Institut de Formation des Personnels de Santé de la Croix Rouge Française
de Châlons-en-Champagne
Promotion Ex-Æquo 2009-2012
COLLIN Bastien
Institut de Formation des Personnels de Santé de la Croix Rouge Française
de Châlons-en-Champagne
Promotion Ex-Æquo 2009-2012
COLLIN Bastien
REMERCIEMENTS
En premier lieu, je tiens tout particulièrement à remercier mon directeur,
Monsieur Maitrot, pour ses conseils éclairés, avisés et pour le temps qu’il m’a accordé,
y compris dans les périodes de doute, à la réalisation de ce travail de fin d’études.
Je souhaite aussi remercier mes parents pour leur soutien inconditionnel tout au
long de la réalisation de ce travail de fin d’études, ainsi que mon oncle pour m’avoir
donné très souvent son opinion sur le travail réalisé.
Je souhaite remercier mon entourage qui m’a aidé à réaliser mes entretiens pré-
exploratoires, les cadres de santé qui m’ont permis d’accélérer la réalisation des
différentes enquêtes, et plus particulièrement Mme G, qui a distribué mes questionnaires
au sein de la clinique psychiatrique H-E pour me faire gagner un temps précieux ; Mme
T, formatrice de mon institut de formation, qui a relu et donné son avis sur mon travail,
Mme P, documentaliste de l’IFPS pour le temps qu’elle a accordé à mes diverses
recherches ainsi que Mme Z pour sa précieuse aide quant à la relecture de mon travail
de fin d’études, m’ayant permis de préparer ma soutenance sereinement.
De plus, j’adresse toute ma gratitude à toutes les personnes que je ne connais
pas personnellement, ayant répondu à mes questionnaires et m’ayant autorisé à mener
mes entretiens, sans qui la conception de ce mémoire aurait été impossible.
Enfin, je souhaite remercier Mlle A qui m’a soutenu durant la réalisation de ce
mémoire de fin d’études.
SOMMAIRE
INTRODUCTION ............................................................................................................ 1
1 SITUATIONS D’APPEL ......................................................................................... 3
1.1 Première situation : stage de médecine (Seconde année) ................................... 3
1.2 Seconde situation : stage de chirurgie (Troisième année) .................................. 3
1.3 Mon ressenti ....................................................................................................... 4
2 PHASE EXPLORATOIRE....................................................................................... 6
2.1 Les représentations sociales ............................................................................... 6
2.2 L’image de la santé mentale dans la population générale .................................. 6
2.2.1 Une crainte de la psychiatrie ? .................................................................... 7
2.2.2 Une représentation négative de la santé mentale ? ..................................... 7
2.2.3 Pré-enquête auprès de la population générale ............................................. 8
2.2.4 « Le moteur de la vision péjorative » ....................................................... 10
2.3 L’histoire de la psychiatrie ............................................................................... 12
2.4 Folie et professionnels de santé ........................................................................ 14
2.5 La démarche et la méthodologie des entretiens pré-exploratoires ................... 14
2.6 Analyse des entretiens exploratoires ................................................................ 15
2.7 Cadre réglementaire ......................................................................................... 17
2.8 Du recoupement des différents termes à la problématique .............................. 18
3 CADRE CONCEPTUEL ........................................................................................ 19
3.1 Les psychoses ................................................................................................... 19
3.2 Qu’est-ce que la schizophrénie ? ...................................................................... 19
3.2.1 La définition de la schizophrénie .............................................................. 19
3.2.2 Etiologies de la schizophrénie .................................................................. 21
3.3 Les représentations sociales ............................................................................. 22
3.3.1 La théorie du noyau central ...................................................................... 22
3.3.2 Des normes sociales à l’étiquetage ........................................................... 23
3.4 De la conception du soin au rôle de l’infirmier ................................................ 24
3.4.1 Qu’est-ce que le soin ? .............................................................................. 24
3.4.2 Qu’est-ce que la santé ? ............................................................................ 25
3.4.3 Prise en charge et services de soins .......................................................... 25
3.5 Hypothèses de travail ....................................................................................... 27
4 RECHERCHES SUR LE TERRAIN ..................................................................... 28
4.1 La démarche et la méthodologie des questionnaires ........................................ 28
4.2 Analyse quantitative des questionnaires .......................................................... 30
4.3 La démarche et la méthodologie des entretiens ............................................... 52
4.4 Analyse qualitative des entretiens .................................................................... 54
4.5 Analyse qualitative croisée .............................................................................. 57
5 POSITIONNEMENT INFIRMIER ET PROPOSITIONS D’ACTIONS .............. 62
5.1 Mon positionnement infirmier ......................................................................... 62
5.2 Mes propositions d’actions .............................................................................. 63
CONCLUSION ............................................................................................................... 64
BIBLIOGRAPHIE .......................................................................................................... 66
ANNEXES ...................................................................................................................... 69
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INTRODUCTION
Février 2009, date d’entrée dans cette formation se voulant polyvalente et
dénudée de tout jugement : « Je suis obligé(e) de faire un stage en psychiatrie ? Je vais
me faire agresser ! Avec tout ce que l’on voit à la télévision, ça semble dangereux ! ».
J’ai entendu cette phrase un bon nombre de fois de la part de mes collègues de
promotion, lors de ma première année d’études en soins infirmiers. L’appréhension d’un
monde que l’on ne connait pas est légitime en soi ; la peur de l’inconnu, la peur de
« l’autre », qui semble si différent de soi. En quoi « cet autre » ne mériterait-il pas sa
place dans la société ?
Pour préparer le concours d’entrée à l’institut de formation en Soins Infirmiers,
je m’étais attelé à la lecture de différents articles traitant des compétences de l’Infirmier.
D’une façon générale, mes lectures gravitaient autour du rôle propre ainsi que du rôle
sur prescription, se centrant principalement sur les soins techniques. Les notions de
prise en charge globale y apparaissent, sans pour autant s’y attarder, ce qui m’avait
amené à d’autres lectures plus centrées sur le sujet de la dualité somatique/psychique.
Mon projet professionnel s’est modelé très rapidement autour de la psychiatrie,
après mon premier stage dans cette spécialité, et s’est recentré plus récemment autour
des unités pour malades difficiles ; « Des havres de paix où règne la violence » comme
me l’a expliqué une professionnelle de santé exerçant en service de chirurgie : « Ça ne
serait pas dangereux, il n’y aurait pas de grands murs tout autour. Pour être un bon
Infirmier, il faut pratiquer les soins techniques, sinon, tu vas « perdre ».».
Le référentiel de 1992 se voulait être l’unification de la prise en charge des
patients, ne plus séparer le somatique de la psychiatrie. La conséquence directe de cette
réforme est donc la disparition de la formation d’infirmiers de secteur psychiatrique, en
réduisant le nombre d’heures d’enseignement. Certes, de par les nombreux cours, j’ai
obtenu un certain volume de connaissances, mais qu’en est-il des axes de corrélation
entre le somatique et la psyché ? Plus concrètement, la théorie apportée par les cours de
psychiatrie, dans la prise en charge des personnes psychotiques ne s’appuie que sur une
variable unitaire locale, c'est-à-dire le service de psychiatrie. Si je pars du principe qu’il
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est possible de changer cette variable, entre autre, accueillir le patient psychotique dans
un service de soins généraux, avec ses contraintes de service gravitant autour de la prise
en soin somatique, qu’adviendra-t-il de sa prise en charge psychiatrique ? En quoi sa
pathologie mentale influencera les soins ?
Le cheminement de ma réflexion s’est construit en référence à deux situations
de stage m’ayant fortement marqué, ayant provoqué plusieurs questionnements servant
de point d’encrage pour mon travail de recherche. A partir de ces derniers, je me suis
attelé à la lecture de différents ouvrages pour éclaircir les notions me paraissant
importantes à mettre en exergue, formant le cadre théorique et conceptuel. Ces cadres
orienteront des hypothèses de travail, que je chercherai à valider ou à infirmer de par
mes recherches sur le terrain.
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1 SITUATIONS D’APPEL
Au cours de plusieurs de mes stages en service de soins généraux tels qu’en
chirurgie, médecine, la psychiatrie a très souvent été au vif des sujets, répertoriée
comme un « monde de fous » et « dangereux ». Deux situations m’ont, entre autre,
interpellé.
Monsieur P, 47 ans, hospitalisé en service de Médecine pour un problème
pulmonaire, diagnostiqué schizophrène. Ce patient pouvait être particulièrement violent
à l’encontre des professionnels et des autres patients. De plus, il avait tendance à se
refermer sur lui-même et être nourri d’hallucinations. Pendant une nuit, Monsieur P a
poussé de grands cris, et a ensuite pressé la sonnette. L’aide-soignante me dit qu’il n’est
pas nécessaire d’aller le voir, que ce monsieur est « toujours comme ça durant la nuit »,
additionné d’une surenchère de l’infirmière : « Je pense que tu n’as pas envie de te
prendre un mauvais coup.». Pour ma part, je n’ai jamais rencontré de problèmes
relationnels avec ce patient. Qu’est ce qui a pu influencer son respect dans ma façon
d’être ?
Une seconde situation, quelque peu similaire, à un point près, est intervenue
lors d’un de mes stages de 3e année. Monsieur S, 61 ans, hospitalisé en service de
Chirurgie pour une nécrose du 1er
orteil droit. A l’arrivée de monsieur S dans le service,
l’infirmière retranscrit la prescription amenée par le patient, s’interrogeant sur un
traitement : Zyprexa®. Après une recherche fructueuse dans le Vidal, la professionnelle
de santé apposa une étiquette sur Monsieur S., le qualifiant de « déséquilibré », « fou »,
« dangereux », en invoquant que « moins elle le verrait, mieux elle se porterait » et que
les soins seront « vite fait bien fait », qu’elle n’avait « pas envie de se faire tuer ». Ce
qui est notable, dans cette situation, est l’absence totale de manifestations de violence de
la part du patient. Quelles sont les connaissances de ces professionnels en matière de
psychiatrie ?
1.1 Première situation : stage de médecine (Seconde année)
1.2 Seconde situation : stage de chirurgie (Troisième année)
Page 4 sur 69
M’interrogeant sur ces réactions me paraissant excessives, puisque aucun fait
notable de violence ne s’était produit lors de la seconde situation, j’ai cherché en vain à
comprendre ce « refus de prise en charge globale » de la part des soignants. Pour la
professionnelle de santé de la situation n°2, elle n’a pas le temps « de faire la parlote »,
car elle était seule dans le service ce jour-là et qu’elle n’avait « aucune envie de s’en
prendre une »1, alors que le patient n’a jamais violenté un quelconque membre du
personnel lors de son hospitalisation. Aucun fait antérieur de violences n’était par
ailleurs mentionné par son médecin traitant. Cette peur est donc née sans pour autant
avoir un recul vis-à-vis du comportement de ce patient envers les professionnels,
ignorant, à ce moment précis, complètement son tempérament. De cette expérience de
stage se détache plusieurs questions :
Qu’est-ce qui peut amener une professionnelle à s’exprimer ainsi
à l’égard d’un patient schizophrène ?
Existe-il un lien entre les représentations de la folie chez les
professionnels de santé et la population générale ?
En quoi le contexte historique et social a orienté la prise en charge
des patients psychotiques à travers les âges ?
Existe-il un conditionnement de la société, orchestré par ce qui
forge notre culture, et qui orienterait notre positionnement face à un sujet donné ?
Quel est l’impact de la prise en charge de ce patient, à la vue des
différentes représentations de la folie par la société ?
De ces quelques questions, point initial de mes recherches, se détache une
question de départ : Quel est l’impact de l’image de la folie au sein de la société ?
Pour construire ce travail de fin d’études, j’ai tout d’abord axé mes recherches
sur des articles traitant de l’image du fou dans la société, puisque mes situations de
stages ont été centrées non pas sur la pathologie en elle-même, mais l’image de la
1 De s’en prendre une = de se faire agresser
1.3 Mon ressenti
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maladie pour le personnel soignant. Les représentations sont un sujet récurrent dans
plusieurs revues spécialisées, et j’ai donc opté pour ce choix comme point de départ
pour mon travail de recherche.
Page 6 sur 69
2 PHASE EXPLORATOIRE
D’ après l’article de Pascal Moliner, paru dans la revue « Santé Mentale »,
appuyé sur les travaux de Serge Moscovici en 1961, les représentations sociales sont
désignées par « certaines formes de savoir naïf » 2
. Pascal Moliner explique que « Ces
représentations nous apparaissent comme des ensembles d’opinions, d’informations et
de croyances associées à un objet social […] les distinctions entre les notions sont
inutiles » en insistant sur le fait que « la frontière est souvent floue entre le « je pense »,
« je sais », « je crois ». », renvoyant aux notions d’opinion, d’information et de
croyance, interagissant les uns aux autres, élément créateur de la représentation.
L’article de Brigitte Petit définit les représentations sociales comme des :
Tentatives de compréhension, d’interprétation et de maîtrise d’un
environnement social donné où existe une controverse, ou tout au moins, une
absence de certitudes. Elles sont donc l’interface du psychologique et du social,
à la fois construction personnelle du sujet et conséquence du milieu social dans
lequel elles émergent (systèmes d’appartenance, croyances, valeurs, etc.)3
Ainsi, la représentation sociale est propre à l’individu, et se construit dans la
tentative d’éclaircissement d’un sujet donné, ici, la folie. L’image construite peut donc
totalement différer de la réalité, puisque cette dernière confond la connaissance
théorique et « ce que je pense savoir ». Il serait, à ce stade, intéressant de savoir quelle
image ont les gens de la folie.
Ainsi, quelle est l’image de la santé mentale dans la population générale ?
Positive ? Négative ? Sans opinion spécifique ? L’image du « fou » renvoie à
diverses notions.
L’article de Laurent Defromont et Jean-Luc Roelandt s’appuie à nouveau sur
les représentations sociales en citant le travail de Jodelet comme étant « une forme de
2 Pascal Moliner - Santé mentale n°93 décembre 2004 p25
3 Brigitte Petit - Soins Psychiatrie n°229 – novembre/décembre 2003 p25
2.1 Les représentations sociales
2.2 L’image de la santé mentale dans la population générale
Page 7 sur 69
connaissance socialement élaborée et partagée »4, se situant « au carrefour entre
l’individu et la collectivité ». Ainsi, pour connaitre l’avis de toute une population sur ce
sujet, il faut étudier l’avis des membres constituant ladite collectivité. Les auteurs de
l’article mettent en avant « la crainte » et « des oppositions au retour dans la
communauté de ceux qui avaient été rejetés au loin ».
2.2.1 Une crainte de la psychiatrie ?
D’après le dictionnaire, la crainte est « un sentiment de peur, d’inquiétude »5,
faisant référence à mes situations vécues en stage, fondées sur les représentations
sociales de la folie. L’opposition au retour dans la société pourrait être apparentée à une
sorte de discrimination, une « stigmatisation du malade mental » par la communauté.
Ainsi, en reprenant l’article6, ce qui est mis en avant est la crainte de ce que les
pathologies représentent : le moteur de la discrimination.
Le même article explique que « l’ensemble des manières de parler de la
psychiatrie est négative […] Elles ont un point commun : l’image de la psychiatrie, de
la pathologie psychiatrique, les malades mentaux » 7
. Cet extrait renvoie encore une fois
aux représentations sociales de la folie, des pathologies psychiatriques. A ce stade de ce
travail de réflexion, il serait intéressant de mesurer l’opinion publique sur le sujet de la
folie. Quelles sont les représentations sociales de la folie ? Diverses enquêtes ont été
réalisées au sein de la population générale pour étudier l’impact social de la « folie ».
J’ai choisi entre autre une enquête réalisée par des étudiants infirmiers de l’IFSI de
Nanterre8, caractérisée de « choc de la réalité ».
2.2.2 Une représentation négative de la santé mentale ?
Sans se concentrer sur les réponses apportées au cours de l’enquête, ce sont les
différentes réactions de la population interrogée qui sont intéressantes à étudier. Les
réactions observées ont été semblables pour une majorité de personnes : « Mais je ne
4 « Les représentations sociales du « fou », du « malade mental » et du « dépressif » - L’information
psychiatrique vol. 79 n°10 – Décembre 2003 5 Dictionnaire Larousse
6 « Les représentations sociales du « fou », du « malade mental » et du « dépressif » - L’information
psychiatrique vol. 79 n°10 – Décembre 2003 7 « Les représentations sociales du « fou », du « malade mental » et du « dépressif » - L’information
psychiatrique vol. 79 n°10 – Décembre 2003 8 Soins Psychiatrie n°252 septembre/octobre 2007 p43
Page 8 sur 69
suis pas folle ! Pourquoi ce questionnaire ? Quel intérêt ? ». Ainsi, les personnes
interrogées ont semblé concernées par le renvoi à l’image de leur propre santé mentale.
Quand les étudiants de Nanterre ont demandé ce qu’était un fou, sa définition dans la
population générale est quelqu’un qui « fait n’importe quoi » et « tient des propos
incohérents »9. Souhaitant avoir un avis plus approfondi sur la question, j’ai décidé de
réaliser, dans le cadre de ce travail, une pré-enquête10
auprès de la population générale,
traitant du thème de la folie.
2.2.3 Pré-enquête auprès de la population générale
J’ai décidé d’étudier plus précisément les représentations sociales de la folie
grâce à des entretiens semi-directifs, au sein de la population générale.
