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Dossier pédagogique 1 ENTRE LES MURS Un film de Laurent Cantet France - Couleur - 2008 - 2h08 – 35mm - Scope – Dolby SRD Fiche technique et artistique complète sur le site du film : http://www.entrelesmurs-lefilm.fr Au cinéma le 24 septembre François est un jeune professeur de français d’une classe de 4 ème dans un collège difficile. Il n’hésite pas à affronter Esmeralda, Souleymane, Khoumba et les autres dans de stimulantes joutes verbales, comme si la langue elle-même était un véritable enjeu. Mais l’apprentissage de la démocratie peut parfois comporter de vrais risques. Synopsis Dossier pédagogique Français, SES, ECJS Collège - Lycée Un dossier proposé par Zérodeconduite.net En partenariat avec Haut et Court et la MAIF

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FRANCES

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  • Dossier pdagogique 1

    ENTRE LES MURS Un film de Laurent CantetFrance - Couleur - 2008 - 2h08 35mm - Scope Dolby SRDFiche technique et artistique complte sur le site du film :

    http://www.entrelesmurs-lefilm.fr

    Au cinma le 24 septembre

    Franois est un jeune professeur de franais dune classe de 4me dans un collge difficile. Il nhsite pas affronter Esmeralda, Souleymane, Khoumba et les autres dans de stimulantes joutes verbales, comme si la langue elle-mme tait un vritable enjeu.Mais lapprentissage de la dmocratie peut parfois comporter de vrais risques.

    Synopsis

    Dossier pdagogique

    Franais, SES, ECJS Collge - Lyce

    Un dossier propos par Zrodeconduite.net En partenariat avec Haut et Court et la MAIF

  • sommaire

    Approches thmatiques ..........................................................p. 4

    Activits Franais Cadre pdagogique ...........................................................p. 9I Mieux savant ou plus savant : la pdagogie en question ...................................................p. 10II Professeurs et lves : dbat ou combat ? ....................p. 15III La Langue franaise, instrument dgalit ou de discrimination ? .........................................p. 19

    Activits ECJSCadre pdagogique ...........................................................p. 24Activits Seconde ..............................................................p. 26Activits Sixime ...............................................................p. 39

    Activits SESCadre pdagogique ...........................................................p. 45I Comprendre le processus de dmocratisation scolaire en France ...................................p. 46II Comprendre le rle de lcole dans la mobilit sociale .....................................................p. 48

    Dossier rdig par Marie Basuyaux (Franais), Valrie Marcon et Hlne Chauvineau (Education Civique - ECJS) et Frdrique Omer (Sciences Economiques et Sociales)Dossier coordonn par Vital Philippot et Florence Sal pour Zrodeconduite.net

    Crdits Photo : Haut et Court / Pierre Milon / Georgi Lazarevski

    mode dempLoi du dossier

    La premire partie est constitue dune introduction thmatique gnrale sur le film.La deuxime partie propose un accompagnement pdagogique dans trois disciplines : Education Civique - ECJS, Franais, Sciences Economiques et Sociales

    Franais ECJS SES

    6meVivre ensemble au

    collge

    SecondeTextes

    argumentatifs sur lducation

    Citoyennet et intgration, citoyennet et

    civilit

    Premire Ecole et socialisation

    Terminale

    Dynamique de la stratification sociale,

    enjeux et dterminants de la mobilit sociale

    BTSSynthse

    sur la langue franaise

    Le prsent dossier ne comporte que les questions et exercices, et les documents daccompagnement.

    Pour avoir accs aux corrigs des exercices, il faut sidentifier en tant quenseignant en sinscrivant au Club Zrodeconduite.net (http://www.zerodeconduite.net/club)

  • 4 Dossier pdagogique

    Une fiction du rel

    Pour commencer il peut tre intressant de rapprocher le succs dEntre les murs, Palme dor du dernier Festival de Cannes de celui de Ressources humaines (1999), le long-mtrage qui a apport Laurent Cantet la reconnaissance critique et publique. Une des spcificits de Ressources humaines, fortement souligne par les critiques de lpoque, tait de faire entrer la fiction dans un lieu peu visit par le cinma (lusine, et plus largement le monde du travail). Par son titre mme Entre les murs nous promet de nous faire entrer dans un espace ordinairement drob aux regards, linstitution scolaire et plus particulirement la salle de classe.Il y a certes dinnombrables films, tlfilms, sries tlvises se droulant pour tout ou partie dans un cadre scolaire, mettant en scne des lves et des enseignants : mais sauf exception lcole et la fonction ducative ny sont gnralement quun cadre, alors quelles constituent le sujet mme dEntre les murs.

    On pourra souligner la trs grande prcision, voire la technicit avec laquelle Entre les murs dcrit linstitution scolaire (comme Ressources humaines dcrivait le monde de lentreprise) : il nous en montre non seulement les acteurs (des plus vidents, le prof et ses lves, aux plus inattendus comme lintendant) et les dcors physiques, mais aussi les rouages et lieux de pouvoir : conseil dadministration, conseil de classe, conseil de discipline.

    On peut confronter lapproche de Laurent Cantet de celle de documentaristes qui se sont attachs dcrire des institutions fermes, faire voir ce qui se passait entre leurs murs comme Frdrick Wiseman (Titicut Follies, sur lunivers psychiatrique High School I et II sur linstitution scolaire) ou Raymond Depardon (Urgences, Dlits flagrants, 10me chambre instants daudience).Mais si lambition est comparable, la mthode est diffrente. Pour document quil soit (par le choix dadapter le roman de Franois Bgaudeau, par la prsence dacteurs non professionnels, par le travail datelier et dimprovisation qui a nourri lcriture du film),

    Entre les murs est bien une fiction, scnarise et mise en scne. Plutt que denregistrer la ralit de manire brute , il sagit pour Laurent Cantet de remettre ses diffrents lments en jeu, de les faire jouer dans le cadre de la fiction.

    Un collge difficile

    Si linstitution scolaire intresse Laurent Cantet, cest aussi comme une caisse de rsonance, un lieu travers par les turbulences du monde 1. Le ralisateur emploie galement la mtaphore de la bote noire : espace ferm et drob aux regards certes, mais surtout chambre denregistrement.

    Il nest dailleurs pas fortuit que le film se droule dans un collge : depuis linstauration de la scolarisation obligatoire jusqu 16 ans (1959) et la rforme du collge unique (paracheve par la loi Haby de 1975), le collge a pour vocation daccueillir au sein dun mme cursus lensemble dune classe dge, et de prparer sa future orientation dans (lyce gnral, lyce professionnel) ou hors du systme ducatif. La classe de ce collge difficile mise en scne dans Entre les murs est limage de cette diversit sociale, et le film na pas besoin de sortir de lenceinte de ltablissement pour laisser deviner son hors-champ.

    On peut ce propos sinterroger sur la priphrase collge difficile quemploie le synopsis du film : celle-ci reflte dabord le point de vue des enseignants, confronts lhtrognit (ethnique, sociale, scolaire) de leur public , mais galement une ralit sociale parfois dramatique (on les voit sinterroger sur les consquences de lexclusion de Souleymane, ou se mobiliser contre lexpulsion de la mre sans papiers de Wei). Mais cette difficult denseigner a pour corollaire la difficult dapprendre et le foss qui se creuse inexorablement avec les tablissements plus favoriss.

    1 Les citations de Laurent Cantet et Franois Bgaudeau renvoient lentretien contenu dans le dossier de presse du film.

    Il sagissait de partir dun collge existant et dengager

    dans le processus du film tous les acteurs de la vie scolaire. Laurent Cantet

    approChes thmatiques

  • Dossier pdagogique 5

    Vivre ensemble

    Entre les murs se clt avec lanne scolaire par un match de football dans la cour du collge, opposant lquipe des enseignants et celle des lves. A cette image dune communaut harmonieusement recompose dans le jeu, le film aura oppos une ralit plus conflictuelle. Entre les murs pose en effet explicitement la question du vivre ensemble au sein du collge, espace dapprentissage et dexercice de la dmocratie (les lves ont gagn, ces trente dernires annes, toute une srie de droits garantis par la loi et formaliss dans les rglements intrieurs) mais marqu par la contrainte (le titre ne fait pas pour rien rfrence lunivers carcral) et travers par la relation dissymtrique entre adultes et adolescents. Les questions de lautorit et de sa lgitimit, de la justice et de la sanction, de la rciprocit ou non des droits et des devoirs, reviennent comme un leitmotiv tout au long du film.

