22
yves houde C A M P - É C O L E ! L’aventure du camp Trois-Saumons septentrion Extrait de la publication

yves houde C A M P - É C O L E

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: yves houde C A M P - É C O L E

y v e s h o u d e

C A M P - É C O L E !L ’ a v e n t u r e d u c a m p Tr o i s - S a u m o n s

s e p t e n t r i o nExtrait de la publication

Page 2: yves houde C A M P - É C O L E
Page 3: yves houde C A M P - É C O L E

C A M P - É C O L E !

Extrait de la publication

Page 4: yves houde C A M P - É C O L E

Extrait de la publication

Page 5: yves houde C A M P - É C O L E

Yves Houde

C A M P - É C O L E !

L’aventure du camp Trois-Saumons

SEPTENTRION

Extrait de la publication

Page 6: yves houde C A M P - É C O L E

Nous remercions le Conseil des Arts du Canada de l’aide accordée à notre programmede publication ainsi que la SODEC.

Illustrations de couverture : Collection du Camp-École Trois-Saumons

Révision linguistique : Solange Deschênes

Maquette de la couverture : Gianni Caccia

Mise en pages : Folio infographie

Si vous désirez être tenu au courant des publicationsdes ÉDITIONS DU SEPTENTRION

vous pouvez nous écrire au1300, av. Maguire, Sillery (Québec) G1T 1Z3

ou par télécopieur (418) 527-4978ou consultez notre catalogue sur Internet :

http://www.ixmedia.com/septentrion

Dépôt légal – 3e trimestre 1997Bibliothèque nationale du QuébecISBN 2-89448-090-3

Diffusion au Canada :Dimedia539, boul. LebeauSaint-Laurent (Québec)H4N 1S2

© Les éditions du Septentrion1300, av. MaguireSillery (Québec)G1T 1Z3

Extrait de la publication

Page 7: yves houde C A M P - É C O L E

À Mélanie et Françoisqui ont fréquenté les camps

Trois-Saumons et Minogami

Extrait de la publication

Page 8: yves houde C A M P - É C O L E

Extrait de la publication

Page 9: yves houde C A M P - É C O L E

P R É F A C E

J’ai parcouru une bonne partie de ces 50 ans d’histoire en côtoyant à diverstitres les nombreux et vrais artisans d’une réussite qui n’en finit plus, mêmesi elle demeure toujours aussi précaire, mouvante et incertaine quepassionnante, régénératrice et salutaire.

Son fondement, c’est la jeunesse, ses éternels changements, ses certi-tudes et ses hésitations : un mélange d’énergie et d’idéal, un monde d’amitiéet de raison de vivre, une grande disponibilité des corps et des âmes quibrûlent de transporter la montagne.

J’ai connu les Ratons et les Marmitons, les centaines de préposés à ceciet à cela, les moniteurs et les monitrices, leurs chefs de groupes et devillages, les directions et, bien évidemment, l’Oncle Raoul. Tout ce beaumonde a travaillé et travaille encore obstinément à l’éducation des autresqu’on appelle « campeurs et campeuses », qui nous persuadent année aprèsannée que nous avons raison de les aimer.

Je souligne la réflexion et le travail des membres de la Corporation etde son conseil d’administration qui permet d’aller de l’avant ; ils sontmontés dans le train de l’avenir parce qu’ils ont découvert, à un moment oul’autre, que cet engagement confond même les plus sceptiques.

Au milieu des années 1960, j’ai rencontré l’auteur, M. Yves Houde, alorsun chef de groupe sensible, cultivé, curieux, assez intellectuel, qui a eu lecourage de fouiller les archives pêle-mêle de nos camps et qui a le mérite,après plusieurs années de recherches, de nous offrir le vécu d’un hommefort ambitieux avec des éclairages qui nous en éloignent et nous en rappro-chent, qui plaisent et dérangent.

La lecture de ce bouquin nous rappelle que l’abbé Raoul Cloutier estomniprésent, toujours au cœur de la merveilleuse histoire d’un camp-école

Page 10: yves houde C A M P - É C O L E

c a m p - é c o l e !10

qu’on n’aurait pas voulu différent au fond. Tout y est humainement racontépour que chacun et chacune y reconnaisse sa place et y exige une part degratitude tant la générosité personnelle était sans limite. M. Houde nous faitcomprendre que le camp-école, c’est beaucoup de monde ; après quelquessemaines passées à Trois-Saumons et Minogami, voire davantage, chaquelecteur y trouvera son intérêt et sa satisfaction.