2.2.3.1 L’outil utilisé et la population interrogée
J’ai élaboré un canevas d’entretien11
pour mesurer l’impact de l’image de la
folie au sein de la société. Ainsi, j’ai pu interroger 22 personnes de mon entourage sur
leurs propres représentations de la folie.
2.2.3.2 La difficulté principale rencontrée
Ayant interrogé mon entourage très rapidement, ma méthodologie n’était pas
organisée. En effet, je n’ai pas enregistré les entretiens, mais j’ai relevé les termes qui
émergeaient des différentes discussions sur une feuille.
2.2.3.3 Analyse des entretiens au sein de la population
générale
A la question « Qu’est-ce que la folie ? », les termes revenant le plus souvent
sont « hôpital psychiatrique », « fou », « dangereux », « tueur », « psychopathe »,
« paranoïaque » et « Schizophrène ». Le terme « Alzheimer » est apparu, mais je me
permets de le soustraire aux réponses apportées puisque le contexte du questionnement
9 Soins Psychiatrie n°252 septembre/octobre 2007
10 Voir Annexe 1
11 Voir Annexe 1
Page 9 sur 69
était propice à cette réponse12
. J’ai retrouvé les notions de danger dans la plupart des
entretiens menés.
Débordant sur la seconde question, j’ai demandé aux personnes interrogées si
elles connaissaient des pathologies psychiatriques. Les troubles énumérés ont été, de
façon générale, la « schizophrénie » et la maladie « d’Alzheimer » chez 20 personnes.
Plus rarement, les termes de « violeur » et « pédophiles » sont apparus au nombre de 3
fois.
La troisième question a laissé paraître que le journal télévisé était le média de
choix, car probablement plus accessible aux heures de « grande écoute ». Le seul fait
énuméré est « le schizophrène qui a tué les deux infirmières », en référence au drame de
Pau, survenu en 2004 dans plus de deux tiers des entretiens. L’explication, par des mots
simples, de cette pathologie, a été réduit à « un dédoublement de la personnalité » par la
majorité des personnes interrogées, ce qui rend le malade « dangereux » pour 17 des
personnes interrogées.
La quatrième question traitant de l’entourage des personnes interrogées s’est
conclue, d’une façon encore très générale, sur l’absence de personnes psychotiques dans
leur cercle d’amis. Une personne a affirmé « qu’il n’y a pas de fous à l’extérieur […] Ils
sont enfermés […] »
La dernière question traitant des émotions ressenties vis-à-vis des personnes
atteintes de troubles psychotiques (réduits aux troubles schizophréniques) sont la peur,
bien que pour une personne, il n’y a pas de dangers car « ils sont enfermés ».
Ce qui ressort de cette analyse sont les notions de « dangerosité » qu’inspirent
les fous, réduits à une seule et même pathologie, la schizophrénie avec une définition
erronée, d’apparence communément admise par la majorité du groupe : « le
dédoublement de personnalité », relatif aux articles étudiés précédemment sur les
représentations. La pathologie énumérée fait par ailleurs référence à nouveau à une
violence extrême, très probablement à cause de la sur-médiatisation du drame de Pau.
12
Les personnes interrogées ont regardé un travail réalisé pour l’institut sur la maladie d’Alzheimer :
http://www.dailymotion.com/video/xl1xc4_le-monde-de-gisele_lifestyle
Page 10 sur 69
Defromont et Roelandt se sont appuyés sur un texte13
de Hayward et Bright,
montrant que les malades mentaux sont « dangereux, imprévisibles » et qu’il est
« difficile de parler avec eux, eux seuls sont responsables, ils pourraient s’en sortir par
eux-mêmes, ils répondent peu aux traitements. »14
. En comparant ces citations à
l’entretien mené auprès de la population générale, on retrouve, encore une fois, ces
notions.
Pourquoi de telles représentations ? Quel est le moteur de ces représentations
négatives du malade mental ? La suite de l’article précédemment cité est évocatrice et
donne quelques indications quant à la façon dont sont véhiculées les idées reçues.
2.2.4 « Le moteur de la vision péjorative »
Certains se sont intéressés à l’un des véhicules présumés de ces représentations
des malades mentaux : les médias. Day15
, dans les journaux canadiens,
Dudley16
, dans des fictions australiennes, et Wilson étudient la vision
télévisuelle des malades mentaux. Ils notent tous les trois les visions péjoratives
des représentations. […]Chaque maladie a une image. Pourtant, en psychiatrie,
il existe un vide de représentations pour penser la psychiatrie.17
De par l’influence des Etats-Unis depuis la Guerre Froide, le 7e art
transatlantique s’est vu « envahir » les salles obscures européennes. Des films comme
Gothika18
, traitant plus particulièrement de la schizophrénie, ont représenté la personne
malade avec un dédoublement de la personnalité, et laissant paraître une dangerosité
extrême, ce qui n’a fait qu’alimenter les idées préconçues concernant ce type de
pathologie psychiatrique, recoupant avec cette vision négative de la psychiatrie. Par
ailleurs, lors des entretiens, le drame de Pau en 2004 est apparu comme un fait ayant
marqué les esprits. Le poids des médias, et leur influence au sein de la société n’ont
cessé de prendre de l’ampleur. La supra-médiatisation de cette affaire, de par
13
Hayward P. Bright JA. Stigma and mental illness : a review and critique. J Mental Health 1997 ; 6 : 345
- 354 14
« Les représentations sociales du « fou », du « malade mental » et du « depressif » - L’information
psychiatrique vol. 79 n°10 – Décembre 2003 page 87 15
DAY DM, Page S. Portrayal of mental illness in Canadian newspapers. Can J Psychiatry 1986 ; 9 : 731-
813 16
DUDLEY M Images of psychiatry in recent Australian and New Zeland fictions. Aust NZ J Psychiatry
1994 ; 28 : 574-590 17
L’information psychiatrique VOL 79, N°10 – Décembre 2003 p88 18
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=50709.html
Page 11 sur 69
l’assassinat de deux infirmières dans un service de psychiatrie a provoqué une véritable
« psychose sociale ».
L’article « De l’effet médiatique au fait politique : la santé mentale en
question » analyse les retentissements de cette affaire sur la société. « On ne parle plus
de danger mais de dangerosité, […] on n’emploie plus les termes fou ou malade mental
mais schizophrène » 19
. Ainsi, il survient une généralisation, une stigmatisation de la
maladie mentale sous une seule et même étiquette, la schizophrénie. De plus, les auteurs
mettent l’accent sur « la tendance des médias à traiter l’information liée à la
psychiatrie majoritairement sous l’angle du fait divers, voire du sensationnel », ce qui
renforce la peur dans les représentations sociales, qui sont « un savoir social
dynamique, culturellement et historiquement ancré, mobilisé dans et par l’interaction
quotidienne avec les autres ». Ces citations montrent l’importance des représentations
sociales, qui se révèlent modulables et influençables de par le contexte social dans
lequel se trouve la population, ce qui a forcé le gouvernement de l’époque à réagir
puisque « cet évènement tragique et sa médiatisation ont interpellé les pouvoirs publics,
qui, à peine 3 mois après les faits, a présenté son « Plan Psychiatrie et Santé mentale
2005-2008 »20
. Le ministre de la santé de l’époque, Philippe Douste-Blazy, a établi ce
plan de restructuration des établissements psychiatriques en France21
en axant les
priorités sur l’enveloppe budgétaire, les moyens humains et le « développement des
alternatives à l’hospitalisation ».
La conclusion de cet article porte une attention toute particulière sur l’histoire de
la psychiatrie de par la citation de Jean-Louis Senon : « Pas question d’un retour en
arrière sécuritaire »22
. Les auteurs ayant publié l’article expliquent dans cette même
conclusion qu’ « il y a là un domaine où il faut intervenir avec compétence et
véhémence » : les pouvoirs publics doivent donc, selon ces références, continuer sur la
même ligne directrice, sans réitérer de possibles erreurs passées, c'est-à-dire ne pas axer
19
Kalampalikis, Daumerie, Jodelet, « De l’effet médiatique au fait politique : la santé mentale en
question » L’information psychiatrique 2007 Volume 83 p 839 - 843 20
Kalampalikis, Daumerie, Jodelet « De l’effet médiatique au fait politique : la santé mentale en
question » L’information psychiatrique 2007 Volume 83 p 839 – 843 page 840 21
http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/plan_2005-2008.pdf 22
Jean-Louis Senon, spécialiste en psychiatrie médico-légale - Kalampalikis, Daumerie, Jodelet « De
l’effet médiatique au fait politique : la santé mentale en question » L’information psychiatrique 2007
Volume 83 p 839 - 843
Page 12 sur 69
sur l’aspect sécuritaire, mais social. En associant ces extraits à la définition des
représentations du même article cité auparavant : « un savoir social dynamique,
culturellement et historiquement ancré, mobilisé dans et par l’interaction quotidienne
avec les autres » montre que les représentations de la folie sont liées directement à
l’histoire de la psychiatrie à travers les âges. En quoi l’histoire a influencé d’une
quelconque façon les représentations ?
Ce thème a été abordé par Brigitte Tison dans l’article « Les représentations de
la folie à travers les âges en Occident », en citant les travaux de Willem Doise, qui
redéfinit les représentations sociales « comme des principes générateurs de prises de
position liées à des insertions spécifiques dans l’ensemble des rapports sociaux » 23
:
les insertions spécifiques étant celles de la folie.
Au Moyen-âge, « la lèpre fait peur et les lépreux sont exclus de la vie de la
cité ». Ainsi, de par leur pathologie, les malades sont stigmatisés, et envoyés dans des
léproseries. La maladie disparait, « mais les valeurs et images qui leurs sont attachées
survivent, et ce sont les malades mentaux qui, après le début du Moyen Âge, reprennent
leurs rôles et leurs statuts. Ils errent souvent d’une ville à l’autre car ils sont
chassés. », alors qu’auparavant, «le fou était considéré comme un personnage sacré
parce que possédé ». A la disparition de « l’objet discriminant », c'est-à-dire la lèpre, la
société a donc jeté son dévolu sur la création d’un nouvel objet discriminant, échappant
aux normes sociales préétablies de l’époque : la folie et le fou en général, qu’il est
nécessaire « d’enfermer pour pouvoir le contrôler ». Tout comme la lèpre, la notion
d’isolement par la stigmatisation du fou fait son apparition, et voit l’émergence des
termes de « furieux » et « fureur » pour les définir.
La création d’asile, à la fin du XVIIIe siècle, voit l’apparition de « Gardiens des
fous »24
, l’ancêtre du personnel psychiatrique qu’il est nécessaire de « rémunérer pour
vivre avec les fous, pendant que les médecins essayent de les guérir » et « n’est presque
pas différente des gardiens de prison » bien que la distinction soit marquée du fait qu’ils
23
Brigitte Tison, Soins Psychiatrie n°229 – novembre/décembre 2003 p16 24
http://www.infirmiers.com/votre-carriere/votre-carriere/historique-de-la-profession-des-infirmiers-en-
psychiatrie.html
2.3 L’histoire de la psychiatrie
Page 13 sur 69
étaient « embauchés parmi les anciens malades d’asile » ne sachant ni lire, ni écrire, et
possédant « un rôle d’exécution, de soumission et d’obéissance aux médecins ». Ainsi,
ce qu’il ressort de ces citations est une image du gardien n’ayant pas la possibilité de
penser, moteur du « gardiennage », du surveillant, dans l’ombre du corps médical. Ces
personnes ayant le rôle de gardiens sont décrites dans le même texte comme devant être
« sages, vigilantes, douces, fermes et capables de contenir les furieux » renvoyant à la
notion d’enfermement, d’isolement du reste de la société qui continuera à s’enraciner de
par les asiles qui « accueillent le fou dans ses murs »25
, s’apparentant à la « déchéance
sociale ». Cette situation perdurera jusqu’à la fin du XXe siècle, où avec la disparition
des asiles, les secteurs fermés de psychiatrie additionnés de « l’indifférence et le
mutisme de tous26
enferment le fou dans le visage restreint d’une liberté vide » encore
au jour d’aujourd’hui dans notre société, en concluant que ces représentations sont
« une réplique des anciennes qui ont jalonné les siècles passés ». Liliane Daligand27
, au
cours de son intervention à l’université de Reims le 20 mai 2011, part du même constat
de cette évolution de la psychiatrie au travers des âges et va plus loin en énonçant que
c’est « le monde psychiatrique qui souffre des représentations ». Soignants, soignés,
infrastructure psychiatrique : toutes ces entités sont donc la cible de la stigmatisation, de
par le contexte historique énoncé précédemment, qui touche l’intégralité de la société.
Cette dernière comporte une multitude d’individus de professions différentes,
comprenant, par la même occasion, les professionnels de santé.
Remémorez-vous les situations de départ : les soignants de Médecine et de
Chirurgie berçaient eux-mêmes dans les représentations de la société. En analysant
essentiellement la situation de chirurgie28
, il est intéressant de noter que l’objet moteur
de la stigmatisation était un médicament indiqué dans les troubles de la schizophrénie,
provoquant une certaine appréhension du probable comportement du patient, et
aboutissant à une séparation du somatique et du psyché puisque « moins elle le verra,
mieux elle se portera » et que les soins seront « vite fait bien fait ». D’une façon
générale, que pensent les professionnels de santé de la folie ?
25
Soins Psychiatrie n°229 novembre/décembre 2003 p18 26
« Tous » : la société 27
Professeur de médecine légale à l’université de Lyon-I ayant donné une conférence à l’université de
Reims. 28
Voir situation de stage n°2
Page 14 sur 69
Une enquête, parue dans le journal Nervure29
montre que le corps médical, à
65,9%, et le secteur paramédical exerçant en soins généraux à 58,5% est d’avis qu’il
existe « une dangerosité propre à la schizophrénie » vis-à-vis des patients atteints de
schizophrénie, et que cette maladie apparait comme « étrange, acquise, dangereuse ».
Les infirmiers et aides-soignants interrogés estiment, à 29,3%, « qu’il n’y a pas
particulièrement de risque de passage à l’acte ». En reprenant cette donnée, il est
possible de déceler que plus de 70% de ces mêmes professionnels estiment qu’il y a un
risque de dangerosité de la part du patient schizophrène. Il existe donc des convergences
entre les situations exposées au début de ce travail et les résultats de cette enquête, qui
conclut sur le fait que « Le patient schizophrène sera culturellement défini comme une
personne fondamentalement diminuée. Ces idées étant profondément ancrées dans
notre histoire, l’image de la schizophrénie restera très négative […] reste l’objet de
nombreuses idées reçues. »30
. L’imprégnation des représentations sociales chez les
soignants existe donc réellement, influencée en autre par cette histoire encore présente
de nos jours, au même titre que la population générale. Souhaitant affirmer ou infirmer
ces résultats, j’ai donc décidé de réaliser des entretiens pré-exploratoires, pour connaître
l’avis de professionnels de santé sur le sujet.
2.5.1 L’outil utilisé
J’ai élaboré, conformément à la méthodologie exigée, un canevas d’entretien31
afin de mener une enquête auprès de professionnels de santé pour valider ou infirmer
l’hypothèse que les représentations sociales au sein de la population générale sont
identiques, ou du moins, se recoupent avec celles des professionnels de santé de soins
généraux.
29
« Représentation sociales des troubles schizophréniques chez les soignants » D. Leguay, B. Lièvre, F.
Lamotte : Nervure, N°1 TOME XIX Février 2006 p10 30
Idem n°29 31
Voir annexe n°2
2.4 Folie et professionnels de santé
2.5 La démarche et la méthodologie des entretiens pré-
exploratoires
Page 15 sur 69
Le canevas d’entretien exploratoire est composé de 5 questions, ayant pour but
d’évaluer l’image des représentations de professionnels de soins généraux sur la folie.
2.5.2 Le choix des structures et de la population interrogée
Puisque mes recherches m’ont amené à analyser l’enquête du journal
Nervure32
, j’ai souhaité mener des entretiens auprès de plusieurs professionnels
travaillant en service de soins généraux, pour ainsi confronter leur propre représentation
de la folie à ce que j’ai pu lire dans l’enquête précédemment citée.
Après avoir obtenu l’accord de la directrice des soins, j’ai pu m’entretenir
rapidement avec deux soignants que je connaissais :
Une infirmière exerçant en service de médecine dans l’établissement
hospitalier H1
Un infirmier exerçant en service de Chirurgie dans l’établissement
hospitalier H1
2.5.3 Les difficultés et limites rencontrées
Ayant réalisé ce canevas d’entretien que tardivement, je n’ai pu réaliser que
deux entretiens sur les trois que je m’étais préalablement fixés.
La plus grosse difficulté rencontrée a été le manque de temps des
professionnels ainsi que le mien, puisque j’ai réalisé mes entretiens durant un stage, qui
se trouvait à environ 70 kilomètres de l’établissement hospitalier H1.
Après avoir retranscrit les propos des deux soignants, j’ai analysé les réponses
recueillies.
A la question n°1 traitant de la folie, les soignants l’ont décrite comme
« perdre la rationalité des choses »33
, la personne « n’étant plus elle-même », et
présentant un « comportement anormal ». Elle est désignée comme folle pour les deux
32
« Représentation sociales des troubles schizophréniques chez les soignants » D. Leguay, B. Lièvre, F.
