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LE RYTHME D’ACTIVITÉ DES BRICS A ÉTÉ DIVISÉ PAR DEUX EN TROIS ANS La perspective d’un virage de la banque centrale américaine, qui mettrait fin à une ère d’argent facile sur les marchés, a mis à mal certaines devises sud-américaines et asiatiques. Les déséquilibres financiers et le « risque pays » reviennent au premier plan Avis de tempête sur les économies émergentes dossier U ne éclaircie aux Etats-Unis peut déclencher le tonnerre au Brésil, en Inde ou en Afri- que du Sud. C’est ce qui s’est produit à la fin du printemps. En mai, la perspective d’une reprise dura- ble aux Etats-Unis a conduit le président de la Réserve fédérale américaine (Fed), Ben Bernanke, à évoquer la fin de sa politi- que d’argent facile. Or, ce signal a douché la douce euphorie régnant dans nombre de pays émergents et provoqué une tempête sur les marchés des devises. Les investisseurs ont retiré en masse les capitaux placés dans les pays considérés comme les plus risqués pour les rapatrier vers les Etats-Unis. Même si la Fed n’est pas encore passée à l’acte depuis, continuant à injecter toujours autant de liquidités – en rachetant 85 milliards de dollars (61,5 milliards d’euros) par mois de dettes publiques et privées sur les mar- chés financiers pour maintenir les taux d’intérêt à un bas niveau. Car l’économie reste encore convalescente outre-Atlanti- que, et affectée par les incertitudes budgé- taires du « shutdown ». Il n’empêche, dès le virage de la Fed envi- sagé, la corne d’abondance qui s’était déversée sur les pays émergents s’est trans- formée en aspirateur. Après le boom, place au krach. De janvier 2012 à avril 2013, un afflux net de 150 milliards de dollars a été investi dans les pays émergents, pour les deux tiers en fonds propres (actions) et pour le reste sous forme de prêts (obliga- tions), sans compter les investissements de portefeuille, plus volatils et spéculatifs. « Mais de mai à septembre, un désinvestisse- ment net de 40 milliards de dollars a été enregistré, qui s’est traduit par la baisse des monnaies, rendant plus difficile le finance- ment d’infrastructures ou d’unités de pro- duction », explique Ludovic Subran, écono- miste en chef d’Euler Hermes. Selon l’Insti- tut de la finance internationale, l’afflux de capitaux vers les trente économies émer- gentes devrait fondre de 12,6 % sur l’ensem- ble de l’année 2013. Le changement de cap annoncé de la Fed n’explique pas tout, néanmoins. « C’est seu- lement l’étincelle qui a mis le feu aux pou- dres », résume Armand Castiel, associé- gérant chez Riskelia, société spécialiste de l’évaluation des risques. L’annonce du changement de politique monétaire amé- ricaine a « servi de catalyseur, car il a mon- tré que nombre de pays étaient devenus très dépendants de l’afflux de capitaux à court terme, les investissements de porte- feuille, qui ont provoqué une bulle », ajoute Yves Zlotowski, économiste en chef de Coface. Les pays les plus affectés par la fui- te des investisseurs étrangers sont ceux dont la balance courante est déficitaire, à savoir le Brésil, la Turquie, l’Inde ou encore la Thaïlande : « Pour financer leur déficit extérieur, ces pays sont obligés d’attirer en permanence des capitaux internationaux. Ils sont donc les premiers à souffrir de leur retrait », explique Patrick Artus, directeur des études de Natixis. « Jusque-là, les investisseurs pensaient aveuglément que ces économies étaient flo- rissantes et plus ou moins équivalentes », explique Bruno Colmant, économiste à l’Université catholique de Louvain. Depuis, ils se sont mis à étudier les chiffres. Ceux-ci montrent que non seulement la croissance a ralenti, mais que certains de ces pays souf- frent de problèmes structurels inquié- tants. Le Brésil, le Venezuela et l’Inde, par exemple, n’ont pas suffisamment profité de l’envolée des cours des matières premiè- res et de l’afflux de capitaux étrangers de ces dernières années pour se réformer, et notamment, renforcer leurs infrastructu- res. Les investisseursse sont égalementren- du compte de « la vulnérabilité de certaines de ces économies, et du risque géopolitique qui avait été négligé, ou encore des frustra- tions créées par une société à deux vitesses : l’Afrique du Sud, l’Inde, le Brésil et la Turquie sont de bons exemples, mais aussi l’Indoné- sie, l’Argentine, le Mexique ou le Maroc, ou encore la Hongrie ou la Croatie », analyse M. Subran. Le ralentissement économique des émergents « reflète des fragilités struc- turelles comme le climat des affaires ou les contraintesd’offres – infrastructures d’éner- gie de transport –, qui sont des problèmes de long terme et donc difficiles à corriger », sou- ligne également M. Zlotowski. La « surprise » est d’autant plus décevan- te que les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) avaient « changé de sta- tut » au cours des années 2000, présentant des systèmes bancaires et des finances publiques assainis, et affrontant avec suc- cès le double effondrement de la croissan- ce et du commerce mondial, en 2008-2009. Des plans de relance massifs y avaient été déployés, notamment en Chine, entraînant un redémarrage écono- mique rapide, au contraire des pays déve- loppés. Mais la demande de ces derniers restant faible, et les politiques de relance des pays émergents s’essoufflant, « la don- ne est en train de changer », analyse M. Zlo- towski. « Les BRICS perdent aujourd’hui de leur dynamique puisque leur croissance a été divisée par deux entre son pic de la mi-2010 (+ 7,2 %) et son niveau actuel de +3,2%», souligne-t-il. En tendance, le ryth- me d’activité y a donc été divisé par deux en trois ans : un très net changement de rythme. P ékin, qui maintient un contrôle du taux de change du yuan, et dispose des premières réserves de devises de la planète, est le moins exposé aux mouvements financiers internatio- naux. Mais d’autres économies émergen- tes sont entrées dans une phase délicate, que la chute de leur devise vient aggraver. Le Brésil – qui avait dénoncé comme une « guerre des monnaies » la baisse du dollar naguère provoquée par la politique de sou- tien