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DEPENSES PUBLIQUES ET POLITIQUES AGRICOLES COMMUNES:
QUELLES IMPLICATIONS SUR LA PRODUCTIVITE
AGRICOLE EN AFRIQUE?
i
TABLE DES MATIERES
RESUME ...................................................................................................................................................................... 2
CONTEXTE ET PROBLEMATIQUE ............................................................................................................................ 3
SECTION I. CONCEPTS THEORIQUES ET EMPIRIQUES DE L’IMPORTANCE DU SECTEUR AGRICOLE
ET DE L’IMPACT DES DEPENSES PUBLIQUES SUR LA CROISSANCE AGRICOLE ........................................... 4
1.1.. L’agriculture, facteur de croissance économique ....................................................................................... 4
1..2. Dépenses publiques -Investissement agricole -théorie de croissance ......................................................... 5
SECTION II. POLITIQUES AGRICOLES COMMUNES (PAC) EN AFRIQUE .......................................................... 5
2.1Definition ........................................................................................................................................................ 5
2.2.Presentation du "comprehensive africa agricultural development policy" (CAADP) et des politiques
sous regionales .................................................................................................................................................... 5
2.3. Des defaillances dans les PAC en Afrique.................................................................................................... 6
SECTION III. ANALYSE ECONOMETRIQUE ............................................................................................................. 6
3.1. JUSTIFICATION DE LA PRESENTE ETUDE .............................................................................................................. 7
3.2. PRESENTATION ET DEFINITION DES VARIABLES DU MODELE............................................................................... 7
3.3. MODELE ECONOMETRIQUE ................................................................................................................................. 9
3.3.1. Etude de tests de stationnarité .................................................................................................................. 9
3.3.2. Test de spécification sur données de panel .............................................................................................. 10
3.3.3. Estimateurs blue du modèle à effets aléatoires........................................................................................ 10
SECTION IV. RESULTATS ET INTERPRETATIONS ................................................................................................ 12
4.1 Interprétation économétrique ...................................................................................................................... 12
4.2 Interprétation économique .......................................................................................................................... 13
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS ............................................................................................................... 15
References BIBLIOGRAPHIQUES ............................................................................................................................. 18
ANNEXE ................................................................................................................................................................... 21
1
RESUME Les dépenses publiques agricoles, en termes d’investissements ruraux dans les infrastructures,
l’éducation, la Recherche & Développement (R&D) agricole et la santé sont un instrument de
promotion de la croissance agricole. Un déficit notoire de politique agricole dans les pays
d’Afrique subsaharienne, caractérisé par la faiblesse de leurs dépenses publiques agricoles est
constaté (Bates, 1983; Banque Mondiale, 2008).
Les Politiques Agricoles Communes (PAC) impulsées dès les années 2000 en Afrique
comptent remédier ces insuffisances. Cependant, des études systématiques qui synthétisent
ces politiques, pour en tirer des conclusions de leurs impacts sur la croissance agricole font
défaut dans la littérature. L’objectif de la présente étude est d’évaluer les impacts des PAC,
particulièrement le CAADP1, sur la croissance agricole en Afrique via son instrument
privilégié que sont les dépenses publiques. Une analyse économétrique réalisée sur 7 pays à
l’aide d’un modèle log-quadratique avec interaction révèle que les dépenses agricoles globales
ont eu plus d’impact sans la mesure qu’avec la mesure. Séparément, l’investissement s’est
amélioré avec le CAADP, produisant un effet positif en réduisant la valeur négative de
l’élasticité des investissements sur la valeur ajoutée agricole.
Mots clés: Dépenses publiques agricoles, politiques agricoles communes, Productivité
agricole.
1 Comprehensive Africa Agricultural Development Programme (CAADP)
2
CONTEXTE ET PROBLEMATIQUE
Une des caractéristiques communes des pays d’Afrique Subsaharienne est qu’ils sont à
vocation agricole. En Afrique de l’ouest, l’agriculture est considérée comme l’épine dorsale
de la plupart des économies de ses pays, étant donné la place qu’elle y occupe. Elle assure
jusqu’à 70 % de l’ensemble des emplois dans certains pays, génère souvent l’essentiel du
Produit Intérieur Brut (PIB) (en moyenne 35%), et représente la principale source de devises
de la région, en procurant environ 40 % du total (Banque Mondiale, 2008). L’agriculture est
le seul domaine d'activités dont la production permet d’aborder directement le volet "lutte
contre la faim" du premier objectif du Millénaire pour le Développement (OMD1).
Cependant, l’Afrique reste le continent où les performances du secteur agricole ont été
particulièrement faibles comme l’atteste le graphique.1 (en annexe). La FAO2 dans son étude
en 2005 prévoit que les pays au sud du Sahara n’atteindront pas le premier objectif du
millénaire pour le développement (FAO, 2005). Selon la même source, en 2015, 30% de la
population mondiale souffrant de faim vivrait en Afrique contre 20% en 1990. En 2006, 39
pays dans le monde, dont 25 en Afrique, avaient besoin d’une aide alimentaire extérieure pour
répondre aux besoins de consommation de leurs populations (FAO, 2006). Si la tendance
actuelle comme projetée par la FAO (2005) se maintient dans le temps, il serait très difficile
voire impossible pour les dirigeants africains de supporter les coûts pour satisfaire les besoins
des populations, lorsque des éventuels chocs extérieures à l’image de la crise alimentaire
mondiale des années 2007 adviendraient.
Dans un tel contexte, le développement concerté de l’agriculture du continent africain ou de
son économie de façon générale s’affiche comme un impératif pour atteindre les objectifs de
croissance. Son épanouissement repose en partie sur les initiatives synergiques à travers les
intégrations régionales. Conscientes de cela, les organisations régionales ou sous régionales à
l’échelle du continent, ont fait de la conception et de la mise en œuvre des politiques agricoles
communes, des priorités clairement définies à partir des années 2000.
Le développement de l’agriculture africaine doit passer absolument par l’abrogation des
différentes contraintes qui l’animent dont entre autres, citée plusieurs fois, la faiblesse des
dépenses publiques dans le secteur de manière générale, particulièrement les dépenses
d’investissement (NEPAD, 2006; 2008; Banque Mondiale, 2008). C’est ainsi que le
CAADP3, programme actuel de référence des différentes politiques nationales et régionales
des pays africains en matière de développement agricole a suggéré que chaque pays alloue
désormais au moins 10% de son budget au secteur agricole afin d’accroître les dépenses
publiques agricoles et par delà, améliorer la productivité du secteur agricole (UA4, juillet
2003). C’est dans cette perspective que l’on se demande si cette mesure d’accroître les
dépenses publiques préconisée dans les Politiques Agricoles Communes (PAC) va contribuer
à améliorer la productivité du secteur agricole.