    Mais Entre les murs est loin de se rsumer une opposition entre enseignants et lves. Les deux communauts apparaissent profondment diverses et divises. Les lves se rvlent souvent cruels les uns envers les autres (ainsi Esmeralda soulignant que Wei est le seul ne pas connatre le mot autrichien ), quand ne les opposent pas des conflits plus violents (qui prennent souvent, en paroles en tout cas, une dimension identitaire). Il ny a que quand il se sent attaqu en tant que groupe (vous tes comme des enfants de dix ans) que le bloc classe se constitue et se dresse contre lenseignant. Quant au groupe des enseignants il apparat comme une somme dindividualits plutt que comme une communaut soude, limage dun Franois Marin la fois engag dans la vie de ltablissement (il est dlgu au conseil dadministration et au conseil de discipline) mais plutt solitaire dans sa pratique. La savoureuse discussion en conseil dadministration sur linstauration dun permis points montre la difficult se mettre daccord sur une norme commune imposer aux lves.

    Le Langage

    Huis-clos quasi entirement tourn entre les murs dune salle de classe, mettant en scne des personnages dont le corps est contraint (le dfoulement physique des scnes de rcration rpondant limmobilit force de la classe), Entre les murs tire principalement son nergie du verbe. Bas sur lalternance champ-contrechamp entre lenseignant et ses lves, le dispositif filmique mis en place par Laurent Cantet permet de mettre en valeur le jaillissement de la parole, de restituer la dynamique des changes (le ralisateur utilise dailleurs une mtaphore sportive, dclarant avoir voulu filmer les cours comme un match de tennis ). Ce travail sur la langue des lves tait justement lun des traits marquants du roman de Franois Bgaudeau, constitu de courtes sections essentiellement dialogues.

    Medium essentiel de lapprentissage (chaque sance est base sur un jeu de questions-rponses), mais aussi vecteur des conflits entre les personnages, le langage est galement un objet dtude et de rflexion : il nest videmment pas fortuit quEntre les murs se droule dans un cours de franais, cest--dire prcisment l

    Javais envie de filmer ces joutes oratoires si frquentes dans une classe : peu importe la force et la pertinence des propositions, ce qui importe est avant tout davoir raison. Laurent Cantet

    approChes thmatiques

  • 6 Dossier pdagogique

    o lon est cens tudier la langue et apprendre la matriser. Les personnages (professeur et lve) y entretiennent ainsi un double rapport au langage : un rapport immdiat dutilit (le professeur pour duquer et instruire les lves, les lves pour contester les contraintes qui psent sur eux et affirmer leur individualit), mais aussi un rapport rflexif (que veut dire tel mot, quel registre appartient-il, quand et comment lutiliser).

    Ce rapport souvent jubilatoire la langue ne doit pas masquer son angoissant envers : la profusion verbale et linventivit lexicale (trait caractristique de la parole populaire : le verlan daujourdhui retrouve parfois largot dhier) rpondent la strotypie de lexpression, les lacunes du vocabulaire (et avec les mots le sens qui se drobe), linexactitude de lexpression. Or labsence de matrise du langage est lantichambre de la relgation sociale : que lon pense Souleymane rduit au rang de simple spectateur (et traducteur pour sa mre) de son conseil de discipline, ou a Henriette qui nayant rien compris, rien appris a peur dtre oriente en professionnel . Mais lenseignant lui-mme, a priori mieux arm dans ce domai-ne, se trouvera pris au pige du langage : deux reprises il prononcera un mot de trop ( scolairement limit au conseil de classe ou attitude de ptasse devant Esmeralda et Lucie) qui se retournera contre lui. Dpass par la situation, Franois Marin est trahi par ses mots : ptasse (mme adouci par la comparaison) appartient clairement au registre de linsulte sexiste ; lenseignant a beau se raccrocher nouveau au langage pour restaurer son autorit ( On ne dit pas insulter de ) il ne parviendra pas reprendre le contrle de la situation.

    Comique

    Entre les murs est un film qui fait souvent rire, mme si ce nest pas une comdie proprement parler : le rire semble natre non pas deffets dcriture et de mise en scne prmdits, mais du naturel des acteurs et de lnergie qui irrigue la salle de classe.On peut toutefois imaginer que si les scnes de classe fonction-nent aussi bien, cest quelles nous renvoient une situation

    universelle, celle de llve face au matre. En poussant un peu lanalyse, on verra quelles sinscrivent dans une veine ancestrale du comique populaire : le renversement carnavalesque analys par Mikhal Bakhtine dans son essai sur Rabelais.

    Lautorit intellectuelle (il est le seul dtenteur du savoir) ou physique (cest lui qui fait appliquer la loi) de lenseignant est constamment battue en brche par les lves. Par leur nergie et leur malice, ceux-ci rappellent ainsi les valets de comdie, qui ne peuvent sempcher de dfier le matre (le mme mot dsigne la fois le seigneur et le pdagogue) tout en craignant son courroux ( Si je vous le dis, vous allez menvoyer chez Guantanamo ! , dit Souleymane en faisant rfrence au bureau du CPE). Mme si la rfrence nest pas explicite comme dans LEsquive dAbdellatif Kechiche, il y a du Scapin ou de lArlequin chez Boubacar ou Esmeralda.

    Mais si les lves nous font rire, cest galement leurs corps dfendant, par leurs erreurs et leurs navets (cest le principe de la perle ), par leur travers, par leurs proccupations dcales (la nourriture le verbe crotre conjugu en croutons puis croissants , la sexualit)

    Franois Marin ne se prive dailleurs pas de les mettre en bote , reprenant lavantage en mettant les rieurs de son ct. Il utilise dailleurs lironie comme un vritable outil pdagogique : lantiphrase ( Voil, exactement, les argenteries sont les habitants de lArgentine , Cest a, je fusse du verbe fussier ) ou ou la simple reformulation dun raisonnement ( Donc maintenant on saura que quand Boubacar accepte de manger devant nous, cest quil ne nous respecte pas ) amnent les lves prendre conscience de labsurdit de leurs propos. Ceux-ci apprcient dailleurs beaucoup ce genre dhumour, surtout quand il sexerce au dtriment dun de leur camarade ( Il ta pas cass, il ta bris en deux ! ). Ce nest que quand lironie cible lensemble de la classe quelle est perue comme mprisante ( Eh mais monsieur, vous charriez trop ! ), car renvoyant non une bvue individuelle mais un stigmate social.

    approChes thmatiques

  • Dossier pdagogique 7

    Cest cette constante circulation du rire lintrieur de la classe qui empche le film de tomber dans la caricature, et lui donne toute son humanit : on est alternativement dun ct et de lautre, on rit la fois de lun (le professeur) et des autres (les lves), il ny a pas nous et eux , les bons et les mchants .Il ny a peut-tre quen salle des profs que le rire se fait plus satirique, pinglant les ratiocinations (la discussion un peu absurde sur le permis points ) ou les petites mesquineries (la machine caf) dune profession par ailleurs montre avec tendresse.

    et tragique

    Si la premire heure du film, fidle en cela au livre de Franois Bgaudeau, sen tient au genre de la chronique, Laurent Cantet et son scnariste Robin Campillo ont choisi de structurer la seconde partie du film autour du personnage de Souleymane. Le ton se fait alors plus grave et le rire strangle : malgr les efforts de Franois Marin rien ne pourra tre fait pour viter lexclusion Souleymane, laquelle le naufrage plus discret dHenriette offrira un contrepoint silencieux.

    On pourra retrouver dans cette chronique dun dsastre annonc une dimension tragique : lunit de lieu et de temps, lenchanement inexorable des vnements, lambigut morale des personnages (ni tout fait coupables, ni tout fait innocents), et cette ironie qui fait que cest en voulant dfendre Souleymane (les mots scolairement limit qui mettent le feu aux poudres) que Franois Marin provoquera son exclusion.

    Cette dimension tragique est dailleurs prsente en filigrane dans le film. Les propos, en apparence anodins des lves, laissent transpirer la vision rsigne dun univers scolaire o tout est jou davance (Khoumba : On sait dj que tout est calcul cest tout le temps pareil. , Rabah : Comme par hasard quand cest Wey cest bien. , etc.), dune machine exclure dont ils se

    sentent les victimes dsignes (et parfois complaisantes). A leur tour les certitudes de Franois Marin se dchireront quand il se rendra compte de la cruaut implacable et aveugle du systme : sous ses apparences de dmocratie le conseil de discipline aboutit finalement systmatiquement ( douze fois sur douze ) une exclusion. Comme si derrire lidal dmocratique et mritocratique de lcole rpublicaine, le film laissait apparatre en filigrane le spectre de la machine trier (les lves) et reproduire (les ingalits), telle que lont dcrite les sociologues Bourdieu et Passeron (La Reproduction, 1970).

    Deux visions de lcole semblent donc saffronter dans le film et en Franois Marin, une vision optimiste voire utopique et une vision tragique, ce qui explique que le film pourra faire lobjet de lectures idologiques ou politiques apparemment contradictoires.

    approChes thmatiques

    Dans le film de Laurent on pourra voir lhistoire dun chec : on pourra retenir au contraire les moments dutopie concrte. Franois Bgaudeau

  • 8 Dossier pdagogique

    La pdagogie : entre utopie et ralit

    Mme sil faut faire la part du spectacle cinmatographique (le film privilgie tout ce qui ressort de loralit, du conflit), la pratique pdagogique de Franois Marin (le caractre apparemment dcousu de ses cours, la grande libert de parole quil laisse ses lves, lironie souvent acre quil emploie leur gard) risque de cristalliser le dbat, lintrieur comme lextrieur de linstitution scolaire. Est-ce ainsi que lon enseigne aujourdhui ? Est-ce ainsi quil faudrait enseigner ?

