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Y a-t-il ?
Y a-t-il un pays ?
Un pays où la mer chante une chanson sans paroles ?
Où les oiseaux volent comme une vague dans le ciel ?
Où le soleil brille même s’il pleut chaque jour ?
Mais avec un rythme plein d’amour ?
Y a-t-il une chanson ?
Une chanson qu’un homme peut chanter ?
Une chanson avec une mélodie qui a des ailes ?
Y a-t’il un homme avec une voix qui m’appelle ?
Un appel à mon cœur, de loin, qui me fais danser ?
Y a-t’il un jour ?
Qui promet le soleil sous la pluie ?
Un arc-en- ciel avec un pot d’amour ?
Un jour quand le rêve deviendra réalité
Et réalité deviendra un nouveau rêve rencontré?
Y a-t-il ? Y a-t-il ? Y a-t-il ?
J’en rêve, oui j’en rêve
GretchenW Afrique du Sud
Pour se souvenir...
Quand la porte se souvient
Quand la table se souvient
Quand la chaise, l’armoire, le buffet, la fenêtre
Se souviennent
Quand ils se souviennent intensément
De leurs racines, de leurs sèves, de leurs feuilles,
De leurs branches
De tout ce qui les habitait
Des nids et des chansons
Des écureuils et des singes
De la neige et du vent
Un frisson traverse la maison
Qui redevient forêt
Hamid Tibouchi Algérie
Le négrillon n'entre pas dans la ronde
Le négrillon n’entre pas dans la ronde des enfants blancs, des enfants blancs,
qui dansent ensemble une vive ronde
de chants de fête, de francs éclats de rire.
Le négrillon n’entre pas dans la ronde.
Et vient le vent tout contre les enfants
et il danse avec eux et il chante avec eux
chansons et danses des suaves brises
chansons et danses des violentes tempêtes.
Et le négrillon n’entre pas dans la ronde.
Les oiseaux, en compagnie, volent et gazouillent
sur les petites têtes mignonnes des petits
et se posent tous en rond. Enfin
ils dansent leur vol et chantent leur chant.
Et le négrillon n’entre pas dans la ronde.
“Viens ici, petit noir, viens ici danser”
dit un des enfants avec son air heureux
la mère vigilante a tout vu d’un éclair
et l’enfant blanc déjà ne veut plus, ne veut plus...
Et le négrillon n’entre pas dans la ronde.
Le négrillon n’entre pas dans la ronde
des enfants blancs, rêveur et chagrin
il reste seul, l’œil fixe de l’aveugle,
il reste seul la voix muette, mortellement.
Geraldo Bessa Victor Angola
Sur le sable
Sur le sable, les feuilles de cocotiers
Sont tombées ; je les observe, couchée
Sur une natte façonnée à ma manière
Mes pores vibrent de cet air
Doux et frais ; le temps est magnifique
L’inspiration se frôle à ce bruit
Paradoxe effectif dans un univers mirifique
C’est le soleil qui, délicieusement luit
Sur ces flots bleuâtres teintés de blanc
Les yeux se régalent sous les élans
De la beauté du paysage.
Les ondes marines me parviennent
Elles me portent un message
Elles me percent l’ouïe ; Alors, viennent
Ces mots marquant mon passage
Et inoculant de l’encre à d’innocentes pages.
C’est le mystère de l’écrivain
Partout, sa plume s’agite
L’univers lui, crépite
A sa guise, ses devoirs de devin
Il est un esclave de la nature
Qui chante sans cesse ses aventures.
Harmonie Dodé Byll Catarya Bénin
Que vois-tu, Baobab ?
Que vois-tu baobab ?
Que vois-tu
Du palabre de ce jour ?
Que vois tu de la sentence de nos anciens ?
Que vois-tu baobab ?
Toi qui à travers ton silence
Rassemble le village depuis des siècles
Toi qui a connu la voix des sages
Le silence du méchant
Les larmes de l’innocent
Que vois-tu baobab ?
Toi qui tiens en main
Des secrets immémoriaux
Que vois-tu arbre ?
Que vois-tu du discours des hommes ?
Charles Traoré Burkina Faso
Un jour tu apprendras… Un jour tu apprendras
Que tu as la peau noire, et les dents blanches,
Et des mains à la paume blanche,
et la langue rose
Et les cheveux aussi crépus
Que les lianes de la forêt vierge.
Ne dis rien.
Mais si jamais tu apprends
Que tu as du sang rouge dans les veines,
Alors, éclate de rire,
Frappe tes mains l'une contre l'autre,
Montre-toi fou de joie
A cette nouvelle inattendue.
Puis cet instant de gaîté feinte passé,
Prends ton air sérieux
Et demande autour de toi:
Du sang rouge dans mes veines,
Cela vous suffit-il pour vous faire croire
Que je suis un homme?