de la Fed – souffre désormais… du retournement programmé de cette prodi- galité monétaire américaine. La baisse du real, en renchérissant le prix des importa- tions, pèse aujourd’hui sur l’activité. A ter- 2012 2013 AFRIQUE DU SUD BRÉSIL MEXIQUE INDE Le billet vert s’apprécie face à des monnaies affaiblies 2,5 2,0 Croissance du PIB, en % : en 2012 – 6,1 % + 12,6 % projection 2013 Solde de la balance des paiements courants, en % du PIB : Cours du dollars dans la monnaie du pays : projection 2013 Rands sud-africains 9,83 1 er Janvier 2013 28 octobre 2012 2013 0,9 2,5 – 3,4 % Reais brésiliens 2,19 1 er Janvier 2013 28 octobre 2012 2013 3,6 1,2 – 1,3 % Pesos mexicains 1 er Janvier 2013 28 octobre 2012 2013 3,2 3,8 – 4,4 % 1 er 12,88 10,39 8,46 2,04 2 2,45 12,89 13,39 54 + 7,3 % – 0,08 % Johannesburg Correspondance « Gérez vos affaires intérieures et les affai- res internationales d’une manière respon- sable, afin que les effets négatifs sur nos éco- nomies ne soient pas aussi graves. » En juin, le ministre des finances sud-africain, Pravin Gordhan, avait haussé le ton à l’égard des Etats-Unis, craignant pour son pays les conséquences néfastes de la fin de l’accommodante politique monétaire américaine. Quatre mois plus tard, ses inquiétudes se sont matérialisées. La monnaie sud-afri- caine s’est fortement dépréciée, en raison du retrait massif de capitaux reprenant la direction des Etats-Unis. Fin août, le rand avait perdu presque 20 % de sa valeur vis-à-vis du dollar depuis le début de l’an- née, avant de regagner un peu de terrain dans les semaines qui ont suivi. Cette dépréciation a entraîné un renché- rissement du coût des importations pour les consommateurs sud-africains, et accru le risque d’une poussée inflationniste. « Le débat est vif en Afrique du Sud pour savoir si la banque centrale doit maintenir son principal taux directeur [5%]pour contenir le niveau d’inflation à 6 %, ou si elle le dimi- nue pour stimuler un taux de croissance qui demeure faible pour un pays émergent, mais au risque d’alimenter à son tour l’in- flation », explique Gina Schoeman, écono- miste chez Citigroup, à Johannesburg. En 2013, l’économie sud-africaine ne devrait pas croître de plus de 2 %. Elle ne devrait pas bénéficier non plus de l’affaiblisse- ment du rand pour davantage exporter et ainsi réduire le déséquilibre de sa balance des comptes courants (déficit de 6,5 % du PIB), car la Chine, son premier client depuis 2009, risque de faire face à un ralentissement de sa croissance, et donc à un moindre appétit pour les ressources minières sud-africaines. Outre la volatilité du rand qui pourrait durer plusieurs mois, la confiance des investisseurs a aussi été minée depuis la fin de 2012 par une série de grèves dans plusieurs secteurs d’activité (minier, auto- mobile…). Même si le Congrès national afri- cain (ANC), parti au pouvoir depuis la chu- te du régime de l’apartheid, devrait à nou- veau l’emporter, les élections générales prévues en avril 2014 seront l’occasion pour les partis d’opposition de soulever des problèmes qui minent le dynamisme de la croissance du pays, à savoir les fai- blesses du système éducatif, la rigidité du marché du travail et la corruption qui frap- pe une partie des fonctionnaires et des res- ponsables politiques locaux. p Sébastien Hervieu Turquie : la croissance pénalisée par le ralentissement européen Afrique du Sud : une confiance minée par les grèves Istanbul Correspondance Après une décennie de forte croissance, à peine contrariée par la récession de 2009, l’économie turque marque le pas. Le pro- duit intérieur brut (PIB) a augmenté de 2,2 % en 2012 et les prévisions annoncent environ 3 % pour 2013. Insuffisant, selon Mehmet Altan, directeur du département d’économie de l’université d’Istanbul. Il rappelle que « la Turquie, dont la moitié de la population a moins de 30 ans, a besoin d’au moins 4 % de croissance [du PIB] pour absorber les nouveaux arrivants sur le mar- ché du travail ». L’autre faiblesse structurel- le de l’économie turque, c’est son taux d’épargne trop bas. A peine 12 %. Le pays n’a pas les moyens de financer la croissan- ce effrénée dont rêve son premier minis- tre, Recep Tayyip Erdogan. Il vit à crédit. « La Turquie a connu une forte croissan- ce après 2009, grâce à l’impact des capi- taux alloués aux pays émergents », note Ugur Gürses, chroniqueur pour le quoti- dien Radikal. « Mais elle ne s’en est pas ser- vie pour anticiper le ralentissement. » Les investissements étrangers ont ralenti. Depuis 2011, la contraction de la demande intérieure a freiné les ambitions turques. Les déficits, internes et externes, se sont creusés. Le solde de la balance commercia- le est largement négatif, l’économie tur- que ayant besoin d’importer des biens de haute technologie pour produire plus. Le pays a souffert du ralentissement en Euro- pe, avec laquelle elle réalise 50 % de ses échanges, et des révolutions arabes dans des pays sur lesquels elle avait misé. La hausse rapide de la consommation d’éner- gie aggrave la tendance. La Turquie impor- te la quasi-totalité de son gaz et de son pétrole. La dégringolade de la livre turque (une perte de près de 30 % de sa valeur) montre la fragilité du miracle turc. Les leçons de la crise financière que le pays a connue en 2000-2001 ont en par- tie été retenues. Le système bancaire a été assaini et le gouvernement a maintenu une certaine discipline budgétaire, évi- tant a priori tout risque de rechute de ce côté-là. Mais cette fois, c’est le tissu indus- triel qui risque de souffrir. Le modèle de développement promu par M. Erdogan est aujourd’hui remis en question. Les sec- teurs de la construction et de l’immobi- lier sont menacés de surchauffe. Les investissements dans la recherche et développement restent insuffisants. « La transformation de la Turquie n’est plus une success story », prévient Güven Sak, directeur de la Fondation turque pour la recherche en politiques économiques. p Guillaume Perrier Un vendeur de guirlandes de mariage confectionnées à partir de roupies, à Srinagar (nord-ouest de l’Inde), en mai. ROUF BHAT/AFP 6 0123 Mardi 29 octobre 2013 r 2, 4

