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Jérémie Souteyrat pour Zoom Japon www.zoomjapon.info gratuit numéro 52 - juillet-août 2015 Matsuri Jours de fête MUSIQUE The Bawdies en Europe p. 20 RENCONTRE Le Japon de Barakan p. 36

Zoom Japon 052

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Zoom Japon, numéro 52 (juillet-août 2015)

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Jérémie Souteyrat pour Zoom Japon

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2015

MatsuriJours de fête

MUSIQUEThe Bawdiesen Europe p. 20

RENCONTRELe Japon deBarakan p. 36

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ZOOM ACTU

ÉDITOCélébrationL’été est là ! Pour cer-tains, c’est synonymede vacances. Pour d’au-tres, même s’ils doiventtravailler, cela reste unmoment où l’on tentede profiter de la moin-

dre occasion pour s’amuser. Au Japon, ilen va de même. L’été, c’est la saison privi-légiée des matsuri, ces fêtes traditionnelles,au cours desquelles on s’amuse et on partageen famille ou entre amis quelques instantsde grand plaisir. C’est ce que nous avonsvoulu vous montrer dans ce nouveaunuméro de Zoom Japon. Un numéro par-ticulier pour nous puisqu’il marque notrecinquième anniversaire. Depuis cinq ans,nous avons l’honneur de vous accompagnerdans la découverte du Japon. Et c’est unvrai plaisir pour nous.

LA RÉ[email protected]

TOURISME Ouvertured’espritEn principe, les personnes tatouées ne

peuvent pas entrer dans un bain public

si leur tatouage est visible. Toutefois, les

autorités japonaises veulent attirer les

touristes étrangers qui sont de plus en

plus nombreux à se tatouer. Voilà

pourquoi l’Agence nationale du

tourisme a entamé une enquête pour

déterminer si elle va lever ou non cette

interdiction qui n’est pas toujours

appliquée de nos jours.

CONTROVERSE Les baleinespeuvent tremblerLe Japon a l'intention de poursuivre son

programme controversé de chasse à la

baleine, même si la Commission

baleinière internationale (CBI) n'a pas

réussi à trancher la question de savoir

si ce programme est "scientifique" ou

non. Les Japonais prévoient de capturer

3 996 petits rorquals (ou baleines de

Minke) en Antarctique dans les 12

prochaines années. Le Japon n'en avait

pas pêché en 2014-2015.

yens. Tel

est le prix

du robot semi-androïde Pepper que

Softbank a commencé à commercialiser

le 20 juin. Conçu par la société française

Aldebaran rachetée par le japonais en

2012, ce robot de 28 kg mesurant

1,20 m devrait faire un tabac.

198 000

L E REGARD D’ERIC RECHSTEINER

Si le Sanja matsuri dans le quartier d’Asakusa (voir pp. 10-12) fait partie des trois grands festivals de la capitale,cela ne signifie pas pour autant que les autres quartiers de Tôkyô ne connaissent pas leur fête. En témoignele Hikawa matsuri dans l’arrondissement de Shibuya. Même s’il est moins impressionnant, il illustre néanmoinsl’enthousiasme de la population pour ces moments de liesse collective.

Arrondissement de Shibuya, Tôkyô

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Couverture : Jérémie Souteyrat pour Zoom Japon

2 ZOOM JAPON numéro 52 juillet-août 2015

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4 ZOOM JAPON numéro 52 juillet-août 2015

ZOOM ACTU

L es amateurs japonais de sensations fortesétaient déçus samedi. Prévue le 30 mai, lasortie de San Andreas, le film catastrophe

de Brad Peyton, a été repoussée sine die. Sur lesite officiel du long-métrage intitulé au JaponCalifornia down, un court message d’excuses in-dique que les spectateurs devront patienter poursavoir comment Dwayne Johnson parvient àsurmonter le déchaînement des éléments en Ca-lifornie. Si le distributeur Warner Bros a décidéde les empêcher d’avoir des frissons en regardantles effets spéciaux du blockbuster hollywoodien,la nature s’est chargée d’offrir à l’ensemble de lapopulation japonaise une belle dose de frayeur.A 20 h 24, un séisme de magnitude 8,5 surl’échelle ouverte de Richter, ramenée dimancheà 8,1, s’est produit à environ 700 kilomètres ausud de Tôkyô, dans l’archipel des Ogasawara.Ce tremblement de terre, le second plus puissantjamais enregistré depuis 1885 après celui du 11mars 2011 qui avait fait plus de 18 500 mortsdans le nord-est du pays, a été ressenti sur toutle territoire à des degrés divers allant de 1 à 5fort sur l’échelle japonaise d’intensité qui compte7 niveaux. “J’ai eu l’impression d’être sur unbateau pris dans une tempête”, a raconté un ha-bitant vivant au 40e étage d’un immeuble de lacapitale. La secousse a été assez forte pour bloquerles ascenseurs et suspendre le trafic ferroviairependant plus d’une heure, notamment sur laligne à grande vitesse reliant Tôkyô à Ôsaka.malgré l’intensité du séisme dans la métropolequi a rappelé à certains celle du 11 mars 2011, iln’y a eu aucun mouvement de panique et aucundégât important. Au total, une douzaine de per-

sonnes ont été blessées, mais, en lisant la pressedu lendemain qui a fait ses gros titres sur l’évé-nement, la population a bien conscience d’êtrepassée à côté d’une catastrophe. “C’est une chanceque l’épicentre se soit trouvé à environ 590 kilomètresde profondeur”, a d’ailleurs expliqué un responsablede l’agence de météorologie nationale lors d’uneconférence de presse quelques heures après letremblement de terre. S’il avait été à 14 kilomètrescomme cela a été le cas au Népal, le mois dernier,

Au cours des derniers mois, les éruptionsvolcaniques et les séismes se sontmultipliés. Faut-il se préparer au pire ?

SOCIÉTÉ Plus fort qu’au cinémales conséquences auraient été bien différentes etsans doute plus dramatiques.“Il n’y a pas que les séismes. Ces derniers temps, onrecense de nombreuses éruptions volcaniques. Fran-chement, ça me fait peur”, confie AkiyAmA yuhiro,photographe pour le quotidien local IshinomakiHibi Shimbun, qui a vécu les événements tragiquesde 2011. Pourtant située à plus de 1 500 kilomètresde l’archipel des Ogasawara, la cité portuaired’ishinomaki n’a pas échappé à la secousse du30 mai. “L’éruption du mont Ontake à l’automnedernier, l’alerte lancée autour du mont Hakoneproche de la capitale au début du mois et l’éruptionfin mai du mont Shindake sur l’île de Kuchinoerabuau sud du pays ne me disent rien de bon”, poursuitle journaliste. il aurait pu ajouter le réveil dumont Asama au nord-ouest de la capitale. Leniveau d’alerte autour de ce volcan a été relevé,mais les autorités ne semblent pas pour le momentinquiètes de son regain d’activité. Dans cettepartie du Japon déjà frappée par un tremblementde terre dévastateur en septembre 1923, les ha-bitants s’attendent à connaître prochainementun autre méga séisme. Sur TV Asahi, le professeurkOkeTSu kazuki, sismologue à l’université deTôkyô, a voulu rassurer la population en expliquantque le séisme du 30 mai ne constituait pas forcé-ment les prémices du “big one” que tous les ha-bitants de la mégalopole redoutent. “Il faut néan-moins le considérer comme une bonne occasionpour nous y préparer”, a-t-il ajouté. Dans lesmédias, sans pour autant chercher à susciter inu-tilement l’inquiétude de la population, on s’in-terroge sur la multiplication de ces manifestationsde la nature. Le Mainichi Shimbun, dans sonédition du 18 juin, a publié un article très inté-ressant à ce sujet. S’appuyant sur une étude com-parative de l’activité sismique de l’archipel auiXe siècle et aujourd’hui réalisée par l’institut de

Mai

nich

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mbu

n

Carte publiée le 18 juin dans le Mainichi Shimbun

comparant l’activité sismique du Japon au IXe siè-

cle et au cours des cinq dernières décennies.

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ZOOM ACTU

recherches Sangyô gijutsu, le quotidien soulignede nombreuses similitudes entre les deux époques.Ce que l’on sait, c’est que le IXe siècle a été parti-culièrement agité d’un point de vue sismique etles documents étudiés par les chercheurs montrentque plusieurs séismes se sont produits dans deszones similaires à ceux enregistrés depuis le milieudes années 1960 et à des intensités quasi identiques.Le journal rappelle également que l’activité sis-mique s’est accompagnée d’une activité volcaniqueplus importante qu’à l’accoutumée. Tout cela afini par le violent tremblement de terre de 887au sud de l’archipel qui a provoqué alors denombreux dégâts. Il est bien sûr difficile de dé-terminer si cette même région connaîtra pro-chainement un séisme de forte intensité. Lesspécialistes affirment que les probabilités sontfortes pour qu’il s’en produise un dans les 30prochaines années sans pour autant être enmesure de le prouver. Toutefois, le risque existebel et bien. Voilà pourquoi les Japonais semontrent particulièrement vigilants à l’égard detous les caprices de la terre. Ils savent qu’il estimportant et surtout indispensable de se préparerau pire. Du point de vue des infrastructures, le

séisme du 11 mars a montré que la plupart desconstructions avaient résisté à la secousse de mag-nitude 9 sur l’échelle de Richter. Mais certainesd’entre elles ont fait pâle figure devant la puissancedu tsunami qui a suivi.Dès lors, l’une des questions les plus sensiblesconcernant une telle éventualité porte sur lasûreté nucléaire au moment où le gouvernementd’Abe Shinzô souhaite relancer certains réacteursà l’arrêt depuis l’accident de la centrale de Fu-kushima Dai-ichi il y a quatre ans. Malgré lerenforcement des normes par l’Autorité de ré-gulation nucléaire, de nombreuses voix estimentque les installations ne seront pas en mesure derésister à un tsunami généré par un séisme géant.en août 2014, une simulation portant sur unséisme de magnitude 7,5 en mer du Japonmontrait que la déferlante pouvait atteindre plusde 23 mètres à certains endroits. De quoi donnerde vraies frayeurs aux Japonais, y compris à ceuxqui auront pu finalement voir San Andreas. Carchacun sait que la nature est en mesure d’exprimerune puissance dévastatrice bien plus forte quecelle imaginée par les scénaristes les plus talen-tueux. GABRIEL BERNARD

Prévue le 30 mai dernier, la sortie japonaise du film américain San Andreas a été repoussée sine die.

DR

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6 ZOOM JAPON numéro 52 juillet-août 2015

N’imaginez pas aller au Japon sans faire l’ex-périence d’un matsuri, l’une de ces nom-breuses fêtes traditionnelles, qui ponctuent

la vie des Japonais tout au long de l’année. N’ima-ginez pas non plus qu’il faille se rendre dans les coinsles plus reculés du pays pour en profiter. Les matsurise rencontrent partout dans l’archipel du plus petitvillage à la capitale. C’est un élément constitutif del’âme japonaise et chacun des habitants de ce paysne manque pas l’occasion d’y assister et/ou d’y par-ticiper. La plupart des ma tsuri correspondent à unmoment particulier dans le calendrier et ont à voiravec la religion. La célébration du repiquage du rizau printemps donne lieu à des festivités comme surl’île d’Ôshima, dans la préfecture d’Ehime, où c’estl’occasion d’organiser un combat de sumo entre unlutteur et le dieu après la bénédiction de la rizièrepar le prêtre shintô. En été, bon nombre de ces fêtessont liées à des rituels pour conjurer les épidémieset les catastrophes naturelles, ou bien elles sont l’oc-casion d’obtenir la grâce des dieux pour qu’ils pro-tègent les pêcheurs et leur assurent de nombreuseset belles prises. En automne, les matsuri sont orga-nisés pour remercier les dieux d’avoir permis debonnes récoltes tandis qu’en hiver, les fêtes sont làpour souder et revigorer les communautés. Dansla péninsule d’Oga, par exemple, au nord-ouest dupays, le 31 décembre, la fête est celle des monstresqui rendent visite aux enfants pour leur dire d’êtresages et obéissants avec leurs parents. Toutes ces fêtes, direz-vous, ressemblent à cellesque nous connaissons en Europe. Dans les cam-pagnes du vieux continent, il existe, ou plutôt il exis-tait, des événements du même type. Les fêtes de lamoisson étaient monnaie courante. Elles le sontbeaucoup moins de nos jours alors qu’au Japon, lesmatsuri ont conservé toute leur vigueur. Car cesrendez-vous sont bien plus que des célébrationsreligieuses. Ils sont intimement liés au terroir, à l’his-toire locale avec lesquels les Japonais entretiennentun lien unique. Avec les matsuri se perpétue lanotion de kokyô, de terre natale, qui demeure unenotion fondamentale y compris pour les natifs desgrandes villes. Et puis, il y a l’élément festif propre-ment dit qu’on ne peut pas dissocier du Japon.Contrairement aux idées reçues, les Japonais aiments’amuser et les matsuri constituent un moment pri-vilégié pour exprimer leur joie de vivre. L’ambiancede kermesse, qui règne à proximité des fêtes avecles nombreux stands de yakisoba (nouilles sautées),takoyaki (beignets de pieuvre) et autres plats àconsommer sur le pouce, rappelle qu’il s’agit d’unmoment simple et populaire au cours duquel toutle monde se retrouve sans distinction. C’est ce quenous avons voulu vous montrer dans ce dossier.

ODAIRA NAMIHEI

Quelle que soit la saison et quelle que soitla région, il y a toujours un matsuri àdécouvrir. Petite visite guidée.

ZOOM DOSSIER

Jours de fête !

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6 ZOOM JAPON numéro 52 juillet-août 2015

N’imaginez pas aller au Japon sans faire l’ex-périence d’un matsuri, l’une de ces nom-breuses fêtes traditionnelles, qui ponctuent

la vie des Japonais tout au long de l’année. N’ima-ginez pas non plus qu’il faille se rendre dans les coinsles plus reculés du pays pour en profiter. Les matsurise rencontrent partout dans l’archipel du plus petitvillage à la capitale. C’est un élément constitutif del’âme japonaise et chacun des habitants de ce paysne manque pas l’occasion d’y assister et/ou d’y par-ticiper. La plupart des ma tsuri correspondent à unmoment particulier dans le calendrier et ont à voiravec la religion. La célébration du repiquage du rizau printemps donne lieu à des festivités comme surl’île d’Ôshima, dans la préfecture d’Ehime, où c’estl’occasion d’organiser un combat de sumo entre unlutteur et le dieu après la bénédiction de la rizièrepar le prêtre shintô. En été, bon nombre de ces fêtessont liées à des rituels pour conjurer les épidémieset les catastrophes naturelles, ou bien elles sont l’oc-casion d’obtenir la grâce des dieux pour qu’ils pro-tègent les pêcheurs et leur assurent de nombreuseset belles prises. En automne, les matsuri sont orga-nisés pour remercier les dieux d’avoir permis debonnes récoltes tandis qu’en hiver, les fêtes sont làpour souder et revigorer les communautés. Dansla péninsule d’Oga, par exemple, au nord-ouest dupays, le 31 décembre, la fête est celle des monstresqui rendent visite aux enfants pour leur dire d’êtresages et obéissants avec leurs parents. Toutes ces fêtes, direz-vous, ressemblent à cellesque nous connaissons en Europe. Dans les cam-pagnes du vieux continent, il existe, ou plutôt il exis-tait, des événements du même type. Les fêtes de lamoisson étaient monnaie courante. Elles le sontbeaucoup moins de nos jours alors qu’au Japon, lesmatsuri ont conservé toute leur vigueur. Car cesrendez-vous sont bien plus que des célébrationsreligieuses. Ils sont intimement liés au terroir, à l’his-toire locale avec lesquels les Japonais entretiennentun lien unique. Avec les matsuri se perpétue lanotion de kokyô, de terre natale, qui demeure unenotion fondamentale y compris pour les natifs desgrandes villes. Et puis, il y a l’élément festif propre-ment dit qu’on ne peut pas dissocier du Japon.Contrairement aux idées reçues, les Japonais aiments’amuser et les matsuri constituent un moment pri-vilégié pour exprimer leur joie de vivre. L’ambiancede kermesse, qui règne à proximité des fêtes avecles nombreux stands de yakisoba (nouilles sautées),takoyaki (beignets de pieuvre) et autres plats àconsommer sur le pouce, rappelle qu’il s’agit d’unmoment simple et populaire au cours duquel toutle monde se retrouve sans distinction. C’est ce quenous avons voulu vous montrer dans ce dossier.

ODAIRA NAMIHEI

Quelle que soit la saison et quelle que soitla région, il y a toujours un matsuri àdécouvrir. Petite visite guidée.

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Jours de fête !

