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Claude Gauvreau

Combattre la mortalité infantile au SudGrande excitation dans l’universbactériologique ! Après 14 annéesd’efforts, le professeur René Roy duDépartement de chimie et son col-lègue Vicente Verez Bencomo del’Université de La Havane ont mis aupoint un nouveau vaccin qui pourraitsauver la vie de milliers d’enfantssouffrant de pneumonie ou de mé-ningite, en particulier dans les pays endéveloppement.

Ce vaccin, dont les autorités cu-baines viennent tout juste d’approu-ver la commercialisation, s’attaqueraà la bactérie Haemophilus influenzae

type b, communément appelée labactérie «Hib». Selon l’Organisationmondiale de la santé (OMS), la bac-térie Hib provoque, chaque année, en-viron trois millions de cas de maladiegrave et entre 400 000 et 700 000décès chez les enfants âgés de quatreà 18 mois. Elle peut aussi laisser desséquelles neurologiques gravescomme la paralysie et la déficiencementale. «Des vaccins contre cettebactérie existaient déjà mais ilsétaient trop dispendieux pour uneutilisation à grande échelle dans lespays en développement», expliqueM. Roy.

Spécialiste en chimie médicinale etchercheur réputé, René Roy ensei-gnait à l’Université d’Ottawa avant dejoindre les rangs de l’UQAM en jan-vier dernier. «Je suis né à Montréal,j’y ai fait mes études et j’avais enviede me retrouver dans un milieu detravail francophone particulièrementdynamique. L’UQAM m’offrait nonseulement tout cela mais elle soutientaussi, actuellement, ma candidaturepour l’obtention d’une Chaire de re-cherche du Canada en chimie théra-peutique», de raconter M. Roy.

Vaccin moins coûteuxLa bactérie Hib s’attaque aux

voies respiratoires et entraîne le dé-veloppement de la pneumonie et de laméningite qui affectent plus particu-lièrement les jeunes enfants, les per-sonnes âgées et les sidéens, en raisonde la faiblesse de leur système im-munitaire, explique M. Roy. «Il existedéjà cinq vaccins anti-Hib commer-cialisés dans différents pays, dont leCanada. Pour les produire, on doitcultiver la bactérie à grande échelle eten extraire la capsule, c’est-à-direl’espèce de manteau qui l’entoure.Pour notre nouveau vaccin, nousavons resynthétisé en laboratoire leséléments de la capsule, ce qui étaitnouveau. Puis, nous avons rattaché levaccin à une protéine porteuse qui ala propriété de stimuler le système im-munitaire.» Ce vaccin synthétiquecomporte plusieurs avantages et pour-rait même supplanter ceux qui exis-tent déjà, affirme M. Roy. Comme ilne contient aucune composante issuede la bactérie originale, il est moinsonéreux, ses effets secondaires sont

minimes et il est plus facile d’encontrôler la qualité.

L’Université d’Ottawa et celle deLa Havane sont les deux détentricesofficielles du brevet et se partagent lapropriété intellectuelle également.«C’est la première fois, à ma connais-sance, qu’une telle entente interviententre une université canadienne etune université étrangère», souligne M.Roy. Le vaccin sera produit par uneentreprise pharmaceutique cubaine, lacompagnie Heber, qui pourra signerdes accords internationaux. «Nousespérons que le vaccin sera égalementmis sur le marché dans d’autres paysd’Amérique latine, en Iran, en Irak, enAfghanistan et en Afrique.»

«J’ai rencontré Vicente VerezBencomo, mon collègue et ami, en1994, lors d’un congrès scientifiquetenu à Ottawa. Vicente travaillait de-puis 1989 à la conception d’un nou-veau vaccin anti-Hib. Malheureuse-ment, les moyens techniques del’époque n’étaient pas suffisants pour

réussir. Mais, un an plus tard, nousavons obtenu des fonds de l’OMSpour un projet de recherche com-mun», relate M. Roy.

«L’expertise médicale existe àCuba et son système de santé estmême perçu comme un modèle parplusieurs pays, mais le gouverne-ment cubain est obligé d’investirchaque année plus de deux millionsde dollars US pour acheter des vac-cins anti-Hib et doit, en outre, im-porter d’Europe et du Canada plu-sieurs produits chimiques etorganiques.»

René Roy a aussi contribué à lamise au point de trois vaccins syn-thétiques permettant le traitementd’infections d’origine bactérienne etd’autres maladies comme le cancercolorectal. Il est parvenu à synthétiserdans ses laboratoires de nouvellesmolécules appelées «glycodendri-mères» pouvant empêcher certainesbactéries d’adhérer aux voies respi-ratoires et intestinales. Il entend éga-

lement mener à terme un projet de re-cherche, amorcé en 1998, portantsur le développement d’outils de dé-tection du cancer du sein et mêmed’un vaccin qui pourrait améliorer letraitement de cette maladie. En sep-tembre dernier, il recevait le presti-gieux prix Melville L. Wolfrom de laDivision of Carbohydrate Chemistryde l’American Chemical Society pourl’excellence de ses travaux de re-cherche.

Plantes médicinalesRené Roy, qui a reçu le titre de «pro-fesseur invité de l’Université de LaHavane», s’intéresse aux produits na-turels et à leurs propriétés médici-nales. En collaboration avec des cher-cheurs d’Afrique de l’Ouest (Mali,Togo, Guinée), il a obtenu des fondsdu Centre de recherche en dévelop-pement international (CRDI) afin derecenser les plantes médicinales lesplus couramment utilisées pour letraitement de maladies comme lamalaria, la pneumonie et le sida.«On oublie que 70 % des médica-ments actuels prescrits contre le can-cer sont d’origine naturelle», sou-ligne-t-il.

«J’ai maintenant une nouvelleéquipe de recherche à l’UQAM com-posée de quatre étudiants stagiaires,dont deux postdoctorants. Avec mescollègues électrochimistes, MarioMorin et Daniel Bélanger, j’ai égale-ment soumis une demande de sub-vention au Conseil de recherches ensciences naturelles et en génie(CRSNG). À 51 ans, je ne suis pas en-core mûr pour la retraite, bien aucontraire !» •

René Roy, professeur au Département de chimie. Photo : Nathalie St-Pierre

L’UQAM / le 1er décembre 2003

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