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LE RYTHMED’ACTIVITÉDES BRICSA ÉTÉ DIVISÉPAR DEUX

EN TROIS ANS

Laperspectived’unviragedelabanquecentraleaméricaine,quimettraitfinàuneèred’argentfacilesurlesmarchés,amisàmalcertainesdevisessud-américainesetasiatiques.Lesdéséquilibresfinanciersetle«risquepays»reviennentaupremierplan

Avisdetempêtesurleséconomiesémergentes

dossier

Une éclaircie aux Etats-Unispeut déclencher le tonnerreau Brésil, en Inde ou en Afri-que du Sud. C’est ce qui s’estproduit à la fin du printemps.

Enmai, la perspective d’une reprise dura-ble aux Etats-Unis a conduit le présidentde la Réserve fédérale américaine (Fed),BenBernanke, à évoquer la finde sapoliti-qued’argent facile.

Or, ce signaladouché ladouceeuphorierégnant dans nombre de pays émergentset provoqué une tempête sur lesmarchésdes devises. Les investisseurs ont retiré enmasse les capitaux placés dans les paysconsidérés comme les plus risqués pourles rapatriervers lesEtats-Unis.Mêmesi laFedn’est pas encorepassée à l’acte depuis,continuant à injecter toujours autant deliquidités – en rachetant 85milliards dedollars (61,5milliards d’euros) parmois dedettes publiques et privées sur les mar-chés financiers pour maintenir les tauxd’intérêt à un bas niveau. Car l’économiereste encore convalescente outre-Atlanti-que, et affectéepar les incertitudesbudgé-tairesdu«shutdown».

Iln’empêche,dèsleviragedelaFedenvi-sagé, la corne d’abondance qui s’était

déverséesurlespaysémergentss’esttrans-forméeenaspirateur.Après leboom,placeau krach. De janvier2012 à avril2013, unafflux net de 150milliards de dollars a étéinvesti dans les pays émergents, pour lesdeux tiers en fonds propres (actions) etpour le reste sous forme de prêts (obliga-tions), sans compter les investissementsdeportefeuille,plus volatils et spéculatifs.«Maisdemaiàseptembre,undésinvestisse-ment net de 40milliards de dollars a étéenregistré,qui s’est traduitpar labaissedesmonnaies, rendantplus difficile le finance-ment d’infrastructures ou d’unités de pro-duction»,expliqueLudovicSubran,écono-misteenchefd’EulerHermes.Selonl’Insti-tutde la finance internationale, l’affluxdecapitaux vers les trente économies émer-gentesdevraitfondrede12,6%surl’ensem-blede l’année 2013.