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K y û s h û

Ise ômatsuri

fin septembre àdébut octobre

Ise

Yamaga tôrô matsuri

15 et 16 aoûtYamaga

Takachiho no yokagura

22 et 23 novembreTakachiho

Omizutori

1er au 14 marsNara

Gujô odori

mi-juillet àdébut septembre

Gujô

Owara kaze no bon

1er au 3 septembreToyama

Tenjin matsuri

24 et 25 juilletÔsaka

Nada no kenka matsuri

14 et 15 octobreHimeji

Senteisai

2 au 4 maiShimonoseki

Hakata gion yamagasa

1er au 15 juilletFukuoka

Nagasaki Kunchi

7 au 9 octobreNagasaki

Kishiwada danjiri matsuri

14 et 15 septembreKishiwada

Awa odori

12 au 15 aoûtTokushima

Yosakoi matsuri

9 au 12 aoûtKôchi

Kangensai

17 juinHatsukaichi

Takaoka mikurumayamamatsuri

1er maiTakaoka

KYÔTO

Takayama matsuri14-15 avril

Aoi matsuri15 mai

Jidai matsuri15 au 23 octobre

Gion matsuri15 au 17 juillet

Kyôto gosan okuribi16 août

Takayama matsuri9 et 10 octobre

S h i k o k u

Fude matsuri

23 septembreKumano

L’empire des fêtesSélection des matsuri les plus intéressants

de l’archipel

Saison de la fête

Printemps

Été

Automne

Hiver

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Ise ômatsuri

fin septembre àdébut octobre

Ise

Yamaga tôrô matsuri

15 et 16 aoûtYamaga

Takachiho no yokagura

22 et 23 novembreTakachiho

Omizutori

1er au 14 marsNara

Gujô odori

mi-juillet àdébut septembre

Gujô

Owara kaze no bon

1er au 3 septembreToyama

Tenjin matsuri

24 et 25 juilletÔsaka

Nada no kenka matsuri

14 et 15 octobreHimeji

Senteisai

2 au 4 maiShimonoseki

Hakata gion yamagasa

1er au 15 juilletFukuoka

Nagasaki Kunchi

7 au 9 octobreNagasaki

Kishiwada danjiri matsuri

14 et 15 septembreKishiwada

Awa odori

12 au 15 aoûtTokushima

Yosakoi matsuri

9 au 12 aoûtKôchi

Kangensai

17 juinHatsukaichi

Takaoka mikurumayamamatsuri

1er maiTakaoka

KYÔTO

Takayama matsuri14-15 avril

Aoi matsuri15 mai

Jidai matsuri15 au 23 octobre

Gion matsuri15 au 17 juillet

Kyôto gosan okuribi16 août

Takayama matsuri9 et 10 octobre

S h i k o k u

Fude matsuri

23 septembreKumano

L’empire des fêtesSélection des matsuri les plus intéressants

de l’archipel

Saison de la fête

Printemps

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O k i n aw a

Yuki matsuri

5 au 11 février

Nebuta matsuri

2 au 7 août

Akita kantô matsuri

3 au 6 août

Hirosaki sakura matsuri

23 avril au 5 mai

Goshogawara tachineputaGoshogawara

Hirosaki

Sapporo

Aomori

Morioka sansa odori

1er au 3 aoûtMorioka

Sendaï tanabata matsuri

7 au 8 juilletSendai

Sôma noma oi

23 au 25 juilletSôma

Yama age matsuri

23 au 25 juilletNasu karasuyama

Itoman

Naha matsuri

deuxième lundid'octobre

Itoman hârî

4 mai

Naha

Naritasan setsubunkai

3 févrierNarita

Chichibuyo matsuri

1er au 6 décembreChichibu

Dôsojin matsuri

13 au 15 janvierNozawa onsen

Abare matsuri

Premier week-end de juilletNotochô

Ishizaki hôtôsai

1er samedi d'aoûtNanao

Onbashira matsuri

avril-juinSuwa

Enshû Yokosukamikumano jinja taisai

premier week-end d'avrilKakegawa

Yoshida no himatsuri

26-27 aoûtFujiyoshida

Kanamara matsuri

premier dimanche d'avrilKawasaki

TÔKYÔ

TAKAYAMA

Hanagasa matsuri

5 au 7 aoûtYamagata

Chagu chagu makko

Deuxième samedi de juinTakazawa

4 au 8 août

Namahage matsuriOga

Akita

Nishimonai bon odori

16 au 18 aoûtNishimonai

31 décembre

Kanda matsurimi-mai

Sannô matsuri15 juin

Sumidagawa hanabi taikai 31 juillet

Sanja matsuri17 et 18 mai

150 km

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ZOOM DOSSIER

D ans son bureau au cœur du vieux quartierd'asakusa, Watanabe takeshi se pré-pare à participer au Sanja matsuri, la

fête des trois temples. il a noué une servietteautour de son cou et mis sur ses habits blancs laveste traditionnelle happi qui représente sa rue.“Ceux qui ont un happi peuvent porter le mikoshi,

l’autel des dieux. C’est la coutume !”, dit-il en mon-trant fièrement son nom cousu sur l'encolure. M.Watanabe est un yakuza, mais cela ne l'empêchepas de célébrer comme un million de Japonaisl’un des plus grands festivals shintô du pays enl'honneur de la déesse Kannon. “Les yakuzas par-ticipent depuis cinq siècles au Sanja matsuri, mêmesi on cherche à nous éliminer, nous serons toujourslà !” rit-il. il est un des sous-chefs de Sumiyoshi-kai, la deuxième plus grosse organisation criminellejaponaise qui en compte officiellement 22. La

TÔKYÔ Même les yakuzas sont là…Le matsuri est un moment de communionau cours duquel tous les Japonais serassemblent quelle que soit leur origine.

mafia japonaise, environ 80 000 membres, bénéficied’un statut quasi officiel, comme le montrent lesinnombrables films et mangas qui lui sont consacrés.Cependant, les yakuzas doivent rester cachés etleur présence au grand jour n'est pas tolérée. Saufpendant les matsuri. “Dans la tradition shintô, le matsuri est jour dehare, à l’opposé du ke qui renvoie au quotidien detous les jours. Le hare désigne les moments spéciauxde la vie où il faut se faire remarquer, sortir del’ombre”, explique Miyata Junichi qui fait partied’une association des mikoshi. Le portage dumikoshi a toujours été une occasion de rassembleryakuzas et katagi (les citoyens ou non-yakuzas).Car comme nos forains et troubadours qui ani-maient les villages, l’ancêtre du yakuza était letekiya, un camelot sous l’autorité d’un oyabun(parrain), qui organisait les stands des fêtes et quiallait canaliser petit à petit la violence dans lesbas-fonds. Un monde décrit à merveille parPhilippe Pons dans son livre Misères et crimes auJapon. “Il y a trois types de personnes qui portent lemikoshi, les gens du sanctuaire, les gens ordinaireset les yakuzas. Tous ceux-là se retrouvent ensemblecomme une entité formant un même quartier, unemême force pour honorer les dieux”, résumeM. Miyata. Comme pour illustrer cette réalité, un mikoshiporté par des hommes et des femmes traverse larue, suivi par un petit orchestre de tambours etde flûtes. Guidé par un prêtre shintô qui agite sabranche de pin sacré pour bénir le quartier, le pa-lanquin divin oscille de haut en bas et de gauche àdroite dans un brouhaha de “Oissa ! Oissa !” avantde se poser devant le bureau du clan Watanabe.“C’est l’accueil traditionnel. Certains magasins, res-taurants ou entreprises offrent aux porteurs du mi-koshi des boissons et des snacks en signe de prospérité”,explique M. Watanabe. La devanture de sonbureau s’est ainsi transformée depuis trois joursen guinguette où les enfants accourent pourprendre des bonbons et où les gens du quartiers’échangent les boniments dans le pur esprit dumatsuri. “ll ne s'agit pas de pots-de-vin, mais deconserver l'équilibre social et la solidarité”, précisel'un des membres du clan yaMaSaWa Hitoshi.Le corps couvert de tatouages traditionnels ouirezumi, il est habillé dans le simple apparat dessumos, avec un fundoshi, un cache-sexe qui laisseses fesses à l’air, sans que cela ne choque personne.“Quand on porte le mikoshi de toutes ses forces, ona besoin d'être à l'aise !” s'exclame un homme de laprocession en palpant son impressionnante pro-tubérance sur l'épaule droite. agé d'une cinquan-taine d'années, adaCHi Ken porte le mikoshidepuis l'âge de 5 ans et affiche fièrement sa bosse.

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Chaque quartier est représenté lors de la procession.

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ZOOM DOSSIER

D ans son bureau au cœur du vieux quartierd'asakusa, Watanabe takeshi se pré-pare à participer au Sanja matsuri, la

fête des trois temples. il a noué une servietteautour de son cou et mis sur ses habits blancs laveste traditionnelle happi qui représente sa rue.“Ceux qui ont un happi peuvent porter le mikoshi,

l’autel des dieux. C’est la coutume !”, dit-il en mon-trant fièrement son nom cousu sur l'encolure. M.Watanabe est un yakuza, mais cela ne l'empêchepas de célébrer comme un million de Japonaisl’un des plus grands festivals shintô du pays enl'honneur de la déesse Kannon. “Les yakuzas par-ticipent depuis cinq siècles au Sanja matsuri, mêmesi on cherche à nous éliminer, nous serons toujourslà !” rit-il. il est un des sous-chefs de Sumiyoshi-kai, la deuxième plus grosse organisation criminellejaponaise qui en compte officiellement 22. La

TÔKYÔ Même les yakuzas sont là…Le matsuri est un moment de communionau cours duquel tous les Japonais serassemblent quelle que soit leur origine.

mafia japonaise, environ 80 000 membres, bénéficied’un statut quasi officiel, comme le montrent lesinnombrables films et mangas qui lui sont consacrés.Cependant, les yakuzas doivent rester cachés etleur présence au grand jour n'est pas tolérée. Saufpendant les matsuri. “Dans la tradition shintô, le matsuri est jour dehare, à l’opposé du ke qui renvoie au quotidien detous les jours. Le hare désigne les moments spéciauxde la vie où il faut se faire remarquer, sortir del’ombre”, explique Miyata Junichi qui fait partied’une association des mikoshi. Le portage dumikoshi a toujours été une occasion de rassembleryakuzas et katagi (les citoyens ou non-yakuzas).Car comme nos forains et troubadours qui ani-maient les villages, l’ancêtre du yakuza était letekiya, un camelot sous l’autorité d’un oyabun(parrain), qui organisait les stands des fêtes et quiallait canaliser petit à petit la violence dans lesbas-fonds. Un monde décrit à merveille parPhilippe Pons dans son livre Misères et crimes auJapon. “Il y a trois types de personnes qui portent lemikoshi, les gens du sanctuaire, les gens ordinaireset les yakuzas. Tous ceux-là se retrouvent ensemblecomme une entité formant un même quartier, unemême force pour honorer les dieux”, résumeM. Miyata. Comme pour illustrer cette réalité, un mikoshiporté par des hommes et des femmes traverse larue, suivi par un petit orchestre de tambours etde flûtes. Guidé par un prêtre shintô qui agite sabranche de pin sacré pour bénir le quartier, le pa-lanquin divin oscille de haut en bas et de gauche àdroite dans un brouhaha de “Oissa ! Oissa !” avantde se poser devant le bureau du clan Watanabe.“C’est l’accueil traditionnel. Certains magasins, res-taurants ou entreprises offrent aux porteurs du mi-koshi des boissons et des snacks en signe de prospérité”,explique M. Watanabe. La devanture de sonbureau s’est ainsi transformée depuis trois joursen guinguette où les enfants accourent pourprendre des bonbons et où les gens du quartiers’échangent les boniments dans le pur esprit dumatsuri. “ll ne s'agit pas de pots-de-vin, mais deconserver l'équilibre social et la solidarité”, précisel'un des membres du clan yaMaSaWa Hitoshi.Le corps couvert de tatouages traditionnels ouirezumi, il est habillé dans le simple apparat dessumos, avec un fundoshi, un cache-sexe qui laisseses fesses à l’air, sans que cela ne choque personne.“Quand on porte le mikoshi de toutes ses forces, ona besoin d'être à l'aise !” s'exclame un homme de laprocession en palpant son impressionnante pro-tubérance sur l'épaule droite. agé d'une cinquan-taine d'années, adaCHi Ken porte le mikoshidepuis l'âge de 5 ans et affiche fièrement sa bosse.

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Chaque quartier est représenté lors de la procession.

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“Ceux qui ont une bosse sont ceux qui portent lemikoshi avec le plus d'ardeur”, lance-t-il. M.adachi est un tobi, un ouvrier du bâtiment quiparticipe une fois par an au Sanja matsuri en as-semblant les mikoshi. Portant également le fundoshiet même des tatouages sur une grande partie ducorps, les tobi n'appartiennent pas à un clanyakuza, mais forment une classe à part dans lasociété japonaise très hiérarchisée. "L’irezumi estun art ancien au même titre que les estampes japo-naises”, rappelle M. aDachI. Pourtant, le tatouageest devenu synonyme de criminalité, prohibédans les endroits publics, comme les bains et lesclubs de sports. Restent les matsuri où l’on peutencore montrer ce signe indélébile d’anticonfor-misme, mais même dans le très populaire Sanjamatsuri, les yakuzas tendent plus à s'écraser qu'às'exhiber. “Avant les yakuzas montaient sur les grands mikoshiet faisaient des tours de force ou exhibaient leurstatouages. Ça mettait beaucoup d’ambiance dansle Sanja matsuri. Maintenant à cause des nouvelleslois, personne n’a plus le droit de monter dessussous prétexte que c’est dangereux, mais la vraieraison, c’est que la police veut mater les yakuzas”,estime YaMaSaWa hitoshi pour qui les nouveauxrèglements vont à l’encontre de l’esprit du matsuri.en 2006, un mikoshi avait été brisé et l’annéesuivante, on avait arrêté trois personnes qui

étaient montées sur l’autel du Sanja. La policeétait intervenue avec des haut-parleurs en accusantles fêtards de “salir la tradition japonaise” et enmenaçant de supprimer le matsuri dans tout lequartier. Suite à ces arrestations, la police avaitfait état d’une nouvelle enquête dans l’AsahiShimbun qui accusait entre autres les yakuzas defaire du business pendant les matsuri : location àdes prix abusifs de veste happi (pour porter lemikoshi: 20 000 yens) et bakchich pour montersur le dit mikoshi (100 000 yens). Des déclarationsqui ont donné lieu à un débat passionné sur latoile. Fallait-il ou non interdire les yakuzas dansles matsuri ? Selon certains, le mikoshi qui symboliseune divinité, ne peut pas être monté par unhomme, encore moins un gangster. Un argumentréfuté par d’autres pour qui la tradition n’a jamaisinterdit de monter un mikoshi. et si un mikoshis’est brisé une fois, c’est qu’il était mal fabriqué.Pour M. Watanabe, cette enquête qui révèleles liens entre la pègre et les matsuri est un secretde polichinelle. “Ce lien est aussi ancien que lerapport entretenu entre la police et le Milieu”, dit-il en riant. Il vient d’accueillir dans son bureaudeux officiers de police en tournée dans le quartier.“C’est une simple visite de routine pour rappeler lerèglement. Pas de bagarre ni d'exhibition de ta-touages”, lance l’un d’eux en trinquant avec latraditionnelle coupe de saké.

Dans la lumière bleutée du crépuscule, le clande Watanabe converge vers le point de départdu grand mikoshi du sanctuaire d’asakusa. Surl’asphalte, des centaines d’hommes sont assisdans des poses indolentes, et attendent, un boutde tatouage dépassant de derrière leurs happi.La police a formé des rangs serrés tout le longdes avenues et répète inlassablement au haut-parleur les mêmes appels au calme. Puis d’uncoup, tout le monde bondit et dans une cohueinsensée, se rue pour arriver jusqu’au mikoshi.Les yakuzas de clans opposés s'empoignent, serelâchent puis s’attrapent encore avec des minestantôt menaçantes ou dédaigneuses. On ne saitplus si c’est un règlement de compte ou unemise en scène. Le public effrayé se colle contreles murs pour ne pas se faire écraser. Les veinards- hommes et femmes - qui ont réussi à se frayerun chemin se rapprochent de l’autel sacré quidéjà part, flottant comme un navire sur unemarée humaine. emergeant de la foule, M. Wa-tanabe essuie son visage baigné de sueur. Il aporté le mikoshi et reste quelques minutes à ob-server ses sbires en train de jurer et mettre del'ambiance dans la procession. “Nous ne pouvonspas disparaître, nous faisons partie de la culturejaponaise !” lâche-t-il en prenant une pausephoto avec le prêtre shintô.

