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Dossier pédagogique 1 ENTRE LES MURS Un film de Laurent Cantet France - Couleur - 2008 - 2h08 – 35mm - Scope – Dolby SRD Fiche technique et artistique complète sur le site du film : http://www.entrelesmurs-lefilm.fr Au cinéma le 24 septembre François est un jeune professeur de français d’une classe de 4 ème dans un collège difficile. Il n’hésite pas à affronter Esmeralda, Souleymane, Khoumba et les autres dans de stimulantes joutes verbales, comme si la langue elle-même était un véritable enjeu. Mais l’apprentissage de la démocratie peut parfois comporter de vrais risques. Synopsis Dossier pédagogique Français, SES, ECJS Collège - Lycée Un dossier proposé par Zérodeconduite.net En partenariat avec Haut et Court et la MAIF

ENTRE LES MURScineclass.at/zdc-entrelesmurs.pdf4 Dossier pédagogique Une fiction du réel Pour commencer il peut être intéressant de rapprocher le succès d’Entre les murs, Palme

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Dossier pédagogique 1

ENTRE LES MURS Un film de Laurent CantetFrance - Couleur - 2008 - 2h08 – 35mm - Scope – Dolby SRDFiche technique et artistique complète sur le site du film :

http://www.entrelesmurs-lefilm.fr

Au cinéma le 24 septembre

François est un jeune professeur de français d’une classe de

4ème dans un collège difficile. Il n’hésite pas à affronter Esmeralda,

Souleymane, Khoumba et les autres dans de stimulantes joutes

verbales, comme si la langue elle-même était un véritable enjeu.

Mais l’apprentissage de la démocratie peut parfois comporter

de vrais risques.

Synopsis

Dossier pédagogique

Français, SES, ECJS Collège - Lycée

Un dossier proposé par Zérodeconduite.net En partenariat avec Haut et Court et la MAIF

sommaire

Approches thématiques ..........................................................p. 4

Activités Français Cadre pédagogique ...........................................................p. 9I «Mieux savant» ou «plus savant» : la pédagogie en question ...................................................p. 10II Professeurs et élèves : débat ou combat ? ....................p. 15III La Langue française, instrument d’égalité ou de discrimination ? .........................................p. 19

Activités ECJSCadre pédagogique ...........................................................p. 24Activités Seconde ..............................................................p. 26Activités Sixième ...............................................................p. 39

Activités SESCadre pédagogique ...........................................................p. 45I Comprendre le processus de démocratisation scolaire en France ...................................p. 46II Comprendre le rôle de l’école dans la mobilité sociale .....................................................p. 48

Dossier rédigé par Marie Basuyaux (Français), Valérie Marcon et Hélène Chauvineau (Education Civique - ECJS) et Frédérique Omer (Sciences Economiques et Sociales)Dossier coordonné par Vital Philippot et Florence Salé pour Zérodeconduite.net

Crédits Photo : Haut et Court / Pierre Milon / Georgi Lazarevski

mode d’empLoi du dossier

La première partie est constituée d’une introduction thématique générale sur le film.La deuxième partie propose un accompagnement pédagogique dans trois disciplines : Education Civique - ECJS, Français, Sciences Economiques et Sociales

Français ECJS SES

6èmeVivre ensemble au

collège

SecondeTextes

argumentatifs sur l’éducation

Citoyenneté et intégration, citoyenneté et

civilité

Première Ecole et socialisation

Terminale

Dynamique de la stratification sociale,

enjeux et déterminants de la mobilité sociale

BTSSynthèse

sur la langue française

Le présent dossier ne comporte que les questions et exercices, et les documents d’accompagnement.

Pour avoir accès aux corrigés des exercices, il faut s’identifier en tant qu’enseignant en s’inscrivant au Club Zérodeconduite.net (http://www.zerodeconduite.net/club)

4 Dossier pédagogique

Une fiction du réel

Pour commencer il peut être intéressant de rapprocher le succès d’Entre les murs, Palme d’or du dernier Festival de Cannes de celui de Ressources humaines (1999), le long-métrage qui a apporté à Laurent Cantet la reconnaissance critique et publique. Une des spécificités de Ressources humaines, fortement soulignée par les critiques de l’époque, était de faire entrer la fiction dans un lieu peu visité par le cinéma (l’usine, et plus largement le monde du travail). Par son titre même Entre les murs nous promet de nous faire entrer dans un espace ordinairement dérobé aux regards, l’institution scolaire et plus particulièrement la salle de classe.Il y a certes d’innombrables films, téléfilms, séries télévisées se déroulant pour tout ou partie dans un cadre scolaire, mettant en scène des élèves et des enseignants : mais sauf exception l’école et la fonction éducative n’y sont généralement qu’un cadre, alors qu’elles constituent le sujet même d’Entre les murs.

On pourra souligner la très grande précision, voire la technicité avec laquelle Entre les murs décrit l’institution scolaire (comme Ressources humaines décrivait le monde de l’entreprise) : il nous en montre non seulement les acteurs (des plus évidents, le prof et ses élèves, aux plus inattendus comme l’intendant) et les décors physiques, mais aussi les rouages et lieux de pouvoir : conseil d’administration, conseil de classe, conseil de discipline.

On peut confronter l’approche de Laurent Cantet de celle de documentaristes qui se sont attachés à décrire des institutions fermées, à faire voir ce qui se passait « entre leurs murs » comme Frédérick Wiseman (Titicut Follies, sur l’univers psychiatrique High School I et II sur l’institution scolaire) ou Raymond Depardon (Urgences, Délits flagrants, 10ème chambre instants d’audience…).Mais si l’ambition est comparable, la méthode est différente. Pour documenté qu’il soit (par le choix d’adapter le roman de François Bégaudeau, par la présence d’acteurs non professionnels, par le travail d’atelier et d’improvisation qui a nourri l’écriture du film),

Entre les murs est bien une fiction, scénarisée et mise en scène. Plutôt que d’enregistrer la réalité de manière « brute », il s’agit pour Laurent Cantet de remettre ses différents éléments en jeu, de les faire jouer dans le cadre de la fiction.

Un « collège difficile »

Si l’institution scolaire intéresse Laurent Cantet, c’est aussi comme « une caisse de résonance, un lieu traversé par les turbulences du monde »1. Le réalisateur emploie également la métaphore de la boîte noire : espace fermé et dérobé aux regards certes, mais surtout chambre d’enregistrement.

Il n’est d’ailleurs pas fortuit que le film se déroule dans un collège : depuis l’instauration de la scolarisation obligatoire jusqu’à 16 ans (1959) et la réforme du « collège unique » (parachevée par la loi Haby de 1975), le collège a pour vocation d’accueillir au sein d’un même cursus l’ensemble d’une classe d’âge, et de préparer sa future orientation dans (lycée général, lycée professionnel) ou hors du système éducatif. La classe de ce « collège difficile » mise en scène dans Entre les murs est à l’image de cette diversité sociale, et le film n’a pas besoin de sortir de l’enceinte de l’établissement pour laisser deviner son hors-champ.

On peut à ce propos s’interroger sur la périphrase « collège difficile » qu’emploie le synopsis du film : celle-ci reflète d’abord le point de vue des enseignants, confrontés à l’hétérogénéité (ethnique, sociale, scolaire) de leur « public », mais également à une réalité sociale parfois dramatique (on les voit s’interroger sur les conséquences de l’exclusion de Souleymane, ou se mobiliser contre l’expulsion de la mère sans papiers de Wei). Mais cette difficulté d’enseigner a pour corollaire la difficulté d’apprendre et le fossé qui se creuse inexorablement avec les établissements plus favorisés.

1 Les citations de Laurent Cantet et François Bégaudeau renvoient à l’entretien contenu dans le dossier de presse du film.

«Il s’agissait de partir d’un collège existant et d’engager

dans le processus du film tous les acteurs de la vie scolaire.» Laurent Cantet

approChes thématiques

Dossier pédagogique 5

Vivre ensemble

Entre les murs se clôt avec l’année scolaire par un match de football dans la cour du collège, opposant l’équipe des enseignants et celle des élèves. A cette image d’une communauté harmonieusement recomposée dans le jeu, le film aura opposé une réalité plus conflictuelle. Entre les murs pose en effet explicitement la question du « vivre ensemble » au sein du collège, espace d’apprentissage et d’exercice de la démocratie (les élèves ont gagné, ces trente dernières années, toute une série de droits garantis par la loi et formalisés dans les règlements intérieurs) mais marqué par la contrainte (le titre ne fait pas pour rien référence à l’univers carcéral) et traversé par la relation dissymétrique entre adultes et adolescents. Les questions de l’autorité et de sa légitimité, de la justice et de la sanction, de la réciprocité ou non des droits et des devoirs, reviennent comme un leitmotiv tout au long du film.

Mais Entre les murs est loin de se résumer à une opposition entre enseignants et élèves. Les deux communautés apparaissent profondément diverses et divisées. Les élèves se révèlent souvent cruels les uns envers les autres (ainsi Esmeralda soulignant que Wei est le seul à ne pas connaître le mot « autrichien »), quand ne les opposent pas des conflits plus violents (qui prennent souvent, en paroles en tout cas, une dimension identitaire). Il n’y a que quand il se sent attaqué en tant que groupe (vous êtes comme des enfants de dix ans) que le « bloc classe » se constitue et se dresse contre l’enseignant. Quant au groupe des enseignants il apparaît comme une somme d’individualités plutôt que comme une communauté soudée, à l’image d’un François Marin à la fois engagé dans la vie de l’établissement (il est délégué au conseil d’administration et au conseil de discipline) mais plutôt solitaire dans sa pratique. La savoureuse discussion en conseil d’administration sur l’instauration d’un « permis à points » montre la difficulté à se mettre d’accord sur une norme commune à imposer aux élèves.

Le Langage

Huis-clos quasi entièrement tourné entre les murs d’une salle de classe, mettant en scène des personnages dont le corps est contraint (le défoulement physique des scènes de récréation répondant à l’immobilité forcée de la classe), Entre les murs tire principalement son énergie du verbe. Basé sur l’alternance champ-contrechamp entre l’enseignant et ses élèves, le dispositif filmique mis en place par Laurent Cantet permet de mettre en valeur le jaillissement de la parole, de restituer la dynamique des « échanges » (le réalisateur utilise d’ailleurs une métaphore sportive, déclarant avoir voulu « filmer les cours comme un match de tennis »). Ce travail sur la langue des élèves était justement l’un des traits marquants du roman de François Bégaudeau, constitué de courtes sections essentiellement dialoguées.

Medium essentiel de l’apprentissage (chaque séance est basée sur un jeu de questions-réponses), mais aussi vecteur des conflits entre les personnages, le langage est également un objet d’étude et de réflexion : il n’est évidemment pas fortuit qu’Entre les murs se déroule dans un cours de français, c’est-à-dire précisément là

«J’avais envie de filmer ces joutes oratoires si fréquentes dans une classe : peu importe la force et la pertinence des propositions, ce qui importe est avant tout d’avoir raison.» Laurent Cantet

approChes thématiques

6 Dossier pédagogique

où l’on est censé étudier la langue et apprendre à la maîtriser. Les personnages (professeur et élève) y entretiennent ainsi un double rapport au langage : un rapport immédiat d’utilité (le professeur pour éduquer et instruire les élèves, les élèves pour contester les contraintes qui pèsent sur eux et affirmer leur individualité), mais aussi un rapport réflexif (que veut dire tel mot, à quel registre appartient-il, quand et comment l’utiliser).

Ce rapport souvent jubilatoire à la langue ne doit pas masquer son angoissant envers : à la profusion verbale et à l’inventivité lexicale (trait caractéristique de la parole populaire : le verlan d’aujourd’hui retrouve parfois l’argot d’hier) répondent la stéréotypie de l’expression, les lacunes du vocabulaire (et avec les mots le sens qui se dérobe), l’inexactitude de l’expression. Or l’absence de maîtrise du langage est l’antichambre de la relégation sociale : que l’on pense à Souleymane réduit au rang de simple spectateur (et traducteur pour sa mère) de son conseil de discipline, ou a Henriette qui n’ayant « rien compris, rien appris » a peur d’être orientée « en professionnel ». Mais l’enseignant lui-même, a priori mieux armé dans ce domai-ne, se trouvera pris au piège du langage : à deux reprises il prononcera un mot de trop (« scolairement limité » au conseil de classe ou « attitude de pétasse » devant Esmeralda et Lucie) qui se retournera contre lui. Dépassé par la situation, François Marin est trahi par ses mots : « pétasse » (même adouci par la comparaison) appartient clairement au registre de l’insulte sexiste ; l’enseignant a beau se raccrocher à nouveau au langage pour restaurer son autorité (« On ne dit pas insulter de ») il ne parviendra pas à reprendre le contrôle de la situation.

Comique…

Entre les murs est un film qui fait souvent rire, même si ce n’est pas une « comédie » à proprement parler : le rire semble naître non pas d’effets d’écriture et de mise en scène prémédités, mais du naturel des acteurs et de l’énergie qui irrigue la salle de classe.On peut toutefois imaginer que si les scènes de classe « fonction-nent » aussi bien, c’est qu’elles nous renvoient à une situation

universelle, celle de l’élève face au maître. En poussant un peu l’analyse, on verra qu’elles s’inscrivent dans une veine ancestrale du comique populaire : le renversement carnavalesque analysé par Mikhaël Bakhtine dans son essai sur Rabelais.

L’autorité intellectuelle (il est le seul détenteur du savoir) ou physique (c’est lui qui fait appliquer la loi) de l’enseignant est constamment battue en brèche par les élèves. Par leur énergie et leur malice, ceux-ci rappellent ainsi les valets de comédie, qui ne peuvent s’empêcher de défier le « maître » (le même mot désigne à la fois le seigneur et le pédagogue) tout en craignant son courroux (« Si je vous le dis, vous allez m’envoyer chez Guantanamo ! », dit Souleymane en faisant référence au bureau du CPE). Même si la référence n’est pas explicite comme dans L’Esquive d’Abdellatif Kechiche, il y a du Scapin ou de l’Arlequin chez Boubacar ou Esmeralda.

Mais si les élèves nous font rire, c’est également à leurs corps défendant, par leurs erreurs et leurs naïvetés (c’est le principe de la « perle »), par leur travers, par leurs préoccupations décalées (la nourriture —le verbe « croître » conjugué en « croutons » puis « croissants »—, la sexualité)…

François Marin ne se prive d’ailleurs pas de les « mettre en boîte », reprenant l’avantage en mettant les rieurs de son côté. Il utilise d’ailleurs l’ironie comme un véritable outil pédagogique : l’antiphrase (« Voilà, exactement, les argenteries sont les habitants de l’Argentine », « C’est ça, je fusse du verbe fussier ») ou ou la simple reformulation d’un raisonnement (« Donc maintenant on saura que quand Boubacar accepte de manger devant nous, c’est qu’il ne nous respecte pas ») amènent les élèves à prendre conscience de l’absurdité de leurs propos. Ceux-ci apprécient d’ailleurs beaucoup ce genre d’humour, surtout quand il s’exerce au détriment d’un de leur camarade (« Il t’a pas cassé, il t’a brisé en deux ! »). Ce n’est que quand l’ironie cible l’ensemble de la classe qu’elle est perçue comme méprisante (« Eh mais monsieur, vous charriez trop ! »), car renvoyant non à une bévue individuelle mais à un stigmate social.

approChes thématiques

Dossier pédagogique 7

C’est cette constante circulation du rire à l’intérieur de la classe qui empêche le film de tomber dans la caricature, et lui donne toute son humanité : on est alternativement d’un côté et de l’autre, on rit à la fois de l’un (le professeur) et des autres (les élèves), il n’y a pas « nous » et « eux », « les bons » et « les méchants ».Il n’y a peut-être qu’en salle des profs que le rire se fait plus satirique, épinglant les ratiocinations (la discussion un peu absurde sur le « permis à points ») ou les petites mesquineries (la machine à café) d’une profession par ailleurs montrée avec tendresse.

