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Douleurs, 2004, 5, 5

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V O T R E P R A T I Q U E

Auto-évaluation de la douleur aiguë chez l’enfant. Utilisation de l’« échelle des visages » en version électroniquesur micro-ordinateur de poche (PDA) palmOne™

Sylvain

Falinower

(3)

(photo)

,

Patricia

Martret

(1)

,

Bénédicte

Lombart

(1)

,

Etienne

Réti

(3)

,

Dirk

Krause

(2)

,

Daniel

Annequin

(1)

,

Les recommandations de l’ANAESconcernant la prise en charge de ladouleur de l’enfant [1] insistent beau-coup sur la nécessité de l’évaluation :« La douleur est mieux prise encharge quand elle est évaluée initiale-ment et quand le traitement est régu-lièrement réévalué. L’utilisation d’outilsd’évaluation de la douleur est généra-

lement nécessaire pour :– établir ou confirmer l’existence d’unedouleur ;– apprécier son intensité ;– déterminer les moyens antalgiquesnécessaires ;– évaluer l’efficacité du traitement insti-tué ;– adapter ce traitement ».La difficulté de l’identification et de l’éva-luation de la douleur chez l’enfant faitpartie des obstacles à sa prise en charge.Selon l’ANAES, chez l’enfant de plus de 6 ans, l’auto-évalua-tion a montré d’excellentes qualités métrologiques. Ellepeut donc être utilisée en toute confiance, sous réserved’explications adaptées au niveau de compréhension del’enfant. Pour les enfants qui ne sont pas en mesure de four-nir une cotation avec l’Echelle Visuelle Analogique (EVA),les experts de l’ANAES recommandent l’utilisation d’uneéchelle de 4 jetons ou l’échelle des 6 visages (FPS-R).De même, pour les enfants entre 4 et 6 ans, l’auto-évalua-tion peut être tentée. L’EVA est alors utilisée conjointe-ment à un autre outil d’auto-évaluation, jetons ou échelledes 6 visages.

Une enquête française de 1998 avait montré que, globale-ment, la douleur chez l’enfant est insuffisamment prise encharge [2], et une enquête suédoise récente a mis enlumière les mêmes difficultés [3] ; la douleur de l’enfanta été retenue comme une des 3 priorités nationales [4] dusecond programme national de lutte contre la douleur.La concordance entre l’intensité douloureuse et les expres-sions du visage a été développée et validée par Bieri

et al.

,dès 1990, avec « l’échelle des visages » Faces Pain Scale

(FPS) [5]. Cet outil représente une suc-cession de 7 visages schématisant diversniveaux de douleur (ou son absence),sans larmes et sans sourires [6]. Quel-ques années plus tard, Hicks

et al

. enont proposé une nouvelle version, laFaces Pain Scale – Revised (FPS-R), enréduisant de 7 à 6, le nombre de visages[7].Avec le développement de nombreusesapplications diagnostiques sur ordina-teur de poche (PDA), nous avons

adapté, cette échelle sur un PDA, en respectant l’esprit etla forme de la version déposée, en accord avec les auteursoriginels et dans le respect de leurs consignes.

OBJECTIF

Nous avons voulu comparer les deux versions de la FPS-R(la version réglette plastique et sa transposition sur PDA) enétudiant la corrélation entre des paires d’observation collec-tées sur les deux supports.Nous avons réalisé une étude préliminaire avec une ving-taine d’enfants qui a démontré la bonne reproductibilitédes évaluations FPS-R sur cette même application PDA.(Un « test-retest » chez 21 enfants d’âge moyen

±

écart-type (ET) de 7,05

±

2,94 ans avait établi une différencede score de douleur moyenne

±

ET de 0,095

±

0,995 avecune médiane = 0. Le coefficient de corrélation était de0,934 (p < 0,0001).)

1. Unité Fonctionnelle d’Analgésie Pédiatrique, ServiceAnesthésie-Réanimation, Hôpital d’Enfants Armand Trousseau,26, avenue du Docteur Arnold Netter, 75012 Paris.2. Laboratoires Grünenthal, 102, rue de Villiers, 92300Levallois Perret.3. Umanis Clinical Research, 7-9, rue Paul Vaillant-Couturier,92300 Levallois Perret.

La difficulté de l’identification et de l’évaluation

de la douleur chez l’enfant fait partie

des obstacles à sa prise en charge.