Je salue son épouse, Michèle, qui a donné quelques étés au camp etleurs fille et fils qui ont connu également les huttes de Trois-Saumons et deMinogami.

Pierre Bigaouette

Extrait de la publication

Page 11: yves houde C A M P - É C O L E

A VA N T - P R O P O S

C’était journée portes ouvertes au camp Minogami. Un splendidedimanche de mai 1988 où le soleil chassait les dernières fraîcheurs d’unlong printemps. Nous avions quitté l’autoroute 55, je me souvenais d’unepetite église toute blanche qu’il fallait dépasser avant de poursuivre le che-min dans l’arrière-village jusqu’à une courbe prononcée qui nous ouvraitenfin la route du camp.

Cinq kilomètres d’une route de terre, poussiéreuse à souhait ! Fallait-ilcroiser d’autres voyageurs que nous suffoquions dans la voiture toutesfenêtres fermées.

En traversant des sous-bois de verdure étincelante, les enfants s’amu-saient à arracher les feuilles tendres aux branches des arbres qui balayaientla voiture. Enfin, nous franchissions la barrière où nous attendaient desclowns et des moniteurs avec des excès de bonne humeur.

En parents avertis et soucieux des pédagogies douces, nous allionsfamiliariser notre fils avec les lieux de son prochain camp d’été, unedémarche d’autant plus nécessaire, jugions-nous, qu’il serait séparé de sasœur qui, après avoir fréquenté Trois-Saumons, allait faire l’expérience d’uncamp anglais, au nord de Toronto.

Dans ce domaine né de l’imaginaire mégalomane d’un millionnaireaméricain, notre enthousiasme de parents débordait largement la sienne.Enfant docile, il allait accepter « notre choix », sans savoir vraiment quelleétait sa chance de vivre au cœur de ce site exceptionnel, dans un lieu habitéde légendes. Que pouvait-il savoir des origines modestes de cette grandeœuvre, de la témérité de ses fondateurs, du jeu capricieux des circonstancesqui en ont fait son histoire, si personne ne lui en avait encore rien dit ?

Extrait de la publication

Page 12: yves houde C A M P - É C O L E

c a m p - é c o l e !12

Pour lui, pour sa sœur, pour tous les campeurs et les campeuses quiétaient venus avant et qui allaient venir après, j’ai eu, ce jour-là, l’envie deraconter.

J’avais la prétention de pouvoir retracer une histoire simple comme ledéroulement d’un beau souvenir. Au fur et à mesure que je poursuivais larecherche et la documentation, la belle histoire se compliquait, les détailss’accumulaient et il devenait de moins en moins possible de tout dire, detout décrire, de tout nommer. J’étais contraint, devant l’ampleur de l’infor-mation, de faire des choix.

Le premier fut de décider de n’entendre que l’abbé Cloutier et den’interviewer personne d’autres si ce n’est que pour quelques précisionsdocumentaires, me privant sciemment des richesses de tous ceux-là qu’ilm’aurait fallu entendre sans en oublier un seul.

Mon deuxième choix fut de rapporter des faits sans défendre aucunethèse. J’ai trié parmi tout ce qui me paraissait intéressant et j’ai choisi denommer ceux et celles qui étaient à l’origine ou au cœur des événementsretenus, reléguant malheureusement au silence des milliers d’autres quifurent tout aussi importants. J’ai privilégié les événements et les gestes quirévélaient, me semble-t-il, le travail des bâtisseurs, peu importe qu’il fûtempreint de mesquinerie, d’ambition ou de générosité. J’ai choisi dans le lotincalculable de photos et de diapositives celles qu’on avait eu la précautionde dater et, dans de trop rares occasions, d’identifier.

Je n’ai cherché à faire la lumière sur aucun conflit, à ne dénonceraucune erreur de parcours, à ne faire l’éloge d’aucun projet en particulier,à n’interpréter aucun échec, à ne glorifier aucun ami même si, à l’occasion,la tentation fut presque irrésistible.

J’ai été intéressé et parfois ému par ce que j’ai pu apprendre. J’ai étésurpris et souvent amusé par ce que j’ai trouvé. À tous les artisans que cetterecherche m’a permis de mieux connaître, mes respects, mon admiration etmon affection.