    Il y a deux manires denvisager le personnage de Franois Marin : comme le portrait raliste et nuanc (dautant plus quil sinspire du roman vcu de Franois Bgaudeau.) dun enseignant daujourdhui, avec et parmi dautres (voir la scne de pr-rentre o il se prsente comme tous ses collgues), aux prises avec une ralit scolaire et sociale difficile ; ou comme le noble hritier

    dune tradition pdagogique que lon peut faire remonter, en passant par la Renaissance (cf les textes daccompagnement proposs en Franais), jusqu la maeutique socratique.

    La rfrence au philosophe grec, place de manire inattendue dans la bouche dEsmeralda ( Le gars, il vient, il accoste les gens dans la rue, il leur dit : est-ce que tu es sr de penser ce que tu penses, est-ce que tu es sr de faire ce que tu fais, tout a Aprs, les gens ils savent plus o ils en sont, ils se posent des questions. Il est trop fort. ), est en effet reprise son compte par le ralisateur ( Il y a du Socrate chez cet homme-l ), et avec plus dironie, par le romancier (et comdien) Franois Bgaudeau (qui parle lui de faire son Socrate ).Tout lintrt et la richesse du film rsident dans ce frottement entre le rel et lutopie, entre de nobles principes humanistes et leur difficile application sur le terrain . Il serait sans doute passionnant de dcortiquer chacun des cours mis en scne par le film (chaque squence part en effet dune situation dapprentissage : conjugaison, vocabulaire, tude du journal dAnne Frank, commentaire dun pome de Baudelaire), pour tudier ce qui fonctionne et ce qui choue, pour comprendre l o a accroche et l o a drape : il suffit parfois dun mot ou dun nom, comme Bill dans la phrase Bill dguste un succulent cheeseburger .

    Cest finalement le film en lui-mme qui apparat comme une entreprise socratique : en se gardant bien de dsigner des victimes et des coupables, dimposer une lecture univoque des situations, Entre les murs renvoie linstitution scolaire et la socit toute entire (puisquil montre la place centrale quy tient lcole) toutes les questions quil pose.

    Je voulais rendre justice tout le travail qui se fait dans lespace dune cole.

    Dans un cours, il y a toujours de lintelligence en jeu - y

    compris dans les malentendus ou laffrontement.

    Laurent Cantet

    approChes thmatiques

  • Dossier pdagogique 9

    Cadre pdagogique

    Le film de Laurent Cantet peut tre abord en cours de franais des niveaux et dans des perspectives diffrents.

    En classe de 2nde, dans le cadre dun groupement de textes argumentatifs sur lducation, Entre les murs apparat comme un bon outil pour susciter le questionnement sur lcole daujourdhui et ses mthodes pdagogiques. Le film permet surtout dintroduire un travail sur des textes littraires du XVIe sicle afin de montrer la modernit du questionnement quils soulvent (Squence I : Mieux savant ou plus savant : la pdagogie en question ). Il offre galement une occasion de rflchir au rapport qui unit le professeur aux lves, sa difficult et sa richesse, aux conditions de sa russite ainsi qu limage - tantt sublime, tantt parodie - que la littrature et le cinma ont donn de cette relation essentielle (Squence II : Professeur et lves : dbat ou combat ? ).

    En classe de 2nde, mais cette fois en heure daide individualise, le film peut aussi tre utilis de manire judicieuse pour travailler avec des lves en position de rejet lgard du cours de franais ou plus gnralement de lcole. Il offre un miroir permettant de rflchir les positions respectives des enseignants et des lves, et danalyser de manire mdiatise les raisons dune situation de blocage (questions danalyse des squences 1 et 2).

    Enfin en classe de BTS (1re anne), parce que Entre les murs donne entendre lcart qui spare la langue officielle , langue du professeur, qui est aussi celle des mdias, de linstitution, des dominants , et la langue officieuse , celle des lves et de la rue, le film peut tre propos comme document pour une synthse sur la langue franaise, sur sa diversit et ses enjeux ; il constituera un support des travaux dcriture personnelle sur la question du rapport entre langage et pouvoir et sur le caractre potentiellement discriminant de la langue (Squence 3 : La langue franaise : instrument dgalit ou de discrimination ? ).

    FranaisaCtivits

  • 10 Dossier pdagogique

    La question des mthodes et des contenus de lenseignement traverse toute lhistoire de lducation, depuis la vigoureuse critique par les humanistes dun enseignement universitaire sclros ne reposant que sur une capacit de mmorisation, jusquau dbat actuel sur les mthodes dapprentissage de la lecture (globale ou syllabique) ou sur la ncessit dun socle commun de connaissances . Si le film choisit de se limiter exclusivement au cours de franais, il permet pourtant de comprendre, travers le cas particulier de ce cours, lesprit des programmes actuels et les missions que se donne lcole daujourdhui.

    On peut identifier dans le film les diffrentes composantes du cours de franais et discerner les trois grands objectifs que le professeur sefforce datteindre avec les lves.

    Mais le cours semble parfois sortir des limites de lenseignement disciplinaire par les digressions quil opre vers dautres sujets. On peut considrer que cette tendance la digression et que le temps pass rpondre certaines provocations sont lindice dune ambition plus gnrale du professeur lgard de ses lves : il ne sagit pas seulement pour lui denseigner le maniement de la langue franaise, mais de participer la formation de citoyens.

    1) QUESTION : A quels savoirs ou savoir-faire sont consacres les diffrentes sances de cours que nous montre le film ? En vous appuyant sur le DOCUMENT 4 (Instructions Officielles), essayez de relier chacune delles aux grands objectifs que poursuit lenseignement du franais.

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    2) QUESTION : A quels moments les consignes du professeur de franais ou le contenu de son cours sont-ils lobjet dune raction de rejet de la part des lves ? Pour quelles raisons ont-ils cette raction selon vous ?

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    3) QUESTION : En quoi peut-on dire que le professeur cherche enseigner aux lves quelque chose qui dpasse le cadre de sa discipline ?

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    I MIEUX SAVANT OU PLUS SAVANT (Montaigne) : LA PEDAGOGIE EN QUESTION

    Franais aCtivits (seConde)

  • Dossier pdagogique 11

    4) Tte bien faite ou tte bien pleine ? Quel tableau le film dresse-t-il des partis pris pdagogiques actuels ? Quels points communs ont-ils avec les propositions formules par Montaigne dans De lInstitution des enfants (Les Essais, voir corpus de textes) ? Vous illustrerez le tableau suivant avec des exemples tirs du film.

    PRINCIPE PEDAGOGIQUE ILLUSTRATION DANS LE FILM SOURCE CHEZ MONTAIGNE

    Un cours dialogu et non un cours

    magistral

    On ne cesse de criailler nos oreilles comme qui verserait dans un entonnoir

    Je ne veux pas quil [le professeur] invente et parle seul : je veux quil coute son disciple parler son tour

    Assimiler, comprendre, plutt

    que rciter

    Quil ne lui demande pas seulement compte des mots de sa leon, mais du sens et de la substance .

    Former lesprit critique des lves

    Notre charge ce nest que redire ce quon nous a dit. Je voudrais quil corriget cette partie ; et que de belle

    arrive, selon la porte de lme quil a en main, il comment la mettre la montre, lui faisant goter les choses,

    les choisir, et discerner delle-mme .

    Diffrencier sa pdagogie en

    fonction des lves

    Ceux qui, comme notre usage porte, entreprennent dune mme leon et pareille mesure de conduite, rgenter plusieurs esprits de si diverses mesures et formes, ce nest

    pas merveille si en tout un peuple denfants ils en rencontrent peine deux ou trois qui rapportent quelque juste fruit

    de leur discipline .

    FranaisaCtivits (seConde)

  • 12 Dossier pdagogique

    5) TRAVAIL DECRITURE : Ecriture dinvention (lettre) : Que faut-il enseigner en cours de franais et comment faut-il lenseigner ? Rpondez cette question en rdigeant une lettre la commission charge dtablir les programmes de franais. Dans ce texte, vous donnerez votre avis sur les programmes de franais, sur leur intrt, sur leurs dfauts, et sur les modifications ventuelles que vous aimeriez leur apporter. Chacune de vos propositions sera prcisment argumente. Vous pourrez vous appuyer sur la lecture de lextrait des Instructions officielles (voir le DOCUMENT 4)

    6) TRAVAIL DECRITURE : Commentaire littraire : Vous ferez le commentaire du texte suivant : Comment Gargantua fut institu par Ponocrates en telle discipline quil ne perdait heure du jour (Gargantua, 1534, Chapitre 21, texte modernis).