Lamotte : Nervure, N°1 TOME XIX Février 2006 p10 33
Entretien Exploratoire n°1
2.6 Analyse des entretiens exploratoires
Page 16 sur 69
professionnels, « s’énervant plus facilement » et sont « un peu bizarre », n’étant « pas
ouverts aux autres » et s’exprimant par de l’agressivité et de la violence. Le second
professionnel a décrit la folie par la paranoïa. Lors de ces entretiens, une phrase a retenu
toute mon attention dans la description de la folie : « Tous les fous sont plus ou moins
schizophrènes. »34
. En recoupant cet extrait avec l’enquête parue dans Nervure, il
apparait clairement que les représentations sociales jouent un rôle primordial dans les
représentations des soignants, et sont intimement liées, toujours entrelacées des termes
évoquant la violence, l’agressivité.
La question n°2 traitant des pathologies psychiatriques ont fait émerger la
schizophrénie à deux reprises, la dépression, l’anorexie, la mélancolie, la boulimie et la
« pathologie psychotique ». Or, la psychose est un regroupement de plusieurs
pathologies, ce qui m’a fait penser que le soignant ignore ce que regroupe ce terme. De
plus, la phrase prononcée par le second professionnel : « Il y a certainement plus de
schizophrènes dans les rues que ce que l’on croit » est révélatrice dans le sens où le
patient psychotique, et plus généralement la personne « qualifiée de folle », est
assimilée à un patient schizophrène. Dans un second temps, cette analyse peut sembler
interprétative, dans le sens où il n’est pas inexact de reconsidérer la société comme
cherchant à se débarrasser de ses fous, mais offrant aux personnes atteintes d’affections
psychiatriques de bénéficier de soins en secteur extra-hospitalier.
Les cours dispensés pendant leurs années de formation ont été, avec la
télévision, les informations télévisées, les émissions de santé, cités comme source
d’information pour les deux professionnels interrogés. Comme énoncé précédemment,
les médias, la télévision, et d’autres systèmes influencent les représentations sociales.
Ainsi, il n’est pas étonnant d’observer l’émergence de ce type de réponses pour des
professionnels n’étant pas spécialisés dans le secteur psychiatrique, et donc emprunt à
être influencés par l’opinion de la population générale sur ce sujet.
Les deux professionnels ont déjà pris en charge un patient « fou » dans leur
service. Les émotions ressenties vis-à-vis de ce type de patient sont « la méfiance »
suite à l’agression verbale d’une des collègues de l’infirmière avec qui j’ai réalisé
l’entretien n°1. Quand j’ai posé cette question à l’infirmier de l’entretien n°2, il m’a
34
Entretien Exploratoire n°1
Page 17 sur 69
répondu qu’il avait déjà pris plusieurs patients schizophrènes en charge, et qu’il fallait
« faire attention à ne pas les vexer ». Ainsi, il subsiste une véritable peur autour du
patient fou.
La stigmatisation du patient « fou » est donc bien présente sur le terrain. Que
dit la loi sur ce point ?
La stigmatisation, étant assimilée à de la discrimination est punie par le code
pénal. Sa définition est régie par l’article 225-1 du code pénal35
: « Constitue une
discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison […] de
leur état de santé, de leur handicap […] ». Les dispositions prévues à l’entorse du
premier article sont régies par l’article 225-2 du code pénal36
, en stipulant que « La
discrimination définie à l'article 225-1, […], est punie de trois ans d'emprisonnement et
de 45 000 Euros d'amende lorsqu'elle consiste […] A refuser la fourniture d'un bien ou
d'un service »
De nombreux articles mettent en garde les professionnels de santé vis-à-vis de
la discrimination au sein de leur profession par rapport aux soins prodigués. L’article R.
4312-25 du code de la santé publique explique que « l'infirmier ou l'infirmière doit
dispenser ses soins à toute personne avec la même conscience quels que soient les
sentiments qu'il peut éprouver à son égard et quels que soient l'origine de cette
personne […] sa maladie ou son handicap »37
.
Ainsi, l’article R.4311-238
du code de la santé publique explique qu’importe les
soins infirmiers réalisés, les professionnels doivent « protéger, maintenir, restaurer et
promouvoir la santé physique et mentale des personnes » et permettre aux patients, leur
35
http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006417828 36
http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=37A50E100DF32F4A698BB884836F8
ADC.tpdjo09v_3?cidTexte=LEGITEXT000006070719&idArticle=LEGIARTI000006417833&dateTexte
=20111212&categorieLien=cid#LEGIARTI000006417833
37
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000421679&categorieLien=id 38
http://www.infirmiers.com/profession-infirmiere/legislation/decret-nd-2004-802-du-29-juillet-2004-
relatif-aux-parties-iv-et-v-annexe.html
2.7 Cadre réglementaire
Page 18 sur 69
«insertion ou leur réinsertion dans leur cadre de vie familial ou social ». Plus
précisément, l’article R.4311-5 du code de la santé publique39
met tout particulièrement
l’accent sur « l’écoute de la personne », «l’aide et le soutien psychologique » ainsi que
« l’observation et la surveillance des troubles du comportement ».
Il apparait clairement, à la vue des situations de stage décrites précédemment
qu’il apparait difficile de protéger et restaurer la santé mentale des patients en les
« isolant », non pas par un refus de prise en charge globale, mais d’une possible
incompréhension de la situation liée à des facteurs spécifiques. Par extension, j’ai
observé ce comportement de la part de professionnels de santé principalement dans les
services de soins généraux (médecine, chirurgie, …) et non pas dans les institutions
psychiatriques. Par conséquent, la spécificité d’un secteur d’exercice implique la
spécialisation directe ou indirecte du professionnel de santé exerçant dans un service de
soins généraux.
Tous les articles et ouvrages se recoupent autour des représentations sociales,
l’image sociétale de la folie. La pathologie de la schizophrénie, de par sa sur-
médiatisation et son association directe à la folie, en est sa principale réduction. Les
différentes enquêtes ont montré que la schizophrénie était la « pathologie de référence »
pour représenter, « au mieux », la folie, au détriment des autres pathologies, faisant
partie intégrante des psychoses. A première vue, il est possible de constater qu’un
étiquetage des patients psychotiques, servant de raccourci pour certains professionnels
de santé, renvoie vers la schizophrénie. En reprenant les situations d’appel, la
problématique s’oriente donc autour de la prise en charge de ces patients.
De ces différents recoupements se détache une problématique : En quoi la
représentation sociale de la schizophrénie influence la prise en charge des patients
étiquetés « psy » dans un service de soins généraux ?
39
Article R4311-5 relatif au rôle propre de la profession infirmière ;
http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072665&idArticle=LE
GIARTI000006913892&dateTexte=&categorieLien=cid
2.8 Du recoupement des différents termes à la problématique
Page 19 sur 69
3 CADRE CONCEPTUEL
De nombreux articles mettent en avant les interrelations entre la folie et la
schizophrénie, basées sur les représentations sociales. Qu’en est-il ? Quelle en est sa
véritable définition ? Avant de répondre à ces questions, il est important de redéfinir le
terme de psychoses.
D’après l’encyclopédie Larousse, la psychose est définie comme un « Trouble
mental caractérisé par une désorganisation de la personnalité, la perte du sens du réel
et la transformation en délire de l'expérience vécue. » 40
. Cette notion couvre différentes
pathologies (Bouffée délirante aigüe, troubles bipolaires, schizophrénie, etc.) ; c’est
cette dernière qui est la plus intéressante à étudier, puisqu’en mettant en corrélation les
différentes recherches, la schizophrénie est considérée comme le point central des
maladies mentales pour bon nombre de professionnels de soins généraux. Qu’elle est
donc sa définition, ses étiologies ?
3.2.1 La définition de la schizophrénie
La définition de la schizophrénie, d’après le site infirmiers.com, est une
« psychose grave survenant chez l'adulte jeune, habituellement chronique, cliniquement
caractérisée par des signes de dissociation mentale, de discordance affective et
d'activité délirante incohérente, entraînant généralement une rupture de contact avec le
monde extérieur et parfois un repli autistique. »41
Le concept de schizophrénie est né des travaux d’Eugen Bleuler, psychiatre
Suisse. Ce terme provient de l’étymologie « schizo : diviser » et « phrénie : pensée »
pour exprimer la perte de cohésion psychique du sujet. En recoupant ce concept avec les
travaux de Freud, Bleuer a identifié plusieurs groupes dans la pathologie42
. Aujourd’hui,
il reste de ces travaux, par recoupage, différents types :
40
http://www.larousse.fr/encyclopedie/medical/psychose/15628 41
http://www.infirmiers.com/etudiants-en-ifsi/cours/cours-psychiatrie-la-schizophrenie.html 42
http://www.universalis.fr/encyclopedie/schizophrenie/
3.1 Les psychoses
3.2 Qu’est-ce que la schizophrénie ?
Page 20 sur 69
La forme hébéphrénique43
caractérisée par une perturbation des
émotions.
La forme catatonique44
caractérisée par une immobilité du sujet, qui
peut l’amener à mourir de faim ou de soif sans intervention extérieure.
La forme paranoïde45
caractérisée par des hallucinations de tout type
(visuelles, olfactives, auditives, …).
La forme simple 46
réunit les précédentes formes.
Ces différents types sont classifiés par le DSM-IV47
et le CIM-10. D’après les
cours dispensés à l’institut de formation en Soins Infirmiers48
, la maladie se caractérise
par :
Une impénétrabilité, c'est-à-dire un hermétisme. Il est impossible de
donner un sens rationnel aux propos tenus par la personne schizophrène.
Une ambivalence, se caractérisant par des états contradictoires dans le
comportement (dualité amour/haine, désir/crainte pour un même objet ou une
même personne).
Une bizarrerie, c'est-à-dire un comportement étrange émanant de la
personne schizophrène, dicté par une irrationalité de la pensée et du
comportement.
Un détachement social, la personne se referme sur elle-même, menant à
ce qui serait possible de qualifier de « repli autistique ».
D’après la Haute Autorité de Santé49
, la prévalence dans la population est
d’environ 1 personne malade pour 100 habitants, ce qui est relativement élevé, et peut
expliquer, en partie, l’association du terme folie à la pathologie schizophrénique. Quels
peuvent être les causes de survenue de la maladie ?
43
Cours de M Allaert, cadre formateur de l’institut de formation en soins infirmiers de Châlons-en-
Champagne 44
http://www.bibliotheques-psy.com/spip.php?article1416 45
Voir note 43 46
Idem note 43 47
Le DSM-V verra l’abolition de certaines de ces formes à sa publication au décours de l’année 2013. 48
Idem note 43 49
http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/guide_ald23_schizophr_juin_07.pdf page 4
Page 21 sur 69
3.2.2 Etiologies de la schizophrénie
Il existe plusieurs pistes quant aux causes de la schizophrénie, mais à l’heure
actuelle, aucune théorie n’est préférée à une autre. Entre autre, les facteurs énumérés
sont :
Génétiques50
: « les enquêtes épidémiologiques qui montrent que,
lorsqu'un vrai jumeau est atteint, son frère a plus de 50 % de risques de l'être à son
tour, le risque étant bien plus faible pour les autres frères ou sœurs. » montre que
l’influence du brassage génétique n’est pas à négliger.
Biologiques51
: l’imagerie par résonance magnétique a montré une
perturbation du développement cérébral chez le sujet malade. La consommation de
psychotropes52
est aussi une probable cause de déclenchement de la maladie, comme le
montre certaines études.
Psychologiques : le domaine psychanalytique met en avant que la
schizophrénie est « un trouble de l'intégration de l'esprit dans les limites du corps. »
expliquant que le rôle de la mère est importante car c'est elle qui fait découvrir, durant le
stade du miroir, à l’enfant, la limite corporelle entre elle et lui.
Sociaux : Le Dr Thomas Szasz est parti du principe que la société
était à la genèse de la schizophrénie, en stipulant que « toute société, pour assurer sa
survie, a besoin de se fabriquer ses boucs émissaires. Le Moyen Âge avait ses sorcières
et ses hérétiques, nous avons nos malades mentaux... »53
. Par analogie, cette citation
renvoie aux notions de stigmatisation, de représentation sociale. De tout temps, les
hommes ont toujours eu besoin de désigner des boucs émissaires, responsables des
maux de la société : les barbares durant l’apogée de l’empire Romain, les sorcières
durant le moyen-âge, les juifs, tziganes et homosexuels durant l’émergence du nazisme
en Europe.
Il n’y a donc pas une cause isolée, mais une multitude de facteurs pouvant
déclencher ou favoriser la survenue d’une schizophrénie. Un des axes supposés, c'est-à-
dire l’influence sociétale, de par les représentations propres à la société, revient, une
50
http://sante.lefigaro.fr/actualite/2009/07/02/9638-schizophrenie-piste-genetique 51
http://www.cmha.ca/bins/content_page.asp?cid=3-100&lang=2 52
http://www.e-sante.fr/cannabis-schizophrenie-lien-se-confirme/actualite/1387 53
http://www.infirmiers.com/etudiants-en-ifsi/cours/cours-psychiatrie-la-schizophrenie.html
Page 22 sur 69
fois de plus dans ce travail de recherche. Qu’est-ce qu’une représentation ? De quelle
façon influence-t-elle la société ?
Pour le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, la
représentation est définie au niveau étymologique comme « l’action de replacer devant
les yeux de quelqu’un » 54
. Le terme « social », faisant référence à la société, est, d’après
le dictionnaire Larousse, un « ensemble d’êtres humains vivant en groupe organisé » 55
.
Une autre définition m’a interpellé, sur le fait que la société pouvait être « un milieu
humain dans lequel quelqu’un vit, caractérisé par ses institutions, ses lois, ses règles ».
Ainsi, la représentation sociale est partagée collectivement entre les différents
membres du groupe constituant la société. Abric a donné sa propre définition du terme
en attribuant de fait que la représentation sociale est « le produit et le processus d’une
activité mentale par laquelle un individu ou un groupe reconstitue le réel auquel il est
confronté et lui attribue une signification spécifique. »56
Ainsi, cette reconstruction du
réel est issue non pas d’une personne, mais de l’ensemble du groupe. Comment
s’élabore cette reconstruction, partagée au niveau collectif ? Abric a construit sa
réflexion autour de la « théorie du noyau central ».
3.3.1 La théorie du noyau central
Cette théorie57
s’articule entre deux axes :
Le noyau central : ce sont les représentations du groupe, d’une façon
générale. On y retrouve la notion de « norme sociale »58
, définie comme « une règle de
conduite dans une société ou un groupe social », c'est-à-dire ce qu’un individu peut
faire ou pas au sein de la société. C’est ce qui va orienter la représentation sociale.
54
http://www.cnrtl.fr/definition/repr%C3%A9sentation 55
Dictionnaire Larousse 56
« Pratiques sociales et représentations » 57
http://www.psychologie-sociale.com/index.php?option=com_content&task=view&id=104&Itemid=28 58
http://dictionnaire.sensagent.com/norme+sociale/fr-fr/
3.3 Les représentations sociales
Page 23 sur 69
Les entités périphériques au noyau central : de par les histoires de vie de
chacun des protagonistes du groupe, vont moduler la représentation sociale pour en
permettre l’adaptation au sein de la collectivité, et ainsi valider ou infirmer l’idée, l’avis
gravitant autour de l’objet (ici, la représentation de la schizophrénie ; les rencontres
individuelles et les expériences de chacun des protagonistes du groupe vont faire
évoluer la représentation commune).
Les représentations sociales sont donc définies au niveau collectif sous la
notion de « norme », et orientées au niveau individuel, de par les expériences de chacun.
Quel est le mécanisme qui transforme les représentations sociales en savoir absolu ?
Plus concrètement, qu’est-ce que la norme sociale du noyau central ?
3.3.2 Des normes sociales à l’étiquetage
La norme sociale59
est donc l’idée communément admise par la société. Par
exemple, si elle détermine qu’un sujet schizophrène est obligatoirement dangereux,
cette image perdurera de génération en génération. Cette norme n’implique aucune
vérité concrète sur le sujet, émanant toujours de la société, créant une stigmatisation du
malade mental. Comme l’explique dans son article Marcelino Lopez, « Le diagnostic
lui-même […] les identifient et étiquettent comme différents » 60
. D’après le schéma de
la même page, la notion d’étiquetage, c'est-à-dire accoler une étiquette sur un patient
(un schizophrène ou une autre pathologie mentale) renvoie vers des attitudes de
discrimination « dans l’accès aux services et à la vie citoyenne ».
Les situations exposées peuvent donc être considérées comme de la
discrimination. La définition de la discrimination est le « fait de séparer et de traiter un
groupe différemment des autres, souvent de façon moins bonne »61
. L’infirmier ne doit
pas faire abstraction de ses affects, c’est à dire ses représentations, ses peurs
potentielles, mais au contraire s’appuyer sur le travail en réseau, en recherchant une
complémentarité avec divers protagonistes pouvant leur venir en aide. Si une personne
59
http://www.psychologie-sociale.com/index.php?option=com_content&task=view&id=43&Itemid=28
60
« Moyens de communication, stigmatisation et discrimination en santé mentale : éléments pour une
stratégie raisonnable » L’information psychiatrique VOL 83 n°10 décembre 2007 p795 61
http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/definition/discrimination/
Page 24 sur 69
ne respecte pas les normes de la société, il sera donc « étiqueté » suivant l’image qu’il
renvoie au groupe : c’est l’étiquetage.