ALISSA DESCOTES-TOYOSAKI

Lors du matsuri, les hommes exhibent leurs tatouages même si la police leur a expressément interdit de le faire. Mais la tradition reste la plus forte.

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S ous le crachin matinal, une douzained’hommes et de femmes font la queuedevant un monticule en forme d’autel

de pierre où un petit feu crépite. Chacun à leurtour ils jettent une poignée de vieux pinceauxdans le brasier. N’allez pas croire qu’il s’agitd’une collecte de déchets à brûler. Vous assistezlà à une crémation rituelle. “C’est pour honorerl’âme des pinceaux, pour le travail qu’ils ont ac-compli”, explique un homme.Tous les vieux pinceaux du Japon sont envoyésici pour achever leurs derniers jours. Le bûcheraux pinceaux est un des moments clés du Fudematsuri ou Fête des pinceaux qui se déroule àKumano, ville montagneuse située à une vingtainede kilomètres à l’est de Hiroshima. L’événementse déroule le 23 septembre, jour de l’équinoxed’automne, férié au Japon. On dit que c’est lemoment où l’âme des morts redescend sur terrepour une petite visite.Pour ceux d’entre nous pris dans le tourbillonde la vie moderne qui ne donne guère le tempsde montrer de la gratitude aux personnes etencore moins aux objets inanimés, le respectque les habitants de Kumano accordent auxhumbles pinceaux peut sembler étrange. Mais,dans un pays où les dieux sont censés habiterdans les rochers, les arbres et les rivières, il n’estpas surprenant que l’esprit du pinceau soit aussiprésent à Kumano. Après tout, la cité est presqueentièrement dépendante de son industrie dupinceau pour la calligraphie. Près du bûcheraux pinceaux se dresse la tablette en pierre deFudezuka, monument le plus emblématique deKumano, qui célèbre ses premiers fabricants depinceaux. On peut y lire qu’“un pinceau danseau rythme du cœur”.Kumano est un des rares exemples de villesdont le nom est devenu une marque, synonymede qualité pour ses pinceaux. Sur les 27 000 ha-bitants de la cité, 1 500 d’entre eux sont desfude-shi ou des artisans producteurs de pinceaux.La ville produit le chiffre étonnant de 15 millionsde pinceaux par an, soit 80 % de la productiontotale japonaise. Le gouvernement a d’ailleursreconnu l'industrie locale du pinceau commeun art industriel traditionnel. Un label qui ason importance. Quand l’équipe nationale féminine de footballa remporté la Coupe du monde en 2011, lePremier ministre d’alors, KAN Naoto, a offert àses membres des pinceaux à maquillage. Le Se-

crétaire général du gouvernement, EDANO Yukio,a expliqué que ces pinceaux étaient “la vitrinede l’artisanat traditionnel et de la puissance d’unemarque globale”.“Tout a commencé il y a environ 175 ans, vers lafin de l’époque d’Edo (1603-1868)”, expliqueTAKEMORI Shin, président de Chikuhôdô, unedes 80 entreprises familiales de fabrication de

pinceaux fondée en 1952. “Nous vivons dansune région montagneuse où il y a peu de plainespour l’agriculture. Il était donc très difficile desurvivre en hiver. Pour joindre les deux bouts,beaucoup d’hommes avaient l’habitude de serendre à Nara pour travailler dans l’industrieforestière. Ils y achetaient des pinceaux à calligraphiequ’ils revendaient ensuite quand ils rentraient à

KUMANO Un rendez-vous au poilA une vingtaine de kilomètres deHiroshima, on célèbre chaque annéel’esprit du pinceau.

Pas moins de 10 000 pinceaux sont suspendus dans la ville à l’occasion du Fude matsuri.

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Kumano”, ajoute-t-il. Vers 1840, quelques agri-culteurs entreprenants ont décidé d’apprendre àfabriquer eux-mêmes des pinceaux. Ils ont combinéplusieurs techniques apprises au cours de leursdéplacements pour finir par développer une mé-thode originale que l’on ne trouve désormaisqu’à Kumano.en 1877, l'introduction de l'enseignement obli-gatoire, y compris celui de la calligraphie, a en-traîné une augmentation de la demande pourles pinceaux de calligraphie. Comme les ventesont grimpé, la réputation des pinceaux de Ku-mano a commencé à se répandre. C’est commecela que la marque est née.Ces dernières décennies, pour répondre à labaisse de la demande concernant les pinceauxde calligraphie, Chikuhôdô et de nombreusesautres sociétés de Kumano se sont tournéesvers la production de pinceaux de maquillagehaut de gamme, en s’appuyant toujours sur latechnique artisanale traditionnelle. Grâce à cettecapacité d'adaptation, l'industrie du pinceau deKumano a survécu et même prospéré. On yproduit désormais des pinceaux pour les cos-

métiques, la peinture et même à des fins médicales.Aujourd'hui, les pinceaux de Kumano sont ex-portés partout dans le monde et sont utiliséspar des personnes venant de tous les horizons,des écoliers japonais à des artistes européens enpassant par des modèles de mode américains.Chikuhôdô, l’entreprise de M. TAKeMOrI em-ploie maintenant plus de 100 personnes.Qu’est-ce qui rend les pinceaux de Kumano siparticuliers ? “Touchez-les et vous verrez”, lanceM. TAKeMOrI. Il a raison. Ils sont doux et sisoyeux. C’est un peu comme si on se brossaitles joues avec des pétales de roses. “Aujourd’huiencore, les pinceaux de Kumano sont fabriqués àla main”, ajoute-t-il avec fierté. “C’est le secretde leur douceur”.Vous pouvez en juger par vous-même en vousrendant au Fude-no-sato kôbô, le musée dupinceau de Kumano, où des artisans locauxviennent faire la démonstration de leur talent.Le musée abrite également le plus grand pinceaude calligraphie du monde (un objet massif de3,7 mètres de long et pesant 400 kg). Il a étésuspendu au plafond. Une fois sur place, prenez

le temps de faire une pause dans l'excellent res-taurant pour déguster quelques plats traditionnels.Les soba au thé vert, les tempura et les spécialitésde la mer intérieure comme l’anago meshi (congresur son lit de riz) valent le détour.Les pinceaux de Kumano sont l'un des souvenirsles plus recherchés de la région de Hiroshima.Ne manquez donc pas de visiter la boutique dumusée. On peut y graver votre nom sur lepinceau de votre choix. Que diriez-vous d’offrirune brosse de naissance, une brosse conçue spé-cialement pour les cheveux de bébé ? Ils sontmême en mesure d’en fabriquer avec les premierscheveux de votre enfant. Comme dit le proverbejaponais : “Un pinceau qui trace de belles lettresfera un enfant brillant”. Vous pouvez égalementessayer de fabriquer votre propre pinceau.A l’extérieur du musée, la pluie matinale a cesséà midi, comme l’avait prévu avec sa précisionhabituelle la météo sur la chaîne publique NHK.L'air de la montagne est envahi de l’odeur desyakisoba (nouilles sautées), des boulettes depoulpe et des brochettes de calmar qui provientdes différents stands colorés proposant une

Les amateurs de pinceaux peuvent trouver leur bonheur à des prix cassés à l’occasion de la Fête des pinceaux.

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nourriture simple mais tentante. Sur d'autresstands, les entreprises locales vendent leursbrosses à des prix sacrifiés.En dehors de la nourriture, la Fête des pinceaux(Fude matsuri) est un moment de célébrationdédié à l'Esprit du pinceau et à tout ce qui serapporte à la calligraphie. Des milliers de visiteursvenus de tout le Japon s’y rendent pour profiterdes expositions, des concours de calligraphie etdes démonstrations de sumi-e (dessin à l'encrede Chine). Il est assez extraordinaire d’observerla main d'un expert réaliser un bosquet debambou parfait en quelques coups magiques depinceau, comme si pinceau et encre semblaientdotés d'une vie propre. Comme le dit l'inscriptiongravée dans la pierre, le pinceau danse vraimentau rythme du cœur.Si vous préférez mettre la main à la pâte, unefoule de jeunes bénévoles se tiennent à dispositionpour aider les jeunes et les moins jeunes à ap-prendre quelques gestes de base de la calligraphie,à se familiariser avec le sumi-e ou à concevoirdes cartes postales souvenirs.Le cœur du festival est le sanctuaire de Sakakiyamaconstruit au Xe siècle. Comme beaucoup deconstructions anciennes de ce type, il se trouveau sommet d'une colline escarpée. Il y a99 marches à gravir pour atteindre le sommet.Le chemin est connu sous le nom d’avenue dupinceau décorée de quelque 10 000 pinceauxdu plus petit au plus gros. “Tout le monde peutles toucher”, rappelle M. TAKEMorI.Au sommet, à côté de l'autel, un magnifiquecèdre qui semble aussi ancien que le sanctuairelui-même. Sur des bâches bleues étendues sur lesol autour du sanctuaire, on trouve toutes sortesde marchandises et d’antiquités à vendre. “Il y ades années, il n'y avait pratiquement aucunmagasin dans les petites villes comme Kumano.C’est pourquoi les marchands ambulants avecleurs stands ont fait leur apparition au momentde la Fête des pinceaux. Cela a permis aux gensde découvrir et d'acheter de nouvelles choses”, ra-conte TAKEMorI Shin.L’un des moments forts du matsuri est la dé-monstration de calligraphie par un maître calli-graphe sur la vaste esplanade en dessous dusanctuaire. A la manière d’un Jackson Pollockjaponais, le maître pieds nus se déplace autourde sa “toile” (une grande feuille de vinyle étenduesur le sol) dans un tourbillon, brandissant unénorme pinceau avec son bras, tandis que sonassistant se tient près de lui avec un encrier,gros comme un tonneau. Avec ses grands traitsgracieux, le maître compose un message. Chaqueannée, la tâche incombe à un maître et sonmessage est très attendu par les spectateurs.Une année, cela avait été un haïku énigmatiquedu légendaire poète MATSUo Bashô : “Cetteroute, sur laquelle personne ne va, soir d'automne”.

Une autre année, ce fut un message de solidaritéavec les victimes du tremblement de terre duTôhoku, et encore une autre, une simple prièrede gratitude destinée au Fude no Kokoro (l’espritdu pinceau). Une fois qu’il a été composé, lemessage est suspendu pour que tout le mondepuisse l’admirer.Lorsque le maître calligraphe se courbe face à lafoule et que les applaudissements se calment,les feux d'artifice annoncent l'arrivée d'une pro-

cession bruyante dominée par un bateau enbambou richement décoré. A l'intérieur se trouvele kami, ou l'esprit de la divinité locale. Leshommes portant la veste traditionnelle happichantent en le transportant sur l’avenue du pin-ceau et ses 99 marches, jusqu’au sanctuaire. Lekami s’y reposera alors jusqu'à la prochaineéquinoxe d'automne, quand Kumano sera unenouvelle fois pris dans le tourbillon de l’espritdu pinceau. STEVE JOHN POWELL

Chaque année, un maître calligraphe compose un message qui est ensuite suspendu.

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A l’approche de l’été, IwaI Toshio sortdu fond de son placard une veste bleueaux motifs traditionnels - un habit spé-

cial pour les matsuri - pour la dépoussiérer. Unmoment discret certes, mais très gai pour cet agri-culteur de 75 ans, car il sert de prélude à la prépa-ration du festival de Hitoboshi. Il s'agit d'un évé-nement qui marque l’été pour les habitants deNanmoku, petit village niché dans la région mon-tagneuse de la préfecture de Gunma, au nord deTôkyô.Chaque année en août, dans la douceur de lanuit, des villageois et des touristes se réunissentautour d’une rivière pour assister à un spectaclede feu, point culminant de ce matsuri. Deux outrois hommes, fièrement montés sur un pont,font tournoyer de toutes leurs forces des faisceauxde paille embrasée. Le feu perce l’obscurité de lanuit en traçant des cercles de deux trois mètresdans l’air. Ce spectacle est suivi par un défilérythmé par les roulements des tambours et leschants des flûtes, qui mène à un temple, le centrespirituel de Nanmoku.Or, ce matsuri, dont l’origine remonte au XVIe siè-cle, est menacé de disparition. La populationd'Ohinata, district qui l’organise, ne cesse de di-minuer depuis des décennies. “Les jeunes sontpartis du village, Nanmoku est de plus en plusvide. Il est très difficile de maintenir cette tradition”,raconte M. IwaI, responsable de l’organisationdu festival. “C’est la dernière activité collective dela sorte qui reste dans ce district. On a dû abandonnerles autres en raison du manque de personnel. Maiscelui-là, on ne peut pas le laisser tomber”, pour-suit-il.Le vieillissement de la population et le dépeuple-ment des régions rurales, cancers qui rongentpetit à petit le pays du Soleil levant, frappent cepetit village plus fort qu’ailleurs. Ici, plus de 55 %de la population a plus de 64 ans. avec ce taux,Nanmoku est la ville la plus vieille du Japon.Faute de sang frais, les locaux peinent à faire per-durer le matsuri. Ceux qui impressionnaient lestouristes sur le pont n’ont plus la force physiquepour jouer dans ce spectacle. “Nous sommes fiersde ce matsuri, classé comme patrimoine culturel dela préfecture. Je suis résolu à le garder aussi longtempsque possible”, affirme IwaI Toshio avec l’accentmontagnard propre à la région.SHIraISHI atsushi, membre de la chambre decommerce de Nanmoku, chargé d’organiser lesautres matsuri du village, se montre pessimiste

quant à l’avenir de cette tradition. “La situationest vraiment difficile. On craint effectivement sadisparition”, raconte-t-il sans émotion. “De plus,la population d'ici diminue de plus en plus chaqueannée. Les mesures qu'on peut prendre sont limi-tées”, continue-t-il. Sa résignation face au dé-peuplement rappelle que Nanmoku est catégo-risée comme une genkai-shûraku (localité me-nacée), un terme sociologique désignant descommunautés où la population de plus de 64ans dépasse le seuil des 50 %. Un euphémismestatistique pour dire que cette commune de2 000 habitants ne peut plus assurer les besoinsde base de ses villageois, comme les mariages,les funérailles et l’éducation. Le bilan ne trompepas. en quarante ans, la population de Nanmokua été divisée par quatre.La situation de ce village n’est que la partieémergée de l’iceberg. en 2011, le ministère desaffaires intérieures a publié des chiffres chocs :au niveau national, plus de 10 000 localités figurentsur la liste des genkai-shûraku. On estime à 2 300celles qui vont disparaître tôt ou tard, et une cen-taine a déjà été rayée de la carte depuis 2007.Inutile de dire que la disparition d’une communautéimplique la mort des cultures et des traditionsqui lui sont propres, y compris les matsuri. Fautede statistiques fiables, nul ne sait combien de cesfestivals ont déjà disparu.Face à ce constat alarmant, le ministère s’est lancédans la lutte contre le vieillissement pour sauverles traditions rurales. L’etat soutient, par la voied'une subvention de 3,5 millions d’euros par an,des projets ayant pour but de redynamiser les

régions les plus touchées. Pourtant, “ces aides fi-nancières ne suffiront pas à endiguer la disparitiondes matsuri”, estime NakaNe Hiroshi, chercheurpour Japan Tourism Marketing, un think tankspécialisé dans le tourisme. Pourquoi ? Parce quela racine du problème se trouve dans la concen-tration de la population dans de grandes villes.Des jeunes, une fois partis dans les villes commeTôkyô pour le travail ou pour les études, nerentrent plus chez eux. Il s’agit d’un phénomènequi dure depuis plus d’un demi-siècle au niveaunational. “C’est un revers de la croissance économique”,analyse-t-il.Si on veut que les matsuri survivent à cette si-tuation, il faudrait “revoir cette structure de lasociété japonaise” par des “mesures concrètes contrele vieillissement et le dépeuplement”. Force est deconstater qu'il faut renverser l'afflux de populationvers les grandes villes. et c’est là que M. NakaNe

entrevoit un rôle pour les matsuri. “Si on réussità redonner ses lettres de noblesse à la provincegrâce aux matsuri, on pourrait inciter des jeunesà s’installer dans des régions rurales”.Plus facile à dire qu’à faire. Loin de là. Les villescomme Tôkyô, Nagoya et Ôsaka continuent àabsorber massivement la population d'autres ré-gions. en 2013, le nombre de personnes qui ontdéménagé dans la capitale a dépassé de 70 000celui des Tokyoïtes qui en sont partis. Unetendance bien ancrée depuis près de vingt ans.De quoi laisser augurer un avenir difficile pourles matsuri qui appartiennent pourtant à unetradition ancestrale.

YAGISHITA YÛTA

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GUNMA Une tradition ancestrale menacéeLe vieillissement de la population etl’exode rural remettent en causel’existence des matsuri en province.

Dans certaines régions, de nombreuses fêtes disparaissent faute de personnes pour les organiser.