    Rabelais fait ici la description dune ducation idale, qui intgre le corps et lesprit, et que lon peut opposer lducation absurde impose par le grand docteur en thologie nomm Maistre Thubal Holoferne (chapitre 13) consistant essentiellement savoir rciter lalphabet dans les deux sens et crire en belles lettres gothiques.

    ...................................................................................................................................................................................

    ...................................................................................................................................................................................Gargantua se rveillait donc vers quatre heures du matin. Pendant quon lastiquait, on lui lisait une page de la divine Ecriture, haute et intelligible voix et avec une diction claire ; mission confie un jeune page natif de Basch, nomm Anagnotes. En fonction du thme et du sujet de ce passage, il se consacrait vnrer, adorer, prier et supplier le bon Dieu, dont la lecture montrait la majest et le jugement merveilleux. Puis il se retirait aux lieux daisances pour se purger de ses excrments naturels. L son prcepteur rptait ce qui avait t lu en lui en expliquant les points les plus obscurs et difficiles. En revenant, ils considraient ltat du ciel : sil se prsentait comme ils lavaient not le soir prcdent, dans quelle partie du zodiaque entraient le soleil et la lune pour la journe. Cela fait, il tait habill, peign, coiff, adorn et parfum ; pendant ce temps on lui rptait les leons de la veille.

    Lui-mme les rcitait par cur et en tirait quelques conclusions pratiques sur la condition humaine ; ils y passaient parfois jusqu deux ou trois heures, mais dhabitude ils sarrtaient lorsquils avaient fini de shabiller. Puis pendant trois bonnes heures on lui faisait la lecture. Cela fait, ils sortaient, en conversant toujours du sujet de la leon, et allaient se rcrer au Jeu de Paume du Grand Braque ou dans une prairie ; ils jouaient la balle ou la

    paume, sexerant le corps aussi lestement quils lavaient fait auparavant de leur esprit. Ils jouaient librement, abandonnant la partie quand ils voulaient et sarrtant ordinairement quand ils taient bien en sueur ou fatigus. Alors, bien essuys et frotts, ils changeaient de chemise et, se promenant tranquillement, ils allaient voir si le djeuner tait prt.

    En attendant, ils rcitaient clairement, en y mettant le ton, quelques sentences retenues de la leon. Cependant, Monsieur lApptit venait, et ils sasseyaient table au moment opportun. Au dbut du repas, on lisait quelque histoire plaisante tire des anciennes lgendes, jusqu ce quil et bu son vin. Alors, selon lenvie, on continuait la leon ou bien ils commenaient converser joyeusement ensemble ; les premiers temps, ils parlaient des vertus, des proprits efficaces et de la nature de tout ce quon leur servait table : le pain, le vin, leau, le sel, les viandes, les poissons, les fruits, les herbes, les lgumes, et la faon dont ils taient apprts.

    De cette faon, il apprit en peu de temps tous les passages se rapportant ces sujets chez Pline, Athne, Dioscoride, Galien, Porphyre, Opien, Polybe, Hliodore, Aristote, Elien, et dautres. En parlant, ils faisaient souvent, pour plus de sret, apporter table les livres en question. Et il retint si bien en mmoire ce quon y disait quil ny avait pas alors de mdecin qui en st moiti autant que lui.

    Franais aCtivits

  • Dossier pdagogique 13

    Corpus:une ducation idale ?

    Les auteurs humanistes furent lorigine dune critique des mthodes et des contenus de lenseignement hrits de lpoque mdivale. Lenseignement de luniversit stait fig : il tait fond sur lautorit, le culte de la mmoire et la mthode scolastique qui reposaient sur le formalisme, le traditionalisme et le refus de la contradiction.

    En raction ce formalisme, les humanistes prnaient le dveloppement de lesprit critique. Il est intressant de chercher les points de convergences entre les principes prns par les auteurs humanistes et les finalits que se donne aujourdhui lenseignement du franais au lyce.

    DOCUMENT 1 : ERASME, De lducation des enfants (1529)

    Dans son essai, Erasme rappelle que le plaisir est lun des moteurs essentiels de lapprentissage.

    Tu vas me demander les connaissances qui correspondent lesprit des enfants et quil faut leur infuser ds leur prime jeunesse. En premier lieu, la pratique des langues. Les tout-petits y accdent sans aucun effort, alors que chez les adultes elle ne peut sacqurir quau prix dun grand effort. Les jeunes enfants y sont pousss, nous lavons dit, par le plaisir naturel de limitation, dont nous voyons quelques traces jusque chez les sansonnets et les perroquets. Et puis rien nest plus dlicieux les fables des potes. Leurs sduisants attraits charment les oreilles enfantines, tandis que les adultes y trouvent le plus grand profit, pour la connaissance de la langue autant que pour la formation du jugement et de la richesse de lexpression. Quoi de plus plaisant couter pour un enfant que les apologues dEsope qui, par le rire et la fantaisie, nen transmettent pas moins des prceptes philosophiques srieux ? Le profit est le mme avec les autres fables des potes anciens. Lenfant apprend que les compagnons dUlysse ont t transforms par lart de Circ en pourceaux et en dautres animaux. Le rcit le fait rire mais, en mme temps, il a retenu un principe fondamental de la philosophie morale, savoir : ceux qui ne sont pas gouverns par la droite raison et se laissent emporter au gr de leurs passions

    ne sont pas des hommes mais des btes. Un stocien sexprimerait-il plus gravement ? Et pourtant le mme enseignement est donn par une fable amusante. Je ne veux pas te retenir en multipliant les exemples, tant la chose est vidente.

    DOCUMENT 2 : Franois RABELAIS, Comment Gargantua fut institu par Ponocrates en telle discipline quil ne perdait heure du jour (Gargantua, 1534, Chapitre 21, texte modernis).

    Rabelais fait ici la description dune ducation idale, qui intgre le corps et lesprit, et que lon peut opposer lducation absurde impose par le grand docteur en thologie nomm Maistre Thubal Holoferne (chapitre 13) consistant essentiellement savoir rciter lalphabet dans les deux sens et crire en belles lettres gothiques.

    Gargantua se rveillait donc vers quatre heures du matin. Pendant quon lastiquait, on lui lisait une page de la divine Ecriture, haute et intelligible voix et avec une diction claire ; mission confie un jeune page natif de Basch, nomm Anagnotes. En fonction du thme et du sujet de ce passage, il se consacrait vnrer, adorer, prier et supplier le bon Dieu, dont la lecture montrait la majest et le jugement merveilleux. Puis il se retirait aux lieux daisances pour se purger de ses excrments naturels. L son prcepteur rptait ce qui avait t lu en lui en expliquant les points les plus

    obscurs et difficiles. En revenant, ils considraient ltat du ciel : sil se prsentait comme ils lavaient not le soir prcdent, dans quelle partie du zodiaque entraient le soleil et la lune pour la journeCela fait, il tait habill, peign, coiff, adorn et parfum ; pendant ce temps on lui rptait les leons de la veille. Lui-mme les rcitait par cur et en tirait quelques conclusions pratiques sur la condition humaine ; ils y passaient parfois jusqu deux ou trois heures, mais dhabitude ils sarrtaient lorsquils avaient fini de shabiller. Puis pendant trois bonnes heures on lui faisait la lecture. Cela fait, ils sortaient, en conversant toujours du sujet de la leon, et allaient se rcrer au Jeu de Paume du Grand Braque ou dans une prairie ; ils jouaient la balle ou la paume, sexerant le corps aussi lestement quils lavaient fait auparavant de leur esprit. Ils jouaient librement, abandonnant la partie quand ils voulaient et sarrtant ordinairement quand ils taient bien en sueur ou fatigus. Alors, bien essuys et frotts, ils changeaient de chemise et, se promenant tranquillement, ils allaient voir si le djeuner tait prt. En attendant, ils rcitaient clairement, en y mettant le ton, quelques sentences retenues de la leon. Cependant, Monsieur lApptit venait, et ils sasseyaient table au moment opportun. Au dbut du repas, on lisait quelque histoire plaisante tire des anciennes lgendes, jusqu ce quil et bu son vin. Alors, selon lenvie, on continuait la leon

    FranaisdoCuments daCCompaGnement

  • 14 Dossier pdagogique

    ou bien ils commenaient converser joyeusement ensemble ; les premiers temps, ils parlaient des vertus, des proprits efficaces et de la nature de tout ce quon leur servait table : le pain, le vin, leau, le sel, les viandes, les poissons, les fruits, les herbes, les lgumes, et la faon dont ils taient apprts. De cette faon, il apprit en peu de temps tous les passages se rapportant ces sujets chez Pline, Athne, Dioscoride, Galien, Porphyre, Opien, Polybe, Hliodore, Aristote, Elien, et dautres. En parlant, ils faisaient souvent, pour plus de sret, apporter table les livres en question. Et il retint si bien en mmoire ce quon y disait quil ny avait pas alors de mdecin qui en st moiti autant que lui.