La notion d’étiquetage est définie par Becker dans son livre nommé
« Outsiders ». Il y explique que « le déviant est celui auquel la collectivité attache cette
étiquette »62
. Le déviant est le transgresseur des normes sociales, c’est-à-dire le malade
mental. De par la spécificité de son comportement, il dévie des limites qui sont
imposées par la société. Si ces limites sont dépassées, il sera en quelque sorte exclu.
Cette attitude de rejet a été observée par le biais de la phase exploratoire de ce mémoire.
Si un individu est stigmatisé de par sa pathologie mentale, s’en suit donc une
discrimination directe ou indirecte. Dans les exemples de M. S et de M. P, la personne a
été désignée comme « folle » par l’infirmière, déclarant que « moins elle le verra,
mieux elle se portera » et que les soins seront « vite fait bien fait ».
Qu’est-ce que soigner ? Peut-on le faire vite et bien ? Ou, au contraire, cela
laisse-t-il dubitatif sur la qualité des soins prodigués par le soignant ? Comment offrir
au patient une prise en charge adaptée malgré de fausses représentations et un manque
de connaissances ?
3.4.1 Qu’est-ce que le soin ?
Faire quelque chose avec soin, d’après le dictionnaire, c’est une « Attention,
application que l'on met en faisant quelque chose »63
. Cette notion d’application
apparait dans la définition. Le sens n°2 du soin concerne plus précisément le milieu
médical en insistant sur le fait que le soin est le « devoir de veiller sur quelqu'un ou
quelque chose»64
.
Ainsi, pour soigner de façon optimale une personne hospitalisée, l’infirmier
doit promouvoir la santé du patient. Il est nécessaire de veiller sur ce dernier, en mettant
de l’application dans les soins prodigués. La personne malade a besoin de cette
62
Becker Howard, Outsiders : études de sociologie de la déviance page 33 63
http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/definition/soin/ 64
http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/definition/soin/
3.4 De la conception du soin au rôle de l’infirmier
Page 25 sur 69
attention apportée par l’équipe soignante pour se sentir soutenue, et l’aider à évoluer
dans le contexte de son hospitalisation pour y favoriser sa santé. Mais qu’est-ce que l’on
entend par santé ?
3.4.2 Qu’est-ce que la santé ?
Selon l’Organisation mondiale de la santé, la santé est définie comme « un état
de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une
absence de maladie ou d’infirmité »65
. Ainsi, pour l’Organisation Mondiale de la Santé,
les pathologies psychiatriques sont des éléments qui influencent la santé des individus,
et n’est donc pas à négliger par les équipes soignantes. Un problème subsiste à cette
notion : les situations ont montré que l’aspect psychologique de l’individu était mis de
côté lors de leur prise en charge.
3.4.3 Prise en charge et services de soins
3.4.3.1 Qu’est-ce qu’une prise en charge ?
Le nouveau décret infirmier de 2009 s’inscrit dans la continuité de l’ancien
référentiel concernant la prise en charge holistique, « l’ensemble des dispositions
relatives à l’exercice de la profession est regroupé dans un seul texte. On ne distingue
plus d’un côté l’aspect technique de la profession et de l’autre les devoirs envers le
patient. » 66
. La notion de prise en charge globale du patient y apparait en insistant sur le
fait que « la relation d’infirmier ne se limite pas à un geste technique ». Ainsi, la prise
en charge ne concerne pas seulement le somatique, mais aussi l’aspect psychologique,
d’où la notion de prise en charge globale. Les situations ont mis en exergue une
dichotomie dans la prise en charge des patients entre la pathologie somatique et
psychique. La dichotomie provient du grec « couper en deux parties égales »67
, c’est
donc une scission entre deux éléments : le somatique et la psyché.
Qu’est ce qui peut influencer cette scission entre le soma et la psyché ?
65
Préambule adopté par la Conférence internationale sur la Santé, New York, 19-22 juin 1946 66
http://www.infirmiers.com/profession-infirmiere/legislation/nouveau-decret-competence-de-la-
profession-dinfirmier.html 67
http://www.cnrtl.fr/etymologie/dichotomie
Page 26 sur 69
3.4.3.2 Les services de soins
La médecine occidentale, telle que nous la connaissons dans notre pays,
sectorise les services d’hospitalisation par spécialité. Ainsi, on retrouve les différents
services de Chirurgie (vasculaire, urologique, digestive, etc.), les services de médecine
(cardiologique, digestive, etc.), les services de psychiatrie, etc. La scission existe donc
déjà au niveau administratif. Bien que la législation demande à l’infirmier d’être
polyvalent dans son rôle de soignant, la réalité du terrain tel que le nombre de patients
dans un service, les difficultés financières68
qui diminuent considérablement le nombre
de soignants dans les unités de soins compliquent la prise en charge des patients.
Sans pour autant cautionner certains arguments irrecevables tels que « je suis la
seule infirmière, je ne peux pas me permettre de m’éterniser dans les chambres à parler
avec les patients »69
, bien loin de l’éthique infirmière qui valorise ce métier humain, la
réalisation du soin technique au sens large doit s’inscrire dans une dimension
relationnelle, valorisant le patient dans la dualité soignant/soigné, comme étant un être
capable de réflexion et de raison, y compris les malades mentaux. L’explication du soin
technique y est primordiale, et, en analysant plus profondément cette situation, détacher
l’attention du patient lors, par exemple, d’un soin douloureux, en utilisant la
communication verbale. En posant des questions au patient sur sa famille ou un tout
autre objet, sans être forcément intrusif dans sa vie sociale, il va se focaliser sur un
élément autre que le soin.
Les situations exposées au début de ce travail de fin d’études ont montré que
les services de soins généraux, autrement dit, les services de soins somatiques sont les
lieux « prédestinés » à ne soigner que le somatique, occultant en partie la dimension
relationnelle (et non pas le soin relationnel), pourtant si importante dans la prise en
charge d’un patient atteint d’une affection psychiatrique. Quelles peuvent en être les
causes ?
68
http://www.latribune.fr/actualites/economie/france/20111025trib000659205/les-hopitaux-francais-sont-
en-mauvaise-sante-financiere.html 69
Citation d’une infirmière au cours d’un stage de 3e année dans un service de soins généraux
Page 27 sur 69
Ce travail a permis de mettre en évidence plusieurs hypothèses de travail :
Les professionnels de santé en soins généraux amalgament patient
« psy » et schizophrène.
Le patient étiqueté « psy » fait peur aux professionnels de santé
travaillant dans les services de soins généraux.
Les professionnels de santé travaillant en service de soins généraux
sacrifient la dynamique psychologique du patient étiqueté « psy » à la sphère
somatique.
3.5 Hypothèses de travail
Page 28 sur 69
4 RECHERCHES SUR LE TERRAIN
4.1.1 L’outil utilisé
Pour obtenir des réponses aux hypothèses de travail formulées précédemment,
j’ai élaboré un questionnaire composé de 15 questions, répondant chacune à l’une des
trois hypothèses :
La question 1 permet de donner des indications sur la population
interrogée tels que le sexe, le référentiel d’étude et le service dans lequel travaille
l’infirmier. Ainsi, cette question, respectant l’anonymat des personnes, m’a servi de
point de comparaison pour analyser les questions suivantes.
Les questions 6, 7, 8, 9 et 14 permettent de répondre à la première
hypothèse de travail : Les professionnels de santé en soins généraux amalgament les
patients « psy » et les patients schizophrènes.
Les questions 3, 4, 5,8, 10, 12, 14 et 15 permettent de répondre à
la seconde hypothèse de travail : Le patient étiqueté psy fait peur aux professionnels
de santé travaillant dans les services de soins généraux.
Les questions 2, 11, 12, 13 et 15, quant à elles, ont pour objectif
de valider, ou non, la 3e hypothèse de travail : Les professionnels de santé travaillant
en service de soins généraux sacrifient la dynamique psychologique du patient
étiqueté « psy » à la sphère somatique.
L’ordre d’élaboration des questions n’est pas dû au hasard, permettant, de
façon graduelle, sans pour autant mettre le soignant devant ses difficultés potentielles,
d’obtenir des réponses au plus proche de la réalité du terrain. Ainsi, l’enquête débute, au
départ, sur la prise en charge des patients d’une façon générale, déterminant ensuite si
de la peur résultait de cette prise en charge et la survenue de certains affects, pour tendre
vers les patients psychotiques, en évaluant les connaissances et les difficultés
potentielles, et conclure plus expressément sur la schizophrénie.
4.1 La démarche et la méthodologie des questionnaires
Page 29 sur 69
4.1.2 Le choix des structures
J’ai souhaité, pour ce travail de fin d’études, déposer les questionnaires70
dans
des services de soins généraux pour répondre aux hypothèses. Il m’a semblé important
de confronter l’avis des professionnels de santé travaillant en service de soins généraux
et de psychiatrie. Ainsi, j’ai déposé :
15 questionnaires dans le service de médecine de l’hôpital H1. où j’ai
récupéré 7 enquêtes.
14 questionnaires dans le service de chirurgie de l’hôpital H2, où j’ai
récupéré 4 enquêtes.
15 questionnaires dans le service de médecine de l’Hôpital H3, où j’ai
récupéré 5 enquêtes.
Un nombre indéfini de questionnaires dans la Clinique Psychiatrique C1,
où j’ai récupéré 9 enquêtes.
20 questionnaires dans les services de psychiatrie de l’établissement A,
où j’ai récupéré 6 enquêtes
4.1.3 Les difficultés et limites rencontrées
Ce travail de recherche sur le terrain a fait émerger de nombreuses difficultés
auxquelles il a fallu pallier.
Tout d’abord, l’organisation des questions a été compliquée à mettre en place.
Pour garder l’authenticité des réponses apportées par ce questionnaire, il m’a été
nécessaire d’être prudent quant à la constitution de cet outil d’enquête. Une fois réalisé,
je me suis adressé aux directeurs des soins des différents établissements, mais leur
réponse ayant tardé à me parvenir, cela m’a fait perdre beaucoup de temps vis-à-vis de
l’analyse de ces questionnaires.
De plus, la façon dont j’ai imaginé l’analyse de ces questionnaires ne s’est pas
déroulée comme je l’espérais. Souhaitant étudier en parallèle l’opinion des
professionnels des services de soins généraux et de psychiatrie, j’ai tablé sur l’obtention
d’un nombre de 20 questionnaires dans les deux disciplines, qui aurait porté le nombre
70
Voir Annexe 3
Page 30 sur 69
de 40 résultats à traiter. Malheureusement, je n’ai pas obtenu le nombre escompté de
réponses. De plus, le questionnaire était plus adapté à un service de soins généraux qu’à
un service de psychiatrie, il m’a donc été difficile de comparer les deux types de
services, et j’ai dû ignorer l’analyse de certaines réponses de psychiatrie pour ne pas
être hors-sujet. Je n’ai gardé que les éléments pouvant être constructifs pour des
propositions d’actions réalisables.
Cette partie permet de faire émerger, de façon chronologique, l’avis des
différents professionnels de santé, au fur et à mesure des questions. Je détaillerai donc
les résultats globaux obtenus, puis par spécificité de service, pour chacune des
questions, dès que cela s’avèrera intéressant à analyser pour la suite de ce travail. La
population ciblée est désignée sous le terme de « professionnels de santé », constitué
seulement d’infirmiers et d’infirmières, exerçant en service de soins généraux et de
Psychiatrie.
4.2.1 Question n°1 : Pour mieux vous connaître…
4.2.1.1 Pourcentage des participants selon le sexe
Sur 31 personnes interrogées, 3 professionnels de santé sont des hommes
(10%) et 28 professionnels de santé sont des femmes (90 %).
Hommes 10%
Femmes 90%
4.2 Analyse quantitative des questionnaires
Page 31 sur 69
4.2.1.2 Référentiel d’étude
La grande majorité des professionnels ayant répondu à ce questionnaire ont
obtenu leur diplôme après 1992 (27 personnes, représentant 87%) contre 2 personnes,
qui, eux, l’ont obtenu avant 1992 (7 % des infirmières interrogées). Deux professionnels
de santé n’ont pas indiqué l’année d’obtention de leur diplôme.
4.2.1.3 Service d’exercice
Sur 31 personnes interrogées, 16 infirmières travaillent en service de soins
généraux, soit un peu plus de 5 professionnels sur 10 (52%), tandis que 15
professionnels de santé travaillent en psychiatrie (48%), soit un peu moins de la moitié.
Avant 1992
7%
Après 1992
87%
Sans réponses 6%
Service de soins
généraux 52%
Service de soins
psychiatriques 48%
Page 32 sur 69
4.2.2 Question n°2 : Pensez-vous prendre en charge, de façon
globale, tous les patients de votre service ?
A cette question, 26 professionnels ont répondu prendre en charge de façon
globale tous les patients de leur service (84%, soit un peu plus de 8 professionnels sur
10) tandis que 5 infirmières de service de soins généraux (16%, soit moins de deux
professionnels sur 10) ont répondu que leur prise en charge n’était pas globale.
Oui 84%
Non 16%
Oui 84%
Non - Manque de personnel
6%
Non - Manque de moyens
4% Non - Manque de temps
6%
Page 33 sur 69
Les causes avancées sont le manque de personnel dans le service (2 réponses,
soit 6%), le manque de données (1 seule réponse, soit 4%) ainsi que le manque de
personnel (2 réponses, soit 6%).
4.2.3 Question n°3 : Avez-vous déjà eu peur lors de la prise en
charge d’un patient lors de l’exercice de votre
profession ?
A cette question, qui aborde la peur lors de la prise en charge d’un patient, est
révélatrice. En effet, près de 7 professionnels sur 10, soit ¾ des professionnels
interrogés ont déclaré avoir déjà eu peur lors de la prise en charge d’un patient. 5
professionnels de santé ont déclaré ne jamais avoir eu peur lors de la prise en charge
d’un patient (16%) et 3 infirmières n’ont pas donné de réponses à cette question.
Oui 74%
Non 16%
Aucune réponse 10%
0
5
10
15
Service de soinsgénéraux
Service depsychiatrie
0%
20%
40%
60%
80%
100%
Service desoins généraux
Service depsychiatrie
Page 34 sur 69
Parmi les professionnels de santé ayant répondu oui, 13 personnes travaillent
en service de psychiatrie (81% des personnes de ce service), et 10 personnes travaillent
en service de soins généraux (63% des soignants des services de soins somatiques).
Pour donner des indices sur l’origine de la peur, les infirmier(e)s ayant répondu
par l’affirmative ont donné des indications quant aux pathologies des patients. Pour
garder l’authenticité des réponses, j’ai repris les termes exacts employés.
Comme il est possible de le constater, il existe de nombreuses disparités par
rapport aux réponses apportées suivant les services.
Les professionnels de santé ont désigné certains types de patients comme
genèse de leur peur :
Les infirmiers travaillant en psychiatrie ont noté pour 5 d’entre eux que
la cause était un patient psychotique en décompensation (33,3%) et 4
autres professionnels avaient eu peur au contact d’un patient violent ou
agressif.
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
Service de psychiatrie
Service de soinsgénéraux
Page 35 sur 69
Les infirmiers travaillant en service de soins généraux ont, quant à eux,
désigné pour 8 d’entre eux les patients schizophrènes (50%), les patients
dangereux (4 professionnels sur 16, soit 25%). Le terme de patient « très
malade », n’étant pas très explicite sur le plan professionnel n’est pas
exploitable.
4.2.4 Question n°4 : Si oui, qu’est-ce qui vous a fait peur ?
0,00%
10,00%
20,00%
30,00%
40,00%
50,00%
60,00%
Service de psychiatrie
Service de soins généraux
0
2
4
6
8
10
12
Psychiatrie
Soinsgénéraux
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Sur les 26 personnes ayant déclaré avoir déjà eu peur lors de la prise en charge
d’un patient, les résultats deviennent plus précis. En effet :
Les professionnels des services de soins généraux ont indiqué 10 fois que
la violence physique leur avait fait peur au cours de la prise en charge
d’un patient, soit la totalité des professionnels des services de psychiatrie
ayant répondu à la question, tandis que la violence verbale n’a été citée
que 4 fois (40%).
Les professionnels de santé des services de soins généraux ont indiqué 9
fois, soit 69% des infirmières ayant déclaré avoir eu peur lors d’une prise
en charge d’un patient schizophrène contre seulement 2 fois (15%) pour
les patients psychotiques. Les violences physiques et verbales ont été
indiquées comme générant de la peur à 4 (31%) et 3 reprises (23%). Le
manque de connaissances sur la pathologie a provoqué de la peur pour 3
professionnels, soit un peu plus de 2 infirmières sur 10 (23%). Enfin, un
professionnel a désigné la possibilité d’un échec thérapeutique, conjugué
au risque d’erreur de médicaments et de l’altération de l’état général du
patient comme source d’anxiété pour le soignant, soit 8% des
professionnels interrogés.
0
0,2
0,4
0,6
0,8
1
1,2
Psychiatrie
Soins généraux
Page 37 sur 69
4.2.5 Question n°5 : Avez-vous ressenti d’autres affects envers
ce patient ?
Ce 5e élément du questionnaire, directement lié à la question précédente, a été
compliqué à traiter, de par les termes divergents apparus.