L’objectif général que poursuit cette étude est d’évaluer les impacts des PAC sur la
productivité agricole. Spécifiquement il s’agit de:
Synthétiser les objectifs assignés et les instruments mis en œuvre dans les PAC pour
améliorer le développement agricole dans la région.
Faire une évaluation des effets du CAADP par sa mesure d’amélioration des dépenses
publiques agricoles sur la valeur ajoutée agricole.
2 Food and Agricultural Organization (FAO)
4 Union Africaine
3
Les différents rapports, traitant des initiatives agricoles régionales en Afrique, ont porté
essentiellement sur les processus d’élaboration des dispositifs. Mais des études systématiques
qui synthétisent les politiques en soulignant leurs objectifs et les mesures suivies, pour en tirer
des conclusions de leurs impacts probables sur la croissance du PIB agricole, font défaut dans
la littérature. Combler ce vide nous amène à formuler deux hypothèses:
Les dépenses publiques agricoles dans ses compositions ont une influence
significative sur la productivité agricole.
Les PAC depuis leur mise en œuvre dans les pays de l’Afrique de l’Ouest ont eu un
impact significatif sur le PIB agricole.
Le reste de l’article s’articule autour de quatre sections. La première section aborde les aspects
théoriques et empiriques de l’importance de l’agriculture et des impacts des dépenses publiques
sur la croissance agricole. La deuxième section présente les politiques agricoles communes
phares en Afrique. La troisième section traite de la modélisation économétrique de l’impact des
politiques agricoles communes sur la productivité agricoles. Et la quatrième section présente les
résultats de l’analyse empirique et interprétations des résultats. Enfin, la conclusion et les
recommandations en termes de politiques économiques sont formulées.
SECTION I. CONCEPTS THEORIQUES ET EMPIRIQUES
Le rôle de l'agriculture dans l'économie du développement a toujours été un sujet de débat. Pour
certains économistes, la croissance agricole peut être contournée sur le chemin vers
l'industrialisation et le décollage d’un pays tandis que d'autres l'ont identifiée comme une
condition première pour la croissance globale (Hazell, 2005). Le débat se focalise autour de la
question de savoir si l'agriculture peut être le facteur moteur de la croissance économique. La
littérature enseigne également combien les dépenses publiques de manière générale,
l’investissement particulièrement sont incontournables au processus de développement.
1.1.L’agriculture, facteur de croissance économique
Théoriquement considérée comme source de produits, de facteurs et d’échange extérieur,
l’agriculture procure des contributions marchandes qui ont soutenu le décollage du secteur
industriel et palier le déclin de sa propre part dans l’économie (Johnston et Moller,1961; Shultz,
1978). Timmer, (1991) note qu’aucune nation n’a pu assurer une réduction rapide de la pauvreté
sans accroitre la productivité du secteur agricole. Le principe est qu’une agriculture dynamique
contribue à augmenter la productivité de la main d’œuvre dans l’économie agricole, qui à son
tour améliore les salaires pour une élimination progressive de la pauvreté (Mellor, 1976).
Au plan empirique, la Banque mondiale (2008) conclut à partir d’un échantillon de pays en
développement que la croissance du PIB due à l’agriculture est au moins deux fois plus efficace
dans la réduction de la pauvreté que la croissance du PIB due à d’autres facteurs. En Chine, ce
chiffre a été de 3,5 fois plus efficace en termes de réduction de la pauvreté que la croissance due
aux autres secteurs, et de 2,7 fois plus efficace en Amérique latine. Les recherches de l’IFPRI5
(2002b) montrent qu’une augmentation de 10% de la productivité des petits paysans en Afrique,
peut faire passer près de 7 millions de personnes au dessus du seuil de pauvreté d’un 1$ /jour. Se
5 International Food Policy Research Institute (IFPRI)
4
concentrant sur la pauvreté absolue et se basant sur des observations dans 80 pays sur la période
1980-2001, la FAO (2005) trouve que l’agriculture a l’avantage comparatif à baisser de 2,7 fois
plus efficacement la pauvreté au seuil de 1 $ par jour dans le quart le plus pauvre des pays de
l’échantillon, et à 2 fois plus efficacement dans le quart le plus riche des pays.
Cependant l’activité agricole comme toute autre activité de production exige des
investissements. Cette idée est soutenue par les théories de la croissance.
1.2.Dépenses publiques -Investissement agricole -théorie de la croissance
Les théories keynésienne et de la croissance endogène développées à partir de la fin des
années 1970 notamment par Romer (1986), Barro (1990), Barro-Sala-I-Martin, (1992),
Aghion et al., (2004) ont identifié l'intervention judicieuse de l'État, les rendements d'échelle,
la recherche ou l’innovation, et la connaissance (ou capital humain), comme facteurs pouvant
faire apparaître des externalités positives et par conséquent être source de croissance. En
matière d’investissement, deux théories fondamentales mettent en relation investissement et
croissance économique. Ce sont la théorie de la croissance équilibrée et la théorie des étapes
de la croissance. Selon la première, toute croissance repose sur un effort minimum
d'investissement de départ Nurkse Rosenstein-Rodan, (1953). Pour la deuxième, le facteur
investissement adéquate est sine-quo-non pour une transition vers une croissance soutenue
Rostow, (1960).