LechangementdecapannoncédelaFedn’expliquepastout,néanmoins.«C’estseu-lement l’étincelle qui amis le feu aux pou-dres», résume Armand Castiel, associé-gérant chez Riskelia, société spécialiste del’évaluation des risques. L’annonce duchangementde politiquemonétaire amé-ricaine a «servi de catalyseur, car il amon-tré que nombre de pays étaient devenus

très dépendants de l’afflux de capitaux àcourt terme, les investissements de porte-feuille, quiontprovoquéunebulle», ajouteYves Zlotowski, économiste en chef deCoface. Lespays lesplus affectéspar la fui-te des investisseurs étrangers sont ceuxdont la balance courante est déficitaire, àsavoir leBrésil, laTurquie, l’Indeouencorela Thaïlande: «Pour financer leur déficitextérieur, ces pays sont obligés d’attirer enpermanence des capitaux internationaux.Ils sont donc les premiers à souffrir de leurretrait», explique Patrick Artus, directeurdes étudesdeNatixis.

«Jusque-là, les investisseurs pensaientaveuglémentqueceséconomiesétaient flo-rissantes et plus ou moins équivalentes»,explique Bruno Colmant, économiste àl’UniversitécatholiquedeLouvain.Depuis,ilssesontmisàétudier leschiffres.Ceux-cimontrentquenonseulementlacroissancearalenti,maisquecertainsdecespayssouf-frent de problèmes structurels inquié-tants. Le Brésil, le Venezuela et l’Inde, parexemple, n’ont pas suffisamment profitédel’envoléedescoursdesmatièrespremiè-res et de l’afflux de capitaux étrangers deces dernières années pour se réformer, etnotamment, renforcer leurs infrastructu-

res.Lesinvestisseurssesontégalementren-ducomptede«lavulnérabilitédecertainesde ces économies, et du risque géopolitiquequi avait été négligé, ou encore des frustra-tions crééesparune société à deuxvitesses:l’AfriqueduSud, l’Inde, leBrésilet laTurquiesontdebons exemples,maisaussi l’Indoné-sie, l’Argentine, le Mexique ou le Maroc, ouencore la Hongrie ou la Croatie», analyseM.Subran. Le ralentissement économiquedes émergents «reflète des fragilités struc-turelles comme le climat des affaires ou lescontraintesd’offres–infrastructuresd’éner-giedetransport–,quisontdesproblèmesdelongtermeetdoncdifficilesàcorriger»,sou-ligneégalementM.Zlotowski.

La«surprise»estd’autantplusdécevan-teque les BRICS (Brésil, Russie, Inde, ChineetAfriqueduSud) avaient «changéde sta-tut»aucoursdesannées2000,présentantdes systèmes bancaires et des financespubliques assainis, et affrontant avec suc-cès le double effondrementde la croissan-ce et du commerce mondial, en2008-2009.Desplansderelancemassifsyavaient été déployés, notamment enChine, entraînant un redémarrage écono-mique rapide, au contraire des pays déve-loppés. Mais la demande de ces derniersrestant faible, et les politiques de relancedespaysémergentss’essoufflant,«ladon-neest en trainde changer», analyseM.Zlo-towski. «Les BRICS perdent aujourd’hui deleur dynamique puisque leur croissance aété divisée par deux entre son pic de lami-2010 (+7,2%) et son niveau actuel de+3,2%», souligne-t-il. En tendance, le ryth-me d’activité y a donc été divisé par deuxen trois ans : un très net changement derythme.

Pékin, quimaintient un contrôle dutauxdechangeduyuan,etdisposedes premières réserves de devisesde la planète, est le moins exposé

aux mouvements financiers internatio-naux. Mais d’autres économies émergen-tes sont entrées dans une phase délicate,que la chute de leur devise vient aggraver.Le Brésil – qui avait dénoncé comme une«guerredesmonnaies» la baissedudollarnaguèreprovoquéeparlapolitiquedesou-tien de la Fed – souffre désormais… duretournementprogramméde cette prodi-galité monétaire américaine. La baisse dureal, en renchérissant le prix des importa-tions, pèse aujourd’hui sur l’activité. A ter-

2012 2013

AFRIQUE DU SUD BRÉSIL MEXIQUE INDE

Le billet vert s’apprécie face à des monnaies affaiblies

2,5 2,0

Croissance du PIB, en % : en 2012

– 6,1 %+ 12,6 %

projection 2013 Solde de la balance des paiements courants, en % du PIB : Cours du dollars dans la monnaie du pays :projection 2013

Rands sud-africains

9,83

1er Janvier 2013 28 octobre 2012 2013

0,9

2,5 – 3,4 %

Reais brésiliens

2,19

1er Janvier 2013 28 octobre 2012 2013

3,6

1,2

– 1,3 %

Pesos mexicains

1er Janvier 2013 28 octobre 2012 2013

3,23,8

– 4,4%

1er

12,88

10,39

8,46 2,04 2,

2,45

12,89

13,39

54+ 7,3 % – 0,08%

JohannesburgCorrespondance

«Gérezvosaffaires intérieureset les affai-res internationalesd’unemanière respon-sable,afinque les effetsnégatifs surnoséco-nomiesne soientpasaussigraves.»Enjuin, leministredes financessud-africain,PravinGordhan,avaithaussé le tonàl’égarddesEtats-Unis, craignantpour sonpays les conséquencesnéfastesde la findel’accommodantepolitiquemonétaireaméricaine.

