 De l'acquisition de la langue maternelle lacquisition de langue trangre
12
1.3 L'acquisition d'une langue trangre
131.3.1 Lacquisition non guide13
1.3.2 Lacquisition guide dune langue trangre15
1.4 Le rapprentissage
16
1.5 Quelques thories de l'acquisition des langues trangres17
http://colette.noyau.free.fr/upload/KleinALEfr_1.pdfhttp://colette.noyau.free.fr/upload/KleinALEfr_1.pdfhttp://colette.noyau.free.fr/upload/KleinALEfr_1.pdfhttp://colette.noyau.free.fr/upload/KleinALEfr_1.pdf8/13/2019 Wolfgang KLEIN - L'acquisition d'une langue trangre
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1.5.1 L'hypothse de l'identit
17
1.5.2 L'hypothse contrastive
18
1.5.3 Krashen : la thorie du "contrle"
201.5.4 Thories des lectes d'apprenants
21
1.5.5 La thorie de la pidginisation
21
1.5.6 Conclusion
22
NOTES
23
2. Six dimensions fondamentales de l'acquisition linguistique
25
2.1 Vision d'ensemble25
2.2 La propension apprendre
26
2.3 La capacit linguistique
28
2.4 L'accs la langue
30
2.5 La structure du dveloppement
32
2.6 Le rythme du dveloppement
34
2.7 L'tat final
34
2.8 Synthse
35NOTES
36
3. Possibilits d'intervention
37
/
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KLEIN - .Lacquisition .de .langue.trangre
2
FICHIER 1-B chapitres 4 6
II. De lexposition la langue aux lectes d'apprenants39
4. Les quatre tches de l'apprenant
40
4.1 Analyser la langue
40
4.2 Construire l'nonc41
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4.3 Mettre en contexte
41
4.4 Comparer
41NOTES
425.Analyser la langue
43
5.1 Les connaissances pralables
43
5.2 Les caractristiques structurales des donnes
45
5.3 Premier exemple : test de rptition sur l'acquisition des pronoms personnels
47
5.4 Deuxime exemple : test de traduction sur l'acquisition des verbes modaux
48
5.5 Troisime exemple : les expressions figes non analyses50
NOTES
51
6. Construire l'nonc
52
6.1 La syntaxe des systmes lmentaires d'apprenants
52
6.2 Etapes suivantes de la synthse
586.2.1 L'acquisition des formes verbales flchies
59
6.2.2 L'acquisition de la ngation
62
NOTES
70
FICHIER 2 chapitres 7 fin
7. Lintgration au contexte
73
7.1 Dixis, ellipse et autres formes de la dpendance du contexte
74
7.1.1 La dixis76
7.1.2 L'anaphore
77
7.1.3 L'ellipse
78
7.1.4 Ordre des mots et intonation
79
7.2 L'expression de la temporalit dans les lectes d'apprenants
807.2.1 La temporalit
807.2.2 La temporalit dans un lecte lmentaire d'apprenant
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84
7.3 Conclusion
88NOTES
88
8. Comparer90
8.1 Questions gnrales
908.1.1 Distance objective, distance subjective
90
8.1.2 La variabilit de la langue cible
91
8.1.3 Perception "consciente" et "non consciente" de la distance
91
8.1.4 La rflexion mtalinguistique
918.2 Les formes du contrle
928.2.1 La surveillance linguistique
93
8.2.2 Les ractions de l'interlocuteur (la rtroaction)
92
8.2.3 La rflexion sur la langue
93
8.3 Les rgles "critiques" ou : quoi comparer ?
94
8.3.1 Tche communicative, tche dacquisition95
8.3.2 Degr de confirmation et rgles hypothtiques95
8.3.3 Le caractre critique des rgles
96
8.3.4 Quelques implications
97
8.3.5 Illustration
98
8.4 Les autocorrections104NOTES
107
Conclusion
109
Postscriptum
110
Glossaire
111
Bibliographie
112
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3
Avant-proposPeut-on intervenir sur des processus naturels pour les amliorer en influant sur eux? La
russite n'est pas garantie. L'exprience prouve que de telles interventions peuvent produiredes rsultats positifs ou ngatifs, et ce en fonction de ce que nous savons sur ces processus et
les
lois qui les gouvernent. L'acquisition d'une langue, maternelle ou seconde, est un exemple
d'un
tel processus naturel. L'enseignement des langues est une tentative d'intervention dans ce
processus naturel pour l'optimiser. Il est clair que cette intervention peut d'autant mieux
russir
que nous en savons plus sur les lois qui rgissent le processus sous-jacent. C'est pourquoi il
est
important d'tudier ces lois. C'est l'objet de la recherche sur l'acquisition des langues.
Ce livre est une introduction l'un des domaines les plus importants de l'tude de
l'acquisition linguistique, l'acquisition d'une seconde langue (ou langue trangre). On ne fera
que de brves allusions l'acquisition de la langue maternelle, qui lui ressemble en bien des
aspects, mais qui a t beaucoup mieux tudie. L'tude de l'acquisition des langues
trangres
ne possde pas une tradition trs longue. Alors que la recherche sur l'enseignement des
langues
qui, logiquement, doit reposer sur l'tude de leur acquisition, a une longue histoire, avec
plusieurs milliers de publications par an, et qu'elle constitue la sous-discipline la plus
prolifique
de la linguistique dans son ensemble, on ne comptait il y a une quinzaine d'annes quequelques recherches isoles sur les principes selon lesquels une seconde langue s'acquiert,
sans
aucune thorisation autonome ou globale. La situation a chang depuis : le foisonnement des
tudes empiriques chappe toute vision d'ensemble, et certaines tudes tentent maintenant
d'intgrer les rsultats partiels dans des thories globales. Ce livre avait t conu initialement
comme une introduction ces recherches. Mais en le rdigeant, je me suis convaincu de deux
choses :
- il est vrai qu'il existe de trs nombreuses recherches empiriques, programmes ambitieux ou
tudes individuelles, mais leurs rsultats sont disparates, souvent difficiles comparer entre
eux, et l'image qui s'en dgage est relativement floue;
- il existe d'autre part une srie de thories ou d'orientations thoriques, mais ou elles sont trsglobales, ou, si elles sont plus concrtes, elles gnralisent htivement des rsultats isols.
C'est pourquoi j'ai prfr offrir une reprsentation des questions qui vise clairer
l'tude de l'acquisition des langues, plutt que d'inventorier et de commenter exhaustivement
les unes aprs les autres les rponses fragmentaires qui ont t apportes jusqu'ici.
Evidemment, je m'appuierai chaque fois sur les recherches disponibles, mais en insistantgalement sur les lacunes et les questions ouvertes.
Ce livre est constitu de deux parties. Dans la premire, on arpentera le terrain. On
introduira quelques concepts importants, on tablira des distinctions ncessaires, on
esquissera
brivement les thories actuelles. Dans la seconde partie, on dveloppera de faon cohrente
lesproblmes de l'acquisition des langues partir d'une perspective prcise, celle de l'apprenant,
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qui traite les donnes linguistiques auxquelles il est expos l'aide de sa facult
d'apprentissage, et qui se construit pas pas la capacit comprendre une nouvelle langue et
la parler lui-mme. Je pense que cette perspective offre deux avantages apprciables : d'un
ct,
elle permet d'tablir des liens sur bien des points avec la recherche psycholinguistique qui
s'intresse galement avant tout aux processus de comprhension et de production chez lelocuteur. D'un autre ct, c'est la faon la plus claire de se reprsenter les problmes de
l'acquisition linguistique. Nous avons tous t des apprenants, et le sommes peut-tre encore.
Cette dmarche a un inconvnient, c'est que la majeure partie des recherches n'adoptent pas
cette perspective, mais sont centres sur les structures plutt que sur les processus, pour le
dire
de faon un peu schmatique. Mais je vois l une faiblesse des recherches menes jusqu'
prsent, et qu'on doit surmonter.
La premire partie et l'essentiel de la seconde partie devraient tre aisment accessibles
au lecteur possdant quelques connaissances de base en linguistique. Certains concepts moins
courants sont dfinis dans un glossaire. Les sections 6.2, 7.2, 8.3 et 8.4 sont un peu plus
ardues.Elles sont signales dans le texte par un astrisque et peuvent ventuellement tre omises la
premire lecture.
Le plan de ce livre doit beaucoup des discussions avec Jrgen Weissenborn. Plusieurs
amis et collgues m'ont fait bnficier de leurs conseils, remarques critiques et commentaires :
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Rainer Dietrich, W.J.M. Levelt, Clive Perdue et Christiane von Stutterheim. J'ai prsent le
contenu du manuscript des sminaires Brighton, Heidelberg, Francfort et Salzburg, dontles
participants ont apport de prcieuses remarques. Le manuscrit original a t mis au net par
Marlene Arns. Des modifications ont t apportes par rapport la version allemande, ajouts,
mises--jour et rfrences bibliographiques nouvelles, avec la collaboration de Colette Noyau.
Je leur dois tous des remerciements.
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PREMIERE PARTIE
LE PROCESSUS D'ACQUISITION DES LANGUESCette partie comprend trois chapitres. Le premier est un panorama des recherches sur
l'acquisition des langues. On y abordera diffrents types d'acquisition linguistique, on posera
des faits fondamentaux, on discutera quelques questions essentielles qui ont t lucides dans
les dernires annes, et on introduira quelques-unes des principales thories. Ce livre traite de
l'acquisition des langues trangres, mais pour des raisons objectives, et galement vu la
faon
dont ce domaine de recherche s'est dvelopp, il s'est avr ncessaire de replacer cette forme
d'acquisition linguistique dans un cadre plus gnral.
Il est trs difficile de donner une image claire de l'tat des recherches, car le domaine est
htrogne divers titres, en ce qui concerne les questions fondamentales, les mthodes de
recherche, les tentatives d'explication, et galement la terminologie. C'est pourquoi dans le
second chapitre, nous tenterons de structurer ce paysage trs divers en un tout cohrent. Dans
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une perspective psycholinguistique, l'acquisition des langues apparat comme un processus
- soumis des lois prcises,
- dtermin dans son dveloppement, son rythme et son tat final par divers facteurs, et
- pouvant tre influenc un certain degr par une intervention mthodique : l'enseignement.