Empiriquement, la FAO (1994) trouve à l’aide d’un modèle d’équilibre partiel sur 15 pays en
développement que les dépenses publiques de fonctionnement ont un impact positif et
stochastiquement significatif sur le PIB agricole, mais l’élasticité de ces dépenses est
largement inférieure à l’unité. Dorosh et Haggblade (2003) trouvent pour 8 pays de l’Afrique
sub-saharienne que les investissements dans l’agriculture favorisent davantage les pauvres
que les investissements similaires dans le secteur manufacturier. Bravo-Ortega et Lederman
(2005) concluent qu’une augmentation du PIB global due à la productivité de la main d’œuvre
agricole est en moyenne 2,9 fois plus efficace pour augmenter les revenus du quintile le plus
pauvre dans les pays en développement. Fan et Zhang (2000) pour 25 provinces de la chine
ayant utilisé des équations simultanées sur la période 1978-97 trouvent que les dépenses
publiques en éducation, en recherche agricole et en vulgarisation, en télécommunication
rurale ont un impact largement positif sur la réduction de la pauvreté et la croissance de la
production agricole. Pour Anderson et al, (2006), l’augmentation dans le stock du capital
public améliore la productivité totale des facteurs de production. Suphannachart et Warr
(2009) concluent à partir d’un modèle à correction d’erreur pour la période 1970-2006 sur la
Thaïlande que les investissements publics en recherche agricole ont un impact positif et
significatif sur la PTF6. Résultat similaire pour la recherche internationale en R&D et en
vulgarisation agricole Pardey et al (2007). En termes de rendement, plus de 700 des
estimations publiées ont révélé un taux de rendement des investissements dans la R&D et la
vulgarisation d’une moyenne de 43 % par an (BM, 2008).
La section suivante va aborder la présentation des PAC. Il est question d’exposer les
principales initiatives en matière de développement agricole, leur importance et les
défaillances liées à ces initiatives.
6 Productivité totale des facteurs
5
SECTION II. POLITIQUES AGRICOLES COMMUNES (PAC) EN AFRIQUE
2.1. Définition
La PAC par extension à la définition de politique agricole, se traduit à la fois par un contenu,
un processus d’élaboration et une mise en œuvre. Du point de vue du contenu, la politique
agricole commune est constituée d’une suite cohérente d’éléments, à savoir : une vision, des
objectifs, des instruments ou des mesures de mise en œuvre, des arrangements financiers et
institutionnels pour sa concrétisation. Du point de vue du processus, la réalisation d’une
politique agricole commune passe par différentes étapes depuis la phase de diagnostic
(enjeux, opportunités, menaces), de formulation jusqu’à la mise en œuvre et l’évaluation pour
atteindre le résultat Balié et Ricoy, (2008).
2.2. Présentation du Comprehensive Africa Agriculture Development Programme (CAADP)
A partir des années 2000, l’Afrique a impulsé un dialogue politique visant à concevoir un
cadre qui améliorera le secteur agricole dans un contexte d’intégration régionale. En 2003,
une dynamique est impulsée par le Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique
(NEPAD)7. Ainsi, au cours de la deuxième session ordinaire de l'assemblée des chefs d'Etats
et de gouvernements de l'Union Africaine (UA) tenue à Maputo en juillet 2003, les
gouvernements africains ont adopté une politique agricole continentale: le CAADP.
Il est formulé pour servir de cadre d’intervention aux politiques et stratégies de
développement du secteur agricole dans l’ensemble du continent Africain. Il vise également à
favoriser l’expansion des exportations en vue d’atteindre l’OMD1 qui est de réduire de moitié
la pauvreté et la faim en 2015, par rapport à leurs niveaux de 1990.
Le CAADP définit quatre domaines ou piliers d’intervention majeurs interdépendants, à
travers lesquels il compte atteindre les objectifs jugés essentiels tels qu’accélérer la croissance
agricole, réduire la pauvreté et atteindre la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Le premier
pilier vise l’objectif d’accroissement des superficies irrigables par les systèmes fiables de
contrôle de l’eau sur petite échelle et à la gestion durable des terres. Le deuxième pilier met
l’accent sur les différentes infrastructures physiques complémentaires en aval de la filière de
production agricole telles que les pistes rurales, les infrastructures de stockage, de
transformation, de commercialisation en vue d’améliorer l’accès au marché. Le troisième
pilier promeut l’augmentation de la production, l’instauration d’un plan de protection sociale.
Selon le pilier 4 les financements se dirigeront vers le développement de la recherche, la
technologie et la vulgarisation des techniques de production.
Dans tous les sous secteurs de l’Agriculture, ces piliers s’appliquent:
Au niveau de l’élevage, une attention particulière est accordée au renforcement des
politiques cohérentes et des capacités des institutions. Les systèmes agropastoraux
deviendront plus bénéfiques à travers des investissements stratégiques tels que
proposés dans le CAADP sur l’amélioration des infrastructures rurales, des abattoirs
stratégiquement placés. Cela favorisera par exemple la mise sur pied des marchés de
bétail et produira de la valeur ajoutée.
Dans le sous secteur de l’environnement, les domaines d’intervention comprennent:
(a) les réformes politiques et juridiques ainsi que la planification pour une meilleure
utilisation des terres; (b) le renforcement du cadre institutionnel ; (c) la gestion durable
des forêts pour augmenter l’approvisionnement en biens et services; (d) les
7 New Partnership for Africa’s Development (NEPAD)
6
investissements complémentaires en vue du développement des industries et le soutien
des infrastructures.
Pour rendre effectives les mesures prises au niveau continental, elles sont mises en application
au niveau régional puis national à travers les différentes politiques agricoles sous-régionales.
En effet au niveau sous-regional, l’UEMOA, avec la Politique Agricole de l’UEMOA (PAU)
adoptée en décembre 2001, la CEDEAO avec l’ECOWAP en 2005 pour l’Afrique de l’Ouest,
la Politique Agricole de la CEMAC8 pour l’Afrique Centrale, la stratégie agricole commune
du COMESA9 pour l’Afrique orientale et australe.
Un des principes de fonctionnement de ces initiatives est d’être complémentaire aux actions
menées au niveau national et local. Les PAC présentent de multiples avantages. Mais des
insuffisances dans le fonctionnement des institutions ou les contraintes financières peuvent
empêcher leur succès.
2.3. Des défaillances dans les PAC en Afrique
La plupart des initiatives des pays africains en matière de développement s’inspire de
l’expérience européenne en termes d’architecture institutionnelle et de principes de
fonctionnement affichés (subsidiarité, proportionnalité, complémentarité, régionalité,
solidarité, etc.). Cependant contrairement à la politique européenne qui s’est initialement
basée sur la préférence communautaire, la plupart des PAC africaines affiche des objectifs de
promotion des échanges et d’ouverture des marchés situés à l’extérieur des frontières
régionales (Balié et Ricoy, 2008).
Hibou, (1999), souligne l’ambivalence et les complexités des situations concrètes et les
différences de trajectoires entre groupes de pays, et montre que des pratiques identiques
peuvent avoir des significations très différentes d’un continent à l’autre.
