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SOMMAIRE
INTRODUCTION ................................................................................................................... 3
I-Objectifs .............................................................................................................................. 4
II- Naissance et épistémologie d’une discipline majeure de l’Anthropologie ........................... 5
III-L’UTILISATION ABUSIVE DU SAVOIR ANTHROPOLOGIQUE OU LES DEVIATIONS
EPISTEMOLOGIQUES ........................................................................................................18
IV- LES RUPTURES EPISTEMOLOGIQUES DE LA BIOANTHROPOLOGIE ......................27
V- METHODOLOGIE PLURIDISCIPLINAIRE EN ANTHROPOLOGIE BIOLOGIQUE ..........32
CONCLUSION .....................................................................................................................37
REFERENCES .....................................................................................................................38
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INTRODUCTION
L’anthropologie désigne aujourd’hui l’ensemble des disciplines qui se consacrent à
l’étude des populations humaines à la fois sous l’angle de la morphologie
(anthropologie biologique et paléoanthropologie) et sous celui des formes de
sociétés contemporaines (ethnologie, anthropologie sociale et culturelle) ou
anciennes (archéologie et préhistoire). Cette acceptation est assez moderne puisqu’il
y a encore peu de temps, l’anthropologie désignait l’ensemble des savoirs sur
l’homme mais dans une vision souvent « naturaliste ». Durant la première moitié du
XXe siècle, l’anthropologie physique est devenue l’étude des caractères
Physiques et biologiques de l’homme. Dans les pays anglo-saxons, le sens du mot
anthropology est beaucoup plus vaste puisqu’il englobe aussi, la primatologie, la
préhistoire et l’ethnologie.
L'anthropologie biologique possède un champ d'investigation assez vaste, se situant
à l'interface du biologique et du social. Elle étudie à la fois l’évolution de l’homme et
sa diversité biologique actuelle tout en prenant compte à chaque fois, non seulement
la dimension biologique, mais aussi l’influence du rapport Nature/Culture.
Elle se situe à l’interface de la biologie et des sciences humaines et intègre les
apports d’autres disciplines : biologie, anatomie, génétique et biologie moléculaire,
biodémographie, médecine, statistiques, histoire, linguistique, ethnologie… Au XIXe
siècle, elle demeure dans le cadre élaboré par les naturalistes du XVIIIe siècle (Linné
et Buffon) et Broca en 1860 qui définit l'anthropologie «physique» comme l'«histoire
naturelle de l'homme». Cette discipline est aujourd’hui subdivisée en « sous-
spécialités » : génétique des populations, biologie humaine (variabilité humaine
actuelle et processus d’adaptation à l’environnement et aux conditions pathogènes),
paléoanthropologie (étude des populations du passé à partir de matériel fossile
principalement os et dents) et anthropologie funéraire, primatologie (étude des
primates non humains), écologie humaine, biodémographie, anthropologie médico-
légale… Elle se distingue de l’anthropologie sociale et culturelle qui se rapproche de
l’ethnologie et de la sociologie. L’anthropologie biologique (ou encore
l’anthropobiologie) connaît actuellement une deuxième jeunesse parallèlement aux
progrès techniques dans les domaines de la génétique, de l’imagerie, de
l’informatique et des biostatistiques.
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Il paraît impossible d’en établir de manière exhaustive un historique tant ses racines
sont multiples et profondes au sein des sciences biologiques et humaines.
En définitive, la relation entre tous les individus de la population permet de définir
l’expression biologique de l’anthropologie.
L’importance des questions méthodologiques et épistémologiques pour
l’anthropologie biologique découle de plusieurs raisons:
- la nature animale de l'homme et son étroite parenté avec les autres animaux
(référence à la primatologie, l’éthologie) ;
- l’impossibilité d'interpréter l'évolution humaine exclusivement en terme de survie du
plus apte (lamarckisme et darwinisme) ; ceci renvoie à une conception pragmatique
et empirique du savoir anthropologique (transposition du biologique au social) ;
- la plasticité morphologique de l'homme (étude de l’adaptabilité au moyen de la
biométrie humaine) ;
- la similitude fondamentale entre toutes les populations humaines (les plus grandes
variations sont liées au dimorphisme sexuel et à l'âge) ;
- la micro-évolution au sein d’homo sapiens ne peut pas se penser uniquement en
terme « naturaliste » mais doit intégrer la culture : l’anthropologie biologique doit
donc être « bio-culturelle » ;
- les conséquences pratiques sur l’homme et son environnement, donc soumise à la
pression des intérêts;
- l’appartenance aux sciences sociales, donc soumise à la pression des idéologies.
En définitive, l’Anthropologie biologique est une discipline qui regroupe plusieurs
dimensions sur lesquelles reposent sa scientificité et sa méthodologie dans l’univers
de la recherche.
I-Objectifs
Ce cours consacré à la formation épistémologique et méthodologique en
bioanthropologie des étudiants inscrits en Licence 1 en Anthropologie vise
l’acquisition de la culture scientifique et la démarche en bioanthropologie.
Les enseignements proposés, alternent en CM et TD.
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II- Naissance et épistémologie d’une discipline majeure de l’Anthropologie
II-1. Naissance et développement de l’Anthropologie biologique
L’anthropologie biologique naît véritablement au XIXe siècle. En Europe et en
particulier en France, la discipline se développe à partir de la médecine et de la
biologie, en Amérique du nord, elle embrasse un cadre plus large incluant
l’anthropologie sociale et culturelle qui chez nous correspond à l’ethnologie.
L’anthropobiologie est d’abord uniquement morphologique, « anatomique » ou «
physique » se basant en particulier sur l’ostéologie. C’est le crâne, structure osseuse
jugée la plus noble chez l’homme, qui va susciter le plus d’études et devenir une
sous-spécialité dénommée craniologie. Johann Friedrich Blumenbach (1752-1840)
est considéré comme le fondateur de l’anthropologie physique. Nommé professeur
de médecine à 24 ans, il a été à l’origine de la craniologie, de l’anatomie
comparative, et de la séparation homme/grands singes. Il individualise cinq « races »
au sein de l’humanité : mongoloïde, américaine, caucasienne, éthiopienne, et
malaise. Le terme « caucasien » (qui n’implique pas une origine dans les monts du
Caucase mais qui était synonyme de « peuple magnifique » dans cette classification
racialiste) persiste encore dans la littérature médicale actuelle surtout de langue
anglaise. En France, Broca et de Quatrefages effectueront de nombreux travaux de
craniologie. Les débuts de l’anthropologie sont teintés de théories racialistes qui
culmineront malheureusement lors de la Seconde Guerre mondiale avec le national-
socialisme hitlérien.
La préhistoire, discipline également très « française » comporte de nombreuses
passerelles avec la paléoanthropologie. La réalité du concept d’homme préhistorique
va apparaître grâce à l’étude de couches géologiques, la découverte d’outils de silex
façonnés par l’homme et de restes fossiles animaux par Casimir Picard (médecin)
dans la Somme. À partir de tout ceci, Jacques Boucher de
Perthes, un des « pères » de la préhistoire, propose la dénomination « d’homme
antédiluvien » (1837). Deux disciplines vont ainsi voir le jour : la préhistoire et la
paléontologie humaine qui s’intégreront à l’anthropologie. C’est la période « de la
ruée vers l’os » durant laquelle ces problématiques vont attirer tous types de
chercheurs comme par exemple Édouard Lartet (1801-1871), avocat gersois, qui
fouille la grotte d’Aurignac en Ariège, démontre la coexistence ancienne de l’homme
avec des espèces disparues, propose une chronologie de la période préhistorique en
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y individualisant le néolithique et corrèle la taille du cerveau avec la dynamique
évolutive.
Il sera nommé sur le tard à la chaire de paléontologie du Muséum d’histoire naturelle
de Paris. La Société d’Anthropologie de Paris fondée en 1859 par le chirurgien Paul
Broca devient la première société savante à focaliser les recherches sur ce thème au
travers de sa revue Les Bulletins et Mémoires de la Société d’Anthropologie de Paris.
Dans les années qui suivent, les découvertes de sites préhistoriques vont se
succéder dans la région franco-cantabrique (grottes de Dordogne, de Haute
Garonne, d’Altamira…) livrant les témoignages artistiques de ces temps lointains.
En 1856, près de Düsseldorf en Allemagne, dans la vallée du Neander, est
découvert une calotte crânienne aux caractères morphologiques particuliers. Ce
vestige osseux, d’abord faussement attribué à un cosaque tué pendant la guerre ou
à un individu atteint de rachitisme (hypothèse émise par le réputé anatomiste
allemand Rudolf Virchow), est en fait celui d’un homme de Neandertal. Il est d’abord
considéré comme le « chaînon manquant », puis ensuite comme le représentant
d’une autre « humanité » concurrente des sapiens (les premiers crânes
néandertaliens furent en fait exhumés dans la région de Liège en 1830 et à Gibraltar
en 1848 mais leurs caractéristiques particulières n’interpellèrent personne et leur «
identité » ne fut révélée que bien plus tard). Cette découverte marque pour beaucoup
de spécialistes les débuts de la paléoanthropologie. Marcellin Boule (1861-1942),
fondateur de l’Institut de paléontologie humaine, est l’auteur de la première étude
complète sur l’homme de Neandertal dans son ouvrage L’homme fossile de la
Chapelle-aux-Saints paru en 1911. C’est selon lui un être bestial qui ne saurait être
l’un de nos ancêtres. Il y aura alors une individualisation de l’archéologie
préhistorique, discipline basée sur l’examen des vestiges, à la suite de fouilles des
produits de l’activité humaine (« les archives de la terre » selon Leroi-Gourhan).
L’Abbé Breuil (1877-1961) sera considéré comme le « pape » de l’art paléolithique.