D’après ce graphique :
Les professionnels de santé de soins généraux ont déclaré à 6 reprises
avoir une certaine appréhension ou une méfiance face à certains patients
pris en charge dans leurs services respectifs (46%), ont ressenti de la
colère ou de l’énervement conduisant à une certaine saturation dans
l’exercice de leur profession à 4 reprises (31%), une seule fois un
sentiment d’impuissance conduisant à passer le relais à un collègue (8%)
ainsi que de l’empathie à 2 reprises (15%).
En ce qui concerne les professionnels de santé exerçant en psychiatrie,
80% d’entre eux ayant ressenti une certaine impuissance face à la
situation, ce qui les a conduits à passer le relais à un collègue (8
professionnels). 2 professionnels ont ressenti une appréhension vis-à-vis
0123456789
Psychiatrie
Soins généraux
Page 38 sur 69
du patient pris en charge, soit 20% des professionnels ayant déclaré eu
peur (2 soignants), et 4 professionnels (40%) ont déclaré ressentir une
certaine empathie face à ces patients provoquant de la peur.
4.2.6 Question n°6 : Avez-vous déjà pris en charge, dans votre
service, un patient psychotique ?
Les 31 personnes ayant répondu à ce questionnaire ont déclaré avoir déjà pris
en charge un patient psychotique au sein de leur service. Il est donc inutile d’effectuer
une comparaison croisée entre les services de psychiatrie et de soins généraux.
4.2.7 Question n°7 : Avez-vous déjà eu des cours à l’institut de
formation en soins infirmiers ou lors de votre formation
continue, sur les patients psychotiques et leur prise en
charge ?
A cette question, 31 personnes, soit 100% des personnes interrogées, ont
répondu avoir bénéficié d’une formation initiale lors de leurs études. A contrario, les
résultats obtenus concernant la formation continue diverge selon les deux types de
services.
En effet, 12 professionnels travaillant en psychiatrie affirment avoir disposé
d’au moins une fois de la formation continue spécifique à la prise en charge de patients
Oui 100%
0
5
10
15
Psychiatrie Soins généraux
Page 39 sur 69
psychotiques (80% des soignants), alors qu’aucun des professionnels de soins généraux
interrogés n’en a bénéficié.
4.2.8 Question n°8 : Quels termes définissent, selon vous, au
mieux, un patient psychotique ?
A cette question, 2 professionnels de santé exerçant en psychiatrie n’ont pas
répondu : les pourcentages de cette catégorie seront calculés sur la base de 13
personnes, l’autre catégorie de service reste inchangée.
Parmi les infirmiers de psychiatrie, la totalité des professionnels estiment
que le patient psychotique est nourri d’hallucinations (100% soit 13
personnes) mais seulement 3 professionnels affirment que le patient
psychotique entend des voix (23%). 4 professionnels considèrent le
patient psychotique comme dangereux, « bizarre » et refermé sur lui-
même (31%). 7 infirmiers estiment que ces patients changent facilement
d’humeur (69%). Enfin, 2 soignants estiment que ces patients ont
plusieurs personnalités (15%).
Il est intéressant de noter une certaine disparité entre les résultats obtenus
précédemment et ceux relevés dans les services de soins généraux. Ainsi,
94% des professionnels mettent l’accent sur la « pluri-personnalité » et la
dangerosité des patients psychotiques (15 personnes). 12 infirmiers les
02468
10121416
Psychiatrie
Soins généraux
Page 40 sur 69
estiment « bizarres » (75%) et renfermés sur eux-mêmes, 13 personnes
énoncent que les patients psychotiques entendent des voix (81%), alors
que 11 soignants indiquent que ces mêmes patients sont nourris
d’hallucinations (moins de 7 personnes sur 10) et changent facilement
d’humeur. Enfin, un seul professionnel de santé estime que les patients
psychotiques consomment de la drogue, soit moins d’un soignant sur 10
(6%).
0%
20%
40%
60%
80%
100%
120%
Psychiatrie
Soins généraux
Page 41 sur 69
4.2.9 Question n°9 : Parmi ces pathologies, lesquelles
considérez-vous comme pathologies psychotiques ?
A la lecture des questionnaires, il apparait que la totalité des professionnels de
santé a répondu que la schizophrénie fait partie des psychoses. On peut noter cependant
quelques divergences selon les secteurs :
La population soignante des services de soins généraux interrogée classe
les troubles bipolaires et les troubles névrotiques dans le registre des
psychoses (3 professionnels, soit moins de 2 professionnels sur 10) et la
Bouffée délirante aigue pour 4 infirmières (plus de 2 professionnels sur
10).
Les professionnels du secteur psychiatrique estiment, en majorité, que les
troubles bipolaires font partie des psychoses (53%), tandis que
l’appartenance de la bouffée délirante aigue et de l’autisme ne
représentent respectivement que 47% et 27% (7 et 4 personnes)
0
2
4
6
8
10
12
14
16
18
Psychiatrie
Soins généraux
Page 42 sur 69
4.2.10 Question n°10 : Avez-vous déjà ressenti des affects, des
émotions particulières, au contact d’un patient
psychotique ? Si oui, lesquels ?
On observe un fort contraste entre les services de psychiatrie et de soins
généraux. En effet :
Les soignants des services de psychiatrie ont indiqué, pour 6 d’entre eux, que les
affects dépendaient des patients, et que « chaque situation, chaque patient est
unique ». 3 soignants ont indiqué qu’ils avaient de l’empathie pour les patients
0%
20%
40%
60%
80%
100%
120%
Psychiatrie
Soins généraux
0
2
4
6
8
10
12
Empathie Angoisse / Peur Variable selon lespatients
Psychiatrie
Soins généraux
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psychotiques, tandis que d’autres ressentent de l’angoisse. Un des soignants a
indiqué avoir de l’empathie et de l’angoisse envers ces patients.
Les infirmières de soins généraux ont indiqué, pour environ ¾ d’entre elles
(74%), que le patient psychotique générait de la peur ou de l’angoisse. Une
soignante a indiqué aussi ressentir de l’empathie.
4.2.11 Question n°11 : Pouvez-vous accorder autant de temps à
la prise en charge psychologique qu’à la prise en charge
somatique des patients psychotiques que vous recevez au
sein de votre service ?
14 professionnels de santé exerçant en psychiatrie, ainsi que la totalité des
professionnels de santé de soins généraux ont répondu à la question.
Un professionnel travaillant en psychiatrie a révélé que le questionnaire n’était
pas adapté à ce type de service. Entre autre, à cette question :
8 professionnels de santé de psychiatrie ont déclaré pouvoir accorder
autant de temps à la sphère psychologique qu’à la sphère somatique des
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
Empathie Angoisse/ Peur
Variableselon lespatients
Psychiatrie
Soins généraux
Oui 57%
Non 36%
Pas adapté
7%
Psychiatrie
Oui 19%
Non 81%
Soins généraux
Page 44 sur 69
patients psychotiques, soit un peu moins de 6 personnes sur 10, tandis
que 5 personnes ont répondu ne pas pouvoir accorder autant de temps.
(36%)
Dans les services de soins généraux, les résultats divergent dans le sens
où seulement 3 personnes ont répondu oui, à hauteur de quasiment 2
personnes sur 10 (19%), et plus de 8 soignants sur 10 (81%) ont déclaré
ne pas pouvoir s’occuper à la fois des soins techniques et des « soins
psychologiques »
Parmi les professionnels de santé ayant déclaré ne pas pouvoir accorder autant
de temps à la sphère psychologique du patient psychotique qu’à la prise en charge
somatique :
5 infirmiers et infirmières de psychiatrie, (soit 100% déclarant ne pas
pouvoir accorder autant de temps à la sphère psychologique que
somatique) ont déclaré manquer de temps, tandis que 3 professionnels,
soit 6 personnes sur 10, ont déclaré qu’il existait un manque de
personnel.
Tout comme le premier point de comparaison, les services de soins
généraux basent leurs pourcentages sur les personnes ayant déclaré
sacrifier la sphère psychologique à la sphère somatique. 92% des
professionnels ayant répondu « non » ont déclaré, comme causes,
manquer de temps, manquer de personnel à hauteur de 54% et de ne pas
être assez qualifiés pour plus d’un professionnel sur 2 (54%).
0
2
4
6
8
10
12
14
Manque detemps
manque depersonnel
Pas assezqualifié
Psychiatrie
Soins généraux
Page 45 sur 69
4.2.12 Question n°12 : Avez-vous déjà eu des difficultés pour
prendre en charge un patient psychotique au sein de
votre service ?
0%
20%
40%
60%
80%
100%
120%
Manque de temps manque depersonnel
Pas assez qualifié
Psychiatrie
Soins généraux
0123456789
Psychiatrie
Soins généraux
Page 46 sur 69
A cette question, beaucoup de réponses ont été formulées. Pour clarifier
l’analyse, différents termes ont été regroupés. Ainsi, les raisons des difficultés
rencontrées au cours des prises en charge de patients psychotiques sont :
L’agitation du patient, le manque de personnel, la difficulté pour
communiquer due à la langue (ainsi que sa culture) et le manque
d’adhésion aux soins pour 13% des professionnels de psychiatrie ainsi
qu’un « traitement peu adapté » pour une personne (7% des
professionnels interrogés de ce secteur)
La violence du patient pour la moitié des professionnels de soins
généraux, un manque de connaissances sur le sujet pour 7 d’entre eux,
soit 44%, un manque de temps (25%), un manque de personnel (19%)
ainsi qu’un manque d’informations sur la pathologie psychotique (2
soignants sur 16, soit 13% des professionnels des secteurs de soins
généraux). En associant le manque d’information et le manque de
connaissances, le résultat dépasse la barre des 50%.
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
Psychiatrie
Soins généraux
Page 47 sur 69
4.2.13 Question n°13 : Avez-vous été aidé par un tiers
extérieur lors de cette prise en charge ?
Cette question fait émerger une réflexion sur l’aide extérieure prodiguée aux
services. Ainsi :
67% des professionnels de santé travaillant en service de psychiatrie ont
indiqué avoir déjà été aidé lors de la prise en charge d’un patient
psychotique (10 professionnels sur 15), 3 personnes n’ont pas indiqué si
tel avait déjà été le cas, et 2 personnes ont affirmé ne pas s’être fait
assister par une tierce-personne. Les réponses apportées concernent
l’intervention du psychiatre, d’un collègue de leur unité, où l’intervention
de « l’équipe de renfort », s’inscrivant dans la notion du travail en
équipe, à 6 reprises (40%, soit 4 soignants sur 10)
69% des professionnels de santé de soins généraux ont indiqué qu’ils
n’avaient pas été aidés par un tiers extérieur lors de la prise en charge
d’un patient psychotique au sein de leur service (11 soignants, soit
environ 7 infirmiers et infirmières sur 10) tandis que 31% ont déclaré
avoir été aidés : 3 infirmières ont été aidées par un collègue de leur
service (19%), tandis que 1 professionnel a été assisté d’un psychologue
(6%).
Oui 67%
Non 13%
Aucune réponse
20%
Service de Psychiatrie
Oui 31%
Non 69%
Aucune réponse
0%
Service de Soins généraux
Page 48 sur 69
4.2.14 Question n°14 : Quels termes définissent, selon vous, au
mieux, un patient schizophrène?
La question n°14 a pour objectif de comparer l’avis des professionnels de santé
sur la schizophrénie, en analysant les réponses de cette partie à celles de la question n°8.
Quantitativement, on obtient les pourcentages de réponses suivants :
0%5%
10%15%20%25%30%35%40%45%
Psychiatrie
Soins généraux
0
2
4
6
8
10
12
14
16
Psychiatrie
Soins généraux
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Les professionnels de santé de psychiatrie ont défini le patient schizophrène
étant nourri d’hallucinations à hauteur de 80% des avis recueillis. 33% d’entre
eux ont déclaré, soit 5 des professionnels de santé, que ces patients entendent
des voix, 27% (soit 4 professionnels de santé) qu’ils sont « bizarres », 13% (2
professionnels de santé exerçant en psychiatrie) qu’ils ont plusieurs
personnalités et consomment de l’alcool et de la drogue, 20% qu’ils sont
renfermés sur eux-mêmes et sont qualifiés de dangereux. Une seule personne a
indiqué que ces patients changeaient facilement d’humeur (7%). Enfin, une
personne (7% des professionnels interrogés en secteur psychiatrique) a indiqué
que les notions, simplifiées pour être comprises par tous les professionnels, que
les termes de dissociation, de discordance, d’ambivalence, de vulnérabilité et d’
imprévisibilité étaient plus «précis».
Les soignants exerçant le métier d’infirmier en soins généraux ont, quant à eux,
indiqué 15 fois que les patients schizophrènes étaient dangereux et ont plusieurs
personnalités (94% des professionnels des services somatiques). 88% d’entre
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
Psychiatrie
Soinsgénéraux
Page 50 sur 69
eux ont aussi indiqué que ces patients entendaient des voix et avaient des
hallucinations (14 réponses, soit moins de 9 soignants sur 10), refermés sur eux-
mêmes et sont « bizarres » pour plus de 8 soignants sur 10, changent facilement
d’humeur pour 75% des infirmiers interrogés, et enfin consomment de l’alcool
et des drogues pour respectivement 44% et 31% des soignants interrogés.
Comme énoncé précédemment, l’objectif est de réaliser une comparaison
croisée entre les questions n°8 et n°14, mais pour garder une meilleure lisibilité, le
graphique sera exposé dans la partie réservée à l’analyse qualitative des questionnaires
et des entretiens.
4.2.15 Question n°15 : Quelles différences faites-vous entre un
patient névrosé et un patient schizophrène ? Cochez la
case affirmant la phrase.
En service de soins généraux :
Le patient
névrosé
Le patient schizophrène
13 2 Est plus compliant aux soins.
1 14 Est plus dangereux ou agressif.
13 2 Communique mieux.
8 6 Est plus angoissé.
2 13 M’inspire de la crainte.
3 11 Demande plus de temps pour les
soins.
Un soignant des services de soins généraux n’a pas répondu à cette question.
Par ailleurs, tous les professionnels de santé n’ont pas donné leur avis sur toutes les
propositions. Ce constat est d’ailleurs visible aussi pour les résultats obtenus en service
de psychiatrie. Plus de 8 professionnels de soins généraux sur 10 considèrent le patient
Page 51 sur 69
névrosé le plus compliant aux soins, communiquant mieux que le patient schizophrène,
qui, pour sa part, est considéré comme plus dangereux ou agressif et inspirant de la
crainte, et demandant plus de temps pour les soins (7 professionnels de santé de soins
généraux sur 10). Le patient névrosé est considéré comme plus angoissé que le patient
schizophrène par un professionnel de santé de services de soins somatiques sur deux.
En service de psychiatrie :
Le patient névrosé Le patient
schizophrène
12 1 Est plus compliant aux soins
2 10 Est plus dangereux ou agressif
9 2 Communique mieux
1 12 Est plus angoissé
1 11 M’inspire de la crainte
1 10 Demande plus de temps pour les
soins
3 professionnels de cette spécialité n’ont pas répondu à cette question, tandis
que certains soignants ont répondus à la fois « le patient névrosé » et « le patient
schizophrène » pour certaines propositions.
0%10%20%30%40%50%60%70%80%90%
100%
Patient névrosé
Patient schizophrène
Page 52 sur 69
8 Soignants sur 10 considèrent le patient névrosé comme étant le plus
compliant aux soins et communiquant mieux, selon 6 personnes sur 10, que le patient
schizophrène. Ce dernier est considéré comme plus agressif et demandant plus de temps
pour les soins selon 67% de la population infirmière exerçant en psychiatrie. Le patient
psychotique est considéré comme plus angoissé et inspirant de la crainte en opposition à
un patient névrosé selon respectivement 8 et 7 personnes sur 10.
4.3.1 L’outil utilisé
J’ai élaboré un canevas d’entretien afin de mener une enquête qualitative
auprès de professionnels de santé pour perfectionner les recherches sur le terrain, et
ainsi établir des réponses plus précises pour répondre aux hypothèses de travail
formulées précédemment. Ces entretiens semi-directifs sont basés autour de 3 questions
principales, articulées autour des 3 hypothèses, additionnées de questions de relance
dans l’hypothèse où la conversation s’arrêterait de façon inattendue.
0%10%20%30%40%50%60%70%80%90%
Patient névrosé
Patient schizophrène
4.3 La démarche et la méthodologie des entretiens
Page 53 sur 69
4.3.2 Le choix des structures et des professionnels
A l’inverse des questionnaires, je ne me suis pas intéressé à l’avis des
professionnels de soins généraux et de psychiatrie, mais uniquement à celui des
soignants des services de soins généraux.
Afin de mener mes entretiens, j’ai envoyé des lettres dans plusieurs
établissements hospitaliers à l’attention de la direction des soins propre à chaque
structure.
J’ai mené 6 entretiens avec 7 professionnels différents avec :
Une infirmière exerçant en service de Médecine de
l’établissement H1
Une infirmière exerçant en service de Chirurgie de
l’établissement H1
Une infirmière exerçant en service de Médecine de
l’établissement H2
Une infirmière exerçant en service de Chirurgie de
l’établissement H2
Une infirmière exerçant en service de Médecine de
l’établissement H3
Deux infirmières exerçant en service de Médecine de
l’établissement H1
4.3.3 Les difficultés et limites rencontrées
J’ai rencontré de nombreux problèmes lors de la réalisation de mes enquêtes
sur le terrain :
La conception du canevas d’entretien71
a été compliquée à mettre en
œuvre. En effet, le sujet de mon mémoire de fin d’études étant délicat à
aborder, il m’a donc fallu adapter certaines tournures de phrases pour
obtenir de la part des professionnels des réponses au plus proche de la
réalité.