Cette inquiétude provient du fait que les PAC en Afrique sont des transferts de celles des pays
européens.
Le problème de financement des PAC se pose. Plus de 50% du financement pour leurs mises
en œuvre vient de l’extérieur. L’«exogénéisation» des processus de formulation des politiques
due à la nécessité de passer par les bailleurs extérieurs entrave l’aboutissement des PAC
(Balié et Fouilleux, 2008).
La section suivante procède à l’analyse empirique sur quelques pays.
SECTION III. ANALYSE ECONOMETRIQUE
L’étude des impacts des dépenses publiques dans la croissance économique découle de la
théorie keynésienne selon laquelle, les dépenses publiques sont un facteur déterminant de la
croissance économique à travers l’effet multiplicateur que celles-ci engendrent. Dans la revue
de littérature, une formulation générale d’une fonction de croissance a été utilisée dans les
études depuis Barro (1990), Tenou (1999) et Nubukpo (2003) dans les pays africains relatives
à l’impact des dépenses publiques sur la croissance économique. Pour le cas spécifique des
impacts sur la valeur ajoutée réelle agricole, plusieurs modèles d’estimation sont utilisés. On
dénote le modèle à équations simultanées (Benin et al, 2009), les modèles d’équilibre général
calculable, le modèle d’équilibre partiel (FAO, 1994).
La valeur ajoutée (VA) est une entité complexe qui peut être définie théoriquement de
plusieurs façons dont deux sont les suivantes:
8 Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique centrale
9 Marche Commun de l’Afrique Orientale et Australe
7
- la somme de la consommation privée des ménages (C), de l’investissement privé des
ménages et des entreprises (I), des dépenses publiques (G) et des échanges extérieurs
(X-M); (VA) reel dont - la différence entre la valeur de la production (p.Q) et les consommations
intermédiaires (C.I) utilisées dans la production telles que la main d’œuvre, le capital
humain et les variables non agricoles (infrastructures, etc); dont
3.1. Justification de la présente étude empirique
Comme déjà indiqué dans la problématique, les PAC (la PAU, l’ECOWAP10
, le CAADP etc.)
ont pour vision de corriger les insuffisances des politiques agricoles passées (notamment les
faiblesses des dépenses publiques affectées au secteur rural menées dans chaque pays africain
afin d’accroître significativement la productivité du secteur. L’objet de la présente analyse
économétrique est d’évaluer l’impact de la composition des dépenses publiques agricoles sur
la croissance agricole.
Au départ, l’analyse économétrique se voulait être faite sur un grand échantillon de pays
africains, et sur une longue période, afin de rendre les estimateurs issus des résultats plus
robustes. Mais par faute de disponibilité des données (surtout des variables d’intérêt qui sont
les dépenses d’investissement et des dépenses courantes), l’analyse se limite à quelques pays
de la CEDEAO où des données sont disponibles notamment le Bénin, le Burkina, la Côte
d’Ivoire, le Niger, le Sénégal et le Togo et sur la période allant de 1996 à 2007. Elle va
considérer la valeur ajoutée agricole comme expliquée par les dépenses publiques agricoles
(courantes et d’investissement) et une variable mise en interaction avec les dépenses
publiques traduisant l’effet des PAC.
3.2. Présentation et définition des variables du modèle
Conformément à la théorie économique, la valeur ajoutée agricole ne peut être expliquée par
les seules variables «dépenses publiques: dépenses de fonctionnement, de biens
d’équipement, dépenses de recherches et développement, dépenses en infrastructures etc.». Il
y a aussi les variables conventionnelles (facteur capital, facteur travail), les engrais utilisés,
l’électrification rurale, le capital humain, le taux de scolarisation en milieu rural, l’indice des
termes de l’échange de l’agriculture, les télécommunications qui sont des facteurs
susceptibles d’influencer la productivité agricole. Mais pour un problème de disponibilité des
données, seules les dépenses publiques agricoles courantes, les dépenses publiques agricoles
d’investissement, les engrais, les équipements agricoles (tracteurs), la population active
employée dans l’agriculture et les superficies de terre cultivées sont utilisées dans cette
analyse économétrique. Nous utilisons des données de diverses sources: la Banque Mondiale
(WDI11
, 2008), la FAO, le CD-ROOM de la CEDEAO fournies par le ReSAKSS12
.
10
Politique agricole de l’UEMOA et Politique agricole de la CEDEAO 11
World Development Indicator 12
Système Régional d’Analyse Stratégique et de Soutien des Connaissances
8
Tableau1: présentation des variables du modèle
Variable du
modèle
Définition des variables Sources Signe attendu
lnvaarit
Valeur ajoutée réelle agricole (en
million de FCFA) du paysi à
l’année t.
CD-ROOM de la CEDEAO13
variable dépendante
lnDEP_invit Logarithme des Dépenses
publiques d’investissement
agricole du paysi à l’année t, elle
représente l’ensemble des
formations brutes du capital fixe
dans l’agriculture
CD-ROOM de la CEDEAO +
lnDEP_invit-1 Logarithme Variable retardée
d’un an de DEP_inv du paysi à
l’année t
(n million de FCFA)
Calculé par l’auteur avec les
données du
CD-ROOM de la CEDEAO
+
ou
-
lnDEPfit
Logarithme Dépenses publiques
courantes agricoles du paysi à
l’année t. Elle est constituée de
consommation finale telles
l’ensemble du bureautique, le
salaire du personnel (en million
de FCFA)
CD-ROOM de la CEDEAO +
ou
-
lnsupit Superficies de terre cultivées, du
paysi à l’année t en logarithme
CD-ROOM de la CEDEAO
+.
lnEquiit
La valeur monétaire des tracteurs
agricoles utilisés dans
l’agriculture du paysi à l’année t:
un prix unique a été utilisé pour
évaluer la valeur de ces tracteurs
Base de données de la Banque
mondiale WDI (2008)
+
lnPopit Population agricole
économiquement active employée
pour le paysi à l’année t.
Base de données de la FAO.
www.faostat
Le signe est + mais
avec un effet de seuil,
du fait des rendements
marginaux
décroissants.