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MATÉRIEL ET MÉTHODES

Matériel

Les 6 visages de l’échelle d’auto-évaluation de la douleurFPS-R transcrivent graduellement une absence de douleurjusqu’à une douleur intolérable

(fig. 1)

. La cotation passede zéro à dix par pas de 2.

L’outil « papier »

Dans la pratique, l’échelle des visages est utilisée sous saforme de réglette semi-rigide (comparable aux réglettesd’EVA) et dont les visages sont reproduits au même formatque sur la feuille de papier initiale. C’est cette réglette qui aservi dans l’étude.Au recto de la réglette figurent les 6 visages présentés aupatient, tandis qu’au verso figure la consigne des auteurs etla source bibliographique d’origine

(fig. 1)

[7].

L’outil électronique

L’adaptation électronique de FPS-R a été développée et ins-tallée sur des micro-ordinateurs de poche (Personal DigitalAssistant, PDA) palmOne™, modèle Zire™ 71 par UmanisClinical Research (Levallois, France).Pour préserver l’esprit de l’échelle FPS-R, et malgré lescontraintes d’un petit écran, les 6 visages sont visibles linéai-rement en bas de l’écran, en taille réduite, tandis que le visage

sélectionné en surbrillance apparaît au centre de l’écran,reproduit à l’échelle 1 (3,5 cm

×

2,5 cm). Pour choisir unvisage, il suffit d’effleurer l’écran avec le stylet ou le bout dudoigt, le visage dans la série du bas, ou bien de manipuler les+ ou – situés de part et d’autre du visage central

(fig. 2)

.

Les différents paramètres et étapes de l’étude sont prépro-grammés. Les résultats s’enregistrent automatiquement,incluant ceux de la passation sur papier.

Sélection des sujets de l’étude

Des enfants âgés de 4 à 12 ans, souffrant de douleurs aiguësstabilisées ont été recrutés, quelle que soit l’intensité deleur douleur, son étiologie ou origine (médecine, chirurgie,traumatologie). Ont été exclus : les enfants agités ou, selonl’estimation de l’évaluateur, souffrant particulièrement de laséparation de leurs parents ; ceux ayant des difficultésmajeures de communication verbale ou un état deconscience modifié (fièvre…). Par ailleurs, les enfants nedevaient pas avoir reçu d’antalgique dans les 30 minutesprécédentes (hormis une perfusion stable) ; enfin, ils nepouvaient être inclus plusieurs fois dans l’étude.

La présente publication décrit les résultats des 92 sujetsinclus entre le 11 décembre 2003 et le 24 mai 2004 àl’Hôpital d’Enfants Armand Trousseau, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris.

Figure 1. L’échelle des 6 visages : FPS-R.

Pain Research Unit, Sydney Children’s Hospital, Randwick NSW 2031, Australia. Ce matériel peut être photocopié pour une utilisation clinique. Pour tout autre demande, s’adresser au Pain Research Unit, contact : [email protected]

Hicks, C.L., von Baeyer, C.L., Spafford, P., van Korlaar, I., & Goodenough, B. The Faces Pain Scale – Revised: Toward a common metric in pediatric pain measurement. Pain 2001;93:173-183. Scale adapted from: Bien, D. Raeve, R, Champion, G.Addicoat, I. and Ziegler, J. The Faces Pain Scale for the self-assessment of the severity of pain experienced by children: Development, initial validation and preliminary investigation for ratio scale properties. Pain 1990;41:139-150. Version: June 2001

Faces Pain Scale – Revised (FPS-R)

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Passation de l’échelle de douleur

Chaque enfant devait évaluer sa douleur actuelle sur l’un etl’autre support, dans un ordre pré-défini par une table derandomisation (papier-écran ou écran-papier). Ce tirage ausort a été effectué par blocs de 4, séparément pour troisclasses d’âge, mais sans tenir compte du sexe des enfants.

Le protocole prévoyait un intervalle de 10 minutes (tolé-rance 8 à 15 minutes) à respecter entre les deux tests. Cetintervalle de temps permet de minimiser l’effet de mémoireet d’éviter des variations potentielles de douleur entre lesdeux passations.

Tout d’abord, l’enfant était informé de la contribution qui luiétait demandée, et ceci était suivie par la première évalua-tion. L’évaluateur ouvrait le PDA pour prendre le numérod’observation suivant imposé par le micro-ordinateur et yintroduire l’âge et le sexe de l’enfant, ainsi que le type derecrutement : médecine/chirurgie/traumatologie. La date dujour, l’heure et la minute sont enregistrées automatiquement.Informé de la prise éventuelle d’antalgique, dans les troisheures précédentes, l’évaluateur devait saisir le moment dela prise médicamenteuse et le palier le plus élevé, I, II ou IIIselon la classification de l’OMS. Puis le PDA fournissaitl’ordre de passation papier-écran ou écran-papier, pro-grammé selon la liste de randomisation.