Quatremoisplus tard, ses inquiétudessesontmatérialisées.Lamonnaiesud-afri-caines’est fortementdépréciée, en raisonduretraitmassifdecapitauxreprenant ladirectiondesEtats-Unis. Fin août, le randavaitperdupresque20%desavaleurvis-à-visdudollardepuis ledébutde l’an-née, avantde regagnerunpeude terraindans les semainesquiont suivi.

Cettedépréciationaentraînéunrenché-rissementducoûtdes importationspourles consommateurssud-africains, et accrule risqued’unepoussée inflationniste.«Ledébatest vif enAfriqueduSudpour savoirsi la banquecentraledoitmaintenir sonprincipal tauxdirecteur [5%]pour contenirleniveaud’inflationà6%,ousi elle ledimi-nuepour stimulerun tauxde croissancequidemeure faiblepourunpaysémergent,

maisau risqued’alimenterà son tour l’in-flation», expliqueGinaSchoeman,écono-mistechezCitigroup,à Johannesburg. En2013, l’économiesud-africainenedevraitpascroîtredeplusde 2%.Ellenedevraitpasbénéficiernonplusde l’affaiblisse-mentdu randpourdavantageexporteretainsi réduire ledéséquilibrede sabalancedescomptescourants (déficit de6,5%duPIB), car laChine, sonpremier clientdepuis2009, risquede faire face àunralentissementde sacroissance, etdoncàunmoindreappétitpour les ressourcesminièressud-africaines.

Outre lavolatilitédu randquipourraitdurerplusieursmois, la confiancedesinvestisseursaaussi étéminéedepuis lafinde2012parunesériedegrèvesdansplusieurssecteursd’activité (minier, auto-mobile…).Mêmesi leCongrèsnationalafri-cain (ANC),parti aupouvoirdepuis la chu-tedurégimede l’apartheid, devraitànou-veau l’emporter, les électionsgénéralesprévuesenavril2014seront l’occasionpour lespartisd’oppositiondesouleverdesproblèmesquiminent ledynamismede la croissancedupays, à savoir les fai-blessesdusystèmeéducatif, la rigiditédumarchédutravail et la corruptionqui frap-peunepartiedes fonctionnaireset des res-ponsablespolitiques locaux. p

SébastienHervieu

Turquie: lacroissancepénaliséeparleralentissementeuropéen

AfriqueduSud:uneconfianceminéeparlesgrèves

IstanbulCorrespondance

Aprèsunedécenniede fortecroissance, àpeinecontrariéepar la récessionde2009,l’économieturquemarque lepas. Lepro-duit intérieurbrut (PIB) a augmentéde2,2%en2012et lesprévisionsannoncentenviron3%pour2013. Insuffisant, selonMehmetAltan, directeurdudépartementd’économiede l’universitéd’Istanbul. Ilrappelleque«laTurquie,dont lamoitiédelapopulationamoinsde 30ans, abesoind’aumoins4%decroissance [duPIB]pourabsorber lesnouveauxarrivants sur lemar-chédu travail». L’autre faiblesse structurel-lede l’économie turque, c’est son tauxd’épargnetropbas.Apeine 12%. Lepaysn’apas lesmoyensde financer la croissan-ceeffrénéedont rêvesonpremierminis-tre,RecepTayyipErdogan. Il vit à crédit.

«LaTurquiea connuune forte croissan-ceaprès 2009,grâceà l’impactdes capi-tauxallouésauxpaysémergents», noteUgurGürses, chroniqueurpour lequoti-dienRadikal.«Mais elle ne s’en est pas ser-viepouranticiper le ralentissement.» Lesinvestissementsétrangers ont ralenti.Depuis 2011, la contractionde lademandeintérieurea freiné les ambitions turques.Lesdéficits, internes et externes, se sontcreusés. Le soldede la balancecommercia-

le est largementnégatif, l’économie tur-queayantbesoind’importerdesbiensdehaute technologiepourproduireplus. Lepaysa souffertdu ralentissementenEuro-pe, avec laquelle elle réalise 50%deseséchanges, et des révolutionsarabesdansdespays sur lesquels elle avaitmisé. Lahausse rapidede la consommationd’éner-gie aggrave la tendance. LaTurquie impor-te la quasi-totalitéde songaz etde sonpétrole. Ladégringoladede la livre turque(uneperte deprèsde 30%desa valeur)montre la fragilitédumiracle turc.