Sup_w it Nombre d’hectares par travailleur
agricole du paysi à l’année t
Calculé par l’auteur avec les
données du CD-ROOM de la
CEDEAO et
De FAOSTAT:
+
Dummy La variable dummy distingue les
pays sahéliens des pays côtiers:
1=pays côtier et 0=pays sahélien
Les pays côtiers sont
sensés avoir plus
d’avantages que les
pays sahéliens Source: construction de l’auteur
Méthode de calcul des données manquantes
Le manque de donnés sur certaines variables de l’étude a été une des difficultés rencontrées
dans cette estimation. Ces données manquantes ont été complétées par des données calculées
à l’aide de la méthode des moyennes mobiles. C’est le cas des données sur les fertilisants et
les équipements pour le Mali; les dépenses publiques d’investissements et les dépenses
13 Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest
9
courantes pour la Côte d’Ivoire au cours de la période de trois ans allant de 1996-1998 et pour
le Niger pour la période de trois ans allant de1998-2000 et la période de 2006-2007. Une
donnée manquante entre deux périodes est en quelque sorte remplacée par la moyenne des
donnés des deux périodes i.e.
.
Le choix définitif des variables explicatives est basé sur l’analyse de la matrice de corrélation
présentée ci-dessous. On constate dans celle-ci que toutes les variables retenues sont corrélées
à la variable dépendante, (Coefficient de corrélation simple élevé pour la plupart des
variables). Le logarithme de la superficie cultivée (lnsup) est fortement corrélé à la superficie
cultivée par exploitant (sup_w). Par suite la variable lnsup est remplacée par sup_w.
Tableau 5:Matrice de corrélation lnvaar lnsup lnpop ln_fert lndepf Lndep_inv lnequi sup_w lndep_inv1
lnvaar 1,0000
lnsup 0,4419 1,0000
lnpop 0,3697 0,6422 1,0000
ln_fert 0,5285 -,2547 0,0609 1,0000
lndepf 0,6700 0,1609 0,2108 0,5472 1,0000
lndep_inv 0,2721 0,5506 0,6906 0,0728 0,3976 1,0000
lnequi 0,8137 0,3026 0,5459 0,6300 0,6158 0,4424 1,0000
sup_w 0,1442 0,8118 0,1048 -,4241 -,0357 0,1981 -,1629 1,0000
lndep_inv1 0,3345 0,5802 0,6824 0,0991 0,3982 0,9302 0,4895 0,2282 1,0000
Source: construit par l’auteur
3.3. Modèle économétrique
La fonction initiale à estimer s’écrit de la façon générale suivante:
) (1)
Elle s’inspire d’une étude réalisée par FAO (1994). Sous la forme logarithmique on obtient:
(2)
où la variable dummy est incluse pour prendre en compte l’effet du climat dans l’estimation.
Les variables sont mises en logarithme népérien dans l’intention de pouvoir obtenir
directement les coefficients estimés en terme d’élasticité, et aussi de réduire le poids des
variables extrêmes (comme pop, sup etc.) afin d’améliorer la performance des estimations
économétriques du modèle.
3.3.1. Etude de tests de stationnarité
Les tests de racine unitaire de Im, Pesaran et Shin est privilégié dans cette étude. Le test de
Im, Pesaran et Shin est similaire au test de ADF de Dickey et Fuller. Ils sont plus performant
que le test de Lévin Lin et Chu (Hurlen et Mignon,2004). Il est en outre reconnu être stable et
10
efficace et demeure également applicable aux données de panels de petites tailles. Les
résultats dans le tableau 2. Les différences premières des variables I(1) sont utilisées dans le
modèle.
Tableau 2 Résultat des tests de stationnarité
Variables En niveau différence première conclusion
P-value décision P-value décision
0,437 NS 0,000 S I(1)
0,712 0,002 S I(1)
0,619 NS 0,000 S I(1)
0,611 NS 0,005 S I(1)
0,427 NS 0,000 S I(1)
0,000 S I(0)
0,000 S I(0)
0,261 NS 0,000 S I (1)
Note: S et NS; I(1) et I(0) signifient respectivement : variables stationnaires et variables non
stationnaires. Variable intégrée d’ordre 1 et variable intégrée d’ordre 0 (stationnaire à niveau). Les P-
value inférieurs à 0,01; 0, 05 ou 0,10, signifient variables stationnaires respectivement au seuil de 1%,
5%, 10%. Source: construit par L’auteur.
3.3.2. Test de spécification sur données de panel
Les test de Fisher, de Breusche Pagan et de Hausman consistant à choisir entre le modèle en
absence d’effet et le modèle à présence d’effet fixe ou présence d’effet aléatoire effectués ont
conduit au choix du modèle à effet aléatoire. En effet la probabilité du test de Hausman sur les
modèles à effets fixes et à effets aléatoires est supérieure à 10% et la statistique calculée de
Chi-deux est inferieure à la valeur lue dans la table. On en déduit que le modèle à effets fixes
(MEF) n’est pas préférable au modèle à effets aléatoires (MEA). Ce choix a été également
guidé pour d’autres raisons. En effet, Il existe des facteurs non pris en compte dans la
régression qui peuvent bien affecter la variable expliquée. Tous ces facteurs sont pris en
compte par le résidu dans le modèle à effets aléatoire. Le MEA est d’autant plus valide que
les effets non inclus agissent sur les individus ou dans le temps ou les deux à la fois (Kpodar,
2005). D’après (Green, 2008), lorsqu’il existe dans le modèle, une variable invariante dans le
temps dont on veut estimer l’impact marginal, le modèle à effet aléatoire est privilégié. Dans
notre cas la variable «lnequi» est quasi-invariante dans le temps.
La forme générale du modèle à effets aléatoires est:
,
Les variables désignent les effets individuels qui représentent l’ensemble des spécificités
structurelles ou atemporelles de la variable endogène (lnVAAr), qui diffèrent selon les
individus. On suppose ici que ces effets sont aléatoires, non corrélés avec la variable X. Le
processus stochastique désigne la composante idiosyncrétique du résidu total .
Généralement, les hypothèses sur les structures d’erreurs du modèle à effet aléatoires sont les
suivantes: et qui permettent d’obtenir
3.3.3. Estimateurs BLUES du modèle à effets aléatoires
D’après Green, (2008); Wooldridge, (2009), dans un modèle à effets aléatoires, un estimateur
BLUE peut être construit à partir de l’estimateur des Moindres Carrés Généralisés, car la
11
matrice des variances-covariances issue de la régression par les MCO n’est pas une matrice
identité et donne des estimateurs non BLUES. L’estimation des impacts des composantes des
dépenses publiques est faite donc à l’aide de la Méthode des Moindres Carrés Généralisés.