Dans un lieu calme et en évitant que d’autres enfants can-didats à l’étude y assistent directement, l’enfant recevait lesinstructions standard, éditées par les auteurs de l’échelle,dans leur traduction française autorisée [8]

(fig. 1)

.

Que les images aient été aperçues par l’enfant pour la pre-mière fois, sur le support papier ou sur l’écran, leur significa-tion a été expliquée en respectant la démarche « officielle »préconisée par les auteurs. La familiarisation avec les outilsconsistait en une présentation brève (d’environ 1 à 3 minu-tes). Lorsque l’enfant devait utiliser le PDA, un temps suffisantlui était laissé pour réaliser quelques essais en touchant dudoigt ou avec le stylet les visages et les touches « + » et « – ».

Pour conclure, une fois les deux tests enregistrés dans lePDA, l’enfant devait répondre aux questions quant à sa pré-férence. Enfin, pour valider la compréhension du test, onlui demandait de désigner sur le PDA les visages qui corres-pondent à une absence totale de douleur (« tu n’as pas maldu tout ») et à une douleur maximale (« tu as très très mal »).Cette demande a été effectuée uniquement sur le PDA et,pour tous les sujets, seulement après les deux évaluations.Puis, l’évaluateur notait dans le PDA si l’enfant avait effec-tué les tests facilement et, dans le cas contraire, il en défi-nissait la raison dans une liste pré-établie.

Les mesures de désinfection en vigueur à l’hôpital étaientrespectées après chaque utilisation du PDA et de la réglette.

Analyses statistiques

La correspondance des scores obtenus par les deux métho-des/supports a été évaluée par le calcul du coefficient de cor-rélation de Spearman (les données ne suivant pas unedistribution normale). Les données de la période 1 et 2 (1

re

et2

e

passation) sur chacun des supports ont été séparémentcumulées, après vérification de l’absence d’un effet séquence.

Le pourcentage de réponses identiques avec l’une et l’autreméthode/support a été également calculé, ainsi que le pour-centage de réponses déviantes d’un score (un visage) oudavantage, en comparant l’une et l’autre méthode. Ensuite,le pourcentage des enfants identifiant correctement levisage exprimant la douleur maximale ainsi que le visagesans douleur a été calculé (sujets « ayant compris » le prin-cipe de l’échelle). Enfin, la fréquence d’utilisation des sco-res extrêmes (0 et 10) a été évaluée. Pour les donnéesqualitatives, un test du Chi2 a été effectué.

Les analyses principales ont été effectuées en intention de trai-ter, c’est-à-dire en incluant tous les sujets, même ceux n’ayantpas compris le principe.

RÉSULTATS

Population de l’étude

Parmi des enfants âgés de 4 à 12 ans, hospitalisés et présen-tant une douleur aiguë stabilisée, les premiers 92, éligiblespour cette étude, sans discrimination a priori, ont été ran-domisés : 29 enfants de 4-6 ans, 30 de 7-9 ans et 33 de 10-12 ans.

Figure 2. L’échelle FPS-R telle qu’elle apparaît sur l’écran du PDA.L’écran couleur du PDA mesure H 5,5 cm x L 5,5 cm.Le visage central mesure H 3,5 cm x L 2,5 cm.

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Le

tableau I

présente les caractéristiques des 92 sujetsinclus. La méthodologie utilisée (PDA) a garanti l’absencede données manquantes.

Dans la distribution globale des sujets, aucune différencestatistiquement significative n’a été retrouvée entre ceuxqui ont effectué les tests dans l’ordre papier-écran oul’ordre inverse, concernant l’âge, le sexe et l’origine de ladouleur.

La plupart des enfants (76,1 %) présente une douleur d’ori-gine chirurgicale, les autres – à l’exception de 2 enfantsdont la douleur était d’origine traumatologique – avaientune douleur aiguë d’origine médicale. La majorité despatients (70,7 %) avait reçu un antalgique avant la premièrepassation ou était sous perfusion antalgique. Aucun enfantn’a reçu d’antalgique (hors perfusion) moins de 30 minutesavant la première passation et 94,5 % l’ont reçu au-delàd’une heure.

