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Page 1: Exposition professionnelle à la silice cristalline et risque de cancer du poumon : qu’apportent les études épidémiologiques récentes ?

effectuée à partir de 10 études cas-témoins européennes. Lesauteurs ont considéré que le risque lié à l’amiante était plusélevé chez les non ou ex-fumeurs sevrés depuis plus de 20 anspar rapport à celui des fumeurs et des ex-fumeurs sevrés depuismoins de 20 ans. Ils ont considéré que le fait que le tabagismen’ait pas changé permettait d’atténuer les effets de mauvaiseclassification (les ex-fumeurs ayant rechuté ou les fumeursayant arrêté entre temps).

Les données présentées ont confirmé que l’arrêt du tabacse justifie toujours pleinement afin de limiter le risque de sur-venue de CBP chez des sujets ayant été exposés à l’amiante.

Références

1 Peto R, Darby S, Deo H, Silcocks P, Whitley E, Doll R : Smoking, smo-king cessation, and lung cancer in the UK since 1950: combination ofnational statistics with two case-control studies. BMJ 2000 ; 321 : 323-9.

2 Liddell FD : The interaction of asbestos and smoking in lung cancer.Ann Occup Hyg 2001 ; 45 : 341-56.

3 Simonato L, Agudo A, Ahrens W, Benhamou E, Benhamou S, BoffettaP, et al. : Lung cancer and cigarette smoking in Europe: an update ofrisks estimates and an assessment of inter-country heterogeneity. Int JCancer 2001 ; 91 : 876-87.

Exposition professionnelle à la silice

cristalline et risque de cancer du poumon :

qu’apportent les études épidémiologiques

récentes ?

Pelucchi C, Pira E, Piolatto G, Coggiola M, Carta P,La Vecchia C.Occupational silica exposure and lung cancerrisk: a review of epidemiological studies 1996-2005.Ann Oncol 2006 ; 17 : 1039-50.

Introduction

En 1996, le Centre International de Recherche sur leCancer (CIRC) a classé la silice cristalline dans le groupe 1,c’est-à-dire comme substance cancérogène certaine pourl’homme [1]. Cependant, d’autres études épidémiologiques ontété publiées depuis cette évaluation. Pelucchi et coll. ont pro-cédé à une revue de la littérature des études épidémiologiquesanalysant le lien entre exposition à la silice cristalline et cancerbronchique (CBP) depuis la dernière évaluation effectuée parle CIRC.

Méthodes et résultats

Les auteurs ont pris en compte 45 études épidémiolo-giques publiées depuis la dernière évaluation du CIRC jusqu’enjuillet 2005 (28 études de cohorte, 15 études cas-témoins,

2 études de mortalité proportionnelle). Pour chacune de cesétudes, les auteurs ont rédigé un résumé descriptif et ontcalculé un risque relatif de CBP pour les sujets silicotiques, nonsilicotiques et ceux dont le statut silicotique était mal défini.

Les risques relatifs poolés de CBP étaient de 1,69 (IC95 % : 1,32-2,16) chez les sujets silicotiques, à partir de7 études de cohorte récentes, de 1,19 (IC 95 % : 0,87-1,57)chez les sujets non silicotiques, mais à partir d’une seule étudede cohorte (fig. 1). Les odds ratio poolés de CBP étaient de3,27 (IC 95 % : 1,32-8,2) chez les sujets silicotiques, à partird’une étude cas-témoins, et de 0,97 (IC 95 % : 0,68-1,38) chezles sujets non silicotiques, à partir d’une étude cas-témoins(fig. 2).

Commentaires

Si l’association entre silicose et CBP est bien retrouvée, ilest à noter que le risque relatif obtenu à partir de cette méta-analyse est plus faible que dans les méta-analyses antérieure-ment publiées [2-3]. Ceci est à rapprocher du caractère plusrécent des études (et donc du recrutement éventuel de cas de

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Maladies respiratoires professionnelles

5S77© 2007 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

1,69

0

0,5

1

1,5

2

Sujets silicotiques(n = 7)

Sujets non silicotiques(n = 1)

Sujets à statutsilicotique mal défini

(n = 20)

1,191,25

Fig. 1.

Relation entre silicose et CBP : résultats de la méta-analyse desétudes de cohorte (n = nombre d’études). D’après Pelucchi et coll., Ann Oncol 2006.

0

2

4

6

8

Sujets à statutsilicotique mal défini

(n = 20)

Sujets silicotiques(n = 1)

Sujets non silicotiques(n = 1)

3,27

0,97

1,41

Fig. 2.

Relation entre silicose et CBP : résultats de la méta-analyse desétudes cas-témoins (n = nombre d’études). D’après Pelucchi et coll., Ann Oncol 2006.