Avec la mise en place de repères chronologiques, on se lance dans l’étude des
coupes stratigraphiques, la climatologie, la description de types humains anciens et
d’industries (ethnologie préhistorique). En 1859, Darwin publie sa théorie sur l’origine
des espèces et la sélection naturelle. L’interprétation exclusivement religieuse des
origines de l’Homme (créationnisme) va céder sa place à une véritable vision
scientifique. En 1866, Grégor Mendel, un moine de Silésie, décrit les règles de
transmission des caractères génétiques en croisant des plants de petits pois dans
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son monastère de Berno. Ce travail n’aura aucun écho au sein de la communauté
scientifique de l’époque et ces mécanismes fondamentaux seront « redécouverts »
plusieurs décennies plus tard par d’autres chercheurs. Au début du XXe siècle, c’est
l’avènement de la séro-anthropologie avec la découverte du premier système de
groupes sanguins, le système ABO (Landsteiner, 1900). L’une des premières
publications sur ce thème proposa une classification « raciale » basée sur la
distribution des groupes érythrocytaires ABO chez 500 soldats de diverses origines
du front de Salonique lors de la première guerre mondiale en défi nissant un « index
biochimique » A/B (Hirszfeld & Hirszfeld, Anthropologie 1919). À l’aube des années
1930, Fisher, Haldane et Wright jettent les bases de la génétique des populations.
Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955) paléontologue français et jésuite du début du
XXe siècle a associé l’évolution humaine à son rapprochement vers Dieu. Arthur
Ernest Mourant (1904-1994), hématologiste mais aussi géologue, chimiste, et
généticien (!), démontre l’intérêt anthropologique de la distribution des groupes
sanguins au sein de nombreuses populations. En France, le concept d’hématologie
géographique et d’hémotypologie a été développé par deux médecins
hématologistes, Jacques Ruffi é (1921-2004, titulaire de la chaire d’anthropologie
physique au Collège de France) en association avec Jean Bernard (1907-2006).
L’invention de l’électrophorèse des protéines permet d’étendre les possibilités
d’étude de la variabilité humaine. Elle sera par exemple appliquée à la séparation
des différents types d’hémoglobine (Hb). L’Hb S sera la première « pathologie
moléculaire » mise en évidence en 1949 par Pauling. La découverte du système HLA
dans les années 1970 par Jean Dausset ouvre encore plus largement le champ de la
biologie des populations. Dans les deux dernières décennies du XXe siècle la
génétique fait son entrée dans l’univers de l’anthropobiologie.
Un personnage important de la génétique des populations est Luca L. Cavalli Sforza,
auteur de l’ouvrage de référence The history and geography of human genes, paru
en 1994. Cet excellent chercheur et vulgarisateur a étudié dès les années 1960 la
distribution d’un grand nombre de caractères selon les populations. Au niveau de
l’Europe, il a individualisé des populations « à part » comme les Sardes, les Basques
ou les Lapons. Il a élégamment présenté ses résultats sur des cartes géographiques
synthétiques où il met en relief les corrélations de la génétique avec des faits
historiques ou culturels. C’est un farouche défenseur de l’approche multidisciplinaire
dans laquelle l’anthropologie côtoie la linguistique, l’histoire, l’archéologie… On
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dispose maintenant de techniques performantes comme la PCR ou le séquençage
permettant d’étudier les polymorphismes de l’ADN. Alors que les découvertes de
fossiles d’hominidés se succèdent à travers le monde, les progrès dans la
connaissance de l’histoire de cette famille sont en ce début de XXIe siècle le fruit de
la confrontation des données entre deux types d’anthropobiologistes ceux de « l’os »
et ceux de « l’ADN ».
II-1 Les théories majeures de l’anthropologie biologique
III-1-1. Darwin et les concepts d’évolution et de sélection naturelle
La théorie de Darwin a été confirmée et « ressuscitée » par les données modernes
de la biologie moléculaire et de la génétique. Elle constitue la base du raisonnement
en anthropobiologie. Avant Darwin, la vision du monde était surtout dictée par les
préceptes religieux. Les formes de vie sur terre étaient considérées comme les
produits de la création divine. Certains calculs effectués d’après l’Ancien Testament
stipulaient que la terre avait 6 000 ans et que les hommes avaient été créés en 4004
avant J.-C. Les fossiles étaient sensés représenter les survivants du déluge biblique
voire l’oeuvre du diable. Néanmoins, des conceptions scientifiques du monde vivant
avaient déjà été proposées. Carl von Linné avait énoncé en 1735 une classification
des êtres vivants (taxinomie) au sein de laquelle sera inclus l’Homme en tant
qu’Homo sapiens.
L’embryologiste allemand Haller expose en 1744 sa théorie de l’humunculus qui
considère que l’être humain est déjà formé à toute petite échelle dans les
spermatozoïdes et qu’il verra simplement sa taille augmenter au cours de la
gestation au sein du « réceptacle » utérin. Georges Cuvier (1769-1832) soutient la
théorie du fixisme qui prétend que les espèces vivantes sont immuables et
incapables de se transformer. Les notions même d’évolution et de sélection avaient
cependant déjà été évoquées avant Darwin. Un économiste britannique (et pasteur)
Thomas Robert Malthus dans son ouvrage Essay on the principle of population
(1798), prétend que la progression démographique excède celle des ressources,
ainsi, tous les descendants d’une génération ne peuvent survivre. Malthus prônait un
contrôle des naissances. Jean Baptiste Lamarck (1744-1829) est véritablement le
premier théoricien de l’évolution. Il propose l’idée de transformisme : les individus
s’adaptent en développant ou atténuant certaines fonctions selon l’usage ou le non-
usage de l’organe correspondant (exemple classique de la girafe dont le cou s’est
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allongé car ces individus qui devaient consommer leur nourriture végétale de plus en
plus haut du fait de l’assèchement du climat ont transmis ce caractère à leur
descendance).
Pour Lamarck, il existe une hiérarchie dans le monde vivant, il croit au phénomène
de génération spontanée et à une hérédité des caractères acquis. Selon William
Patey (1802), « il ne peut y avoir de créature sans créateur » (La théologie naturelle).
Charles Lyell, géologue, dans son ouvrage Les principes de géologie (1830),
considère que la terre a évolué progressivement et a accueilli au fur et à mesure de
nouvelles espèces.
Charles Darwin, en observant des fossiles (témoins chronologiques de séquences
évolutives) et en effectuant des travaux d’anatomie comparée (discipline initiée par
Cuvier), il acquiert la certitude de l’évolution des formes de vie dans le temps. Il
s’immerge dans la forêt tropicale au Brésil, côtoie les peuples de la Terre de Feu,
découvre le corail et les atolls d’Océanie… Aux îles Galápagos, il constate de visu
l’importante variabilité entre diverses espèces animales et végétales qui partagent
pourtant un fort degré de parenté. Ces différences reflètent pour lui une nécessité,
celle d’une meilleure survie de ces espèces dans un milieu donné, c’est le concept
de sélection naturelle.
II-1-2. De la sélection sexuelle
L’ouvrage The descent of Man and selection in relation to sex (1871) constitue une
extension à l’Homme de la théorie de la descendance avec modifications. Comme
toute autre espèce, l’Homme « descend » d’autres formes préexistantes comme le
suggère l’anatomie comparée. Darwin y souligne la notion de variabilité sur le plan
de l’anthropométrie, de l’éthologie ou de la sociologie (peuples « civilisés » versus «
exotiques »). Il amène ainsi la biologie vers l’anthropologie sociale. Dans le monde
civilisé, c’est l’éducation qui gouverne le devenir des groupes humains et non plus la
sélection naturelle. La sélection sexuelle représente un phénomène plus subtil que la
sélection naturelle. C’est « l’avantage que certains individus ont sur d’autres de
même sexe et de même espèce sous le rapport exclusif de la reproduction ».
Elle est illustrée dans la nature par la rivalité des mâles qui vont développer certaines
caractéristiques favorables pour la possession des femelles (exemples : crinière plus
épaisse du lion, plumage plus éclatant du paon ou chant plus mélodieux chez
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l’oiseau). Les caractères sexuels secondaires sont plus accentués chez les mâles
des espèces polygames. Darwin pense que la sélection sexuelle pourrait expliquer la
diversité des types humains selon la géographie que l’on a appelé « races ». Il prend
des exemples qui illustrent que les canons de la beauté varient selon les zones du
globe : pour les Chinois, c’est une face et un nez larges et aplatis, des pommettes
hautes et une obliquité des yeux (les premiers occidentaux y étaient décrits comme «
ayant un bec d’oiseau avec le corps d’êtres humains ») ; pour les Hottentots, la
partenaire la plus recherchée est celle qui possède les fesses les plus proéminentes
(concentration de graisse ou stéatopygie). L’avantage reproductif conféré par ces
caractéristiques spécifiques à chaque population est ainsi susceptible d’avoir
accentué les différences entre les phénotypes humains au fil du temps.
II-2-Epistémologie de l’Anthropologie Biologique
II-2-1 Contexte historique de l’épistémologie
L’épistémologie, d’un point de vue étymologique est formée d’un préfixe
« épistémè » qui signifie science et d’un préfixe « logos » qui veut dire discours.
L'épistémologie (aussi appelée théorie de la connaissance) est l'étude de la nature
de la preuve. Des questions d'épistémologie surviennent en permanence : comment,
dans une discipline donnée, la connaissance s’opère-t-elle ? Quel est, pour un
champ déterminé, la manière dont s’établit le savoir ? Ou bien, quels sont les
procédés utilisés par une science ou une discipline pour constituer son ou ses objets
?
Piaget (1967), propose quelques distinctions essentielles. Il distingue d’abord la
logique de l’épistémologie.
logique = étude des conditions formelles de vérité.
épistémologie = étude des conditions d'accession et des conditions constitutives des
connaissances valables, c'est-à-dire, pour Piaget, scientifiques.