Mon affection tout particulièrement à l’endroit de ces milliers de jeunesmoniteurs et monitrices qui, sans égard au salaire, par leur présence inlas-sable et toujours renouvelée, ont fait partager à des générations d’enfantsleur savoir, leur foi et leur folie. Je me permets de remercier l’abbé RaoulCloutier pour ces longues heures de conversation, un certain hiver, dans legrand salon de la Maison des bois. Je me souviendrai de son plaisir à racon-ter, à inventer des épisodes héroïques, à éviter les questions pièges, à me voirintéressé.

Page 13: yves houde C A M P - É C O L E

Avant-propos 13

Je remercie également Gabriel, mon voisin de la rue Belmont, pour ceslongues promenades, les soirs d’été, avec qui j’ai appris, à mots couverts, lapetite histoire des Cloutier.

Merci à la direction des camps et au conseil d’administration de laFondation pour le soutien et l’encouragement, sans savoir... À PierreBigaouette, ma mémoire, ma référence, pour l’amitié et la disponibilité. Àsœur Thérèse Mailly, qui m’a raconté Bourg-Royal. À Pierrette Montminy,pour la transcription des heures et des heures d’enregistrement.

Merci à Réjeanne, Marcel et Thérèse pour la patience de votre lecture.Je désire enfin reconnaître tous ceux et celles qui, sans le savoir, au

hasard d’une conversation, en réponse à une question ou en me fournissantun document, m’ont appris ce que je vais vous raconter.

Yves Houde

Extrait de la publication

Page 14: yves houde C A M P - É C O L E

Extrait de la publication

Page 15: yves houde C A M P - É C O L E

Chapitre 1

P O R T R A I T

Une personnalité complexe,faite de contrastes plus que de nuances !

10 septembre 1988. Un soleil radieux de ces fins d’été colorées comme seulle paysage du lac Trois-Saumons sait en offrir. Debout, près de la porte del’édifice de l’administration, vêtu d’un pantalon pâle et d’une chemisesafari, comme il aimait en porter, le cou libéré de la gênante minerve, RaoulCloutier rayonnait. Les éclats de voix, les éclats de rire, la surprise desretrouvailles animaient la place qui porte aujourd’hui son nom. Quelque300 personnes réunies pour souligner ses 80 ans faisaient la queue pour luiserrer la main et bien s’assurer qu’il les remarquât. Ainsi en a-t-il toujoursété des amis de l’abbé Cloutier. Au centre de ce rassemblement, il accueillaitles invités, parlait à l’un de voyage, devisait avec un autre sur sa santé,racontait son dernier été, imaginait le prochain... une fois encore, comme ill’avait fait si souvent à l’accueil des parents, les jours d’entrée et de sortie,depuis cet après-midi du 29 juin 1947, à quelques mètres de là, à la tête dece magnifique lac, toujours le même, en face d’un camp si différent.

En cette fin d’après-midi de septembre, observant cet homme que l’âgea rendu fragile et ce camp témoin de son idéal, j’ai senti plus que jamaisl’urgence de raconter.

Il serait prétentieux de parler ici d’une biographie de Raoul Cloutier, ils’agit de rappeler le cours des événements qui ont amené le fils d’un méde-cin de campagne à réaliser ce projet d’envergure.

Page 16: yves houde C A M P - É C O L E

c a m p - é c o l e !16

Une démarche vouée à demeurer incomplète, il faut bien l’admettre,par souci de discrétion ou par respect pour les personnes qui y ont contri-bué. Je ne ferai ni l’apologie ni la critique d’un homme qui, sans doute, avecle recul du temps, mériterait l’une et l’autre.

L’objectivité des dates, des faits, des événements permettra à ceux quiconnaissent peu l’abbé Raoul Cloutier de suivre, à travers les années, toutau moins, le cheminement du personnage et de voir se développer sonprojet. Quant aux autres qui ont entendu raconter tant de fois ces anecdoteset ces prouesses, ils pourront percevoir, en filigrane, des pistes, des jalons etmieux saisir cette personnalité complexe, faite de contrastes plus que denuances, dont plusieurs facettes nous échappent chaque fois que nouscroyons les avoir cernées.