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ZOOM CULTURE

H umeuR par Koga Ritsuko

je rêvais de participer à des festivals français.au japon, afin d'être plus proche de la France,j'ai fait une fois 250 km en voiture pour ren-contrer jean Réno qui était l'invité d'honneurdu Festival du cinéma français à yokohama etj'étais ravie de le voir en vrai, même si j’étais à200 m de lui. Sinon, lors d'un festival régional,je me suis associée à un restaurant français tenupar une famille japonaise et nous avons vendu400 kebabs, plat français typique, en 3 heures.arrivant en France, à Tours un jour j'ai entenduune fanfare par la fenêtre. le son était de plusen plus fort et je sentais une sorte d'animationde l'autre côté du mur. “C'est la fête de lamusique !” a lancé ma copine.je n'avais jamais imaginé quel'on autoriserait tout lemonde à faire de la musiquelibrement dans une ville et çam’a impressionnée. le moissuivant, j'ai déménagé à Pariset je n'ai pas manqué lafameuse fête du 14 juillet ! jeme suis rendue place de la Bastille où il y avaitun monde fou. Par curiosité, j’ai traîné aumilieu de cette foule. et c'était trop tard quandje me suis rendue compte que nous étions aumilieu d'une bagarre entre ces gens et des poli-ciers. avec leurs matraques, ces derniersessayaient d'attraper ou de se débarrasser deceux qui criaient et jetaient des pétards. après,tout ce dont je me souviens, c’est qu'un d'entreeux m'a saisie par les bras et m'a tapé la têteavec sa matraque. un souvenir inoubliable.Depuis, j'ai connu pas mal de festivals natio-naux et régionaux. Finalement, je trouve plussympa ce qui se passe en province car il y aplus d’originalité que dans les grands festivalsde la capitale qui se ressemblent tous. etant àParis aujourd'hui, ce qui m'annonce en premierun festival est l'odeur du sandwich à la mer-guez préparé dans la rue, un des élémentsindispensables. Ça m’excite même si je metrouve à 200 m de là et ça me donne envie defaire la teuf !

Le signal de la merguez

Voyage Un grandmoment de bonheur Phillipe Pelletier est un amoureux du

Japon et chacun des ouvrages qu’il lui

a consacrés en fait la démonstration.

Le géographe a parcouru l’archipel de

long en large. Il a souvent partagé ses

expériences et ses connaissances sur

l’archipel dans des livres qui resteront

comme des repères importants dans la

japonologie contemporaine. Il y a une

vingtaine d’années, il nous avait offert

La Japonésie : Géopolitique et géographie

historique de la surinsularité au Japon

(CNRS Editions), forgeant à l’occasion

le terme

“Japonésie”

que l’on

retrouve

dans son

tout nouvel

ouvrage

portant sur

les îles Gotô,

à l’extrême

ouest du

pays. Ce

dernier livre est un pur moment de

bonheur. L’auteur nous explique dans

la préface qu’il a ressenti comme “une

urgence” de l’écrire. A sa lecture, on

comprend ce désir impérieux et on

partage avec lui les instants qu’il a

passés sur ces cinq îles au large de

Kyûshû. Il ne s’agit pas d’un simple

récit de voyage, mais d’une sorte

d’initiation au Japon comme on a trop

rarement l’occasion d’en recevoir. Et

rien que pour cela, il faut dire un

grand merci à Philippe Pelletier.

Les Îles Gotô, voyage aux confins de la

Japonésie, de Philippe Pelletier, éd. le

Cavalier bleu, 20€.

Colloque Les ninjas sont là Après la merveilleuse exposition sur les

samouraïs qui s’est tenue l’an passé au

Musée d’histoire de Nantes, c’est au tour

des ninjas d’être à l’honneur les 3 et 4

juillet à la Maison de la culture du Japon à

Paris. Le premier jour se tiendra un

colloque avec

notamment le

professeur YAMADA

Yûji de l’université

de Mie, le seul au

Japon à disposer

d’une équipe de

recherche

spécialisée dans l’art des ninjas. Le

lendemain, une conférence de YOSHIMARU

Katsuya et une démonstration par maître

KAWAKAMI Jin’ichi, tous deux représentants

de l’université de Mie, compléteront

avantageusement cette belle initiative.

101 bis Quai Branly, 75015 Paris

Tél. 01 44 37 95 01 - Entrée libre

SHôjo L’apprentissagePubliée dans Margaret, le premier

magazine consacré au manga féminin

fondé en 1963, cette histoire signée

YAMAMORI Mika est une bonne surprise.

Si l’histoire ne brille

pas par son originalité,

elle a néanmoins

l’avantage d’être

menée avec rythme.

On finit par s’attacher

au personnage de

Suzume, une

adolescente de 15 ans, qui va faire

l’apprentissage de la vie à Tôkyô, loin

de sa campagne bien trop tranquille.

Daytime shooting star, Kana,

Trad. Misato Raillard, 6,85€.

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L e rock et le rhythm & blues ne manquentpas de bons représentants sur la scène ja-ponaise, mais peu de groupes ont connu

le même succès que The Bawdies. Ce quatuorstylé originaire de Tôkyô est composé de Ryo“Roy” Watanabe (basse, chant), Taku “Taxman”Funayama (guitare, chant), Yoshihiko “Jim” Ki-mura (guitare, chant) et Masahiko “Marcy” Ya-maguchi (batterie, chant). Il a réussi à séduire detrès nombreux fans avec son rock’n roll énergiqueet contagieux. Nous avons rencontré les quatremusiciens à Shibuya, au siège de JVC, leur maisonde disque, avant qu’ils n’entament leur premièretournée européenne qui les conduira à Belfortpour les Eurockéennes, à Paris et à Londres.

Il paraît que vous vous connaissez depuis long-temps…Roy : C’est vrai. Jim, Marcy et moi, on se connaîtdepuis l’école primaire. Nous avons fréquenté lamême école pendant 12 ans. Pour ainsi dire, nousavons grandi ensemble. On pourrait même direque nous sommes comme des frères. Pendanttoutes ces années, nous avons même joué au

basket ensemble. Je crois que cette expérience arendu notre amitié encore plus forte. Taxman arejoint le gang plus tard quand nous l'avons ren-contré au lycée.

Comment se sont passées les premières annéesentre vous ?Roy : On passait notre temps à jouer au basket.Nous aimions aussi la musique bien sûr, en parti-culier des groupes comme NOFX et Green Day,ou encore le groupe japonais Hi-Standard. Nousavions aussi l’habitude d’aller au Fuji Rock Festival.Au lycée, on a commencé à jouer de la guitare,mais nous ne nous étions pas encore pris au jeu.Certains de nos amis, par exemple, avaient déjàformé leurs propres groupes, mais pour nous, c’estle basket-ball qui comptait le plus.

A quel moment la musique a-t-elle pris le dessussur le basket ?Roy : Lorsque nous avons terminé le lycée, nousavons aussi laissé tomber le basket. Mais nousvoulions trouver une activité à travers laquelle nouspourrions canaliser notre énergie. Un jour, Jim etmoi étions dans un magasin de disques quand nousavons entendu une chanson des Sonics, un groupeaméricain des années 1960 dont nous n’avionsjamais entendu parler auparavant. Ça nous a com-plètement scotchés. Nous n’avions jamais imaginéqu’il puisse exister, il y a 50 ans, bien avant que lepunk n’apparaisse, des groupes capables de jouerune musique aussi intense et puissante. Noussommes instantanément devenus accros.

Et vous avez décidé de créer tout de suite ungroupe ?Roy : En fait notre première réaction a été defaire la promotion de cette musique. Nous étionssûrs que beaucoup d'autres jeunes comme nous,surtout au Japon, auraient la même réaction que

Pour la première fois de son histoire, legroupe tokyoïte va tenter de conquérir le cœur des Européens.

EXCLU Cap sur l’Europe pour The Bawdiesnous en écoutant ces chansons. Le problème étaitque nous ne connaissions rien sur les Sonics. Noussavions seulement que le groupe avait sans doutecessé d’exister il y a des années et qu’il ne seproduisait plus. Nous avons donc décidé de faireautre chose de bien plus intelligent, à savoir deformer notre propre groupe et de laisser les gensdécouvrir cette musique grâce à nous.

Vous étiez alors à l’université ?Roy : Oui. The Bawdies a officiellement vu lejour en 2004, mais avant cela, nous avons passétrois années à répéter et à perfectionner nos com-pétences. J’ai baptisé cette époque notre “sakokujidai” [période d'isolement, en référence à la fer-meture du Japon entre le XVIIe et le milieu duXIXe siècle]. Pendant ces trois ans, nous n'avonsjamais fait de concert. Nous avons passé toutnotre temps à écouter la musique rock des années1950 et 1960 (Chuck Berry, Little Richard, etc.)et à nous entraîner à jouer à la manière des Beatleset des Rolling Stones. Plutôt que chercher à jouersimplement ces chansons et ces artistes, nous vou-lions atteindre un stade qui nous permette de re-produire parfaitement ces œuvres. A cette époque,nous ne pensions pas à passer pro, voire même àgagner de l'argent. Nous étions juste obsédés parl'écoute et l’exécution de cette musique.

Au Japon, les groupes revivalistes ne manquentpas. En quoi The Bawdies se distingue de for-mations comme The Birthday ou The Preda-tors ?Roy : La plupart des groupes japonais ont été in-fluencés par les mods britanniques et d’autresgroupes de rock blancs. Dans notre cas, nous ap-précions particulièrement la musique noire (soul,R & B) et des musiciens de rock noirs commeChuck Berry. Aujourd’hui, il y a bien quelquesgroupes japonais qui s’intéressent à ces artistes,

INFOS PRATIQUESThe Bawdies sera au Pitcher de Dusseldorf enAllemagne le 3 juillet avant de débarquer auxEurockéennes de Belfort le 4 juillet sur la scène dela plage. Le 5 juillet à 20h, le groupe se produira àla Boule noire à Paris. www.laboule-noire.fr/spectacle/the-bawdies/Vous pourrez les retrouver à Londres le 7 juillet à19h au Underworld de Camden avec commespecial guest un autre groupe nippon Bo Ningen.www.theunderworldcamden.co.uk/gigs/events/7-jul-15-the-bawdies-the-underworld/

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mais quand nous avons commencé, nous étionsles seuls.

Je trouve que votre style vocal convient trèsbien à votre genre musical. Est-ce qu’il en a ététoujours ainsi ?Roy : Non, pas vraiment (rires). Comme vouspouvez le voir, quand je parle comme maintenant,ma voix est assez différente de la façon dont ellesonne sur un disque. Je pense que les jeunes dumonde entier aiment imiter leurs chanteurs préférés.

Vous pouvez vous en rendre compte chaque foisque quelqu'un chante dans un karaoké. Dans moncas, j’ai toujours beaucoup apprécié Ray Charleset Otis Reading. Pendant notre “période d'isole-ment”, je me suis efforcé de chanter comme eux,jour après jour, jusqu'à ce que je finisse par atteindrele style vocal que vous pouvez entendre sur nosCD ou en concert.

Dans tous les groupes où l’on trouve deuxguitares, il existe une complicité particulière

entre les guitaristes. Est-ce la même chose avecJim et Taxman ? Taxman : Nous n’avons pas déterminé de rôlesfixes. Cela dépend de chaque chanson. Parfois,c’est moi qui mène, et d’autres fois c’est au tour deJim. En tout cas, notre objectif est de parvenir àchaque fois à obtenir le meilleur arrangement etla meilleure solution musicale.

Vous pouvez nous parler du style de Jim ?Taxman : En un sens, il incarne l’esprit du groupe.

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Originaire de Tôkyô, le groupe est prêt à prendre son envol sur le vieux continent !

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En concert, c’est souvent lui qui bouge le plus surscène. Il a vraiment assimilé le style des groupesde garage.

Qu’en est-il pour Taxman ?Jim : Taxman est un guitariste extrêmement doué.Il joue vraiment bien. Mais sa meilleure qualitéest de ne pas étaler son talent et de s’exprimer defaçon simple. Il n’est pas frimeur et met toujoursses compétences au service du groupe.

Taxman, c’est quoi cette “Dylanconnexion” dont on parle à votresujet ?Taxman : Ha ha ! Il se trouve que j’ai lescheveux naturellement bouclés, ce quiest assez inhabituel au Japon. Aufil des années, j’ai essayé différentescoiffures et finalement j'ai décidéde me coiffer à la Bob Dylan qui estl'un de mes héros. J’aime aussi JimiHendrix. Un jour, en lisant un livresur lui, j’ai découvert que lui aussi avaitadapté sa coiffure en fonction de Dylanqu'il admirait beaucoup. C’est comme çaque je me suis rendu compte qu'il y avaitun lien profond entre Jimi, Bob et moi-même (rire de tout le monde).

Marcy, vous avez l’air plus tranquille que lesautres. En ce sens, vous me rappelez Ringo Stardes Beatles. Marcy : Il est vrai que, par nature, je n’aime pastrop être sous le feu des projecteurs. Je préfèreplutôt rester en retrait. Je crois que ça vaut pourle reste du groupe aussi. Être le batteur me permetde contribuer à la construction de notre musiquesans avoir à se me mettre trop en avant. C’est lerôle que je laisse volontiers aux trois autresmembres. Alors bien sûr, j’ai une relation plusétroite avec Roy parce que nous sommes la sectionrythmique. Il y a donc une interaction plus étroiteentre nous.

Puisque nous évoquons l’alchimie au sein dugroupe, est-ce que le rôle de chacun a été établidès le début ? Roy : Dès le début, Jim avait exprimé son enviede jouer de la guitare. Quant à moi, c’est le chantqui me plaisait plus que toute autre chose. Maiscomme à l'époque, nous n’étions que trois, jedevais jouer d'un instrument de toute façon et j’aichoisi la basse. Marcy n’avait pas le choix nonplus. Il a dû se mettre à la batterie.

Marcy : En d'autres termes, je n’ai pas choisi labatterie. Je peux même dire que cela ne m’intéressaitpas plus que ça. On me l’a imposée. (tout le monderit). Cela dit, cela me convient très bien, commeje l'ai dit, parce que cela me permet de rester dansl’ombre, de sorte que je ne peux pas vraiment meplaindre.

Depuis votre premier disque en 2006, vous avezsorti huit albums. Avez-vous le sentiment quevotre musique a évolué au cours de ces années ?Roy : Comme je l’ai expliqué tout à l’heure, audébut, il était surtout question de nous rapprocherautant que possible de la musique que nous aimions.Cette influence est encore là, mais je crois quenous avons été en mesure de développer lentement

mais sûrement notre propre son et de créer notrepropre marque de rock'n'roll. Je peux dire la mêmechose pour ma voix. Il fut un temps où je voulaisconsciemment chanter comme Ray Charles ouSam Cooke selon la chanson que j’interprétais.Mais après avoir assimilé toutes ces influences,j’en suis arrivé à un point tel que je peux enfinm’affirmer.

C’est votre première tournée européenne, maisvous avez déjà joué à l’étranger.Roy : Oui. Nous nous sommes produits en Corée,

à Taïwan, à Hong Kong et en Australie.

Et comment s’est passée cette tournéeaustralienne ?Roy : Nous y sommes allés deux fois. Lapremière fois, en 2007, nous connaissionsun groupe punk japonais, Mach Pelican,installé à Melbourne. Ils connaissaient bienla scène locale et donnaient un coup de mainaux groupes japonais qui voulaient faire destournées dans ce pays. L'Australie dispose aussi

d’une scène de garage rock bien pourvue. Nousavons pensé que les Australiens apprécieraientnotre rock'n'roll. Un an plus tard, nous avons étéinvités au Queenscliff Music Festival.

Comment se sent-on de jouer devant des au-diences variées ?Roy : Le public asiatique est assez proche de nosfans japonais. C’est vrai qu’ils ne nous connaissentpas aussi bien. Aussi lorsqu’on joue devant lui, onfait un bond dans le passé. Ça nous ramène àl’époque où nous avons commencé au Japon. LesAustraliens aiment s’amuser. Ils sont très ouverts etn’ont absolument aucun préjugé. La musique rockfait partie de leur culture et de leur vie quotidienne.C’est quelque chose que l’on peut vraiment sentir.Ils sont très spontanés dans leur approche de lamusique. Espérons que nous serons en mesure d'ob-tenir le même genre de réactions en Europe.

PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN DEROME

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G lénat vient de publier Crueler thandead, un manga zombie de saIMuRa

Tsukasa et TaKaHasHI Kozo. a36 ans, le premier est scénariste. Il est particu-lièrement célèbre au Japon pour ses histoiresde zombies et son travail actuel en solo Igai /The Play Dead / Alive a été traduit en plusieurslangues. TaKaHasHI Kozo, 39 ans, travaille,quant à lui, dans le manga depuis de nombreusesannées. Il a été l’assistant de HaNazawa Kengopour I Am a Hero et d’OTaGaKI yasuo pourMoonlight Mile. Le duo au look hipster a eu lagentillesse de partager ses réflexions sur lesmangas, les films d'horreur et l'activité de leurcercle dôjinshi.