L’épistémologie est le discours de la science. Etant donné que la science est un
discours sur la réalité, elle désigne à la fois des activités productrices de
connaissances et les résultats des activités : théories, méthodes de travail et règle de
comportement.
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L’épistémologie est donc la théorie de la science. Elle truste la méthode spécifique
des sciences, entre processus les plus généraux de la connaissance, leur logique et
leurs fondements. Elle évalue la portée du savoir qu’elle construit et en dégage le
sens pour l’ensemble des pratiques humaines. L’épistémologie est donc la théorie de
la science en général, c’est-à-dire la théorie qui essaie de définir les méthodes, les
fondements, les objets et les finalités de la science.
Depuis l’antiquité grecque, les champs d’études de l’épistémologie étaient occupés
par la logique, la philosophie des sciences, l’histoire des sciences, la théorie de la
connaissance et la sociologie des sciences dont le but est de distinguer le bon grain
de l’ivraie afin de déterminer des critères de scientificité. Mais aujourd’hui, ces
champs ne sont-ils plus d’actualité ? Répondre par l’affirmative reviendrait à dire que
l’épistémologie est caduque et que son objet n’a plus de sens. Dans cette
perspective, elle devrait donc repréciser ses champs d’action.
En fait, l’épistémologie s’est détachée de la philosophie des sciences pour se
constituer au XXè siècle en une discipline autonome en partie. La philosophie es
sciences s’intéresse à la connaissance en général quand l’épistémologie s’investit à
la connaissance scientifique.
L’histoire permet à l’épistémologie d’aborder les sciences de deux manières, à savoir
l’étude diachronique de leur développement parce qu’une science évoque
indéniablement dans ses concepts, ses théories, ses méthodes.
La science progresse par phase : phase normale-phase révolutionnaire-phase
normale. Ainsi, la connaissance scientifique ne progresse par accumulation
progressive, mais par révolution en rupture. Autrement dit, l’épistémologie
contemporaine se préoccupe de l’aspect continu ou discontinue du savoir empirique.
Ainsi, c’est à travers la connaissance ordinaire que l’épistémologie donne sens aux
connaissances scientifiques.
De tout ce qui préccède, à quel degré de certitude la bioanthropologie est-elle
capable d’accéder à partir des moyens dont elle dispose ? Quelle sorte de vérité
propose-t-elle ?
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En formulant notre question : l’anthropologie biologique est-elle scientifique ? C'est
la notion normative du terme « scientifique » qui fait véritablement autorité. Ce qui
nous importe, c'est d'établir si l’Anthropologie biologique est vraiment scientifique.
L'épistémologie n’étant pas formelle est toujours associée, implicitement ou
explicitement, à une ontologie, c’est-à-dire à des considérations sur la nature des
choses. Par conséquent, l’épistémologie d'un objet (ou domaine) de connaissances
donné ressort à la fois d'une épistémologie générale et d'une épistémologie
particulière: en fonction des disciplines scientifiques (épistémologie de la physique,
épistémologie de la biologie, épistémologie de la sociologie, etc.); en fonction des
objets de connaissance eux-mêmes (qui peuvent être au croisement de plusieurs
disciplines scientifiques).
Cette distinction caricature à la fois les sciences de la matière et les sciences
humaines. Toutes les sciences sont nomothétiques, car elles s’efforcent de dégager
des lois objectives et contraignantes. Toutes les sciences sont aussi
herméneutiques, car pour constituer un fait ou le vérifier, il faut en définitive trouver
ou retrouver dans une intuition une abstraction exprimée dans un énoncé.
Par ailleurs, une autre caractéristique du champ de l'anthropologie est son approche
bioculturelle. C'est-à-dire, l'anthropologie cherche à décrire et expliquer les
interactions entre notre nature comme espèce biologique et, le comportement
culturel qui constitue pour notre espèce le plus saisissant et important trait.
Mais toutes ces différentes dimensions rendent l'étude de l'espèce humaine
complexe et excitante, et ainsi l'anthropologie, la discipline qui prend ce défi, est
typiquement divisée en un certain nombre de sous-champs (Schéma 1).
L'anthropologie culturelle est l'étude de la culture comme caractéristique de notre
espèce et de la variation de l'expression culturelle parmi les groupes humains.
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Fig. 1. Sous-champs majeurs de l’Anthropologie
Chaque sous-champ présente d’autres spécialités. Pour l'anthropologie biologique,
ces spécialités s’expriment mieux termes d’interrogations que nous cherchons à
répondre au sujet de la biologie humaine :
Quelles sont les caractéristiques biologiques qui définissent l'espèce humaine ?
Comment nos gènes codent-ils ces caractéristiques ? Juste combien les gènes
contribuent-ils à nos traits ? Comment l'évolution fonctionne-t-elle, et comment
s'applique-t-elle à nous ?
Quel est la preuve physique de notre évolution ? C'est la spécialité désignée sous le
nom de paléoanthropologie, de l'étude des fossiles humains basés sur notre
connaissance de biologie squelettique, ou de l'ostéologie qui s’en occupent.
Quelle sorte de diversité biologique voyons-nous dans notre espèce aujourd'hui ?
Comment a-t-elle évolué ? Que les traits variables signifient-ils pour d'autres aspects
de nos vies ?
Que pouvons-nous nous renseigner sur la biologie de nos parents étroits, les
primates non humains, et que cela peut-il nous indiquer au sujet de nous-mêmes ?
Cette spécialité s'appelle la primatologie.
Que connaissons-nous de l'écologie humaine, les rapports entre les humains et
leurs environnements ?
Comment pouvons-nous nous appliquer toute cette connaissance ?
ANTHROPOLOGIE
ANTHROPOLOGIE
BIOLOGIQUE
ANTHROPOLOGIE
CULTURELLE
ANTHROPOLOGIE
LINGUISTIQUE
ARCHEOLOGIE
Biodiversité ;
primatologie ;
Ecologie humaine ;
génétique.
Culture comme trait
de caractère de
l’espèce ; Variation
de l’expression
culturelle humaine
Lingustique
descriptive ;
Evolution du
langage.
Archéologie
préhistorique ;
Archéologie
historique ; gestion
des ressources
culturelles
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II-2-2.Scientificité de l’anthropologie biologique
L'anthropologie biologique (ou la bioanthropologie ou l'anthropologie physique)
doit être définie dans le contexte de l'anthropologie de l'ensemble, et ceci est à la fois
simple et complexe. L'anthropologie, en général, est définie comme l’étude de
l'espèce humaine. Autrement dit, les anthropologues étudient l'espèce humaine
comme n'importe quel zoologiste étudierait une espèce animale. En somme, elle
examine chaque aspect de la biologie du patrimoine génétique, l’anatomie, la
physiologie, le comportement, l’environnement, les adaptations, et l’histoire
évolutionnaire soumis à la contrainte des corrélations parmi ces aspects.
Ce genre d'approche, examinant un sujet en se concentrant sur les corrélations
parmi ses parties s'appelle holistique. L'approche holistique est le cachet de
l'anthropologie. Nous comprenons que toutes les facettes de nos espèces, notre
biologie, notre comportement, notre passé, et notre présent agissent l'un sur l'autre
pour faire de nous ce que sommes. Mais certaines matières sont si complexes
qu’elles requièrent la nécessité d'être étudié séparément juste comme pour prendre
des cours d'histoire, de sciences économiques, de psychologie, d’art, d’anatomie, et
ainsi de suite. Le travail des anthropologues en pareil cas consiste à rechercher les
raccordements parmi ces sujets, parce que dans la vie réelle, elles ne sont
absolument pas séparées.
Mais ici, elle semble compliquée, car la caractéristique essentielle du comportement
de nos espèces relève de la culture, et le comportement culturel n'est pas
programmé dans nos gènes, comme cela se présente par exemple, pour une grande
partie du comportement des oiseaux et pratiquement de tout le comportement des
fourmis. La culture humaine est apprise. Nous avons un potentiel biologique pour le
comportement culturel en général, mais précisément, comment nous nous
comportons vient à nous par toutes nos expériences. Apprendre une langue par
exemple. Tous les humains naissent avec la capacité d'apprendre une langue, mais
c'est la langue parlée par nos familles respectives et nos plus cultures proches qui
déterminent quelle langue nous parlerons. L'anthropologie biologique regarde notre
espèce d'un point de vue biologique.
La plupart des anthropologues ne portent pas les manteaux blancs de laboratoire ou
ne travaillent pas avec des tubes et des produits chimiques à essai. Beaucoup
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d'anthropologues étudient les choses qui ne peuvent pas être directement observées
en nature ou être recréées dans le laboratoire parce qu'elles se sont produites dans
le passé. Mais la bioanthropologie est une science, au même titre que beaucoup
d’autres, à l’image de la chimie, la physique et la biologie.
Une image populaire d'un scientifique est celle d'une encyclopédie en marche. La
Science est souvent vue comme un rassemblement de faits : juste pour indiquer que
les scientifiques savent beaucoup de faits.
Les faits sont certainement importants pour la science. Ils sont la matière première
de la science, à travers l'utilisation de données scientifiques, rassemblées par
l'observation et l'expérimentation.
Mais le but de la science est de relier et d’unifier des faits afin de produire, par la
suite, de larges principes connus sous le nom de théories. La Science, en d'autres
termes, est une méthode d'enquête, une manière de répondre à des questions au
sujet du monde. Mais comment la science fonctionne-t-elle ? La science est-elle la
seule méthode valide et logique pour expliquer le monde autour de nous ?
Théorie : Une idée générale soutenue qui explique un grand ensemble de modèles
effectifs et prévoit d'autres modèles.
La science : la méthode d'enquête qui exige la génération, l'essai, et l'acceptation
ou le rejet des hypothèses.
Comme des scientifiques, nous devons répondre à ces questions en s’appuyant sur
un ensemble de règles spéciales découlant de la méthode scientifique.