On procédera à des estimations spéculatives. En effet un ensemble de modèles sera estimé à
partir du modèle de base (3).
itwsup_ (3)
Les résultats de cette estimation (tableau3) montrent que les dépenses publiques courantes et
d’investissement ne sont pas statistiquement significatives au seuil de 10%.
Dans le modèle4, les variables d’intérêt qui traduisent l’influence de la mesure prise dans les
PAC sont introduites. En effet une variable binaire dénommée CAADP est définie. Elle prend
la valeur «0» pour la période avant l’adoption de la politique c'est-à-dire, avant la période
2003 et la valeur «1» pour la valeur après 2003. Pour étudier l’impact du CAADP à travers les
mesures d’amélioration des dépenses publiques, la variable CAADP est combinée avec les
variables d’intérêt pour obtenir les variables Dcaadplndepf, Dcaadpdep_inv et
Dcaadpdep_inv1.
(4)
Les estimations de ce modèle révèlent que les dépenses courantes et la valeur retardée des
investissements deviennent significatives. Mais les variables traduisant l’impact de la mesure
CAADP ne le sont pas.
A partir du modele5 l’hypothèse de présence d’effet de seuil est émise pour les fertilisants,
les dépenses d’investissement et les dépenses de fonctionnement. Pour tenir compte de cela,
plusieurs méthodes permettent de prendre en compte ces effets: l’utilisation des variables
muettes ou l’utilisation de la forme quadratique et/ou des produits croisés des variables
explicatives dans le modèle. Cette dernière méthode est appliquée ici pour capter les effets de
seuil de ces variables, ce qui aboutit à la forme générale de modèle log-quadratique avec
interaction dans les modèles 5 :
(5)
Les résultats des estimations des modèles sont présentés dans le tableau3.
12
SECTION IV. RESULTATS- INTERPRETATION
Tableau.3: résultats empiriques des modèles économétriques Variables
-0,024
(0,28)
Modèle5 avec
seuil
-0,049*
(0,028)
-0,023
(0,03)
-0,437
(0,409)
-0,454
(0,40)
0,431
(0,35)
0,739**
(0,363)
0,740**
(0,35)
0,692**
(0,359)
0,729**
(0,35)
-0,431
(0,35)
-0,742**
(0,364)
-.741**
(0,35)
-0,691
(0,36)
-0,728**
(0,36)
-0,009
(0,02)
-.011376
(0,024)
-.014
(0,02)
-0,016
(0,243)
-0,015
(0,02)
-0,035
(0,02)
-0,041**
(0,203)
-.042**
(0,02)
-0,041
(0,02)
-0,040
(0,01)
0,247***
(0,04)
0,249***
(0,04)
0,251***
(0,04)
0,244***
(0,05)
0,254***
(0,04)
0,022
(0,02)
0,073**
(0,359)
0,074**
(0,03)
0,074**
(0,06)
0,347
(0,26)
0,008
(0,182)
-0,026
(0,26)
-0,177
(0,11)
-0,148
(0,12)
-0,179
(0,11)
0,025
(0,17)
0,056**
(0,02)
0,058**
(0,02)
0,058**
(0,032)
-0,004
(0,09)
_ -0,072
(0,04)
-0,079*
(0,04)
-0,078*
(0,04)
-0,062
(0,04)
_ 0,058
(0,342)
0,077**
(0,03)
0,083**
(0,03)
0,091**
(0,03)
_ -0,043
(0,03)
-0,045
(0,03)
-0,045
(0,03)
-0,037
(0,03)
_ _ 0,007
(0,00)
0,007
(0,005)
0,007
(0,00)
_ _ _ 0,021
(0,02)
0,021
(0,01)
_ _ _ _ -0,015
(0,01)
_ _ _ _ 0,003
(0,00)
0,182
(0,35)
0,238
(0,34)
0,278
(0,33)
0,278
(0,33)
0,265
(0,33)
*** désigne une significativité à 1%, ** significativité à 5% et* significativité à 10%. Les
chiffres entre parenthèses désignent les écarts type.
Interprétation économétrique
Les probabilités associées aux statistiques de Wald des différents modèles sont toutes faibles
ce qui traduit une bonne adéquation d’ensemble. Le modèle.5 donne le le plus
élevé et le modèle.5 le le plus faible. Le dans le modèle à effet
aléatoires en données de panel traduit le degré de variabilité inter individus.
13
Les significativités individuelles se réfèrent à la probabilité que la statistique de student
calculée soit supérieure à sa valeur théorique. Les quatre modèles dans le tableau3 indiquent
que la variable est statistiquement significative au seuil de 1%. Les variables
Dln_fert, lnequi, lnequi1, dummy, Dlndepf, Dlndep_inv1 sont toutes significatives au seuil
5% et Dsup_w à 1% dans les modèles. Dans le modèle.2 les coefficients des variables qui
traduisent l’influence des PAC ne sont pas statistiquement significatifs à 10%. Elles ne le
deviennent qu’après l’inclusion du terme quadratique lndep_inv2.
4.2 Interprétation économique
L’analyse économique va concerner le dernier modèle.5 car il traduit plus l’intérêt de cette
étude car elle tient compte de la présence des termes quadratiques et des termes interactifs.
L’élasticité est la mesure adéquate pour discuter des implications économiques.
Calcul des élasticités
Soit l’élasticité de la variable sur la variable dépendante . La formule générale
des élasticités est
Le tableau.4 donne les élasticités des variables
Tableau 4: Élasticités des variables Variables significatives Elasticité de la variable résultats
+2 (1) -0,477
0,316
+ (2) 0,254
(3) -0,161
avec caadp (4) -0,107
0,254
0,729
-0,729
DlnDep sans caadp (1) + (3) + 0,155
Dlndep avec caadp (2)+(4) + 0,147
Les variables Dlnfert ; Dlndepf ; Dlndep_inv et Dlndep_inv1sont prises à leur moyenne pour calculer
leurs élasticités.
Source: construit par l’auteur à partir du tableau.3 et du modèle.5
L’objectif du CAADP est d’accroître la productivité agricole par l’augmentation des dépenses
publiques agricoles composées de dépenses courantes et de dépenses d’investissement.