Comment vous êtes-vous rencontrés ?TAKAHASHI Kozo : Il y a environ 12 ans. Nousavons tous les deux été assistants d’OTaGaKI

yasuo pour son manga Moonlight Mile. LorsquesaIMuRa a rejoint l'équipe, j’avais déjà travaillésur ce projet depuis quelques années. J’étaisalors un des principaux assistants.SAIMURA Tsukasa : Nos bureaux étaient côteà côte. C’était donc très facile de discuter. C’estainsi que nous avons découvert que nous par-tagions le même intérêt pour les films de zom-bies.

Est-ce que le travail d’assistant est aussi durqu’on le dit ?S. T. : Oui, ça l'est. Pour moi, ce fut vraiment

une période difficile. C’est une période de mavie dont je n’aime pas vraiment parler (rires).T. K. : Quand il est arrivé, j’ai pensé qu'il netiendrait pas une semaine, mais il a persévéré.S. T. : Les nuits de travail sont particulièrementdifficiles. Quand vous devez tenir un délai, iln’y a pas un moment pour se reposer. Vousdevez continuer à dessiner jusqu'à ce que letravail soit achevé. Cela dit, notre équipe étaitplutôt bien organisée de sorte que nous étionsmieux lotis que d’autres assistants.

Pourquoi aimez-vous autant les histoires dezombies ?S. T. : Ça a été un coup de foudre. J’ai vu lefilm Zombie Nightmare quand j’étais à l'écoleprimaire (TaKaHasHI était déjà au collège) etje me suis dit “waouh ! des zombies !!!” J’aime

Inédit au Japon, Crueler than dead est lefruit du travail de deux amateurs de cinémaqui n’ont pas leur langue dans la poche.

MANGA Rencontre avec un duo de choctous les types de films d'horreur et j’ai passémon enfance à me forger une connaissance dansle genre jusqu'à ce que je tombe sur La Nuit desmorts-vivants de George Romero quand j’étaisadolescent.T. K. : Bien sûr, beaucoup de gens ont connules zombies grâce à Thriller, le clip vidéo deMichael Jackson. Les années 1980 ont été ungrand moment pour les fans de films d’horreurparce qu’on en diffusait souvent à la télévision,surtout après minuit. Il y avait soit des filmsd’horreur soit des films érotiques. J’ai perdubeaucoup d’heures de sommeil à les regarder etmes notes à l’école ont chuté (rires).

Et vos parents ne vous disaient rien ?S. T. : Mon père partageait la même passionpour le cinéma. Quand j’étais enfant, nousvivions à Hong Kong et nous passions unegrande partie de notre temps libre à regarderdes vidéos louées à la maison.T. K. : Quand le tueur en série MIyazaKI Tsu-tomu, qu’on disait fan de films d’horreur, a étéarrêté en 1989, cela a marqué la fin du boomde l'horreur au Japon.

Igai est publié sous forme de série dans GekkanComic Ryû. Comment cela s’est-il passé ?S. T. : Je l’ai présenté à un certain nombred’éditeurs, en leur expliquant le plan de l’histoire.Ils ont proposé quelques modifications, et fi-nalement nous avons conclu un accord. J’ai eude la chance parce qu’il y a actuellement unesorte de retour du zombie dans le manga grâceau succès de I Am a Hero.T. K. : N’empêche que Crueler than dead a étérejeté par tous les éditeurs. Tous ceux à quinous l’avons montré étaient d’accord pour direque c’est une histoire intéressante, mais ils l’onttrouvé graphiquement trop violente.

RéféRencecrueler than dead de SaimuRa Tsukasa et TakahaShi

kozo, trad. marie-Saskia Raynal, éd. Glénat, 10,75€.

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Quelle est la principale différence entre Igaiet Crueler than dead ? S. T. : Au niveau de l’histoire, dans Cruelerthan dead, le monde a été conquis par leszombies, mais un vaccin est développé qui peutinverser le processus et guérir ceux qui ont étéinfectés. Igai, pour sa part, est une pandémiezombie. L'histoire commence au moment oùla crise est en train de démarrer.T. K. : En outre, puisque Crueler than deadn’a pas été publié au Japon, nous avons étélibres d'expérimenter et de faire ce que nousvoulions. En revanche, pour Igai, SAimurA tra-vaille avec un éditeur qui intervient toujourspour dire des choses du genre “montrer les in-testins, ce n’est pas bien, il faut couvrir les seinsavec un peu de lettrage ou tu dois changer ceci etcela”.S. T. : Lorsque vous visez un lectorat entre 15et 18 ans, vous devez toujours être prudent surce que vous pouvez faire et ce que vous nepouvez pas. Si vous allez au-delà de certaineslimites, vous êtes sûrs d'avoir des problèmes.Voilà pourquoi tous les mangaka pratiquentune sorte d'autocensure.

Glénat présente Crueler than dead commeun mélange de Walking dead, Mad Max etAlien. Qu’est-ce qui vous a inspirés ?S. T. : Nous sommes des fans de cinéma etnous aimons tous les genres, pas seulement lesfilms d’horreur. mais de façon générale, nousavons été inspirés par différentes choses. Per-sonnellement, j’aime beaucoup les histoiresdramatiques. A l’avenir, je voudrais publier unehistoire d'amour même si je doute qu’on melaisse faire. mais au fond, même lorsque vouscomposez un manga d’horreur, vous ne pouvezpas écrire une bonne intrigue si vous n’avezpas un esprit ouvert.

Que pensez-vous de Resident evil ?(Les deux hommes ont un fou rire) S. T. : Nous

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sommes redevables à ces films parce qu'ils ontcontribué à renouveler l’intérêt pour les histoiresde  zombies.  Mais  à  part  cela,  ils  ne  sont  pastrès bons dans  l’ensemble. On ne peut mêmepas dire qu’il s’agit de véritables histoires d'hor-reur. Il s’agit plus de films d'action qui ne meplaisent pas tant que ça.

Auparavant,  il  n’existait  qu’un  seul  type  dezombie dans les histoires qui étaient publiées.Ils  marchaient  lentement  et  apparemmentsans but ni fin. Ils avaient l'air dangereux etstupides  à  la  fois.  Aujourd’hui,  nous  avonsdes zombies qui courent, des histoires d’amourentre zombies, etc. Que pensez-vous de cettetendance à la diversification ?T. K. : Nous aimons aussi bien les zombies quimarchent que les zombies qui courent. Ils sonttous les deux présents dans nos mangas. Pourle reste, je pense que les choses vont trop loin.Franchement des histoires d’amour entre zom-bies !  Et  pourquoi  pas  des  zombies  comiquestant qu’on y est ! Ceux qui font ça dénaturentle genre zombie. Les zombies ne sont pas censésêtre mignons !

Vous avez choisi plusieurs endroits de Tôkyôpour planter votre histoire. Comment avez-vous procédé au choix ?S. T. : L’histoire commence dans la préfecturede Gunma, au nord de la capitale, et se déplaceprogressivement  vers  Tôkyô,  en  passant  parOmiya et Kawaguchi dans la préfecture voisinede  Saitama.  Je  connais  très  bien  Kawaguchiparce que j’y ai vécu de nombreuses années. Jevoulais l'utiliser dans l'histoire. J’ai même faitfigurer  l’Elsa  Tower  55  et  ses  186  mètres  dehauteur. Elle  se  trouve à proximité de  la garede Kawaguchi.T. K. : Le plus drôle, c’est que j’ai dessiné à lafois la Tour Elsa et le Tôkyô Dome, sans jamaisy avoir mis les pieds. J’ai juste fait appel à monimagination (rires).

Pouvez-vous dire un mot de Mokuzô Kenchiku50 kai ?S.  T.  : Nous  avons  choisi  ce  nom  parce  qu'ilsonne comme celui d’un magasin ou d’une en-treprise.  Au  Japon,  si  vous  voulez  vendre  vosœuvres  lors  d’un  rassemblement  de  dôjinshi,vous devez créer votre propre cercle. La plupartd'entre eux sont en fait composés de seulementune  ou  deux  personnes.  Quoi  qu'il  en  soit,nous  vendons  nos  œuvres  au  Comiket  et  auComitia depuis 2011.

Est-ce  que  le  Comiket  et  le  Comitia  sontaussi différents qu’on le dit ?S. T. : Oui, ils sont très différents. Tout d'abord,le Comiket est beaucoup, beaucoup plus grandque le Comitia. Le premier attire régulièrement

500 000  personnes  en  deux  jours.  Le  secondne dépasse pas un dixième de ce nombre. D'autrepart,  le Comitia  se  tient quatre  fois par an, ycompris à Ôsaka et dans d’autres villes moinsimportantes.  Le  Comiket  ne  se  déroule  qu’àTôkyô, en été et à la fin de l'année.T. K. : Une distinction importante est liée aufait que  les cercles à Comitia ne vendent quedes  œuvres  originales,  comme  notre  manga,alors que la plupart des choses que vous trouvezau Comiket sont des parodies de mangas déjàcommercialisés  comme  One Piece ou  SailorMoon.  Pour  la  même  raison,  le  cosplay  estinterdit au Comitia, alors que le Comiket estcélèbre  pour  toute  l'activité  de  cosplay  qui  sedéroule à l'extérieur.

PROPOS RECUEILLIS PAR J. D.Jé

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C’est une même passion pour le cinéma de genre qui a réuni les deux talentueux auteurs.

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C ’était il y a tout juste cinq ans. ZoomJapon sortait son premier numéro. grâceà votre soutien et à celui de nos annon-

ceurs, cette aventure éditoriale se poursuit avectoujours la même envie de mieux faire connaîtrele Japon à un lectorat de plus en plus large.Soucieux d’offrir un contenu de qualité tant surle plan des articles que sur celui de la photographie,nous conservons un haut niveau d’exigence mêmesi nous restons un “gratuit” comme certains disentavec mépris. Au terme de ces cinq années d’exis-tence, nous sommes fiers de ce que nous avons puréaliser et il nous a semblé judicieux de faire unbilan par rapport au premier sujet que nous avionsabordé dans notre première livraison. Avant de nous lancer dans la réalisation de cenouveau magazine consacré au Japon, nous avionsbeaucoup réfléchi à la thématique que nous devionsaborder dans le tout premier numéro. C’était eneffet crucial, car le choix définitif détermineraiten quelque sorte la ligne éditoriale de Zoom Japon.Il n’était pas question pour nous de proposer undossier consacré au manga ou à l’animation. nonseulement c’était un peu facile, mais il existaitdéjà des publications spécialisées bien mieuxplacées que nous pour réaliser un ensemble surun sujet comme celui-ci. Cela ne voulait pas direpour autant que nous nous interdisions d’aborderla culture populaire. C’était juste une questionde positionnement général. nous ne voulions pasnon plus publier un premier numéro consacré auJapon traditionnel ou au tourisme dans l’archipel,ce qui nous aurait définitivement ancré dans lacatégorie des périodiques de voyages que nous necherchions pas à devenir. Cela ne nous a pas em-pêchés de vous offrir tous les mois des idées de

voyages dans l’archipel ni d’explorer des pans dela tradition nippone. Le numéro que vous tenezentre les mains en est d’ailleurs la meilleure des il-lustrations puisque ce sont les matsuri (fêtes tra-ditionnelles) qui sont à l’honneur. reste que pour un premier numéro, nous devionsfaire preuve d’originalité. Et nous avons réussià atteindre cet objectif en choisissant de mettrel’accent sur un thème qui nous semblait mériterun traitement un peu plus profond que celuidont il avait bénéficié jusqu’à présent. Le polarnippon nous apparaissait alors comme un sujetprometteur. Les éditeurs français commençaientà s’y intéresser plus sérieusement. nous avionsmême débusqué une jeune maison d’éditionimplantée dans l’ouest de la France qui s’apprêtaità faire du roman policier japonais sa marque defabrique. Les livres avaient été traduits et im-primés, mais finalement l’entreprise ne les a

Depuis le premier numéro de Zoom Japonen 2010, les auteurs de romans policiersont pris du galon dans l’hexagone.

LIVRES Le polar nippon est sorti du boisjamais commercialisés. Il faudra attendre quelquesannées pour que l’éditeur Philippe Picquier sesubstitue à elle. Malgré cette déconvenue, le titre choisi alors “Lepolar nippon sort de l’ombre” s’est avéré en définitivetout à fait judicieux. En effet, depuis la parutiondu numéro 1 de Zoom Japon, le roman policiervenu du pays du Soleil levant a pris pied en France.A tel point que l’on peut voir désormais deslibrairies en mesure de faire des vitrines consacréesà la littérature policière japonaise avec des auteursdont on avait à peine entendu parler il y a cinqans. HIgASHIno Keigo, nAKAMurA Fuminori,MInAto Kanae, KAKutA Mitsuyo, ISAKA Kôtarôfont partie aujourd’hui de cette catégorie mêmesi certains d’entre eux ne sont pas spécialisés dansle genre polar. Il n’empêche qu’ils apportent unnouveau souffle avec des approches et des sensibilitésbien différentes de celles que l’on rencontre dansle roman policier venu d’outre-Atlantique ou deScandinavie. La plupart d’entre eux ancrent leurshistoires dans la réalité japonaise, offrant ainsiune ouverture sur une société qui reste pour beau-coup de lecteurs lointaine et parfois exotique.C’est évidemment un excellent moyen d’appré-hender ce pays en évitant les clichés auxquels unécrivain non japonais aurait été tenté de recourirpour satisfaire son éditeur.Avec un romancier nippon, on pénètre tout dego dans un Japon parfois étonnant et dérangeant,mais bien réel que seul un auteur du cru est enmesure de transmettre avec sa perception toutelocale. C’est d’ailleurs cette approche qui dominedans les quelques romans noirs made in Japanapparus dans les rayons de nos librairies au coursdes dernières semaines. Aussi à l’approche des va-cances d’été, moment privilégié pour la lecture,on ne peut que vous recommander de vous lesprocurer et de les dévorer. Chacun à leur manière,ils apportent un supplément de connaissances

Dans son numéro 1 paru en juin 2010, Zoom

Japon avait consacré son dossier à la littérature

policière venue de l’archipel.

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sur le Japon avec des intrigues bien ficelées et trèsprenantes. Honneur aux dames avec Minato

Kanae et ses Assassins de la 5e B (Kokuhaku).Publié au Seuil dans sa fameuse collection Policiersqui compte Michael Connelly, Deon Meyer ouencore Henning Mankell, ce roman est une bellerévélation. Première œuvre de cette ancienne en-seignante devenue femme au foyer, elle a immé-diatement rencontré le succès auprès du public,mais aussi des critiques qui ont apprécié l’intrigueet la psychologie des personnages. aux Etats-unisoù la traduction des Assassins de la 5e B est sortiel’année dernière, on l’a comparée à l’œuvre degillian Flynn qui a donné lieu au film Gone Girl.il est vrai que la vengeance à laquelle veut se livrerla protagoniste de l’histoire imaginée par Minato

Kanae est particulièrement élaborée dans saconception et dans son exécution. on ne s’étonne

donc pas de voir ce premier roman adapté aucinéma comme l’a été Les Apparences (Le Livrede poche) de gillian Flynn. adapté au cinéma en2010 par naKaSHiMa tetsuya, Les Assassins dela 5e B a aussi été un énorme succès dans l’archipel.avec MatSu takako dans le rôle de l’enseignantevengeresse que l’on a pu récemment apprécierdans La Maison au toit rouge, ce film a été sélec-tionné pour les oscars du meilleur film étranger,mais il n’a pas eu la chance d’intéresser les distri-buteurs français qui ne regardent que les cinéastesde festival (ceux qui n’ont pas de problèmes avecles sous-titres en anglais peuvent se procurer leDVD du film en grande-bretagne sous le titreConfessions). Heureusement l’un d’entre eux, Ku-RoSawa Kiyoshi, a eu la riche idée d’adapter unautre roman signé Minato Kanae. Shokuzai,tourné initialement pour le petit écran, est devenuun long-métrage en deux parties qui a relancé lacarrière du cinéaste. Ce film a aussi permis aupublic occidental de saisir le talent de la romancièrejaponaise et sa capacité à créer des atmosphères

pesantes avec des personnages en quête de revanche.Pour Minato Kanae, la vengeance est un platqui se mange froid et qui se mitonne. Les Assassinsde la 5e B en est une parfaite illustration. Sonauteur entraîne le lecteur dans une histoire où ilne peut pas rester tout à fait neutre. Doit-on sevenger de la mort de son enfant lorsque le crime aété commis par des préadolescents ? Quel visagedoit prendre la justice ? Voilà des questions quise posent tout au long de la lecture très prenantede ce livre qui se lit d’une seule traite. on sentque l’écrivain dispose d’une solide culture dans ledomaine du roman policier. Minato Kanae aimeEDogawa Ranpo, le père du roman policier mo-derne au Japon publié en France chez PhilippePicquier et chez wombat, MiyabE Miyuki (Phi-lippe Picquier), ayatSuJi yukito et HigaSHino

Keigo. Ce dernier n’est plus aujourd’hui une ré-vélation en France. Mais il y a 5 ans, lorsqueZoom Japon a publié son dossier consacré au polarnippon, il faisait son apparition dans les librairiesde l’hexagone. Depuis, grâce à l’excellent travail

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Le roman de MINATO Kanae, Les Assassins de la 5e B (Kokuhaku), a été adapté en 2010 au cinéma par

NAKASHIMA Tetsuya. Le rôle principal est tenu par MATSU Takako.