    DOCUMENT 3 : MONTAIGNE, De linstitution des enfants (Essais, 1590, I, 25)

    Ce chapitre des Essais consacr llve fait suite au chapitre intitul Du pdantisme , consacr au professeur. Montaigne y dcrit son projet pdagogique, reprenant les pistes de ses prdcesseurs (Erasme, Vivs, Rabelais) qui ont rflchi la question de lEducation. Il rappelle limportance dexercer le jugement de lenfant et de diffrencier les mthodes dapprentissage en fonction de la diversit des enfants.

    A un enfant de maison, qui recherche des lettres () pour sen enrichir en et parer en dedans, ayant plutt envie den russir habile homme, quhomme savant, je voudrais aussi quon ft soigneux de lui choisir un conducteur, qui et plutt la tte bien faite, que bien pleine : et quon y requt tous les deux, mais plus les murs et lentendement que la science : et quil se condusit en sa charge dune nouvelle manire. On ne cesse de criailler nos oreilles, comme qui verserait dans un entonnoir ; et notre charge ce nest que redire ce quon nous a dit. Je voudrais quil corriget cette partie ; et que de belle arrive, selon la porte de lme quil a en main,

    il commenat la mettre la montre, lui faisant goter les choses, les choisir, et discerner delle-mme. Quelquefois lui ouvrant le chemin, quelquefois le lui laissant ouvrir. Je ne veux pas quil invente et parle seul : je veux quil coute son disciple parler son tour. () Il est bon quil le fasse trotter devant lui, pour juger de son train : et juger jusques quel point il se doit ravaler, pour saccommoder sa force. A faute de cette proportion, nous gtons tout. Et de la savoir choisir, et sy conduire bien mesurment, cest des plus ardues besognes que je sache : Et est leffet dune haute me et bien forte, savoir condescendre ses allures puriles, et les guider. Je marche plus ferme et plus sr, mont qu val. Ceux qui, comme notre usage porte, entreprennent dune mme leon et pareille mesure de conduite, rgenter plusieurs esprits de si diverses mesures et formes : ce nest pas merveille si en tout un peuple denfants ils en rencontrent peine deux ou trois qui rapportent quelque juste fruit de leur discipline. Quil ne lui demande pas seulement compte des mots de sa leon, mais du sens et de la substance. Et quil juge du profit quil aura fait, non par le tmoignage de sa mmoire, mais de sa vie.

    DOCUMENT 4 : INSTRUCTIONS OFFICIELLES, Le Franais au lyce : finalits

    Lenseignement du franais participe aux finalits gnrales de lducation au lyce : lacquisition de savoirs, la constitution dune culture, la formation personnelle et la formation du citoyen. Ses finalits propres sont la matrise de la langue, la connaissance de la littrature et lappropriation dune culture. Ces trois finalits interdpendantes mritent une gale attention.

    > Il contribue la constitution dune culture par la lecture de textes de toutes sortes, principalement duvres littraires significatives. Il forme lattention aux

    significations de ces uvres, aux questionnements dont elles sont porteuses et aux dbats dides qui caractrisent chaque poque, dont elles constituent souvent la meilleure expression. Par l, il permet aux lycens de construire une perspective historique sur lespace culturel auquel ils appartiennent.

    > Il favorise la formation personnelle de llve en donnant chacun une meilleure matrise de la langue et en lamenant mieux structurer sa pense et ses facults de jugement et dimagination. Il doit lui permettre, au terme de cette formation, de savoir organiser sa pense et de prsenter, par oral et par crit, des exposs construits abordant les questions traites selon plusieurs perspectives coordonnes.

    > Il apporte la formation du citoyen, avec la connaissance de lhritage culturel, la rflexion sur les opinions et la capacit dargumenter.

    Cet enseignement sinscrit dans la continuit de celui du collge, mais ses dmarches sont plus rflexives, afin de permettre aux lycens de devenir des adultes autonomes, aussi bien dans leurs tudes venir que dans leur vie personnelle et leur intgration sociale. Pour remplir ce rle majeur dans leur formation culturelle, le franais doit la fois leur apporter des connaissances et sattacher former leur rflexion et leur esprit critique.

    Franais doCuments daCCompaGnement

  • Dossier pdagogique 15

    Matres grotesques (Rabelais, Gargantua), pdants ridicules (Voltaire, Candide), professeur dune politesse exquise qui finit par tuer son lve (Ionesco, La Leon), enseignants dpasss par lagitation de leur classe (Lauzier, Le plus beau mtier du monde) ; et linverse portrait du prcepteur en savant (Stendhal, Le Rouge et le Noir) ou souvenir idalis (Pennac, Comme un roman ; Peter Weir, Le Cercle des potes disparus) : que ce soit en littrature ou au cinma, le rapport professeur-lve est rarement reprsent demanire raliste : il est presque toujours objet de satire ou didalisation.Lintrt du film de Laurent Cantet rside donc pour une large part dans sa volont dexposer cette relation dans sa complexit, en vitant les cueils de lidalisation et duportrait charge.Ce que le film nous donne finalement voir, cest que la relation professeur-lves repose fondamentalement sur un dfi : il sagit pour lenseignant de susciter ladhsion de sa classe, de la conqurir, afin de passer dune relation dopposition une relation de collaboration. Cette conqute impose une forme de lutte en dbut danne : Franois Marin doit simposer face ce groupe joyeux, anim et turbulent, en instaurant une discipline, en faisant accepter sa manire de travailler et en donnant du sens son enseignement. Entre les murs montre quel point cette conqute est fragile : il suffit dun mot ( limit , ou ptasse ) pour que lquilibre se rompe et que le professeur passe aux yeux des lves du rang dalli celui dennemi. Ces pisodes permettent de saisir ce qui fait la difficult de la relation : habits par une susceptibilit exacerbe, les lves souponnent toujours leur professeur de les mpriser et ce soupon entrane une lecture ambivalente de tous ses agissements : sa tendance plaisanter ( Vous charriez trop ) peut tre interprte comme une volont dhumilier ; ses demandes visant faire travailler une lve sont ressenties comme une forme de perscution ( Vous vous excitez sur moi l ! ).Tout lenjeu de lanne est donc pour le professeur de convaincre les lves quen dpitde la disposition frontale de la classe, il est vritablement de leur ct. Et le cadrage systmatique des scnes de classe en champ / contre-champ suggre toute la difficultde cette entreprise dans la mesure o le professeur est toujours film seul, face aux lves.

    1) QUESTION : La relation des lves avec leur professeur telle quelle est filme dans Entre les murs relve-t-elle du dbat ou du combat ? Vous vous appuierez sur des scnes prcises et vous songerez la manire dont sont films les changes verbaux entre professeur et lves.

    Dbat .....................................................................................................................................................................

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    Combat .................................................................................................................................................................

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    II. PROFESSEUR ET ELEVES : DEBAT OU COMBAT ?

    FranaisaCtivits (seConde)

  • 16 Dossier pdagogique

    2) QUESTION : Analysez le comportement de Franois Marin avec ses lves : a) Quelle image en donne le ralisateur dans son film ? b) Est-ce limage que les lves ont de lui, selon vous ? Dans les deux parties de votre rponse, vous vous appuierez sur des qualificatifs prcis (patient, impatient, svre, exigeant, laxiste, juste, injuste, impliqu, indiffrent, ambitieux, rsign, confiant, inquiet, mprisant, respectueux, etc.) et vous justifierez prcisment votre jugement en vous appuyant sur des pisodes prcis du film.

    Vu par les lves ...........................................................................................................................................

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    Vu par le ralisateur .......................................................................................................................................

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    3) TRAVAIL DECRITURE : Ecriture dinvention (critique de film) :

    De nombreux critiques ont parl de la justesse du film. Limage donne des professeurs et des lves dans Entre les murs est-elle juste selon vous ? Rdigez une critique cinmatographique du film dans laquelle vous exprimerez votre jugement sur cette question de la justesse. Votre texte, qui comportera un titre, sera prcisment argument et illustr. Votre article visera encourager ou dissuader les lecteurs daller voir Entre les murs.

    Franais aCtivits (seConde)

  • Dossier pdagogique 17

    Corpus : une ducation idale ?

    DOCUMENT 1 : STENDHAL, Le Rouge et le Noir (I, chapitre 6) (1830)

    Julien Sorel, jeune homme dorigine modeste mais aux grandes qualits intellectuelles, vient dtre engag par le maire de Verrires, M. de Rnal, pour tre le prcepteur de ses enfants. Il est prsent eux pour la premire fois et se livre une dmonstration drudition qui suscite leur admiration.