Il existait une différence dans la distribution du niveau dedouleur : les enfants commençant par le PDA étaient globa-lement plus douloureux que ceux commençant par lepapier, à en juger par le nombre significativement plusélevé d’antalgiques de niveau III (37,8 % contre 10,6 %) encomparaison au niveau I (17,8 % contre 34,0 %).

L’âge moyen de la population globale était de 8,3

±

2,7 ans,sans différence notable entre ceux commençant par l’un oul’autre support, cela se confirmant à l’intérieur de chacunedes trois tranches d’âge.Le tirage au sort imposait à 47 enfants de commencer parle test sur papier et ensuite le réaliser sur écran, et à 45l’ordre inverse. Aucun des sujets n’a été exclu de l’analyse, pas même lesdeux enfants dont la mauvaise communication verbale a étérapportée par l’évaluateur en cours de passation. L’analysea donc été effectuée en « intention de traiter », c’est-à-diresur l’ensemble des enfants, ce qui correspond à la métho-dologie la plus rigoureuse.

Corrélation des scores de douleur sur papier et sur écran

L’analyse de corrélation des paires d’observations indiqueles coefficients r de Spearman suivants : pour l’ensembledes sujets de l’étude il est égal à 0,86 (avec unp < 0,0001). Les résultats par tranche d’âge indiquent unecorrélation qui, pour les plus jeunes, reste satisfaisante(r = 0,77), et la corrélation est encore plus forte pour lesdeux autres classes d’âge : 0,90 pour les 7-8-9 ans et 0,94

Tableau ICaractéristiques des sujets de l’étude : nombre de sujets ; âge (moyenne ± ET).

Groupes d’âge

4-6 ans 000 7-9 ans 10-12 ans Total

Sexe Filles Garçons Filles Garçons Filles Garçons Filles Garçons

7 22 13 17 18 15 38 54

Ensemble 29 30 33 92

Douleur

– médicale 6 8 6 20

– chirurgicale 22 22 26 70

– traumatologique 1 0 1 2

Antalgique reçu 19 25 21 65

– palier I 8 7 9 24

– palier II 5 8 6 19

– palier III 6 10 6 22

1er test sur écran 14 14 17 45

Âge 5,07 ± 0,88 8,03 ± 0,89 11,27 ± 0,80 8,26 ± 2,70

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pour les 10-11-12 ans (

tableau II

). Ces coefficients diffè-rent statistiquement entre la classe d’âge la plus basse etla plus élevée.

Le fait de passer le test en premier sur papier ou sur écrana eu une certaine influence sur le coefficient de corréla-tion : le r de Spearman dans le sous-groupe papier-écranest égal à 0,92, il est de 0,80 selon l’ordre inverse(p < 0,0001). La valeur du coefficient est de 0,67 parmiceux de la classe 4-6 ans qui ont commencé par l’écran,et elle est statistiquement différente du coefficient de latranche d’âge la plus élevée. A noter qu’un enfant âgé de5 ans a désigné des visages en position 2 sur écran, puisen 10 sur papier (ensuite, une fois les évaluations termi-nées, il a « compris » l’échelle selon le test effectué) ; cetteobservation a eu un effet conséquent sur le calcul descoefficients de corrélation.

Pourcentage des réponses identiques

La proportion des réponses où le visage choisi sur l’un etl’autre support était identique dépasse les trois-quarts(77,2 %). Il est de 83,0 % dans le sous-groupe papier-écranet de 71,1 % dans le sous-groupe inverse écran-papier,comme présenté dans le

tableau III

. La distribution du

nombre de réponses identiques et déviant d’un visage oude plusieurs visages est présenté sur l’histogramme

(fig. 3)

.Le choix déviait de plus d’un visage, dans la tranche 7-9 ans(ordre papier-écran) dans seulement 1 cas et dans 2 casdans la tranche 4-6 ans (ordre écran-papier). L’analyse sta-tistique n’a pas constaté de différence significative entre lesdeux ordres de passation.

Valeurs seuil et plafond

Les extrêmes de l’échelle (les scores 0 et/ou 10) ont été uti-lisées par 11 enfants au total, quel que soit le support, dont7 de la tranche d’âge 4-6 ans (soit 24,1 % de ce groupe). Partranche d’âge croissant, le nombre d’enfants décroît (3enfants de 7-9 ans et 1 enfant de la tranche 10-12 ans).