Les origines

C’est dans la pittoresque région de L’Islet enchâssée entre le fleuve et lamontagne qu’il nous faut retourner pour voir huit générations de Cloutiervivre au rythme lent et régulier de la marée et des saisons. En effet, depuisle milieu du xviie siècle, la famille y poussa de profondes racines : l’ancêtre,René Cloutier, et sa femme, Élisabeth Leblanc, étaient venus de Beauport,vers 1675, pour s’y installer.

Le grand-père de l’abbé Cloutier, Louis-Arsène, un petit entrepreneur,tenta sa chance, jeune homme, du côté de la ville. À l’époque de sonmariage, en 1875, il se déclarait commis-marchand dans la paroisse Notre-Dame de Québec. Quelques années plus tard, alors installé rue Dupont, onle retrouvait successivement forgeron puis peintre en bâtiment. Ce n’est quevers 1882 qu’il revint au pays natal avec toute sa jeune famille.

La grand-mère, Cécile-Élisabeth Bernier, appartenait à une longuelignée de navigateurs et de marins. Jeune femme encore, elle fréquenta larégion du lac Trois-Saumons et fut l’une des rares épouses à oser y accom-pagner son mari au chalet du club de pêche Notre-Dame-de-Bonsecours,devenu plus tard le chalet de la famille où les petits-fils se donnèrentsouvent rendez-vous.

Campagnards industrieux d’une foi fervente, esprits curieux que lesroutes de la mer et les sentiers de la forêt fascinaient, gens instruits pourl’époque, leur horizon se mêlait à l’immensité du décor qu’ils habitaient.

En cette fin de siècle relativement florissante, la région de L’Islet béné-ficiait d’un renouveau et d’un dynamisme bien particulier dans le domaine

Extrait de la publication

Page 17: yves houde C A M P - É C O L E

Portrait 17

de l’éducation, ce dont allaient profiter les enfants de Louis-Arsène Cloutier.En effet, depuis 1827, à moins de 50 kilomètres à l’est, un collège classiquedirigé par des prêtres séculiers se taillait une forte réputation à Sainte-Anne-de-la-Pocatière. Au village de L’Islet même, dans la deuxième moitiédu siècle, s’étaient établies deux institutions importantes. Au couvent dessœurs du Bon-Pasteur, les filles pouvaient suivre un cours élémentairerégulier, enrichi des spécialisations en enseignement ménager et encomptabilité. Quant aux garçons, le collège des frères des Écoles chré-tiennes, en plus de les préparer à d’éventuelles études classiques, dispensaitun excellent cours commercial avec option en hydrographie, arpentage ettélégraphie.

Le père

Norbert Cloutier, le père, a fait sa marque à plus d’un titre. Né à Québec,en avril 1877, il fut le premier de la lignée à naître en dehors du village deL’Islet. Aîné de neuf enfants, il fut cependant le seul à poursuivre d’aussiimportantes études : cours primaire chez les frères des Écoles chrétiennes deL’Islet, cours classique à Sainte-Anne-de-la-Pocatière, cours de médecine àl’Université Laval où il obtint son doctorat en 1902 avant de poursuivre unespécialisation en chirurgie au Post Graduate Hospital, à New York.

Pendant ses années à l’Université Laval, Norbert Cloutier montra ungrand besoin d’engagement dans toutes les causes à caractère social, unevaleur qu’il a su transmettre bien au-delà de la Société des artisanscanadiens-français dont il devint le directeur général en 1912. C’estd’ailleurs à la demande de la succursale de la Société, à Saint-Charles deBellechasse, qu’il choisit d’aller pratiquer la médecine. Préoccupé avant toutde soulager la misère, pendant une douzaine d’années, il battit la campagneen toutes saisons, répondant jour et nuit aux appels, comme tous lesmédecins d’alors. S’il dut être ingénieux dans sa pratique médicale, il futsurtout généreux. Combien de fois soigna-t-il sur de simples promessesd’être payé ou pour des remerciements embarrassés par la gêne ! Il refusaparfois l’argent de paysans démunis, leur demandant en retour de prierpour les siens.

Le docteur Cloutier avait gardé de sa famille l’esprit d’ouverture etd’attachement aux valeurs du pays. Chez lui, on lisait Le Nationalisted’Olivar Asselin et Le Devoir d’Henri Bourassa. Peu enclin à la politiqueactive, il s’y laissa prendre une fois, aux élections fédérales de l’été 1911,

Page 18: yves houde C A M P - É C O L E

c a m p - é c o l e !18

comme « organisateur en chef » du notaire Lavallée, le candidat du mou-vement nationaliste d’Henri Bourassa, dans le comté de Bellechasse.

