Radio-Canada et l’État: une Radio-Canada et l’État: une orientation par commission orientation par commission d’enquêted’enquête
Danielle Desjardins
Directrice, Planification stratégique – Radio-Canada
Présentation cours La Politique et le juridique
Université de Sherbrooke, le 25 mars 2009
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Radio-Canada et l’ÉtatRadio-Canada et l’État
Une orientation par commission d’enquête
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« Grâce à la tradition de non-ingérence politique en radiodiffusion, Radio-Canada et, par la suite (…) le CRTC se trouvaient, en principe, libres d’agir sans l’intervention de l’État. Dès le départ, les gouvernements s’en sont plutôt tenus à ce qu’on pourrait appeler « une orientation par commission d’enquête » : un comité parlementaire ou une commission extérieure présentait, à la suite d’une enquête, des recommandations permettant de fonder l’action du gouvernement. »
Rapport du groupe de travail sur la politique de radiodiffusion (Caplan-Sauvageau), 1986
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Radio-Canada et l’ÉtatRadio-Canada et l’État
Une société d’État, pas un radiodiffuseur d’État
« La Loi sur la radiodiffusion précise que c’est à titre de « radiodiffuseur public national » que la Société Radio-Canada offre ses services. Cette précision est importante; la Société n’est pas une simple émanation du gouvernement : elle est chargée de rendre un service qui, par sa nature même implique une indépendance éditoriale. (…) L’article 35(2) vient préciser cela en déclarant que « toute interprétation ou application doit contribuer à promouvoir et à valoriser la liberté d’expression ainsi que l’indépendance en matière de journalisme, de création et de programmation, dont jouit la Société dans la réalisation de sa mission et l’exercice de ses pouvoirs. »
[1] France Abran, Pierre Trudel, Droit de la radio et de la télévision, Centre de recherche en droit public, faculté de droit, Université de Montréal, 1991, p. 833
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Radio-Canada et l’ÉtatRadio-Canada et l’État
Loi sur la radiodiffusion de 1991 – article 3 (1)
Le système canadien de radiodiffusion, composé d’éléments publics, privés et communautaires, utilise des fréquences qui sont du domaine public et offre, par sa programmation essentiellement en français et en anglais, un service public essentiel pour le maintien et la valorisation de l’identité nationale et de la souveraineté culturelle.
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Radio-Canada et l’ÉtatRadio-Canada et l’État
Histoire de la radiodiffusion au CanadaHistoire de la radiodiffusion au Canada1901 Marconi transmet des signaux sans fils de l’Angleterre à Saint-Jean Terre-Neuve
1919 Premier permis de radiodiffusion canadien à la Canadian Marconi Company
1928 – On compte 75 stations de radio au Canada
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Radio-Canada et l’ÉtatRadio-Canada et l’ÉtatHistoire de la radiodiffusion au Canada
« L’évolution du régime juridique de la radiodiffusion au Canada est marquée par les tensions résultant de la proximité des diffuseurs américains, pour lesquels le marché canadien n’est qu’un appendice de leur marché domestique, et par la persistance des idéaux élevés sur le rôle que devrait jouer la radiodiffusion en tant que ciment de l’unité canadienne et comme instrument de promotion d’une culture canadienne.Cette tension se manifeste dès la première commission d’enquête sur la radiodiffusion et se retrouve à toutes les étapes de l’évolution qu’ont connues la politique ou le cadre juridique de la radio et de la télévision.
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Radio-Canada et l’ÉtatRadio-Canada et l’ÉtatHistoire de la radiodiffusion au Canada
(…) La coexistence d’un secteur public et d’un secteur privé de radiodiffusion assujettis en principe aux mêmes règles et objectifs, a constitué, jusqu’aux années récentes, le trait caractéristique du système canadien. »
(…) À ces deux pôles, il faut ajouter la situation de la radiodiffusion québécoise qui s’est développée suivant une problématique passablement différente. Au Québec, la radiodiffusion a non seulement contribué à la défense et à l’illustration de la culture francophone, mais a constitué et constitue encore un enjeu central des nombreuses et récurrentes batailles afin de rapatrier au Québec le contrôle des principaux leviers économiques et culturels. » Droit de la radio et de la télévision, Pierre Trudel, France Abran, Centre de recherche en droit public, faculté de droit, Université de Montréal. 1991
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Radio-Canada et l’ÉtatRadio-Canada et l’État
Histoire de la radiodiffusion au CanadaHistoire de la radiodiffusion au Canada1929 Commission royale de la radiodiffusion (Commission Aird)
Recommandations: création d’une Société d’État qui fournirait un
service public national de radio
Financement assuré par les droits de licence payé annuellement par les propriétaires de radio (deux $ par année)
Intégration des stations privées au service public
Création du premier groupe d’intérêt : l’Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR/CAB)
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Radio-Canada et l’ÉtatRadio-Canada et l’État
Histoire de la radiodiffusion au CanadaHistoire de la radiodiffusion au Canada1932 Première commission parlementaire sur la radiodiffusion
Recommandations: Création de la Commission canadienne de la
radiodiffusion (CCR) dont le mandat est d’assurer un service national de radiodiffusion et régir toute radiodiffusion au Canada.