    Enfin Julien parut. Ctait un autre homme. Cet t mal parler que de dire quil tait grave ; ctait la gravit incarne. Il fut prsent aux enfants, et leur parla dun air qui tonna M. de Rnal lui-mme. - Je suis ici, messieurs, leur dit-il en finissant son allocution, pour vous apprendre le latin. Vous savez ce que cest que de rciter une leon. Voici la sainte Bible, dit-il en leur montrant un petit volume in-32, reli en noir. Cest particulirement lhistoire de Notre-Seigneur Jsus Christ, cest la partie quon appelle le Nouveau Testament. Je vous ferai souvent rciter des leons, faites-moi rciter la mienne. Adolphe, lan des enfants, avait pris le livre. Ouvrez-le au hasard, continua Julien, et dites-moi les trois premiers mots dun alina. Je rciterai par cur le livre sacr, rgle de notre conduite tous, jusqu ce que vous marrtiez. Adolphe ouvrit le livre, lut deux mots, et Julien rcita toute la page, avec la mme

    facilit que sil et parl franais. M. de Rnal regardait sa femme dun air de triomphe. Les enfants voyant ltonnement de leurs parents, ouvraient de grands yeux. Un domestique vint la porte du salon, Julien continua de parler latin. Le domestique resta dabord immobile, et disparut ensuite. Bientt la femme de chambre de madame, et la cuisinire, arrivrent prs de la porte ; alors Adolphe avait dj ouvert le livre en huit endroits, et Julien rcitait toujours avec la mme facilit.

    DOCUMENT 2 : Daniel PENNAC, Comme un roman (1992), p. 99

    Dans louvrage quil consacre la lecture, Daniel Pennac cite longuement le portrait quune ancienne tudiante fit de son professeur de littrature, lcrivain Georges Perros, vritable passeur de passion pour le livre :

    Il [Perros] arrivait le mardi matin, bouriff de vent et de froid sur sa moto bleue et rouille. Vot, dans un caban marine, la pipe la bouche ou dans la main. Il vidait une sacoche de livres sur la table. Et ctait la vie. () Oui, ctait la vie : une demi-tonne de bouquins, des pipes, du tabac, un numro de France-Soir ou de LEquipe, des clefs, des carnets, des factures, une bougie de moto De ce fatras, il tirait un

    livre, il nous regardait, il partait dun rire qui nous mettait en apptit, et il se mettait lire. Il marchait en lisant, une main dans la poche, lautre, celle qui tenait le livre, un peu tendue, comme si, le lisant, il nous loffrait. Toutes ses lectures taient des cadeaux. Il ne nous demandait rien en change. Quand lattention de lun ou lune dentre nous flchissait, il sarrtait de lire une seconde, regardait le rveur et sifflotait. Ce ntait pas une remontrance, cest un rappel joyeux la conscience. Il ne nous perdait jamais de vue. Mme au plus profond de sa lecture, il nous regardait par-dessus les lignes. Il avait une voix sonore et lumineuse, un peu feutre, qui remplissait parfaitement le volume des classes, comme elle aurait combl un amphi, un thtre, le champ de Mars, sans que jamais un mot soit prononc au-dessus dun autre. Il prenait dinstinct les mesures de lespace et de nos cervelles. Il tait la caisse de rsonance naturelle de tous les livres, lincarnation du texte, le livre fait homme. Par sa voix nous dcouvrions soudain que tout cela avait t crit pour nous.

    FranaisdoCuments daCCompaGnement

  • 18 Dossier pdagogique

    Corpus : une relation parodie

    DOCUMENT 3 : VOLTAIRE, Candide (1759)

    Ce conte philosophique de Voltaire met en scne un jeune homme dune grande navet, Candide, qui, chass du chteau o il coulait des jours heureux, subit une srie daventures malheureuses qui lui font dcouvrir ltat du monde et la cruaut des hommes. Ces expriences vont mettre mal sa foi en la science philosophique de son matre, Pangloss, selon laquelle tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.

    Pangloss enseignait la mtaphysico- thologo cosmolonigologie. Il prouvait admira blement quil ny a point deffet sans cause, et que, dans ce meilleur des mondes possibles, le chteau de monseigneur le baron tait le plus beau des chteaux et madame la meilleure des baronnes possibles. Il est dmontr, disait-il, que les choses ne peuvent tre autrement : car, tout tant fait pour une fin, tout est ncessairement pour la meilleure fin. Remarquez bien que les nez ont t faits pour porter des lunettes, aussi avons-nous des lunettes. Les jambes sont visiblement institues pour tre chausses, et nous avons des chausses1. Les pierres

    1 Sortes de culottes et de bas combins.

    ont t formes pour tre tailles, et pour en faire des chteaux, aussi monseigneur a un trs beau chteau ; le plus grand baron de la province doit tre le mieux log ; et, les cochons tant faits pour tre mangs, nous mangeons du porc toute lanne : par consquent, ceux qui ont avanc que tout est bien ont dit une sottise ; il fallait dire que tout est au mieux.Candide coutait attentivement, et croyait innocemment ; car il trouvait Mlle Cungonde extrmement belle, quoiquil ne prt jamais la hardiesse de le lui dire. Il concluait quaprs le bonheur dtre n baron de Thunder-ten-tronck, le second degr de bonheur tait dtre Mlle Cungonde ; le troisime, de la voir tous les jours ; et le quatrime, dentendre matre Pangloss, le plus grand philosophe de la province, et par consquent de toute la terre. Un jour, Cungonde, en se promenant auprs du chteau, dans le petit bois quon appelait parc, vit entre des broussailles le docteur Pangloss qui donnait une leon de physique exprimentale la femme de chambre de sa mre, petite brune trs jolie et trs docile. Comme Mlle Cungonde avait beaucoup de disposition pour les sciences, elle observa, sans souffler, les expriences ritres dont elle fut tmoin ; elle vit clairement la raison suffisante du docteur, les effets et les causes, et sen retourna toute agite, toute pensive, toute remplie du dsir dtre savante, songeant quelle pourrait bien tre la raison suffisante du jeune Candide, qui pouvait aussi tre la sienne.

    DOCUMENT 4 : IONESCO, La Leon (drame comique) (1951)

    La pice de Ionesco se livre une satire de la relation professeur lve, relation qui semble peu peu gagne par la folie dans la mesure o elle passe insensiblement dune politesse excessive une agressivit dbride jusqu sachever par le meurtre de llve par le professeur.

    Le Professeur : Alors : dites, cou, comme cou, teau, comme teau Et regardez, regardez, fixez bienLlve : Cest du quoi, a ? Du franais, de litalien, de lespagnol ?Le Professeur : a na plus dimportance a ne vous regarde pas. Dites : cou. Llve : Cou.Le Professeur : teau Regardez. (Il brandit le couteau sous les yeux de lElve). Llve : teauLe Professeur : Encore Regardez. Llve : Ah, non ! Zut alors ! Jen ai assez ! Et puis jai mal aux dents, jai mal aux pieds, jai mal la tteLe Professeur : Couteau Regardez couteau Regardez couteau RegardezLlve : Vous me faites mal aux oreilles, aussi. Vous avez une voix ! Oh, quelle est stridente !Le Professeur : Dites : couteau cou teau

    Llve : Non ! Jai mal aux oreilles, jai mal partoutLe Professeur : Je vais te les arracher, moi, tes oreilles, comme a elles ne te feront plus mal, ma mignonne !Llve : Ah cest vous qui me faites malLe Professeur : Regardez, allons, vite, rptez : couLlve : Ah, si vous y tenez cou couteau (Un instant lucide, ironique). Cest du no-espagnolLe Professeur : Si lon veut, oui, du no-espagnol, mais dpchez-vous nous navons pas le temps Et puis, quest-ce que cest que cette question inutile ? Quest-ce que vous vous permettez ?Llve (doit tre de plus en plus fatigue, pleurante, dsespre, la fois extasie et exaspre) : Ah !Le Professeur : Rptez, regardez. (Il fait comme le coucou.) Couteau couteau couteau couteau

    Franais doCuments daCCompaGnement

  • Dossier pdagogique 19

    Le lieu de la paroleEntre les murs prsente la classe comme un espace ddi au langage, tel point que la langue franaise semble en tre le personnage principal, dautant que le film se droule dans un cours de franais. De fait, le film est constitu presque exclusivement de dialogues et laisse peu de place aux moments de silence ou de musique - la musique est dailleurs quasiment absente de luvre. Ce que lon comprend en voyant fonctionner ce cours de franais, cest que la parole est le mdium essentiel du savoir : chaque sance repose sur un jeu de questions - rponses entre le professeur et les lves, et cet incessant dialogue est le vhicule de tous les apprentissages.