71
Voir Annexe 4
Page 54 sur 69
J’ai été confronté au silence de la direction des soins de deux
établissements. Etant très en retard dans la construction de mon travail de
fin d’études et souhaitant remplir les objectifs fixés à 6 entretiens pour
obtenir une analyse qualitative viable, je me suis permis de contacter
certaines de mes connaissances pour pouvoir mener mes entretiens, et
ainsi me donner les moyens d’avoir un panel de réponses aussi large que
possible.
J’ai ressenti, de la part des professionnelles interrogées, une certaine
réticence vis-à-vis de mon sujet. A contrario, un entretien s’est déroulé
avec deux infirmières : cela n’était pas un souhait de ma part, mais bien
qu’une seule des deux infirmières s’exprimait durant l’entrevue, j’ai
ressenti beaucoup plus d’authenticité dans l’entretien, et moins de
réticence à s’exprimer que le précédent. En effet, les réponses apportées
durant le 5e
entretien
m’ont semblé « formatées » à l’éthique
professionnelle. L’utilisation de la « répétition par écho » des attitudes de
Porter m’a tout de même permis d’obtenir certaines réponses
intéressantes.
Les 5 premiers entretiens se sont déroulés dans la précipitation, les
infirmières ayant déclaré qu’elles n’avaient pas beaucoup de temps à
m’accorder.
Après avoir retranscrit les six entretiens72
, j’ai décidé de procéder question par
question pour analyser les réponses apportées. Pour plus de clarté, les citations seront
estampillées du numéro correspondant en note de bas de page.
A la question n°1, je souhaitais savoir si la prise en charge du patient
psychotique était compliquée, et de quelle façon étaient perçus les patients psychotiques
par les infirmières de soins généraux. Les infirmières ont répondu par l’affirmative sauf
pour l’une73
d’entre elles qui a déclaré qu’elle n’avait « jamais eu de problèmes avec
eux. Il faut savoir rester calme et coopérant avec le patient. ». Globalement, les notions
72
Voir annexe 5 73
Entretien n°5
4.4 Analyse qualitative des entretiens
Page 55 sur 69
de difficultés reviennent dans les autres entretiens. La façon dont sont définis les
patients psychotiques est révélatrice sur certains points. En effet, une infirmière, de par
son vécu de soignante, a défini le patient schizophrène comme alternant des phases
maniaques et dépressives74
. Or, ces symptômes sont plus proches d’un trouble bipolaire
que d’une schizophrénie. Une autre soignante définit les patients comme « fous, ils
voient des choses que l’on ne voit pas, ils se prennent pour plusieurs personnes et sont
souvent seuls»75
en insistant sur le fait que « c’est compliqué de leur parler ». D’autre
part, cette soignante « pense qu’ils étaient tous schizophrènes ». Des termes avoisinants
ressortent d’autres entretiens tels que « Le dédoublement de la personnalité des patients
psychotiques »76
. Ce dernier terme est par ailleurs énoncé dans l’entretien n°4, n°5 et
n°6. D’autres notions émergent, comme la prise régulière de stupéfiants, l’agressivité et
l’isolement du patient77
. Les « délires mystiques »78
sont aussi énumérés dans le
descriptif des patients psychotiques. Suivant les différentes notions décrivant le patient
psychotique, les notions sont très souvent reliées à la schizophrénie, bien qu’une
soignante a décrit un schizophrène avec des symptômes plus proches des troubles
bipolaires que de la schizophrénie79
. D’autres professionnelles ne voient « pas d’autres
pathologies que la schizophrénie »80
, ou alors, m’ont annoncé durant les entretiens que
les maladies mentales « se ressemblaient toutes »81
. Dans la majorité des cas, il y a donc
un amalgame entre le patient psychotique et le patient schizophrène au sein des services
généraux, mais l’hypothèse ne pourra être validée qu’à l’aide d’une analyse croisée avec
les questionnaires.
J’ai traité ensuite la question n°2 auprès des infirmières interrogées pour
évaluer si la sphère psychologique du patient psychotique était sacrifiée au profit de la
sphère somatique. J’ai donc cherché, dans un premier temps, à savoir si la sphère
psychologique du patient psychotique, c’est-à-dire sa santé mentale, était analysée plus
profondément que chez les patients névrosés. Pour certaines professionnelles,
74
Entretien n°1 75
Entretien n°2 76
Entretien n°3 77
Entretien n°4 78
Entretien n°5 79
Entretien n°1 80
Entretien n°2 81
Entretien n°4
Page 56 sur 69
l’évaluation de cette sphère psychologique est « importante »82
, mais se révèle
« compliquée »83
à mettre en œuvre car certains soignants « n’ont pas le temps »84
, les
patients étant « compliqués à comprendre. C’est peine perdue »85
et il est nécessaire
« d’arrondir les angles », « mettre de la pommade »86
et « aller dans leur sens pour
qu’il se sente bien »87
. Pour une soignante, il n’y a « pas d’intérêt car il existe des
infrastructures spécifiques »88
. Une seconde question, plus précise, traitait de la priorité
des soins techniques aux soins relationnels avec les patients psychotiques en service de
soins généraux. Le but était d’analyser si les professionnels de santé de ce secteur
pouvaient accorder autant de temps aux gestes techniques tels que la pose de perfusion,
la réfection de pansements, qu’aux soins dits de relation, pour évaluer l’état mental et
psychologique des patients psychotiques. Ainsi, des contraintes de temps, de
restructuration du nombre de professionnels, et un manque de connaissance sur ces
pathologies ont conduit les infirmières à me répondre par la négative89
. L’entretien n° 6
a apporté une réponse plus précise, puisque les deux infirmières ont répondu que « On
essaiera de prendre du temps, mais nous ne sommes pas seuls. L’entretien d’aide peut
être fait aussi bien par une infirmière, qu’une aide-soignante ou une ASH ». A
l’inverse, l’infirmière du 5e entretien a répondu qu’elle pouvait « bien entendu »
s’occuper à la fois des soins techniques et des soins relationnels chez les patients
psychotiques.
Enfin, j’ai traité la 3e question, pour savoir de quelle façon les professionnels
vivaient la prise en charge d’un patient psychotique au sein de leurs services respectifs.
Ainsi, mis à part le 5e entretien où l’infirmière a déclaré « Il n’y a pas de différences
fondamentales avec les autres patients » bien qu’elle évite de « les énerver » et « les
faire monter » en « allant dans leur sens » et affirmant qu’elle n’a « pas peur », la
majorité des personnes interrogées a déclaré être « inquiet », les professionnels avouant
avoir peur des « patients psychotiques en décompensation » et des «patients violents »90
82
Entretiens n°1, n°2, n°5 83
Entretiens n°1, n°2, n°3 84
Entretien n°2, n°6 85
Entretien n°3 86
Entretien n°6 87
Entretien n°5 88
Entretien n°4 89
Entretien n°1, n°2, n°3 et n°6 90
Entretien n°2, n° 3 n°4
Page 57 sur 69
alors qu’ils n’ont pas subi personnellement de violences. L’entretien n°6 a mis en
exergue que les soignants avaient peur des patients psychotiques car « une soignante
s’est fait attaquer au pic à perfusion », mais que certains « les faisaient rire »91
. Par
ailleurs, ces mêmes infirmières ont précisé que la seule formation dont elles ont
bénéficié était sur l’agressivité, mais elles n’ont eu aucune formation continue, comme
les 5 autres professionnelles interrogées, sur la prise en charge de patients psychotiques.
Ces patients ne sortent qu’une fois « stabilisés sur le plan somatique » selon 4
infirmières92
avec une notion de soulagement, souligné par la phrase « nous sommes
contents quand ils peuvent sortir » pour le premier entretien réalisé sur le terrain. Il
subsiste une absence de suivi des patients psychotiques au sein du service pour le 2nd
, 3e
et 4e entretien, et seulement une psychologue pour le 1er et le 5e entretien. Aucune
équipe mobile de psychiatrie n’assure un soutien aux équipes des infirmières ayant été
contactées pour les entrevues. Les deux infirmières interrogées lors du 6e entretien
m’ont expliqué qu’elles ne sont « pas forcément aidées par les médecins qui les voient 5
minutes par jour dans un moment de calme » mais cette équipe a déjà solutionné le
problème grâce à « des attaches et des sédations » quand la situation ne pouvait être
gérée d’une quelconque autre manière.
En croisant les résultats obtenus dans les questionnaires et les entretiens, on
peut obtenir des éléments de réponses aux 3 hypothèses de travail formulées
précédemment.
Pour simplifier l’analyse, les trois questionnements seront repris par ordre de
formulation.
4.5.1 Les professionnels de santé en soins généraux
amalgament patient « psy » et schizophrène
Tous les professionnels de santé ont déjà pris en charge un patient psychotique.
Ces derniers ont bénéficié de la formation initiale à l’institut de formation aux soins
infirmiers lors de leurs études. La nuance est, par contre, nette, vis-à-vis de la formation
91
Entretien n°6 92
Entretien n°1 n°3 n°4 et n°6
4.5 Analyse qualitative croisée
Page 58 sur 69
continue. Aucun soignant exerçant en soins généraux n’a bénéficié d’aide théorique vis-
à-vis de la prise en charge des patients psychotiques. La seule formation citée dans un
entretien traitait de l’agressivité, mais n’est nullement centrée sur les patients
psychotiques. Ce résultat est alarmant, car les professionnels de psychiatrie, ont, quant à
eux, bénéficié de ces formations spécifiques, ce qui leur permet d’optimiser leur prise
en charge. De plus, la question n°9, qui permettait de déterminer, pour les soignants,
quelles pathologies faisaient partie du champ des psychoses, a montré une nette
disparité entre la schizophrénie, qui a obtenu 100% des réponses, et les autres maladies,
tels que la bouffée délirante aigue et les troubles bipolaires ayant obtenu que environ
20% des suffrages. Les questions n°8 (le patient psychotique) et n°14 (le patient
schizophrène) ont été rédigées pour être confrontées de façon qualitative.
Ainsi, il apparait de façon limpide qu’il existe très peu de disparités entre les
différentes propositions, mis à part la consommation de drogues et d’alcool, mais
n’obtiennent pas la majorité des résultats recueillis parmi les professionnels de soins
généraux. Les entretiens ont confirmé cet amalgame entre patient psychotique et patient
schizophrène de par les réponses apportées : « Le dédoublement de la personnalité des
patients psychotiques » et reliées en permanence à la schizophrénie, alors que la
question était, au départ, orientée autour du patient psychotique. Les recherches
entreprises pour les cadres théorique et conceptuel avaient déjà montré cet amalgame de
par les notions d’étiquetage et de représentations sociales de la schizophrénie au sein de
la société, ce qui se vérifie sur le terrain avec la population infirmière travaillant en
0%10%20%30%40%50%60%70%80%90%
100%
Patient psyschotique
patient schizophrène
Page 59 sur 69
soins généraux. A la vue des résultats obtenus de par les soignants travaillant en service
de psychiatrie, cette théorie de l’étiquetage ne concorde pas, très probablement dû à une
formation plus poussée de par la formation continue spécifique au monde psychiatrique.
Ainsi, il existe effectivement un amalgame entre le patient psychotique et le patient
schizophrène pour les infirmières exerçant en service de soins généraux.
4.5.2 Le patient étiqueté « psy » fait peur aux professionnels
de santé travaillant dans les services de soins généraux.
Pour obtenir des renseignements sur la peur des professionnels, il m’a fallu
procéder de façon graduelle pour obtenir des résultats probants et reflétant la réalité du
terrain. Les professionnels de soins généraux ont indiqué en majorité avoir peur du
patient schizophrène, en associant, pour certains d’eux, la notion de dangerosité.
L’amalgame entre le patient psychotique et le patient schizophrène ayant été prouvé
dans la partie précédente, il s’agit donc bien du patient étiqueté « psy » qui fait peur à
ces professionnels. Les professionnels de psychiatrie ont, quant à eux indiqué que
c’était la violence du patient psychotique en décompensation qui les inquiétait. La
question 4 proposant une réponse ouverte à propos d’une pathologie spécifique
générant de la peur, près de 7 infirmiers travaillant en service de soins généraux ont
répondu la schizophrénie, avec quelques réponses adjuvées d’un manque de
connaissances et de la violence verbale ou physique au décours de la prise en charge
d’un patient. Bien qu’une infirmière, lors d’un entretien, a précisé qu’elle « n’avait pas
peur »93
, elle a déclaré éviter de « les faire monter » en « allant dans leur sens ». Une
grande majorité des infirmières interrogées ont déclaré avoir peur du patient
« psychotique », du « fou », sans avoir vécu de violences, mis à part lors de l’entretien
n°6, où cette dernière a déclaré qu’une de ses collègues s’était faite « attaquer au pic à
perfusion ». Les conséquences de cette peur sont de la méfiance, de l’appréhension face
à ces patients, conjuguées à de la colère et de l’énervement, ce qui conduit à une
certaine « saturation du personnel soignant ». Une seule personne a répondu qu’elle se
sentait impuissance, sans pour autant passer le relais à un ou une collègue de son
équipe, ce qui n’est pas le cas, d’après les statistiques obtenues, en service de
psychiatrie. 2 soignantes de soins généraux ont répondu qu’elle ressentait de l’empathie
93
Entretien n°5
Page 60 sur 69
pour les patients schizophrènes, alors qu’elles avaient déclaré qu’elles en avaient peur
dans la question précédente. La question n°10 recentrant les affects autour du patient
psychotique ont montré pour plus de sept professionnels sur 10 que les professionnels
de soins généraux ressentaient de la peur ou de l’angoisse, alors que dans le même
temps, les professionnels exerçant en psychiatrie ont indiqué que c’était le cas pour 20%
d’entre eux. Certains ont tout de même précisé que cela était variable selon les patients.
Les difficultés autour du patient psychotique prédominent autour de l’agitation et le
manque d’informations sur la pathologie mentale. En utilisant le graphique comparatif
des questions 8 et 14 de la partie précédente, on peut observer que plus de 9
professionnels travaillant en services de soins généraux considèrent aussi bien le patient
psychotique et schizophrène comme dangereux, résultats qui sont soutenus par la
question n°15 : le patient schizophrène est plus dangereux (ou agressif) et inspire plus
de crainte que le patient névrosé.
Les résultats des différentes enquêtes menées sur le terrain convergent, et
tendent à affirmer que le patient étiqueté « psy » fait peur aux professionnels de
santé travaillant dans les services de soins généraux.
4.5.3 Les professionnels de santé travaillant en service de soins
généraux sacrifient la dynamique psychologique du
patient étiqueté « psy » à la sphère somatique.
Les situations d’appel exposées au début de ce mémoire ont montré l’absence
de prise en charge globale. L’un des axes de recherche était donc de connaître les
pratiques professionnelles concernant la prise en charge des patients étiquetés « psy » en
soins généraux, d’une façon beaucoup plus large, et donc plus représentatives. D’une
façon générale, la question n°2 a montré que seuls les professionnels de santé de soins
généraux (au nombre de 5 sur 31 personnes interrogées) pensaient ne pas prendre en
charge dans leur globalité les patients de leur service par manque de moyens, de temps
et de personnel. Cette question a servi d’ouverture pour la question n°11, centrée, cette
fois-ci, autour du patient psychotique, montre que plus de 8 professionnels de soins
généraux sur 10 ne peuvent pas accorder autant de temps à la prise en charge
psychologique, mentale, du patient, qu’à la prise en charge somatique par, encore une
fois, un manque de temps et de personnel. Certains professionnels se jugent, par
Page 61 sur 69
ailleurs, « pas assez qualifiés ». Comme l’ont montré les entretiens, il n’y a pas
d’intervention de la part d’un tiers spécialisé dans le domaine de la santé mentale. Dans
de rares cas, une psychologue peut intervenir pour remédier à la situation, mais cela
reste rare, et peut-être pas adapté à ce type de patients là où un psychiatre pourrait
intervenir et remédier plus facilement aux problèmes. Lors des entretiens, certaines
infirmières94
avaient expliqué que les moyens mis en œuvre étaient les sédations et les
contentions. Très souvent, les professionnels de services de soins généraux ne peuvent
faire appel qu’à un ou une collègue de leur équipe pour trouver une solution. Les
résultats ont aussi montré que les professionnels n’ayant pas le temps pour les « soins
relationnels » avaient peur de la plausible violence des patients psychotiques. Ainsi, par
manque de temps, de personnel dans les services, et pour une majorité, la peur, la
dynamique psychologique du patient étiqueté psy est sacrifiée au profil des soins
somatiques.
94
Entretien n°6
Page 62 sur 69
5 POSITIONNEMENT INFIRMIER ET PROPOSITIONS
D’ACTIONS
Pour ma part, la stigmatisation du patient est une entrave à une prise en charge
optimale. Chacun doit pouvoir recevoir les soins qui lui sont nécessaires, sans qu’aucun
facteur ne vienne influencer cette prise en charge ; aussi bien la religion, la couleur de
peau que les maladies mentales.
