Conférence 50e anniversaire de l’Université de
Moncton Campus de Shippagan
Claude Villeneuve Professeur titulaire
Directeur de la Chaire en éco-conseil Département des sciences fondamentales
Université du Québec à Chicoutimi
11 mai 2013
Plan 1. L’Anthropocène
2. Climat et forçages anthropiques
3. Prévisions pour le XXIème siècle
4. L’adaptation est-elle possible?
5. Potentiels d’atténuation
6. Les technologies à émissions négatives
7. Est-il trop tard?
En moins de 150 ans • La population humaine s’est multipliée par 5 • 40% de l’ensemble des carburants fossiles de la
planète ont été brûlés • La fabrication de fertilisants et la combustion
fixent plus d’azote annuellement que l’ensemble des mécanismes naturels
• 50% de la surface des continents a été transformée par l’activité humaine
• Plus de la moitié de l’eau douce est monopolisée pour les usages humains
Si la tendance se maintient? • Épuisement des carburants fossiles
conventionnels • Raréfaction des ressources minérales riches • Épuisement des ressources halieutiques • Contamination et eutrophisation des eaux de
surface • Appauvrissement accéléré de la biodiversité • Changements climatiques anthropogéniques
Le climat Température moyenne, avec le modèle canadien [scénario IS92a (2xCO2 en 2065)] (Service météorologique du Canada, Environnement Canada)
2010-2030 par rapport à 1975-1995
1,5xCO2
2040-2060 par rapport à 1975-1995
2xCO2
2080-2100 par rapport à 1975-1995
3xCO2 Actuellement, c’est le scénario le plus plausible!
La vapeur d’eau et la température
Atmosphère de faible énergie Atmosphère de forte énergie
Sec Mouillé Sécheresses Inondations
304 000 m3 48 000 m3 9 000 m3
- 20 0c 0 0 c + 30 0c
Que faire? • Accords internationaux
– Convention cadre des Nations Unies 1992 – Protocole de Kyoto 1997 (2008-2012) – Accord de Copenhague 2009 – Kyoto 2 2012 (2013-2020) – Accord nouveau promis à Doha pour 2020
• Marchés du carbone • Taxe carbone • Transition énergétique • Développement technologique • Transfert de technologies
Les accords internationaux
• Discours vertueux • Procrastination et mauvaise foi • Un jeu inventé par des tricheurs ou chacun est
présumé honnête • Mauvaises bases fondées sur une réalité qui a
changé profondément depuis 1990
L’adaptation? • À quoi faut-il s’adapter?
– Production alimentaire et sécheresses – Rareté de l’eau douce – Fragilisation des forêts – Pertes d’habitats pour la biodiversité – Montée du niveau de la mer – Réduction de la cryosphère
• Adapter l’économie? – Mettre un prix au carbone – Changer le monde des assurances pour intégrer le risque
climatique – Augmenter le rôle de l’investissement responsable
Des pistes pour l’adaptation? • Éducation, formation, sensibilisation • Meilleurs systèmes de prévision et d’alerte météo • Reconfiguration des infrastructures urbaines • Diminuer la diète carnée • Généraliser l’empreinte carbone des produits et
tarifer en conséquence • Gérer les forêts de manière préventive • Interconnecter les aires protégées • Repenser l’aménagement du territoire
Le temps presse d’agir!
• Les chances de contenir le réchauffement global en deçà de 2°C sont extrêmement minces, mais des mesures d’atténuation immenses doivent être consenties maintenant pour limiter les grands bouleversements
Le fossé s’agrandit de 2 Gt.an-1
Il est très peu vraisemblable d’envisager un pic avant 2020
Source: UNEP, Bridging the emissions gap 2012
Prendre le taureau par les cornes?
• Il existe des solutions dans chacun des grands secteurs pour diminuer, voire éliminer ou absorber le CO2
• Elles se heurtent à plusieurs difficultés de mise en œuvre – Prix – Faisabilité technique de la mise à l’échelle – Effets contre culturels
• Capter le CO2 à faible concentration dans l’atmosphère pour le faire passer dans un autre compartiment de l’écosphère où il demeurera à long terme – Lithosphère – Hydrosphère – Biosphère
• Sols • Biomasse • Stock ligneux durable
Les technologies à émissions négatives?
• Trois défis – Captage
• Photosynthèse • Adsorption • Réaction minérale
– Séparation • Désorption • Combustion + CSC
– Séquestration • Permanence • Risques de fuites • Conflits d’usage des terres
Les technologies à émissions négatives?