Au centre de cette conception, se trouve l'apprenant qui se voit, dans une situation
sociale donne, contraint de - ou autoris - exercer sa capacit apprendre sur les donneslinguistiques auxquelles il est expos. Beaucoup d'aspects qui sont traits de faon encore trs
globale dans ce chapitre sont dtaills dans les chapitres de la seconde partie, en fonction de
l'tat de la recherche. Car aujourd'hui, nos connaissances sur l'acquisition des langues restent
encore trs fragmentaires sur bien des points. Mais il nous semble important de commencer
par
une vision d'ensemble englobant tous les aspects, mme si nous ne serons pas en mesure d'en
dvelopper tous les dtails par la suite.
Dans le troisime chapitre, nous aborderons brivement la question des possibilits qui
existent, selon cette reprsentation, pour guider systmatiquement le processus; nous
tablirons
donc par l-mme les frontires et les angles d'attaque possibles de l'enseignement, sans allerjusqu' formuler des propositions concrtes pour amliorer l'enseignement. Mais il nous
semble
important de replacer l'enseignement des langues ds l'abord dans une juste perspective. Tant
qu'on ne connat pas les lois qui gouvernent le processus d'acquisition et les facteurs qui le
dterminent, il est illusoire de penser un enseignement scientifique des langues trangres.
Dans le troisime chapitre, nous en dirons les raisons.
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61. Quelques formes d'acquisition linguistique, quelques faits
lmentaires, quelques questions importantes, quelques thories
connuesTout enfant apprend normalement en quelques annes une langue, sa premire langue
ou, comme on a coutume de le dire, sa langue maternelle. Il existe des exceptions pour des
raisons physiologiques (par exemple la surdit) ou sociales (par exemple les "enfants-
loups")*1.
Normalement, un enfant, l'ge de l'cole primaire, est mme de se faire comprendre
couramment. Aprs la pubert, la matrise de la langue ne se dveloppe plus que peu, mme si
sur plusieurs aspects, le processus d'acquisition nest jamais totalement arrt (par exemple en
ce qui concerne le lexique). Cette acquisition de la premire langue, ou acquisition initiale, estdonc doublement premire : c'est la premire dans le temps, et c'est une acquisition
fondamentale.
Cependant beaucoup d'individus n'apprennent pas une langue unique, ils en
apprennent deux (ou plus), et cela simultanment, de sorte qu'on doit parler alors des
premires langues et non de la premire, ou avec un certain dcalage dans le temps. Selonl'importance de ce dcalage, l'acquisition de la premire langue peut avoir atteint un stade plus
ou moins avanc; dans certains cas, on peut la considrer comme acquise. Ce dernier cas
concerne l'aprs-pubert*2.
Une premire distinction vidente est donc faire selon qu'il y a dj eu acquisition
d'une langue ou non. Dans le premier cas, on parle d'acquisition d'une langue trangre
(ALE),dans le second, d'acquisition de premire(s) langue(s) ou acquisition de langue maternelle
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(ALM). Il est clair que cette distinction est dlicate tablir, elle dpend du stade atteint par
l'acquisition de la premire langue (ou des premires, si elles sont plusieurs). Il reste
mentionner un dernier cas, c'est la racquisition, lorsqu'une langue qui avait t apprise est
oublie ou rendue indisponible par une aphasie par exemple, et qu'elle doit tre acquise
nouveau. Nous avons donc trois types principaux d'acquisition linguistique, qui ne peuvent
pas toujours tre distingus les uns des autres de faon tranche et qui peuvent faire l'objet dedistinctions plus fines : l'acquisition de la premire langue, l'acquisition d'une langue
trangre, la racquisition d'une langue. La premire question fondamentale est la suivante :
dans quelle mesure ces trois types d'acquisition linguistique3 suivent-ils des lois identiques,
malgr les diffrences qui les caractrisent? Nous allons y revenir ci-dessous.
1.1 L'acquisition de la premire langueOn parle d'acquisition de la premire langue lorsque l'apprenant, en gnral un enfant,
n'avait encore acquis aucune langue auparavant. Selon qu'il acquiert alors une seule langue (ce
qui est sans doute le cas le plus frquent) ou qu'il en acquiert deux, on peut parler
d'acquisition
monolingue ou d'acquisition bilingue.
L'acquisition monolingue de la premire langue est de loin la forme la mieux tudie del'acquisition linguistique. Nous ne pouvons pas dcrire dans cet ouvrage l'acquisition de la
premire langue4. Mais on peut en relever un certain nombre d'aspects qui sont pertinents
pour
l'acquisition de langue trangre (ALE)5 et sa relation avec l'acquisition initiale; nous allons
les
passer en revue ci-dessous.
1.1.1 Le dveloppement cognitif, social et linguistiqueL'acquisition de la premire langue est parallle au dveloppement cognitif et social de
l'enfant : celui-ci passe de la condition d' infans (celui qui n'a pas la parole) celle de zoon
logon echon et de zoon politikon , il acquiert la parole et l'intelligence et devient un tre
social.
Cela entrane quelques diffrences essentielles entre l'acquisition d'une premire langue et
l'acquisition d'une langue trangre. Nous allons les introduire l'aide de quelques exemples.
A) Le dveloppement cognitif
Dans les langues comme le franais, l'allemand, l'espagnol, par exemple, pratiquement
tout nonc contient, avec la forme conjugue du verbe, une marque de temps. Pour pouvoir
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marquer ce temps grammatical (cf. angl. tense) correctement, l'apprenant doit disposer entreautres du concept du Temps (cf. angl. time), c'est--dire par exemple de concepts comme le
Prsent, le Pass, et d'autres encore. L'laboration de ces concepts est un processus long et
complexe6; beaucoup d'enfants confondent jusqu' l'ge de l'cole primaire "hier" et
"demain",
par exemple. C'est pourquoi lorsque vers quatre ans, ils produisent des phrases qui tout sonttout fait correctes d'un point de vue grammatical, on peut se demander si ce qu'ils expriment
par une forme verbale de pass, est identique ce que la langue des adultes met l-dessous -
du
moins on peut se le demander tant qu'il n'y a pas malentendu ni conflit de communication.
Cela nous amne deux affirmations importantes : Premirement : Le fait que les noncs
soient grammaticalement corrects n'implique pas que la langue soit acquise correctement; cesnoncs peuvent signifier tout autre chose pour l'apprenant. Deuximement : Les catgories
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cognitives qui sont exprimes dans les langues de diverses faons doivent avoir t acquises
en
tant que telles au pralable. C'est le cas en gnral pour l'apprenant d'une seconde langue,
mais
pas pour l'apprenant de langue maternelle7.
Examinons encore un second exemple, qui est particulirement instructif. L'une descaractristiques essentielles des langues naturelles est leur dpendance du contexte. Elle se
manifeste par exemple dans l'emploi des expressions dictiques. Tandis que des expressions
comme "Napolon", " Toulouse", "avant la seconde guerre mondiale" possdent une
signification relativement8 stable, des expressions dictiques comme "maintenant", "moi",
"ici"
dsignent chaque fois quelque chose de diffrent - en fonction de qui parle, o et quand.
L'organisation concrte de la deixis diffre selon les langues. Ainsi, pour la deixis spatiale,
l'anglais possde une organisation deux ples (here / there) alors que l'allemand possde une
organisation tripolaire (hier / da / dort) - en dehors du fait que les units lexicales sont
diffrentes. Mais ce qui est identique, c'est le principe de la dpendance par rapport au
locuteur, au moment de la parole, au lieu de la parole et quelques autres paramtres (cetteconception a t labore en premier par Bhler, 1934 puis par Benveniste, 1946 1966 ; voir
plus rcemment Wunderlich 1971, Fillmore 1971, et sur la deixis dans des langues diverses
Weissenborn & Klein 1982).
Ce n'est pas simple pour un enfant d'acqurir ce principe du changement dictique
(voir Clark 1978, Wales 1979, Tanz 1980). Mais, ds qu'il est acquis une fois, il l'est une fois
pour
toutes. Lors de l'acquisition d'une seconde langue, l'apprenant n' plus acqurir le
mcanisme
sous-jacent de la dpendance du contexte, il ne doit plus acqurir que les mots adquats pour
"le locuteur quel qu'il soit", "le lieu de la parole quel qu'il soit", etc., pourrait-on dire en
simplifiant un peu.
Pour rsumer, il existe des lments essentiels de la matrise d'une langue qui sont lis
au dveloppement cognitif et qui doivent tre acquis lors de l'acquisition de la premire
langue;
ils sont alors disponibles lors de l'acquisition d'autres langues. Il ne faudrait cependant pas en
conclure que lors de l'acquisition d'une seconde langue, on n'aura pas besoin d'laborer
certains
concepts cognitifs, ou, ce qui est souvent plus difficile, de les modifier. Quelqu'un qui a
acquis
le franais comme premire langue n'a pas dvelopp une catgorie comme l'aspect de la
mmefaon qu'un sujet qui a acquis le russe comme premire langue ; c'est pourquoi lorsqu'il
apprendra le russe, il devra d'abord relaborer assez profondment ce concept. Mais dans
l'ensemble, lors de l'acquisition d'une seconde langue, les pralables cognitifs ncessaires sont
dj acquis dans une beaucoup plus grande mesure que lors de l'acquisition de la premire
langue.