Les leçonsde la crise financière que lepays a connue en2000-2001ont enpar-tie été retenues. Le systèmebancaire a étéassaini et le gouvernementamaintenuune certainedisciplinebudgétaire, évi-tant a priori tout risquede rechutede cecôté-là.Mais cette fois, c’est le tissu indus-triel qui risquede souffrir. Lemodèle dedéveloppementpromuparM.Erdoganest aujourd’hui remisenquestion. Les sec-teursde la construction et de l’immobi-lier sontmenacés de surchauffe. Lesinvestissementsdans la rechercheetdéveloppementrestent insuffisants.«Latransformationde la Turquie n’est plusune success story», prévientGüvenSak,directeurde la Fondation turquepour larechercheenpolitiques économiques.p

GuillaumePerrier

Unvendeurde guirlandesdemariageconfectionnéesàpartirde roupies,à Srinagar(nord-ouest del’Inde), enmai.ROUF BHAT/AFP

6 0123Mardi 29 octobre 2013

er Jan

2,04

54,6

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dossier

me,enrevanche,cettedépréciationbénéfi-ciera à la compétitivitédes produits brési-liens à l’exportation, mais «à conditionquel’appareilproductiflocalpuisseyrépon-dre,cequisupposedespolitiquesindustriel-les adaptées», souligne M.Subran. Or, leserpent se mord la queue: les banquierscentraux émergents, en Inde ou au Brésil,ont tendance à relever les taux d’intérêt…en réaction à l’inflation produite par lahausse des prix des biens importés, maisaussi pour soutenir le cours de leur mon-naieet son image internationale.Et ce ren-chérissement du coût de l’argent alourditaussi le financement interne des investis-sements.Ledéfidespolitiquesmonétairesserade trancher ce dilemme…

Les grandes économies émergentes,soulignent les experts, gardentcependantdesfondationsplussoli-des que dans les années 1980 et

1990. Si l’Afrique du Sud, le Brésil, l’Inde,l’IndonésieoulaTurquiesontaujourd’huifragilisés – car déjà frappés ou bien expo-sésàunecrisedechange–,«onpeutobser-ver que ces crises de change y ont aujour-d’hui un impact moinsmarqué que par lepassé»,souligneM.Zlotowski.Lacroissan-ceyralentitnettement,moinsquelorsdesépisodesprécédentsdecrise latino-améri-caine ou asiatique des deux dernièresdécenniesduXXesiècle: «L’Etat et le systè-me bancaire ne sont pas endettés en devi-ses, ce qui limite le risque de crise systémi-que. Il n’y a d’ailleurs pas eu d’appel auFonds monétaire international. La ques-tion qui se pose davantage est celle de l’en-dettement en devises des entreprises et lerisquededéfautdesplus fragiles.»A l’inté-rieur même des pays émergents visés, ildevrait doncy avoir desperdants.

Face à la dépréciation de leurs mon-naies, ces pays n’ont toutefois pas tardé àorganiserlariposte,passeulementenrele-vant leurs taux d’intérêt. Certains ontd’abord pioché dans leurs réserves dechange.LeBrésil aprévud’injecter jusqu’à50milliards de dollars sur les marchésd’ici décembre. D’autres ont renforcé lecontrôledescapitaux. L’Indeaainsi limitéles sorties autorisées pour les particulierset les entreprises, et a encadré strictementles importationsd’or. LesBRICS, enfin,ontannoncélorsduG20deseptembreàSaint-Pétersbourg (Russie) qu’ils allaientmettreen place un fonds commun d’interven-

tion sur les marchés des changes, dotéd’une centaine de milliards d’euros.«Autant de mesures dont l’impact resteralimité», analysecependantChristianJime-nez, président de Diamant Bleu Gestion.Pour aller plus loin, suggère M.Subran,«une coordination internationale devraitêtremise en place afin d’éviter que la fuitedescapitauxnedégénèrebrutalement,cer-tainspaysémergentsdépendantdesfinan-cements en dollars, mais d’autres aussi enyensjaponaisouencoreenyuanschinois»,dont l’usageest en trainde s’internationa-liser rapidement.

Soumis aux grands vents de la planètefinance, les pays émergents sont aujour-d’hui plus vulnérables, mais ils ne sontpasdépourvusd’atouts.Lerattrapageéco-nomique qu’ils ont entamé, soutenu parl’importation de technologies, va conti-nuer. Mais le rythme s’annonce désor-mais plus lent pour certains, et le voyagemoins facile. pMarieCharrel etAdriende Tricornot

SOURCES : BLOOMBERG, FMI OCTOBRE 2013

TURQUIE

Roupies indiennes

61,45

Janvier 2013 28 octobre 2012 2013

6,25,3

– 3,4 %

Roupies indonésiennes

11 013

1er Janvier 2013 28 octobre 2012 2013

6,5

3,10,1 %

Bahts

31,02

1er Janvier 2013 28 octobre 2012 2013

2,2

3,8

– 7,4 %

Livres turques

1,98

1er Janvier 2013 28 octobre

INDONÉSIE THAÏLANDE

1,782,04

9 638

30,6

54,69

68,82 11 649 32,3 2,07

+ 12,3 % + 14,3 % + 11,2 %+ 1,4 %

Rio de JaneiroCorrespondant

Auplus fort de la crise, la présidenteduBrésil, DilmaRousseff, a assuré, le27août, avoir «unemarge demanœu-vre» suffisantepour affronter lesvariationsdes tauxde changequiaffectent lamonnaienationale, lereal, rappelant que le pays disposaitd’«unmatelas»de quelque 372mil-liardsde dollars (269,5milliardsd’eu-ros) dedevises étrangèresdans ses cof-fres. Le real venait de plonger face audollar. Unedesplus fortes baissesdetoutes les devisesmondiales avec laroupie indienne.