Les initiatives forestières comme technologies à émissions négatives ET)
• “Mitigation activities ought to be supplemental to reduction measures, and must insure that extracted GHGs from the atmosphere are locked away permanently. Such plea for “negative emission technologies” (NET) aims at stocking indefinitely GHGs in biosphere reservoirs, for example C in plants, soil and deep underground. The combination of bioenergy production with CCS (known as BECCS), or the burying of biochar (charring of biomass) in the ground, are often cited NET technologies (Fisher et al., 2007; Hare, 2009). Afforestation activities can also qualify as NET, providing that at least part of the C sequestered in the different forest reservoirs is permanently stocked (e.g. Marland et al., 2001; Obersteiner et al., 2010), in both on-site and off-site C reservoirs – i.e. in harvested wood products (Perez-Garcia et al., 2005; Garcia-Quijano et al., 2008; Hennigar et al., 2008).”
Opportunité de boisement au Québec: Boisement des terrains dénudés boréaux
• Forêts naturellement déboisées au sein de la zone boréale
–Classées « improductives » –Respectent la notion de
non-forêt (Article 3.3 du PK)
–État stable de la déforestation naturelle bien documenté…
(Payette 1992, Gagnon et Morin 2001, Jasinsky et Payette 2005)
Régénération naturelle des pessières noires après feu
Renouvellement cyclique des pessières noires denses après feu
État alternatif stable ou renouvellement cyclique des terrains dénudés après feu
« Accidents » naturels de régénération
~100 ans
Limite nordique des attributions commerciales de bois
7% ou 1.6 M ha dans la forêt boréale continue du Québec
Une opportunité de boisement au Québec
• Approche de cycle de vie (ACV) du boisement d’un terrain dénudé boréal
• Inventaire et quantification suivant la norme ISO 14064, ainsi que les guides spécifiques au secteur forestier (GIEC 2003)
Bilan C du boisement =
Le bilan C du boisement d’un terrain dénudé: potentiel théorique (Gaboury et al. 2009)
Stocks de C plantation – Stocks de C
scénario de référence – Émissions de C
Estimation du potentiel théorique de séquestration nette (Gaboury et al. 2009)
30 m 3 /ha 175 m 3 /ha
Biomasse aérienne 53 194
Biomasse racinaire 12 43
Végétation sous-étage na na
Litière 3 11
Bois mort 5 18
Sol 4 15
Opérations -0.3 -1
Autres GES 0 0
Total après 70 ans 77 280 Total par année 1.1 4.0
Scénario de référence
11
3
na
12
2
1
0
0
29 0.4
Scénario de boisement
(IQS 6)
64
15
na
15
7
5
-0.3
0
105 1.5
Stock de Carbone
Carbone séquestré (t/ha)
Bilan C Bilan CO2
Note: 4.0 t CO2 par année correspondent grosso modo aux émissions annuelles d’une voiture sous-compacte (sur 24 000 km)
Stocks de C mesurés (Fradette 2012)
• Stocks de C mesurés de DS boisés = bilan net positif à 10 ans avec le Pig (Fradette 2012) Au moins 16 ans plus tôt avec une essence à croissance rapide que dans l’étude de cas de base (dans Gaboury et al. 2009)
• Nouvelles simulations avec CBM-CFS3: Jusqu’à 16 ans de gain sur la dette de C et stockage supérieur de C par rapport aux estimations de Gaboury et al. (2009)
Diminution de la « dette du C » et optimisation du stockage (Boucher et al. 2012)
• Taux de plantation à 2% = 8 kha par an • Taux de plantation à 5% = 20 kha par an • Les scénarios inférieur (plantations mixtes, taux annuel 2%, rendement -20%) et
supérieur (plantations mixtes, taux annuel 5%, rendement +20%) du graph de gauche ont été utilisés pour estimer le potentiel de compensation (offset) de la prochaine figure…
Stockage net de C sur 400 kha (Boucher et al. 2012)
Potentiel technique de compensation (Boucher et al. 2012)
• Jusqu’à près de 8% de compensation des émissions de procédés industriels du Québec (10.12 Mt CO2e an−1, données de 2009; MDDEP, 2011) avec un programme de plantations de 400 kha sur 20 ans (20 kha par an).
Gestion de la dette de C?...