B) Le dveloppement social
Pour un enfant, l'acquisition de la langue n'est que l'un des aspects de son
dveloppement pour devenir un membre de la socit laquelle il appartient. Avec la langue,
il
apprend exprimer des sentiments, des reprsentations, des dsirs, selon certaines normes
sociales; il apprend qu'on n'a pas toujours le droit de parler quand on veut, comme on veut et qui l'on veut ; il apprend comment on se fait des amis et des ennemis par la parole; il apprend
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que l'on ne doit pas toujours dire la vrit; c'est par l'intermdiaire de la langue que les
reprsentations culturelles, morales, religieuses et autres d'une socit sont transmises. Toute
l'acquisition de la premire langue pour l'enfant est place sous le signe de la maxime :
"Deviens ( peu prs) comme les autres". Ou pour le dire de faon plus nuance : "Acquiers
une identit sociale et dans le cadre de cette identit sociale une identit individuelle". Pour la
plupart des formes d'acquisition d'une langue trangre, les choses sont diffrentes. L'identitsociale de l'apprenant d'une langue trangre est en grande partie (sans doute pas totalement)
fixe. A l'inverse, le dsir de ne pas perdre cette identit est parfois un frein important
l'acquisition de la langue. Le fait que les enfants semblent acqurir une seconde langue
souvent
plus facilement que les adultes (nous y reviendrons) est souvent mis en relation avec des
facteurs biologiques. Mais on peut tout fait concevoir que les enfants aient moins peur de
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perdre leur identit sociale. Quoi qu'il en soit, nous pouvons affirmer que l'acquisition de la
premire langue est troitement lie au dveloppement social et, par l-mme, la
construction
d'une identit sociale, ce qui n'est pas vraiment le cas pour l'acquisition d'une autre langue.
1.1.2 Le "dispositif d'acquisition linguistique" (DAL)Selon une opinion trs rpandue, l'acquisition de la premire langue est rapide et facile.
Cette vue a sous-tendu la conception certainement la plus influente dans la recherche sur
l'acquisition des langues des trente dernires annes, celle de Chomsky et du "dispositif
d'acquisition linguistique" (Chomsky 1959, 1965, 1975). Tout enfant normal, selon Chomsky,
se
construit en un temps tonnamment court une grammaire parfaite de sa langue maternelle.Cela ne peut pas s'expliquer l'aide des thories comportementales de l'acquisition qui
rgnaient alors aux Etats-Unis (et que Skinner (1957) avait places la base du comportement
linguistique galement)9. Il faut au contraire admettre pour Chomsky que l'tre humain
dispose d'un mcanisme linguistique qui est
(a) spcifique l'espce, c'est--dire par lequel l'homme se diffrencie par exemple des autres
primates;
(b) spcifique l'apprentissage linguistique, c'est--dire par lequel l'acquisition linguistique se
diffrencie de l'acquisition d'autres formes de comportement ou d'autres systmes de
connaissances;
(c) qui prstructure fortement les proprits de la grammaire : de nombreuses proprits
grammaticales d'une langue ne sont pas acqurir, elles sont innes.Le fait que l'homme possde un dispositif d'acquisition linguistique est incontestable,
c'est une autre faon de dire qu'il est mme d'acqurir une langue. Mais ce qui reste matire
discussion, ce sont les caractristiques prcises de ce dispositif, c'est--dire la question de
savoirsi les propositions (a) (c) sont justes. De notre point de vue, c'est (c) qui rcle les
implications
les plus importantes, c'est--dire l'ide que certaines proprits structurelles de la grammaire
seraient innes. Selon cette conception, les donnes partir desquelles l'enfant apprend ne
font
qu'activer les composantes de la grammaire, exactement comme le systme spcifique l'homme de la perception visuelle se dveloppe partir d'un programme biologique fixe, qui a
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videmment besoin de stimulations extrieures pour tre activ. Un enfant qui grandirait dans
le noir serait aussi incapable d'apprendre voir qu'un enfant qui n'entendrait jamais parler de
se construire une grammaire. Et de mme que le systme visuel de l'homme ne pourrait pas se
dvelopper par induction partir de ce que l'enfant est amen voir, pour Chomsky il serait
impossible la langue de l'enfant de se dvelopper sur la base de ce que l'enfant reoit comme
donnes linguistiques de son environnement. Dans cette perspective, une tude desinteractions
mre-enfant (voir par exemple Snow & Ferguson 1977) nous en apprend peu prs autant,
selon Chomsky, en ce qui concerne l'acquisition de la premire langue que l'tude des formes
des berceaux, des chambres d'enfants ou des grand'mres nous en apprendrait sur le
dveloppement de perception visuelle.
De toute faon, ne peut tre inn que ce qui est commun toutes les langues, car
d'aprs tout ce qu'on sait, tout nouveau-n est capable d'acqurir n'importe quelle langue. Ce
qui peut tre inn, ce sont certains traits gnraux de toute grammaire, la "grammaire
universelle". Ce qui est spcifique une langue donne, donc par exemple ce qui diffrencie
le
franais du chinois, doit tre driv de faon inductive des donnes auxquelles l'enfant estexpos au cours de son acquisition. Cela comprend
-l'ensemble du lexique,
- l'ensemble de la morphologie,
-l'ensemble de la syntaxe telle qu'elle est prsente dans les descriptions grammaticales
usuelles
des langues10,
- la majeure partie de la phonologie,
bref, presque tout. Dans la grammaire universelle, on peut mettre d'aprs Chomsky lui-mme
quelques principes gnraux sur lesquels nous n'allons pas nous tendre ici (voir Chomsky
1985 pour un expos de l'tat le plus rcent de sa thorie, et en particulier sur la question de
l'acquisition de la premire langue, voir Hornstein & Lightfoot 1981 et Baker & Mc Carthy
1982). Pour l'acquisition de la premire langue, il est donc relativement indiffrent que la
thorie de Chomsky soit juste ou non.
Il est intressant de rflchir sur ses implications pour l'acquisition d'une seconde
langue. Chomsky lui-mme ne s'est pas attaqu ce problme, et on ne trouve pas beaucoup
de
rfrences ce sujet (voir par exemple Schmidt 1980, White 1983, Mazurkievicz 1984).
Supposons un instant que les deux hypothses suivantes soient justes :
(a) L'acquisition de la premire langue par l'enfant est relativement rapide, facile et faiblement
dtermine par les donnes linguistiques disponibles et auxquelles l'enfant est expos
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("dsesprment sous-dtermine", comme Chomsky aime dire), alors que l'acquisition
d'unelangue par un adulte est ardue et imparfaite.
(b) Cette diffrence s'explique par la vertu bienfaisante de la Grammaire Universelle.
On peut alors se demander pourquoi la grammaire universelle n'agit plus chez l'adulte. On
peut imaginer que pour une raison biologique quelconque la capacit apprendre soit
amoindrie (voir ce propos la section 1.1.3 ci-dessous). Mais cette volution ne peut
videmment pas mettre "hors circuit" la grammaire universelle, puisqu'elle est l'uvre enpermanence et dans toute langue; l'apprenant n'a donc mme pas l'activer nouveau quand il
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acquiert une seconde langue. On peut aussi envisager que ce soit la grammaire universelle qui
ait"grav" certains traits structuraux lors de l'acquisition initiale (dans les termes de Chomsky,
elle a "fix" certains "paramtres ouverts"), lesquels doivent tre remis en mouvement et
peuvent donc constituer des difficults d'acquisition. Mais si c'tait le cas, il devrait tre
beaucoup plus difficile pour un enfant comme pour un adulte d'apprendre une seconde langue
que la premire (toujours suivant l'hypothse (b) ci-dessus). Cela n'a pas t suffisammenttudi, mais tout ce que nous savons laisse supposer le contraire : les enfants peuvent
apprendre avec la plus grande facilit deux langues l'une aprs l'autre, et la seconde souvent
plus vite que la premire. La raison pour laquelle l'acquisition de la premire langue par un
enfant est aise, si l'on considre que c'est le cas, ne peut pas rsider dans l'intervention de la
grammaire universelle, il doit exister d'autres raisons cela11.
1.1.3 La "priode critique" pour l'acquisition de la langue maternelle (ALM)Lorsqu'on est enfant, on apprend normalement sa (ou ses) langue(s) maternelle(s). On
peut se demander si partir d'un certain ge l'acquisition de la langue maternelle est encore
possible, ce qui suppose de pouvoir rpondre une question pralable : celle de la dure de
l'ALM. Mais il n'existe pas de rponse simple cette dernire question, car tout dpend de ce
qu'on entend par langue et par matrise complte de la langue. Si l'on considre lesvagissements prlinguistiques du nourrisson, l'expression de ses dsirs et des tats dans
lesquels il se trouve par certains types de cris, comme faisant dj partie du dveloppement
linguistique, l'acquisition de la langue commence la naissance (voir ce propos Kainz 1959,
II.
; Fletcher & Garman 1979, I ; Weir 1962). Si l'on considre la matrise du subjonctif pass ou
du
pass simple comme un aspect important de l'acquisition du franais, l'acquisition de la langue
maternelle reste sans doute inacheve jusqu' la mort.
En gnral, on peut partir du fait qu'aprs la pubert les choses voluent relativement
peu (cf. note 3). Un enfant l'ge de l'cole primaire matrise dj relativement bien sa langue
maternelle, mais de nombreuses structures sont acquises plus tardivement (C. Chomsky 1969
;
Karmiloff- Smith 1979 ; Lindner 1983), et les activits langagires dans lesquelles il est
engag
sont encore assez limites. C'est pourquoi on peut dire que l'acquisition de la langue
maternelle
n'est pas particulirement facile ni rapide. Si l'on considre qu'un enfant entend sa langue, la
parle et donc apprend, pendant peu prs cinq heures par jour - si vous avez des enfants, vous
savez quel point c'est une estimation minimale - il dispose d'environ 9100 heures pour
acqurir sa langue, au long de ses cinq premires annes (cf. Burke 1974). Mais aprs tout ce
temps, il y a encore de nombreuses constructions qu'il ne possde toujours pas (par exempleen
anglais la fameuse construction avec l'adjectif "easy" : "John is easy to please"). De
nombreuses
coles de langues proposent mme des programmes dits "d'immersion totale", dans lesquels
les
apprenants, durant quatre ou six semaines, sont bombards par de la langue trangre douze
heures par jour. Ce genre de programme conduit d'ordinaire une trs bonne matrise de la
langue, mme si la richesse du lexique et la varit des constructions syntaxiques sont encore
limites12. L'apprenant y parvient donc en 500 heures environ, s'il s'agit d'un programme de
six
semaines, ce qui montre que la conception d'une acquisition rapide et sans effort de la langue
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maternelle oppose l'acquisition lente et pnible d'une langue trangre tient de la lgende.