… et tragique

Si la première heure du film, fidèle en cela au livre de François Bégaudeau, s’en tient au genre de la chronique, Laurent Cantet et son scénariste Robin Campillo ont choisi de structurer la seconde partie du film autour du personnage de Souleymane. Le ton se fait alors plus grave et le rire s’étrangle : malgré les efforts de François Marin rien ne pourra être fait pour éviter l’exclusion à Souleymane, à laquelle le naufrage plus discret d’Henriette offrira un contrepoint silencieux.

On pourra retrouver dans cette chronique d’un désastre annoncé une dimension tragique : l’unité de lieu et de temps, l’enchaînement inexorable des événements, l’ambiguïté morale des personnages (ni tout à fait coupables, ni tout à fait innocents), et cette ironie qui fait que c’est en voulant défendre Souleymane (les mots « scolairement limité » qui mettent le feu aux poudres) que François Marin provoquera son exclusion.

Cette dimension tragique est d’ailleurs présente en filigrane dans le film. Les propos, en apparence anodins des élèves, laissent transpirer la vision résignée d’un univers scolaire où tout est joué d’avance (Khoumba : « On sait déjà que tout est calculé… c’est tout le temps pareil. », Rabah : « Comme par hasard quand c’est Wey c’est bien. », etc.), d’une machine à exclure dont ils se

sentent les victimes désignées (et parfois complaisantes). A leur tour les certitudes de François Marin se déchireront quand il se rendra compte de la cruauté implacable et aveugle du système : sous ses apparences de démocratie le conseil de discipline aboutit finalement systématiquement (« douze fois sur douze ») à une exclusion. Comme si derrière l’idéal démocratique et méritocratique de l’école républicaine, le film laissait apparaître en filigrane le spectre de la machine à trier (les élèves) et à reproduire (les inégalités), telle que l’ont décrite les sociologues Bourdieu et Passeron (La Reproduction, 1970).

Deux visions de l’école semblent donc s’affronter dans le film et en François Marin, une vision optimiste voire utopique et une vision tragique, ce qui explique que le film pourra faire l’objet de lectures idéologiques ou politiques apparemment contradictoires.

approChes thématiques

«Dans le film de Laurent on pourra voir l’histoire d’un échec : on pourra retenir au contraire les moments d’utopie concrète.» François Bégaudeau

8 Dossier pédagogique

La pédagogie : entre utopie et réalité

Même s’il faut faire la part du spectacle cinématographique (le film privilégie tout ce qui ressort de l’oralité, du conflit…), la pratique pédagogique de François Marin (le caractère apparemment décousu de ses cours, la grande liberté de parole qu’il laisse à ses élèves, l’ironie souvent acérée qu’il emploie à leur égard) risque de cristalliser le débat, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’institution scolaire. Est-ce ainsi que l’on enseigne aujourd’hui ? Est-ce ainsi qu’il faudrait enseigner ?

Il y a deux manières d’envisager le personnage de François Marin : comme le portrait réaliste et nuancé (d’autant plus qu’il s’inspire du roman « vécu » de François Bégaudeau.) d’un enseignant d’aujourd’hui, avec et parmi d’autres (voir la scène de pré-rentrée où il se présente comme tous ses collègues), aux prises avec une réalité scolaire et sociale difficile ; ou comme le noble héritier

d’une tradition pédagogique que l’on peut faire remonter, en passant par la Renaissance (cf les textes d’accompagnement proposés en Français), jusqu’à… la maïeutique socratique.

La référence au philosophe grec, placée de manière inattendue dans la bouche d’Esmeralda (« Le gars, il vient, il accoste les gens dans la rue, il leur dit : « est-ce que tu es sûr de penser ce que tu penses, est-ce que tu es sûr de faire ce que tu fais, tout ça… » Après, les gens ils savent plus où ils en sont, ils se posent des questions. Il est trop fort. »), est en effet reprise à son compte par le réalisateur (« Il y a du Socrate chez cet homme-là »), et avec plus d’ironie, par le romancier (et comédien) François Bégaudeau (qui parle lui de « faire son Socrate »).Tout l’intérêt et la richesse du film résident dans ce frottement entre le réel et l’utopie, entre de nobles principes humanistes et leur difficile application « sur le terrain ». Il serait sans doute passionnant de décortiquer chacun des cours mis en scène par le film (chaque séquence part en effet d’une situation d’apprentissage : conjugaison, vocabulaire, étude du journal d’Anne Frank, commentaire d’un poème de Baudelaire…), pour étudier ce qui fonctionne et ce qui échoue, pour comprendre là où ça accroche et là où ça dérape : il suffit parfois d’un mot ou d’un nom, comme « Bill » dans la phrase « Bill déguste un succulent cheeseburger ».

C’est finalement le film en lui-même qui apparaît comme une entreprise socratique : en se gardant bien de désigner des victimes et des coupables, d’imposer une lecture univoque des situations, Entre les murs renvoie à l’institution scolaire et à la société toute entière (puisqu’il montre la place centrale qu’y tient l’école) toutes les questions qu’il pose.

«Je voulais rendre justice à tout le travail qui se fait dans l’espace d’une école.

Dans un cours, il y a toujours de l’intelligence en jeu - y

compris dans les malentendus ou l’affrontement.»

Laurent Cantet

approChes thématiques

Dossier pédagogique 9

Cadre pédagogique

Le film de Laurent Cantet peut être abordé en cours de français à des niveaux et dans des perspectives différents.

En classe de 2nde, dans le cadre d’un groupement de textes argumentatifs sur l’éducation, Entre les murs apparaît comme un bon outil pour susciter le questionnement sur l’école d’aujourd’hui et ses méthodes pédagogiques. Le film permet surtout d’introduire un travail sur des textes littéraires du XVIe siècle afin de montrer la modernité du questionnement qu’ils soulèvent (Séquence I : « Mieux savant ou plus savant : la pédagogie en question »). Il offre également une occasion de réfléchir au rapport qui unit le professeur aux élèves, à sa difficulté et à sa richesse, aux conditions de sa réussite ainsi qu’à l’image - tantôt sublimée, tantôt parodiée - que la littérature et le cinéma ont donné de cette relation essentielle (Séquence II : « Professeur et élèves : débat ou combat ? »).

En classe de 2nde, mais cette fois en heure d’aide individualisée, le film peut aussi être utilisé de manière judicieuse pour travailler avec des élèves en position de rejet à l’égard du cours de français ou plus généralement de l’école. Il offre un miroir permettant de réfléchir les positions respectives des enseignants et des élèves, et d’analyser de manière médiatisée les raisons d’une situation de blocage (questions d’analyse des séquences 1 et 2).

Enfin en classe de BTS (1ère année), parce que Entre les murs donne à entendre l’écart qui sépare la langue « officielle », langue du professeur, qui est aussi celle des médias, de l’institution, des « dominants », et la langue « officieuse », celle des élèves et de la rue, le film peut être proposé comme document pour une synthèse sur la langue française, sur sa diversité et ses enjeux ; il constituera un support à des travaux d’écriture personnelle sur la question du rapport entre langage et pouvoir et sur le caractère potentiellement discriminant de la langue (Séquence 3 : « La langue française : instrument d’égalité ou de discrimination ? »).

FrançaisaCtivités

10 Dossier pédagogique

La question des méthodes et des contenus de l’enseignement traverse toute l’histoire de l’éducation, depuis la vigoureuse critique par les humanistes d’un enseignement universitaire sclérosé ne reposant que sur une capacité de mémorisation, jusqu’au débat actuel sur les méthodes d’apprentissage de la lecture (globale ou syllabique) ou sur la nécessité d’un « socle commun de connaissances ». Si le film choisit de se limiter exclusivement au cours de français, il permet pourtant de comprendre, à travers le cas particulier de ce cours, l’esprit des programmes actuels et les missions que se donne l’école d’aujourd’hui.

On peut identifier dans le film les différentes composantes du cours de français et discerner les trois grands objectifs que le professeur s’efforce d’atteindre avec les élèves.

Mais le cours semble parfois sortir des limites de l’enseignement disciplinaire par les digressions qu’il opère vers d’autres sujets. On peut considérer que cette tendance à la digression et que le temps passé à répondre à certaines provocations sont l’indice d’une ambition plus générale du professeur à l’égard de ses élèves : il ne s’agit pas seulement pour lui d’enseigner le maniement de la langue française, mais de participer à la formation de citoyens.

1) QUESTION : A quels savoirs ou savoir-faire sont consacrées les différentes séances de cours que nous montre le film ? En vous appuyant sur le DOCUMENT 4 (Instructions Officielles), essayez de relier chacune d’elles aux grands objectifs que poursuit l’enseignement du français.

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2) QUESTION : A quels moments les consignes du professeur de français ou le contenu de son cours sont-ils l’objet d’une réaction de rejet de la part des élèves ? Pour quelles raisons ont-ils cette réaction selon vous ?

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3) QUESTION : En quoi peut-on dire que le professeur cherche à enseigner aux élèves quelque chose qui dépasse le cadre de sa discipline ?

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I « MIEUX SAVANT » OU « PLUS SAVANT » (Montaigne) : LA PEDAGOGIE EN QUESTION

Français aCtivités (seConde)

Dossier pédagogique 11

4) « Tête bien faite » ou « tête bien pleine » ? Quel tableau le film dresse-t-il des partis pris pédagogiques actuels ? Quels points communs ont-ils avec les propositions formulées par Montaigne dans « De l’Institution des enfants » (Les Essais, voir corpus de textes) ? Vous illustrerez le tableau suivant avec des exemples tirés du film.

PRINCIPE PEDAGOGIQUE

ILLUSTRATION DANS LE FILM SOURCE CHEZ MONTAIGNE

Un cours dialogué et non un cours

magistral

« On ne cesse de criailler à nos oreilles comme qui verserait dans un entonnoir »

« Je ne veux pas qu’il [le professeur] invente et parle seul : je veux qu’il écoute son disciple parler à son tour »

Assimiler, comprendre, plutôt

que réciter

« Qu’il ne lui demande pas seulement compte des mots de sa leçon, mais du sens et de la substance ».

Former l’esprit critique des élèves

« Notre charge ce n’est que redire ce qu’on nous a dit. Je voudrais qu’il corrigeât cette partie ; et que de belle

arrivée, selon la portée de l’âme qu’il a en main, il commençât à la mettre à la montre, lui faisant goûter les choses,

les choisir, et discerner d’elle-même ».

Différencier sa pédagogie en

fonction des élèves

« Ceux qui, comme notre usage porte, entreprennent d’une même leçon et pareille mesure de conduite, régenter plusieurs esprits de si diverses mesures et formes, ce n’est

pas merveille si en tout un peuple d’enfants ils en rencontrent à peine deux ou trois qui rapportent quelque juste fruit

de leur discipline ».

FrançaisaCtivités (seConde)

12 Dossier pédagogique

5) TRAVAIL D’ECRITURE : Ecriture d’invention (lettre) : Que faut-il enseigner en cours de français et comment faut-il l’enseigner ? Répondez à cette question en rédigeant une lettre à la commission chargée d’établir les programmes de français. Dans ce texte, vous donnerez votre avis sur les programmes de français, sur leur intérêt, sur leurs défauts, et sur les modifications éventuelles que vous aimeriez leur apporter. Chacune de vos propositions sera précisément argumentée. Vous pourrez vous appuyer sur la lecture de l’extrait des Instructions officielles (voir le DOCUMENT 4)

6) TRAVAIL D’ECRITURE : Commentaire littéraire : Vous ferez le commentaire du texte suivant : « Comment Gargantua fut institué par Ponocrates en telle discipline qu’il ne perdait heure du jour » (Gargantua, 1534, Chapitre 21, texte modernisé).

Rabelais fait ici la description d’une éducation idéale, qui intègre le corps et l’esprit, et que l’on peut opposer à l’éducation absurde imposée par le « grand docteur en théologie nommé Maistre Thubal Holoferne » (chapitre 13) consistant essentiellement à savoir réciter l’alphabet dans les deux sens et à écrire en belles lettres gothiques.

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...................................................................................................................................................................................Gargantua se réveillait donc vers quatre heures du matin. Pendant qu’on l’astiquait, on lui lisait une page de la divine Ecriture, à haute et intelligible voix et avec une diction claire ; mission confiée à un jeune page natif de Basché, nommé Anagnotes. En fonction du thème et du sujet de ce passage, il se consacrait à vénérer, adorer, prier et supplier le bon Dieu, dont la lecture montrait la majesté et le jugement merveilleux. Puis il se retirait aux lieux d’aisances pour se purger de ses excréments naturels. Là son précepteur répétait ce qui avait été lu en lui en expliquant les points les plus obscurs et difficiles. En revenant, ils considéraient l’état du ciel : s’il se présentait comme ils l’avaient noté le soir précédent, dans quelle partie du zodiaque entraient le soleil et la lune pour la journée. Cela fait, il était habillé, peigné, coiffé, adorné et parfumé ; pendant ce temps on lui répétait les leçons de la veille.

Lui-même les récitait par cœur et en tirait quelques conclusions pratiques sur la condition humaine ; ils y passaient parfois jusqu’à deux ou trois heures, mais d’habitude ils s’arrêtaient lorsqu’ils avaient fini de s’habiller. Puis pendant trois bonnes heures on lui faisait la lecture. Cela fait, ils sortaient, en conversant toujours du sujet de la leçon, et allaient se récréer au Jeu de Paume du Grand Braque ou dans une prairie ; ils jouaient à la balle ou à la

paume, s’exerçant le corps aussi lestement qu’ils l’avaient fait auparavant de leur esprit. Ils jouaient librement, abandonnant la partie quand ils voulaient et s’arrêtant ordinairement quand ils étaient bien en sueur ou fatigués. Alors, bien essuyés et frottés, ils changeaient de chemise et, se promenant tranquillement, ils allaient voir si le déjeuner était prêt.