Compréhension de l’échelle FPS-R

La désignation correcte des visages situés aux deux extrê-mes de la série, comme étant ceux qui représententl’absence totale de douleur et la douleur la plus importante,a départagé la population totale en ceux qui ont « compris »et les autres. Il apparaît que seuls 4 enfants se sont trompés :3 dans la tranche 4-6 ans et 1 dans la tranche 10-12 ans, cequi amène le taux de « compréhension » dans les trois tran-

Tableau IICorrélation entre les scores de douleur relevés lors des tests effectués sur papier et écran.

Tranche d’âge 4-6 ans 7-9 ans 10-12 ans Tous

Coefficient de corrélation

(r de Spearman)0,77 0,90 0,94 0,86

p < 0,0001 < 0,0001 < 0,0001 < 0,0001

Figure 3. Distribution des scores identiques et déviants sur papier et écran.

La hauteur totale des colonnes représente le nombre de sujets ayant indiqué un visage donné sur papier. En foncé : le visage indiqué sur écranétait le même ; en grisé : il était celui adjacent ; en blanc : le visage indiqué sur écran déviait de 2 visages ou plus.

0

5

10

15

20

25

30

35

40

0 2 4 6 8 10

Score de l'échelle

>= 2 visages

1 visage

IdentiquesNom

bre

de s

ujet

s

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ches d’âge à 89,7 %, 100 % et 97 %, respectivement, sans dif-férence statistiquement significative entre classes d’âge. Cetaux de compréhension est pratiquement identique quelque soit l’ordre de passation, pour les enfants pris dans leurensemble ; il est, pour les tranches d’âge respectives, pourceux ayant commencé par l’écran et ayant « compris », de92,9 %, 100 % et 94,1 %, respectivement.Dans la sous-population de ceux dont le test de compréhen-sion du principe de l’échelle s’est avéré positif, les coeffi-cients de corrélation ressemblent à ceux relevés dans lapopulation générale de l’étude : r de Spearman égal à 0,73,0,90 et 0,95 (avec un p < 0,0001) dans les tranches d’âge 4-6, 7-9 et 10-12 ans, respectivement.

Préférence du support, facilité d’utilisation

Après avoir exécuté les tests sur l’un et l’autre support,66,3 % des enfants ont préféré le PDA et 20,7 % optaientpour le papier, alors que 13 % n’arrivaient pas à départagerpapier et écran. Cette préférence se confirme dans toutesles tranches d’âge, à 4-6 ans même (62,1 %), encore que34,5 % de ces plus jeunes optaient sanshésitation pour le papier.Les préférences ne se distinguaientsignificativement ni selon l’ordre de pas-sation ni selon les classes d’âge ni selonle sexe.L’évaluateur, invité à juger des difficul-tés d’exécution des tests, considéraitqu’en dehors de 6 sujets, tous ont réussiles deux passations avec facilité (93,5 %). La classe d’âge 4-6 ans avait légèrement plus de difficultés (ils ont été tout demême 86,2 % à ne pas en avoir). La cause probable, selonle jugement de l’évaluateur, était en rapport avec l’item« incompréhension » de la liste préétablie des causes. Unenfant de chacun des deux autres classes d’âge avait égale-ment des difficultés à cause de « l’incompréhension » rele-

vée par l’évaluateur – alors que ces mêmes enfants avaientsitué correctement l’absence de douleur et la douleur maxi-male (la compréhension de l’échelle en elle même a étéacquise à la suite des deux passations).Il n’y a pas de différence statistiquement significative quantà la facilité d’emploi, entre les deux ordres de passation, lestranches d’âge ou le sexe.A noter que parmi les causes possibles expliquant la diffi-culté d’exécution, pas une seule fois l’item « manipulationdu PDA » n’a été évoquée par l’évaluateur.

DISCUSSION

L’« échelle visuelle » FPS-R des 6 visages suit en fait le prin-cipe des échelles verbales ou numériques discontinues : lesvisages remplacent les scores qu’attribuerait un adulte enchoisissant un score parmi 0-2-4-6-8-10. Il n’est pas licite deconsidérer que ces scores soient proportionnels (un score de6 ne correspond pas à une douleur 3 fois plus importantequ’un score de 2). Cette limitation générale des échelles ditede type Likert n’enlève rien de leur utilité pour quantifier dif-

férents symptômes, dont la douleur, aussibien dans le contexte d’un essai cliniqueque dans la pratique quotidienne.L’adaptation électronique des échellesd’évaluation doit satisfaire deux critè-res : reproduire le plus fidèlement possi-ble l’outil original, et son utilisation doitfournir des résultats qui ne diffèrent pas

sur le plan statistique. En règle générale, les études quivisent la validation d’une nouvelle échelle, quel que soit sontype ou support, recherchent traditionnellement à établir leniveau de corrélation existant entre les paires de mesuresobtenues avec la nouvelle méthode et une méthode exis-tante, déjà validée. Au mieux, cela se réalise avec les mêmessujets.