Autres technologies? • Injection d’aérosols sulfatés dans la haute
atmosphère • Miroirs en orbite • Culture de macro algues-récolte-gazéification-
CSC-recyclage des fertilisants sur 9% de la surface océanique
• Il faut en avoir fumé du très bon! • Aucune étude des impacts réalisée
Optimisme ou pessimisme? • Le lien entre la concentration de
CO2 et le réchauffement n’est pas direct.
• Les modèles sont perfectibles, il y a encore des tuiles où on a très peu de données de terrain.
• La température globale n’a pas réellement augmenté depuis 15 ans.
• Le marché va permettre de diminuer efficacement les émissions.
• On peut mettre en service des quantités importantes d’énergie renouvelable.
• Les modèles sont tous concordants depuis les premiers calculs en 1896.
• On intègre de mieux en mieux les paramètres du climat dans les modèles et les observations montrent qu’ils sont conservateurs.
• La chaleur continue de s’accumuler dans les océans.
• Sans accord international solidement appliqué, le marché ne marchera pas.
• Les filières d’énergie renouvelable exploitent des flux, pas des stocks.
• La plupart des flux d’énergie renouvelable sont intermittents et de faible intensité.
Optimisme ou pessimisme? • Les pays se sont engagés à Doha
pour un accord contraignant post 2020
• L’intensité carbonique du PIB diminue dans les pays industrialisés
• Le seuil d’interactions dangereuses fixé à 450 ppm est une hypothèse
• Dans un monde plus prospère, nous aurons les moyens de nous adapter ou de mettre en place des mesures efficaces pour contrôler la situation
• Les négociations n’avancent pas, les pays ont des positions bloquées
• Les émissions sont transférées dans les PED, en 2020, nous aurons dépassé 425 ppm de CO2 il sera trop tard pour éviter de dépasser +2˚C
• James Hansen a plutôt fixé ce seuil à 385 ppm et décrit des phénomènes d’emballement paléoclimatiques
• L’inertie du système fait que ces mesures arriveront trop tard pour être efficaces et que cela coûtera beaucoup plus cher
Optimisme ou pessimisme? • Les êtres vivants se sont toujours
adaptés aux changements climatiques dans l’histoire de la planète
• La créativité et l’ingéniosité technique des humains vont permettre de s’adapter
• La biodiversité doit déjà s’adapter à un ensemble de contraintes imposées par les humains, la vitesse de disparition des espèces va s’accélérer
• Les populations les plus vulnérables n’ont pas les marges de manœuvre. Le système économique n’est pas équitable dans la répartition de la richesse et des opportunités. Il y a des secteurs dans lesquels le potentiel d’adaptation est limité.
Optimisme ou pessimisme? • On peut abaisser de 17 milliards
de tonnes les émissions avec des moyens à moins de 100$ la tonne.
• Le CSC peut contribuer à rendre même le charbon carbo-neutre.
• Les technologies à émissions négatives peuvent capter du CO2 à faible concentration dans l’air et permettront de corriger la situation si on va trop loin.
• C’était dans le rapport du GIEC en 2007 et les émissions ont augmenté en flèche depuis.
• La valeur de la tonne sur le marché européen est d’environ 4$ en 2013.
• Le CSC coûte entre 25 et 90$ par tonne de CO2 et n’a pas été techniquement testé sur la majeure partie des applications.
• La plupart des TEN nécessitent le CSC et elles n’ont jamais té testées à une échelle permettant d’influencer la concentration globale de CO2 et on ne connaît pas leur innocuité environnementale.
Est-il trop tard?
• Trois révolutions sont nécessaires – Il faut que les bottines suivent les babines – Il faut appliquer une réduction sur la base de
l’empreinte carbonique et pas des émissions par pays
– Il faut une taxe universelle sur le carbone en plus d’un marché du carbone
Est-il trop tard? • Il est trop tard pour:
– Éviter 450 ppm et probablement 550 ppm – Stabiliser le climat à +2 ˚C au 21ème siècle – Empêcher la fonte de plusieurs glaciers de
montagne – Maintenir un couvert de glace dans l’Arctique en
été – Empêcher une augmentation significative du
niveau de la mer pendant au moins 300 ans – Changer le passé…
Est-il trop tard? • Il n’est pas trop tard pour:
– Commencer à s’attaquer sérieusement à la réduction des émissions et à l’adaptation
– Faire de l’éducation – Faire de la recherche et développement – Changer ses habitudes – S’engager dans l’action collective – Changer de gouvernement