Financement assuré par des crédits votés par le Parlement et une partie des droits de licence perçus sur les postes de radio
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Radio-Canada et l’ÉtatRadio-Canada et l’État
Histoire de la radiodiffusion au CanadaHistoire de la radiodiffusion au CanadaLes recommandations de la Commission sont devenus la première Loi sur la radiodiffusion du Canada
Déclaration du Premier ministre de l’époque, R.B. Bennett au moment de l’adoption de la Loi :
« D’abord, notre pays doit contrôler absolument la radiodiffusion de source canadienne, sans ingérence ni influence étrangères. Sans un tel contrôle, la radiodiffusion ne pourra jamais devenir un grand organe de communication au service des affaires nationales et voué à la diffusion de la pensée et des idées nationales; sans un tel contrôle, elle ne saurait devenir un organe propre à faire ressortir et entretenir le sentiment national ni à renforcer l’unité nationale.
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Histoire de la radiodiffusion au CanadaHistoire de la radiodiffusion au CanadaDeuxièmement, seule l’étatisation du système assurera au peuple de ce pays, sans qu’il soit question de classe ou de localité, des avantages égaux de la radiodiffusion (…)Il y a une troisième raison qui doit frapper tous les honorables députés de la Chambre. L’usage de l’air, ou l’air même, comme vous voudrez, qui se trouve au-dessus du territoire canadien, constitue une ressource naturelle dont nous avons la juridiction complète en vertu de la récente décision du Conseil privé. (…) Dans ces circonstances (…) je ne pense pas que le Gouvernement aurait raison de laisser exploiter l’air par des particuliers plutôt que de le réserver pour le bien du pays.»
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Histoire de la radiodiffusion au CanadaHistoire de la radiodiffusion au Canada
1936 Deuxième Loi sur la radiodiffusionLa Loi de 1936 remplace la CCR par la Société Radio-
Canada
Mandat: assurer un service national de radiodiffusion au Canada
Financement: totalité des revenus provenant des redevances sur les récepteurs, la possibilité d’emprunter et de la publicité
Radio-Canada doit financer de nouveaux émetteurs pour rendre son service national et a recours à une politique commerciale dynamiqueDébut des accusations de concurrence déloyale par le lobby
des privés
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Radio-Canada et l’ÉtatRadio-Canada et l’État
Histoire de la radiodiffusion au CanadaHistoire de la radiodiffusion au Canada1948 – Début de la télévision aux États-Unis
Le gouvernement demande à Radio-Canada d’établir un service de télévision1951 – Commission royale d’enquête sur l’avancement des arts, lettres et sciences au Canada (Rapport Massey)L’ACR réclame un organisme réglementaire distinct de Radio-CanadaRecommandations du rapport: Pas de régime à deux vitesses – maintien du pouvoir
réglementaire de Radio-CanadaFinancement: subvention statutaire à long terme et
redevance sur les postes de radio et de télévision
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Radio-Canada et l’ÉtatRadio-Canada et l’État
Histoire de la radiodiffusion au CanadaHistoire de la radiodiffusion au Canada1952 Entrée en ondes de la télévision de Radio-Canada – service bilingue à Montréal et TorontoLa redevance est remplacée par une taxe sur les appareils de radio
et télévision. La vente d’appareils plafonne en 1956.
1957 Commission royale d’enquête sur la radio et la télévision (Rapport Fowler)
1958 Troisième Loi sur la radiodiffusionCréation du Bureau des gouverneurs pour réglementer le
systèmeFinancement de Radio-Canada: crédits votés annuellement
par le Parlement et revenus publicitairesPas de mandat pour Radio-CanadaRadio-Canada est aux prises avec des contraintes
budgétaires et a recours à une politique commerciale vigoureuse. Les radiodiffuseurs privés se plaignent plus que jamais de la concurrence déloyale de Radio-Canada.