En attendant, ils récitaient clairement, en y mettant le ton, quelques sentences retenues de la leçon. Cependant, Monsieur l’Appétit venait, et ils s’asseyaient à table au moment opportun. Au début du repas, on lisait quelque histoire plaisante tirée des anciennes légendes, jusqu’à ce qu’il eût bu son vin. Alors, selon l’envie, on continuait la leçon ou bien ils commençaient à converser joyeusement ensemble ; les premiers temps, ils parlaient des vertus, des propriétés efficaces et de la nature de tout ce qu’on leur servait à table : le pain, le vin, l’eau, le sel, les viandes, les poissons, les fruits, les herbes, les légumes, et la façon dont ils étaient apprêtés.

De cette façon, il apprit en peu de temps tous les passages se rapportant à ces sujets chez Pline, Athénée, Dioscoride, Galien, Porphyre, Opien, Polybe, Héliodore, Aristote, Elien, et d’autres. En parlant, ils faisaient souvent, pour plus de sûreté, apporter à table les livres en question. Et il retint si bien en mémoire ce qu’on y disait qu’il n’y avait pas alors de médecin qui en sût moitié autant que lui.

Français aCtivités

Dossier pédagogique 13

Corpus:une éducation idéale ?

Les auteurs humanistes furent à l’origine d’une critique des méthodes et des contenus de l’enseignement hérités de l’époque médiévale. L’enseignement de l’université s’était figé : il était fondé sur l’autorité, le culte de la mémoire et la méthode scolastique qui reposaient sur le formalisme, le traditionalisme et le refus de la contradiction.

En réaction à ce formalisme, les humanistes prônaient le développement de l’esprit critique. Il est intéressant de chercher les points de convergences entre les principes prônés par les auteurs humanistes et les finalités que se donne aujourd’hui l’enseignement du français au lycée.

DOCUMENT 1 : ERASME, De l’éducation des enfants (1529)

Dans son essai, Erasme rappelle que le plaisir est l’un des moteurs essentiels de l’apprentissage.

Tu vas me demander les connaissances qui correspondent à l’esprit des enfants et qu’il faut leur infuser dès leur prime jeunesse. En premier lieu, la pratique des langues. Les tout-petits y accèdent sans aucun effort, alors que chez les adultes elle ne peut s’acquérir qu’au prix d’un grand effort. Les jeunes enfants y sont poussés, nous l’avons dit, par le plaisir naturel de l’imitation, dont nous voyons quelques traces jusque chez les sansonnets et les perroquets. Et puis – rien n’est plus délicieux – les fables des poètes. Leurs séduisants attraits charment les oreilles enfantines, tandis que les adultes y trouvent le plus grand profit, pour la connaissance de la langue autant que pour la formation du jugement et de la richesse de l’expression. Quoi de plus plaisant à écouter pour un enfant que les apologues d’Esope qui, par le rire et la fantaisie, n’en transmettent pas moins des préceptes philosophiques sérieux ? Le profit est le même avec les autres fables des poètes anciens. L’enfant apprend que les compagnons d’Ulysse ont été transformés par l’art de Circé en pourceaux et en d’autres animaux. Le récit le fait rire mais, en même temps, il a retenu un principe fondamental de la philosophie morale, à savoir : ceux qui ne sont pas gouvernés par la droite raison et se laissent emporter au gré de leurs passions

ne sont pas des hommes mais des bêtes. Un stoïcien s’exprimerait-il plus gravement ? Et pourtant le même enseignement est donné par une fable amusante. Je ne veux pas te retenir en multipliant les exemples, tant la chose est évidente.

DOCUMENT 2 : François RABELAIS, « Comment Gargantua fut institué par Ponocrates en telle discipline qu’il ne perdait heure du jour » (Gargantua, 1534, Chapitre 21, texte modernisé).

Rabelais fait ici la description d’une éducation idéale, qui intègre le corps et l’esprit, et que l’on peut opposer à l’éducation absurde imposée par le « grand docteur en théologie nommé Maistre Thubal Holoferne » (chapitre 13) consistant essentiellement à savoir réciter l’alphabet dans les deux sens et à écrire en belles lettres gothiques.

Gargantua se réveillait donc vers quatre heures du matin. Pendant qu’on l’astiquait, on lui lisait une page de la divine Ecriture, à haute et intelligible voix et avec une diction claire ; mission confiée à un jeune page natif de Basché, nommé Anagnotes. En fonction du thème et du sujet de ce passage, il se consacrait à vénérer, adorer, prier et supplier le bon Dieu, dont la lecture montrait la majesté et le jugement merveilleux. Puis il se retirait aux lieux d’aisances pour se purger de ses excréments naturels. Là son précepteur répétait ce qui avait été lu en lui en expliquant les points les plus

obscurs et difficiles. En revenant, ils considéraient l’état du ciel : s’il se présentait comme ils l’avaient noté le soir précédent, dans quelle partie du zodiaque entraient le soleil et la lune pour la journéeCela fait, il était habillé, peigné, coiffé, adorné et parfumé ; pendant ce temps on lui répétait les leçons de la veille. Lui-même les récitait par cœur et en tirait quelques conclusions pratiques sur la condition humaine ; ils y passaient parfois jusqu’à deux ou trois heures, mais d’habitude ils s’arrêtaient lorsqu’ils avaient fini de s’habiller. Puis pendant trois bonnes heures on lui faisait la lecture. Cela fait, ils sortaient, en conversant toujours du sujet de la leçon, et allaient se récréer au Jeu de Paume du Grand Braque ou dans une prairie ; ils jouaient à la balle ou à la paume, s’exerçant le corps aussi lestement qu’ils l’avaient fait auparavant de leur esprit. Ils jouaient librement, abandonnant la partie quand ils voulaient et s’arrêtant ordinairement quand ils étaient bien en sueur ou fatigués. Alors, bien essuyés et frottés, ils changeaient de chemise et, se promenant tranquillement, ils allaient voir si le déjeuner était prêt. En attendant, ils récitaient clairement, en y mettant le ton, quelques sentences retenues de la leçon. Cependant, Monsieur l’Appétit venait, et ils s’asseyaient à table au moment opportun. Au début du repas, on lisait quelque histoire plaisante tirée des anciennes légendes, jusqu’à ce qu’il eût bu son vin. Alors, selon l’envie, on continuait la leçon

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ou bien ils commençaient à converser joyeusement ensemble ; les premiers temps, ils parlaient des vertus, des propriétés efficaces et de la nature de tout ce qu’on leur servait à table : le pain, le vin, l’eau, le sel, les viandes, les poissons, les fruits, les herbes, les légumes, et la façon dont ils étaient apprêtés. De cette façon, il apprit en peu de temps tous les passages se rapportant à ces sujets chez Pline, Athénée, Dioscoride, Galien, Porphyre, Opien, Polybe, Héliodore, Aristote, Elien, et d’autres. En parlant, ils faisaient souvent, pour plus de sûreté, apporter à table les livres en question. Et il retint si bien en mémoire ce qu’on y disait qu’il n’y avait pas alors de médecin qui en sût moitié autant que lui.

DOCUMENT 3 : MONTAIGNE, « De l’institution des enfants » (Essais, 1590, I, 25)

Ce chapitre des Essais consacré à l’élève fait suite au chapitre intitulé « Du pédantisme », consacré au professeur. Montaigne y décrit son projet pédagogique, reprenant les pistes de ses prédécesseurs (Erasme, Vivès, Rabelais) qui ont réfléchi à la question de l’Education. Il rappelle l’importance d’exercer le jugement de l’enfant et de différencier les méthodes d’apprentissage en fonction de la diversité des enfants.

« A un enfant de maison, qui recherche des lettres (…) pour s’en enrichir en et parer en dedans, ayant plutôt envie d’en réussir habile homme, qu’homme savant, je voudrais aussi qu’on fût soigneux de lui choisir un conducteur, qui eût plutôt la tête bien faite, que bien pleine : et qu’on y requît tous les deux, mais plus les mœurs et l’entendement que la science : et qu’il se conduîsit en sa charge d’une nouvelle manière. On ne cesse de criailler à nos oreilles, comme qui verserait dans un entonnoir ; et notre charge ce n’est que redire ce qu’on nous a dit. Je voudrais qu’il corrigeât cette partie ; et que de belle arrivée, selon la portée de l’âme qu’il a en main,

il commençat à la mettre à la montre, lui faisant goûter les choses, les choisir, et discerner d’elle-même. Quelquefois lui ouvrant le chemin, quelquefois le lui laissant ouvrir. Je ne veux pas qu’il invente et parle seul : je veux qu’il écoute son disciple parler à son tour. (…) Il est bon qu’il le fasse trotter devant lui, pour juger de son train : et juger jusques à quel point il se doit ravaler, pour s’accommoder à sa force. A faute de cette proportion, nous gâtons tout. Et de la savoir choisir, et s’y conduire bien mesurément, c’est des plus ardues besognes que je sache : Et est l’effet d’une haute âme et bien forte, savoir condescendre à ses allures puériles, et les guider. Je marche plus ferme et plus sûr, à mont qu’à val. Ceux qui, comme notre usage porte, entreprennent d’une même leçon et pareille mesure de conduite, régenter plusieurs esprits de si diverses mesures et formes : ce n’est pas merveille si en tout un peuple d’enfants ils en rencontrent à peine deux ou trois qui rapportent quelque juste fruit de leur discipline. Qu’il ne lui demande pas seulement compte des mots de sa leçon, mais du sens et de la substance. Et qu’il juge du profit qu’il aura fait, non par le témoignage de sa mémoire, mais de sa vie.

DOCUMENT 4 : INSTRUCTIONS OFFICIELLES, « Le Français au lycée : finalités »

L’enseignement du français participe aux finalités générales de l’éducation au lycée : l’acquisition de savoirs, la constitution d’une culture, la formation personnelle et la formation du citoyen. Ses finalités propres sont la maîtrise de la langue, la connaissance de la littérature et l’appropriation d’une culture. Ces trois finalités interdépendantes méritent une égale attention.

> Il contribue à la constitution d’une culture par la lecture de textes de toutes sortes, principalement d’œuvres littéraires significatives. Il forme l’attention aux

significations de ces œuvres, aux questionnements dont elles sont porteuses et aux débats d’idées qui caractérisent chaque époque, dont elles constituent souvent la meilleure expression. Par là, il permet aux lycéens de construire une perspective historique sur l’espace culturel auquel ils appartiennent.

> Il favorise la formation personnelle de l’élève en donnant à chacun une meilleure maîtrise de la langue et en l’amenant à mieux structurer sa pensée et ses facultés de jugement et d’imagination. Il doit lui permettre, au terme de cette formation, de savoir organiser sa pensée et de présenter, par oral et par écrit, des exposés construits abordant les questions traitées selon plusieurs perspectives coordonnées.

> Il apporte à la formation du citoyen, avec la connaissance de l’héritage culturel, la réflexion sur les opinions et la capacité d’argumenter.

Cet enseignement s’inscrit dans la continuité de celui du collège, mais ses démarches sont plus réflexives, afin de permettre aux lycéens de devenir des adultes autonomes, aussi bien dans leurs études à venir que dans leur vie personnelle et leur intégration sociale. Pour remplir ce rôle majeur dans leur formation culturelle, le français doit à la fois leur apporter des connaissances et s’attacher à former leur réflexion et leur esprit critique.

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Dossier pédagogique 15

Maîtres grotesques (Rabelais, Gargantua), pédants ridicules (Voltaire, Candide), professeur d’une politesse exquise qui finit par tuer son élève (Ionesco, La Leçon), enseignants dépassés par l’agitation de leur classe (Lauzier, Le plus beau métier du monde) ; et à l’inverse portrait du précepteur en savant (Stendhal, Le Rouge et le Noir) ou souvenir idéalisé (Pennac, Comme un roman ; Peter Weir, Le Cercle des poètes disparus) : que ce soit en littérature ou au cinéma, le rapport professeur-élève est rarement représenté demanière réaliste : il est presque toujours objet de satire ou d’idéalisation.L’intérêt du film de Laurent Cantet réside donc pour une large part dans sa volonté d’exposer cette relation dans sa complexité, en évitant les écueils de l’idéalisation et duportrait charge.Ce que le film nous donne finalement à voir, c’est que la relation professeur-élèves repose fondamentalement sur un défi : il s’agit pour l’enseignant de susciter l’adhésion de sa classe, de la conquérir, afin de passer d’une relation d’opposition à une relation de collaboration. Cette conquête impose une forme de lutte en début d’année : François Marin doit s’imposer face à ce groupe joyeux, animé et turbulent, en instaurant une discipline, en faisant accepter sa manière de travailler et en donnant du sens à son enseignement. Entre les murs montre à quel point cette conquête est fragile : il suffit d’un mot (« limité », ou « pétasse ») pour que l’équilibre se rompe et que le professeur passe aux yeux des élèves du rang d’allié à celui d’ennemi. Ces épisodes permettent de saisir ce qui fait la difficulté de la relation : habités par une susceptibilité exacerbée, les élèves soupçonnent toujours leur professeur de les mépriser et ce soupçon entraîne une lecture ambivalente de tous ses agissements : sa tendance à plaisanter (« Vous charriez trop ») peut être interprétée comme une volonté d’humilier ; ses demandes visant à faire travailler une élève sont ressenties comme une forme de persécution (« Vous vous excitez sur moi là ! »).Tout l’enjeu de l’année est donc pour le professeur de convaincre les élèves qu’en dépitde la disposition frontale de la classe, il est véritablement de leur côté. Et le cadrage systématique des scènes de classe en champ / contre-champ suggère toute la difficultéde cette entreprise dans la mesure où le professeur est toujours filmé seul, face aux élèves.

1) QUESTION : La relation des élèves avec leur professeur telle qu’elle est filmée dans Entre les murs relève-t-elle du débat ou du combat ? Vous vous appuierez sur des scènes précises et vous songerez à la manière dont sont filmés les échanges verbaux entre professeur et élèves.

Débat .....................................................................................................................................................................

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Combat .................................................................................................................................................................

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II. PROFESSEUR ET ELEVES : DEBAT OU COMBAT ?

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2) QUESTION : Analysez le comportement de François Marin avec ses élèves : a) Quelle image en donne le réalisateur dans son film ? b) Est-ce l’image que les élèves ont de lui, selon vous ? Dans les deux parties de votre réponse, vous vous appuierez sur des qualificatifs précis (patient, impatient, sévère, exigeant, laxiste, juste, injuste, impliqué, indifférent, ambitieux, résigné, confiant, inquiet, méprisant, respectueux, etc.) et vous justifierez précisément votre jugement en vous appuyant sur des épisodes précis du film.

Vu par les élèves ...........................................................................................................................................

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Vu par le réalisateur .......................................................................................................................................

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3) TRAVAIL D’ECRITURE : Ecriture d’invention (critique de film) :

De nombreux critiques ont parlé de la « justesse » du film. L’image donnée des professeurs et des élèves dans Entre les murs est-elle juste selon vous ? Rédigez une critique cinématographique du film dans laquelle vous exprimerez votre jugement sur cette question de la justesse. Votre texte, qui comportera un titre, sera précisément argumenté et illustré. Votre article visera à encourager ou à dissuader les lecteurs d’aller voir Entre les murs.

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Corpus : une éducation idéale ?