Chacun des pays en fonction de sa priorité pourrait améliorer l’une et/ou l’autre de ces deux
dépenses.
Les résultats obtenus à partir du modèle.5 donnent pour les dépenses courantes
agricoles, des élasticités de 0,316 et de 0,254 respectivement sans et avec la mesure
prise par le CAADP. Ces élasticités traduisent que ces dépenses courantes ont eu plus
14
d’impact sur la valeur ajoutée agricole sans le CAADP qu’avec celui-ci. Néanmoins
l’écart reste modeste (0,062). Pourtant, comme l’indique le graphique.2 (en annexe),
on constate qu’après l’année 2003, plus de la moitié de l’échantillon notamment le
Bénin, la Côte d’ivoire, le Mali et le Sénégal ont amélioré leurs dépenses courantes.
L’absence d’effet résultant du modèle peut trouver son explication dans les points
suivants:
Soit par un effet de retard de la réaction de la politique nécessitant plus de temps pour
observer les impacts de cette mesure.
Soit par un effet seuil. On fait l’hypothèse que le niveau des dépenses courantes sans
le CAADP avait atteint un seuil critique de sorte qu’une augmentation unitaire de ces
dépenses produise des effets marginaux décroissants.
Soit par un dysfonctionnement institutionnel qui empêcherait les effets de se
matérialiser.
Cette étude retient l’hypothèse que les effets escomptés de la politique du CAADP ne
se sont pas encore matérialisés.
Dépenses d’investissement: les élasticités associées aux dépenses d’investissements
agricoles sans et avec le CAADP sont respectivement de -0,161 et de -0,107. Ainsi
une augmentation de 1% des dépenses d’investissement engendre une baisse de la
valeur ajoutée agricole de 0,161 % sans le CAADP et une baisse de 0,107 % avec le
CAADP. Le signe obtenu est contraire à nos attentes. Théoriquement une
augmentation des investissements agricoles améliorerait la croissance agricole.
Néanmoins, l’atténuation de l’effet négatif de -0,161 à -0,107 traduit un impact positif
du CAADP. Cependant cet effet n’est pas encore suffisant pour rendre l’élasticité
finale positive. Le signe négatif de l’élasticité des dépenses d’investissement et le
signe positif du terme quadratique des dépenses d’investissement (tableau.3) conduit à
émettre l’hypothèse d’une relation en U entre dépenses d’investissement et croissance
agricole comme le prévoit la « théorie de la croissance équilibrée » selon laquelle un
effort minimum critique d’investissement de départ est nécessaire pour observer une
croissance de l’économie.
La variable ln_fert indique un signe inattendu selon la théorie économique (tableau.3).
Une utilisation d’une plus grande quantité de fertilisants améliorerait théoriquement la
production agricole totale et par conséquent la valeur ajoutée. une explication possible
du signe négatif de l’élasticité des fertilisants sur la valeur ajoutée agricole (VA)
découle. En effet, soit CIpQvaar (valeur de la production moins les
consommations intermédiaires).
fertd
CIdpdQ
fertd
CIpQdVaard
ln
)(
ln
)()(
. Si
fertd
pdQ
fertd
ICd
ln>
ln
).(; C'est-à-dire si le coût
marginal d’acquisition des fertilisants est supérieur à leur productivité marginale, on
observera une diminution de la valeur ajoutée.
La littérature révèle que les investissements dans l’agriculture de l’échantillon analysé sont
constitués de subventions octroyées surtout en faveur des produits d’exportation (auteurs)
(coton pour Burkina, Mali, Sénégal et cacao, café pour Benin, Côte d’Ivoire). Mais pour les
autres cultures, l’engrais acquis au prix du marché l’enchérit et réduit donc son utilisation.
Ainsi, l’hypothèse d’une relation en U entre les quantités de fertilisants utilisées et la valeur
ajoutée agricole expliquerait le signe négatif à partir des effets de seuil. Il traduirait des
quantités de fertilisants utilisées inférieures au seuil critique insuffisant pour augmenter la
valeur ajoutée.
15
Superficie/exploitant: le coefficient de la variable sup_w signifie qu’une augmentation
de 1% du nombre d’hectares par travailleur agricole contribue à hausser la valeur
ajoutée agricole de 0,254%. En effet la variable lnpop n’est pas significative. Lorsque
la population agricole croît et la superficie cultivée reste intacte, la superficie par
exploitant sup_w diminue et cela influence négativement la valeur ajoutée. On en
déduit que l’agriculture est toujours extensive car une grande partie de la valeur
ajoutée agricole est expliquée par l’extension de la superficie.
CONCLUSION ET RECOMMANDATION
L’agriculture en Afrique, moteur de croissance économique est soumise à de nombreuses
contraintes en occurrence la dégradation des ressources naturelles (pluviométrie, sols), les
contraintes financières, le manque de politique agricole concrète pertinente. Les politiques
anti-agricoles, les déficits des dépenses publiques effectives dans le secteur, la non mise en
œuvre des politiques agricoles dans le passé ont été repérées comme des pratiques qui nuisent
à la croissance de l’agriculture. D’où le rôle des politiques agricoles communes notamment le
CAADP pour remédier à ces erreurs du passé. Il s’est assigné un ensemble de piliers
permettant de répondre aux multiples défis de l’agriculture.
Dans les pays développés et les pays émergents, par exemple au cours des années 70, les
moteurs de croissance de la productivité agricole ont été les forts investissements des
gouvernements dans la Recherche et Développement (R&D) agricole, les infrastructures dans
les secteurs associés. Cela a été remarquable en Asie à travers la révolution verte. De même
pour les pays riches, entre 1986 et 2007, les États-Unis et l’Union européenne (EU) ont en
moyenne investi respectivement 17765 et 7614 dollars US par an et par exploitation agricole
contre 1,01 dollars US investis dans les petites exploitations des pays pauvres durant presque
la même période (Pardey & al., 2007).