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Histoire de la radiodiffusion au CanadaHistoire de la radiodiffusion au Canada
1965 Comité sur la radiodiffusion (rapport Fowler II)Recommandations: définir le mandat de Radio-Canada
Financement: redevance par foyer possédant une télévision sur une base pluriannuelle
1968 Quatrième Loi sur la radiodiffusionCréation du Conseil de la radio-télévision canadienne
(CRTC)
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Histoire de la radiodiffusion au CanadaHistoire de la radiodiffusion au Canada 1982 Comité d’étude de la politique culturelle fédérale (Applebaum-Hébert)Recommandation: la production de Radio-Canada devrait
être entièrement confiée aux producteurs indépendants (sauf les nouvelles)
1983 Création du Fonds de développement de la production d’émissions canadiennes administré par l’ancêtre de Téléfilm, la SDICC
1986 premières réductions au crédit parlementaire accordé à Radio-CanadaÀ l’époque, 75% du budget de Radio-Canada provient du
gouvernement. Aujourd’hui, c’est un peu plus de la moitié.
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Histoire de la radiodiffusion au CanadaHistoire de la radiodiffusion au Canada
Début de l’industrie de la production indépendante audiovisuelle canadienne Son essor est appuyé par des politiques
gouvernementales
En parallèle, CBC/Radio-Canada n’a pas d’autre choix que de recourir à la production indépendante, qui a accès aux nouvelles sources de financement public
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Radio-Canada et l’ÉtatRadio-Canada et l’État
Histoire de la radiodiffusion au CanadaHistoire de la radiodiffusion au CanadaTout récemment, le gouvernement a annoncé des changements au Fonds canadien de télévision : il sera fusionné avec le fonds des nouveaux médias pour devenir le Fonds des médias du Canada et Radio-Canada n’y aura plus d’enveloppe garantie, dans un souci « d'équilibre des règles du jeu » :Récompenser le succès et favoriser l'innovation
L'orientation du fonds favorisera les productions en haute définition ainsi que celles qui ont démontré leurs capacités à obtenir le succès populaire et à offrir un bon rendement du capital investi, ou qui ont le potentiel de le faire.
Équilibrer les règles du jeuL'admissibilité des productions d'entités affiliées aux radiodiffuseurs sera élargie et les productions internes des radiodiffuseurs seront permises. Cette disposition sera mise en œuvre graduellement et au fil du temps afin de trouver le meilleur équilibre. Tous les radiodiffuseurs seront sur un même pied d'égalité, qu'il s'agisse de radiodiffuseurs pédagogiques provinciaux ou de Radio Canada/CBC, dont le budget réservé sera éliminé.
(source : Patrimoine Canadien, 9 mars 2009)
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Histoire de la radiodiffusion au CanadaHistoire de la radiodiffusion au Canada La télévision spécialisée
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Histoire de la radiodiffusion au CanadaHistoire de la radiodiffusion au Canada La télévision spécialisée
Le début des années 1990 a également vu l’émergence d’un autre phénomène : les chaînes spécialisées. Le mouvement a pris plus de temps dans notre petit marché francophone, mais la fragmentation des auditoires est maintenant une réalité.
Comme plusieurs des industries aujourd’hui, la télévision traverse une grave crise financière. Cette crise est amplifiée par la situation financière mondiale, mais elle est surtout le résultat de la multiplication de l’offre télévisuelle au cours des dernières années.
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Histoire de la radiodiffusion au CanadaHistoire de la radiodiffusion au Canada
1991 : 5e et dernière version de la Loi sur la radiodiffusionMise sur pied en 1986 du Groupe de travail sur la
politique de la radiodiffusion, qui a déposé une série de recommandations, le rapport Caplan-Sauvageau. Par la suite, le Comité permanent des communications et de la culture (ancêtre de Patrimoine canadien) s’en est inspiré pour recommander les changements qui nous amènent à la dernière Loi sur la radiodiffusion, celle de 1991 encore en vigueur aujourd’hui.
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Histoire de la radiodiffusion au CanadaHistoire de la radiodiffusion au Canada
Depuis, il y a eu au moins trois autres comités d’examen : 1996, « Comité d’examen des mandats SRC, ONF, Téléfilm » (Pierre Juneau – un ancien président de Radio-Canada et du CRTC); 2003, le Comité permanent du Patrimoine qui a fait un examen exhaustif du système de radiodiffusion et publié un rapport de 800 pages 2007 le Comité permanent du Patrimoine a entrepris, un examen du mandat de Radio-Canada avec plusieurs comparutions au Parlement et tournée canadienne
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Radio-Canada et l’ÉtatRadio-Canada et l’État
Malgré les travaux de ces trois comités depuis 1996, aucun changement n’a été apporté à la Loi de 1991, et en conséquence au mode de financement de Radio-Canada ou à l’énoncé de sa mission. Tous ces comités recommandaient des modifications à la Loi sur la radiodiffusion, en particulier en ce qui touche le financement de Radio-Canada.Un consensus se dégageait parmi une majorité d’intervenants : le mandat du radiodiffuseur public est beaucoup trop large compte tenu de ses ressources financières. Le gouvernement actuel, ni le gouvernement libéral précédent d’ailleurs, n’ont donc rien changé à la législation s’appliquant à Radio-Canada.