DOCUMENT 1 : STENDHAL, Le Rouge et le Noir (I, chapitre 6) (1830)

Julien Sorel, jeune homme d’origine modeste mais aux grandes qualités intellectuelles, vient d’être engagé par le maire de Verrières, M. de Rênal, pour être le précepteur de ses enfants. Il est présenté à eux pour la première fois et se livre à une démonstration d’érudition qui suscite leur admiration.

Enfin Julien parut. C’était un autre homme. C’eût été mal parler que de dire qu’il était grave ; c’était la gravité incarnée. Il fut présenté aux enfants, et leur parla d’un air qui étonna M. de Rênal lui-même. - Je suis ici, messieurs, leur dit-il en finissant son allocution, pour vous apprendre le latin. Vous savez ce que c’est que de réciter une leçon. Voici la sainte Bible, dit-il en leur montrant un petit volume in-32, relié en noir. C’est particulièrement l’histoire de Notre-Seigneur Jésus Christ, c’est la partie qu’on appelle le Nouveau Testament. Je vous ferai souvent réciter des leçons, faites-moi réciter la mienne. Adolphe, l’aîné des enfants, avait pris le livre. – Ouvrez-le au hasard, continua Julien, et dites-moi les trois premiers mots d’un alinéa. Je réciterai par cœur le livre sacré, règle de notre conduite à tous, jusqu’à ce que vous m’arrêtiez. Adolphe ouvrit le livre, lut deux mots, et Julien récita toute la page, avec la même

facilité que s’il eût parlé français. M. de Rênal regardait sa femme d’un air de triomphe. Les enfants voyant l’étonnement de leurs parents, ouvraient de grands yeux. Un domestique vint à la porte du salon, Julien continua de parler latin. Le domestique resta d’abord immobile, et disparut ensuite. Bientôt la femme de chambre de madame, et la cuisinière, arrivèrent près de la porte ; alors Adolphe avait déjà ouvert le livre en huit endroits, et Julien récitait toujours avec la même facilité.

DOCUMENT 2 : Daniel PENNAC, Comme un roman (1992), p. 99

Dans l’ouvrage qu’il consacre à la lecture, Daniel Pennac cite longuement le portrait qu’une ancienne étudiante fit de son professeur de littérature, l’écrivain Georges Perros, véritable passeur de passion pour le livre :

Il [Perros] arrivait le mardi matin, ébouriffé de vent et de froid sur sa moto bleue et rouillée. Voûté, dans un caban marine, la pipe à la bouche ou dans la main. Il vidait une sacoche de livres sur la table. Et c’était la vie. (…) Oui, c’était la vie : une demi-tonne de bouquins, des pipes, du tabac, un numéro de France-Soir ou de L’Equipe, des clefs, des carnets, des factures, une bougie de moto… De ce fatras, il tirait un

livre, il nous regardait, il partait d’un rire qui nous mettait en appétit, et il se mettait à lire. Il marchait en lisant, une main dans la poche, l’autre, celle qui tenait le livre, un peu tendue, comme si, le lisant, il nous l’offrait. Toutes ses lectures étaient des cadeaux. Il ne nous demandait rien en échange. Quand l’attention de l’un ou l’une d’entre nous fléchissait, il s’arrêtait de lire une seconde, regardait le rêveur et sifflotait. Ce n’était pas une remontrance, c’est un rappel joyeux à la conscience. Il ne nous perdait jamais de vue. Même au plus profond de sa lecture, il nous regardait par-dessus les lignes. Il avait une voix sonore et lumineuse, un peu feutrée, qui remplissait parfaitement le volume des classes, comme elle aurait comblé un amphi, un théâtre, le champ de Mars, sans que jamais un mot soit prononcé au-dessus d’un autre. Il prenait d’instinct les mesures de l’espace et de nos cervelles. Il était la caisse de résonance naturelle de tous les livres, l’incarnation du texte, le livre fait homme. Par sa voix nous découvrions soudain que tout cela avait été écrit pour nous.

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Corpus : une relation parodiée

DOCUMENT 3 : VOLTAIRE, Candide (1759)

Ce conte philosophique de Voltaire met en scène un jeune homme d’une grande naïveté, Candide, qui, chassé du château où il coulait des jours heureux, subit une série d’aventures malheureuses qui lui font découvrir l’état du monde et la cruauté des hommes. Ces expériences vont mettre à mal sa foi en la science philosophique de son maître, Pangloss, selon laquelle tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.

Pangloss enseignait la métaphysico- théologo cosmolonigologie. Il prouvait admira blement qu’il n’y a point d’effet sans cause, et que, dans ce meilleur des mondes possibles, le château de monseigneur le baron était le plus beau des châteaux et madame la meilleure des baronnes possibles. « Il est démontré, disait-il, que les choses ne peuvent être autrement : car, tout étant fait pour une fin, tout est nécessairement pour la meilleure fin. Remarquez bien que les nez ont été faits pour porter des lunettes, aussi avons-nous des lunettes. Les jambes sont visiblement instituées pour être chaussées, et nous avons des chausses1. Les pierres

1 Sortes de culottes et de bas combinés.

ont été formées pour être taillées, et pour en faire des châteaux, aussi monseigneur a un très beau château ; le plus grand baron de la province doit être le mieux logé ; et, les cochons étant faits pour être mangés, nous mangeons du porc toute l’année : par conséquent, ceux qui ont avancé que tout est bien ont dit une sottise ; il fallait dire que tout est au mieux.»Candide écoutait attentivement, et croyait innocemment ; car il trouvait Mlle Cunégonde extrêmement belle, quoiqu’il ne prît jamais la hardiesse de le lui dire. Il concluait qu’après le bonheur d’être né baron de Thunder-ten-tronck, le second degré de bonheur était d’être Mlle Cunégonde ; le troisième, de la voir tous les jours ; et le quatrième, d’entendre maître Pangloss, le plus grand philosophe de la province, et par conséquent de toute la terre. Un jour, Cunégonde, en se promenant auprès du château, dans le petit bois qu’on appelait parc, vit entre des broussailles le docteur Pangloss qui donnait une leçon de physique expérimentale à la femme de chambre de sa mère, petite brune très jolie et très docile. Comme Mlle Cunégonde avait beaucoup de disposition pour les sciences, elle observa, sans souffler, les expériences réitérées dont elle fut témoin ; elle vit clairement la raison suffisante du docteur, les effets et les causes, et s’en retourna toute agitée, toute pensive, toute remplie du désir d’être savante, songeant qu’elle pourrait bien être la raison suffisante du jeune Candide, qui pouvait aussi être la sienne.

DOCUMENT 4 : IONESCO, La Leçon (drame comique) (1951)

La pièce de Ionesco se livre à une satire de la relation professeur – élève, relation qui semble peu à peu gagnée par la folie dans la mesure où elle passe insensiblement d’une politesse excessive à une agressivité débridée jusqu’à s’achever par le meurtre de l’élève par le professeur.

Le Professeur : Alors : dites, cou, comme cou, teau, comme teau… Et regardez, regardez, fixez bien…L’élève : C’est du quoi, ça ? Du français, de l’italien, de l’espagnol ?Le Professeur : Ça n’a plus d’importance… Ça ne vous regarde pas. Dites : cou. L’élève : Cou.Le Professeur : …teau… Regardez. (Il brandit le couteau sous les yeux de l’Elève). L’élève : teau…Le Professeur : Encore… Regardez. L’élève : Ah, non ! Zut alors ! J’en ai assez ! Et puis j’ai mal aux dents, j’ai mal aux pieds, j’ai mal à la tête…Le Professeur : Couteau… Regardez… couteau… Regardez… couteau… Regardez…L’élève : Vous me faites mal aux oreilles, aussi. Vous avez une voix ! Oh, qu’elle est stridente !Le Professeur : Dites : couteau… cou… teau

L’élève : Non ! J’ai mal aux oreilles, j’ai mal partout…Le Professeur : Je vais te les arracher, moi, tes oreilles, comme ça elles ne te feront plus mal, ma mignonne !L’élève : Ah… c’est vous qui me faites mal…Le Professeur : Regardez, allons, vite, répétez : cou…L’élève : Ah, si vous y tenez… cou… couteau… (Un instant lucide, ironique). C’est du néo-espagnol…Le Professeur : Si l’on veut, oui, du néo-espagnol, mais dépêchez-vous… nous n’avons pas le temps… Et puis, qu’est-ce que c’est que cette question inutile ? Qu’est-ce que vous vous permettez ?L’élève (doit être de plus en plus fatiguée, pleurante, désespérée, à la fois extasiée et exaspérée) : Ah !Le Professeur : Répétez, regardez. (Il fait comme le coucou.) Couteau… couteau… couteau… couteau…

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Dossier pédagogique 19

Le lieu de la paroleEntre les murs présente la classe comme un espace dédié au langage, à tel point que la langue française semble en être le personnage principal, d’autant que le film se déroule dans un cours de français. De fait, le film est constitué presque exclusivement de dialogues et laisse peu de place aux moments de silence ou de musique - la musique est d’ailleurs quasiment absente de l’œuvre. Ce que l’on comprend en voyant fonctionner ce cours de français, c’est que la parole est le médium essentiel du savoir : chaque séance repose sur un jeu de questions - réponses entre le professeur et les élèves, et cet incessant dialogue est le véhicule de tous les apprentissages.

Un « marteau sans maître » ?La langue apparaît donc exemplairement dans le film comme le véhicule de la pensée et comme l’instrument de l’intelligence. Mais cet outil est également potentiellement inefficace ou dangereux dès lors qu’il est mal maîtrisé par les élèves. Cette maîtrise imparfaite est montrée très tôt dans le film, lorsque le professeur dresse au tableau la liste, singulièrement longue, des mots que les élèves ne comprennent pas dans le texte qu’ils doivent analyser ; certains relèvent d’un vocabulaire très courant (« désormais », « succulent », « Autrichien ») et laissent deviner la pauvreté du lexique dont ils disposent. Ces lacunes pourraient n’avoir qu’une importance toute relative, mais Entre les murs attire notre attention sur les multiples difficultés qu’elles occasionnent et révèle que c’est toute la communication entre le professeur et les élèves qui se trouve entravée. Le cours est en effet régulièrement scandé par des remarques métalinguistiques, mais les mots destinés à expliquer d’autres mots doivent eux-mêmes faire l’objet d’une explication.

Langage et pouvoirInlassablement, le professeur reprend ses élèves lorsqu’ils font un écart de langage et recourent à un niveau de langue familier, et leur demande de reformuler leur propos en « registre courant ». On comprend alors que le choix du niveau de langue est bien un enjeu de pouvoir dans l’espace de la classe : recourir à la langue de la rue, au verlan, ou à des expressions familières constitue une provocation de la part des élèves, qui sont parfaitement conscients des codes langagiers à respecter en classe. Ces temps de négociations autour de la langue à adopter en cours posent avec acuité la question de la norme. Ils nous rappellent que le français standard n’est qu’une des actualisations de la langue française parmi d’autres, qui s’est trouvée promue au rang de langue officielle. C’est toute la question de la hiérarchie entre les différentes formes du français qui se pose ici, et qui conduit à s’interroger sur les rapports entre langage et pouvoir.

1) Sur quels problèmes liés à l’usage de la langue le film met-il l’accent ? Pour chaque problème mentionné, vous mentionnerez une scène du film dans laquelle il se trouve illustré.

La langue comme source d’inégalités

La langue comme facteur d’exclusion

La langue comme instrument de domination

La langue comme source de violence

III. LA LANGUE FRANCAISE : INSTRUMENT D’EGALITE OU DE DISCRIMINATION ?

FrançaisaCtivités (Bts)

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2) QUESTION : Le film ne donne-t-il pour autant qu’une image négative de la langue ? En quoi peut-on dire qu’il illustre aussi la richesse du rapport des élèves à la langue française ?

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3) ECRITURE PERSONNELLE : La langue est-elle un instrument d’égalité ou de domination ? Vous vous appuierez, dans votre étude, sur le film de Laurent Cantet et sur le corpus de textes.

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4) VERS LA SYNTHESE DE DOCUMENTS : Comparez les textes de Pierre Bourdieu et d’Antoine Perraud sur la question du rapport entre langage et pouvoir. Quels sont leurs points communs ? Quelles sont leurs différences ?

5) VERS LA SYNTHESE DE DOCUMENTS : Comparez les textes d’Annie Ernaux, Antoine Perraud, et le film de Laurent Cantet sur la question du rapport entre langage et exclusion.

Français aCtivités (Bts)

Dossier pédagogique 21

Corpus : Un bon et un mauvais usage de la langue française : la question de la norme

DOCUMENT 1 : Annie ERNAUX, La Place (1983)

Dans La Place, Annie Ernaux raconte la vie de son père, ouvrier agricole en Normandie, puis modeste commerçant, mort au moment de l’écriture. Elle rapporte notamment le rapport que son père entretenait à l’égard du langage, très différent de son propre rapport à la langue, elle qui fut une bonne élève, puis une étudiante brillante en Lettres modernes, avant de devenir professeur de français et finalement écrivain.

Le patois avait été l’unique langue de mes grands-parents.

Il se trouve des gens pour apprécier le « pittoresque du patois » et du français populaire. Ainsi Proust relevait avec ravissement les incorrections et les mots anciens de Françoise. Seule l’esthétique lui importe parce que Françoise est sa bonne et non sa mère. Que lui-même n’a jamais senti ces tournures lui venir aux lèvres spontanément. Pour mon père, le patois était quelque chose de vieux et de laid, un signe d’infériorité. Il était fier d’avoir pu s’en débarrasser en partie, même si son français n’était pas bon, c’était du français. Aux kermesses d’Y…, des forts en bagout, costumés à la normande, faisaient des sketches en patois, le public riait. Le journal local avait une chronique normande pour amuser les lecteurs. Quand le médecin ou n’importe qui de haut placé glissait une expression

cauchoise dans la conversation comme « elle pète par la sente » au lieu de « elle va bien », mon père répétait la phrase du docteur à ma mère avec satisfaction, heureux de croire que ces gens-là, pourtant si chics, avaient encore quelque chose de commun avec nous, une petite infériorité. Il était persuadé que cela leur avait échappé. Car il lui a toujours paru impossible que l’on puisse parler « bien » naturellement. Toubib ou curé, il fallait se forcer, s’écouter, quitte chez soi à se laisser aller.

Bavard au café, en famille, devant les gens qui parlaient bien il se taisait, ou il s’arrêtait au milieu d’une phrase, disant « n’est-ce pas » ou simplement « pas » avec un geste de la main pour inviter la personne à comprendre et à poursuivre à sa place. Toujours parler avec précaution, peur indicible du mot de travers, d’aussi mauvais effet que de lâcher un pet.

Mais il détestait aussi les grandes phrases et les expressions nouvelles qui ne « voulaient rien dire ». Tout le monde à un moment disait : « Sûrement pas » à tout bout de champ, il ne comprenait pas qu’on dise deux mots se contredisant. A l’inverse de ma mère, soucieuse de faire évoluée, qui osait expérimenter, avec un rien d’incertitude, ce qu’elle venait d’entendre ou de lire, il se refusait à employer un vocabulaire qui n’était pas le sien.