Si
l'on place la fin de l'acquisition de la langue maternelle la fin de la pubert, la comparaison
est
encore beaucoup plus dfavorable.
La reprsentation - trompeuse, comme nous venons de le voir - de l'acquisition initialede la langue comme rapide et sans effort a conduit le neuropsychologue Penfield (Penfield &
Roberts 1959) considrer que cette caractristique tait lie au dveloppement
physiologique
du cerveau pendant l'enfance. Cette ide a t reprise par Lenneberg (1967), qui l'a labore
en
une thorie trs discute de la "priode critique" : ce n'est que pendant une priode
dtermine,
qui s'tend environ de la seconde anne jusqu' la pubert, que le cerveau jouit d'un degr de
plasticit qui permet une forme particulire de l'acquisition linguistique, l'acquisition
enfantine
de la langue maternelle. Aprs cette priode, on assiste la rigidification des diffrentes
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fonctions crbrales, en particulier la localisation de la plupart des fonctions linguistiques
dans
l'hmisphre gauche, ce qui ne veut pas dire qu'il soit devenu impossible d'apprendre encore
une langue aprs cette priode, mais que cet apprentissage s'opre du point de vue
physiologique d'une faon diffrente, moins facile. Et cette distinction physiologique conduit
considrer l'acquisition de la langue maternelle et l'acquisition d'une langue trangre (aprs
la
pubert) comme des processus diffrents.
Il est certain qu'une telle thorie a des implications importantes pour l'acquisition des
langues trangres, mais surtout pour l'enseignement des langues trangres, car si elle est
valable, il faudrait employer des mthodes tout fait diffrentes aprs la pubert. Mais on
peut
douter de la pertinence de cette thorie. D'abord les preuves purement biologiques sont tout
sauf sres (on les trouvera discutes dans Lamendella 1977, Ekstrand 1979, Paradis & Lebrun
1983). Ensuite l'ide que l'acquisition d'une langue trangre est plus difficile et moins
efficaceaprs la pubert est confirme par maints faits d'observation et par les donnes de plusieurs
recherches. Mais rien ne dit que ce soit sans exception possible, et encore moins que les
facteurs
soient purement ou essentiellement biologiques. Il peut aussi bien se faire que la disposition
abandonner une identit sociale acquise antrieurement soit plus faible chez l'adulte. Mmedans le domaine de la phonologie - y compris l'intonation - pour laquelle les apprenants
adultes
semblent souvent ressentir des difficults particulires, les recherches de Neufeld (1979) ont
montr que des adultes suffisamment motivs peuvent apprendre la prononciation de langues
qui leur sont totalement exotiques si parfaitement qu'on ne peut plus les distinguer leur
accent des locuteurs natifs. Cela prouve qu'une acquisition parfaite d'une langue trangrereste
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tout fait possible aprs la pubert. Mais nous n'en sommes pas plus avancs en ce qui
concerne le degr de difficult de la chose, ni sur la nature, identique ou diffrente, de
l'apprentissage.
Ces trois aspects : dveloppement cognitif, social et linguistique, dispositif d'acquisition
des langues, et priode critique, affectent galement l'acquisition initiale de la langue en
situation monolingue ou bilingue. Ce dernier cas (acquisition parallle de deux langues) n'estpas trs frquent dans nos socits, car on a le plus souvent un dcalage dans le temps entre
l'acquisition des deux langues en prsence : il s'agit alors d'une transition entre acquisition de
la
langue maternelle et acquisition d'une seconde langue. Mais on dispose de toute une srie
d'tudes de cas bien documentes sur l'acquisition bilingue, parmi lesquelles il faut citer les
travaux classiques de Ronjat (1913) et de Leopold (1939-1949). Nous allons nous borner ici
en
commenter trois aspects13 : le bilinguisme coordonn ou compos (1.1.4), la dominance et la
spcificit des langues en prsence (1.1.5), et la question du retard de dveloppement
linguistique (1.1.6).
1.1.4 Bilinguisme coordonn, bilinguisme composDans l'acquisition initiale simultane de deux langues, deux systmes sont acquis en
mme temps, par exemple le franais et l'allemand. Ces systmes se distinguent en bien des
aspects, mais pas sur tout. Ainsi on y exprime bien souvent les mmes catgories comme la
temporalit, la modalit, la personne, etc., on y trouve des mots qui se correspondent, des
rgles syntaxiques comparables, etc. On peut alors considrer que l'apprenant dispose d'un
unique systme avec certaines composantes pouvant alterner et qu'il active selon ses besoins.
Cette ventualit semble plausible avant tout pour le lexique. L'apprenant apprend en quelque
sorte que pour un concept, comme "chaise", il existe deux ralisations phonologiques, par
exemple [ z] et [tu:l], et selon ses interlocuteurs il choisit l'une ou l'autre.Un bilingue qui a appris une langue dans sa petite enfance et une autre comme langue
trangre s'est d'abord construit un systme (plus ou moins (in)complet suivant le moment o
intervient l'acquisition de la seconde langue). Par la suite, il se construit un autre systme et,
quand il change de langue, il n'active pas des modules l'intrieur d'un systme unique, mais
passe d'un systme un autre. Si l'une de ces langues est dominante, toute une partie du
traitement linguistique s'effectuera toujours dans l'une des langues, et la seconde sera active
seulement aux niveaux superficiels de la production ou de la comprhension. Dans les cas
extrmes, la seconde langue n'intervient que comme insertion de formes phonologiques dans
des agencements pralables de sons et de sens; on peut penser que l'enseignement traditionnel
de listes de vocabulaire mne prcisment ce cas de figure.
Le premier avoir tent de conceptualiser ces diffrences fut Weinreich (1953). Il
distingue trois formes de bilinguisme, selon la structure interne du lexique :
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a) composb) coordonn
c) subordonn
signification
signification signification
signification
"chaise - Stuhl""Stuhl"
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"chaise"
"chaise"
eztu:ltu:l
ezeztu:lCette distinction a jou un rle important dans les vingt annes suivantes, du moins
dans une reformulation par Ervin & Osgood (1954). Ceux-ci ne distinguent plus qu'entre
"compos" et "coordonn", et considrent le troisime type comme un cas mixte. C'est la
faon
dont les langues sont acquises qui est considre comme dterminante. On se trouvera devant
un bilinguisme coordonn quand les langues sont acquises dans des environnements
diffrents,
par exemple chez ses parents puis l'tranger; tous les autres cas mnent au bilinguisme
compos. De ce point de vue, il est possible que chez un bilingue une partie du lexique soit"compose" et une autre "coordonne". Ces diffrentes formes d'acquisition mnent des
formes diffrentes de reprsentation smantique. Ervin & Osgood ont dcrit cette
reprsentation du sens dans le cadre d'un schma stimulus - rponse modifi. Par la suite, la
distinction entre les deux types de bilinguisme a t rinterprte plusieurs reprises (voir
surtout les travaux de Lambert, par exemple Lambert (1969)), et McNamara (1970, p. 31)
concluait : "Any clarity which the coordinate-compound distinction seemed to have was
deceptive". Cela n'empche pas qu'elle soit encore cite jusqu'aujourd'hui comme un apport
de
la recherche bien tabli. L'une des raisons de la fragilit - peut-tre aussi de la sduction - de
cette distinction est le fait qu'elle embrasse des lments trs diffrents :
a)Le mode de constitution : On admet souvent que l'acqusition des deux langues dans le
mme
environnement, comme c'est le cas habituel dans l'acquisition initiale bilingue, mne au
bilinguisme compos, alors que d'autres formes d'acquisition mnent au bilinguisme
coordonn (cette relation est d'ailleurs justifie de diverses faons par des chercheurs
diffrents);
b)La caractrisation linguistique : Nous avons parl plus haut d' "un systme avec des
composantes variables" oppos deux systmes relativement indpendants. Il est difficile de
fournir une caractrisation linguistique plus prcise, mme s'agissant du lexique, sur lequel
portent la plupart des recherches. La reprsentation "un sens - deux reprsentations
phontiques" est dj en elle-mme trs problmatique, car le lexique d'une langue est dotd'une structure interne; le sens d'un mot provient de sa relation aux autres mots dans cette
langue.
c)La ralisation neurophysiologique : Dans le bilinguisme coordonn, les connaissances des
deux
langues sont peut-tre stockes autrement que dans le cas du bilinguisme compos. On
pourrait
par exemple imaginer que la premire langue - ou les premires langues - soit engranges
dans
l'hmisphre gauche du cerveau, mais les langues trangres dans l'hmisphre droit. Des
hypothses de ce genre sont nouveau discutes intensivement dans la dernire priode (voir
Paradis 1977, Albert & Obler 1978; Genesee et al. 1978; Galloway & Krashen 1980;Friederici
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1983, 4.5, Peng (1983); on trouve trs souvent des contributions sur ce sujet dans la revue
"Brain
and Language").
On ne peut pas exclure que la distinction entre "compos" et "coordonn" touche un
point important. Mais elle est si imprcise qu'elle a suscit jusqu'ici plus de confusion que de
progrs.1.1.5 Dominance et spcificitDans l'acquisition initiale bilingue, on considre que les deux langues sont acquises de
faon identique; mais la symtrie est rarement parfaite ; d'ordinaire, chacune des langues est
lie de faon prfrentielle des personnes ou des activits donnes. Au cours du
dveloppement de l'enfant, cela aboutit en gnral ce qu'une des deux langues exerce une
sorte de dominance sur l'autre. Ce dsquilibre peut s'tendre tous les domaines de la
communication, amenant la langue moins privilgie s'effacer, ou la cantonnant des
fonctions restreintes. Dans l'tude de cas la plus exhaustive, celle de la fille de Leopold,
Hildegard, l'anglais, qui tait non seulement la langue de la mre mais celle de l'entourage
social, est devenu peu peu dominant au dtriment de l'allemand, la langue du pre.