Aujourd’hui: la politique et Radio-CanadaAujourd’hui: la politique et Radio-Canada
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Radio-Canada et l’ÉtatRadio-Canada et l’État
On peut lire dans l’énoncé de politique du Parti conservateur du Canada (décembre 2008) :
La SRC-CBC est une composante importante du système de radiodiffusion au Canada. Elle doit être un véritable radiodiffuseur public qui répond aux besoins des canadiens. Nous assurerons que les services de la SRC-CBC sont axés sur son mandat de radiodiffuseur public.
Aujourd’hui: la politique et Radio-CanadaAujourd’hui: la politique et Radio-Canada
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Radio-Canada et l’ÉtatRadio-Canada et l’État
Certains observateurs de la scène politique pensent que le gouvernement actuel a trouvé comment s’assurer de cette orientation des services de CBC/Radio-Canada vers son mandat de radiodiffuseur public : La crise économique semble devoir permettre aux
conservateurs de régler par la porte arrière des comptes avec la CBC que leur statut minoritaire ne leur permet pas de régler de front. Mais en refusant de lever le petit doigt pour éviter des coupes sombres de service et de personnel à la CBC , le gouvernement met évidemment Radio-Canada, qui dispose déjà de moyens plus modestes que sa contrepartie anglophone, au même régime, quitte à s’exposer à un autre tollé encore plus corrosif pour l’image du gouvernement Harper au Québec que les précédents.
blogue de Chantal Hébert, 19 mars 2009, http://blogues.lactualite.com/hebert
Aujourd’hui: la politique et Radio-CanadaAujourd’hui: la politique et Radio-Canada
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Radio-Canada et la politiqueRadio-Canada et la politique
Après l’élection du Parti Québécois en 1976, plusieurs voyaient un lien entre Radio-Canada et la politique.
Aislin 1977 – The Gazette
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Chapleau, La Presse, 1995
On accuse parfois les présidents de Radio-Canada, jusqu’à tout récemment choisis directement par le Premier ministre, d’être des amis du pouvoir.
Radio-Canada et la politiqueRadio-Canada et la politique
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Radio-Canada et l’ÉtatRadio-Canada et l’ÉtatChapleau, La Presse
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Radio-Canada et l’ÉtatRadio-Canada et l’État
POURQUOI LA RADIOTELEVISION PUBLIQUE ?
« Ni commerciale, ni étatique, la radiotélévision publique trouve sa raison d'être dans le seul accomplissement du service public. C'est la radiotélévision du public; elle s'adresse à chacun en tant que citoyen. Elle encourage l'accès et la participation à la vie publique. Elle développe les connaissances, élargit les horizons et permet à chacun de mieux se comprendre en comprenant le monde et les autres. La radiotélévision publique se définit comme un lieu de rencontre où tous les citoyens sont invités et considérés sur une base égalitaire.
C'est un outil d'information et d'éducation, accessible à tous et s'adressant à tous, indépendamment du statut social ou économique des uns et des autres. Son mandat ne se limite pas à l'information et au développement culturel. La radiotélévision publique doit aussi meubler l'imaginaire et divertir. Mais elle le fait avec un souci de qualité qui doit la distinguer de l'audiovisuel commercial.
[.
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Radio-Canada et l’ÉtatRadio-Canada et l’État
POURQUOI LA RADIOTELEVISION PUBLIQUE ?
« Parce qu'elle n'est pas soumise aux impératifs de la rentabilité, la radiodiffusion publique doit faire preuve d'audace et innover, en courant des risques. Et lorsqu'elle réussit à développer des genres ou des idées qui font leur marque, elle peut imposer des standards élevés aux autres chaînes, auxquelles elle donne alors le ton. [1]
[1] Le CMRTV est une organisation non-gouvernementale indépendante, créée en 1992 pour promouvoir et défendre la radiodiffusion publique à travers la société civile. Le CMRTV a cessé ses activités il y a quelques années, faute de financement.
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Serge Chapleau 1995Serge Chapleau 1995