Tableau IIIProportion des réponses identiques et déviantes lors de la passation sur les deux supports.

Nombre de cas (%)

Ordre de passation Papier-écran Écran-papier Ensemble

Réponses identiques 39 (82,98 %) 32 (71,11 %) 71 (77,17 %)

déviantes : d’un seul visage 7 (14,89 %) 11 (24,44 %) 18 (19,57 %)

de plus d’un visage 1 (2,13%) 2 (4,44 %) 3 (3,26 %)

Total 47 (100 %) 45 (100 %) 92 (100 %)

Test du Chi 2 p = 0,3926

66,3 % des enfants ont préféré le PDA et 20,7 % optaient

pour le papier.

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Dans le domaine de la douleur, notamment chronique,diverses échelles de douleur (ex. MPI, Multidimensio-nal Pain Inventory) et de qualité de vie (SF-36) ont été adap-tées à un PDA pour une collecte de données par les patientseux-mêmes à domicile [9] ; la validation en terme de corres-pondance avec les versions originales sur papier, évaluéepar le coefficient de corrélation, a trouvé des valeurs allantde r = 0,34 à 0,70. L’échelle visuelle analogique (EVA) a éga-lement été parmi les premières adaptations électroniques[10, 11] et son utilisation a été validée notamment chez desadultes volontaires sains.Récemment, Palermo

et al

. ont transposé la FPS à 7 visagessur un PDA dans le cadre d’une étude évaluant, auprèsd’enfants ayant des douleurs chroniques, l’observance etl’acceptabilité de l’échelle à domicile [12]. Ce travail n’a pasrecherché la correspondance entre ver-sion électronique et carnet-patient-papier, puisque les deux versions ontété utilisées par des groupes d’enfantsdistincts. Notons que dans cette pre-mière adaptation, les visages étaientconsidérablement réduits par rapport àl’échelle originale. L’étude a, toutefois,documenté l’intérêt des enfants à utili-ser un PDA, et l’avantage de l’auto-con-trôle de saisie.Les données rapportées par la présenteétude sont difficilement superposables avec celles d’étudesantérieures : les auteurs de la FPS-R ont validé l’échelle surle support papier uniquement, et ce, avec des volontairessains adultes ; ensuite, la validation a été étendue à desenfants lors d’un piercing d’oreille, puis en situation dedouleur clinique (comparaison à une EVA et une échelle decouleurs), toujours sous format papier [7]. Par ailleurs, nousn’avons pas trouvé de données dans la littérature sur lareproductibilité des mesures sur PDA ; nous avons donc étéamenés à la déterminer nous-mêmes dans une étude préli-minaire. Un intervalle de 10 minutes prévu avant ladeuxième passation (allant, en pratique, de 8 à 15 minutes)visait à minimiser la mémorisation du visage retenu. A noterque l’on ne peut exclure une légère modification de la dou-leur pendant ce laps de temps, sans pouvoir l’objectiver.La méthodologie de notre étude poursuivait l’objectif d’éva-luer la correspondance des résultats de la même échelle surdeux supports différents.Aussi, la confrontation des scores de douleur relevés par lesenfants, à un court intervalle de temps, sur FPS-R dans saversion originale et son adaptation sur PDA, a répondu auxattentes : le coefficient de corrélation est très élevé pourl’ensemble de la population étudiée (0,86), et l’est encoredavantage pour les enfants à partir de l’âge de 7 ans : 0,90et 0,94 entre 7-9 et 10-12 ans, respectivement. Les enfants