Dans l'acquisition d'une langue trangre, la dominance et la spcificit sontgnralement encore plus marques. L'anglais est aujourd'hui parl par plus de locuteurs
comme langue trangre que comme langue maternelle (Smith 1983) ; il n'assume alors que
certaines fonctions spcifiques, et c'est la langue maternelle de chaque apprenant qui reste
dominante. Cependant, si clairants et importants que ces concepts puissent tre, il reste
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difficile de prciser quel rle la dominance ou la spcificit d'une langue jouent dans
l'acquisition elle-mme, particulirement en ce qui concerne le traitementneurophysiologique.
Peut-on dire que chaque phrase est d'abord construite partiellement dans la langue dominante,
puis traduite et articule dans l'autre langue? Le fait qu'on remarque souvent des influences de
la langue dominante dans la production semble aller dans ce sens. Par exemple, les locuteurs
espagnols ont tendance dire en franais : "un film que m'a plu", mme s'ils savent que l'on
devrait dire "qui" et qu'ils corrigent ds qu'on attire leur attention la-dessus. Une telle
interfrence est difficile expliquer si l'on n'admet pas que la production de la phrase inclut
entre autres la formation d'une phrase espagnole. De mme, des locuteurs qui parlent une
langue trangre trs souvent, ou mme majoritairement, depuis longtemps utilisent souvent
inconsciemment des stratgies de comprhension fondes sur leur langue maternelle et non
surla langue trangre (cf. Bates et al., 1982). D'un autre ct, les interfrences devraient tre
d'autant plus rares que les deux langues se rpartissent entre des situations de communication
plus spcifiques.
1.1.6 Retard d'acquisition chez les bilingues?Un enfant qui apprend simultanment deux langues fait face en quelque sorte undouble travail. Mme s'il n'y avait pas construction de deux systmes complets, au sens o on
l'entend pour le bilinguisme "coordonn", il lui faudrait au moins apprendre en double toutes
les parties de la langue qui sont diffrentes. Par ailleurs, l'enfant se trouve face la tche de
distinguer les deux sortes de donnes auxquelles il est expos, en d'autres termes il doit viter
d'inclure des composantes franaises dans son systme allemand et vice-versa. On pourrait en
infrer que cette situation conduira de nombreux mlanges, et d'autre part que l'acquisitioninitiale durera nettement plus longtemps en situation bilingue. Mais ces deux conclusions sont
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contredites par les faits. On observe bien des mlanges, surtout dans la phase initiale, mais
dans
une proportion trs restreinte, et il n'y a aucun argument contre le fait que ces deux systmes
puissent en principe rester spars. Ces contaminations donnent plutt l'impression que le
locuteur peut s'appuyer sur deux rpertoires en cas de besoin. Il est difficile de dire si
l'acquisition chez un enfant bilingue dure plus longtemps, et ceci pour deux raisons : d'abordparce qu'on trouve des diffrences individuelles importantes de dure d'acquisition (pour les
enfants monolingues aussi bien que bilingues), ensuite parce que d'une faon gnrale il est
difficile de dire quand l'acquisition initiale de la langue est acheve. S'il faut trancher, on peut
quand mme affirmer que l'acquisition initiale bilingue ne prend pas significativement plus de
temps que l'acquisition initiale d'une seule langue, et que cette double acquisition ne semble
pas crer de difficults particulires l'enfant de faon visible.
La question des ventuels effets ngatifs du bilinguisme sur le dveloppement cognitif
ou social de l'enfant n'a pas t tudie en grand. Certains chercheurs affirment qu'ils ont
dcouvert de tels effets, d'autres le contestent ou mme mettent en vidence des effets positifs.
Pour le moment, aucune de ces positions ne s'appuie sur des rsultats de recherche
convaincants. McLaughlin (1978, p. 206) conclue ainsi sa discussion minutieuse de cesquestions14
: "En rsum, pratiquement aucune affirmation gnrale sur les effets du
bilinguisme n'est conforte par des recherches effectives. Il n'a pas t dmontr que le
bilinguisme ait des consquences positives ou ngatives pour l'intelligence, les capacits
linguistiques, la russite scolaire, l'adaptation motive ou le fonctionnement cognitif. Dans
presque tous les cas, les rsultats obtenus sont contredits par d'autres recherches ou peuvent
tre mis en doute pour des raisons de mthode. La seule affirmation qui soit confirme par des
rsultats de recherche est que la matrise d'une seconde langue produit des diffrences si
l'enfant est test dans cette langue - ce qui n'est pas un rsultat trs surprenant."
En d'autres termes, rien ne prouve que les enfants bilingues diffrent des enfants
monolingues dans leur dveloppement, mis part le fait qu'ils connaissent deux langues.
1.2 De l'acquisition initiale l'acquisition d'une langue trangreComme nous l'avons vu, il n'existe aucune sparation nette entre l'acquisition de la
langue maternelle et l'acquisition d'une seconde langue, car celle-ci peut intervenir alors que
la
premire est encore en cours. Le fait de choisir de parler dans un cas dtermin d'acquisition
initiale bilingue ou d'acquisition d'une seconde langue est donc assez arbitraire. Nous allons
suivre ici un usage courant, et parler dj d'acquisition de langue trangre lorsqu'elle
s'engage
l'ge de trois quatre ans, donc un moment o l'acquisition de la langue maternelle n'est
en
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aucune faon acheve. Lorsqu'une distinction plus fine sera ncessaire, nous parlerons de"l'acquisition prcoce d'une langue trangre" oppose "l'acquisition de langue trangre par
un adulte". Pour le reste, nous ne nous tendrons pas sur les ventuelles particularits des cas
de transition, car il est impossible de dterminer l'influence que la matrise partielle d'une
langue exerce sur l'acquisition d'une autre langue.
Avant d'examiner l'acquisition d'une langue trangre, regroupons ci-dessous les
diffrents termes que nous utilisons :Age
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Acquisition
Acquisition
Nom
de la langue A
de la langue B
-----------------------------------------------------------------------------1-3 ans
+
-
ALM monolingue
+
+
ALM bilingue
de 3-4 ans
la pubert
+
+ALE prcoce
aprs la pubert
-
+
ALE adulte
1.3 L'acquisition d'une langue trangreOn peut acqurir une langue trangre dans des conditions trs diffrentes. Selon l'ge,
la manire, les objectifs et le degr d'achvement de l'acquisition, on pourra distinguer
diverses
formes d'ALE. On accorde d'ordinaire une grande importance au fait que la langue soit
acquise
avec ou sans enseignement. Comme nous allons le voir, il n'est pas sr que cette distinction
corresponde rellement des formes diffrentes d'acquisition (pour une discussion critique,
voir Felix 1982, chap. 15); mais elle est sans aucun doute d'une grande importance pratique, et
nous distinguerons donc dans ce qui suit l'acquisition non guide de l'acquisition guide (par
l'enseignement) d'une langue trangre.
1.3.1 L'acquisition non-guide d'une langue trangreOn dsigne ainsi l'acquisition d'une langue trangre par la communication
quotidienne, acquisition qui se dveloppe naturellement, et sans intervention systmatique
pour guider le processus. Un exemple type est celui d'un travailleur portugais qui arrive en
France sans connatre un mot de franais, et qui construit sa connaissance du franais par sescontacts (souvent relativement restreints) avec son environnement social. Un autre exemple,
peut-tre encore plus "pur", est celui d'un missionnaire ou d'un ethnologue arrivant dans une
ethnie inconnue, qui acquiert sa langue par l'intermdiaire de ses contacts sociaux (qui
peuvent
tre plus ou moins pathologiques), et qui peut mme tre amen tudier la langue, sans
qu'on
la lui enseigne systmatiquement.
Ces deux exemples suffisent montrer que l'acquisition non-guide n'est pas une
catgorie homogne. Un individu qui acquiert une langue pour traduire la Bible apprendra
diffremment et sans doute plus que quelqu'un qui arrive dans un pays tranger dans des
conditions d'inscurit pour son sjour, au contact le plus souvent de compatriotes et non denatifs, pour travailler - comme c'est le cas pour les travailleurs immigrs dans tous les pays
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d'Europe occidentale. Notons brivement les deux caractristiques dfinitoires de l'ALE non-
guide : elle se produit (1) par l'intermdiaire de la communication quotidienne; (2) sans
efforts
intentionnels systmatiques pour guider le processus d'acquisition (pour une caratrisation des
situations d'acquisition dans le milieu social, cf. Noyau 1976, 1980).
(1) La communication quotidienneL'apprenant, dans l'acquisition non-guide, se trouve dans une situation paradoxale :
pour pouvoir communiquer, il doit apprendre la langue, et pour apprendre la langue il faut
qu'il communique (cf. HPD 1979, p. 221). Cela n'est videmment pas un vrai paradoxe, car la
communication peut se faire par des moyens trs divers qui varient beaucoup en profondeur et
en porte. Pour de nombreux objectifs, des gestes suffisent, ou un petit nombre d'expressions,
utilises de faon approprie. L'apprenant doit jouer du mieux qu'il peut avec les cartes qu'il a
en main, mais contrairement au joueur de cartes, il a la possibilit d'acqurir de meilleures
cartes. Pour ne pas abuser des images : dans l'acquisition non-guide, l'apprenant dispose
chaque moment d'un certain rpertoire expressif, au dbut rduit presque entirement des
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14
moyens non-verbaux, qui lui permettent de participer la communication - mme de faon
rudimentaire. Mais c'est la communication qui lui permettra de commencer apprendre, et le
fait d'apprendre lui permettra de mieux russir communiquer. Quelle que soit sa comptence
decommunication un moment donn, l'apprenant est confront en permanence deux tches
:
- il doit utiliser son rpertoire de faon optimale, et ceci pour la production comme pour la
comprhension (la tche de communiquer) ;
- il doit adapter progressivement ce rpertoire la langue cible, c'est--dire la faon dont sonentourage social se comporte du point de vue linguistique (la tche d'apprendre).