    Un marteau sans matre ?La langue apparat donc exemplairement dans le film comme le vhicule de la pense et comme linstrument de lintelligence. Mais cet outil est galement potentiellement inefficace ou dangereux ds lors quil est mal matris par les lves. Cette matrise imparfaite est montre trs tt dans le film, lorsque le professeur dresse au tableau la liste, singulirement longue, des mots que les lves ne comprennent pas dans le texte quils doivent analyser ; certains relvent dun vocabulaire trs courant ( dsormais , succulent , Autrichien ) et laissent deviner la pauvret du lexique dont ils disposent. Ces lacunes pourraient navoir quune importance toute relative, mais Entre les murs attire notre attention sur les multiples difficults quelles occasionnent et rvle que cest toute la communication entre le professeur et les lves qui se trouve entrave. Le cours est en effet rgulirement scand par des remarques mtalinguistiques, mais les mots destins expliquer dautres mots doivent eux-mmes faire lobjet dune explication.

    Langage et pouvoirInlassablement, le professeur reprend ses lves lorsquils font un cart de langage et recourent un niveau de langue familier, et leur demande de reformuler leur propos en registre courant . On comprend alors que le choix du niveau de langue est bien un enjeu de pouvoir dans lespace de la classe : recourir la langue de la rue, au verlan, ou des expressions familires constitue une provocation de la part des lves, qui sont parfaitement conscients des codes langagiers respecter en classe. Ces temps de ngociations autour de la langue adopter en cours posent avec acuit la question de la norme. Ils nous rappellent que le franais standard nest quune des actualisations de la langue franaise parmi dautres, qui sest trouve promue au rang de langue officielle. Cest toute la question de la hirarchie entre les diffrentes formes du franais qui se pose ici, et qui conduit sinterroger sur les rapports entre langage et pouvoir.

    1) Sur quels problmes lis lusage de la langue le film met-il laccent ? Pour chaque problme mentionn, vous mentionnerez une scne du film dans laquelle il se trouve illustr.

    La langue comme source dingalits

    La langue comme facteur dexclusion

    La langue comme instrument de domination

    La langue comme source de violence

    III. LA LANGUE FRANCAISE : INSTRUMENT DEGALITE OU DE DISCRIMINATION ?

    FranaisaCtivits (Bts)

  • 20 Dossier pdagogique

    2) QUESTION : Le film ne donne-t-il pour autant quune image ngative de la langue ? En quoi peut-on dire quil illustre aussi la richesse du rapport des lves la langue franaise ?

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    3) ECRITURE PERSONNELLE : La langue est-elle un instrument dgalit ou de domination ? Vous vous appuierez, dans votre tude, sur le film de Laurent Cantet et sur le corpus de textes.

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    4) VERS LA SYNTHESE DE DOCUMENTS : Comparez les textes de Pierre Bourdieu et dAntoine Perraud sur la question du rapport entre langage et pouvoir. Quels sont leurs points communs ? Quelles sont leurs diffrences ?

    5) VERS LA SYNTHESE DE DOCUMENTS : Comparez les textes dAnnie Ernaux, Antoine Perraud, et le film de Laurent Cantet sur la question du rapport entre langage et exclusion.

    Franais aCtivits (Bts)

  • Dossier pdagogique 21

    Corpus : Un bon et un mauvais usage de la langue franaise : la question de la norme

    DOCUMENT 1 : Annie ERNAUX, La Place (1983)

    Dans La Place, Annie Ernaux raconte la vie de son pre, ouvrier agricole en Normandie, puis modeste commerant, mort au moment de lcriture. Elle rapporte notamment le rapport que son pre entretenait lgard du langage, trs diffrent de son propre rapport la langue, elle qui fut une bonne lve, puis une tudiante brillante en Lettres modernes, avant de devenir professeur de franais et finalement crivain.

    Le patois avait t lunique langue de mes grands-parents.

    Il se trouve des gens pour apprcier le pittoresque du patois et du franais populaire. Ainsi Proust relevait avec ravissement les incorrections et les mots anciens de Franoise. Seule lesthtique lui importe parce que Franoise est sa bonne et non sa mre. Que lui-mme na jamais senti ces tournures lui venir aux lvres spontanment. Pour mon pre, le patois tait quelque chose de vieux et de laid, un signe dinfriorit. Il tait fier davoir pu sen dbarrasser en partie, mme si son franais ntait pas bon, ctait du franais. Aux kermesses dY, des forts en bagout, costums la normande, faisaient des sketches en patois, le public riait. Le journal local avait une chronique normande pour amuser les lecteurs. Quand le mdecin ou nimporte qui de haut plac glissait une expression

    cauchoise dans la conversation comme elle pte par la sente au lieu de elle va bien , mon pre rptait la phrase du docteur ma mre avec satisfaction, heureux de croire que ces gens-l, pourtant si chics, avaient encore quelque chose de commun avec nous, une petite infriorit. Il tait persuad que cela leur avait chapp. Car il lui a toujours paru impossible que lon puisse parler bien naturellement. Toubib ou cur, il fallait se forcer, scouter, quitte chez soi se laisser aller.

    Bavard au caf, en famille, devant les gens qui parlaient bien il se taisait, ou il sarrtait au milieu dune phrase, disant nest-ce pas ou simplement pas avec un geste de la main pour inviter la personne comprendre et poursuivre sa place. Toujours parler avec prcaution, peur indicible du mot de travers, daussi mauvais effet que de lcher un pet.

    Mais il dtestait aussi les grandes phrases et les expressions nouvelles qui ne voulaient rien dire . Tout le monde un moment disait : Srement pas tout bout de champ, il ne comprenait pas quon dise deux mots se contredisant. A linverse de ma mre, soucieuse de faire volue, qui osait exprimenter, avec un rien dincertitude, ce quelle venait dentendre ou de lire, il se refusait employer un vocabulaire qui ntait pas le sien.

    Enfant, quand je mefforais de mexprimer dans un langage chti, javais limpression

    de me jeter dans le vide.Une de mes frayeurs imaginaires, avoir un pre instituteur qui maurait oblige bien parler sans arrt, en dtachant les mots. On parlait avec toute la bouche.

    Puisque la matresse me reprenait , plus tard jai voulu reprendre mon pre, lui annoncer que se parterrer ou quart moins donze heures nexistaient pas. Il est entr dans une violente colre. Une autre fois : Comment voulez-vous que je ne me fasse pas reprendre, si vous parlez mal tout le temps ! Je pleurais. Il tait malheureux. Tout ce qui touche au langage est dans mon souvenir motif de rancur et de chicanes douloureuses, bien plus que largent.

    Antoine PERRAUD : Le franais dans tous ses tats , Tlrama, 6 dcembre 2000

    La paralysie saisit beaucoup dusagers de notre langue au moment de discourir : ils craignent si souvent de ne pas tre la hauteur et font alors silence, ou bien bafouillent, ou alors se lancent dans des circonvolutions, que ce soit face un microphone qui se tend, ou dans une runion dentreprise, ou simplement au grand magasin, quand ils tombent sur un vendeur intimidant De telles alarmes assaillent la majorit des locuteurs, jusquau sommet de lchelle sociale.

    Prenons le prsident de la Rpublique. Personne na not la chose, pourtant de la

    FranaisdoCuments daCCompaGnement

  • 22 Dossier pdagogique

    plus haute importance ! Le 21 septembre dernier, ragissant sur France 3 aux accusations vido-posthumes de Jean-Claude Mry, nagure occulte financier du RPR, Jacques Chirac se met en ptard : Il doit y avoir des limites la calomnie. Hier, on faisait circuler une rumeur fantaisiste sur une grave maladie qui maurait atteinte . Qui maurait atteinte ? Tiens, tiens Quen pense lexcellent grammairien belge Marc Wilmet, auteur du Participe pass autrement : protocole daccord, exercices et corrigs () ? Lexpert reconnat l demble un trs joli exemple, trs fcond pour la rflexion linguistique , Il est vident que Jacques Chirac ne se fminise pas et quil aurait donc d dire une grave maladie qui maurait atteint. Voil tout simplement une consquence de la formation scolaire. Le Prsident sait et sent quexiste un accord du participe pass dont se dispense souvent la langue orale mais quimpose la langue crite. Et par consquent, une sorte de surveillance le pousse lhypercorrectisme - dans ce cas cest mme une erreur ! - en marquant laccord de crainte de faillir aux rgles de la grammaire devant ses concitoyens. ()

    Ouvrir la bouche inhibe donc : cest se mettre nu. En Angleterre, par exemple, votre accent vous marque. Il vous fait tendre une espce de curriculum vitae votre interlocuteur, qui saura immdiatement de quelle rgion vous venez, quelles coles vous frquenttes, etc. Mrs Tatcher, lancienne Premire ministre, tait fille dpicier. Elle maquillait cette tare ses snobs yeux en prenant laccent de la haute. Mais parfois, quand un travailliste lagaait plus que de raison la Chambre de communes, Margaret se laissait aller une intonation ou un terme typique de sa basse extraction originelle. Alors, on se gaussait sec dans les colonnes du Guardian, temple de la gauche caviar britannique. En France, le personnel politique () ne se dvoile gure en louvrant. La fameuse langue de bois tient la fois de la volont de sexprimer dans la parlure du gros de llectorat, tout en ne prenant pas le risque dgratigner lidiome2 national : caresser le franais dans le sens du poil. Alain Rey () pointe la confusion entre le franais rel, pluriel, conflictuel, mobile et le fantasme dun franais fictif, unique, apais et stable. Le lexicographe ajoute : Quant la matrise des ressources de la langue par les usagers francophones qui cause tant de soucis aux amoureux dun bel usage totalement indfinissable, cest plus un problme culturel, pdagogique et social quune affaire de bonne sant de la langue.