Dans la foulée, le 28août, la BanquecentraleduBrésil relevaitpour laqua-trièmefois consécutivedepuis ledébutde2013 son tauxdirecteurde0,5point, à 9%surunan.Unedécisionprise cinq jours après avoir annoncé,le 23août, lamiseenplaced’unplandestinéà injecter jusqu’à 54,5mil-

liardsdedollarsdans lemarchédeschanges jusqu’à la finde l’année.

Lesmarchésont plutôt réagipositi-vement. Endeuxmois, le real s’estappréciéde 12,69%par rapport audol-lar.Mais –de l’aveumêmedenom-breuxexperts – la situationreste fragi-le. D’avril à juin2013, le Brésil a subiune réductiondes crédits de 41mil-liardsdedollars, la plus forte baisseparmi le groupedesBRICS (Brésil, Rus-sie, Inde, Chine etAfriqueduSud).

Croissance «décevante»Defait, leBrésil,quiaétéunedespre-

mièresvictimesde la fuitedes capi-tauxétrangers, avancesurune lignedecrête.D’uncôté, lepaysest confrontéàcettebaisse sur le long termedurealfaceaudollarqui, certes, enchante lesentreprisesexportatricesmaisengen-dreunemenacedepoussée inflation-niste–hantisenationale.De l’autre, lafaiblessedes investissementsstructu-rels,malgré les effortsdugouverne-

ment, empêche touteperspectivederepriseéconomiqued’envergure.

C’est cet équilibre inconfortablequivientdedéciderCoface, spécialisteducrédit interentreprise, àplacer le Brésilsous surveillancenégative, jugeant sacroissance«décevante». Elle est atten-dueà 2,4%en2013et 2,9%en2014. ABrasilia, les dirigeantsdevraientmain-tenir en2014, annéeélectorale, lesmesuresde soutienau real. L’objectifde la banquecentrale étantde conte-nir l’inflationen lamaintenantàunniveau inférieurà celuide 2012(5,84%), loindes6,5%, la limitehautefixéepar le gouvernement.

Le 15octobre, à Salvadorde Bahia(côteest),MmeRousseff déclarait: «L’in-flationet les comptespublics sontabso-lument sous contrôle.» Signedestemps, l’indicedesprix à la consom-mationa toutefois poursuivi sahaus-se entaméeenaoût, à +0,27%en sep-tembreet +0,48%enoctobre.p

NicolasBourcier

Brésil: lahantisedel’inflation

Inde:15milliardsdedollarsenvoléscetété

Denombreux pays émergents font faceà des sorties de capitaux et à la dépré-ciation de leur devise. Ces turbulencesfinancières etmonétaires vous parais-sent-elles graves?

YDesdifficultésdebalancedespaiementssont appa-ruesdansunpetitnombre

depaysasiatiqueset latino-américains.Les investisseursdespaysavancésdéga-geantdesexcédentsd’épargneet les inves-tisseursaméricains,grâceaux liquiditésabondantesauxEtats-Unis,ontaffluéversles émergentsdès 2010,attiréspar lapro-messed’une rentabilitéélevée.Mais laperspectived’undurcissementde lapoliti-quemonétaireaméricaineaprovoquéunenette inflexion,un«sudden top», etles capitauxont commencéà refluer.

Leuraffluxavait favoriséunecroissan-ceplusélevéequ’ellene l’auraitété sanseux.Labalancecourantedecespayss’estdégradée.Enmêmetemps, et c’estunpointpositif, leurs réservesdechangeontconsidérablementaugmenté.Dans les cri-

ses financières, c’est toujours aucoursdel’embellie, lorsque la croissanceest forte etlesprixdesactifs financiershauts, que lesfragilités s’étendent.Et il suffitd’un ren-versement,quipeutêtre lié àunchocpure-mentpsychologiqueouàunchangementdepolitiquemonétaire,pourqueces fragi-lités s’imposentauxyeuxde tous.Cette crise est-elle demêmenature quela crise asiatique de 1997?

Cespaysnemesemblentpas touchésde lamêmemanière. En 1997, il y avaitd’énormesfragilitésbancairesenAsie. Lacriseavaitdébutéparuneattaquespécula-tive contre lebaht thaïlandaiset l’onétaitenchanges fixes.Denombreusesbanquesétaientengrandedifficulté: leursbilanstrèsdégradéset leurs risquesde tauxetdematuritéconsidérables, entredesentréesdecapitauxà court termeetdesprêtslongs.C’estpar le canalbancaireque la cri-se s’est transforméeencrise systémique.Cen’estpas cequi sepasseen cemoment.Certains pays semblent s’en tirermieuxqued’autres. Pourquoi?