Il est vident que ces deux tches, communiquer et apprendre, sont trs troitement
lies l'une l'autre, mais elles ne doivent pas tre confondues. La communication est un
facteur
stabilisateur : le dveloppement d'un systme d'apprenant et son utilisation optimale facilitent
la communication; l'apprenant peut en quelque sorte se sentir chez lui dans la langue et s'y
mettre l'aise. La tche d'apprendre, en d'autres termes la ncessit de dpasser ses acquis, de
les amliorer et de les rorganiser, est un facteur dynamique : il fait avancer le processus
d'acquisition. On peut illustrer ce point au moyen d'un phnomne trs connu de l'acquisition
non-guide d'une LE, celui des "stratgies d'vitement" (cf. Kleinmann 1978, Faerch &
Kasper1983) : un apprenant qui ignore certains mots ou constructions ou qui n'est pas sr de leur
emploi, les vite, et a recours des priphrases, change de thme ou mme cherche viter
les
situations o il pourrait tre contraint les utiliser. Ce n'est donc pas une "stratgie
d'acquisition" mais une "stratgie d'utilisation", qui concerne la premire tche; du point devue
de l'apprentissage, elle se rvle plutt un frein, car elle diminue la tension qui tient en
mouvement le processus d'acquisition (comme l'aspirine contre une rage de dents, qui ne
soigne pas, mais soulage et loigne le besoin d'aller chez le dentiste).
Un second aspect qui caractrise l'acquisition dans des situations de la vie quotidienne
est la faible attention la langue elle-mme : pour l'apprenant, l'important est de comprendreet de se faire comprendre, et tous les moyens lui sont bons. Ce qui a deux consquences :
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d'abord, il est intress avant tout par le succs de la communication, et non par l'exactitude
formelle de sa langue, contrairement ce qui se passe dans l'enseignement de la langue
trangre; ensuite, la composante mtalinguistique de la connaissance de la langue est moins
dveloppe, c'est--dire qu'il rflchit moins sur la langue, ses formes et ses rgles que ce n'est
le cas lorsque formes et rgles sont enseignes. Il est difficile de dire si et quel point cette
composante mtalinguistique influence rellement le processus d'acquisition. L'une desthories
de l'acquisition les plus discutes actuellement, la "thorie du contrle" ('monitor theory',
Krashen 1981), drive de ce problme (nous y reviendrons aux sections 1.5.3, puis 8.1.4).
(2) Pas de guidage systmatique
Toute acquisition d'une langue est "guide" par certains facteurs, par exemple par la
quantit et la nature des matriaux linguistiques auxquels l'apprenant a accs. Dans la
distinction entre "guid" et non-guid", la notion de guidage dsigne les cas o l'on tente
d'influencer le processus volontairement et systmatiquement, en s'appuyant sur des mthodes
d'enseignement donnes. Le cas type, c'est un cours de langue, mais il faut inclure ici
l'autodidacte qui apprend par lui-mme en s'aidant de bandes enregistres ou d'autres outils
pdagogiques. Evidemment il y a parfois enseignement dans l'acquisition non-guide, parexemple quand on corrige explicitement une faute de l'apprenant, quand on lui fournit les
dsignations pour certains objets ou qu'on lui explique une construction. Ces faits ne
remettent
pas en cause la distinction fondamentale entre acquisition "guide" et "non-guide".
On peut quand mme se demander si une autre terminologie ne serait pas prfrable.
En fait il existe une srie d'autres termes, comme "acquisition naturelle", ou "acquisition dans
le
milieu social" d'une LE. Mais ces termes ne prsentent pas moins d'inconvnients. On peut
ainsi
se demander : "Quel est le contraire de 'naturel'?" ou "L'cole n'est-elle pas un milieu social?".
C'est pourquoi nous gardons "guid - non-guid", ce qui ne porte pas vraiment consquence.
L'acquisition non-guide a occup une place trs restreinte dans les recherches jusque
rcemment; la plupart des tudes existantes portent sur l'acquisition guide, et parmi celles qui
tudient l'acquisition non-guide, l'acquisition par des adultes donc par des locuteurs dont la
premire langue est totalement dveloppe est plus faiblement reprsente. La raison en est
notamment que la collecte de donnes et par consquent la conduite de recherches empiriques
posent beaucoup moins de problmes lorsqu'il s'agit d'acquisition guide; les lves et les
participants des cours de langue sont plus facilement accessibles que des travailleurs
immigrs.
Par ailleurs ce dsquilibre tient aussi l'attente, comprhensible, que la recherche sur
l'acquisition puisse aider la pdagogie des langues. On est alors tent de se limiter tudierl'acquisition guide (par l'enseignement). Pour moi, cette orientation est une erreur grave. Si
l'on veut intervenir de faon intelligente et fonde sur le processus d'acquisition, on doit
connatre les rgles sous-jacentes qui le caractrisent; mais pour les dcouvrir, les situations
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d'acquisition o ces rgles sont influences (positivement ou ngativement)15 par une
mthode
d'enseignement particulire sont les moins favorables. La faon dont l'tre humain traite le
langage et donc acquiert une langue maternelle ou trangre s'est dveloppe au long decentaines de milliers - peut-tre de millions - d'annes, et ce apparemment sans enseignement
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systmatique jusqu'il y a peu (c'est--dire il y a quelques millnaires). L'homme a donc
dvelopp sa facult d'acqurir des langues de faon non-guide, et il serait draisonnable de
penser que cette facult puisse tre manipule librement. En tous cas on peut supposer qu'elle
oppose une rsistance diffrente diverses mthodes d'enseignement, ce qui concde une
certaine priorit l'acquisition non-guide pour la recherche, mais les deux doivent
videmment tre tudies (cf. l-dessus HPD 1976, chap. 1). Nous reviendrons sur ce point auchapitre 3.
1.3.2 L'acquisition guide d'une langue trangreLe point prcdent nous a dj permis de dire quelques mots de l'acquisition guide et
de ses relations avec l'acquisition non-guide. Cette dernire doit tre vue comme un cas
driv, comme une tentative pour domestiquer un processus naturel. Mais c'est un cas
d'acquisition particulirement important dans la pratique; pour beaucoup de gens, la recherche
sur l'ALE ne se justifie que par ses implications pour l'enseignement.
Pour l'acquisition guide galement, se posent quelques problmes de terminologie et
d'objet. Commenons par les premiers. Ici deux paires de concepts jouent un rle minent :
"langue seconde - langue trangre" et "acqurir - apprendre". Ces termes ne sont pas utiliss
defaon univoque. On trouve nanmoins quelques essais rcents de les fixer (cf. Richards 1978,
Introduction; Bausch & Kasper 1979). On dsigne par "langue trangre" ('foreign language',
'Fremdsprache') une langue qui est apprise en dehors de son aire d'usage habituelle - en
gnral en classe de langue - et qui n'est pas utilise en concurrence avec la langue maternelle
pour les communications quotidiennes. Le latin est une langue trangre typique en ce sens,
mais l'anglais ou l'espagnol le sont galement pour la plupart des lycens. La notion de second
language (all. Zweitsprache, maispas l'quivalent littral fr. 'langue seconde', cf. ci-dessous)
dsigne une langue qui sert, aprs ou ct de la langue maternelle, comme second moyen de
communication et qui est acquise en gnral dans un environnement social o on la parle.
C'est
le cas par exemple du franais pour beaucoup de Suisses almaniques, de l'anglais pour de
nombreux Indiens locuteurs de hindi, du russe pour beaucoup de Gorgiens. Il est sr qu'on
trouvera de nombreux cas intermdiaires. Dans l'usage franais, 'langue seconde' se rfre
une langue non-maternelle, qui peut tre acquise dans le milieu social et/ou par
l'enseignement, et qui assume des fonctions sociales prcises dans la socit en question (cf.
le
franais au Maghreb, en Afrique noire, langue de scolarisation et administrative), par
opposition la notion de 'langue trangre', qui rfre tous les autres cas de langues acquises
soit dans le milieu social (immigrs par exemple) soit en classe. Nous utiliserons, le terme
"langue trangre" pour rfrer aux deux cas lorsqu'il n'est pas ncessaire de les distinguer. En
dfinitive, la distinction "langue trangre - langue seconde" dans l'usage anglais ou allemandcorrespond souvent "langue trangre acquise de faon guide - acquise de faon non-
guide"
(dans notre sens). Nous nous en tiendrons notre terminologie, car elle repose sur un critre
simple.
On a souvent fait une distinction parallle entre "apprendre" et acqurir", le premier de
ces verbes correspondant au cas guid, le second au cas non-guid. C'est ainsi que Krashen,
dans sa thorie du "contrle" laquelle nous avons dj fait allusion, postule deux processus
fondamentalement diffrents, qu'il nomme "acquisition d'une LE" ('second language
acquisition') et "apprentissage d'une LE" ('second language learning'; cf. Krashen 1981, et
voir
ci-dessous 1.5.3). Nous ne reprenons pas cette distinction, car il n'est pas prouv qu'il s'agisseeffectivement de deux processus diffrents, et il est ennuyeux de ne pas disposer d'un terme
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plus gnral. C'est pourquoi nous parlons d' "acquisition" et de "processus d'acquisition" en
gnral, utilisant "apprendre" et "apprentissage" comme variantes stylistiques. Ce qui est
important, c'est que les deux termes adoptent la perspective de l'apprenant, et non celle de
ceux
qui l'aident dans cette tche, enseignant ou entourage social.
Il existe une grande varit de mthodes pour influencer systmatiquement leprocessus d'acquisition. Nous ne pouvons pas fournir ici de vision d'ensemble sur les
mthodes
d'enseignement (nous renvoyons le lecteur Corder 1973, et la discussion suggestive dans
van Els et al. 1984). Nous mentionnerons seulement deux points sur lesquels les mthodes se
diffrencient : (1) la faon dont les matriaux de la langue cible sont prsents l'apprenant;
(2)
les possibilits qui lui sont donnes d'utiliser le rpertoire dont il dispose un moment donn.