de la tranche d’âge 4-6 ans n’ont qu’un coefficient de cor-rélation de 0,77 – un tel résultat est cependant assez sou-vent rapporté dans des études similaires conduites, notonsle, avec des adultes. Il n’est pas inintéressant de rappelerque les enfants de notre étude n’avaient pas eu l’occasiond’être confrontés auparavant aux représentations de laFPS-R.Ces résultats – selon la démarche habituelle de validationpar l’analyse de corrélation – démontrent que l’utilisationdu PDA équivaut tout à fait au papier. Qui plus est, nousavons étayé ce résultat par le calcul des réponses identi-ques. Il s’avère que les enfants se sont peu « trompés », puis-que 77,17 % d’entre eux ont relevé le même visage et prèsde 20 % ne se sont déportés que d’un seul visage (un totalde 89 enfants sur 92). Seuls 4 enfants ont dû être considérés

comme n’ayant pas compris le principede l’échelle, selon le test de vérificationeffectué a posteriori. Leurs scores, prisen compte comme toutes les autres don-nées, pèsent infiniment peu sur lesrésultats globaux. Le taux élevé de com-préhension du principe de l’échelle estrassurant, le cas inverse aurait pu invali-der l’étude.Bien que la forte majorité des enfantsinclus dans cette étude par ordre d’arri-vée, présentait des douleurs faibles

(fig. 3)

, ceci ne peut remettre en question la validité desrésultats.La façon dont laquelle l’enfant aborde l’apprentissage del’échelle pouvait influencer les résultats. Aussi, un teleffet a été identifié en analysant l’ordre dans lequel lesdeux tests ont été effectués. Ainsi, le coefficient de cor-rélation est significativement inférieur pour les paires descores relevés dans les groupes « écran puis papier »comparativement à l’ordre inverse. Cela va de pair avecla tendance des réponses identiques qui est plus faibledans ce même ordre écran-papier, sans que cela soit sta-tistiquement significatif en soi. Ces données tendent àsuggérer que d’être confronté à l’échelle des visages pourla première fois dans sa version électronique puissenécessiter, pour certains enfants, comme pour tout nou-vel outil technologique, une familiarisation plus prolon-gée. On peut concevoir un effet de distraction que lapremière vue et manipulation du PDA provoquent. Lacompréhension cognitive de l’échelle qui, à l’écran, estdissociée en deux parties, pouvait jouer un rôle. De telseffets sont parfaitement concevables, néanmoins la valeurdu coefficient r dans le sous-groupe écran-papier restetoujours satisfaisant (0,80) quand on les place dans lecontexte des études de validation utilisant cette démar-che, puisqu’un r = 0,70 est accepté.

La méthodologie de notre étude poursuivait

l’objectif d’évaluer la correspondance

des résultats de la même échelle sur deux supports

différents.

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Une attention particulière doit être accordée à la perfor-mance des plus jeunes (4-6 ans). L’utilisation par les enfantsde bas âge des valeurs seuil et plafondd’une échelle d’évaluation est bienconnu. Cette utilisation dichotomiqueavait été recherchée. Toutefois, les sco-res 0 et/ou 10 n’étaient et ne pouvaientpas être fréquemment représentés dansla population de l’étude (en particulier,une douleur sévère nécessitant un traite-ment rapide !). Un quart des enfants dela tranche 4-6 ans a néanmoins utilisél’une ou l’autre extrême de la FPS-R, quecela soit sur papier ou écran. Ceci est similaire aux observa-tions faites dans d’autres études utilisant la version papier.Dans cette classe d’âge 4-6 ans, une relative hétérogénéitéde la maturité des enfants peut tout naturellement expli-quer une certaine fragilité de l’auto-évaluation, rencontréedans bien des auto-évaluations à ces âges-là. Le coefficientde corrélation de la tranche du plus jeune d’âge de notreétude, quoique similaire, qu’ils aient « compris » ou non(0,77 et 0,73), est significativement inférieur aux autrestranches d’âge. Par ailleurs, ce coefficient, si la premièrepassation a été sur écran, baisse encore (0,67) avec un tauxde compréhension également inférieur aux autres tranchesd’âge (89,7 %), sans différence significative – sachant qu’unenfant de cette classe d’âge a eu des réponses plus particu-lièrement faibles.Néanmoins, près de 90 % des plus jeunes ont compris leprincipe de l’échelle, 86,2 % l’ont exécuté facilement et,enfin, 62,1 % d’entre eux ont préféré le PDA.Tous âges confondus, l’utilité clinique de l’échelle dans saversion électronique ne fait pas de doute : le PDA a été pré-féré par 66,3 % des enfants, et 89 d’entre eux, sur les 92enfants de l’étude, ont désigné soit le même visage, soit levisage adjacent lors des 2 passations successives.