La méthode scientifique implique un cycle d’étapes, pouvant commencer n'importe
où sur le cycle et en réalité. L'étape la plus fondamentale est de poser des questions
auxquelles nous souhaitons répondre ou décrivant les observations que nous
souhaitons expliquer. Nous recherchons alors des modèles, des raccordements et
des associations de sorte que nous puissions produire des conjectures de
connaissances relatives aux explications possibles. Ces conjectures de
connaissances s'appellent les hypothèses.
Peut-on parler de l’objectivité scientifique de la bioanthropologie ? Quel est le degré
de certitude à la lumière des courants de l’épistémologie ?
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- Le rationalisme
« Toute connaissance provient essentiellement de l’usage de la raison » (Kant,
Descartes, Leibnitz). → l’expérimentation est facultative ↔ la bioanthropologie ….. ?
- L’empirisme
« Toute connaissance provient essentiellement de l’expérience … Les observations
permettent de rendent compte ». Dans ce contexte où le fonctionnement a pour but
de produire des idées qui permettent de faire de nouvelles expériences ↔ la
bioanthropologie … ?
- Le positivisme
Le privilégie le management de l’observation et de l’expérimentation. Il se fonde sur
des faits mésurables ↔ la bioanthropologie … ?
- Le constructivisme
«Le constructivisme considère toute connaissance scientifique au même titre que
n’importe quelle autre connaissance construite à partir d’expérience cognitive » ↔ la
bioanthropologie … ?
- Le réalisme
« Les modèles scientifiques sont des constructions destinées à prédire certaines
sphères d’une réalité objective qui existe indépendamment de l’observateur » ↔ la
bioanthropologie … ?
- L’objectivité
L’idéal de tout discours scientifique est la production d’une connaissance objective.
La science vise à produire des connaissances rigoureuses pouvant être soumises à
la critique et aux épreuves de récitation et de vérification.
II-2. La construction moderne de l'objet en anthropologie biologique.
Contrairement à l'anthropologie physique "typologiste", qui s'inspire d'une conception
de l'hérédité antérieure aux découvertes de Mendel et d'une vision fixiste de
l'humanité, l'anthropologie biologique (ou anthropobiologie), ne se contente pas de
17
décrire la diversité biologique humaine; elle reprend paradoxalement une partie du
vieux projet de l'anthropologie, à savoir d'essayer d'en comprendre la nature et la
genèse.
Mais, contrairement à la pensée typologiste qui rassemble sous une même
dénomination l'individu et la population (= le type), l'anthropologie biologique va partir
simultanément de ces deux niveaux fort distincts.
Biologiquement, l'individu varie sans cesse, de la naissance à la mort, au long de
processus de croissance, de maturation puis de vieillissement. L'anthropologie
biologique part aussi de la constatation que deux ordres de facteur interagissent :
ceux relevant du génétique et ceux relevant du milieu. Elle se trouve face à des
morphologies individuelles, donc des phénotypes, qui sont le résultat de l'expression
du génotype et de l'action du milieu.
Depuis Darwin et l'hypothèse de la souche humaine unique, toute théorie se référant
à un quelconque concept de race ne peut se développer que dans le cadre d'une
pensée évolutionniste. En théorie, ce phénomène de "raciation" requiert deux
conditions: l'isolement sexuel et la sélection naturelle.
L'isolement sexuel provoque un paysage génétique et morphologique singulier, due
en particulier au phénomène de dérive génique. Ce n'est plus la présence d'un
caractère qui importe, mais sa fréquence dans la population.
L'apport de la génétique devient essentiel pour comprendre les mécanismes de
l'hérédité. Le cadre conceptuel changeait car les individus d'une génération G + 1
n'étaient plus le produit d'un "mélange" entre deux parents de la génération G, mais
des individus différents résultant d'une recombinaison génétique.
C'est pourquoi, si certains ont pu croire, dans un premier temps que la génétique
allait permettre de fonder une nouvelle typologie raciale plus "moderne", nous
verrons que les travaux en génétique humaine ont vite montré, finalement dès les
recherches sur les groupes ABO, que la variabilité génétique était considérable.
Dès lors, l'anthropologie devait définitivement rompre avec la pensée typologiste,
puisqu'elle sa seule raison d'être devenait l'étude des processus d'évolution, donc de
la variation au sein de notre espèce (Gomila, 1976; Hiernaux, 1980); les autres
branches de la biologie étaient là pour étudier notre espèce (anatomie, physiologie,
génétique,...).
L'anthropologie biologique devenait une discipline reposant entièrement sur un
modèle de pensée populationniste.
18
III-L’UTILISATION ABUSIVE DU SAVOIR ANTHROPOLOGIQUE OU LES
DEVIATIONS EPISTEMOLOGIQUES
Les données fournies par le savoir anthropologique vont servir de prétexte à
certains extrémistes pour imaginer des idéologies racistes ou manifester des
comportements de mépris vis-à-vis de certains peuples ou d’individus naturellement
défavorisés. Il s’agit parfois aussi de théories scientifiquement construites. Ainsi
verront le jour le darwinisme social, le racisme, l’eugénisme, la sociobiologie et la
psychologie évolutionniste.
III-1 Le racisme et la psychologie raciale
Le racisme
Le privilège de la « race » blanche ou plus précisément de la nation Aryenne,
a été réaffirmé au XIX e siècle avec la contribution de certains auteurs comme
Joseph-Arthur Comte de GOBINEAU. Diplomate et écrivain il est connu pour son
Essai sur l’inégalité des races humaines. Dans cet ouvrage il examine l’origine de
l’humanité et celle des races, puis « démontre leur inégalité en force, en beauté et
surtout en intelligence. Ses intentions sont claire affirmer la supériorité de la « race »
blanche par la hiérarchie des « races » conformément au contexte idéologique et
politique de son époque et ce malgré l’abolition de l’esclavage en 1848. Il affirme que
l’origine de l’humanité est des « races » est multiple et que le Blanc, le Nègre, le
Jaune appartiennent à des espèces différentes, qui sont apparues ou ont été créées
séparément. Cela lui semble s’imposer à la vue de différences physiques et mentales
qui lui sont évidentes. Pour lui à la vision d’un « Nègre de côte occidental d’Afrique
(….) l’esprit se rappelle involontairement la structure du singe et se sent enclin à
admettre que les races nègres (…) sont sorties d’une souche qui n’a rien de
commun, sinon des rapports généraux dans les formes, avec la famille mongole »1
Et quand il en arrive aux habitants de l’Europe, il leur trouve « une telle supériorité de
beauté, de justesse dans la proportion des membres, de régularité dans les traits du
1 Essai sur l’inégalité des races humaines, p 114
19
visage que tout de suite, on est tenté d’accepter la conclusion » de la multiplicité des
races. La vision de Gobineau promet à l’humanité un sort d’autant plus misérable
que le mélange des « races » y sera plus complet : « le dernier terme de la
médiocrité dans tous les genres », puisque « l’espèce blanche a désormais disparu
de la face du monde » et que « la part du sang arien, subdivisé déjà tant de fois, qui
existe encore dans nos contrées, et qui seule soutient l’édifice de notre société,
s’achemine vers les termes extrêmes de son absorption. Gobineau trouve donc
dangereux le métissage par les mariages interraciaux qui risque de faire disparaitre
la « race » aryenne (blanche).
Madison Grant, un avocat plus connu comme un écologiste et eugéniste créé le
mouvement "racistes" en Amérique préconisant l'extermination des "indésirables" et
certains "types" course à partir du pool des gènes humains. Il a joué un rôle crucial
dans la politique restrictive de l'immigration américaine et les lois anti-métissage. Ses
travaux ont servi de justification à la politique nazie de stérilisation forcée et
l'euthanasie. Il a écrit deux des oeuvres fondatrices du racisme américain: The
Passing of the Great Race (1916) et la conquête d'un continent (1933). The Passing
of the Great Race obtient un succès populaire immédiat et mis en place des
subventions comme une autorité en anthropologie, et jeté les bases pour ses
recherches sur l'eugénisme.
En 1911, une affamée et presque nus homme indien a pris refuge dans un abattoir
de Californie du Nord. Il a été remis à l'anthropologue Thomas T. Waterman, qui l'a
amené à vivre à l'Université de Californie du musée d'anthropologie. Il a été donné le
nom Ishi, qui signifie «homme» dans sa langue maternelle. La plupart des membres
de la tribu de Ishi, le Yahi-Yana, ont été massacrés pendant la ruée vers l'or en
Californie. Surnommé «l'homme sauvage dernier en Amérique", il est devenu une
attraction populaire, et dans ses six premiers mois au musée, 24.000 visiteurs le
regardait démontrer arrow-faire et le feu des capacités. Ishi vécu au musée jusqu'à
ce qu'il meurt de tuberculose en 1916.
En 1926, l'American Association of Physical Anthropology et le National Research
Council a organisé un Comité sur le Noir, qui était axée sur l'anatomie des Noirs et
reflète le racisme de l'époque. Parmi ceux qui sont nommés au Comité sur la
couleur, étaient Hrdlicka, Earnest Hooton et eugéniste Charles Davenport. En 1927,
le Comité a approuvé une comparaison des bébés africains avec de jeunes singes. "
20
Dix ans plus tard, le groupe a publié les résultats dans l'American Journal of Physical
Anthropology de "prouver que la race nègre est phylogénétiquement une démarche
proche de l'homme primitif que la race blanche
La psychologie raciale
Certains psychologues dont les plus célèbres, WECHSLER, STERN, TERMAN
se sont contentés à caractériser l’intelligence par certaines aptitudes (à juger, à
comprendre, à imaginer, …) et ont cherché à déterminer l’âge mental et à faire
correspondre cet âge à l’âge réel afin de déduire, le retard d’intelligence ou l’avance
d’intelligence par rapport à une norme qu’ils ont calculé. Ils sont partis de
l’hypothèse suivante : le développement intellectuel de chaque enfant se réalise de
façon continue et à vitesse constante. De cette hypothèse ils ont déterminé le
quotient intellectuel (QI) qui égal à l’âge mental divisé par l’âge réel. Ces mesures
sont réalisées à partir de tests. Les plus radicaux vont déterminer à partir de ces
tests des « idiots » (retardé mental) et des super-doué. D’autres encore à partir de
recherches initiées, comme le psychologue Arthur JENSEN (1974), Cyril BURT avec
ses travaux sur les jumeaux homozygotes, vont déterminer dans l’intelligence la part
de l’inné (gène) et de l’acquis (le milieu). Ils aboutissent à la conclusion que
l’intelligence est génétiquement déterminée à 80% et 20% par le milieu. On est ainsi
amené à voir dans l’intelligence un ensemble de traits moins qualitatifs que
quantitatifs donc susceptibles de mesures.