Enfant, quand je m’efforçais de m’exprimer dans un langage châtié, j’avais l’impression

de me jeter dans le vide.Une de mes frayeurs imaginaires, avoir un père instituteur qui m’aurait obligée à bien parler sans arrêt, en détachant les mots. On parlait avec toute la bouche.

Puisque la maîtresse me « reprenait », plus tard j’ai voulu reprendre mon père, lui annoncer que « se parterrer » ou « quart moins d’onze heures » n’existaient pas. Il est entré dans une violente colère. Une autre fois : « Comment voulez-vous que je ne me fasse pas reprendre, si vous parlez mal tout le temps ! » Je pleurais. Il était malheureux. Tout ce qui touche au langage est dans mon souvenir motif de rancœur et de chicanes douloureuses, bien plus que l’argent.

Antoine PERRAUD : « Le français dans tous ses états », Télérama, 6 décembre 2000

La paralysie saisit beaucoup d’usagers de notre langue au moment de discourir : ils craignent si souvent de ne pas être à la hauteur et font alors silence, ou bien bafouillent, ou alors se lancent dans des circonvolutions, que ce soit face à un microphone qui se tend, ou dans une réunion d’entreprise, ou simplement au grand magasin, quand ils tombent sur un vendeur intimidant… De telles alarmes assaillent la majorité des locuteurs, jusqu’au sommet de l’échelle sociale.

Prenons le président de la République. Personne n’a noté la chose, pourtant de la

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22 Dossier pédagogique

plus haute importance ! Le 21 septembre dernier, réagissant sur France 3 aux accusations vidéo-posthumes de Jean-Claude Méry, naguère occulte financier du RPR, Jacques Chirac se met en pétard : « Il doit y avoir des limites à la calomnie. Hier, on faisait circuler une rumeur fantaisiste sur une grave maladie qui m’aurait atteinte ». Qui m’aurait atteinte ? Tiens, tiens… Qu’en pense l’excellent grammairien belge Marc Wilmet, auteur du Participe passé autrement : protocole d’accord, exercices et corrigés (…) ? L’expert reconnaît là d’emblée « un très joli exemple, très fécond pour la réflexion linguistique », « Il est évident que Jacques Chirac ne se féminise pas et qu’il aurait donc dû dire “une grave maladie qui m’aurait atteint”. Voilà tout simplement une conséquence de la formation scolaire. Le Président sait et sent qu’existe un accord du participe passé dont se dispense souvent la langue orale mais qu’impose la langue écrite. Et par conséquent, une sorte de surveillance le pousse à l’hypercorrectisme - dans ce cas c’est même une erreur ! - en marquant l’accord de crainte de faillir aux règles de la grammaire devant ses concitoyens. » (…)

Ouvrir la bouche inhibe donc : c’est se mettre à nu. En Angleterre, par exemple, votre accent vous marque. Il vous fait tendre une espèce de curriculum vitae à votre interlocuteur, qui saura immédiatement de quelle région vous venez, quelles écoles vous fréquentâtes, etc. Mrs Tatcher, l’ancienne Première ministre, était fille d’épicier. Elle maquillait cette tare à ses snobs yeux en prenant l’accent de la haute. Mais parfois, quand un travailliste l’agaçait plus que de raison à la Chambre de communes, Margaret se laissait aller à une intonation ou à un terme typique de sa basse extraction originelle. Alors, on se gaussait sec dans les colonnes du Guardian, temple de la gauche caviar britannique. En France, le personnel politique (…) ne se dévoile guère en l’ouvrant. La fameuse langue de bois tient à la fois de la volonté de s’exprimer dans la parlure du gros de l’électorat, tout en ne prenant pas le risque d’égratigner l’idiome2 national : caresser le français dans le sens du poil. Alain Rey (…) pointe « la confusion entre le français réel, pluriel, conflictuel, mobile et le fantasme d’un français fictif, unique, apaisé et stable. » Le lexicographe ajoute : « Quant à la maîtrise des ressources de la langue par les usagers francophones qui cause tant de soucis aux amoureux d’un bel usage totalement indéfinissable, c’est plus un problème culturel, pédagogique et social qu’une affaire de bonne santé de la langue. »

2 Ensemble des moyens d’expression d’une communau-té correspondant à un mode de pensée spécifique.

Le problème est aussi - lâchons le mot - politique. Cette langue fantasmée qui viendrait de si haut et de si loin nous fixe dans une sorte de servitude langagière, comme si nous étions des locuteurs manants3 et non pas encore des locuteurs citoyens, comme si, en notre République, nous maintenait une laisse d’Ancien Régime : le français relevé, auguste, sou-verain, qui serait l’apanage d’une certaine noblesse d’Etat. (…)

Ce pacte, scellé au XVIIe siècle entre la langue et le pouvoir a de surcroît honoré une imposture : un parler prétendument bien né, du plus haut lignage (le latin classique), alors qu’il tient de l’authentique brassage dominé par le latin vulgaire des prostituées, des marchands ou de la soldatesque. Le français n’est donc qu’une souillon qui s’est haussée du col ! Jusqu’à devenir cet instrument d’exclusion à l’encontre de ceux qui ne savent pas montrer patte blanche, qui disent « la table à mon frère » ou « aller au coiffeur ». (…)Marc Wilmet estime haut et fort que « n’importe quel idiome appartient aux individus qui s’en servent, non à une oligarchie d’autoproclamés arbitres des élégances qui les brime ». Pour lui, « le jour où le français se repliera définitivement sur des structures figées, renoncera aux innovations lexicales, morphologiques, syntaxiques, il ne sera plus qu’une langue morte. »

3 Homme grossier et sans éducation

Bernard Cerquiglini enfonce le clou et flétrit les puristes, leur discours « de la perte d’un prétendu âge d’or », leur attitude « xénophobe » hostile aux apports extérieurs dont se nourrit la langue : « Soyons clairs, on commence par brûler des mots, on finit par brûler des hommes ». Marc Wilmet se souvient pour sa part d’ouvrages à succès publiés dans son pays, il y a une vingtaine d’années, intitulés Chasse aux belgicismes : « Or, qui dit chasser dit volonté de tuer. Nous, les linguistes, nous ne sommes pas des chasseurs et par conséquent nous ne voulons pas tuer les mots. »

Mais alors qu’est-ce qu’un linguiste ? Un savant qui regarde passer les mots comme une vache regarde passer les trains ? Alain Rey, qui s’évertue à instiller dans le grand public les travaux de Saussure et tutti quanti, ne s’offusque pas de la comparaison : « Un linguiste est piégé à partir du moment où vous l’obligez à porter un jugement de valeur. Ou bien il s’arroge le droit de définir le bon usage et se met alors au service du pouvoir dominant du moment, ou bien il estime que tous les langages se valent, que le micro-parler de Vaulx-en-Velin vaut bien le micro-parler des normaliens (à ce moment-là, il n’y a plus qu’à fermer toutes les classes de toutes les écoles !) et le voilà irresponsable ou paternaliste, du haut de sa vision englobante et protectrice des choses ! Nous sommes là au cœur d’une contradiction féroce. »

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Dossier pédagogique 23

Adoncques, comment s’y prendre ? Le français, sans être corseté par quelques furieux de la pureté dangereuse, ne doit-il pas continuer d’être normalisé, donc enseignable, donc transmissible ? Comment faire sauter les cadenas de la langue sans faire sauter la langue elle-même ?

En la modernisant sans crainte, selon Bernard Cerquiglini, qui s’était essayé, en 1990, à simplifier l’orthographe, proposant par exemple d’écrire événement comme le mot se prononce, avec un accent grave : évènement.

Ce linguiste soutient mordicus les efforts de féminisation des noms de fonctions et trouve normal qu’on puisse parler de madame la ministre, d’une ambassadrice, d’une écrivaine voire d’une pompière :

« Si ces réformes n’avaient pas cours, si la langue restait figée, des revendications très fortes se feraient jour de la part de ceux et celles qui se sentiraient exclus. Nous nous retrouverions alors avec des parlers identitaires : langue des femmes, des Beurs, des homosexuels, etc., bref une « communautarisation » de la langue. L’abbé Grégoire disait qu’il faut se comprendre pour pouvoir comprendre les lois et critiquer le gouvernement. Eh bien ! ayons, en francophonie, une langue commune, souple, qui progresse, qui permette à la fois de débattre et de nous réunir.

Pierre BOURDIEU : Ce que parler veut dire, Fayard (1982) :

Pierre Bourdieu analyse ici les raisons de l’unification linguistique qui eut lieu pendant la Révolution.

Les membres de ces bourgeoisies locales de curés, médecins ou professeurs qui doivent leur position à leur maîtrise des instruments d’expression, ont tout à gagner à la politique d’unification linguistique de la Révolution : la promotion de la langue officielle au statut de langue nationale leur donne le monopole de fait de la politique et, plus généralement, de la communication avec le pouvoir central et ses représentants qui définira, sous toutes les républiques, les notables locaux.

L’imposition de la langue légitime contre les idiomes et les patois fait partie des stratégies politiques destinées à assurer l’éternisation des acquis de la Révolution (…) : réformer la langue, la purger des usages liés à l’ancienne société et l’imposer ainsi purifiée, c’est imposer une pensée elle-même épurée et purifiée.

Il serait naïf d’imputer la politique d’unification linguistique aux seuls besoins techniques de la communication entre les différentes parties du territoire et, notamment, entre Paris et la province, ou d’y voir le produit direct d’un centralisme étatique décidé à écraser les « particularismes locaux ». Le conflit entre le français de l’intelligentsia révolutionnaire et les idiomes ou les patois

est un conflit pour le pouvoir symbolique qui a pour enjeu la formation et la ré-formation des structures mentales. Bref, il ne s’agit pas seulement de communiquer mais de faire reconnaître un nouveau discours d’autorité, avec son nouveau vocabulaire politique, ses termes d’adresse et de référence, ses métaphores, ses euphémismes et la représentation du monde social qu’il véhicule et qui, parce qu’elle est liée aux intérêts nouveaux de groupes nouveaux, est indicible dans les parlers locaux façonnés par des usages liés aux intérêts spécifiques des groupes de paysans.

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Cadre pédagogique

Il ne s’agit pas ici de présenter Entre les murs comme une référence en matière d’enseignement – ce dont le film de Laurent Cantet n’a pas du tout l’ambition.

Mais l’attitude de François Marin, qui laisse les élèves s’exprimer quitte à ce que leur parole dérive, permet de déployer, de rendre visibles les différentes attitudes, pensées, conflits inhérents à tout enseignement.

La classe d’Entre les murs devient une caisse de résonance des paradoxes et difficultés de l’éducation et, de manière générale, de la vie en commun. Comme ce film donne à voir une classe et un professeur au quotidien, il peut être l’occasion pour des élèves et leur professeur de s’interroger sur l’exercice de la citoyenneté au sein d’un établissement scolaire. En ce sens, son étude soulève des questions propres à l’éducation civique.

Nous vous proposons ainsi de travailler sur Entre les murs avec les élèves de Sixième et de Seconde afin d’aborder les thèmes suivants :

En Sixième : « Le collège, un lieu pour apprendre, une communauté éducative »

Thème 1, la vie au collègeThème 2, l’éducation, un droit pour tousA ces thèmes s’ajoutent des incursions dans « Les droits et les devoirs de la personne » avec la question des droits et des obligations des élèves, et l’élève et la citoyenneté.

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En Seconde : divers thèmes et notions du programme sont étudiables à travers le film :Thèmes sollicités :

• Citoyenneté et intégration : comment les élèves, par leur respect des normes communes, leurs échanges avec les autres, leur participation à la vie de l’établissement, leurs parcours singuliers, sont inclus ou exclus de la communauté éducative et de la société ;

• Citoyenneté et civilité : comment le respect des règles de la vie commune dans l’établissement devient un préalable pour l’exercice de la citoyenneté ;

Notions mobilisées : Civilité, Intégration, Droits

Enfin, il est intéressant d’utiliser le film dans le cadre d’une heure de vie de classe :

• afin d’évoquer les problèmes que peut rencontrer une classe dans sa mise au travail ou son fonctionnement

• pour les élèves de Seconde cela peut être l’occasion de montrer le sens des pratiques pédagogiques et des règles suivies dans un établissement scolaire pour donner davantage de sens à leur présence au lycée.

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Par l’attention qui y est portée à l’ensemble de la communauté éducative tout au long d’une année scolaire, Entre les murs montre les différentes composantes de la vie au collège et, de manière générale, dans tout établissement scolaire.

A - Les acteurs de l’établissement scolaire

1) Relevez dans le film les différents acteurs de la vie du collège et déduisez leur rôle à partir des scènes du film.

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2) Exercice de synthèse : construisez un organigramme dans lequel vous placerez les fonctions des différents acteurs du lycée, leur équipe d’appartenance (éducative ; administrative ; autre) et leurs relations.

I LE FONCTIONNEMENT DE L’ETABLISSEMENT

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Dossier pédagogique 27

B - Les instances de l’établissement scolaire

1) Les acteurs du collège se réunissent au sein de différents conseils, destinés à faire fonctionner l’établissement et à faire réussir au mieux les élèves. Relevez dans le film les noms de ces conseils, leurs acteurs ainsi que leur rôle. Vous pouvez compléter par vos propres connaissances.

InstanceActeurs

(d’après le film et vos connaissances)

Rôle (d’après le film

et vos connaissances)

Conseil d’administration

Conseil de classe

Conseil de discipline

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C - La justice dans la société scolaire

1) En quoi peut-on dire que la question de la justice est centrale dans le film ? Relevez les scènes d’Entre les murs dans lesquelles se pose la question de la justice au collège (du point de vue des élèves puis des professeurs).

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2) Enumérez les différents manquements des élèves lors du travail en classe dans le film, le point de votre règlement intérieur qu’ils remettent en cause, les conséquences de ces manquements et le type de pénalité que l’on pourrait alors appliquer (punition ou sanction), en justifiant bien ce dernier point.

Nature Principe du règlement intérieur touché Conséquences Pénalité possible

Port de la casquette ou de la capuche

Lever le doigt pour demander la parole

Elève qui se lève en classe sans demander l’autorisation

Khoumba refuse de lire un texte

Souleymane n’a pas ses affaires

Nombreuses insultes

Souleymane tutoie son professeur

Souleymane se bagarre en classe et blesse une élève

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3) A partir du DOCUMENT 1 et du vocabulaire présenté avec ce document, expliquez pourquoi le règlement intérieur prend une telle importance aujourd’hui dans le fonctionnement des établissements scolaires

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4) Relevez les étapes du déroulement du conseil de discipline de Souleymane. A partir du DOCUMENT 2, dites quels principes du droit commun se retrouvent dans ce déroulement.

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5) Le règlement intérieur est donc un ensemble de dispositions qui organisent la vie quotidienne d’un établissement. Il ne signifie pas pour autant une égalité entre tous les acteurs de la communauté éducative, d’où des conflits sensibles au cours du film. Comparez les destinataires du règlement intérieur et les scènes du film dans lesquelles sont confrontés élèves et adultes ; dans quelle mesure les membres de la communauté éducative sont-ils placés sur un pied d’égalité ?