Third

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RéféRenceLes Assassins de la 5e B de MinAto Kanae,trad. Patrick Honnoré, éd. Seuil, 21,50€.

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de son éditeur, actes Sud, le romancier s’estinstallé dans le paysage à raison d’un roman traduitpar an. après L’Equation de plein été en 2014,Higa SHiNo Keigo revient avec La Lumière de lanuit (Byakuyakô), une œuvre ambitieuse quis’inscrit dans la veine des plus grands polarsnippons. il est d’ailleurs amusant de noter le clind’œil du romancier dès la première page de sonroman à MatSuMoto Seichô, le grand maître dela littérature policière d’après-guerre au Japonpublié en France chez Philippe Picquier et actesSud. Enorme succès dans l’archipel où il s’estvendu à plus de deux millions d’exemplaires, ceroman-fleuve est un excellent moyen de plongerdans l’histoire du Japon des dernières décennies.dans la veine sociale du polar comme on l’aimedans l’archipel, La Lumière de la nuit offre uneexcellente plongée dans la société contemporainesur fond d’une enquête de longue haleine où ledestin de plusieurs personnages se mêle avec uneincroyable subtilité. C’est ce qui fait la force de ceroman paru en 1999 au Japon et adapté à la télé-vision et au cinéma. on ne s’ennuie pas une seuleseconde et on apprécie la manière avec laquellel’auteur nous entraîne dans des univers variésavec des protagonistes qui ont su s’adapter auxbouleversements que le pays a connus au coursde ces années cruciales dans son développement.il y a indéniablement du MatSuMoto Seichôdans ce roman qui se dévore grâce à la belle tra-duction de Sophie Refle. on peut en dire tout autant du dernier iSaKa

Kôtarô traduit avec brio par Corinne atlan. LaMort avec précision (Shinigami no seido) prouveune nouvelle fois que l’écrivain japonais fait partiedes plus grands avec une histoire à la limite dupolar et de la littérature pure. depuis son premierroman en 2000, La Prière d’Audubon publié enFrance chez Philippe Picquier, pour lequel il aobtenu le prix Shinchô Mystery Club, le romanciera produit une œuvre où le suspense tient unegrande place. La Mort avec précision ne dérogepas à cette règle puisque iSaKa Kôtarô a choisi de

mettre en scène le dieu de la Mort en déplacementsur terre pour savoir si l’heure est vraiment venuepour tel ou tel humain de mourir. Commetoujours, le romancier ne manque pas d’humouret brosse un portrait sans concession de ses contem-porains tout en entretenant un suspense total surla mort de celui qui a été désigné pour faire legrand saut. Pur moment de plaisir, ce romanmontre la richesse de la littérature policièrejaponaise dont la lecture peut être complétée parLe Démon de l’île solitaire (Kotô no oni) d’Edogawa

Ranpo publié au printemps chez wombat ouencore La Cigale du huitième jour (Yôkame nosemi) de KaKuta Mitsuyo chez actes Sud. dans ce panorama, il convient d’ajouter lesécrivains étrangers qui abordent le Japon dansleurs romans. En 2010, au moment où ZoomJapon voyait le jour, le Britannique david Peacepubliait Tokyo ville occupée (Occupied city) chezRivages. Cinq ans plus tard, tandis que votremensuel souffle ses cinq premières bougies, unautre grand nom du polar fait paraître un romanoù le Japon est en toile de fond. avec Perfidia,James Ellroy s’intéresse au destin des Nisei, cesémigrés japonais, pris au piège de la Secondeguerre mondiale. Le style est beaucoup plus ru-gueux que celui de MiNato, HigaSHiNo ouiSaKa, mais on se prend à explorer la psychologiecomplexe de aSHida Hideo, de la police scienti-fique, qui occupe une place importante dans l’en-quête sur la mort d’une famille d’origine japonaiseà la veille de Pearl Harbor. Publié aussi chezRivages, ce polar tient toutes ses promesses. onaimerait maintenant que l’éditeur reprenne lapublication d’auteurs nippons comme il l’avaitfait en 2010 avec SHiMada Sôji et son incroyableTokyo Zodiac Murders. ODAIRA NAMIHEI

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RéféRencesLa Lumière de la nuit de HigasHino Keigo,trad. sophie Refle, éd. actes sud, 23,80€.La Mort avec précision de isaKa Kôtarô, trad. corinne atlan, éd. Philippe Picquier, 22,50€.

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P ar un bel après-midi tokyoïte, rendez-vous a été pris dans les locaux de laNHK à proximité de l’ancien stade

olympique en cours de démolition, pour laisserplace à la future enceinte qui accueillera laplupart des épreuves des Jeux de 2020. PeterBarakan, animateur de l’émission Japanology,nous attend pour évoquer son parcours auJapon commencé il y a 40 ans. L’homme qui anotamment permis de construire des pontsentre l’Europe et le Japon sur le plan musicaln’appartient pas à cette catégorie d’étrangers“tatamisés” comme on dit avec dédain. Il aconservé une distance avec son pays d’adoptionqui lui permet d’avoir un regard juste sur lesannées qu’il y a passées.

Quand et pourquoi êtes-vous venu au Japonpour la première fois ? Peter Barakan : Il y a 40 ans maintenant. C'estune histoire un peu étrange. Dans la versioncourte, une maison de disque avait fait paraîtreune annonce et cherchait à recruter un Anglaispour venir travailler à Tôkyô. Je l'ai découvertealors que j’étais employé chez un disquaire àLondres. Dans la version longue, j’avais étudiéle japonais à l'université, et c'est cela qui estétrange, il n'y a jamais eu de raison valablepour justifier la raison de mon choix. On mepose toujours cette question, et si je dois mejustifier, c'est parce que j'ai toujours aimé leslangues, à mon avis. J'ai étudié pendant 7 ansle latin et le grec à l'école et je me suis régalé.Ce sont des langues mortes qui ont peu d'utilitési ce n'est de pouvoir comprendre sa proprelangue. Non seulement l'anglais, mais égalementla plupart des langues européennes. Au momentoù je tentais de choisir mon orientation à l'âgede 17 ans, je refusais d’aller sur le marché dutravail. À l'époque en Angleterre, les impôts sur lerevenu avoisinaient les 30 %, par contre lesétudes à l'université étaient gratuites. Je n'avaispas à me sentir coupable vis-à-vis de mes parentsd'aller à l'université. Alors je me suis décidé etje me suis dit : “je n'ai qu’à apprendre une langueou une autre”. Je n'arrivais pas à me décider, iln'y avait rien en particulier qui me donnaitenvie. Si je me mettais à étudier une langue àce moment-là, je ne voulais pas que ce soit unelangue européenne comme une autre, sinon ilme suffisait d’aller vivre dans ce pays pour l'ap-prendre. Je me suis dit que je devais me lancer

un défi. Quand un jour le japonais fit son ap-parition dans une conversation, je me suis dit :“mhhh, pourquoi pas ?”. C’est amusant car j'enparlais justement aujourd’hui avec une personnequi vit aux Etats-Unis. Elle s'est mise à étudiercette langue pour les mêmes raisons, à peu dechose près. Je suis donc parti m'inscrire à la facpour étudier le japonais. Rétrospectivement,cela peut sembler très étrange comme façon defaire. Mais vous savez, quand on a 17 ou 18 anson a tendance à faire des choses étranges. Alors, après la fac, je ne savais pas ce que jevoulais faire dans la vie. Je n'avais pas une enviepressante de venir vivre au Japon à l'époque. Iln'y avait alors rien de plus important pour moique la musique, et je voulais travailler dans cedomaine en lien avec la musique. Mon premiertravail était donc dans une boutique de disques.J'y ai travaillé pendant 9 mois. Et soudain il yavait cette opportunité d'aller à Tôkyô qui s'estprésentée. C'est arrivé tout d'un coup. Et quandils m'ont donné un coup de fil pour me dire :“oui, nous voulons que vous veniez”, ce fut encoreplus soudain, puisqu'ils souhaitaient que jevienne dans les 10 jours après leur appel.

Est-ce que le départ a été difficile ?P. B. : Non, parce que c'est arrivé si vite. Si jen'avais jamais eu l'intention de partir, dès ledépart je n'aurais jamais répondu à l'annonce.Je ne savais pas combien de temps j'allais rester,je n'y pensais même pas. Je n'avais alors que22 ans. C'était comme partir à l'aventure, etme voici toujours là, 40 ans plus tard.

Vous rappelez-vous de vos premières impres-sions en arrivant à Tôkyô ? P. B. : La première impression a été celle d'unchoc. Parce que je suis arrivé le 1er juillet, enpleine saison des pluies. Il pleuvait des cordes.Le ciel était d'un gris sombre et je n'avais jamaisvu une pluie comme celle-là. En Europe, dumoins à l'époque, on ne voyait jamais de tellesaverses.

Même en Angleterre ?P. B. : Il pleut beaucoup en Angleterre, maispas autant, vous savez, pas comme pendant lasaison des pluies. Et à l'époque, il n'existait pasde rampe d'accès pour l'avion. On devait doncdescendre l'escalier, prendre le bus. C'était àl'époque de Haneda. Narita n’était pas encoreouvert. En une seconde top chrono, je me suisretrouvé trempé. Donc ce fut comme un choc,et bien sûr le taux d'humidité était bien supérieur.Mais bon, enfin, quelqu'un s'était déplacé pourm'emmener au bureau. Mes premières impres-

Présent dans l’archipel depuis plus de40 ans, le Britannique propose chaquesemaine une vision de son pays d’adoption.

INTERVIEW Le Japon selon Peter Barakansions sont plutôt d’ordre olfactif. Je pense quechaque pays possède sa propre odeur. Et je mesouviens quand je suis allé manger un repas lepremier jour. On m'a emmené déjeuner dansun restaurant de soba, et je me souviens del'odeur de la sauce de soja mélangée au dashi.C'était une odeur très particulière et je n'avaisencore jamais senti rien de tel avant en Angleterre.Ce n'était pas désagréable, mais c'était un parfumtrès puissant. Je me souviens que c'était mêmeune odeur suffocante, du moins pendant uncertain temps. Il y a d'autres odeurs, d’autresaliments cuisinés que je n'arrive toujours pas àapprécier. L'odeur du daikon (radis blanc), parexemple. Je n'ai jamais aimé l'odeur du daikonoroshi (radis râpé). Je dois m'enfuir quand je lasens. C'est la même chose avec l’oshinko, ces lé-gumes macérés à la japonaise. Je n'apprécie pasleur parfum. J'ai le souvenir de m'être renduune fois dans un grand magasin et entre l'entréeprincipale et l'escalier qui descend au sous-sol,on trouve la partie alimentaire du magasin, ettout de suite, on perçoit l'odeur des oshinko. Etje me suis dit : “zut, il faut que je m'échapped'ici”. Il y a donc eu de petits chocs culturels dece genre. Ou plutôt que des chocs culturels, despetites choses comme celles-là.

Des chocs olfactifs…P. B. : Exactement. Des chocs olfactifs. Maisc'était une grande aventure. Tout était nouveau.Bien qu'ayant étudié la langue, ce n'était qu'uncours de langue et je n'avais pas tant appris surla culture japonaise. On devait lire un livre, enseconde année si je me souviens bien. Nihonjinno ikikata [La façon de vivre des Japonais] étaitson titre. Une partie traitait de la culture japo-naise. Et en troisième et en quatrième année,j'ai étudié pendant un temps la sociologie. Iln’en reste pas moins vrai que lire un livre etfaire l'expérience d'un lieu de première mainsont des choses complètement différentes. Cefut une grande aventure dès le départ. Une ex-périence très intéressante puisque je n'avais pastant de connaissances que ça, et je n'avais pasbeaucoup d'a priori ce qui m'a aidé à m'intégrer.Si j'avais étudié beaucoup plus, et que j'avais eubien plus d'a priori, peut-être ce n’aurait pasété aussi facile. Peut-être.

C’est tout à fait possible en effet.P. B. : Je me souviens par contre, par un jourd'été en 1974, il y a bien 40 ans, alors que cen'était que la seconde semaine après être arrivéet j'avais un ami qui vivait ici, un ami japonaisalors que je venais d'arriver. Et je me souviensque sa sœur m'avait emmené découvrir Shinjuku.

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C'était le week-end, un dimanche certainementpuisque c'était hokosha tengoku [le paradis despiétons]. Les voitures n’avaient pas le droit decirculer ce jour-là, et ce devait être le quartierde Shinjuku dôri. Il y avait un de ces mondes,et là ce fut un choc. En effet, je me doutaisbien que Tôkyô était une ville énorme avec,une population incroyable. Mais de voir envrai des milliers et des milliers de personnesdans la rue. La rue à Shinjuku était large, et làje me souviens d’avoir été surpris. Je me souviensaussi de m'être perdu à plusieurs reprises dansla gare de Shinjuku pendant la première année.L’idée même d'une gare aussi grande, il n'y arien de tel à Londres, avec toutes ces lignes detrains la traversant. Ah oui, il y a encore autrechose... Vous allez devoir m'arrêter à la fin, si-non...

Sinon quoi ? Votre découverte de Tôkyô estpassionnante…P. B. : Il y avait les distributeurs de tickets !On était en 1974. Je ne connais pas Paris, maisà Londres, les distributeurs de billets dans lesgares étaient très primitifs. Il fallait mettre lebon montant en monnaie. Et presque tout lemonde, enfin personne ne s'en servait. Tout lemonde se rendait au guichet et faisait la queuepour prendre son billet pour pouvoir monter àbord. Sauf si vous aviez un abonnement. Au Ja-pon, il y avait des rangées entières de machines,et on pouvait y introduire autant de pièces quel'on voulait et la monnaie nous était rendue !C'était si efficace ! Probablement parce que... Jen'imaginais pas l'Angleterre être à la traîne, etje pense que c'était le cas pour la plupart en Eu-rope. Et les banques aussi disposaient de distri-buteurs... Il y en avait à Londres, mais je nem'en étais encore jamais servi. Mais me voilàarrivé au Japon et toutes les banques en avaientau milieu des années 70. Et je suppose, cela m’aeffrayé. Je ne savais pas m'en servir, et je nem'en suis pas servi avant quelques années. Jeme rendais au comptoir et je demandais à l’em-ployé pour retirer de l'argent.

Bien qu’il y ait ce côté effrayant, vous vousêtes bien adapté…P. B. : Pour commencer, oui, j'aimais tout ceque je voyais. Mais tout était nouveau pour moiet c’était une expérience inédite. Au bout d’unan, je m'y suis habitué. Toutefois beaucoup dechoses étaient sources de frustration aussi, etpendant un temps cette frustration avait finipar me gagner au point d'envisager de rentrer.C'était pendant la seconde année. Je me souviensavoir écrit une lettre à ma mère lui expliquantmes sentiments. Et elle m'avait répondu : “Ehbien, je pense comprendre ce que tu me dis, maisil faut que tu te rendes compte que ce n'est pas le

Japon qui a changé, mais c'est toi qui es diffé-rent”.

Vous aviez mûri ?P. B. : Possible puisqu'après avoir lu sa lettre,je me suis dit "bien...", et dès cet instant, j’aisenti toute ma frustration se dissiper et je suisdevenu beaucoup plus neutre à ce propos.

Vous avez accepté la situation.P. B. : Cela m'arrive encore de me retrouvercontrarié par certaines caractéristiques de Tôkyô,et peut-être du Japon en général. De toute évi-dence, j'ai grandi dans une société complètementdifférente et les expériences que l’on vit pendantl’enfance ont beaucoup de poids dans une vie àmon avis. Je ne me vois pas vraiment commeun Britannique, par contre je me vois très biencomme Londonien. Et il reste en moi encorebeaucoup de Londres, et certainement je doisadmettre qu’il me reste quelque chose de lamentalité britannique aussi. J’ai une bonneconnaissance du Japon bien sûr, et j’aime cepays de différentes manières, cependant je nesuis pas tout à fait à l’aise avec certains de ses as-pects. Vous savez, surtout la culture de masse.