Le plus grand retentissement de toutes ses études est la déduction d’une
inégalité des QI selon les classes sociales et les « races ». Les premières réflexions
de JENSEN présentées dans un article de la Harvard Educational Review en 1969,
exposaient des comparaisons de QI entre les Blancs et les Noirs américains. Ces
comparaisons montraient que la moyenne observée chez les Noirs est inférieure de
15 points à celle des Blancs. S’appuyant sur les conclusions de BURT, JENSEN
justifie cet écart par le fait que le QI est déterminé à 80% par le patrimoine
génétique ; l’infériorité intellectuelle des Noirs telle qu’elle est mesurée par les tests,
révèle donc une infériorité biologique innée, contre laquelle aucune action ne peut
lutter. Des remarques semblables ont été faites par le psychologue anglais Hans
Eysenck dans un ouvrage paru en 1977. S’appuyant sur des résultats d’études
empiriques effectuées dans certains pays, il dresse un tableau des QI des diverses
21
professions (cadres supérieurs : professeurs, savants, chercheurs ; cadres moyens :
chirurgiens, avocats… ; commerçants ; jardiniers…). Combinant avec l’affirmation,
affichée comme un dogme, que le QI est déterminé pour 80% par le patrimoine
génétique son étude veut démontrer que les inégalités sociales sont la conséquence
des inégalités génétiques contre lesquelles personne ne peut rien. Il s’agit ici un
avatar du darwinisme social. Les conséquences de ces différents tests seraient
inévitablement la conclusion suivante : Pour le bien de l’espèce humaine, il faut que
les « meilleurs » (les mieux intelligents) participent plus que les autres à la
transmission du patrimoine biologique. Au nom de telles affirmations la vie entière de
certains peut être sacrifiée, notamment au cours de l’épouvante course d’obstacle
qu’est devenue la scolarité. La ségrégation de groupes entiers, leur exploitation
peuvent être présentées comme justes car conformes aux conclusions de la science
III-2 Le darwinisme social et l’Eugénisme
Le darwinisme social
Le darwinisme social est une doctrine politique évolutionniste apparue au
XIXe siècle selon laquelle la lutte pour la vie entre les hommes est l'état naturel des
relations sociales et la source fondamentale du progrès et de l'amélioration de l'être
humain, et qui prescrit à l'action politique de supprimer les institutions et
comportements qui font obstacle à l'expression de la lutte pour l’existence et à la
sélection naturelle qui aboutissent à l’élimination des moins aptes et à la survie des
plus aptes
Envisagé à l’échelle de la compétition entre les individus, il préconise la levée
des mesures de protection sociale, l’abolition des lois sur les pauvres ou l’abandon
des conduites charitables. Son versant racialiste fait, à l’échelle de la compétition
entre les groupes humains, de la lutte entre les « races » le moteur de l’évolution
humaine. Il s’est conjugué à la fin du XIXe siècle avec les théories eugénistes.
Les origines de cette théorie monte à HERBERT SPENCER (1820-1903), savant
contemporain anglais de Darwin, Ingénieur, philosophe et sociologue et tout aussi
22
populaire, interprète cette théorie par la « sélection des plus aptes » (Survival of the
fittest). Le darwinisme social suggère donc que l'hérédité (les caractères innés) aurait
un rôle prépondérant par rapport à l'éducation (les caractères acquis). Il s'agit ainsi
d'« un système idéologique qui voit dans les luttes civiles, les inégalités sociales et
les guerres de conquête rien moins que l'application à l'espèce humaine de la
sélection naturelle ». Il fournit ainsi une explication biologique aux disparités
observées entre les sociétés sur la trajectoire prétendument unique de l'histoire
humaine : les peuples les moins « adaptés » à la lutte pour la survie seraient restés
« figés » au stade primitif.
Sur le plan politique, le darwinisme social a servi à justifier scientifiquement
plusieurs concepts politiques liés à la domination par une élite, d'une masse jugée
moins apte. Parmi ceux-ci notons le colonialisme, l'eugénisme, le fascisme et surtout
le nazisme. En effet, cette idéologie considère légitime que les races humaines et les
êtres les plus faibles disparaissent et laissent la place aux races et aux êtres les
mieux armés pour survivre.
À la fin du XIXe siècle, le darwinisme social a été étendu aux rapports entre les
nations. Ce mouvement s'est surtout développé dans les pays anglo-saxons, et dans
une moindre mesure en Russie. Si cette idée ne débouche en général pas sur des
attitudes belliqueuses, il n'en est pas de même en Allemagne où l'affrontement entre
les nations « jeunes », comme l'Allemagne, pleines de vitalité « virile », et les nations
« anciennes », qualifiées par les tenants de cette théorie de « décadentes », comme
la France, est considéré comme inévitable.
Dès le 19e siècle, les travaux de Spencer sont utilisés pour démontrer les
fondements biologiques du retard technologique et culturel de populations dites
« sauvages », justifiant scientifiquement les politiques coloniales en leur donnant une
caractéristique morale de civilisation, alors même qu'elles sont fondamentalement
rendues nécessaires par la contraction des marchés locaux.
Le « darwinisme social », serait également une idéologie réactionnaire du
capitalisme. En 1848, la parution du Manifeste communiste offre une vision
révolutionnaire de la question, qui place l'homme et son activité, sur un plan social,
au cœur du progrès historique. Cette vision ne peut évidemment satisfaire la
nouvelle classe dominante, la bourgeoisie, qui vit avec enthousiasme la pleine
23
ascension du système capitaliste. D'une part, cette ascension se fonde sur une
idéologie particulièrement axée sur l'individualisme, et d'autre part, il est bien trop tôt
pour la bourgeoisie de concevoir, même sur un plan strictement intellectuel, la
possibilité d'un dépassement du capitalisme. A cette époque en Angleterre, la
classe dominante est toujours traversée de courants radicaux qui remettent en cause
les privilèges héréditaires, qui constituent des freins aux nouvelles formes de
développement offertes par le capitalisme. Spencer fréquente ce milieu des
« dissidents », fortement ancré dans l'anti-socialisme. Il ne voit dans la misère noire
de la classe ouvrière anglaise, que les stigmates provisoires d'une société en
adaptation et qui, sous l'effet de l'explosion démographique, finira par se réorganiser,
constituant ainsi un facteur de progrès. Pour lui, le progrès est inévitable, puisque les
hommes s'adapteront à l'évolution de la société, si tant est qu'on les en laisse libres.
Cette euphorie est à peu près partagée par l'ensemble de la bourgeoisie. S'y ajoute
un fort sentiment d'appartenance à la nation qui achève sa construction et qui peut
être renforcé par les événements guerriers comme en France suite à la défaite
contre la Prusse. Le développement de la lutte de classe, qui accompagne le
développement du capitalisme, pousse la bourgeoisie à développer une autre
conception de la solidarité sociale, fondée sur des données qu'elle espère
indéniables.
Tout ceci constitue le terreau d'une théorisation de l'ascendance capitaliste et
de ses effets immédiats : la prolétarisation dans la sueur, la colonisation dans le
sang, la concurrence dans la boue.
Du strict point de vue scientifique, les travaux de Spencer inspireront des études plus
ou moins variées, comme la craniologie (l'étude de la forme et la taille du crâne, dont
les résultats s'avèreront finalement arrangés), les tentatives de mesure de
l'intelligence ou encore l'anthropologie criminelle avec la théorie du « criminel né » de
Lambroso, dont les échos se font encore entendre aujourd'hui dans les sphères
politiques bourgeoises quand il s'agit de détecter au plus tôt le futur criminel.
La prépondérance de l'inné conduit également Spencer à dessiner les contours
d'une politique éducative dont les répercussions sont encore visibles dans le
système scolaire primaire britannique, qui cherche à fournir à l'enfant un
24
environnement propre à son épanouissement personnel, à ses propres recherches et
découvertes, plutôt que de fournir un enseignement magistral susceptible de
développer de nouvelles aptitudes. C'est également le fondement théorique qui sous-
tend le concept d' « égalité des chances ».
L’Eugénisme
La descendance la plus réputée du darwinisme social réside avant tout dans
l'EUGENISME. Ce dernier se présente comme la version radicale du darwinisme
social. C'est FRANCIS GALTON, cousin de Charles Darwin, qui pose les premiers
concepts de l'eugénisme en suivant l'intuition sous-jacente de Spencer selon laquelle
si la sélection naturelle doit conduire de façon mécanique au progrès social, tout ce
qui l'entrave ne peut que retarder l'accession de l'humanité au bonheur. Plus
simplement, Galton craint que les mesures d'ordre social que la bourgeoisie est
amenée à prendre, la plupart du temps sous la pression de la lutte de classe,
induisent à terme une dégénérescence globale de la civilisation.