Norbert Cloutier fut un « homme d’œuvres », comme se plaisaient à lequalifier les mutualistes. Outre son appartenance à la Société des artisans,il fut directeur de la Caisse populaire de Saint-Charles de Bellechasse,président de celle de Saint-François-d’Assise de Québec, et premier vice-président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Québec.

La générosité dans l’engagement social, l’autonomie du jugement, laliberté d’action, la joie de fréquenter la nature sauvage furent donc desvaleurs qu’il chercha à transmettre à ses enfants. « Chez nous, on discutaitde tous les sujets. Renée et Raoul voulaient toujours refaire le monde »,affirme Gabriel, pour témoigner de l’esprit familial.

Outre l’exemple d’un travailleur infatigable, Norbert Cloutier laissa auxsiens l’image d’un homme optimiste, d’une grande sensibilité que trahissaitla moindre émotion. Un geste de reconnaissance, une parole tendre, laréussite d’un fils, une présence amicale et il pleurait... « Il avait la larmefacile... Comme Raoul », dit encore Gabriel.

La mère

La mère, Léonora Terreau, était la fille de Louis Terreau, fondeur et com-merçant bien en vue de la ville de Québec. La réussite de la compagnieTerreau et Racine ltée, au début du siècle, s’imposait bien au-delà deslimites de la capitale.

Fille de la ville, Mme Cloutier dut s’accommoder de la campagne et desa vie rude, trouvant tout son plaisir dans la présence et le service de sesproches. D’un naturel angoissé, elle s’inquiétait pour tout, craignant lesabords du lac tout autant que les profondeurs des bois. Le regard sévère, ellelaissa aux campeurs, qui l’ont connue les quelques étés où elle fréquenta lecamp, l’image d’une vieille dame austère qu’ils craignaient, elle qui,pourtant, s’offrait à consoler toutes leurs petites misères d’enfants. Femmeréservée, toujours digne et fière, elle n’en fut que plus dévouée, plus pro-tectrice, plus présente aux siens et particulièrement à son fils cadet qui,devenu prêtre, hérita de toute sa complaisance et de toute sa vénération.

Extrait de la publication

Page 19: yves houde C A M P - É C O L E

Portrait 19

Le fils

Le 14 août 1908, à Saint-Charles de Bellechasse, naissait le troisième enfantdu couple Cloutier : Raoul. Un bébé fragile de santé, me suis-je laissé dire.La famille comptait déjà une fille, Renée, qui, après un cours d’infirmière etde diététicienne, se fit moniale chez les Bénédictines, à Saint-Eustache, et unfils, Gabriel, qui devint ingénieur forestier et arpenteur-géomètre. Unquatrième enfant, une petite fille née à l’automne 1909, n’a pas survécu.

Le jeune Raoul n’avait pas huit ans quand la famille quitta la campagnede Bellechasse, en juin 1916, pour aller s’installer à Montmagny, à quelqueskilomètres à l’ouest du village de L’Islet. La venue dans ce petit centreurbain aggloméré autour d’une usine de machinerie agricole allait favoriserla pratique chirurgicale du père et permettre à ses enfants un premiervéritable contact avec les hauteurs du lac Trois-Saumons qui devinrentbientôt un lieu choisi pour la détente et les vacances en famille.

L’endroit a déjà toute son histoire. Philippe Aubert de Gaspé, dans LesAnciens Canadiens, y mène son héros, Archibald Cameron :

Après deux heures d’une marche rapide, ils arrivèrent au pied de lamontagne, en face de la coupe qui conduit au lac des Trois-Saumons ce quifit supposer à Arché qu’un détachement de sauvages y était campé.

Au bord du lac, le personnage se souvient des excursions qu’il y avaitfaites autrefois et l’auteur dit de l’endroit :

...cette belle nappe d’eau limpide encaissée dans les montagnes et parseméed’îlots à la couronne de sapins toujours verts...

