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Avril 2014 |

Forbearance et Non-Performing Exposures

Précisions sur les notions de Forbearance et Non-Performing Exposures suite à la publication de l’EBA du 20 février 2014

Dans sa publication finale du 20 février de l’ITS 2013/03, l’EBA propose des définitions homogènes au niveau européen des notions de « Forbearance » et « Non-Performing Exposures » (NPE). L’objectif de ce texte est de répondre aux exigences de transparence demandées par les marchés financiers dans un contexte d’augmentation du niveau de risques des bilans bancaires sans que les notions traditionnelles de « douteux » ou « défaut au sens bâlois » ne soient en mesure de quantifier correctement celle-ci.

1 Contexte & enjeux

L’objectif poursuivi par l’EBA au travers de cette norme technique sur la définition de la « Forbearance » et des « Non-Performing Exposures » est double :

- Renforcer la confiance des marchés financiers dans le système bancaire européen en augmentant la transparence et la comparabilité des bilans bancaires, notamment en mettant en lumière des opérations pouvant amener à masquer ou retarder l’apparition du risque – « la forbearance ».

- Harmoniser la définition de créance « non-performing », souvent hétérogène au travers des différentes juridictions.

Ce texte s’inscrit dans un contexte où la situation économique conduit à une augmentation du niveau des encours douteux inscrits au bilan des organismes financiers européens et des interrogations persistantes sur le niveau de provisionnement de ces expositions.

Par ailleurs, ces précisions normatives voient leurs premières déclinaisons dans les travaux demandés aux principales institutions bancaires européennes dans le cadre de l’Asset Quality Review où il est demandé de communiquer spécifiquement à la fois sur les encours restructurés et la notion de « non-performing » telle que retenue par l’EBA.

2 Deux nouvelles notions impactantes

2.1 La notion de forbearance

Celle-ci recouvre toutes les pratiques permettant de retarder la qualification de douteux/impaired (au sens de l’IAS 39) d’une exposition et ainsi d’opacifier la dégradation de la qualité des actifs. Ces pratiques de restructuration peuvent être définies comme toute concession accordée de manière volontaire par un établissement de crédit à un débiteur en situation de difficulté financière. Le terme de concession doit alors s’analyser comme une action dont les

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conséquences (notamment financières) sont au détriment de l’établissement prêteur.

Notons que cette notion recouvre partiellement la définition de défaut établie dans l’arrêté 2007-02 (art 119-d)1 et reconduit dans la CRR (art 178-3.d)2.

La problématique est d’identifier les modifications concédées dans l’échéancier normal (contractuel) des paiements pour faire face à une situation dégradée du débiteur. En effet, la modification (ou concession) peut être le résultat non pas d’une situation dégradée mais d’une négociation commerciale sur une contrepartie saine. L’EBA a donc souhaité clarifier les conditions qui permettent d’identifier la « forbearance » au travers d’un certain nombre de principes (modifications de l’échéancier en situation dégradée, existence de contrats en retard de plus de 30 jours dans les trois mois qui précédents …).

A ce titre, une créance restructurée pour des raisons de risque devra entamer une période probatoire de deux ans pendant laquelle elle sera qualifiée de « forborne » et au cours de laquelle tout incident de paiement sur une période supérieure à 30 jours conduira à qualifier celle-ci de NPE (Non Performing Exposure). La sortie de cette période probatoire est également conditionnée par la démonstration que les conditions du prêt issu de la restructuration seront « probablement » respectées.

1L'établissement assujetti consent à une restructuration

forcée de sa créance qui aboutira vraisemblablement à sa réduction du fait de l'annulation ou du report d'une fraction significative du principal, des intérêts ou, le cas échéant, des commissions ; 2 L'établissement consent à une restructuration en urgence de l'obligation de crédit, qui aboutira vraisemblablement à sa réduction, du fait de l'annulation ou du report d'une fraction significative du principal, des intérêts ou, le cas échéant, des commissions. Dans le cas des expositions sous forme d' actions évaluées selon la méthode PD/LGD, ceci vaut pour la restructuration en urgence de la participation elle-même.

2.2 La notion de Non-Performing Exposure

La qualification de NPE au sens EBA s’appuie sur les notions déjà existantes d’Impaired, telle que définie dans l’IAS39, et de défaut au sens du règlement N°575/2013 (CRR). Ces approches, désormais unifiées suite à la publication de l’EBA, sont néanmoins complétées à plusieurs titres en vue de donner une image plus fidèle du niveau de risque des bilans bancaires :

- Un seuil de 90 jours de retard au-delà duquel une créance en impayé doit être qualifiée de NPE, quelque soit le type d’exposition, est désormais fixé

- Une créance restructurée pour raisons de risque à partir d’une situation de douteux devra être qualifiée de NPE pendant une année complémentaire avant d’entamer la période probatoire de deux ans

- Une créance qualifiée de forborne faisant l’objet d’une nouvelle restructuration en situation de risque, ou en impayé de plus de 30 jours, devra être qualifiée de NPE

Les établissements devront également être en capacité de remonter les informations sur le niveau de retard des créances performing et non performing.