Alors même que Spencer serait plutôt adepte du « laisser-faire », de la non
intervention de l'État (un de ses ouvrages, paru en 1850, porte le titre Le droit
d'ignorer l'État) Galton va préconiser des mesures actives pour faciliter la marche de
la sélection naturelle. Il inspirera ainsi longtemps et plus ou moins directement des
politiques de stérilisation des malades mentaux, la pratique de la peine de mort pour
les criminels, etc. L'eugénisme est également toujours considéré comme caution
scientifique centrale dans les idéologies fascistes et nazies, même si déjà chez
Spencer, les éléments sont présents pour élaborer des visions racistes conduisant à
la hiérarchisation des races.
Le mouvement mondial eugénique gagné en force aux Etats-Unis à la fin des
années 1890, quand les théories de la reproduction sélective adoptée par
l’anthropologue britannique Francis Galton et son protégé Karl Pearson, a gagné du
terrain. Connecticut a été le premier parmi de nombreux Etats, en commençant en
1896, d'adopter des lois du mariage avec les dispositions eugéniques, interdisant à
quiconque qui était «épileptique, imbécile ou de faiblesse d'esprit» de se marier. Le
25
célèbre biologiste américain CHARLES DAVENPORT, docteur en biologie en 1892
et devenu directeur de la recherche dans un Laboratoire de biologie à New York en
1898, obtient un financement de l'Institut Carnegie pour créer la station de recherche
expérimentale sur l'Evolution. Puis, en 1910, il profite avec HARRY LAUGHLIN de
leurs positions au Record Office eugénisme pour promouvoir l'eugénisme.
L'ERO (Record Office eugénisme) a conclu après des années de collecte de
données sur les familles que les pauvres étaient la principale source des inaptes. "
Davenport et autres employés hautement considéré eugénistes comme le
psychologue Henry H. Goddard et écologiste Madison Grant lancé une campagne
pour lutter contre le problème des inaptes ". Goddard, en utilisant des données
fondées sur ses recherches sur la famille Kallikak, ont fait pression pour la
ségrégation, alors que Davenport restriction à l'immigration préféré et la stérilisation
en tant que méthodes primaires. Subvention, le plus extrême des trois, d'accord avec
deux de ses collègues, et même considéré comme l'extermination en tant que
solution possible.
CHARLES DAVENPORT publie en 1911 un livre, l'hérédité dans la liaison à
l'eugénisme, qui a été une œuvre majeure dans l'histoire de l'eugénisme. Avec un
assistant, Davenport a également étudié la question du métissage, où, comme il
disait, «race de passage" chez l'homme. En 1929, il publie Race Crossing, en
Jamaïque, qui était censée donner des éléments statistiques sur les dangers du
métissage entre Blancs et Noirs.
L'eugénisme permet de franchir un pas supplémentaire en envisageant la
suppression de masses d'individus jugés inaptes et donc en mesure potentiellement
de retarder le progrès de la société. Alexis Carrel, en 1935, ira même jusqu'à
préconiser, et même décrire avec force détails, la création d'établissements où se
pratiquerait l'euthanasie généralisée. Ainsi au nom de l’Eugénisme et de ses
principes, des crimes contre l’humanité ont été commis dans l’histoire de l’humanité.
Citons parmi ces crimes l’antisémitisme des juifs, l’extermination des Aborigènes
d’Australie par les colons anglais dont l'expansion débuta en 1770, les Amérindiens
ou Indiens d’Amérique ont connu le même sort lors de la colonisation de ce continent
par les Britanniques.
26
III-3 La sociobiologie
La sociobiologie est une théorie exposée en 1975 par Edward Osborne Wilson
de l'université de Harvard (États-Unis), dans son ouvrage Sociobiology. A New
Synthesis (Sociobiologie, la nouvelle synthèse). Il s’agit de la synthèse entre la
génétique, l’écologie et l’éthologie qui cherche l’origine biologique des
comportements des animaux sociaux y compris l’homme. Elle repose sur les deux
principes suivants :
- La hiérarchie rencontrée dans la plupart des sociétés animales est d'origine
génétique. Elle tient à des comportements d'agressivité et de dominance.
Biologiquement, certains sujets sont faits pour commander, alors que d'autres
sont faits pour obéir. Cela est vrai aussi bien chez les insectes que chez les
hommes. La position que chacun occupe dans la hiérarchie sociale n'est que
le fruit de la compétition qui sait reconnaître les « meilleurs » des « moins
bons » ; elle lui est assignée par la sélection naturelle.
- Tous les comportements d'un individu obéissent à une loi fondamentale,
diffuser ses propres gènes d'une façon aussi large que possible. Ainsi,
l'agressivité (qui conduit à éliminer tout rival sexuel), l'altruisme (qui s'applique
aux membres d'une même famille portant certains gènes identiques) ne
poursuivent pas d'autre but. Quant à l'altruisme que nous manifestons pour
nos amis, il tient au fait que ceux-ci peuvent nous aider à élever notre
progéniture
Pour la sociobiologie, l’objectif essentiel d’un organisme est de garantir la
transmission de ses gènes. Les êtres vivants sont donc en compétition incessante,
l’existence de l’être vivant ne se justifiant que pour assurer la meilleure transmission
possible de ses gènes qualitativement et quantitativement. Comme Lamarck, Wilson
admet la transmission héréditaire des comportements acquis. De ce point de vu, la
sociobiologie est qualifiée de néo-lamarckisme. Il a appliqué sa théorie chez l’homme
en 1978, dans un livre intitulé On Human Nature où il affirme un égoïsme biologique
des individus dans leur comportement social. Les êtres vivants sont donc en
27
compétition constante pour imposer dans la nature et cet appétit de leur génotype
s’accompagne d’une volonté agressive de domination sociale. Selon Wilson, les
divers comportements sociaux seraient programmés génétiquement. Il conçoit
l’altruisme comme « un comportement autodestructeur mis en œuvre pour le
bénéfice des autres ». La sociobiologie se présente comme un avatar du darwinisme
social que certains vont appeler un néo-darwinisme social. Elle prend des
proportions sexistes et implique des sous-entendus eugénistes en s’occupant des
infanticides et de la criminalité. Elle a pris à cet effet une dimension politique. En
France elle a été défendue par Yves CHRISTEN. Face aux différentes attaques
faites à la sociobiologie John TOOBY et Leda COSMIDES, lui donneront en 1990, la
nouvelle appellation psychologie évolutionniste
IV- LES RUPTURES EPISTEMOLOGIQUES DE LA BIOANTHROPOLOGIE
IV-1 Les ruptures
Toutes les dérives ou du moins déviations épistémologiques qui viennent d’être
citées plus haut ne sont en réalité basées sur aucune théorie scientifiquement
fondée. Que ce soit le racisme, l’eugénisme, le darwinisme social ou la
sociobiologie, ils prennent leur origine dans des contextes idéologiques et politiques
controversés.
Les limites du concept de « race » chez l’humain
La notion de race au sens strict du terme n’a aucun sens en biologie quant il
s’agit de l’Etre humain. La « race » peut biologiquement se définir comme des
individus qui portent tous certains caractères génétiquement fixés c'est-à-dire
transmis par l’hérédité et ayant en commun une part importante de leur patrimoine
génétique. Ceux qui apparaissent sous l’influence du milieu (caractère acquis) n’ont
aucune valeur classificatoire. Il s’agit de caractères intrinsèques des divers groupes
humains, indépendamment de leurs conditions de vie, de leur milieu géographique,
de leur classe sociale, de leur groupe ethnique, de leur culture ou de leur religion.
Les individus qui composent le groupe « raciale » ne présentent que des différences
28
mineures. Or les classifications faites par les taxonomistes (classificateurs) ne
reposent que sur des données fournies directement par l’observation de quelques
caractères visibles (phénotypes) : couleur de la peau, texture des cheveux, les
mesures du crâne et de la taille, forme du nez … En génétique et en Anthropologie
on utilise le terme de « population » pour désigner ce que les autres ont nommé
race. Il est infondé d’opérer une classification raciale des humains en se basant sur
un caractère unique ou encore moins sur l’appartenance géographique ou culturelle.
En arrêtant certains caractères spécifiques le système ABO et le système Rhésus,
ont peut obtenir des individus de la même population génétique appartenant à des
espace géographique différent (continent) ou à des cultures différentes. La
classification dépasse désormais le cadre du phénotype et concerne l’ « univers des
génotypes » Gobineau en a abusé au point qu’il est parvenu t à utiliser le mot espèce
pour qualifier les groupes humains qu’il définissait comme des groupes raciaux. Or
l’interfécondité entre des individus permet de déterminer le concept d’espèce. Une
espèce est un groupe d’individus à l’intérieur duquel l’interfécondité ou la fécondité
entre les sous-groupes est possible. En utilisant le mot espèce pour qualifier les
différents groupes humains, est-ce une façon pour Gobineau d’exprimer ouvertement
sa négation contre le métissage entre les populations européenne et celles
d’Afrique ?
La génétique a permis donc de donner un contenu plus objectifs au concept
de « race » et parler désormais de population à la place de race quand il s’agit de
l’humain.
Les limites de la psychologie raciale
En réalité les différents travaux réalisés sur les jumeaux homozygotes
comportent des insuffisances au niveau des échantillons utilisés (échantillon assez
réduit). Plus encore les travaux de Burt portant sur un nombre important de jumeaux
homozygote (53), révèle des insuffisances méthodologiques remarquables : les tests
utilisés ne sont pas précisés, le sexe et l’âge des enfants non plus, des doutes
peuvent même être formulés sur l’existence réelle de certains jumeaux. Parmi ces
études de jumeaux, celle de SCHIELDS porte sur un effectif important avec toutes
les précisions méthodologiques, mais celle-ci ne peut être admise sans
29
précautions car l’échantillon qu’il a étudié est bien peu représentatif (deux fois plus
de filles que de garçons, plus d’enfants issus de classes sociales très pauvres) ; en
plus la plus de ces jumeaux ont passé une part importante de leur enfance ensemble
dans une même famille. En somme toutes ces recherches comportent des limites
pour tirer des conclusions sur la détermination génétique de l’intelligence.