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(1) Prsentation des matriaux linguistiques
Dans l'acquisition non-guide d'une LE, la langue apprendre apparat l'apprenant
sous forme d'instances de communication quotidienne, d'ondes sonores qui sont produites
dans un contexte situationnel donn. C'est de ces matriaux qu'il doit induire des rgles
inconnues sur l'utilisation de la nouvelle langue. Dans l'acquisition guide, les donnes de la
langue apprendre sont plus ou moins prpars pour l'apprenant. Dans les cas extrmes, on
fournit l'apprenant une description de ces donnes, qui en tient lieu. C'est le cas par exemple
dans l'enseignement grammatical traditionnel qui a rgn sur l'enseignement des langues
trangres depuis l'poque de Donat jusqu'au moins la fin du dix-neuvime sicle. A l'autre
ple, on trouve l'enseignement communicatif", qui comporte peu de grammaire et beaucoupde
simulations o des situations de communication de la vie quotidienne sont reconstruites de
faon planifie (voir par ex. Mller 1980, Boucher et al. 1986). Sous sa forme la plus extrme
- et
peut-tre la plus efficace, on a l une situation d'acquisition guide o le guidage est tel qu'il
se
rapproche d'une acquisition non-guide dans des conditions favorables. Entre ces deux ples,
la
prsentation fortement mtalinguistique et la simulation optimale de l'acquisition non-guide,
il existe une quantit de cas intermdiaires comme par exemple l'enseignement des langues
vivantes aujourd'hui dominant dans les lyces et collges, qui n'est plus que trs faiblementorient vers la grammaire.
Ce n'est pas seulement la mthode mais aussi l'ordre dans lequel les phnomnes de la
langue cible se prsentent qui diffrent de l'acquisition non-guide. Les principaux critres qui
dterminent la slection et la progression sont des hypothses sur la difficult d'acquisition et
l'importance relatives des structures, ce qui mne parfois des divergences extrmes parrapport aux progressions "naturelles" que l'on trouve dans l'acquisition non-guide. Ainsi par
exemple la morphologie (conjugaisons et dsinences) joue un rle secondaire dans
l'acquisition
non-guide, alors qu'on lui rserve une place centrale dans l'enseignement des langues (le
cauchemar des verbes faibles et forts!).
Cela ne signifie pas que l'on doive absolument imiter le plus possible la slection et laprogression des formes de l'acquisition non-guide, car les conditions d'apprentissage sont
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souvent trs peu favorables. Mais cela veut dire qu'il est absurde de proposer des matriaux
linguistiques de telle faon et dans un ordre tel que la capacit d'acquisition linguistique ne
sera
pas assez apte les traiter. Pour cela, il faut videmment savoir comment cette capacit
d'acquisition linguistique fonctionne naturellement.
(2) L'utilisation du rpertoire linguistique pour la comprhension et la productionDans l'acquisition non-guide, l'apprenant doit constamment faire fonctionner ce dont
il dispose, puisqu'il doit communiquer (cf. 1.3.1 (1)). Dans l'acquisition guide, on ne trouve
pas
la mme contrainte. Celle-ci est remplace par des exercices, dictes, essais, exercices
structuraux, etc. (en termes de conduite automobile, on ne laisse pas l'lve conduire, mais on
le fait continuellement embrayer, dbrayer et passer des vitesses). De ce point de vue aussi les
mthodes d'enseignement des langues se diffrencient les unes des autres. Mme dans les
mthodes les plus proches de l'acquisition non-guide, par exemple dans des jeux de rle bien
conus, la question n'est pas de se faire comprendre par n'importe quels moyens, mais de se
comporter au mieux par rapport une norme prdtermine et plus ou moins intgre par les
lves (voir l-dessus Trvise 1979).Nous avons esquiss ici les rapports qui existent entre acquisition guide et acquisition
non-guide, et relev quelques diffrences importantes entre les deux. Ces diffrences sont
incontestables. Mais cela ne veut pas dire que ce ne sont pas les mmes principes de la
capacit
linguistique humaine qui fonctionnent dans les deux cas; il se fait seulement que la capacit
d'apprentissage linguistique trouve dans chacun de ces cas des points d'appui et des espaces
d'volution assez diffrents (voir l-dessus d'Anglejan 1978, Felix 1982, II.).
1.4 Le rapprentissageUne langue dj apprise (partiellement ou compltement) comme langue maternelle ou
trangre peut aussi s'effacer. Cela ne veut pas dire qu'elle se soit efface des cellules
nerveuses
o elle est stocke. C'est seulement que le locuteur n'est plus en mesure de la traiter, c'est--
dire
de construire et de comprendre des noncs dans cette langue. On peut trouver toute une
gamme de cas intermdiaires, de l'oubli de quelques mots ou constructions la perte totale.
Cette perte, quelle qu'en soit l'tendue, peut avoir deux causes :
(a) l'absence de pratique, comme lorsqu'un immigr cesse totalement de parler une langue
apprise dans la petite enfance (cf. Lambert & Freed 1982, Sharwood-Smith 1983);
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(b) les pathologies du langage, aphasies dues des lsions crbrales, des problmes
d'irrigation sanguine du cerveau, ou dficits priphriques comme le cancer du pharynx ou la
mutit.
Dans beaucoup de ces cas, la langue disparue, ou plutt inaccessible mais en principetoujours prsente, peut redevenir accessible. Nous parlerons de racquisition pour faire court,
mme si il est clair d'aprs ce que nous venons de dire que c'est un phnomne trs diffrent
de
l'acquisition d'une LE ou de la LM.
Jusqu'ici, seule la racquisition conscutive une aphasie a t tudie de prs (pour
quelques lments concernant la racquisition d'une langue qui n'est plus pratique, voirWode
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1981, p. 47-53, Sharwood-Smith 1983). Les rsultats sont cependant trs variables, entre
autres
parce que les manifestations de dtrioration sont trs variables (voir l-dessus Leischner
1979).
Dans l'ensemble, le "retour" de la langue aprs une aphasie semble trs difficile comparer
auxautres formes d'acquisition linguistique, si l'on en juge d'aprs l'tat actuel des recherches.
L'autre forme de racquisition que nous avons mentionne, o c'est le manque de pratique qui
conduit l'effacement, semble peut-tre plus comparable. A premire vue on apprend cette
langue beaucoup plus vite que lors de l'acquisition initiale. C'est peut-tre le cas, mais cela n'a
jamais t prouv notre connaissance. Par ailleurs, il est difficile de dire si cette forme de la
racquisition est une libration de ce qui tait enseveli, un nouvel apprentissage ou un
mlange
des deux. Chacune de ces possibilits impliquerait des processus d' "acquisition" trs
diffrents;
mais on ne peut pour l'instant que faire des conjectures ce sujet.
Terminons cette section par quelques remarques sur la relation langue maternelle -langue trangre dans la racquisition. Souvent, les aphasiques bilingues ne peuvent rutiliser
que la langue maternelle, au moins dans un premier temps lors de la racquisition, mme
lorsqu'avant leur aphasie ils utilisaient de faon dominante ou unique une seconde langue. Le
spcialiste franais de l'aphasie Ribot avait formul en 1882 cette priorit comme tant de
rgle
lors de la racquisition chez les bilingues. Malheureusement, il existe des cas au moins aussi
nombreux o c'est la langue qui tait dominante avant l'aphasie (qu'elle ait t acquise comme
langue maternelle ou comme seconde langue) qui redevient disponible en premier (c'est la
rgle
de Pitres, d'aprs le nom d'un autre aphasiologue franais). On trouvera une revue d'ensemble
de tous les cas connus dans les recherches sur l'aphasie dans Albrecht & Obler (1980, p. 143-
194), et une intressante discussion de la problmatique dans Paradis (1977); pour une
synthse
plus rcente voir Paradis & Lebrun (1983).
Dans un cas au moins, il a t apparemment possible de faire retrouver un locuteur,
sous hypnose, une langue totalement oublie (Fromm 1970). Il s'agit d'un Amricain d'origine
japonaise de 26 ans, qui avait appris dans son enfance d'abord le japonais, puis l'anglais, et qui
d'aprs ses propres dires ne comprenait pas du tout le japonais. Sous hypnose, il produisit une
srie de phrases, enregistres au magntophone, qui furent analyses par des Japonais comme
du japonais enfantin un peu hsitant. On n'a toujours pas russi jusqu'ici rpliquer cette
exprience (voir l-dessus et sur d'autres cas d'hypnose Campbell & Schumann 1981).1.5 Quelques thories sur l'acquisition des langues trangres De ce que nous avons dit devrait se dgager au moins une ide : l'acquisition d'une
langue trangre est un processus assez complexe, qui est dtermin par de nombreux
facteurs,
et dont la description systmatique - et encore plus l'explication - prsente de srieuses
difficults. Mais les tentatives n'ont pas manqu d'en donner une vision simplifie. Dans ce
qui
suit, nous allons regrouper quelques thories ou positions thoriques qui ont jou ou jouent
encore un rle important dans la recherche sur l'ALE, et les commenter brivement. Certaines
d'entre elles ont dj t mentionnes dans les sections prcdentes.
1.5.1 L'hypothse de l'identit16Cette hypothse, sous sa forme la plus radicale, affirme qu'i est indiffrent pour
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l'acquisition qu'une premire langue ait dj t acquise : l'ALE et l'ALM suivent les mmes
principes.
Cette hypothse n'est dfendue par aucun chercheur sous cette forme radicale. Mais de
nombreux auteurs considrent que l'ALE et l'ALM sont identiques "pour l'essentiel" (voir par
exemple Jakobovits 1970, Burt & Dulay 1980, Wode 1974, 1981, et surtout Ervin-Tripp
1974).L'hypothse perd alors de sa force prdictive et gagne en plausibilit : il suffira de prciser ce
que l'on tient pour "des traits importants" et ce que l'on considre comme des aspects moins
importants du processus. Nous nous bornerons formuler cinq remarques.