3 Périmètre et échéances réglementaires

Ces deux notions s’appliquent à toutes les expositions détenues au bilan tandis que le hors-bilan n’est concerné que par la notion de NPE et partiellement par la notion de forbearance.

La date de mise en œuvre est liée au reporting FINREP en date de septembre 2014 dont la date de remise a été décalée au 31 décembre 2014 afin de permettre le déploiement des évolutions nécessaires au sein des établissements concernés.

4 Impacts de mise en œuvre

La mise en œuvre de ces normes, impliquent que les établissements soient en capacité d’identifier les opérations de restructuration, de qualifier

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celles relevant de la forbearance ainsi que de justifier de cette affectation.

Cela implique de décliner la réglementation au niveau des normes et gouvernances d’une part et des Systèmes d’Informations pour permettre les reporting adéquats d’autre part.

Des impacts probables (et donc à mesurer) sont à prévoir au niveau des provisions, des reportings réglementaires et sur les politiques commerciales.

4.1 Impacts avérés

4.1.1 Normes et Gouvernance

La déclinaison d’une définition homogène de niveau européen pose la problématique de l’appropriation de ses caractéristiques en lien avec les pratiques propres à l’établissement concerné.

La principale difficulté constatée réside dans la transposition de la notion de « présomption réfutable de forbearance ». Ainsi, le texte prévoit deux catégories de contrats propres à être considérés comme forborne :

i. Ceux dont la qualification de « forborne » est certaine dès lors qu’une restructuration est intervenue. Ces contrats ont fait l’objet de concession ou de refinancement à partir d’une situation de risque avéré.

ii. Ceux dont la qualification de « forborne » est présumée suite à une opération de restructuration au bénéfice du client mais dont le caractère peut être réfuté. Ces contrats sont ceux issus d’une situation de risque potentiel mais dont le caractère non avéré devra être démontré par l’établissement de crédit.

Ainsi, chaque entité devra démontrer, dans les cas propres au (ii), qu’une créance présumée forborne ne l’est pas. Dans cet objectif, il convient de développer des arbres de décision basée sur des critères objectifs et justifiés. Ceux-ci sont divers et doivent être adaptés aux portefeuilles considérés (ex : Le rating est essentiel pour les expositions corporate, un seul et unique impayé peut ne pas être un indicateur objectif d’impairment en retail, la mesure du

taux de défaillance sur l’ensemble des transactions de la contreparte, l’absence de restructuration ultérieure etc…).

Une deuxième notion, jugée complexe par certaines banques consultées, est la démonstration que les conditions du prêt issu de la restructuration seront probablement respectées. En effet, le texte prévoit que l’une des conditions de sortie de la qualification de forbearance est que des « regular payments of more than an insignificant aggregate amount of principal or interest have been made during at least half of the probation period ». La déclinaison de ce critère doit également être déterminée selon la nature du portefeuille considéré et nécessite une phase d’étude préalable à sa définition.

4.1.2 Implémentation dans les SI

Forbearance

La principale difficulté de la déclinaison de cette notion dans les systèmes réside dans l’identification des flux élémentaires conduisant à la qualification de forborne. Les pratiques de restructuration, clairement documentées au niveau opérationnel, ne traversent que rarement les différentes couches applicatives jusqu’aux systèmes d’information risques/finance où il devient dès lors difficile de les quantifier. Une refonte/modification substantielle peut alors être nécessaire pour s’assurer que :

- Les concessions accordées sont identifiées de manière unitaire dans les systèmes d’information

- La situation de risque de la contrepartie au moment de la restructuration est identifiée et historisée

- L’information sur la nature de la concession est véhiculée jusqu’aux systèmes risques et comptables (y compris la perte partielle qui peut être effectuée lors de l’opération).

- Les entrepôts de données de niveau risque/finance disposent de la granularité suffisante pour recueillir et élaborer des reportings sur la base de ces éléments et justifier de la classification (ou non) en « forborne exposure ».

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Compte tenu de ces impératifs, la reprise d’historique peut s’avérer excessivement complexe.

Par ailleurs, la notion de restructuration « commerciale », présente au sein de nombreuses directions opérationnelles, devra être analysée pour s’assurer qu’elle est en conformité avec la définition de l’EBA. Ainsi, une restructuration qualifiée de commerciale dans l’acception actuelle pourrait être re-qualifiée de restructuration pour raison de risque.