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M. Matrat et coll.

silicose en rapport avec des niveaux d’exposition moins impor-tants que dans les études plus anciennes). La description de lamesure du risque de CBP dans les études de cohortes ou lesétudes cas-témoins sur les populations ayant un « état silico-tique mal défini » était peu contributive. Les autres risques rela-tifs de méta-analyse rapportés dans cette revue doivent êtreconsidérés avec prudence, car ils portent souvent sur des popu-lations issues d’une seule étude (une étude de cohorte portantsur les non-silicotiques, mais également une seule étude cas-témoins portant sur le risque silicose-CBP, ou le risque de CBPchez les non-silicotiques). La conclusion des auteurs demeured’actualité, soulignant les incertitudes concernant le rôle can-cérogène propre de la silice en l’absence de silicose.

Références

1 International Agency for Research on Cancer : IARC monographs onthe evaluation of carcinogenic risks to humans, Vol. 68, Silica, some sili-cates, coal dust and paraamid fibrils. Lyon: International Agency forResearch on Cancer, 1997.

2 Lacasse Y, Martin S, Simard S, Desmeules M : Meta-analysis of silico-sis and lung cancer. Scand J Work Environ Health 2005 ; 31 : 450-8.

3 Smith AH, Lopipero PA, Barroga VR : Meta-analysis of studies of lungcancer among silicotics. Epidemiology 1995 ; 6 : 617-24.

Certains polymorphismes du gène

de la protéine B du surfactant sont associés

à un excès de risque de cancer du poumon

chez des travailleurs exposés au chrome

Ewis AA, Kondo K, Dang F, Nakahori Y, Shinohara Y, Ishikawa M, Baba Y.Surfactant protein B gene variations andsusceptibility to lung cancer in chromate workers.Am J Ind Med 2006 ; 49 : 367-73.

Introduction

Le chrome hexavalent (chrome VI) est classé dans legroupe 1 de la classification du Centre International deRecherche sur le Cancer (CIRC), c’est-à-dire comme substancecancérogène certaine pour l’homme. L’exposition profession-

nelle ou environnementale au chrome VI peut induire uncancer bronchopulmonaire (CBP). Le système des protéinesdu surfactant (A, B, C et D) joue un rôle important dans laclairance pulmonaire des particules inhalées. Les gènes desprotéines du surfactant semblent être de bons candidats pourl’étude de la susceptibilité génétique des cancers du poumon.D’après Seifart et coll. [1, 2], le gène de protéine du surfactant(PSB), localisé dans le bras court du chromosome 2 et composéde 11 exons codant pour la protéine PSB, serait le meilleurcandidat ; l’étude des polymorphismes de l’intron 4 du gènePSB a montré en tout cas que ce gène est un bon biomarqueurde la susceptibilité génétique au carcinome épidermoïde bron-chique. Les auteurs de la présente étude ont étudié ce biomar-queur de la susceptibilité génétique dans la survenue de CBPchez des travailleurs exposés au chrome VI.

Méthodes et résultats

Les auteurs ont étudié les variants génétiques (insertionsou délétions) de l’intron 4 du gène PSB par PCR suivie d’uneélectrophorèse des produits de PCR chez 230 sujets japonais(31 cas de CBP exposés au chrome VI, 38 cas d’adénocarci-nome pulmonaire non exposés, 46 cas de cancer épidermoïdebronchique non exposés, 26 sujets sains exposés au chrome VI,89 sujets témoins sains non exposés sélectionnés de façon aléa-toire dans une même région au Japon. Les ADN génomiquesont été extraits à partir des expectorations, pour les sujets sainsexposés au chrome VI, des lymphocytes sanguins pour lessujets témoins sains non exposés et des tissus tumoraux inclusen paraffine pour tous les cas de CBP exposés ou non auchrome VI.

Les deux groupes de sujets exposés au chrome VI ayant unCBP ou non avaient des caractéristiques similaires (âge au dia-gnostic, durée d’exposition et tabagisme cumulé) (tableau X). Ilexistait une forte association entre la présence de variants del’intron 4 du gène PSB et la survenue de CBP, en particulierchez les sujets exposés au chrome VI comparés aux sujets sainsexposés (fig. 3 et 4). De plus, une association entre la présencede variants de l’intron 4 du gène PSB et la survenue d’uncarcinome épidermoïde chez des sujets exposés au chrome VIa été notée, ceci en prenant pour référence des sujets non expo-sés au chrome VI ayant eu un carcinome épidermoïde (fig. 5).

5S78 Rev Mal Respir 2007 ; 24 : 5S70-5S79

Groupes CBP exposés au chrome VI Sujets sains exposés au chrome VI p

Âge au diagnostic (en années) 57,6 ± 9,9 54,4 ± 12,3 0,29

Durée d’exposition (en années) 22,8 ± 6,6 20,1 ± 7,7 0,176

Index de tabagisme de Brinkman

Cigarettes x années 473,4 ± 303,8 511,9 ± 317,2 0,649

Tableau X.

Caractéristiques des populations étudiées. D’après Ewis et coll., Am J Ind Med 2006.


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