Une autre limite de ces études réside au niveau de l’origine culturelle des tests
utilisés pour mesurer le QI. Ces tests ont été mis au point sur des enfants ou des
adultes blancs élevés en Europe ou en Amérique du Nord. Toutes les valeurs
implicitement admises dans leur éducation sont nécessairement intervenues ;
comment porter un jugement avec de tels tests sur des sujets baignant dans une
culture totalement différente ? Les tests réalisés par Arthur JENSEN sont définis à
partir de caractéristiques culturelles de la société blanche aux Etats Unis à la fin de
1960, Or à cette époque et même de nos jours dans certains Etats d’Amérique, la
société noire ne bénéficie toujours pas des mêmes privilèges éducatifs et
socioculturels que les Blancs. Une comparaison issue de tels tests ne peut être que
lacunaire et biaisée.
Les limites du pseudo-darwinisme social
Dans De l'Origine des espèces (sous-titré : La Préservation des races favorisées
dans la lutte pour la vie), Darwin n'analyse pas la société humaine et n'a pas
d'implication personnelle citée dans le « darwinisme social ». Herbert Spencer n'est
pas un « darwinien » mais un lamarckiste ; il voit, en effet, dans l'évolution la marque
d'une marche vers un progrès inéluctable, contrairement à Darwin, pour qui elle est
le résultat du hasard.
En 1910, le sociologue Jacques NOVICOW, dans un ouvrage intitulé La
critique du darwinisme social, critique de manière acerbe la tendance de ses
collègues et savants de son temps à mettre en avant le conflit et la guerre comme
moteur de l'évolution et du progrès social. Il donne la définition suivante au
darwinisme social. « Le darwinisme social peut être défini : la doctrine qui
considère l'homicide collectif comme la cause des progrès du genre humain. »
30
L'épistémologue Patrick TORT a mis en évidence l'incompatibilité des thèses du
darwinisme social, particulièrement dans leurs prolongements malthusien et
eugéniste, avec les propres positions de Charles Darwin à propos de l'évolution
humaine, en s'appuyant sur un ouvrage peu connu de ce dernier, paru en 1871.
Dans ce ouvrage, contrairement aux interprétations du « pseudo-darwinisme »
social, C. Darwin affirme la rupture qui s'établit chez l'homme dans le processus de
lutte pour la survie, fondée sur l'élimination des faibles : « Nous autres hommes
civilisés, au contraire, faisons tout notre possible pour mettre un frein au processus
de l'élimination ; nous construisons des asiles pour les idiots, les estropiés et les
malades ; nous instituons des lois sur les pauvres ; et nos médecins déploient toute
leur habileté pour conserver la vie de chacun jusqu'au dernier moment. Il y a tout lieu
de croire que la vaccination a préservé des milliers d'individus qui, à cause d'une
faible constitution, auraient autrefois succombé à la variole. Ainsi, les membres
faibles des sociétés civilisées propagent leur nature. » (ibid,p223) C. Darwin conclut
alors par l'hypothèse d'une forme d'extraction de la nature humaine de la loi de la
sélection naturelle, sans pourtant contrevenir à son principe originel, à travers le
processus de civilisation, fondé sur l'éducation, la raison, la religion et la loi morale :
« Si importante qu'ait été, et soit encore, la lutte pour l'existence, cependant, en ce
qui concerne la partie la plus élevée de la nature de l'homme, il y a d'autres facteurs
plus importants. Car les qualités morales progressent, directement ou indirectement,
beaucoup plus grâce aux effets de l'habitude, aux capacités de raisonnement, à
l'instruction, à la religion, etc., que grâce à la Sélection Naturelle ; et ce bien que l'on
puisse attribuer en toute assurance, à ce dernier facteur les instincts sociaux, qui ont
fourni la base du développement du sens moral. » (ibid, p740).
La sociobiologie admet le principe de « sélection de parenté » selon lequel, le
comportement social est déterminé par la nécessité de maximiser le potentiel
reproductif, l’important est alors de transmettre le maximum de ses gènes. Or la
parenté n’est pas un fait biologique mais d’abord un fait culturel, caractéristique des
sociétés humaines. Les hommes ne se définissent pas d’abord par leurs attributs
physiques mais par leurs propriétés symboliques.
31
Il y a toutes sortes de motivations différentes à la base de l’agression, de même
le Don peut relever de l’altruisme comme de l’agressivité (Potlatch). Ce que la
sociobiologie ignore, c’est qu’entre le biologique et le social s’insère la Culture qui est
symbolisation et interprétation et est donc une cause d’indétermination. La
sociobiologie ignore la signification de l’acte humain.
Les sociobiologistes dévoient (détourne de son sens) le concept darwinien
d’évolution. La notion de maximisation du pool génétique qu’ils ont utilisé n’a aucun
sens dans l’évolution darwinienne puisque l’adaptation dépend du contexte en
question. La sociobiologie inverse le rapport entre l’organisme et la sélection : dans
ce cadre, c’est l’organisme qui essaie de maximiser sa situation et se sert de la
sélection pour cela. Dans le cadre darwinien, l’organisme est l’objet de la sélection.
En somme Darwin n'est pas le père du darwinisme social, ni de la
sociobiologie ni de l'eugénisme, ni du racisme scientifique, encore moins du
libéralisme économique, ou de l'expansion coloniale. Darwin n'est pas malthusien
non plus. Bien plus encore, c'est lui qui, parmi les premiers, apporte la contradiction
la plus développée aux théories de SPENCER et de GALTON.
Après avoir exposé sa vision du développement et de l'évolution des
organismes dans L'origine des espèces, Darwin se penche, douze ans plus tard, sur
les mécanismes à l'œuvre au sein de sa propre espèce, l'homme. En publiant La
filiation de l'homme en 1871, il va contredire tout ce que parallèlement, le darwinisme
social a construit. Pour Darwin, l'homme est bien le produit de l'évolution et se place
donc bien au sein du processus de sélection naturelle. Mais chez l'homme, le
processus de lutte pour la survie ne va pas passer par l'élimination des faibles.
Ainsi, par le principe de l'évolution, l'homme s'extrait du mécanisme de la
sélection naturelle en plaçant au-dessus de la lutte compétitive pour l'existence, tout
ce qui contribue à favoriser le processus de civilisation, à savoir les qualités morales,
l'éducation, la culture, la religion... ce que Darwin nomme les "instincts sociaux". De
cette façon il remet en cause la vision de Spencer de la prépondérance de l'inné sur
l'acquis, de la nature sur la culture.
32
En définitive, l'épistémologie des sciences empiète parfois sur ce qu'on appelle
couramment la méthode scientifique. On peut se demander, par exemple pourquoi,
les théories de Darwin et d'Einstein constituaient-elles des progrès par rapport aux
croyances de l'époque? Quelle est la nature de la preuve en sciences, de façon
générale? C'est étonnamment difficile, mais c'est aussi difficile d'expliquer comment
faire du vélo, même s'il est évident que nous savons comment en faire.
Piaget distingue aussi la méthodologie de la logique et de l’épistémologie.
V- METHODOLOGIE PLURIDISCIPLINAIRE EN ANTHROPOLOGIE BIOLOGIQUE
Méthodologie : littéralement définie comme « science de la méthode » ou discours
sur la méthode pour un objet ou domaine de connaissances donné, la méthodologie
constitue le croisement entre logique appliquée et épistémologie appliquée. D’une
part, elle n’a pas une consistance propre. D’autre part, on ne peut parler de logique
et d’épistémologie sans déborder sur la méthodologie qui est nécessaire pour les
mettre en œuvre.
Les méthodes sont seulement des moyens qui aident à rassembler un savoir. Elles
ne constituent pas un ensemble de critères pour savoir de quel savoir il s’agit. Elles
ne donnent aucun critère de vérité, aucune contrainte factuelle, aucun principe
théorique. En résumé, elles ne font pas épreuve par elles mêmes.
Par nature interdisciplinaire, l’anthropologie biologique a toujours été très liée aux
domaines de recherche des disciplines voisines, biomédicales, sociales ou
culturelles. Elle en a souvent adopté les méthodologies et les perspectives, au
risque, parfois, de s’y fondre. L’investissement croissant des anthropologues dans
des problématiques nouvelles en sciences biologiques, environnementales, ou
sociales va de pair avec une dispersion thématique qui constitue à la fois la richesse,
mais également la faiblesse de l’anthropologie biologique.
Et pourtant, l’anthropologie biologique possède une démarche scientifique
spécifique, qui traverse la multiplicité de ses champs d’intervention.
Le point commun à tous les anthropologues est de partager le même paradigme :
celui de l’espace/temps, c’est à dire celui de la diversité et de l’évolution humaine.
Dans cette perspective singulière, quel que soit le thème de recherche abordé,
33
l’homme est toujours envisagé en tant qu’être biologique, en total interaction avec
son environnement physique, socio-économique et culturel.
Pour se développer, l’anthropologie biologique doit s’appuyer sur une de ses
caractéristiques essentielles : l’interdisciplinarité. Le caractère holistique de
l’anthropologie biologique est en soi une chance pour la connaissance scientifique en
général. A une époque où la parcellisation des savoirs et l’hyperspécialisation de la
recherche commencent à atteindre leurs propres limites d’efficacité, le
développement d’un champ disciplinaire par nature ouvert à tous les aspects de la
diversité biologique humaine s’avère particulièrement important sur le plan
conceptuel, comme sur le plan méthodologique. L’approche singulière de
l’anthropologie biologique procure indéniablement aux disciplines voisines
(biologiques, médicales, sociales et écologiques) un regard spécifique sur des objets
d’étude communs.