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6) Dans cette première partie, nous avons relevé un certain nombre de valeurs qui guident la vie des établissements : démocratie, égalité, justice, droit.Cependant ces valeurs ne sont pas toujours respectées ou appliquées par les adultes mêmes. Dans les cas suivants, relevez dans le film ce qui contredit les valeurs en question :1. Le rôle des élèves et des parents d’élèves dans la prise de décision2 Le respect de la gradation des sanctions, i.e. des étapes avant le conseil de discipline 3. L’application du règlement intérieur :

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Propositions de débats pour la première partie

Le lycée est-il un lieu démocratique ? / La communauté scolaire, une démocratie en miniature ?Justifiez vos différentes propositions de punition ou de sanction en fonction des entorses au règlement intérieur relevées dans le film.La classe d’Entre les murs : lieu de civilité ou d’incivilité ?

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II COMMENT VIVRE ENSEMBLE ?

Le film est construit selon une double unité de temps et de lieu. Il est rythmé par le calendrier d’une année scolaire qui s’égrène : à la prérentrée des professeurs succède la rentrée des élèves, puis s’ensuivent les conseils de classe… et la fin de l’année pour tous. En outre, tout se déroule au sein du collège, suivant le quotidien des professeurs et de leurs élèves. Ainsi, Entre les murs est essentiellement basé sur les acteurs ; il est donc nécessaire de s’intéresser à leur place au sein de cette institution, à la façon dont ceux-ci sont confrontés à l’institution et d’envisager quelles relations ces différents acteurs entretiennent entre eux. Comment les principes étudiés dans la première partie fonctionnent-ils au quotidien au sein de l’établissement ?

A - Enseignement, éducation, instruction : les professeurs et l’école

Le film nous invite à entrer dans une classe et à observer la relation qu’entretient l’enseignant avec ses élèves. Si cet exemple ne se veut pas un modèle, il peut être l’occasion pour les élèves de réfléchir à ce qu’est l’acte d’enseigner et quelle logique sous-tend les différentes pratiques des professeurs.

Savoirs, savoir-faire et comportement

1) En observant ce qui se passe tout au long de l’année scolaire au sein du cours de français de M. Marin, montrez comment les élèves sont mis en situation d’apprentissage. Vous pourrez penser aux différentes étapes du projet sur l’autoportrait.

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2) De même, un professeur ne transmet pas la même chose aujourd’hui qu’il y a cinquante ans : son rôle ne consiste plus seulement à diffuser un savoir. Vous remplirez le tableau pour montrer quelle est la part des savoirs, des savoir-faire et de l’apprentissage de la vie collective dans le film.

Savoirs

Savoir-faire

Apprentissage de la vie collective

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3) Relevez des moments dans le film où l’on voit que l’élève n’est pas seulement évalué sur ses résultats scolaires.

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4) Toutes ces évolutions de contenu ont modifié la position du professeur vis-à-vis de son travail. En utilisant le DOCUMENT 2, montrez quel type de professeur est François Marin selon les critères d’Hervé Hamon, et quelle qualité particulière il tente de développer chez ses élèves.

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5) Cette façon d’enseigner est propre à François Marin. Conformément à la relative liberté pédagogique donnée aux enseignants, les professeurs mis en scène dans Entre les murs choisissent d’exercer leur métier de manière diverse. Comparez la façon d’exercer le métier du professeur de français et de certains autres professeurs en remplissant le tableau suivant.

Professeur s’opposant à

F. Marin

Professeur de français, F. Marin

A propos du travail en commun : le professeur d’histoire-géographie, Frédéric

Durant le conseil de classe à propos des félicitations.

A propos de Souleymane (durant un conseil de classe et à propos du conseil de discipline)

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6) Tout choix d’enseignement recèle un certain nombre d’inconvénients. Relevez les problèmes que pose la pratique de François Marin et celle, en bien des points opposée, du professeur d’histoire-géographie, Frédéric.

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L’autorité : exercice, limites

7) Une des fonctions des enseignants consiste à faire respecter la discipline. Où leur autorité s’exerce-t-elle ? Comment M. Marin exerce-t-il son autorité ?

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8) Quand cette autorité est-elle remise en cause ? Relevez les moments où les élèves refusent l’autorité du professeur.

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9) De façon générale, la remise en cause de cette autorité par les élèves pose problème à l’ensemble de la communauté scolaire. Comment les acteurs (professeurs et élèves) jugent-ils cette remise en cause et quels dispositifs proposent-ils ? Vous vous servirez du film et du texte de Mara Goyet (DOCUMENT 3).

Jugement porté sur le manque de discipline

Dispositifs proposés

Elèves

Professeurs

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10) Que pensez-vous des différentes solutions proposées par les élèves et les professeurs pour rétablir la discipline ? Existe-t-il un dispositif particulier dans votre établissement ?

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B - Intégration/exclusion : les élèves et l’école

L’institution scolaire se donne pour but la réussite de tous les élèves. En réalité, un certain nombre d’adolescents connaissent des situations d’exclusion au cours de leur scolarité. Il est donc nécessaire de s’interroger sur le rôle de l’école face à l’intégration et l’exclusion – ce qui peut amener à débattre, lors d’une heure de vie de classe, de la place de chacun au lycée, des difficultés rencontrées dans la scolarité, de l’intérêt de l’apprentissage.

1) Dans quelle mesure le collège est-il un lieu d’exclusion ou d’intégration ? Remplissez le tableau suivant en fonction des trois thèmes suggérés :

Lieu d’exclusion Lieu d’intégration

En matière de langage

Essayez d’opposer la vision du texte d’Azouz Begag (document 4) à celle donnée dans le film

En matière de savoirs

A travers le conseil de discipline

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34 Dossier pédagogique

Les élèves et l’échec scolaire

1) Manifestation la plus flagrante d’une situation d’exclusion, le renvoi d’un élève est souvent lié à un échec scolaire. En prenant l’exemple de Souleymane, montrez que son attitude est peu favorable à sa réussite scolaire. Vous énumérerez les différents aspects de son comportement pour montrer comment le collège en vient à l’exclure.

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2) Quels éléments donnés dans le film peuvent constituer des éléments d’explication de cette situation ?

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3) Le film, d’après le synopsis, se déroule dans un « établissement difficile » : il a été tourné au collège Françoise Dolto à Paris dans le 20e arrondissement. Quels éléments du film montrent que c’est un « collège difficile » ? Utilisez la perception qu’en ont les différents acteurs.

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4) D’après le DOCUMENT 5, quelle mesure peut expliquer l’hétérogénéité du niveau des élèves en 4e ? Quel passage du film montre que la réorientation des élèves s’effectue peu après cette classe et, souvent, en fonction de leur niveau ?

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Dossier pédagogique 35

Les élèves et la société

6) Pour chacun des élèves suivants, à travers l’exercice des autoportraits mais aussi diverses scènes du film, relevez de quelle origine ceux-ci se réclament ; à quelles difficultés d’intégration cette origine les renvoie-t-elle ?

Origine des élèves Difficulté d’intégration

Wey

Rabah

Esméralda

Carl

7) Le professeur se moque de ses élèves qui ne semblent connaître que leur quartier. Dans quelle mesure peut-on dire qu’ils vivent dans une forme de ghetto ? Vous pourrez vous servir du DOCUMENT 4 pour compléter votre réponse.

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Propositions de débats pour la seconde partie L’Ecole, lieu d’intégration ou d’exclusion ?Faut-il remettre en cause le collège unique ? Comment aider les élèves en difficulté ?Le lycée doit-il instruire ou éduquer ?

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36 Dossier pédagogique

Première partie

DOCUMENT 1 Le règlement intérieur dans les EPLE : préambule du Bulletin Officiel, 13 juillet 2000

La loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989 modifiée a accordé un rôle important à la communauté éducative. Pour donner vie à cette communauté éducative et lui apporter les moyens de sa mission, il est nécessaire d’en définir clairement les règles de fonctionnement ainsi que les droits et les obligations de chacun de ses membres : tel est l’objet du règlement intérieur.

Celui-ci ne peut en aucune façon se réduire, comme c’est parfois le cas, à un énoncé de dispositions relatives aux obligations des seuls élèves et au régime des punitions et des sanctions les concernant.

En effet, comme le précise le rapport de présentation du décret du 18 février 1991 relatif aux droits et obligations des élèves, le règlement intérieur indique les modalités de respect de leurs obligations, mais également les modalités d’exercice de leurs droits, dans le cadre scolaire.

Elaboré et réactualisé en concertation avec tous les acteurs de la communauté éducative et dans son application même, il place l’élève, en le rendant responsable, en situation d’apprentissage de la vie en société, de la citoyenneté et de la démocratie.

Texte à dimension éducative, le règlement intérieur doit se conformer aux textes juridiques supérieurs tels que les textes internationaux ratifiés par la France, les dispositions constitutionnelles, législatives et réglementaires en vigueur, qu’il doit respecter.

Il est lui-même l’expression notable, mais non la seule, du pouvoir de réglementation dont dispose l’établissement public local d’enseignement.

Dans le cadre de l’autonomie conférée par le décret du 30 août 1985 à l’EPLE, en matière pédagogique et éducative, le conseil d’administration adopte les dispositions d’ordre général et permanent qui permettent à tous les membres de la communauté éducative de connaître les bases qui régissent la vie quotidienne dans l’établissement, ainsi que les décisions individuelles que le chef d’établissement peut prendre en application de ces règles.

[…] La réglementation des droits et des obligations des élèves peut donc faire l’objet de recours devant les tribunaux administratifs.

Cette dimension juridique et normative du règlement intérieur implique que chaque adulte doit pouvoir s’appuyer sur lui pour légitimer son autorité, en privilégiant la responsabilité et l’engagement de chacun.

[…] Pour le ministre de l’éducation nationale et par délégation, Le directeur de l’enseignement scolaire Jean-Paul de GAUDEMARLe directeur des affaires juridiques Jacques-Henri STHAL

Vocabulaire

EPLE : établissements publics locaux d’enseignement, créés par la loi du 22 juillet 1983. Cette nouvelle catégorie d’établissement public, qui comprend les collèges, les lycées et les établissements d’éducation spéciale a été créée dans le cadre des lois portant sur la décentralisation. Ces établissements constituent désormais des personnes morales de droit public et disposent donc d’une pleine capacité juridique. En outre, depuis le décret du 30 août 1985, les conseils d’administration des EPLE ont une autonomie pédagogique et administrative - qui doit cependant s’exercer dans le respect des règles fixées par l’Etat à l’enseignement public. Ils ont donc une réelle autonomie d’action.

DOCUMENT 2 Le point sur le Droit dans les établissements scolaires

Jusqu’à très récemment, la société scolaire fonctionnait sur la base d’un infra-droit, fondé sur des coutumes et des règles internes qui faisaient consensus. Elle était donc soumise à ses propres règles, dans la lignée des Universités médiévales nées de chartes qui les soustrayaient au droit commun. Mais depuis une trentaine d’années, le droit a pénétré à l’Ecole. Cette évolution a été sanctionnée par la publication du Code de l’éducation en 2000, qui regroupe les très nombreuses réglementations pédagogiques. Désormais, le modèle du droit pénal prévaut aussi pour l’institution scolaire, dans laquelle sont importés les grands principes du droit commun dans la gestion des sanctions :

1. le principe de légalité : aucun acte ne peut être sanctionné qui n’ait été au préalable visé par un article du règlement intérieur.

2. le principe de proportionnalité : obligation est faite de graduer la réponse disciplinaire proportionnellement à la gravité de l’acte.

Ces deux principes ont vocation à assurer la sécurité juridique et l’égalité des personnes soumises à la loi (ici, au règlement intérieur).

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Dossier pédagogique 37

3. le principe modérateur (pour éviter de négliger l’équité au nom de l’égalité), autrement nommé l’individualisation : deux actes identiques commis par deux personnes aux parcours et aux situations très différents ne doivent pas être sanctionnés de la même manière.

4. le principe contradictoire : l’élève doit être entendu, doit pouvoir exposer sa défense et y être aidé par une personne de son choix.

En revanche, les punitions restent encore en dehors de la sphère juridique.

D’après Bernard Toulemonde (dir.), Le système éducatif en France, La documentation française, 2003

Deuxième partie

DOCUMENT 1 L’heure de vie de classe

La vie au collège [et au lycée] ne se résume pas à l’acquisition par les élèves de savoirs et de savoir-faire : la question de la vie scolaire est essentielle. Mais au cœur même de la classe, des questions de tous ordres – pédagogiques, éducatives… – se posent, des tensions voient le jour. La nécessité s’est faite sentir de réserver un temps de dialogue, hors enseignement, entre l’équipe éducative et singulièrement le professeur principal et le groupe-classe. Les heures de vie de classe, inscrites à la même heure dans l’emploi du temps des élèves et dans celui de leur professeur principal, ont été créées à cet effet. Elles leur permettent de se retrouver régulièrement pour faire le point sur les questions et les problèmes qui apparaissent tout au long de l’année. […] Les sujets abordés sont l’orientation, la préparation des conseils de classe, les conflits au sein de la classe, les sujets de société […]. C’est surtout un moment d’échanges d’informations sur un mode plus communicatif et moins informel.

D’après Bernard Toulemonde (dir), Le système éducatif en France, La documentation française, 2003.

DOCUMENT 2 De l’espace de négociation entre le professeur et ses élèves

Il existe pourtant, bel et bien, une ligne de démarcation entre « pro » et « anti »-pédagogie. Cette ligne […] sépare ceux qui approuvent et ceux qui récusent la démocratisation de l’école avec son cortège de tracas. Les pédagogues acceptent de faire front, acceptent de considérer qu’il leur incombe de prendre en charge l’hétérogénéité d’un public par définition plus composite. Ils acceptent l’idée que, pour transmettre le savoir, il convient d’épouser, suivant le destinataire, des parcours différents, des rythmes différents, des procédures différentes, des sanctions différentes. […]

Ce qu’ils refusent d’entendre, les « anti », c’est qu’il puisse exister, entre le professeur et l’élève, une part, une zone de négociation. Non pas sur le savoir lui-même qui n’est pas négociable, mais sur ses canaux d’accès. Et que cet espace de négociation est aussi l’espace de l’éducation, de l’apprentissage de la vie collective, du respect, de ce qui fonde l’autorité, de ce qui légitime le pouvoir.

Ils me font penser, les « anti », au succès tonitruant du film de Peter Weir Le Cercle des poètes disparus, film « culte » mettant en scène un professeur charismatique, joué par Robin Williams, qui fascine ses élèves, monte sur les tables, conduit ses cours comme on joue Shakespeare, entraîne

l’auditoire dans un tourbillon qui, d’abord, paraît fantaisiste et libre, puis se donne pour ce qu’il est : non point l’éveil de l’esprit critique mais une longue et impitoyable séance de dressage […]. Le maître obtient du disciple un regard non seulement fixe mais hypnotisé, une soumission ivre d’elle-même, une renonciation à faire appel de quoi que ce soit. Le Cercle des poètes disparus me paraît le film anti-pédagogique par excellence. Parce qu’il vante l’absolue dépossession de l’élève. Parce que, entre le disciple et son mentor, la distance est tantôt infinie, abyssale, tantôt nulle, l’élève se noyant dans un flot d’admiration passionnelle où il se dissout.