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1. Comme nous avons expos en 1.1.2, l'ALM et l'ALE se distinguent entre autres par le fait
que
la premire constitue un aspect du dveloppement cognitif et social global, alors que dans la
seconde, ce dveloppement est achev (ou presque). L'enfant doit donc apprendre autant le
principe de la deixis (qui est selon tous les linguistes un trait fondamental des langues
naturelles) que les mots appropris de la langue concerne pour la raliser. Un apprenant de
LE
n'a plus apprendre que ce second aspect. L'hypothse de l'identit (sous sa forme restreinte)
ne peut tre soutenue que si l'on tient pour marginales toutes ces diffrences de
dveloppement
cognitif et social, ainsi que tout ce qui en dcoule pour la langue.
2. En dfinitive, il existe le plus souvent des diffrences normes entre ALE et ALM. Ainsi,
on
acquiert normalement la prononciation de sa langue maternelle de faon parfaite - non au sensdes normes du beau parler vhicules, mettons, par l'Acadmie Franaise, mais au sens d'une
adaptation parfaite l'entourage. En revanche, il est inhabituel qu'un adulte parvienne parler
une langue trangre sans accent17. Cela ne veut pas dire qu'un apprenant de LE n'en soit pas
capable en principe, pour des raisons biologiques. Mais il est important de savoir non
seulement ce qui est possible, mais ce qui se passe ordinairement.
3. La conception selon laquelle ALM et ALE se drouleraient de faon fondamentalement
identique repose avant tout sur la mise en vidence d'ordres d'acquisition identiques pour un
certain nombre de structures linguistiques, comme l'interrogation, la ngation ou certains
inventaires de morphmes (Burt & Dulay 1980, Wode 1981). Mais d'une part on trouve,
ct
de ressemblances indiscutables, des variations suspectes entre ALM et ALE. D'autre partmme
la preuve qu'il existerait des volutions strictement parallles ne dirait pas davantage que ceci
:
ALM et ALE ont galement certains traits en commun - ce que personne ne conteste.
4. Nous avons attir l'attention plusieurs reprises, en 1.1.3, sur le fait que l'acquisition guidecomme l'acquisition non-guide peuvent se drouler de faon trs diffrente - videmment
ct de trs nombreux caractres communs. Il n'est donc pas trs intressant de vouloir
comparer l' ALE l' ALM en gnral. Ca n'est pas la mme chose de comparer la faon dont
nous avons appris notre langue maternelle avec nos parents avec a) la faon dont nous avons
appris le latin au lyce ou bien b) celle dont un immigr turc apprend le franais. Ce qui
n'implique aucune volont de nier ici le fait qu'on trouve entre toutes ces formes d'acquisitiondes similitudes qui dcoulent de la capacit linguistique humaine en gnral.
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5. Pour tirer un bilan de ces rflexions, on peut dire qu'il existe de similitudes et des
diffrences
entre ALM et ALE, et qu'il est plus raisonnable de les dcrire et d'tablir leurs causes, plutt
que de postuler des thses simplificatrices. Il est vrai qu'une science choue si elle ne cherche
pas aboutir des thories unifies et si possible gnrales. Il est donc mthodologiquement
sens de partir de l'ide qu'il sera un jour possible de btir une thorie unique pour les deuxdomaines. Ce qui est tout autre chose que d'affirmer qu'ils sont identiques ou pratiquement
identiques.
1.5.2 L'hypothse contrastivejoue qu'un rle insignifiant ou nul dans l'acquisition. Selon l'hypothse contrastive au
contraire, l'acquisition d'une seconde langue est dtermine par les structures de la langue
qu'on possde dj. Les structures de la langue trangre (LE) qui concident avec celles de la
LM (langue maternelle) sont acquises vite et facilement : il y a "transfert positif". Les
domaines
o les deux langues en prsence se diffrencient fortement sont cause de difficults
d'acquisition et d'erreurs : il y a "transfert ngatif" ou "interfrence" de la LM sur la LE.
Cette thorie galement fait l'objet de versions plus ou moins radicales. Initialement, onesprait - ainsi que l'affirmait Lado (1957), qui a t pendant des annes la Bible des
enseignants
de langues trangres - pouvoir dduire de la comparaison systmatique des deux langues en
prsence les difficults d'acquisition comme les progressions optimales de prsentation des
structures de la langue18. De telles informations seraient videmment trs souhaitables pour
la
planification de l'enseignement, et toute une srie de programmes de recherche de "grammaire
contrastive" ont t ports par cet espoir. Mais les rsultats, s'ils se sont avrs intressants
d'un
point de vue purement linguistique, ont du ces espoirs (pour une discussion et une synthse
de ces apports, voir van Els et al., chap. 4.2, Py 1984). Une raison majeure de cet chec relatif
est
que les similarits et diffrences entre deux systmes linguistiques et le traitement des moyens
linguistiques dans la production et la comprhension relles sont deux choses trs diffrentes.
La linguistique contrastive s'occupait des premires, tandis que l'acquisition est concerne par
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le second. Ce n'est pas l'existence d'une structure telle que les linguistes l'ont dcrite qui
importe, mais la faon dont l'apprenant l'apprhende dans la comprhension et la production:c'est pourquoi la comparaison de structures peut induire en erreur. Une seconde raison est que
pour un apprenant possdant une LM donne, une structure donne de la LE peut tre facile
percevoir mais difficile produire ou l'inverse. Cette structure n'a donc pas un effet unique sur
la capacit d'acquisition linguistique de l'apprenant.
Actuellement, personne ne soutient plus srieusement l'hypothse contrastive au sensfort. Il ne s'agit pas de nier le fait que la connaissance de la LM par l'apprenant influence la
faon dont il saisit et ventuellement apprend une LE. Les rsultats dcevants de l'analyse
contrastive jettent un certain discrdit sur la notion de "transfert" de la LM sur la LE. Mais
l'existence de plusieurs formes de transfert est trop vident pour tre ignore, et a suscit
rcemment un regain d'intrt. Nous ne pouvons pas passer en revue toute l'abondante
littrature sur ce thme, mais nous allons nous arrter sur cinq points cruciaux (on trouve unebonne vision d'ensemble sur l'tat actuel de la question dans Gass & Selinker 1983; voir aussi
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Kellerman & Sharwood-Smith 1986, Dechert & Raupach 1985) :
1. Comme il a t dit plus haut, les prdictions sur d'ventuels transferts devraient tre bases
non sur la comparaison de proprits structurales, mais sur la faon dont l'apprenant traite ces
proprits. Par exemple, le franais ne possde pas le son [ ] de l'anglais that. En gnral, les
francophones apprenant l'anglais se rendent compte qu'il s'agit d'un son inhabituel; mais ils
peuvent tre incapables de le reproduire, et chercher le remplacer par un son du franais. Il ya deux candidats, [d] et [z] qui, d'un point de vue purement structural, sont galement
ressemblants [ ]. Ce type de transfert se produit frquemment, et les apprenants
francophones
choisissent toujours [z] - contrairement aux apprenants d'autres LM et aux locuteurs de
certains
varits rgionales d'anglais, qui disent dat. Cette prfrence n'est pas prdictible si l'on
compare uniquement les proprits structurales - dans ce cas, phontiques (sur un aspect
similaire, voir le concept de 'distance perue' chez Kellerman 1979).
2. Beaucoup de constructions dviantes et d' "erreurs" dans les noncs des apprenants qui
sont
apparemment dues au transfert peuvent avoir des causes tout fait diffrentes. Le turc, parexemple, place normalement le verbe en position finale. Les Turcs apprenant l'allemand
placent
le verbe dans cette position (qui en allemand est la bonne uniquement dans les subordonnes)
plus souvent qu'en seconde position (qui est la position "normale"), et l'on pourrait dire que la
cause en est vidente. Mais les Espagnols et les Italiens apprenant l'allemand font souvent de
mme, alors que dans leurs langues le verbe n'est pas normalement la fin, mais jouit d'une
plus grande libert de position. Le transfert prsum est donc vraisemblablement d d'autres
contraintes, plus universelles (pour une discussion pntrante de cet aspect et de questions
connexes, voir Meisel 1983; galement 6.2 ici-mme).
3. Le transfert a t observ des niveaux d'organisation linguistique diffrents - surtout en
phonologie et dans le lexique, mais galement en syntaxe. Il est trs rare en morphologie : il
est
trs peu vraisemblable qu'un Allemand apprenant le russe transfre une terminaison
allemande
de gnitif ou le marquage du prtrit en russe. Par ailleurs, il peut aussi se produire des
transferts des niveaux o ils ne sont pas immdiatement apparents. En voici deux exemples :
(a) L'anglais, l'allemand et l'italien n'attribuent pas le mme poids aux diffrents traits qui
marquent un SN comme sujet d'une phrase : en anglais, c'est la position qui importe, en
italien,
le contenu lexical (plus l'accord avec le verbe), et en allemand, le marquage du cas. Bates et
al.(1982) ont montr que les locuteurs non-natifs tendent suivre la stratgie correspondant
leur
langue maternelle mme s'ils ont une bonne connaissance de la langue trangre.
(b) Le transfert peut aussi se produire un niveau conceptuel. Pendant l'acquisition de la
langue maternelle, les locuteurs dveloppent une certaine conception du temps, de l'espace, de
la modalit, de la dfinitude, etc. Cette empreinte conceptuelle peut influer en profondeur sur
la faon dont ils saisissent la langue apprendre - par exemple dont ils interprtent le systme
morphologique, les conjonctions de subordination, etc. Elle dtermine galement en partie ce
qu'ils considrent comme devant tre encod de faon explicite dans un nonc. Si une langue
marque obligatoirement la distinction dfini-indfini dans les SN, il est vraisemblable qu'un
locuteur de cette langue va chercher marquer cette distinction dans la langue trangregalement, il le fera davantage en tous cas qu'un locuteur dont la langue maternelle ne marque
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pas cette distinction.
4. Pour qu'un apprenant soit capable de reconnatre une erreur de transfert, il faut qu'il sache
dj beaucoup de choses sur la langue trangre. Par exemple, un locuteur de basque, o