Tout lemonden’estpas logéà lamêmeenseigne. LeChili et laMalaisieontmieuxmaîtrisé les entréesde capitauxetpartiel-lementreplacéces avoirsà l’étranger. Leurbalancecouranteest jugéesoutenable: cen’estpas le casen Inde, en IndonésieouenTurquie. Surunplanplusgénéral,d’énor-meseffortsontété faitsdepuis la crisede2008pourconsolider les établissementsfinanciers. Il y amoinsde fragilitésparmilesbanquesaujourd’huiqu’il n’y enavaiten 1997. La réglementationprudentielles’estdurcie. La supervisionestplus forte.Les risquesquede fortes tensionssur lemarchédes changesdégénèrentencrisesystémiquesontbienplus faibles. Les éco-nomiessontplushétérogènes, cequi limi-te les contagionsrégionales, les systèmesbancairessontplus solides, lesmarchésactionsrestentbiensoutenuset il n’y apasdesigned’uneffondrementboursier,contrairementà 1997.Deplus, lorsde la cri-seasiatique,denombreuxémergentsavaientdes régimesdechangeplutôt rigi-des. Ils sontbienplus flexiblesaujour-

d’huiet cette flexibilitépermetunajuste-mentplusdoux («soft»). En 1997, lesban-quierscentrauxn’avaientpasd’autrealter-nativequede tenir lesparitésoudedéva-luerau termed’unecrise.Désormais, ilsessaientd’accompagner les évolutions.Les pays les plus vulnérables sont-ilsles plus fragiles économiquement?

Il faut faire lapartdes chosesentre leséquilibresmacroéconomiqueset lepoten-tiel decroissance.LeBrésil, la Turquie, l’In-donésieou l’Inden’ontpas réussi àmaîtri-ser leur situationmacroéconomiquefaceà l’affluxde capitauxétrangers. Leur tauxd’inflationestgénéralementde l’ordrede7%à8%, voireplus, et leurdéficit courantest comprisentre 3%et6%duPIB.Nulnedoutepourautantde la capacitédeces éco-nomies, compte tenude leurdémogra-phie,de laqualificationde leurpopula-tion…àêtreparmi lespluspuissantesdumonded’ici vingt à trenteans. Leursdiffi-cultéspeuvent freinerouretardercetteévolution,maispas l’empêcher. p

Proposrecueillis par ClaireGuélaud

NewDelhiCorrespondance

L’Indea été l’undes pays émergentsles plus touchéspar le rapatriementde capitauxvers l’Europe et les Etats-Unis à la finde l’été. Entre juin et août,les investisseurs étrangers ont retiréprèsde 15milliardsdedollars (10,9mil-liardsd’euros) desmarchés financiersindiens, précipitant la chute de la rou-pie qui a perdu, sur cette période, 18%de sa valeur.

Ces turbulencesont révélé les fragi-lités de l’économie indienne, et enpre-mier lieu le déficit de la balance cou-rante, alimentépar la baissedes inves-tissements étrangers et la haussedudéficit commercial.

Après la crise financièrede 2009,l’Indeavaitparéau ralentissementdelademandedespaysoccidentauxenrelançant la consommationintérieure.Maisavecune industrie incapablederépondreà lademande,etqui souffredumanqued’infrastructurespour se

développer, lahaussedes importa-tionsa creusé ledéficit commercial.

Les investisseursétrangers se sontdétournésde l’Indeen raisond’uncontextepolitiquedifficile.Des scan-dalesde corruptionont éclaté, notam-mentdans l’attributiondeconces-sionspour l’exploitationdeminesdecharbon, etc. Le gouvernementamar-quéunepausedans les réformesdelibéralisationet d’ouverturede l’éco-nomieaux investissementsétrangers.

Besoin de transparenceL’Indedoit d’abord se doter de

mécanismes transparentsdans l’allo-cationde ses ressources. Sur les deuxfrontsdudéficit de la balance couran-te et de la baisse des investissementsétrangers, l’Inde a déjà pris plusieursmesures. Le plafonddes investisse-ments étrangers a été relevédans lessecteursde la grandedistribution,del’assuranceet despensions retraites.

En septembre, le Parlement a adop-té la loi sur l’acquisitiondes terres,

qui fixe de justes compensationsdes-tinées auxpopulations et auxpay-sansdéplacés et devrait débloquerdenombreuxprojets industriels.

Enfin, la chutede la roupie anéan-moinspermis de réduire le déficitcommercial. Il y a urgencepourredresser l’activité. La croissanceduproduit intérieur brut (PIB) est tom-bée à 4,4% audeuxièmetrimestre2013. La pire performancedepuis2009. Le secteurmanufacturier aplongéet l’agriculture et les servicestirent péniblement la croissance.

Dans son rapport sur l’Asie du Sud,publié le 9octobre, la Banquemondia-le salue « la dynamiquedes réformesqui vient d’être relancée», et table surune croissanceduPIBà 4,8%pour l’an-née fiscale 2013-2014 close le 31mars.Elle estimeque la dévaluationde laroupiepourrait être salutaire si elleaméliore la compétitivitédes exporta-tions indiennes et réduit le déficitcommercial.p

JulienBouissou

«Lesrisquesdecrisesystémiquesontfaibles»QuestionsàAndréCartapanis,professeuràSciencesPoAix-en-ProvenceetmembreduCercledeséconomistes

70123Mardi 29 octobre 2013