Je conçois qu’il est compliqué de faire abstraction des représentations que nous
renvoie la société, mais le port de la blouse blanche doit nous faire réfléchir sur notre
propre condition : je suis là pour soigner, écouter, et non pas pour juger. Un patient
schizophrène sera d’autant plus introverti s’il est isolé dans sa chambre, et aura plus
facilement tendance à s’énerver auprès du prochain soignant (ou autre personnel
hospitalier) qui entrera dans la pièce. Il peut suffire d’un regard, d’une parole mal placée
pour envenimer une situation, et se retrouver en échec thérapeutique. Cela entrave la
confiance qui aurait dû s’installer dans la relation soignant soigné. Ce qui importe, à ce
moment précis : avouer à soi-même la difficulté que l’on rencontre, et « passer le
relais » à une autre personne de l’équipe dès que cela semble nécessaire : cela est tout
aussi valable pour les soins techniques que les soins relationnels. Comment garder son
statut de soignant si on omet directement ou indirectement de « prendre soin » ?
Mon dernier stage en pédiatrie n’a été qu’une confirmation de ce problème de
stigmatisation sociale : les soignants ne comprenaient pas pourquoi ils « recevaient des
enfants psychotiques » qui auraient plus leur place dans un « établissement agréé »,
autrement dit, un établissement psychiatrique. J’ai souhaité prendre en charge deux de
ces adolescents, une jeune fille de 14 ans venant pour un problème d’anorexie (qui a été
étiquetée psychotique par l’équipe paramédicale) et un garçon de 11 ans qui présentait
un comportement violent. L’infirmière présente ce jour-là m’a répondu que « c’était
trop compliqué ». J’ai alors réitéré ma demande plusieurs fois au cours du stage. Une
infirmière m’a alors permis de prendre en charge la première patiente. Après avoir parlé
une dizaine de minutes avec cette dernière, elle m’a expliqué que la situation dans
laquelle elle était provenait du fait que depuis des années, ses camarades se moquaient
5.1 Mon positionnement infirmier
Page 63 sur 69
d’elle car elle « était grosse ». Elle n’avait pu en parler à aucun des soignants de
l’équipe, et était contente que « enfin quelqu’un s’intéresse à elle ». Ainsi, la
stigmatisation du patient, peut, dès le plus jeune âge, l’enraciner dans un cercle vicieux
duquel il est très difficile de s’extraire.
Mon éthique soignante est centrée autour de cette écoute : considérer
« l’autre » dans toute sa dimension humaine. Pourquoi ? La prise en soin n’en sera que
meilleure car …
« Ce qu’ils osent penser de moi, ça me freine ».
Quelles actions permettraient d’optimiser la prise en charge d’un patient
étiqueté « psy » en service de soins généraux ? En tenant compte des difficultés
financières actuelles du domaine de la santé, il est nécessaire de proposer des actions
réalisables :
Mettre l’accent sur la formation continue. Ainsi, au même titre que les
« référents hygiène » dans les services, il est tout à fait possible de former un « référent
psy » au sein de chaque service. Ainsi, de par ses connaissances, il servira de point de
repère pour toute l’équipe, et pourra écrouler les représentations sociales du patient
étiqueté psychotique. Puisque les professionnels exerçant en psychiatrie bénéficient de
cette formation continue spécialisée, n’est-il pas possible de la proposer dans les
services de soins généraux ? Cela permettra, dans une certaine mesure, de
contrebalancer l’opinion générale sur la folie, et par conséquence, déstigmatiser les
patients étiquetés psy.
Réorganisation de la psychiatrie de liaison. Au cours des différents
entretiens, il est apparu qu’à aucun moment, un psychiatre n’est intervenu pour aider les
équipes à gérer les moments de crise avec les patients psychotiques. Un budget national
étant disponible pour les services de psychiatrie, il serait possible d’en allouer une partie
pour créer des unités mobiles, ayant pour rôle d’aider les professionnels de santé des
soins généraux dans la prise en charge des patients présentant une pathologie mentale.
5.2 Mes propositions d’actions
Page 64 sur 69
CONCLUSION
Nous avons vu, au travers de ce mémoire de fin d’études, que les
professionnels de santé en soins généraux, de par les représentations sociales du « fou »,
avaient peur. Ils sacrifient la dynamique psychologique du patient étiqueté « psy » aux
soins techniques et confondaient les maladies psychiatriques, les réunissant sous une
pathologie unique : la schizophrénie.
Cependant, ce problème ne concerne pas seulement la profession infirmière,
mais bel et bien la société dans son ensemble. En effet, la stigmatisation des malades
mentaux est apparue au fil de mes recherches, et j’ai constaté qu’elle est loin d’être rare.
A travers ce travail, mon but n’est pas de juger les soignants, mais seulement
pointer certaines difficultés, induites non pas par le regard de la profession, mais celui
de la population dans son ensemble. Sans pour autant avoir la prétention de
déstigmatiser le malade mental dans l’opinion générale, je pense qu’il existe de
nombreux moyens de restaurer une image « positive » de la folie, et toucher un large
éventail de personnes par le biais d’Internet95
. Par positive, j’entends que le fou n’est
pas forcément schizophrène et/ou violent.
Plusieurs axes de réflexions ont été entrouverts à la fin de ce travail de
recherches, mettant l’accent sur la spécialisation d’un référent en « soins
psychiatriques » et la réorganisation de la psychiatrie de liaison.
La réalisation de ce travail n’est pas seulement le fruit de sept mois de
recherches, mais résulte de l’analyse de pratiques professionnelles observées sur le
terrain qui m’ont porté interrogation, auxquelles j’ai cherché différentes explications,
pour ainsi forger mon identité et mon éthique professionnelle.
Par manque de temps, je n’ai pas souhaité traité certains résultats d’enquête en
service de psychiatrie, qui m’auraient soumis à un hors-sujet.
Entre autre, la violence physique et verbale est redoutée des professionnels de
soins généraux et de psychiatrie ; qu’importe la personnalité de l’individu se tenant
devant nous, le rejet, les échanges de regards, la stigmatisation dans son expression, de
95
Projet de long-métrage : « Lane Border : État Limite »
Page 65 sur 69
la plus anodine à la plus brutale peut mener à une certaine réticence à se mêler à la
société, voire à s’opposer fermement à ses principes fondateurs. Du simple fait de
s’exprimer de la sorte : « C’est un patient psychotique », « c’est un patient
schizophrène » impose de surcroît une étiquette, et traduit ici un phénomène complexe
duquel il est compliqué de se détacher.
Ce qu’il est important de noter dans ces analyses est le manque de temps dû à
la diminution du nombre de professionnels travaillant dans les services, aussi bien en
soins généraux qu’en psychiatrie. A terme, si cette situation perdure, de quelle manière
va évoluer la prise en charge hospitalière ? Ne se dirige-t-on pas, au niveau national,
vers une dégradation générale de la prise en soin, en corrélation directe avec les
difficultés financières récemment pointées au niveau Européen ?
Page 66 sur 69
BIBLIOGRAPHIE
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o REYNAUD Michel, « Le traitement des schizophrènes », Edition Frison-
Roche, 1991, 357 pages.
ARTICLES DE REVUES :
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sociales du « fou », du « malade mental » et du « depressif » - L’information
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Psychiatrie n°229 – novembre/décembre 2003 page 25
o TISON Brigitte, « Les représentations de la folie à travers les âges en
Occident », Soins Psychiatrie n°229 – novembre/décembre 2003 page 16
COURS :
o ALLAERT Marc, Cadre formateur à l’institut de formation des
professionnels de santé de Châlons-en-Champagne « La schizophrénie »
TEXTES OFFICIELS :
o Code pénal, LIVRE II : Des crimes et délits contre les personnes, TITRE II :
Des atteintes à la personne humaine, CHAPITRE V : Des atteintes à la
dignité de la personne, Section 1 : Des discriminations : Article 225-1,
modifié par Loi n°2006-340 du 23 mars 2006 - art. 13 JORF 24 mars 2006.
Consulté le 10 octobre
http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI00
0006417828
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o Code pénal, LIVRE II : Des crimes et délits contre les personnes, TITRE II :
Des atteintes à la personne humaine, CHAPITRE V : Des atteintes à la
dignité de la personne, Section 1 : Des discriminations. Article 225-2,
Modifié par Loi n°2004-204 du 9 mars 2004 - art. 41 JORF 10 mars 2004,
consulté le 16 Novembre 2011.
http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=37A50E100D
F32F4A698BB884836F8ADC.tpdjo09v_3?cidTexte=LEGITEXT000006070
719&idArticle=LEGIARTI000006417833&dateTexte=20111212&categorie
Lien=cid#LEGIARTI000006417833
o Décret n° 2004-802 du 29 juillet 2004 relatif aux parties IV et V
(dispositions réglementaires) du code de la santé publique et modifiant
certaines dispositions de ce code, consulté le 10 octobre 2010,
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000
421679&categorieLien=id
o Décret n° 2004-802 du 29 juillet 2004 relatif aux parties IV et V, consulté le
10octobre 2011,
http://www.infirmiers.com/profession-infirmiere/legislation/decret-nd-2004-
802-du-29-juillet-2004-relatif-aux-parties-iv-et-v-annexe.html, consulté le 10
octobre 2010
SITES INTERNET :
o Fiche de présentation du film Gothika, consultée le 23 septembre 2010,
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=50709.html
o Plan 2005-2008 – Ministère de la Santé (Ministère de Philippe Douste-
Blazy) – Consulté le 20 octobre 2010 -
http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/plan_2005-2008.pdf
o Histoire de la Psychiatrie – Consulté le 29 septembre -
http://www.infirmiers.com/votre-carriere/votre-carriere/historique-de-la-
profession-des-infirmiers-en-psychiatrie.html
o Définition de la psychose - Dictionnaire Larousse –
http://www.larousse.fr/encyclopedie/medical/psychose/15628 ; consulté le
14 novembre 2011
o Définition de la Schizophrénie - Encyclopédie Universalis ; consulté le 11
octobre 2011-http://www.universalis.fr/encyclopedie/schizophrenie/
o Définition et prévalence de la Schizophrénie – Haute Autorité de Santé -
http://www.has-
sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/guide_ald23_schizophr_juin_07.
pdf ; consulté le 21 novembre 2011
Page 68 sur 69
o La Schizophrénie – consulté le 11 octobre 2011 -
http://www.cmha.ca/bins/content_page.asp?cid=3-100&lang=2
o Cannabis et Schizophrénie – le lien se confirme – consulté le 11 octobre
2011 - http://www.e-sante.fr/cannabis-schizophrenie-lien-se-
confirme/actualite/1387
o La Schizophrénie – consulté le 11 octobre -
http://www.infirmiers.com/etudiants-en-ifsi/cours/cours-psychiatrie-la-
schizophrenie.html
o Schizophrénie : la piste de la génétique – consulté le 15 octobre -
http://sante.lefigaro.fr/actualite/2009/07/02/9638-schizophrenie-piste-
genetique
o Les représentations sociales - Elisabeth Deswarte - http://www.psychologie-
sociale.com/index.php?option=com_content&task=view&id=104&Itemid=2
8 ; consulté le 17 octobre 2011
o Définition de la discrimination - Consulté le 27 octobre 2010
http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/definition/discrimination/ ;
o Définition du soin – Consulté le 27 octobre 2010
http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/definition/soin/
o Les Normes sociales – consulté le 16 novembre - http://www.psychologie-
sociale.com/index.php?option=com_content&task=view&id=43&Itemid=28
o Nouveau décret de compétences de l’infirmier – consulté le 19 novembre
2011 - http://www.infirmiers.com/profession-infirmiere/legislation/nouveau-
decret-competence-de-la-profession-dinfirmier.html
o Définition de la dichotomie - consulté le 14 septembre 2011 -
http://www.cnrtl.fr/etymologie/dichotomie
o Les Hôpitaux Français sont en mauvaise santé financière – Article consulté
le 21 novembre 2011 -
http://www.latribune.fr/actualites/economie/france/20111025trib000659205/
les-hopitaux-francais-sont-en-mauvaise-sante-financiere.html
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ANNEXES
ANNEXE 1 : LES ENTRETIENS PRE-EXPLORATOIRES DANS LA POPULATION
GENERALE
ANNEXE 2 : LES ENTRETIENS PRE-EXPLORATOIRES EN SOINS GENERAUX
ANNEXE 3 : RECHERCHES SUR LE TERRAIN - QUESTIONNAIRE
ANNEXE 4 : GUIDE D’ENTRETIEN
ANNEXE 5 : LES ENTRETIENS RÉALISÉS
ANNEXE 1 : LES ENTRETIENS DANS LA POPULATION GENERALE
Entretien exploratoire (Population Générale)
1) Qu’est-ce que la folie ?
Synonymes de folie ?
Quels mots cela évoque-t-il pour vous ?
Comment désigne-t-on quelqu’un atteint de folie ?
Présentent-ils des traits de personnalité particuliers ?
Pensez-vous qu’ils soient différents des autres personnes ? En quoi sont-ils
différents ?
Et votre entourage ?
2) Connaissez-vous des pathologies psychiatriques ?
Si oui, lesquelles ?
3) Par quel biais connaissez-vous ces pathologies ?
Discussion en groupe ? Télévision ? Radio ? Internet ? Journaux ?
Qu’en savez-vous ? Quelles sont vos connaissances ?
4) Avez-vous ressenti des émotions particulières au contact
de ces personnes ?
Si oui. De quelle façon se sont exprimées ces émotions ? Peur ? Colère ?
Pourquoi ? En connaissez-vous la cause ?
ANNEXE 2 : LES ENTRETIENS PRE-EXPLORATOIRES EN SOINS GENERAUX
Entretien exploratoire (Soins Généraux)
Trois professionnels de santé de soins généraux
1) Qu’est-ce que la folie ?
Synonymes de folie ?
Quels mots cela évoque-t-il pour vous ?
Comment désigne-t-on quelqu’un atteint de folie ?
Présentent-ils des traits de personnalité particuliers par rapports aux patients
n’étant pas suivi pour des troubles psychiatriques ?
Pensez-vous qu’ils soient différents des autres patients ? En quoi sont-ils
différents ?
2) Connaissez-vous des pathologies psychiatriques ?
Si oui, lesquelles ?
3) Par quel biais connaissez-vous ces pathologies ?
Cours dispensés à l’ifsi ?
Discussion en groupe ? Télévision ? Radio ? Internet ? Journaux ?
Qu’en savez-vous ? Quelles sont vos connaissances ?
4) Avez-vous déjà pris en charge un patient « fou » dans
votre service ?
Oui question 5
5) Avez-vous ressenti des émotions particulières au contact
de ces patients ?
Si oui. De quelle façon se sont exprimées ces émotions ? Peur ? Colère ?
En quoi ces émotions étaient différentes d’un autre patient ?
Pourquoi ? En connaissez-vous la cause ?
Si non, avez-vous vu un ou une de vos collègues ressentir de la colère, de la
peur, ou d’autres sentiments ?
ANNEXE 3 : RECHERCHES SUR LE TERRAIN
QUESTIONNAIRE
Etudiant infirmier en 3e année à l’Institut de Formation des Professionnels de
Santé de Châlons-en-Champagne, je réalise mon travail de fin d’études sur les
représentations de la folie au sein de notre société. Au cours de ce questionnaire, vous
trouverez des questions où il faut cocher les réponses qui vous semblent les mieux
adaptées, et répondre, dans la mesure du possible, dans les zones affranchies de texte.
Ce questionnaire restera anonyme, aussi bien du point de vue nominatif que de
sa provenance. D’avance, Je vous remercie pour le temps que vous avez accordé à ce
travail de recherche.
1 Pour mieux vous connaître…
Homme Femme
Année de diplôme : Avant 1992 Après 1992
Vous travaillez en service de :
Service de soins généraux
Service de Psychiatrie
2 Pensez-vous prendre en charge, de façon globale, tous
les patients de votre service ?
Oui Non
Si non, pourquoi ?
……………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………….
3 Avez-vous déjà eu peur lors de la prise en charge d’un
patient lors de l’exercice de votre profession ?
Oui Non
Si oui, auprès de quel type de patients ?
……………………………………………………………………………………………
………………………
4 Si oui, qu’est-ce qui vous a fait peur ?
Manque de connaissance sur la pathologie du patient
Pathologie spécifique ? ………………………………………………
Violence Verbale Violence Physique
Possibilité d’un échec thérapeutique Autres raisons ?
……………………………………………………………………………………….
5 Avez-vous ressenti d’autres affects envers ce ou ces
patients ?
Oui Non
Si oui, de quel type ?
……………………………………………………………………………………………
……..……………………………………………………………………………………
…………………………………………………
6 Avez-vous déjà pris en charge, dans votre service, un
patient psychotique ?
Oui Non
7 Avez-vous déjà eu des cours à l’institut de formation en
soins infirmiers ou lors de votre formation continue, sur
les patients psychotiques et leur prise en charge ?
Formation initiale Formation continue
Autre : …………………………………
8 Quels termes définissent, selon vous, au mieux, un
patient psychotique ?
Ils entendent des voix Ils ont des Hallucinations Ils sont « bizarres »
Ils ont plusieurs personnalités Ils sont dangereux ils prennent des drogues
Ils sont renfermés sur eux-mêmes Ils changent facilement d’humeur
Ils consomment de l’alcool
9 Parmi ces pathologies, lesquelles considérez-vous
comme pathologies psychotiques ?
Bouffée délirante aigue Alcoolisme Dépression Schizophrénie
Troubles bipolaires Troubles névrotiques Alzheimer
Toxicomanie Anorexie Boulimie Autisme
10 Avez-vous déjà ressenti des affects, des émotions
particulières, au contact d’un patient psychotique ? Si
oui, lesquels ?