Hervé Hamon, Tant qu’il y aura des élèves, Seuil, 2004.

DOCUMENT 3 L’autorité des professeurs mise à mal

Je me rends à une réunion sur la rédaction du règlement intérieur du collège, à laquelle profs et élèves sont présents […]. Les élèves qui assistent à cette réunion nous disent : « Vos heures de colle, on s’en fout, il faudrait des sanctions qui fassent peur. » Ils en proposent : colles le mercredi après-midi et le samedi, balayer la cour, nettoyer les tables. Ils ne sont pas très « sanction positive », pas très BO. Selon eux, une sanction est avant tout infligée pour « emmerder ». Ils nous demandent ensuite : « Vous n’en avez pas marre d’être humiliés comme ça ? Il faut vous défendre et nous défendre, c’est n’importe

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quoi ici et personne ne fait rien. » Le pire est que certains sont tristes pour nous.

Nous continuons à travailler sur le règlement intérieur. De toute façon ils nous déclarent ne jamais le lire et ne rien y comprendre. […]

Nous n’incarnons plus grand-chose aujourd'hui aux yeux de nos élèves, à part le looser intello qui a fait plein d’études pour se retrouver là (je suis toujours estomaquée quand l’un d’entre eux me dit qu’il veut devenir prof). Celui qui n’est pas sévère ni combatif ne dispose plus de l’arsenal symbolique qui limitait les dégâts : on lui dit de fermer sa gueule, on le traite de connard, on lui lance des objets. Tout repose en majeure partie sur le charisme et la personnalité des adultes du collège. Ce qui est assez problématique et nous conduit dans d’angoissantes impasses. Comment en effet recréer du symbolique ? Comment s’y prend-on concrètement et pacifiquement ? Jack Lang parle de la « belle notion d’autorité », signe qu’elle est morte, qu’elle est devenue une antiquité. Parle-t-on de la « belle notion de ponctualité » ? De plus, comment restaure-t-on l’autorité, comment redonne-t-on une dimension prestigieuse à une fonction ? Comment parvenir à montrer autre chose que soi et que ce qui est quand tout est mis à nu ?

Mara Goyet, Collèges de France, Fayard, 2003, p. 45 et p. 111.

DOCUMENT 4 Le langage, un moyen d’intégration sociale

La « langue des banlieues » est sans doute à mettre en résonance avec la société du Quick Burger dans laquelle elle est apparue. Elle témoigne d’un appauvrissement de la maîtrise des codes de la communication en milieu urbain et dans les catégories sociales les plus défavorisées et de l’effacement de l’individu, de sa personnalité, au profit d’une soumission de facilité aux standards défensifs d’un groupe minoritaire.

Bien entendu, les conséquences sont préjudiciables à l’émancipation de l’individu, autant vis-à-vis de sa communauté que de son territoire.

En effet, à la première occasion qui s’offrira au jeune d’ « aller en ville », de quitter sa réserve, son groupe familier, pour aller se présenter à une embauche par exemple, seul, face à un employeur qui va le juger par rapport à des signes extérieurs – les gestes, la tenue vestimentaire, la coupe de cheveux, l’état de la dentition, des ongles, la maîtrise de la langue -, les risques d’échec sont majeurs. L’accent et les mots de zonard pourront constituer un élément disqualifiant pour le candidat. Ils signeront définitivement son adresse (déjà stigmatisée).

A l’inverse, le jeune qui montrera ses capacités à acquérir les codes standards

de la société, celui qui sera capable de ne pas laisser paraître, grâce à une bonne maîtrise du français, son origine (les marques de sa spécificité culturelle) aura plus de chance d’être intégré qu’un autre.

Un usage déformé du français parlé visibilise l’individu à ses dépens.

Azouz Begag, « Trafic de mots en banlieue : du “nique ta mère” au “plaît-il” », Migrants-formation n° 108, mars 1997.

DOCUMENT 5 Le point sur le collège unique :

La réforme Haby de 1975 est celle qui crée le fameux « collège unique ».

Cette réforme constitue l’aboutissement du processus d’unification et de démocratisation en instaurant le collège unique. Par la publication de la loi n° 75-620, René Haby unifie les structures administratives du premier cycle en supprimant la distinction entre CES [Collège d’enseignement secondaire] et CEG [Collège d’enseignement général], qui deviennent tous des collèges. Il unifie aussi les structures pédagogiques en mettant fin à l’organisation de la scolarité en filières, les sections devenant « indifférenciées ». La répartition des élèves dans les classes s’effectue sans distinction, l’hétérogénéité des classes est établie, des actions de soutien et des activités d’approfondissement sont

organisées, le diplôme national du Brevet des collèges sanctionne la formation acquise (il remplace le Brevet d’études du premier cycle du second degré - BEPC - créé en 1947). Le brevet est obtenu soit à la suite d’un examen, soit au vu des seuls résultats scolaires du candidat.

L’idée de la réforme est d’orienter les élèves en fonction de leurs aptitudes en fin de 3ème vers l’enseignement général, technique ou professionnel. Cependant il subsiste, en fin de 5ème, une orientation notamment vers des classes de préparation au CAP (certificat d’aptitude professionnelle) permettant au système éducatif de trouver une place aux élèves qui réussissaient mal et que l’école refusait. La réforme n’est mise en application qu’à la rentrée scolaire de septembre 1977.

Source :www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/college-unique/reformes.shtml

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Dossier pédagogique 39

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Si Entre les murs permet d’aborder les différentes notions du premier thème de l’année (« Le collège, un lieu pour apprendre, une communauté éducative »), sa longueur (2 heures 08) peut être un obstacle pour certains élèves de sixième. Par ailleurs, il est préférable de travailler sur le film après avoir traité le chapitre.La deuxième partie de ce dossier (Comment vivre ensemble ?) peut faire l’objet d’un débat en heure de vie de classe.Les mots en gras sont définis dans le lexique.

I LE FONCTIONNEMENT DE L’ETABLISSEMENT

Par l’attention qui y est portée à l’ensemble de la communauté éducative tout au long d’une année scolaire, Entre les murs montre les différentes composantes de la vie au collège.

A - Les acteurs de l’établissement scolaireDe nombreuses personnes font vivre un collège. Entre les murs en présente un certain nombre et nous permet de voir ce qu’est une communauté scolaire et comment elle fonctionne.

1) Complétez le tableau suivant en vous référant à une scène du film où cet acteur joue un rôle important

Acteur du collège Exemple de son rôle dans le film

Le principal

Julie la CPE

François Marin le professeur principal de la 4e3

Le gestionnaire Monsieur Pierre

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2) A quoi servent les délégués des élèves ?

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Texte de référence : le rôle du délégué

Le délégué de classe joue un rôle important dans la vie de l’école. Il est le porte-parole élu par les élèves de sa classe, il est membre du conseil de classe, il doit donc rapporter les débats qui ont eu lieu au conseil et donner les informations individuelles à chaque élève. […] Il représente l’ensemble de la classe auprès des professeurs, du conseiller principal d’éducation, etc. Il doit être à l’écoute des élèves et être leur porte-parole. […]D’après le site du ministère de l’Education nationale, www.droitsdesjeunes.gouv.fr

3) D’après les situations suivantes du film, déduisez le rôle d’Esméralda et Louise, les délégués de la 4e3 en répondant aux questions dans le tableau :

Durant le conseil de classe, Esméralda intervient pour défendre Souleymane ; elle observe que sa moyenne est passée de 6,75 à 7,25.

Quel rôle peut jouer un délégué durant un conseil de classe ?

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Esméralda et Louise participent au conseil de classe. Après le conseil leur professeur de français leur rappelle : «Votre boulot de déléguées c’est quoi ? C’est d’essayer de représenter les élèves de sorte que la classe se passe le mieux possible, ou de foutre le bordel entre moi et les élèves ? ».

D’après ce que vous avez étudié en classe, pourquoi le professeur peut-il leur dire qu’elles doivent tenter de « représenter » les élèves de leur classe ? Souligne dans le texte ci-contre une idée équivalente.

Lors du même cours, Louise et Esméralda ont donné leur moyenne à certains élèves et expliquent : Louise « Mais nous, on fait juste notre rôle, rien de plus ! » puis Esméralda « Grave ! On dit ce qui s’est passé au conseil de classe ! ».

Après le conseil de classe quel rôle doivent jouer les délégués ? Souligne dans le texte ci-contre une idée qui illustre ta réponse.

4) Les délégués peuvent participer à d’autres instances que le conseil de classe. Même si cela n’apparaît pas dans le film, cite d’après tes connaissances ces instances.

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B - Les instances de l’établissement scolaire

Les acteurs du collège se réunissent au sein de différents conseils, destinés à faire fonctionner l’établissement et à faire réussir au mieux les élèves.

Le conseil d’administrationIl réunit plusieurs fois dans l’année des personnes qui prennent des décisions concernant la vie de l’établissement. Il fixe notamment le projet d’établissement (ensemble des objectifs que se fixe l’équipe éducative pour offrir aux élèves de meilleures conditions de travail) ; il vote également le budget.

1) Dans les extraits du film, quels sont les deux sujets abordés lors de ce conseil d’administration ?

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2) Un système à points pour les élèves est discuté lors de ce conseil d’administration (quand l’élève enfreindrait le règlement intérieur, il se verrait retirer des points) ; quels sont les différents avis des participants au conseil d’administration ? Cochez les bonnes réponses (plusieurs réponses possibles).

Pour Contre

Professeurs ® ®

CPE (Julie) ® ®

Parents (mère de Burak) ® ®

3) Une décision est-elle prise au terme de la discussion ?

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Le conseil de classeIl a lieu à la fin de chaque trimestre. Il décide de la scolarité de l’élève : il suit le travail de chaque élève (progrès, difficultés), le conseille pour améliorer ses résultats, donne un avis sur son orientation.

4) En vous servant de votre manuel scolaire, de l’organigramme et du film, dites qui y participe. Quel acteur peut être présent, mais n’apparaît pas dans le film ?

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5) Qui préside le conseil de classe ? (INDICE : dans le film, c’est celui qui dirige les débats et conclut sur chaque élève)

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II COMMENT VIVRE ENSEMBLE AU COLLÈGE ?

Le film nous invite à entrer dans une classe et à observer la relation qu’entretient l’enseignant avec ses élèves. Si cet exemple ne se veut pas un modèle, on peut réfléchir avec les élèves sur la façon dont s’établit cette relation.

A - Le rôle du règlement intérieur

Le collège d’Entre les murs, comme tout établissement scolaire, fonctionne selon un certain nombre de règles indispensables pour que tout élève est de bonnes conditions d’apprentissage. Ces règles sont consignées dans le règlement intérieur qui définit les droits et devoirs de chacun.

1). Que prévoit le règlement intérieur de ton collège dans les cas du film cités dans le tableau (remplis la deuxième colonne) ? Dans la 3e colonne trouve ou suggère quelles sont les punitions possibles pour les différents exemples.

ExemplesPrincipe du règlement intérieur qui n’est pas

respecté

Punition ou sanction possible

Port de la casquette ou de la capuche

Lever le doigt pour demander la parole

Elève qui se lève en classe sans demander l’autorisation

Khoumba refuse de lire un texte

Souleymane n’a pas ses affaires

Nombreuses insultes

Souleymane tutoie son professeur

Souleymane se bagarre en classe et blesse une élève

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2) En prenant l’exemple de Souleymane, montrez que son attitude est peu favorable à sa réussite scolaire. Vous énumérerez les différents aspects de son comportement pour montrer comment le collège en vient à l’exclure.

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3) François Marin n’a pas forcément le même mode de fonctionnement que tes autres professeurs (on voit par ailleurs dans le film certains professeurs ne pas être d’accord avec lui). Qu’accepte-il dans sa classe que d’autres professeurs n’acceptent pas ?

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B - Le collège un lieu pour s’instruireL’éducation est un droit pour tous. Le film l’illustre bien.

1) Montrez que la classe de 4e3 reflète la diversité de la société française.

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2) L’école accueille donc tous les élèves. Montrez à travers l’exemple de Carl que tous les élèves ont droit à l’éducation.

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3) En observant ce qui se passe tout au long de l’année scolaire au sein du cours de français de M. Marin, montrez comment les élèves sont mis en situation d’apprentissage en expliquant chacune des situations dans le tableau. Vous pourrez penser aux différentes étapes du projet sur l’autoportrait.

L’apprentissage alterne…

Temps de dialogue avec le professeur

Travail en autonomie

Evaluation orale

Réalisation d’un projet

Vocabulaire

Autonomie : être capable d’effectuer seul un travail.

Communauté scolaire : ensemble des acteurs qui vivent au sein d’un établissement scolaire.

Démocratie : régime politique dans lequel le peuple exerce son pouvoir par l’intermédiaire de représentants élus.

Electeur : personne qui possède le droit de vote.

Eligible : qui peut être candidat aux élections.

Punition : peine infligée suite à une faute de faible gravité (retenue, mot sur le carnet de correspondance…).

Sanction : peine infligée à la suite d’une faute grave (insulte, vol, violence…). Elle est donnée par le principal ou le conseil de discipline et inscrite dans le dossier de l’élève (avertissement, exclusion…).

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Dossier pédagogique 45

sesaCtivités

Cadre pédagogique

Proposant une description réaliste d’un collège populaire, Entre les murs se prête particulièrement bien à une exploitation en cours de SES sur tous les thèmes touchant l’école, la socialisation et la mobilité sociale. Le film pourra être utile pour illustrer le rôle de l’école dans la socialisation des adolescents (thème au programme de la classe de première), mais il offre un matériau particulièrement riche pour le cours de terminale ES sur les inégalités et les « enjeux et déterminants de la mobilité sociale ». Ce dossier propose de mieux faire saisir aux élèves les relations entre l’école et les inégalités sociales. Dans un premier temps, il leur est proposé de faire le point sur les évolutions du systèmes scolaire au cours du XXe siècle et la « démocratisation quantitative » de l’enseignement secondaire qu’elles ont entraînée. La dynamique des inégalités sociales concernant les trajectoires scolaires sera ainsi abordée. Dans un second temps, il s’agira de leur permettre de comprendre le rôle complexe que peut jouer aujourd’hui l’institution scolaire dans la reproduction des inégalités sociales en mobilisant différentes approches théoriques.

La place du film dans les programmes de sciences économiques et socialesLe film de Laurent Cantet pourra être exploité en classe de terminale ES, lors de l’étude des thèmes « dynamique de la stratification sociale » et « enjeux et déterminants de la mobilité sociale ».