Le même Aubert de Gaspé, dans ses Mémoires, parle du lac de ses ancê-tres et décrit un « campe » situé dans l’anse à Toussaint où il avait trouvérefuge à l’hiver 1825. Cet abri de fortune, les enfants Cloutier l’ont fré-quenté, dans leur jeunesse, avant qu’il ne fût complètement abandonné etdétruit.

Quel décor, à l’été de 1916, s’offrait-il à ces jeunes ? Un silence profondet presque religieux que rompait l’écho au moindre bruit. Moins d’unedouzaine de chalets dont celui des Cloutier et une chapelle érigée deux ansplus tôt, par Edmond Leclerc et Louis-Arsène, le grand-père, qui avait rap-porté de Tourville une cloche de train qu’il avait attachée au clocher. Desprêtres enseignants, dont les abbés Maxime Fortin et Paul Bernier, y assu-raient le service religieux pendant la saison des vacances.

Extrait de la publication

Page 20: yves houde C A M P - É C O L E

c a m p - é c o l e !20

L’escarpement des rives, une profondeur allant jusqu’à 25 mètres, lafroide température de l’eau étaient des obstacles importants dont s’inquié-tait surtout Mme Cloutier.

Comment assurer la sécurité des enfants et apaiser les inquiétudes de lamère ? Il aurait été tout naturel et tellement plus simple d’éveiller, chez eux,la crainte et la méfiance, comme l’ont fait tant de parents riverains dufleuve. Au contraire, le docteur Norbert et son beau-frère, médecin à Cap-Saint-Ignace, confiaient à « une grande jeunesse de vingt, vingt-deux ans »le soin d’accompagner « la marmaille » au chalet du lac Trois-Saumons. Là,sous l’œil attentif de la grand-mère, Cécile, qui, du quai ou d’une chaloupe,lançait la ligne, « le gars » enseignait aux jeunes à mater plutôt qu’à craindreles hostilités du milieu. Ils apprirent donc tous à nager, à ramer, à tendre descollets, à apprivoiser le lac et la forêt. Occasionnellement, ils se rendaienttous à la tête du lac, sur le terrain déboisé d’un moulin à scie, cueillir desfruits sauvages. C’est ainsi qu’encore enfant l’abbé Cloutier fréquenta leslieux mêmes où s’érigerait le Camp-École Trois-Saumons.

Les études

En septembre 1920, les deux frères Cloutier, Gabriel et Raoul, entraient aucollège, en Éléments latins, à Sainte-Anne-de-la-Pocatière. Autant la rigueurde la vie au pensionnat, la turbulence des cours de récréation, la promis-cuité dans les salles d’étude et les dortoirs convenaient aux humeurs deGabriel, autant cette vie trépidante, loin de la maison, irritait Raoul. Sagrand-mère, d’ailleurs, avait souvent mentionné comme il était « difficile àmener, celui-là » quand il se mesurait aux contraintes de l’autorité. Con-trarié, Raoul s’isolait dans un mutisme boudeur et culpabilisant ou fuyaittout simplement. S’il avait été la cible d’une espièglerie ou d’un tour, il letrouvait toujours de mauvais goût. Pendant toute sa vie, Raoul Cloutier futintolérant envers quiconque osa le défier, qu’il fût membre de son personnelou proche parent... À ceux-ci comme à ceux-là, il n’a jamais manqué defaire impitoyablement la leçon ! Lui pourtant si « malcommode » et grandjoueur de tours, s’il en fut un au lac Trois-Saumons, développa sur ce pro-pos une mémoire très sélective... Qu’on lui rappelât le déménagement descordes de bois d’un voisin chez un autre, ou la mise à l’ancre des chaloupesau milieu du lac, une nuit... Il fit toujours mine d’avoir oublié.

Après quelques mois de vie grégaire au pensionnat, les « faiblesses desanté » du jeune Raoul resurgirent. Pendant les mois où l’hiver s’étirait

Page 21: yves houde C A M P - É C O L E

Extrait de la publication

Page 22: yves houde C A M P - É C O L E

COMPOSÉ EN MINION CORPS 10,7SELON UNE MAQUETTE RÉALISÉE PAR JOSÉE LALANCETTE

ET ACHEVÉ D’IMPRIMER EN JUILLET 1997SUR LES PRESSES DE AGMV

À CAP-SAINT-IGNACE

POUR LE COMPTE DE GASTON DESCHÊNES

ÉDITEUR À L’ENSEIGNE DU SEPTENTRION

Extrait de la publication