    2 Ensemble des moyens dexpression dune communau-t correspondant un mode de pense spcifique.

    Le problme est aussi - lchons le mot - politique. Cette langue fantasme qui viendrait de si haut et de si loin nous fixe dans une sorte de servitude langagire, comme si nous tions des locuteurs manants3 et non pas encore des locuteurs citoyens, comme si, en notre Rpublique, nous maintenait une laisse dAncien Rgime : le franais relev, auguste, sou-verain, qui serait lapanage dune certaine noblesse dEtat. ()

    Ce pacte, scell au XVIIe sicle entre la langue et le pouvoir a de surcrot honor une imposture : un parler prtendument bien n, du plus haut lignage (le latin classique), alors quil tient de lauthentique brassage domin par le latin vulgaire des prostitues, des marchands ou de la soldatesque. Le franais nest donc quune souillon qui sest hausse du col ! Jusqu devenir cet instrument dexclusion lencontre de ceux qui ne savent pas montrer patte blanche, qui disent la table mon frre ou aller au coiffeur . ()Marc Wilmet estime haut et fort que nimporte quel idiome appartient aux individus qui sen servent, non une oligarchie dautoproclams arbitres des lgances qui les brime . Pour lui, le jour o le franais se repliera dfinitivement sur des structures figes, renoncera aux innovations lexicales, morphologiques, syntaxiques, il ne sera plus quune langue morte.

    3 Homme grossier et sans ducation

    Bernard Cerquiglini enfonce le clou et fltrit les puristes, leur discours de la perte dun prtendu ge dor , leur attitude xnophobe hostile aux apports extrieurs dont se nourrit la langue : Soyons clairs, on commence par brler des mots, on finit par brler des hommes . Marc Wilmet se souvient pour sa part douvrages succs publis dans son pays, il y a une vingtaine dannes, intituls Chasse aux belgicismes : Or, qui dit chasser dit volont de tuer. Nous, les linguistes, nous ne sommes pas des chasseurs et par consquent nous ne voulons pas tuer les mots.

    Mais alors quest-ce quun linguiste ? Un savant qui regarde passer les mots comme une vache regarde passer les trains ? Alain Rey, qui svertue instiller dans le grand public les travaux de Saussure et tutti quanti, ne soffusque pas de la comparaison : Un linguiste est pig partir du moment o vous lobligez porter un jugement de valeur. Ou bien il sarroge le droit de dfinir le bon usage et se met alors au service du pouvoir dominant du moment, ou bien il estime que tous les langages se valent, que le micro-parler de Vaulx-en-Velin vaut bien le micro-parler des normaliens ( ce moment-l, il ny a plus qu fermer toutes les classes de toutes les coles !) et le voil irresponsable ou paternaliste, du haut de sa vision englobante et protectrice des choses ! Nous sommes l au cur dune contradiction froce.

    Franais doCuments daCCompaGnement

  • Dossier pdagogique 23

    Adoncques, comment sy prendre ? Le franais, sans tre corset par quelques furieux de la puret dangereuse, ne doit-il pas continuer dtre normalis, donc enseignable, donc transmissible ? Comment faire sauter les cadenas de la langue sans faire sauter la langue elle-mme ?

    En la modernisant sans crainte, selon Bernard Cerquiglini, qui stait essay, en 1990, simplifier lorthographe, proposant par exemple dcrire vnement comme le mot se prononce, avec un accent grave : vnement.

    Ce linguiste soutient mordicus les efforts de fminisation des noms de fonctions et trouve normal quon puisse parler de madame la ministre, dune ambassadrice, dune crivaine voire dune pompire :

    Si ces rformes navaient pas cours, si la langue restait fige, des revendications trs fortes se feraient jour de la part de ceux et celles qui se sentiraient exclus. Nous nous retrouverions alors avec des parlers identitaires : langue des femmes, des Beurs, des homosexuels, etc., bref une communautarisation de la langue. Labb Grgoire disait quil faut se comprendre pour pouvoir comprendre les lois et critiquer le gouvernement. Eh bien ! ayons, en francophonie, une langue commune, souple, qui progresse, qui permette la fois de dbattre et de nous runir.

    Pierre BOURDIEU : Ce que parler veut dire, Fayard (1982) :

    Pierre Bourdieu analyse ici les raisons de lunification linguistique qui eut lieu pendant la Rvolution.

    Les membres de ces bourgeoisies locales de curs, mdecins ou professeurs qui doivent leur position leur matrise des instruments dexpression, ont tout gagner la politique dunification linguistique de la Rvolution : la promotion de la langue officielle au statut de langue nationale leur donne le monopole de fait de la politique et, plus gnralement, de la communication avec le pouvoir central et ses reprsentants qui dfinira, sous toutes les rpubliques, les notables locaux.

    Limposition de la langue lgitime contre les idiomes et les patois fait partie des stratgies politiques destines assurer lternisation des acquis de la Rvolution () : rformer la langue, la purger des usages lis lancienne socit et limposer ainsi purifie, cest imposer une pense elle-mme pure et purifie.

    Il serait naf dimputer la politique dunification linguistique aux seuls besoins techniques de la communication entre les diffrentes parties du territoire et, notamment, entre Paris et la province, ou dy voir le produit direct dun centralisme tatique dcid craser les particularismes locaux . Le conflit entre le franais de lintelligentsia rvolutionnaire et les idiomes ou les patois

    est un conflit pour le pouvoir symbolique qui a pour enjeu la formation et la r-formation des structures mentales. Bref, il ne sagit pas seulement de communiquer mais de faire reconnatre un nouveau discours dautorit, avec son nouveau vocabulaire politique, ses termes dadresse et de rfrence, ses mtaphores, ses euphmismes et la reprsentation du monde social quil vhicule et qui, parce quelle est lie aux intrts nouveaux de groupes nouveaux, est indicible dans les parlers locaux faonns par des usages lis aux intrts spcifiques des groupes de paysans.

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  • 24 Dossier pdagogique

    eCJs aCtivits

    Cadre pdagogique

    Il ne sagit pas ici de prsenter Entre les murs comme une rfrence en matire denseignement ce dont le film de Laurent Cantet na pas du tout lambition.

    Mais lattitude de Franois Marin, qui laisse les lves sexprimer quitte ce que leur parole drive, permet de dployer, de rendre visibles les diffrentes attitudes, penses, conflits inhrents tout enseignement.

    La classe dEntre les murs devient une caisse de rsonance des paradoxes et difficults de lducation et, de manire gnrale, de la vie en commun. Comme ce film donne voir une classe et un professeur au quotidien, il peut tre loccasion pour des lves et leur professeur de sinterroger sur lexercice de la citoyennet au sein dun tablissement scolaire. En ce sens, son tude soulve des questions propres lducation civique.

    Nous vous proposons ainsi de travailler sur Entre les murs avec les lves de Sixime et de Seconde afin daborder les thmes suivants :

    En Sixime : Le collge, un lieu pour apprendre, une communaut ducative

    Thme 1, la vie au collgeThme 2, lducation, un droit pour tousA ces thmes sajoutent des incursions dans Les droits et les devoirs de la personne avec la question des droits et des obligations des lves, et llve et la citoyennet.

  • Dossier pdagogique 25

    En Seconde : divers thmes et notions du programme sont tudiables travers le film :Thmes sollicits :

    Citoyennet et intgration : comment les lves, par leur respect des normes communes, leurs changes avec les autres, leur participation la vie de ltablissement, leurs parcours singuliers, sont inclus ou exclus de la communaut ducative et de la socit ;

    Citoyennet et civilit : comment le respect des rgles de la vie commune dans ltablissement devient un pralable pour lexercice de la citoyennet ;

    Notions mobilises : Civilit, Intgration, Droits

    Enfin, il est intressant dutiliser le film dans le cadre dune heure de vie de classe :

    afin dvoquer les problmes que peut rencontrer une classe dans sa mise au travail ou son fonctionnement

    pour les lves de Seconde cela peut tre loccasion de montrer le sens des pratiques pdagogiques et des rgles suivies dans un tablissement scolaire pour donner davantage de sens leur prsence au lyce.

    eCJsaCtivits

  • 26 Dossier pdagogique

    Par lattention qui y est porte lensemble de la communaut ducative tout au long dune anne scolaire, Entre les murs montre les diffrentes composantes de la vie au collge et, de manire gnrale, dans tout tablissement scolaire.

    A - Les acteurs de ltablissement scolaire

    1) Relevez dans le film les diffrents acteurs de la vie du collge et dduisez leur rle partir des scnes du film.

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