La chèvre de mon père,
Elle aussi, a du sang rouge dans les veines.
Et puis dis-leur que tu t'en moques
Car tu sais, ils n'ont rien compris
A la farce créatrice qui donna
Du sang rouge à l'animal et à l'homme,
Mais oublia totalement de donner
Une tête d'homme à la chèvre.
Vis et travaille
Alors tu seras un homme. Francis BEBEY Cameroun
Le cœur qui bat
Le cœur qui bat ne se réjouit pas de la blessure du ver de terre
le cœur qui bat soutient le combat de l’homme face aux chimères
le cœur qui bat révèle le murmure du sentier quand vient le doute
Tout homme a deux mains : la main qui nourrit et la main qui reçoit
la main qui nourrit est offrande : ne mords pas la main qui nourrit !
Dans la main qui reçoit advient le monde : promesse que tient la vie !
ne mords pas la main qui nourrit, n’offense pas la main qui reçoit
Frère, le sang du cœur qui bat connaît les faveurs de la terre et du ciel
entre la terre et le ciel vivent Dieu, les dieux, les Ancêtres, le secret
Frère, l’ignores-tu ? Le Dieu de l’homme, c’est d’abord sa pensée !
Aux dimensions du monde, l’Ancêtre de l’homme, c’est son âme !
entre âme et pensée, la parole est énigme, le silence est épreuve
Frère, que ton cœur qui bat te maintienne homme parmi les hommes.
Gabriel Mwènè Okoundji Congo
La pluie a son mot à dire
Prends dans ta paume les grains de sable
Apportés par le souffle du vent
Et laisse-les couler au gré du temps Ils peuvent raconter ce qu’ils veulent
Comme toi ami
Habité par la spirale du vent
Qui n’attend pas la cuisson des carottes
Pour applaudir la victoire des bons gagnants Les grains de sable sont sans attache
Comme les amis de ce jour
Qui ignorent la valeur de l’amitié
Qui partent dans l’air du temps
Oubliant la proximité dans la distance Pour toi poète au verbe flamboyant
Le bonjour amical et fraternel
Est un rituel qui s’épuise dans le sable
Loin très loin de l’oasis du partage Les dunes de l’amitié se meuvent
A l’ombre du jour où se tissent
Les fils d’Ariane pour chaque grain
Clamant son ego la brillance de sa peau Prends dans ta paume le sable qui vient
Et qui part sans attache
Oubliant les mots du partage
Tanella Boni Côte d'Ivoire
Il m'a dit
Il m’a dit :
Ma race est la race jaune.
J’ai répondu
Je suis de ta race.
Il m’a dit :
Ma race est la race noire.
J’ai répondu :
Je suis de ta race.
Il m’a dit :
Ma race est la race blanche
J’ai répondu :
Je suis de ta race
Car mon soleil fut l’étoile jaune
car je suis enveloppé de nuit ;
car mon âme, comme la pierre de la loi
est blanche.
Edmond Jabès Egypte
Ce que dit le tam-tam
Ce que dit le tam-tam
Est au fond de mon cœur
Le tam-tam chante
L’arrivée de la pluie
Le tam-tam chante
Le passage des perroquets
Le tam-tam chante
Le départ des combattants
Le tam-tam chante
La naissance des jumeaux
Ce que dit le tam-tam
Est au fond de mon cœur
Le tam-tam chante
La fleur qui naît et meurt
Sans bruit
Le tam-tam chante
L’aube des temps nouveaux
Le tam-tam chante
La terre nourrissante
Le tam-tam chante
Le ciel fleuri d’étoiles
Ce que dit le tam-tam
Est au fond de mon cœur
Le tam-tam chante
La solitude de l’exilé
Le tam-tam chante
Le lever du soleil
Le tam-tam chante
La vie qui s’ouvre à l’enfance
Le tam-tam chante
Ce que dit mon cœur
Tout bas tout bas.
Pierre-Edgar Moundjegou Mangangue Gabon
Flûtiste
Ta flûte tu l’as taillée
dans un tibia de taureau puissant
Et tu l’as polie sur les collines arides
Flagellées de soleil
Sa flûte il l’a taillée
Dans un roseau tremblotant de brise
Et il l’a perforée au bord d’une eau courante
Ivre de songes lunaires
Vous en jouez ensemble au fond du soir
Comme pour retenir la pirogue sphérique
Qui chavire au rives du ciel
Comme pour la délivrer
De son sort.
Jean-Joseph Rabéarivélo Madagascar
À l'école du caméléon
Le caméléon est un très grand professeur. Regardez-le. Quand il prend une direction, il ne
tourne jamais la tête. Faites comme lui. Ayez un objectif dans la vie et que rien ne vous en
détourne. Le caméléon ne tourne pas la tête mais c’est son œil qu’il tourne. Il regarde en haut,
en bas. Cela veut dire : informez-vous. Ne croyez pas que vous êtes le seul sur la terre. Quand
il arrive dans un endroit, il prend la couleur du lieu. Ce n’est pas de l’hypocrisie. C’est
d’abord de la tolérance et puis du savoir-vivre. Se heurter les uns les autres n’arrange rien.