Vous avez d’abord travaillé dans une entreprisedédiée à la musique. Vous faisiez le lien entreles musiciens japonais et européens. Que re-tenez-vous de cette expérience ? P. B. : Dans mon premier emploi, je travaillaispour une boîte qui publiait des magazines.L’équipe éditoriale interviewait souvent desmusiciens, alors je les accompagnais pour servird’interprète.

Et cette expérience qui vous a permis de rap-procher des gens avec votre connaissance dela culture et de la société japonaises, vous sert-elle aujourd’hui dans votre travail au sein deJapanology ?P. B. : Oui, tout à fait. Car je pense que laplupart des personnes qui regardent Japanologyont un intérêt pour le Japon, qu’il soit lié à laculture traditionnelle, au manga ou à autrechose. Ils en savent ainsi quelque chose, mais ilest probable qu’ils n’en savent pas beaucoupplus, sauf s’ils ont vécu au Japon. J’ai l’impressionque mon rôle est de rendre le contenu plus ac-cessible pour le public non japonais. Les personnesqui créent ces émissions, soit les directeurs deNHK ou les producteurs, ne parlent pas l’anglais.Ils ne parlent que le japonais et n’ont vécu qu’auJapon, alors leur approche est très japonaise.Souvent, lorsque je lis l’un de leurs scénarios, jeleur réponds : “Ce que vous souhaitez demander,ou ce que j’aborde ici, c’est quelque chose que seulun Japonais comprendrait. Si nous voulons com-muniquer cela au public étranger, nous devons leformuler autrement, comme ceci par exemple”.C’est très courant pendant l’émission, et si nousvoulons que nos émissions sur le Japon soientefficaces auprès d’un public étranger, il fautprendre cela en considération. Quelqu’un doitparfois traduire les idées. Cela fait longtempsque l’émission existe… elle a changé de format àdeux reprises. La première version de Japanology,qui était diffusée les week-ends, a été lancée en2003, alors cela fait 12 ans que nous existons.

L’émission a toujours été hebdomadaire ?P. B. : C’est un programme hebdomadaire quidiffuse une quarantaine d’émissions par an, je

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Japanology, l’émission présentée par Peter Barakan est diffusée tous les jeudis en Europe via NHK World.

Pour en savoir plus : http://www3.nhk.or.jp/nhkworld/english/tv/japanologyplus/

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crois. La dernière semaine de chaque mois nousrediffusons une émission.

D’après vous, quels sont les aspects de la cultureet de la vie quotidienne japonaises qui intéres-sent le public ?P. B. : C’est une question difficile, je n’ai pasvraiment de réponse. Nombreux sont ceux quime contactent via Facebook. Parfois, certainespersonnes me proposent des idées qu’elles ai-meraient voir traitées par Japanology. L’autrejour, quelqu’un m’a proposé… c’était quoi déjà ?Un sujet sur le verre je crois. Mais c’était unsujet assez pointu. Il m’a écrit : “vous devriezfaire une émission là-dessus”. Quelqu’un d’autrenous a demandé de faire une émission sur… dessabres ? Des sabres japonais. au fur et à mesure,et surtout lors des 3 à 4 dernières années, lesgens se sont habitués à Japanology. Mais peu depersonnes ont suivi les débuts de l’émission, etnous avons déjà couvert un certain nombre deces thèmes. Je pense que nous les aborderons ànouveau.

Votre approche est-elle ainsi différente de l’ap-proche des chaînes privées japonaises ? Ellesaccueillent souvent des invités étrangers quiviennent échanger sur leur propre culture etsur ses ressemblances avec la culture japonaise.Mais ces propos restent en surface, alors com-ment vous démarquez-vous de ces émissions ?P. B. : Je ne suis pas vraiment fort en divertis-sement, et j’ai tendance à être un peu plussérieux. Je suis de nature plutôt réservée. C’estpeut-être un trait un peu britannique. Mais encela, NHK me convient bien. Je trouve quenous allons bien ensemble. J’adore la dimensionpédagogique de l’émission. Mais d’un autre côté,elle est aussi divertissante, alors je fais de monmieux pour qu’elle ne soit pas trop coincée.J’aime bien qu’elle soit un peu décontractée,alors j’espère paraître un peu détendu à l’écran !Enfin, j’essaye !

J’étais récemment dans les préfectures deTottori et de Shimane. Voilà des années queje ressens la fracture entre Tôkyô et le reste dupays, mais je pense l’avoir ressentie encore plusfortement là-bas. Les gens y meurent, c’est unJapon qui disparaît. Cela m’a rendu triste.Lorsque vous travaillez sur Japanology, êtes-vous surtout à Tôkyô, ou vous rendez-vousaussi en province ?P. B. : Nous sortons assez souvent de la capitale,mais seulement pour la journée. Nous partonstôt le matin et rentrons le soir. De temps entemps, en été, lorsque la destination est un peuplus lointaine, j’y reste une nuit, mais j’ai rarementle temps de partir en expédition. Je trouve eneffet qu’on découvre le vrai Japon à l’extérieur

de Tôkyô. Tôkyô c’est un peu comme NewYork aux Etats-Unis. C’est parfois un tout autrepays.

Alors pourquoi ne pas avoir appelé l’émissionTokyology, plutôt que Japanology ?P. B. : (rires) En fait, il existe déjà une autreémission qui s’appelle Tokyo Eye. Certes, nousne traitons pas d’autres régions du Japon, maispour ce faire, je devrais changer de boulot.C’est malheureusement impossible pour moid’aller passer une semaine à Shimane parexemple. Les gens sont bien différents de ceuxà Tôkyô lorsque tu les rencontres. Ils sont tel-lement accueillants ! J’ai l’impression que, oùque l'on soit dans le monde, les gens sont géné-ralement plus sympas dans les campagnes. Cen’est pas qu’au Japon. Lorsqu’on se rend danscertains endroits un peu reculés de la campagne,akita par exemple, c’est comme si on avaitaffaire à un tout autre peuple.

Je voudrais parler avec vous de votre passionpour la musique. La musique et Japanology.Vous avez une émission, et elle est destinée àune audience japonaise. Alors imaginons quevous ayez une émission musicale destinée àdes étrangers, pour leur faire découvrir la mu-sique japonaise…P. B. : J’adorerais cela !

Comment l’envisageriez-vous ?P. B. : En plus de l’émission diffusée sur NHK,j’ai aussi une émission sur Inter FM. LorsqueInter FM a été créé en 1996, j’y avais une émissionen anglais. alors de nombreux Tokyoïtes anglo-phones m’écoutaient. Mais vous parlez d’uneémission destinée à une audience internatio-nale ?

Oui, bien sûr !P. B. : Le Japon est le seul pays à ne pas avoirune radio numérique diffusée au-delà de sesfrontières, c’est stupide. D’après moi, c’est parceque les maisons de disques ont une vision plutôtlimitée du monde. Ils se disent que “ceci est notremusique, vous ne pouvez pas l’avoir”. S’ils la dif-fusent en ligne, ils pensent que quelqu’un va lacopier. Mais les gars, vous avez été où ces vingtdernières années ?

Comment changer cette mentalité ?P. B. : C’est le problème. Le Japon a toujoursété, comment dire… sensible à l’étranger, à lapression extérieure. C’est difficile de mettre lapression sur le Japon. Tu peux faire du boucan,te plaindre comme je le fais, mais tout le mondes’en fiche. Ça fait quelque temps que je penseaux radios pirates des années 1960, en Europe.C’est intéressant. Ce n’était pas tout à fait illégal,

mais presque. Et ça avait tellement la cote avecdes millions d’auditeurs, qu’indirectement, ça afait évoluer les choses. Il aura fallu quelques dé-cennies, mais le paysage médiatique européen achangé de manière drastique dans les années1980. Je crois qu’il fallait quelque chose du genrepour réveiller le peuple. C’est peut-être ce dontont besoin les Japonais, pour se réveiller et pro-voquer du changement.

Vous avez des idées pour provoquer ce chan-gement ? Vous éloigner du Japon en bateaupeut-être ?P. B. : (rires) Nous n’avons plus besoin de fairecela. On peut se connecter à Internet par lebiais d’un serveur qui se trouve en Grande-Bre-tagne ou aux Etats-Unis, ou ailleurs, et ainsicontourner la loi et faire de la radio numérique.Je voudrais faire quelque chose dans ce genre.De nombreuses personnes sont au Japon pourla préparation des Jeux olympiques qui aurontlieu dans cinq ans, et nous avons aussi de plusen plus de touristes. Ces gens sont intéressés, ilsveulent savoir. Japanology, c’est super. Mais il ya plein d’autres sujets que Japanology ne peutpas traiter avec ses trente minutes hebdomadaires.Et ce serait bien d’avoir un support pour cela.Sans musique, il n’y aurait pas de problème.Mais à partir du moment où l’on diffuse de lamusique, il faut contourner la loi. Pour parlerdes affaires courantes, il n’y a aucun problèmepar le biais d’Internet ou de podcasts. Mais jesuis en train de regarder tout un tas de moyenspour monter un projet de ce genre.

Et en ce moment, quels artistes aimeriez-vouspromouvoir ?P. B. : La plupart des musiciens japonais quim’intéressent ont tendance à ne pas être trèsconnus ici. Et j’ai remarqué par le passé que lesgroupes japonais qui ont tendance à plaire àl’étranger ne sont pas les plus connus aussi. In-versement, ceux qui sont les plus connus ici n’in-téressent d’ailleurs pas vraiment les Occidentaux.Peut-être que j’ai tendance à écouter des groupesaux influences occidentales. Par exemple, legroupe de funk okinawais basé à Miyakojima,Black Wax, dont les musiciens ont la trentaine.Ils touchent à pas mal de styles, le rhythm andblues, le funk, le jazz, le reggae. Mais avec unetouche très locale. De temps en temps, la mélodieest okinawaise. Et puis ils ont une sensibilité quiles démarque. Je les trouve intéressants. D’autresgroupes… Il y a un guitariste acoustique que j’aidécouvert il y a un an. Il a de grosses influencesoccidentales, mais il est japonais, et c’est un sacrépersonnage ! Il s’appelle HaMaGUCHI Yûji etest originaire de Wakayama. Il a 59 ans et a en-registré son propre disque l’année dernière.

PROPOS RECUEILLIS PAR O. N.

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ou saucisse frite avec de la pâte etc… Les grilladessont aussi un des yomise les plus appréciés commele maïs grillé assaisonné à la sauce soja. Il exhaleune odeur appétissante et a le goût sucré naturel-lement. L’ayu est un poisson d’eau douce commeune petite truite que l'on ne mange qu'en été. Ilest salé et grillé. Ce poisson a un goût amer maissa chair est très moelleuse. Le calmar est populaireégalement. Normalement on le grille en entier eton l’assaisonne à la sauce de soja. Ça s’appelleikayaki. Mais dans la région d’Ôsaka, quand ondit ikayaki, on pense à autre chose. Ôsaka est larégion du konamon, un plat à base de farinecomme le takoyaki et l’okonomiyaki. Doncl’ikayaki à la mode d’Ôsaka ressemble à l’okono-miyaki mais sans chou et sans tenkasu. Côté sucré, il y a le wataame ou barbe à papa, lechoco-banana, banane embrochée et trempéedans du chocolat. Le ringo-ame, c’est une pommetrempée dans du sucre cuit, coloré et parfumé.Il y a d’autres variantes comme l’ichigo-ame avecune fraise, le mikan-ame avec une clémentine ou

E n entendant le mot matsuri, tout lemonde s’excite au Japon. Il y a plusieurssortes de matsuri. Chaque région a le

sien. Les adultes et les enfants, tout le mondeadore. Le mikoshi est bien sûr la star du matsuri,mais on ne peut pas oublier le yomise. Grignoterdans la rue est un grand moment de plaisir. D’ha-bitude, il faut être assis pour manger. Mais pen-dant les fêtes de l’été (natsu matsuri), il n’y aaucun tabou. Le yomise populaire, c’est letakoyaki, un des symboles importants pour lesgens d’Ôsaka. Comme toutes les famillesd’Ôsaka, nous possédons une machine à takoyaki.C’est très bien de l’utiliser en famille et/ou avecdes amis le week-end. Le takoyaki fait maison estdélicieux, mais celui qu’on déguste dans la ruevaut aussi le détour. Il est croustillant à l’extérieuret bien moelleux à l’intérieur. Mais attention, ilne faut pas se laisser distraire par la texture crous-tillante à l’extérieur car la pâte moelleuse à l’in-térieur est très chaude. Attention à ne pas mettretout dans la bouche ! Vous risquez de vous brûler.C’est dangereux mais en même temps c’est le plai-sir de manger le takoyaki.Il y a aussi l’okonomiyaki et les yakisoba. Le yomisecommence vers 17 heures. Ça peut parfaitementremplacer le repas pour les enfants et aussi pourles adultes qui mangent se suffisent d'une canettede bière ! Il y a également le karaage (poulet frit).Le tekiya, la personne qui travaille au yomise, pré-pare le karaage sur place, en le faisant macérer dansune grande bassine et le mélange à la farine avantde le faire frire. Les fritures sont toujours très popu-laires chez les enfants. Les frites qu’on appelle iciFrench fried potatoes ou encore l’American dog

Comme la plupart des Japonais, notrechef attend avec impatience la saison desmatsuripour se régaler.

EXPÉRIENCE Manger est aussi une fête

le budo-ame avec du raisin. Le milk-senbei est unbiscuit sucré, très fin, et léger, que l’on mange enmettant du lait concentré sucré entre deux outrois et plus encore. La crêpe est toujours popu-laire. En France, la crêpe est servie simplementavec du beurre ou du sucre. Au Japon, on la sertavec de la crème chantilly, des fruits ou de laconfiture. C’est copieux. Il y a le kakigôri ou glacepilée au sirop. Le ramune est une boisson sucréepétillante. Quand on a besoin de fraîcheur, leconcombre ou bien l’ananas embroché refroidisur des glaçons est délicieux. Avant de quitter leyomise, on emporte quelque chose à grignoter àla maison. Le taiyaki, un gâteau en forme de pois-son fourré au anko, la pâte de haricot rougesucrée, est conseillé comme le baby kasutera, unpetit biscuit rond ou en forme de poupée. Letenshin-amaguri, marron grillé originaire deChine, est aussi apprécié en famille. C’est la fête,alors profitez-en ! Allez-y en yukata (kimonod'été en coton léger).

MAEDA HARUYO

ZOOM GOURMAND

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ZOOM GOURMAND

L A RECETTE DE HARUYO

PRÉPARATION1 - Couper le calmar en rondelle de 1 cm environ.2 - Dans un bol, mettre la farine, la poudre de dashi,

la sauce de soja et le sel. 3 - Incorporer l’eau et mélanger avec les baguettes. 4 - Ajouter les morceaux de calmar et les 3/4 de la

ciboulette. 5 - Faire chauffer la poêle avec un peu d’huile. 6 - Verser l’appareil et étaler. Cuire jusqu’à obtenir

une belle coloration (environ 4 minutes).

7 - Retourner puis cuire environ 3 minutes. 8 - Casser un œuf dessus.9 - Retourner puis cuire environ 2 minutes. 10 - Disposer sur une assiette et plier en deux. 11 - Finir avec la sauce okonomiyaki, la sauce mayon-

naise et le reste de ciboulette. Bon appétit !

INGRÉDIENTS(pour 4 personnes)

60 g de calmar50 g de farine100 ml d’eau2 cuillères à soupe de ciboulette hachée1/2 cuillère à café de poudre de dashi1/2 cuillère à café de sauce de sojaSel

Pour la cuissonUn peu d’huile

Pour dégusterSauce okonomiyakiSauce mayonnaise

Ôsakafû ikayaki(Calmar à la mode d’Ôsaka)

juillet-août 2015 numéro 52 ZOOM JAPON 41

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S i l’on connaît le nom de la ville d'Ishino-maki, c’est qu’il est souvent lié au séismedu printemps 2011. En mars dernier, le

prince William s’y est rendu en visite officielle. Cevoyage a apporté de la joie et du courage aux habi-tants, car la ville est aujourd'hui en pleine recons-truction et ses citoyens essayent de reprendre une

vie “normale” (voir Zoom Japon N°48). Pour cela,le “courage” est sans prix. Les récents plans de déve-loppement de la cité portuaire ont été centrésautour du thème du manga et on peut s’en rendrecompte à chaque coin de rue. Si le besoin de cou-rage et d'espoir a été de donner vie aux premiershéros de manga après la Seconde Guerre mondialedans tout l'archipel, on retrouve ce même élanaujourd’hui dans la ville d'Ishinomaki. Leur origine remonte à 1995. La municipalité avaitfait appel à IShINomorI Shôtarô qui faisait sa car-

rière de grand mangaka à Tôkyô et qui avait passéson enfance et son adolescence dans une ville voi-sine d'Ishinomaki. La municipalité se souciait dudépeuplement lié à l’apparition de grandes surfacesen banlieue, à tel point que l'on désignait le cen-tre-ville comme “le quartier des volets fermés”. Legrand dessinateur s'est associé à la ville pour récla-mer le projet de transformer l'allaise du fleuve Kyû-Kitakami en une “île du manga” dans le but decréer un futur musée qui deviendrait le cœur de laville entière. Ce fut le premier projet de renaissance

La cité portuaire durement frappée parle séisme de mars 2011 comptebeaucoup sur son musée du manga.