CONCLUSION

La première adaptation électronique de l’échelle des 6 visa-ges FPS-R sur un écran de micro-ordinateur de poche s’avèreêtre bien acceptée par des enfants entre 4 et 12 ans. La com-paraison « quasi-simultanée » (pour une douleur aiguë) desdeux supports a montré la validité de cette adaptation par latrès bonne corrélation entre les deux versions.La version électronique de FPS-R ouvre la voie à unemeilleure diffusion et utilisation des outils d’auto-évaluationchez l’enfant en pratique quotidienne. Cette nouvellemodalité d’évaluation s’intègre parfaitement dans la consti-tution d’une large base de données sur le traitement de ladouleur chez l’enfant.

Nous remercions les Laboratoires Grünenthal pour leurimplication et leur soutien qui ont permis la bonne réalisa-

tion de cette étude ainsi que les auteursde la FPS et FPS-R, et l’IASP (Internatio-nal Association for the Study of Pain)pour nous avoir donné l’autorisationd’utiliser cette échelle dans le cadre decette étude et le Pr Carl von Baeyer (Sas-katoon, Canada) pour ses précieux com-mentaires.

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Résumé

L’objectif de l’étude a été d’utiliser une nouvelle version de l’échel-le des visages, transposition de la FPS-R sur ordinateur de poche detype Palm

TM

et d’en apprécier le bon usage et la validité auprèsd’enfants douloureux. L’esprit et la forme originelle de cette échel-le ont été respectés sur le support électronique. 3 groupes homo-gènes de 30 enfants hospitalisés (4 à 12 ans) ont auto-évalué leurdouleur à 10 min d’intervalle, avec les deux outils, papier puisPDA, ou inversement, suivant une randomisation pré-définie. Untest de compréhension a été effectué après les deux mesures. Surce premier effectif de 92 enfants, le coefficient de corrélation (r deSpearman) global entre les paires de scores est de 0,86(p < 0,0001). Concernant le pourcentage de réponses identiquesou déviant de un et plusieurs scores, il n’y a pas de différence signi-

Sur l’échelle papier et l’échelle électronique,

89 enfants sur 92 ont désigné

soit le même visage, soit le visage adjacent lors

des 2 passations successives

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ficative entre l’ordre de passation papier-PDA et PDA-papier. Glo-

balement, la préférence d’utilisation allait au support électronique.

La fiabilité de l’échelle et de l’outil était très bonne : 88 enfants sur

92 ont choisi le même visage ou le visage voisin. Ces corrélations

très satisfaisantes permettent d’envisager d’inclure prochainement

cette échelle électronique dans le PDA du soignant. Ceci constitue

un élément important pour la création d’une banque de données

centralisée sur la prise en charge de la douleur des enfants.

Mots-clés :

douleur, auto-évaluation, enfants, « Échelle des visages »,PDA.

Summary: Self-report of acute pain by children usingan electronic version of the Faces Pain Scale – Revisedon the PalmOne personal data assistant

Aim.

The study assessed the feasibility and validity of obtaining

children’s self-reports of acute pain using the Faces Pain Scale –

Revised (FPS-R) adapted for administration on the PalmOne per-

sonal data assistant (PDA). The PDA version was designed to be

as close as possible in format to the original paper version and

similar instructions were used.

Method.

Hospitalised children (N = 92, age 4 to 12 years) report-

ed their pain intensity twice, at a 10-minute interval, on both the

PDA and paper versions of the FPS-R; the order of administration

of the two versions was randomized. A test of comprehension

was performed after completing the two measures.

Results.

The overall Spearman correlation between scores ob-

tained from the PDA and paper forms was 0.86 (with some mi-

nor age differences), indicating excellent correspondence of the

two versions. Order of administration had no effect on the pro-

portion of scores that were identical from first to second admin-

istration. The reliability of the PDA version was very good, with

96% of children choosing the same face or the adjacent face on

the two successive administrations. The majority of children at

all ages preferred the electronic over the paper version.

Conclusion.

The satisfactory reliability of the PDA version of the

FPS-R, and the children’s preference for it, indicate that this tool

can soon be included in care-givers’ PDAs. The FPS-R adapted for

PDA can also contribute substantially to a centralised database

on pain management in children.

Key-words: Pain, self-report, self-assessment, Faces Pain Scale –Revised, FPS-R, personal data assistant, PDA, Palm.

Tirés à part : S. FALINOWER,Umanis Clinical Research,

7-9, rue Paul Vaillant-Couturier,92300 Levallois Perret.

e-mail : [email protected]/cro