Jamais rien n’a été construit dans la bagarre. Il faut toujours chercher à comprendre l’autre.
Si nous existons, il faut admettre que l’autre existe. Si le caméléon avance, il lève un pied. Il
balance ? Cela s’appelle de la prudence dans la marche. Pour se déplacer, il accroche sa queue
ainsi si ses pieds s’enfoncent, il reste suspendu. Cela s’appelle assurer ses arrières. Ne soyez
donc pas imprudent. Lorsque le caméléon voit une proie, il ne se précipite pas dessus mais il
envoie sa langue. Si sa langue peut lui ramener, elle lui ramène. Sinon, il a toujours la
possibilité de reprendre sa langue et d’éviter le mal. Allez doucement dans tout ce que vous
faites. Si vous voulez faire une œuvre durable, soyez patient, soyez bon, soyez humain. Voilà.
Si vous vous trouvez dans la brousse, demandez aux initiés qu’ils vous racontent la leçon du
caméléon.
Amadou Hampaté Bâ Mali
J'ATTESTE
J'atteste qu'il n'y a d'Être humain
que Celui dont le cœur tremble d'amour
pour tous ses frères en humanité
Celui qui désire ardemment
plus pour eux que pour lui-même
liberté, paix, dignité
Celui qui considère que la Vie
est encore plus sacrée
que ses croyances et ses divinités
J'atteste qu'il n'y a d'Être humain
que Celui qui combat sans relâche
la Haine en lui et autour de lui
Celui qui,
dés qu'il ouvre les yeux au matin,
se pose la question :
Que vais-je faire aujourd'hui
pour ne pas perdre ma qualité et ma fierté
d'être homme ?
Abdellatif Laâbi Maroc
Cet arbre
Sois cet arbre qui grandit et fournit,
Des branches, des bois et succulents fruits.
On se reposera sous l’ombre de tes branches,
On se rassasiera, exportera tes fruits.
Sois cet arbre géant, plein des verts feuillages,
Qui se voit au lointain,
Et qui indique à l’enfant égaré le chemin,
Qui reconduit à son village.
Sois l’arbre de référence du village.
Cet arbre qui ajoute du beau,
Sous un coucher du soleil nouveau,
Sois l’arbre à palabre,
Qui réunit les villageois sous son ombre,
Pour que sur ses pieds ils palabrent.
Sois cet arbre vertueux,
Dont les feuilles guérissent les malheureux.
Sois cet arbre sans épine,
Sur quoi les forces des grimpeurs se ruinent,
Et lasse les bucherons les plus courageux.
Cet arbre où viennent gémir les orphelins,
Et les heureux de
Moins en moins.
Cet arbre qui a longtemps et bien vécu,
Cet arbre qui a tout vu, tout entendu,
Arbre qui a tout connu.
Cet arbre qui sait prédire,
Cet arbre qui peut tout dire,
Aux générations à venir !
Sois cet arbre !
Ben Kamanda Eyenga RD Congo
Poème à mon frère blanc
Cher frère blanc,
Quand je suis né, j'étais noir,
Quand j'ai grandi, j'étais noir,
Quand je suis au soleil, je suis noir,
Quand je suis malade, je suis noir,
Quand je mourrai, je serai noir.
Tandis que toi, homme blanc,
Quand tu es né, tu étais rose,
Quand tu as grandi, tu étais blanc,
Quand tu vas au soleil, tu es rouge,
Quand tu as froid, tu es bleu,
Quand tu as peur, tu es vert,
Quand tu es malade, tu es jaune,
Quand tu mourras, tu seras gris.
Alors, de nous deux,
Qui est l'homme de couleur ?
Léopold Sedar Senghor Sénégal
L'oiseau bleu
Il est tout bleu
L'oiseau bleu
Il est bleu du bec
Bleu des plumes
Et bleu des yeux,
L'oiseau bleu
Il déploie ses ailes
Deux petits éventails bleus
puis
Comme un léger papillon bleu
Il voltige dans le bleu azuré
Du ciel de mon imagination.
Toussaint Cossy Guenou Togo
Ainsi au sortir de la nuit
le soleil inaugure le rêve du jour
cela n'est pas ignoré
par l'insomnie des hommes
accrochés au balancier des astres
leurs rêves dansent la mort
vers les plages de sable gris
c'est un douloureux voyage dans le temps du monde
là-haut pas un nuage pour tatouer la peau du ciel
l'horizon fidèle à lui-même
offre un instant territoire à notre âme
dans l'attente de ce qui adviendra
la vie sourit dans nos yeux
Amina Saïd Tunisie