L’architecture en forme de soucoupe volante a été imaginée par ISHINOMORI Shôtarô lui-même.

ISHINOMAKI L’espoir dans une renaissance

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ZOOM VOYAGE

d'une ville grâce au manga dans l'archipel.Mais le projet a rencontré des obstacles. Considéréà l'époque comme un produit abêtissant pour lesenfants, le manga n'avait pas encore de rôle impor-tant dans la société. Sans le soutien de la populationqui méprisait le manga, la municipalité n'a pas pudébloquer le budget nécessaire. La mort du man-gaka en 1998 n'a pas favorisé la situation. Pourtant, un millier de citoyens n'ont pas baisséles bras. Ils se sont réunis et se sont mobilisés pourdéfendre le projet. En 3 ans, ce groupe a reçu lesoutien de 2 500 personnes à travers tout le pays,y compris de célèbres mangaka comme SaTonaKa

Machiko, Monky Punch, yaGuCHI Takao ouencore CHIBa Tetsuya. En outre, le graphisteHaRa Takao, personne la plus proche d'ISHIno-MoRI, s'est investi en jouant son rôle de coordina-teur entre la société Ishimori production qui repré-sentait les intérêts du mangaka et le futur musée.Il a même fini par s'installer à Ishinomaki afin deréaliser le souhait du mangaka.Grâce à cette mobilisation, le musée a vu le jouren 2001 avec un financement municipal à hauteurde 50 %. La mairie a confié la gestion du muséeaux représentants des citoyens qui s’étaient mobi-lisés. Ils ont monté une société baptisée Machizu-kuri manbo dont le nom signifie littéralement “lepoisson-lune créateur de ville”. “On appelle ça uneentreprise, mais ses membres sont des commerçantsdu coin et des bénévoles. Mais je trouve que ça fonc-tionne mieux que si nous étions gérés par un orga-nisme semi-public. Nous en faisons l’expériencechaque jour”, explique KIMuRa Hitoshi, le directeur

général du musée.Bâti au cœur de la ville d’Ishinomaki et dessiné parISHInoMoRI Shôtarô lui-même, le musée Mangat-tan en est aujourd'hui un des symboles. Sa formearchitecturale étonnante qui rappelle une soucoupevolante autant que son rôle fédérateur illustre par-faitement son importance. Son nom a été inspirépar l’île de Manhattan dont la forme ressemblanteà l’allaise sur laquelle l'établissement a été construit.Ce musée de deux étages donne vie aux œuvres dudessinateur au travers de multiples dispositifs. Celacommence avant même que vous soyez arrivé à Ishi-nomaki. Dès la gare de Sendai où la plupart d'entrevous arriverez de Tôkyô en shinkansen, des trainsMangattan liner couverts par des héros imaginéspar ISHInoMoRI vous attendront. a la gare d'Ishi-

nomaki, vous serez accueilli par des statues deCyborg 009. La ville regorge de personnages issusde l’imagination du grand maître, et vous en trou-verez un peu partout en vous promenant ! En arri-vant au musée, vous rencontrerez Robocon et Pro-fesseur Gantsu sur la pelouse avant de découvrir lastatue de Sea Jetter Kaito, le nouveau héros d'Ishi-nomaki né dans la tête du mangaka et créé par sonsuccesseur HayaSE Masato. Par la suite, sur le murvous emmenant vers l'entrée, une cinquantained'empreintes de célèbres créateurs de manga enrelief vous donneront envie de les toucher. a la fin,vous pourrez serrer la main d'ISHInoMoRI. Enentrant dans le musée, vous serez chaleureusementaccueilli par l'équipe habillée comme Cyborg 009.avant d'aller voir la boutique Itteki bokuju dont

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Les amateurs du superhéros Kaimen Rider sont ravis de découvrir l’évolution physique de ce personnage.

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S’Y RENDREA PARTIR DE TÔKYÔ, empruntez le shinkansenau départ de la gare de Tôkyô ou celle d’Uenojusqu'à Sendai. Environ 1h30. Changez pour laligne Senseki ou la ligne Senseki-Tohoku quivous emmènera jusqu’à Ishinomaki en 1h.Le Mangattan est à 20 mn de la gare. Il estouvert de 9h à 18h. 800 yens.Fermeture le 3e mardi (de mars à novembre)et tous les mardis de décembre à février.

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S i l’on connaît le nom de la ville d'Ishino-maki, c’est qu’il est souvent lié au séismedu printemps 2011. En mars dernier, le

prince William s’y est rendu en visite officielle. Cevoyage a apporté de la joie et du courage aux habi-tants, car la ville est aujourd'hui en pleine recons-truction et ses citoyens essayent de reprendre une

vie “normale” (voir Zoom Japon N°48). Pour cela,le “courage” est sans prix. Les récents plans de déve-loppement de la cité portuaire ont été centrésautour du thème du manga et on peut s’en rendrecompte à chaque coin de rue. Si le besoin de cou-rage et d'espoir a été de donner vie aux premiershéros de manga après la Seconde Guerre mondialedans tout l'archipel, on retrouve ce même élanaujourd’hui dans la ville d'Ishinomaki. Leur origine remonte à 1995. La municipalité avaitfait appel à IShINomorI Shôtarô qui faisait sa car-

rière de grand mangaka à Tôkyô et qui avait passéson enfance et son adolescence dans une ville voi-sine d'Ishinomaki. La municipalité se souciait dudépeuplement lié à l’apparition de grandes surfacesen banlieue, à tel point que l'on désignait le cen-tre-ville comme “le quartier des volets fermés”. Legrand dessinateur s'est associé à la ville pour récla-mer le projet de transformer l'allaise du fleuve Kyû-Kitakami en une “île du manga” dans le but decréer un futur musée qui deviendrait le cœur de laville entière. Ce fut le premier projet de renaissance

La cité portuaire durement frappée parle séisme de mars 2011 comptebeaucoup sur son musée du manga.

L’architecture en forme de soucoupe volante a été imaginée par ISHINOMORI Shôtarô lui-même.

ISHINOMAKI L’espoir dans une renaissance

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juillet-août 2015 numéro 52 ZOOM JAPON 45

téria. Vous pouvez librement lire ou regarder lesmangas et les animés disponibles sur place. Mais cen’est pas tout, vous pourrez également vous amuserà plusieurs, ou donner vie à vos dessins avec l’atelierAnime ni Shiyô ! (Créons notre dessin animé). Ala librairie, ne loupez pas une étonnante collectionde dédicaces envoyées par un nombre impression-nant de mangaka. Il s'agit des shikishi (papier car-tonné souvent en forme de carré servant à écrire

des messages souvenirs) que le Mangattan a reçuslors de son ouverture en 2001 et de sa réouvertureen 2012 après le séisme du 11 mars 2011.Pour terminer votre visite, pourquoi pas acheterquelques souvenirs à la boutique située au rez-de-chaussée. Vos achats aideront le Mangattan àpérenniser son existence et à redonner le sourireaux habitants d’une ville qui en a bien besoin.

KOGA RITSUKO

Cyborg 004 veille sur la ville d’Ishinomaki.

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le nom s’inspire du titre du manga que le dessinateura réalisé avec ses copains à l'époque où il était col-légien, vous suivrez le couloir montant pour décou-vrir l'histoire du roi du manga. Plus loin, une sallede projection dissimulée propose des courts-métrages de Ryûjin-numa ou des créations origi-nales du Mangattan tel que Sea Jetter Kaito. Pour atteindre le 1er étage, vous avez le choix. Pouradmirer les dessins originaux du mangaka, conti-nuez le couloir le long des fenêtres de la soucoupe.Si vous prenez l'ascenseur, une surprise vous atten-dra. A découvrir sur place ! Le 1er étage est trèsattractif. Une partie est réservée aux expositionstemporaires qui changent 4 fois par an. A chaquesaison, l'équipe du musée propose un projet originalet unique, en faisant intervenir différents mangakasde renom. Les thèmes sont très variés. On peut trèsbien évoquer les spécialités culinaires régionalescomme la collaboration entre Kamen Rider etUltraman, ou encore le travail d’une dessinatriceaméricaine ayant travaillé pour les studios Disney.Une autre partie est consacrée à l’univers des per-sonnages imaginés par IShInOMORI. Cela com-mence avec Cyborg 009, un monde universel quirend nostalgique les adultes et fait rêver les enfants.Plus loin, on trouve un espace unique où l’on a ras-semblé toutes les générations de Kamen Rider. Puisc’est au tour des univers de jidai-geki, de Kikaider,de Sarutobi Etchan et de hotel d’être présentés dedifférentes manières. Il est conseillé de prévoir suffi-samment de temps pour profiter de tous les détails.Le second étage est composé d'une librairie-studiomultimédia, d'une salle de formation et d'une café-

Au Mangattan, les amateurs pourront plonger dans les différents univers conçus par ISHINOMORI.

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Les plus célèbres des mangaka japonais ont salué l’ouverture de ce lieu unique.

PROFILISHINOMORI SHÔTARÔ est un des mangaka lesplus célèbres du Japon. Formé par TEZUKA

Osamu, il a créé de nombreux personnagestout au long des années 1960 et 1970. Cyborg009 en est l’un des meilleurs exemples. Sesaventures sont publiées en France chezGlénat. Il est aussi à l’origine de Kamen Riderdont les aventures télévisées continuentencore de captiver les jeunes Japonais.

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téria. Vous pouvez librement lire ou regarder lesmangas et les animés disponibles sur place. Mais cen’est pas tout, vous pourrez également vous amuserà plusieurs, ou donner vie à vos dessins avec l’atelierAnime ni Shiyô ! (Créons notre dessin animé). Ala librairie, ne loupez pas une étonnante collectionde dédicaces envoyées par un nombre impression-nant de mangaka. Il s'agit des shikishi (papier car-tonné souvent en forme de carré servant à écrire

des messages souvenirs) que le Mangattan a reçuslors de son ouverture en 2001 et de sa réouvertureen 2012 après le séisme du 11 mars 2011.Pour terminer votre visite, pourquoi pas acheterquelques souvenirs à la boutique située au rez-de-chaussée. Vos achats aideront le Mangattan àpérenniser son existence et à redonner le sourireaux habitants d’une ville qui en a bien besoin.

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Cyborg 004 veille sur la ville d’Ishinomaki.

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•Ateliers DESSIN-MANGAProchains stages intensifs :Stage du 06/07/2015 au10/07/2015. De 11h~15h.Stage du 24/08/2015 au28/08/2015. De 11h~15h.265€ttc (matériel et repascompris). Attention nombrede places limité. Réservationsur www.espacejapon.com

•Stages intensifs de japo-nais Stage 1 débutant: du 7au 31 juillet 2015 - 24 heuresde 18h30-20h30 299€. ma-tériel compris. Inscription surwww.espacejapon.comStage 2 Faux-débutant: du 2au 23 septembre Lundis, mer-credis & vendredis - 20 heuresde 18h30-20h30 260€. ma-tériel compris. Inscription surwww.espacejapon.com

• Nouveau Restaurant Ja-ponais Haute gamme re-cherche une/un serveur. An-glais, expérience Obliga-toires. Contacter Mme SanaeSAYAMA [email protected] 99 88 46 62

•Paris Fudosan le spécia-liste de l'immobilier franco-japonais à Paris recherchedes STUDIOS à louer pourses étudiants et expatriés ja-ponais. 18 rue de Richelieu75001 Tel : 01 4286 8739 [email protected]

•売りレストラン Val deMarne県、94 La Varenne St Hi-laire市 引退のため 売りレストランガストロノミー ライセンス4 26席 小テラスあり 家賃:2340€ 2015年9月新契約 売上高:420000€ 日・月休業、日曜営業も可 カップルに最適ガストロノミー料理  Varenne 市で評判のレストラン ガイドで紹介 当サイト www.faimetsoif.com即営業可 工事不要 価格:320000€ TEL.01 48 86 55 76

•Couple franco-japonaischerche appartement 3 piècesdans l’est parisien à partir deseptembre [email protected]

•Authentique Shiatsu. Ma-nière traditionnelle Japonaisepar physiothérapeute. Tel: 07 5315 9572. 6 rueRude 75116. Près d'étoile

ZOOM ANNONCES

HifuMiyo

HifuMiyo est une jeune ar-tiste japonaise qui choisitl’illustration pour traduirela vision qu’elle a de laFrance, bien loin des cli-chés. Elle est depuis peu,la nouvelle recrue de Mi-chel Lagarde, le célèbreagent d’illustrateurs «Agent 002 ». En parallèle,HifuMiyo a été choisiepour croquer la nouvellecarte illustrée du VillageSt-Martin regroupant lesmeilleures adresses des ar-tisans, artistes qui vontvivre le quartier. Pour l’oc-casion, Artazart, la célèbrelibrairie du Canal St-Mar-tin, accueille l’artiste japo-naise pour une expositionestivale du 25 juin au 6septembre 2015. 83, quaide Valmy 75010 Pariswww.artazart.com

Charlotte HODEZ, AvocatSidonie ROUFIAT, Avocat et Médiateur

Mettent leurs compétences à votre dispo-sition en matière de :

• Droit du séjour et du travail des étrangers• Droit du travail (individuel et collectif)• Droit de la famille• Droit médical et réparation de préjudices corporels• Droit pénal Conseil et assistance devant les juridictions.Résolution amiable des conflits

Notre atout : notre expérience des relations franco-japonaises

Les honoraires sont déterminés en commun accord avec le client selon la na-ture du dossier. N’hésitez pas à nous contacter pour plus de renseignements.

HODEZ ROUFIAT AVOCATS ASSOCIES (A.A.R.P.I.)25 boulevard Voltaire - 75011 Paris

Tél. 01 55 80 57 40, [email protected]

Tarifs des annonces (pour 100 carac.)

Emploi 50€ttcEvénement 45€ttcCours 40€ttcAmitié 40€ttcLogement 35€ttcDivers 30€ttc

Options20 car. suppl. 5€ttcoption web 20€ttc(publication immédiate sur le web + 5 img.)

cadre 50€ttcgras 50€ttcimg. papier 100€ttc

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•Ateliers DESSIN-MANGAProchains stages intensifs :Stage du 06/07/2015 au10/07/2015. De 11h~15h.Stage du 24/08/2015 au28/08/2015. De 11h~15h.265€ttc (matériel et repascompris). Attention nombrede places limité. Réservationsur www.espacejapon.com

•Stages intensifs de japo-nais Stage 1 débutant: du 7au 31 juillet 2015 - 24 heuresde 18h30-20h30 299€. ma-tériel compris. Inscription surwww.espacejapon.comStage 2 Faux-débutant: du 2au 23 septembre Lundis, mer-credis & vendredis - 20 heuresde 18h30-20h30 260€. ma-tériel compris. Inscription surwww.espacejapon.com

• Nouveau Restaurant Ja-ponais Haute gamme re-cherche une/un serveur. An-glais, expérience Obliga-toires. Contacter Mme SanaeSAYAMA [email protected] 99 88 46 62

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HifuMiyo

HifuMiyo est une jeune ar-tiste japonaise qui choisitl’illustration pour traduirela vision qu’elle a de laFrance, bien loin des cli-chés. Elle est depuis peu,la nouvelle recrue de Mi-chel Lagarde, le célèbreagent d’illustrateurs «Agent 002 ». En parallèle,HifuMiyo a été choisiepour croquer la nouvellecarte illustrée du VillageSt-Martin regroupant lesmeilleures adresses des ar-tisans, artistes qui vontvivre le quartier. Pour l’oc-casion, Artazart, la célèbrelibrairie du Canal St-Mar-tin, accueille l’artiste japo-naise pour une expositionestivale du 25 juin au 6septembre 2015. 83, quaide Valmy 75010 Pariswww.artazart.com

Charlotte HODEZ, AvocatSidonie ROUFIAT, Avocat et Médiateur

Mettent leurs compétences à votre dispo-sition en matière de :

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