Une analyse économétrique est réalisée sur un échantillon comportant les pays de l’UEMOA
pour évaluer l’impact de la mesure d’augmentation des dépenses publiques. A l’aide de la
méthode des moindres carrés généralisés, l’analyse économétrique spéculative montre que la
valeur ajoutée agricole ne peut être améliorée sans des investissements publics adéquats, tant
sur les montants que sur la destination. En effet les résultats montrent que les dépenses
publiques agricoles globales ont eu plus d’impact sans la mesure qu’avec la mesure. L’étude
retient qu’il n’y a pas encore d’effet du CAADP sur la valeur ajoutée via les dépenses
courantes. Quand aux dépenses publiques d’investissement, le CAADP a eu un effet positif
qui demeure faible en réduisant la valeur négative de l’élasticité des dépenses
d’investissement sur la valeur ajoutée. Ayant émis l’hypothèse d’une relation en U entre la
valeur ajoutée agricole et les investissements et les fertilisants, on conclut que ces variables
des pays de l’échantillon n’ont pas encore atteint le seuil minimum critique à partir duquel ils
produiront un impact positif significatif sur la valeur ajoutée.
Pour rendre efficaces les mesures de politique prises dans les PAC et particulièrement dans le
CAADP pour améliorer la croissance de la productivité agricole, un ensemble de
recommandations est formulées:
1) Mise en ouvre effective des PAC
Depuis plus de 6 ans l’engagement pris par les gouvernements d’augmenter les dépenses
publiques n’est pas encore effectif pour bon nombre de pays. Il est important de développer la
culture de rendre compte. A ce titre des bilans doivent être faits chaque année pour évaluer
l’évolution des instruments mis en œuvre pour atteindre les objectifs assignés. L’échec des
politiques agricoles passées est dû en partie au manque de systèmes de contrôle permettant de
16
fournir des informations actualisées sur les ressources en vue de suivre l’évolution des
instruments et permettre de les réorienter s’il le fallait. Il faut donc recruter des cadres de
surveillance stricts indépendants qui veilleront à leur mise en œuvre. La rigueur dans
l’application des nouvelles politiques exige en plus des sanctions.
2) Amélioration des dépenses publiques agricoles et leur allocation optimale
Les dépenses actuelles en matière d’investissement sont toujours faibles pour avoir des
impacts significatifs sur la productivité agricole. En effet, les parts allouées au secteur
agricole des pays restent pour la plupart en déca de 6% comme le montre les parts budgétaires
agricoles pour quelques pays présentées dans le tableau 5. Une part importante des dépenses
publiques doit être affectée aux investissements afin de pouvoir dépasser le seuil critique. En
termes opérationnels, les investissements doivent englober une combinaison des éléments
suivants: la recherche scientifique de pointe et la diffusion des technologies peu coûteuses
pour les agriculteurs. Ces investissements peuvent être également affectés à l’aménagement
de nouvelles terres cultivables et à l’acquisition des équipements. L’agriculture dans les pays
étudiés est toujours de type extensif. Les mutations attendues sont conditionnées par la
disponibilité en facteurs ou « inputs » nécessaires qui peuvent être des équipements agricoles,
ou l’innovation agricole sans les quels, il est difficile pour l’agriculture d’opérer
effectivement des mutations nécessaires imposées par l’environnement physique, socio-
économique et politique.
Tableau 5: La part du budget national affectée à l’agriculture (2002-2004)
Source: Union africaine (2007)
3) Utilisation optimale des potentiels cultivables
Une attention doit être accordée au résultat lié à la variables sup_w. Les nouvelles terres
aménagées devront permettre d’augmenter la superficie par exploitant et non d’augmenter la
population agricole. En termes claires, les nouvelles terres doivent être attribuées aux
exploitants qui exercent déjà l’activité et non de permettre d’augmenter l’accès à une plus
grande population. Chose qui améliorera la valeur ajoutée.
Pays Année
2002 2003 2004
BENIN 3,6 6,1 4,4
BURKINA FASO 14,0 14,0 11,0
BURUNDI 1,2 2,1 1,5
CAMEROUN 2,4 2,8 3,3
ETHIOPIE 9,7 8,4 13,6
GABON 0,6 0,9 0,8
ILE MAURICE 2,7 3,9 2,9
KENYA 5,1 5,4 4,5
MOZAMBIQUE 3,2 5,1 3,7
NIGER 15,3 19,3 20,2
OUGANDA 6,1 3,7 4,1
SENEGAL 4,1 4,1 4,9
SIERRE LEONNE 0,9 2,2 2,0
SOUDAN 1,7 3,1 5,4
TANZANNIE 3,3 3,7 3,6
TCHAD 10,3 6,6 11,9
TUNISIE 10,1 9,4 8,2
ZIMBABWE 9,4
10 6,2
17
4) Mise en place d’un centre de production des engrais pour l’Afrique
Dans l’optique de réduire les coûts d’acquisition de fertilisants pour les exploitants agricoles,
les technologies à faible apport d’intrants ou à des prix abordables pour les agriculteurs des
zones isolées doivent être les stratégies dominantes à mettre en œuvre.
La littérature enseigne que les systèmes de recherche agricole d’Afrique subsaharienne sont
fragmentés en presque 400 organismes de recherche différents, 4 fois le nombre d’organismes
en Inde et 8 fois celui des Etats-Unis (BM, 2008). Empêchant ainsi une bonne synergie avec
les services d’appui-conseil agricole. Empêche de réaliser des économies d’échelle dans la
recherche et coûte très cher à ces pays. D’où l’intérêt d’organisations régionales de recherche
de grande envergure à travers les PAC en Afrique.
Le drame actuel est que les centres sont financés par l’extérieur et pour rendre effectifs ces
centres, il faut que les pays prennent en charge le financement. De ce fait, la mise en commun
des investissements de chaque pays destinés au volet R&D par exemple, permettrait la
création de centres d’excellence et la diffusion des technologies agricoles adaptées pour
chaque type d’agro-écologie. Les pays de chaque sous ensemble région (l’UEMOA, CEMAC
et COMESA) sont similaires en terme de contraintes liées au développement de l’agriculture
(sols dénudés non productifs, méthode de production toujours archaïque, pluviométrie
médiocre pour les pays de l’UEMOA). Partant de cela, un centre régional de R&D pourrait
développer des technologies adaptées pour chaque ensemble régional.
18
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21
ANNEXE
Graphique.1: Rendement céréalier par région (1960-2005)
Source : Banque mondiale (2007)
Graphique 2: Evolution des dépenses courantes agricoles de l’échantillon
Source: construit par l’auteur
0,0
5000,0
10000,0
15000,0
20000,0
25000,0
30000,0
35000,0
40000,0
45000,0
dep
ense
s co
ura
nte
s a
gri
cole
s
Benin
Burkina
RCI
Mali
Niger
Senegal
Togo