PROGRAMMENOTIONS

ESSENTIELLESNOTIONS COMPLÉMENTAIRES

La dynamique de la stratification sociale

Inégalités, professions et catégories socio-professionnelles

Patrimoine, revenu, polarisation, moyennisation

Les enjeux et déterminants de la mobilité sociale

Egalité/inégalité des chances, mobilité, immobilité, reproduction

Destinée, recrutement, mobilité structurelle nette, capital économique, culturel, social.

46 Dossier pédagogique

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I Comprendre le processus de démocratisation scolaire en France

Entre les murs propose le portrait au quotidien d’un collège populaire parisien. Il pourrait servir d’exemple archétypal des effets de la « démocratisation » vécue par le système scolaire français dans les années 1960 dans un premier temps, puis dans les années 1990 dans un second temps. L’enjeu de cette séquence est de discuter la notion de démocratisation appliquée aux évolutions constatées dans le système d’enseignement au cours du XXe siècle : massification ou démocratisation ? Cette séquence s’inscrit dans le thème « dynamique de la stratification sociale », au programme de la classe de terminale.

Activité 1 : Qu’appelle-t-on démocratisation du système scolaire ?

1. A quelle milieu social les élèves du collège Dolto vous semblent-ils appartenir dans leur majorité ?

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2. D’après le document 1, s’ils étaient nés dans les années 1950, dans quel type d’établissement scolaire la majorité d’entre eux se serait-elle trouvée à 13 ou 14 ans ?

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3. Auraient-ils pu envisager de poursuivre des études encore plusieurs années ?

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4. Dans le document 2, faites une phrase de lecture pour les trois données de la génération née avant 1929.

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5. Comment a évolué la proportion d’enfants d’ouvriers bacheliers ?

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6. Même question pour les enfants de cadres.

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7. Pour la génération née avant 1929, faites le calcul approprié pour comparer la proportion d’enfants d’ouvriers ayant obtenu le baccalauréat avec la proportion d’enfants de cadres ayant obtenu le baccalauréat.

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8. Faites le même calcul pour les enfants nés entre 1979 et 1982.

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9. Qu’en concluez-vous concernant l’évolution des inégalités d’accès au baccalau-réat ?

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10. Peut-on dire que l’école s’est démocratisée ? (faites une réponse nuancée).

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Activité 2 : La démocratisation scolaire en question.

1. A niveau scolaire égal, quelles inégalités des enfants face à l’école peut-on constater dans le DOCUMENT 3 ?

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2. A partir du DOCUMENT 4, calculez la proportion des enfants de milieu populaire (on considèrera que les ouvriers, inactifs et employés forment les catégories populaires) en 6e, bacheliers généraux et élèves de classes préparatoires. Comparez cette proportion à celle les enfants de milieu favorisé (enfants de cadres ou professions libérales) pour les niveaux d’études correspondants. Quel nouveau type d’inégalités constate-t-on ?

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3. Plutôt que de « démocratisation », certains sociologues préfèrent parler de « massification » de l’enseignement secondaire. Qu’en pensez-vous ?

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48 Dossier pédagogique

ses aCtivités (terminaLe es)

II : Comprendre le rôle de l’école dans la mobilité sociale

Les inégalités de réussite scolaire en fonction du milieu social sont désormais bien connues. L’emprise du diplôme sur la position sociale occupée s’étant renforcée, il importe de bien comprendre comment l’origine sociale influence la réussite scolaire. Le film de Laurent Cantet offre, à travers les divers portraits d’élèves qu’il dessine, plusieurs exemples permettant d’analyser le rapport des familles populaires à l’école. On rattachera ces exemples aux deux grandes analyses des inégalités de réussite scolaire : celle de Pierre Bourdieu et celle de Raymond Boudon.

Activité 1 : L’analyse de Bourdieu

1. Définissez « capital économique » et « capital culturel » ................................................................................................................................................................................... ................................................................................................................................................................................... ...................................................................................................................................................................................

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2. A quel autre type de capital est-il fait référence dans le dernier paragraphe ? Comment ce troisième capital peut-il introduire des inégalités entre individus détenant les mêmes diplômes ? ................................................................................................................................................................................... ................................................................................................................................................................................... ...................................................................................................................................................................................

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3. Pierre Bourdieu considère que le capital culturel transmis par les parents joue un rôle très important dans la réussite scolaire des enfants. En prenant le contre-exemple de Souleymane, illustrez cette thèse. ................................................................................................................................................................................... ................................................................................................................................................................................... ...................................................................................................................................................................................

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4. En vous appuyant sur la scène du film où François explique à ses élèves comment on distingue ce qui se dit à l’oral et ce qui se dit à l’écrit, montrez que l’école fait parfois appel au capital culturel et non pas au travail proprement scolaire des élèves. ................................................................................................................................................................................... ................................................................................................................................................................................... ...................................................................................................................................................................................

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5. Détenir un certain capital économique peut parfois pallier l’absence ou la faiblesse de capital culturel des parents. Expliquez comment. ................................................................................................................................................................................... ...................................................................................................................................................................................

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6. Que pensez-vous du volume et de la composition du capital global détenu par la

plupart des parents des élèves du collège Dolto (justifiez votre réponse) ? Que dire

alors des chances de réussite scolaire de cette population (au sens statistique du

terme), si l’on suit les analyses de Bourdieu ?

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Dossier pédagogique 49

sesaCtivités (terminaLe es)

7. En quoi l’inégale répartition du capital culturel (et dans une moindre mesure, des

autres types de capitaux) entraîne-t-elle moins de mobilité sociale ?

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Activité 2 : L’analyse de Boudon

1. Expliquez la phrase soulignée dans le DOCUMENT 6.

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2. Mettez en évidence, pour cet auteur, les mécanismes qui produisent l’inégalité

des chances.

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3. En comparant les cas de Wey et Souleymane dans la classe, expliquez, à la

manière de Raymond Boudon, que l’un réussisse bien à l’école et l’autre non.

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4. Peut-on aussi analyser la réussite de Wey en adoptant le point de vue théorique

de Pierre Bourdieu ?

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5. Comparez les approches de Pierre Bourdieu et Raymond Boudon : quelles sont

leurs points de divergence ? Ont-elles des points communs ?

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50 Dossier pédagogique

sesdoCuments d’aCCompaGnement

DOCUMENT 1 - Organisation du système scolaire français : les évolutions du XXe siècle

Avant 1945

Milieu des années 1960

Aujourd’hui

Ecole Primaireconcerne la grande majorité des enfants

Certificat d’études primaires

Ecole Secondaire (11ème, 10ème…)

Coûteuse, concerne l’élite ;

Tend à disparaître entre les années

1930 et 1968

Ecole Primaireconcerne la quasi-totalité des enfants

Certificat d’études primaires

Ecole Primaire

concerne tous les enfants

Monde du travail concerne la grande majorité des enfants avant la guerre

Cours complémentaires

nombreux enfants à partir des

années 1940

Ecole Primaire Supérieure

concerne les meilleurs élèves

du primaire

Lycée (6ème, 5ème…)

Le premier cycle des lycées devient

gratuit dans les années 1930

Baccalauréat

Monde du travail

Collèges d’Enseignement Général (CEG) ou Technique (CET)

- sans latin et peu de langues vivantes - remplacent les EPS et CC

Collège d’Enseignement

Secondaire (avec latin)

ancien premier cycle du lycée

Collège

concerne la quasi-totalité des enfants

Brevet des collègesBrevet général ou technique

Brevet général ou technique

Lycée

Baccalauréat

Lycée

Baccalauréat (professionnel,

technique ou général)

=> En 1958-59, 68% des jeunes de 14 ans sont scolarisés

Schéma d’après Antoine Prost, Education, société et politiques: Une histoire de l’enseignement de 1945 à nos jours, Seuil, 1997

Dossier pédagogique 51

ses doCuments d’aCCompaGnement

DOCUMENT 2 Obtention du baccalauréat selon la génération et le milieu social

Lecture : parmi les jeunes nés de 1979 à 1982, 89 % de ceux dont le père est cadre sont bacheliers, contre 48 % des jeunes de père ouvrier.

Source : L’état de l’école, 2006, Ministère de l’Education nationale

DOCUMENT 3 Accès à l’heure ou en avance aux différents niveaux de l’école élémentaire et en sixième selon le milieu social

En %Accès à l’heure ou en avance…

… au CE2 … au CM1 … au CM2 … en 6ème

Catégorie sociale de la personne de référence

Panel 1978

Panel 1997

Panel 1978

Panel 1997

Panel 1978

Panel 1997

Panel 1978

Panel 1997

Enseignant

Cadre supérieur

Profession intermédiaire

Agriculteur

Artisan, commerçant

Employé

Ouvrier qualifié

Ouvrier non qualifié

Inactif

97,3

96,2

89,9

83,0

85,9

82,7

78,5

68,0

68,7

98,5

96,9

95,1

92,9

90,0

87,9

84,7

76,3

70,4

96,7

94,7

86,7

79,4

81,5

77,2

73,1

61,3

61,9

98,1

95,9

94,5

91,9

87,9

85,7

82,4

72,4

64,3

95,8

93,0

83,1

73,3

76,5

72,5

67,3

54,9

55,4

97,3

95,2

93,4

91,0

86,7

84,3

80,7

69,3

61,2

93,9

91,1

79,4

67,1

70,3

67,5

60,7

47,7

49,9

97,3

94,4

90,9

88,1

85,1

81,8

77,7

66,6

57,7

Ensemble 80,7 88,7 75,8 86,8 70,9 85,3 65,5 83,0

Lecture : parmi les élèves entrés au cours préparatoire en 1978, 97,3 % des enfants d’enseignants contre 68,0 % des enfants d’ouvriers non qualifiés sont parvenus au CE2 à l’heure ou en avance.Source : Insee, France, portrait social, 2006

52 Dossier pédagogique

sesdoCuments d’aCCompaGnement

DOCUMENT 4La composition sociale des filières, de la 6ème aux classes préparatoires

L’origine sociale des élèves de la 6ème aux classes préparatoires Unité : %

Elèves de 6ème

Ensemble bacheliers

Bacheliers généraux

Bacheliers généraux

avec mention

Inscrits en classe

préparatoire aux grandes écoles

Ouvriers, inactifs* 38 29 19 15 9

Employés 18 16 14 11 7

Agriculteurs, artisans, commerçants

11 11 10 9 9

Professions intermédiaires

17 21 24 23 20

Cadres supérieurs, professions libérales

16 23 33 42 55

TOTAL 100 100 100 100 100

*Les inactifs sont des personnes de milieu social très proche de celui des ouvriers.

Source : Ministère de l’éducation nationale - Direction de l’évaluation de la prospective et de la performance, suivi après le baccalauréat des élèves entrés en sixième en 1995

Lecture : Sur 100 élèves entrés en 6e en 1995 et ayant obtenu le baccalauréat, 29 étaient des enfants d’ouvriers ou d’inactifs.

Source : Observatoire des inégalités, www.inegalites.fr

DOCUMENT 5 L’incidence de l’héritage familial sur les destins scolaires selon Pierre Bourdieu

Des parents, on hérite (ou non) en premier lieu, d’un capital économique : d’un ensemble de biens patrimoniaux (outils de production, biens immobiliers, valeurs mobilières, etc.). Les patrimoines transmis et donc reçus, sont très inégaux quant à leur montant, mais aussi quant à leur composition d’une catégorie à l’autre. Que le volume du capital économique hérité contribue à déterminer la trajectoire des héritiers, cela est l’évidence même : on n’entre pas dans la vie de la même façon (au même niveau hiérarchique, avec les mêmes possibilités professionnelles, les mêmes chances de carrière ou même tout simplement les mêmes revenus) selon que l’on hérite d’une petite fortune ou que l’on ne compte que sur ses seules aptitudes pour « s’en sortir ». […]

En second lieu, on hérite tout aussi bien de ses parents d’un capital culturel : d’un ensemble de connaissances et d’aptitudes, acquises par les parents eux-mêmes au cours de leur existence, dans leur propre famille, à l’école, au cours de leur vie professionnelle, par leurs engagements dans la vie publique, dans leurs loisirs etc. et qu’ils vont transmettre à leurs propres enfants par le biais de la socialisation familiale. Le capital scolaire n’en forme qu’une partie, celle que cette institution va convertir en diplômes et en titres. Cet héritage culturel et scolaire détermine tout d’abord le cursus scolaire des enfants, qui est étroitement déterminé par le niveau de formation scolaire des parents. […] Et il est à peine nécessaire de rappeler combien la situation socioprofessionnelle à laquelle un individu peut prétendre est fonction des titres scolaires qu’il a pu acquérir. […]

Mais l’influence de la catégorie sociale d’origine se fait encore sentir à un autre niveau. Elle ne détermine pas seulement la possibilité plus ou moins grande de décrocher tel ou tel titre scolaire, d’accumuler tel ou tel capital scolaire ; elle détermine aussi le rendement de ce capital sur le marché du travail. Car, sur ce marché, les diplômes n’ont pas la même valeur, selon la catégorie sociale d’origine de leur titulaire. Ils donneront, par exemple, accès à des positions hiérarchiques d’autant plus élevées (et mieux rémunérées) que leurs titulaires sont eux-mêmes issus de catégories sociales plus élevées. Voici les bacheliers de 35-52 ans en 1970 ; fils d’employé ou d’ouvrier, ils sont 25% à être cadres supérieurs ; fils d’artisan ou de commerçant, 30% ; fils de cadre moyen, 39%, fils de cadre supérieur, 46%.Source : A. Bihr, R. Pfefferkorn, Déchiffrer les inégalités, coll. Alternatives économiques, 1995

Dossier pédagogique 53

DOCUMENT 6 L’importance du choix des familles

Un système scolaire, quel qu’il soit, peut-être assimilé à une suite de points de bifurcation (éventuellement de trifurcation, etc.). A ces points de bifurcation, on peut associer un espace de décision : la voie empruntée par un individu à un point de bifurcation dépend de sa caractérisation par rapport aux variables constituant l’espace de décision (retard/avance scolaire, réussite, par exemple). Pour chaque type de position sociale, la probabilité d’emprunter une voie donnée à un point de bifurcation varie. Ces probabilités composent, pour chaque type de position sociale, un système de «courbes d’indifférences» auxquelles on peut donner le nom de champ de décision. Ce champ est caractéristique de la position sociale considérée. […]

Il est donc possible de suggérer un schéma théorique qui permette d’interpréter les résultats qui apparaissent de manière récurrente dans la littérature issue des enquêtes sociologiques. (...) La première proposition de cette théorie statique est que la situation de classe conduit, par le jeu de mécanismes intermédiaires (groupes de référence, héritage culturel, etc.), à des distributions différentes selon les classes de la réussite et de l’âge relatif (avance/retard). La seconde est que la survie d’un individu dans le système scolaire lui-même ou dans une filière particulière du système scolaire, dépend d’un processus de décision dont les paramètres sont des fonctions de la position sociale ou position de classe. De par leur position, les individus ou les familles ont une estimation différente des coûts, risques et bénéfices anticipés qui s’attachent à une décision.

Source : Raymond Boudon, L’inégalité des chances, 1973

ses doCuments d’aCCompaGnement