De plus, la demande sociétale concernant l’anthropologie biologique est forte. Les
interrogations sur l’évolution biologique de notre espèce, son adaptation aux
changements rapides de mode de vie et d’alimentation, l’influence des migrations sur
l’évolution des flux géniques, les modifications morphologiques ou physiologiques
éventuelles du corps humain dans un futur proche ou lointain, entrent dans le champ
de la problématique anthropologique. Donner à comprendre la complexité des
processus biologiques de transformation de notre espèce en fonction d’un milieu
évoluant rapidement, tel est également l’enjeu de notre discipline.
L'anthropologie biologique a apporté des méthodes d'analyse de groupe ; elle a
communiqué à d'autres disciplines - comme la médecine - la nécessité de réunir de
grands échantillons porteurs d'une représentativité.
VI-1 Les Méthodes
VI-1-1 La biométrique
La biométrie constitue une étape essentielle de l’analyse anthropologique à travers le
traitement de données et leur présentation synthétique. Elle contribue à formuler des
hypothèses et à les éprouver. Sa démarche repose sur la statistique.
34
VI-1-2 L’estimation de la forme corporelle (le somatotype)
La forme du corps humain a toujours suscité beaucoup d’intérêt, tant pour ses
variations liées au sexe ou vieillissement, tant pour sa finalité clinique ou esthétique.
Autrement dit, es méthodes visent à quantifier et à comparer les variations infinies
de la morphologie de l’Hom sapiens. Ainsi naîtra la biotypologie, science qui
s’occupe de l’étude des biotypes humains, somatiques ou psychologiques.
VI-1-3 L’Ergonomie
L’ergonomie regroupe un ensemble de connaissances interdisciplinaires capables
d’analyser, d’évaluer et de projeter des systèmes simples ou complexes incluant
l’homme, en tant qu’opérateur ou usager. L’étude ergonomique concerne tous les
systèmes qui interagissent avec l’homme. L’objectif est d’améliorer la qualité de la
vie (sûreté, santé, bien-être t confort, etc.).
VI-1-4 Les méthodes ostéologiques
Les méthodes ostéologiques ont connu un perfectionnement avec l’application de
nouvelles techniques morphométrique en 2 ou 3 dimensions : elles améliorent les
estimations de la forme et du format des pièces osseuses et, permettant de mieux
interpreter l’évolution humaine.
VI-1-5 L’Anthropologie légale
L’Anthropologie légale est l’application de l’anthropologie physique aux problèmes
légaux et à l’identification des restes humains squelettiques. Elle peut se diviser en
trois (3) grands domaines :
Ostéologie légale ;
Somatologie légale ;
ADN et identification.
VI-1-6 La micro-usure dentaire
La micro-usure dentaire consiste à analyser les modifications produites sur l’émail
par la capacité abrasive des particules contenues dans les aliments.
VI-1-7 L’Analyse chimique et régimes alimentaires
35
L’analyse étudie des éléments traces et l’analyse des isotopes. Les concentrations
en éléments traces, s’expriment généralement en ppm (part par million) : le strentium
(Sr) et le calcium (Ca) sont les plus exprimés.
Certains éléments chimiques présentent des variantes ou « isotopes ». les analyses
isotopiques du carbone et de l’azote s’effectuent généralement sur le collagène,
composant majoritairement la partie organique de l’os.
VI-2 Quelques méthodes couramment appliquées
En anthropologie biologique, plusieurs types d’observables sont impliqués, aussi
bien quantitatifs que qualitatifs. Elle requiert donc plusieurs méthodes sur des
questions complexes qui concernent l’homme.
- Pour des études de « population »
Pour des études sur la génétique des populations, le développement des techniques
de l’ADN et de la bioinformatique, l’anthropologie biologique se redéfinit (Crawford,
2007). On fait place d’avantage à la variation, aux « tendances » statistiques, aux
gradients de fréquences (Laine 2000), aux corrélations entre génétique et
linguistique (Cavalli-Sforza, 1997).
La définition de la population et l’échantillonnage représentent la première étape de
toute étude anthropogénétique (Jobling et al., 2004). La réalisation de l’enquête
implique de travailler à partir d’un échantillon de la population d’intérêt.
Le domaine démographique réside dans les méthodes particulières de collecte des
données :
- enquêtes et entretiens approfondis, adaptés à la population étudiée, et
effectués auprès d’individus ou de groupes familiaux situés dans leur propre
cadre de vie ;
- recoupement des données de l’enquête avec d’autres informations, afin de
préciser et compléter les éléments recueillis;
- mise en lumière de comportements et opinions, selon les générations ou les
groupes socio-économiques;
- suivi dans le temps de l’évolution démographique de la communauté
(enquêtes sur le long terme);
36
- constitution de généalogies biologiques et reconstruction historique à
l’échelle locale.
Si tous les individus de la terre pouvaient être échantillonnés, il n’y aurait pas de
problème de représentativité. Pour des raisons financières comme éthiques, cela est
bien entendu impossible, d’où la nécessité d’une stratégie d’échantillonnage.
Le développement d’une échelle micro-géographique vers une échelle macro-
géographique se traduit par une évolution des stratégies d’échantillonnage.
Les individus sélectionnés ne sont plus les membres d’une communauté clairement
identifiée mais au contraire des individus échantillonnés aléatoirement sur une aire
géographique et/ou au sein d’une population aux contours larges. On peut alors
avoir :
Echantillon local, échantillon « poolé » : Selon la stratégie adoptée on peut
globalement définir deux types d’échantillons : des échantillons « locaux » définis sur
une base biodémographique (stratégies de mariage, généalogies..) et des
échantillons « poolés » (ex : prélèvements en milieu hospitalier..) regroupant des
individus dispersés au sein d’un groupe culturel et/ou d’une aire géographique large.
Selon Ptak et Przeworski (2002), les échantillons « poolés » sont les plus à même de
permettre la détection d’un maximum de variabilité. Ils sont donc les plus adéquats
pour le développement d’une approche phylogéographique ou la mise en évidence
de nouveaux polymorphismes.
Focus group : Dans les études anthropobiologiques, la mesure est bien souvent la
règle. Crânes, os longs, plis cutanés, force de préhension, mais aussi activité
physique, auto-évaluation de la santé, bien-être subjectif…
Tout peut, et surtout doit, être mesuré, calculé et catégorisé afin de fournir la vision la
plus objective possible de l’homme. L’anthropologie biologique n’est pas seule à
s’inscrire dans cette tendance positiviste puisque l’ensemble des sciences
biomédicales, la psychologie sociale et certains courants de la sociologie sont
également dominés par cette « raison calculante » (Boëtsch et Chevé, 2006).
Ainsi en anthropologie biologique, les thèmes de recherche sont généralement
traités en soumettant les hypothèses à l’épreuve des chiffres et des analyses
statistiques. Réalisées sur des échantillons représentatifs des populations, ces
études ont souvent recours à l’utilisation de mesures anthropométriques, biologiques
et d’échelles « validées », qu’elles soient psychosociales ou de santé.
37
Au moment de la rédaction du questionnaire se posent alors deux principales
questions d’ordre méthodologique : quelles échelles et quelles mesures utiliser ?
Sont-elles adaptées à la population d’étude ? Parmi les méthodes qualitatives les
plus utilisées, les groupes de discussion focalisés ou focus groups (« une technique
d’entrevue qui réunit de six à douze participants et un animateur, dans le cadre d’une
discussion structurée, sur un sujet particulier ») (Geoffrion, 2003) paraissent
particulièrement adaptés à la démarche anthropobiologique.
- Méthodes d’analyse des données
Diverses méthodes permettent d’analyser les discours recueillis par focus groups,
notamment l’interactionnisme symbolique (Mead 1934), la grounded theory (Glaser,
Strauss 1967) ou encore la méthode d’analyse qualitative thématique développée
par Mason (1996).
Cette méthode analytique est constituée de deux phases. La première phase
concerne l’identification des thèmes; la seconde est interprétative et conceptuelle.
- Analyse thématique
Cette phase de l’analyse comprend plusieurs étapes. Tout d’abord, à partir des
verbatim obtenus, on identifie et nomme les dimensions dans les discours. Ce
processus est dénommé indexation.
- Analyse conceptuelle
L’analyse conceptuelle est décrite comme plus subjective que l’analyse thématique
(Nicolson, Anderson 2003) et consiste en une interprétation des discours, une lecture
« entre les lignes », influencée par la subjectivité et le parcours des chercheurs eux-
mêmes.
CONCLUSION
L'anthropologie est l'étude holistique de l'espèce humaine de la perspective
bioculturelle.
L'anthropologie biologique étudie l'espèce humaine au même titre que la biologie
étudie n'importe quelle espèce : examinant les caractéristiques biologiques,
38
l’évolution, la variation, le rapport par rapport à l’environnement et le comportement.
La Bioanthropologie, comme une discipline scientifique, pose des questions sur
l'espèce humaine et essaie de répondre en formulant des hypothèses. Elle évalue
ensuite ces hypothèses sur la base de leur évidence et /ou des éléments qui
pourraient les réfuter.
La démarche anthropologique générale repose tout d’abord sur une connaissance
théorique du champ disciplinaire et sur une pratique de terrain (ou de laboratoire),
c’est-à-dire sur une connaissance découlant d’une relation intime avec l’objet
d’étude. Initialement, l’anthropologie biologique a essayé de comprendre l’évolution
biologique de l’homme au cours du temps, par la compréhension des processus
démographiques puis des mécanismes génétiques, aujourd’hui, elle s’attache aussi
à comprendre les causes de la diversité biologique actuelle par l’étude des
mécanismes adaptatifs. Et comme elle a besoin de la connaissance du rôle
rétroactifs des facteurs socioculturels, l’anthropologie biologique se veut
interdisciplinaire c’est-à-dire qu’elle est bioculturelle. La discipline anthropologique au
sens large se situe néanmoins dans le domaine strict de l’observation (in vivo ou in
situ) et non de l’expérimentation.
En définitive, l’épistémologie et la méthodologie sont deux concepts différents et
deux exigences doctrinales qui interagissent pour garantir la scientificité de la
bioanthropologie.
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