Non-Performing Exposure

L’expression de besoin nécessaire à l’implémentation des notions de NPE est rendue complexe par la construction « en parapluie » de cette notion sur la base des concepts d’Impaired de l’IAS39 et de défaut du règlement N°575/2013 (CRR). En effet, un établissement, en voulant répliquer cette approche conceptuelle, pourrait être confronté à plusieurs difficultés s’il existe au sein de celui-ci :

- Des divergences entre les notions de défaut & impaired/douteux (la demande de convergence des notions risques n’étant pas encore acquise au sein de tous les établissements).

- Des interprétations de l’IAS39 ou du règlement N°575/2013 propres à son activité mais qui ne respecteraient pas les nouvelles exigences du texte de l’EBA.

- Des définitions de ces mêmes notions fondatrices en cours de stabilisation en vue de tendre vers la cible.

Une difficulté complémentaire est la notion de contagion qui adopte, dans le texte de l’EBA, une acception différente des concepts actuels. Le caractère contaminant d’un encours est avéré lorsque celui atteint le seuil de 20% de l’exposition d’un débiteur donné.

En synthèse

La mise en œuvre de cette norme technique va demander à la fois des travaux méthodologiques pour identifier fonctionnellement les créances restructurées et parmi celles-ci, celles qualifiées de forborne. Des travaux SI (y.c. reprise d’historique) vont devoir être engagés afin d’être

en capacité de réaliser les reportings requis par le régulateur. Des diligences équivalentes devront être réalisées pour identifier les créances NPE (douteuses et/ou défaillantes, ou non).

La demande actuelle du régulateur est un reporting des expositions qualifiées de forborne et de NPE pour le reporting FINREP à fin septembre dont les états considérés devront être transmis pour le 31 décembre de la même année.

L’exercice actuellement en cours de réalisation de l’Assets Quality Review permet par ailleurs d’anticiper les prochaines étapes de l’EBA. Les demandes relatives aux expositions forborne et NPE, le calcul de niveaux de provisionnement différenciés et les revues détaillées de dossiers anticipent d’ores et déjà une volonté accrue du régulateur de sécurisation des bilans bancaires

4.2 Impacts attendus

4.2.1 Impacts provisions

A moyen terme, des niveaux de provisionnement spécifiques pourraient être exigés pour les créances qualifiées de forborne (notamment au regard de la perte économique du fait de la restructuration). La revue actuellement en cours, si elle révèle des niveaux de risque significativement différents pour ce type de créances, aboutira naturellement à cette conclusion. L’augmentation des capitaux propres nécessaires face aux RWA concernés pourrait également être évoquée (impact sur la PD et sur la LGD).

4.2.2 Impacts finance

Bien que le régulateur indique que ces nouvelles notions ne constituent pas de nouvelles catégories comptables, la nécessité d’effectuer des reportings sur des catégories spécifiques de créances, associée à une exigence probable de calculs de niveaux de provisionnement différenciés sur ces gisements, nécessitera la complétion des systèmes comptables et de consolidation existants afin d’être en mesure de ségréguer et suivre finement les expositions concernées.

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4.2.3 Impacts sur les politiques commerciales/règles d’octroi

Si des exigences complémentaires de provisions/RWA devenaient avérées, une revue complète des systèmes opérationnels et des pratiques commerciales pourrait également être considérées :

- Certains traitements automatiques lors de non-paiement d’une échéance, tel que le report automatique d’une partie de celle-ci, devront être modifiées afin de ne pas constituer une source complémentaire de créances forborne, voire NPE, au sein de l’établissement de crédit. La mesure de la perte économique ou du taux de défaillance suite à ces opérations pouvant amener à revoir toute ou partie de la politique de gestion des traitements automatiques.

- La qualification des conditions d’accord de concession/refinancement devront être analysées en lien avec les équipes commerciales afin de s’assurer qu’elles ne se font pas dans un contexte de risque au sens de l’EBA, ce qui viendrait à terme diminuer la rentabilité du type de produits/clients concernés.

- Une créance d’ores et déjà restructurée pour situation de risque ne pourra plus faire

l’objet de restructuration complémentaire, à moins d’être immédiatement considérée comme non-performing lors des déclarations FINREP.

De manière générale, la revue des opérations de restructurations et leur qualification en forbearance et/ou en non performing exposure devrait amener à des actions correctrices dans la gestion de la relation clientèle.

5 En guise de conclusion

L’EBA a souhaité, au travers du texte en référence, préciser la définition de la « forbearance » et de « Non Performing Exposure » afin de rassurer les marchés sur la qualité des portefeuilles bancaires et s’assurer que ceux-ci ne comportent pas de « risques cachés ».

La mise en œuvre de cette norme implique des évolutions en termes de normes et de SI. Il est probable, au vu des demandes lors de l’exercice d’AQR, que des impacts apparaitront également sur les méthodologies de provisionnement, les fonctions finance et risque ainsi que la politique commerciale.

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