……………………………………………………………………………………………
……………………………………………………………………………………………
……………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………..
……………………………………………………………………………………………
……………………………………………………………………………………………
……………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………..
11 Pouvez-vous accorder autant de temps à la prise en
charge psychologique qu’à la prise en charge
somatique des patients psychotiques que vous recevez
au sein de votre service ?
Oui Non
Si non, pour quelles raisons ?
Manque de temps Manque de personnel
Autres :
……………………………………………………………………………………………
……………………………………………………………………………………………
……………………………………………………………………………………………
……………………………………………………………………………………………
……………………………………………………………………………………………
……………………………………………………………………………
12 Avez-vous déjà eu des difficultés pour prendre en
charge un patient psychotique au sein de votre
service ? Si oui, lesquelles ?
……………………………………………………………………………………………
……………………………………………………………………………………………
……………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………..
……………………………………………………………………………………………
……………………………………………………………………………………………
……………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………..
13 Avez-vous été aidé par un tiers extérieur (Psychiatrie
de liaison, service de psychiatrie intra-hospitalier,
collègue, etc.) lors de cette prise en charge :
Oui Non
……………………………………………………………………………………………
……………………………………………………………………………………………
……………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………..
……………………………………………………………………………………………
……………………………………………………………………………………………
……………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………..
14 Quels termes définissent, selon vous, au mieux, un
patient schizophrène?
Ils entendent des voix Ils ont des hallucinations Ils sont « bizarres »
Ils ont plusieurs personnalités Ils sont dangereux ils prennent des drogues
Ils sont renfermés sur eux-mêmes Ils changent facilement d’humeur
Ils consomment de l’alcool
D’autres termes vous viennent-ils à l’esprit ?
……………………………………………………………………………………………
……………………………………………………………………………………………
……………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………
15 Quelles différences faites-vous entre un patient
névrosé et un patient schizophrène ? Cochez la case
affirmant la phrase.
Le patient
névrosé
Le patient
schizophrène
Phrase
Est plus compliant aux soins
Est plus dangereux ou
agressif
Communique mieux
Est plus angoissé
m’inspire de la crainte
Demande plus de temps
pour les soins
Merci beaucoup d’avoir répondu à ce questionnaire. N’hésitez pas à me
faire parvenir toute critique concernant ce questionnaire dans l’espace ci-dessous.
ANNEXE 4 : GUIDE D’ENTRETIEN
GUIDE D’ENTRETIEN
6 professionnels de santé en soins généraux, n’étant pas spécialisés dans
le domaine de la santé mentale (prise en charge Infirmière)
1 Existe-il des prises en charge de patients plus compliquées
que d’autres ?
Est-ce que les patients psychotiques font partie de ces prises en charge
plus compliquées ?
Si oui, Comment définiriez-vous les patients psy ?
A quelle pathologie cette notion est-elle, selon-vous, reliée ?
2 Evaluez-vous plus intensément la sphère psychologique du
patient « étiqueté psy » que celle d’un patient névrosé ?
Si oui : pourquoi la sphère psychologique du patient présente un intérêt
particulier ?
Si non : quelles en sont les raisons ?
En service de soins généraux, pouvez-vous accorder autant de temps aux soins
techniques qu’aux soins relationnels avec ces patients ?
3 Comment vivez-vous la prise en charge d’un patient
« étiqueté psy » au sein de votre service ?
Existe-il des formations spécifiques ?
Avez-vous des affects particuliers concernant les patients « étiquetés psy » ?
Une surveillance plus accrue par rapport aux autres patients ? Si oui, de quel
type ?
Durée d’hospitalisation égale à celle d’un patient névrosé, en moyenne, pour une
pathologie donnée ? (ex : fracture de l’humérus, …)
En général, sont-ils renvoyés rapidement en secteur psychiatrique ?
Aide extérieure ?
Est-ce que les patients « étiquetés psy » sortent prématurément pour leur
prise en charge psychiatrique ? Si oui, pourquoi ?
Existe-il une certaine peur de la schizophrénie ? Des psychoses ? Du patient
psychotique ?
Si non, est-ce que une équipe mobile est disponible ? Equipe
médicale spécialisée dans le domaine psychiatrique ?
ANNEXE 5 : LES ENTRETIENS RÉALISÉS
Entretien exploratoire n°1 :
Bastien : Tout d’abord, j’aurai souhaité vous poser une question. Pour vous, qu’est-ce
que la folie ?
M : Eh bien… la folie… c’est perdre la rationalité des choses. La personne n’est plus
elle-même…..
Bastien : Elle n’est plus elle-même ?
M : Oui, elle est folle, si je peux parler ainsi…
Bastien : Pour vous, quels sont les traits de personnalités spécifiques de ces personnes ?
M : Par rapport à un patient normal ?
Bastien : Par rapport à un patient névrosé.
M : Eh bien, je dirai qu’ils s’énervent plus facilement, ils sont un peu bizarres…
Bastien : Un peu bizarres ?
M : Oui, bizarres. Ce sont des gens qui ne sont pas ouverts comme les autres. Pour avoir
eu plusieurs patients … fous dans le service, c’est quelque chose de difficile à gérer.
Bastien : Vous pourriez évaluer le nombre de patients que vous avez reçu dans votre
service en temps qu’infirmière ?
M : Je ne sais pas… une dizaine peut-être. Un avait été particulièrement agressif…
Bastien : Agressif ? Vous voulez dire violent ?
M : Oui, violent contre une de mes collègues. Il ne voulait pas prendre son traitement, et
quand ma collègue est entrée dans sa chambre, elle lui a fait la remarque. Il s’est braqué
et l’a insulté en lui disant que ce n’était pas un gamin.
Bastien : Vous connaissez la pathologie du patient ?
M : Il était schizophrène. Tous les fous sont plus ou moins schizophrènes.
Bastien : Vous connaissez des pathologies psychiatriques ?
M : Quand j’étais à l’école, j’ai appris… la schizophrénie, la maladie psychotique, Mais
honnêtement, ça ne m’a jamais trop passionné ces maladies.
B : Quelles sont vos connaissances sur le sujet, au jour d’aujourd’hui ?
M : Les malades ont des hallucinations, ils s’en prennent souvent aux autres, ils peuvent
être dangereux, ils peuvent avoir plusieurs personnalités, changer très vite de
tempérament mais il me semble avoir répondu déjà à cette question tout à l’heure.
B : Avez-vous ressenti des émotions particulières avec ces patients ?
M : Non, pas plus que ça…
B : vous m’avez dit tout à l’heure que vous aviez été, du moins l’une de vos collègues,
victime de violences. Vous n’avez pas d’émotions particulières ?
M : J’ai appris à me méfier, c’est vrai, on peut très vite se prendre un mauvais coup
pour une parole mal placée.
B : Vous vous êtes mises en colère vis-à-vis de ce patient ?
M : Il n’y a pas eu de suites, aucun rapport d’accident ni aucune plainte n’a été déposée,
ni à la gendarmerie, ni par ma collègue, et encore moins par la direction.
B : Avez-vous peur que cela arrive à nouveau ?
M : Comme je vous l’ai dit, je me méfie de ce qui peut arriver.
Entretien exploratoire n°2
B : J’aimerai connaitre donc, au travers de cet entretien, votre opinion. Pour vous
qu’est-ce que la folie ?
G : La folie… je dirai que c’est un comportement qui n’est pas normal, du moins, qui ne
me semble pas normal.
B : Est-ce que cela évoque des mots pour vous ?
G : La folie, c’est être fou, c’est-à-dire malade, paranoïaque, fou. Le malade mental.
B : Pour vous, ils sont donc différents des autres patients que vous pouvez recevoir dans
le service ?
G : Non, ce sont toujours des patients, et il ne doit pas y avoir de différence de prise en
charge entre ce type de patient et un autre.
B : Connaissez-vous des pathologies psychiatriques ?
G : J’en connais quelques-unes, Par exemple, je peux vous citer : la schizophrénie, la
dépression, la mélancolie, l’anorexie, la boulimie
B : Par quel biais connaissez-vous ces pathologies ?
G : Au cours de ma formation, j’ai eu des cours. Après, te dire que cela m’a servi, ça
serait un grand mot. Après, il y a des reportages à la télévision, et je regarde beaucoup
d’émissions de santé.
B : Avec la télévision aussi ?
G : Oui, ça m’arrive. Il faut dire qu’il y a des atrocités qui sont parfois commises… On
en voit aux informations.
B : Que savez-vous de ces pathologies ?
G : Les malades tombent dans la maladie souvent à cause des drogues. Ils ne parlent pas
beaucoup, ils peuvent être agressifs, déprimer facilement. Ce n’est pas forcément facile
de les [dis] cerner.Ca doit venir de ça les troubles de leur personnalité. Il y a
certainement plus de schizophrènes dans les rues que ce que l’on croit.
B : Avez-vous déjà pris en charge un patient considéré comme « fou » dans votre
service ?
G : oui j’ai déjà pris un patient schizophrène en charge. Même plusieurs.
B : Avez-vous ressenti des émotions particulières à leur contact ?
G : Tu dois faire attention à ce que tu dis pour ne pas les vexer.
Entretien 1
Bastien : Pensez-vous qu’il existe des prises en charge de patients plus compliquées que
d’autres ?
T : Dans ma carrière, j’ai été confronté à certaines difficultés avec quelques patients.
B : Avec quels sortes de patients avez-vous eu des difficultés ?
T : J’ai rencontré des problèmes avec un jeune homme qui refusait une prise de sang
vis-à-vis de son ethnie (= religion), il était témoin de Jéhovah.
B : Avez-vous eu des difficultés avec des patients psychotiques ?
T : Oui, plusieurs fois… Je me souviens d’une fois, un patient schizophrène. Il n’était
pas très bien, soit il était malheureux, soit il était très « speed ».
B : Vous voulez donc dire que la patient alternait des périodes de joie avec des crises ?
T : Oui
B : Vous vous rappelez de sa pathologie ?
T : Oui, il était schizophrène.
B : De quelle façon vous y êtes-vous prise pour évaluer sa composante psychologique ?
T : Justement, c’était compliqué, il fallait beaucoup de temps pour le calmer pour faire
son pansement.
B : Pour vous, évaluer son état psychologique est donc important ?
T : Oui, il faut que le patient se sente bien pour qu’il soit coopérant aux soins.
B : Vous disposez d’outils particuliers pour évaluer cet état psychologique ?
T : Non, il n’y a pas de moyens. Pas à ma connaissance. On le voit si le patient va bien
ou pas.
B : Pouvez-vous accorder autant de temps aux soins techniques qu’aux soins
relationnels avec les patients psychotiques ?
T : Oui, c’est primordial pour garder un bon contact avec le patient. Mais ce n’est pas
facile, car en ce moment, certaines de mes collègues sont en arrêt maladie. Il faut rester
honnête, c’est compliqué.
B : Vous pensez, en ce moment, ne pas avoir le temps d’accorder autant de temps aux
soins techniques qu’aux soins relationnels ?
T : Oui, c’est très compliqué.
B : D’autant plus avec une personne psychotique selon vous ?
T : Oui. C’est vrai. Surtout que même si nous sommes polyvalents, personnellement, je
n’ai pas forcément les connaissances sur la schizophrénie pour les prendre en charge.
B : Et comment vivez-vous la prise en charge d’un patient « étiqueté psy » ?
T : ça m’inquiète toujours, à cause du fait que j’ignore comment faire pour être efficace.
B : Il n’y a pas de formations ?
T : Non, pas pour ça. Du moins, on ne me l’a jamais proposé. Souvent, les médecins les
renvoient vite.
B : Ils les renvoient vite ? Vous voulez dire plus vite qu’un patient venu pour la même
pathologie ?
T : Non, pas plus vite, mais il est vrai que nous sommes contents quand ils peuvent
sortir.
B : Contents ? Est-ce que, quelque part, avez-vous peur de ces patients ? Par exemple, le
patient dont vous m’avez parlé tout à l’heure ?
T : Ce n’est pas très professionnel, mais c’est vrai que je ne suis pas rassurée. J’avais eu
une mauvaise expérience en psychiatrie quand j’étais étudiante, et ça m’a laissé des
séquelles. Heureusement que je n’étais pas toute seule. Et quand j’ai lu son dossier [ au
patient ], j’ai encore plus paniqué.
B : Bénéficiez-vous d’une aide extérieure pour la prise en charge ?
T : Seulement une psychologue.
B : Il n’y a donc pas d’équipe mobile de psychiatrie qui vous aide ?
T : Non, il n’y a pas d’équipe mobile.
Entretien n°2
Bastien : Pensez-vous qu’il existe des prises en charge de patients plus compliquées que
d’autres ?
L : Tout dépend de la pathologie du patient.
B : Avec les patients psychotiques, par exemple ?
L : En effet, oui ! Surtout dans ce service !
B : Pourquoi dans ce service ?
L : Eh bien, ce n’est pas un service de psychiatrie ici.
B : Oui, mais vous avez déjà pris en charge des patients psychotiques ?
L : Oui, il y’en a tellement…
B : il y en a tellement ? Vous définiriez ces patients de quelle façon ?
L : C’est compliqué comme question… Ils sont fous, ils voient des choses que l’on ne
voit pas, ils se prennent pour plusieurs personnes et sont souvent seuls. D’ailleurs, c’est
compliqué de leur parler.
B : Vous connaissez des pathologies spécifiques aux patients psychotiques ?
L : La schizophrénie par exemple ?
B : Vous en connaissez d’autres ?
L : Je n’en vois pas d’autres.
B : Vous m’avez dit que vous aviez déjà eu plusieurs patients psychotiques dans votre
service. Vous ne voyez pas d’autres pathologies ?
L : Je pense qu’ils étaient tous schizophrènes. De toute façon, c’est toujours la même
chose avec les fous, ils prennent des gouttes pour les calmer.
B : Les traitements sont plus diversifiés que cela. Par ailleurs, comment évaluez-vous
l’état psychologique du patient « étiqueté psy » à celui du patient névrosé ?
L : C'est-à-dire ?
B : J’ai dû mal m’exprimer. Est-ce que la sphère psychologique du patient psychotique
présente un intérêt particulier ?
L : Normalement, oui, mais personnellement, je n’ai pas le temps de faire mes soins et
de faire le travail d’un psychiatre. Je n’ai pas suivi les études pour.
B : Vous aviez eu des cours à l’ifsi durant vos études, non ?
L : Oui, mais c’est loin ! Et puis, entre les cours et « l’application en situation réelle », il
y a une sacrée différence.
B : Donc, vous dîtes que vous n’avez pas le temps pour vous occuper à la fois des soins
techniques et de l’évaluation de l’état psychologique du patient psychotique. Vous le
vivez mal ?
L : Non, pas mal … C’est comme ça…
B : Mis à part les cours à l’institut, vous aviez eu des formations spécifiques ?
L : Vous savez, les formations… Elles se demandent, mais de mémoire, je n’en ai vu
aucune concernant la prise en charge des patients psychotiques.
B : Vous savez pourquoi ?
L : Ce n’est pas intéressant pour de la chir[urgie]. Et puis, c’est tellement complexe
qu’il faut être spécialisé pour faire du bon travail.
B : Que ressentez-vous au contact de ces patients ?
L : Ils ont souvent une triste histoire de vie. Et puis souvent, il y a des affaires de
drogues, d’alcool, un milieu social difficile.
B : Cela vous fait peur ?
L : Non, mis à part ceux qui sont violents.
B : Vous avez déjà été violenté par un patient psychotique ?
L : Non, jamais, mais je m’en inquiète. Je pense que c’est humain comme sentiment.
B : Vous avez donc peur de quelque chose qui n’est pas arrivé ?
L : Quelque part c’est vrai, mais on voit tellement de choses.
B : Tellement de choses ?
L : Oui… à la télé, aux informations…
B : Il existe un suivi psychiatrique par une équipe mobile ?
L : Non, mais ça nous arrangerait bien. Eux seraient compétents à prendre en charge ces
patients, et éviter la rupture de soins concernant leurs problèmes psy[chiatriques].
Entretien n°3
Bastien : Existe-il des prises en charge de patients plus compliquées que d’autres ?
D : Oui, certaines prises en charge sont compliquées.
B : Les prises en charge de quels patients ?
D : Ceux qui ont des pathologies incurables, ou vous savez pertinemment que le patient
n’a aucune chance de s’en sortir, tout ce qui est pathologies cancéreuses, les patients qui
arrivent dans un état d’altération générale sévère.
B : Est-ce que pour vous, les pathologies psychiatriques sont des prises en charge
compliquées ?
D : Elles en font partie, oui.
B : Pourquoi sont-elles, selon-vous, compliquées ?
D : Les patients présentant ces troubles sont compliqués à prendre en charge. C’est
peut-être dû que les infrastructures ne correspondent pas à leur pathologie quand ils
décompensent.
B : Et vous, quelles difficultés ressentez-vous ?
D : Mis à part les infrastructures ?
B : Oui
D : L’accueil est spécialisé au service de médecine, il n’y a pas de prise en charge
adaptée pour un patient psychotique.
B : De quelle manière définissez-vous le patient psychotique ?
D : Ce sont des patients qui présentent une altération de leur personnalité et qui peuvent
décompenser à n’importe quel moment si leur traitement n’est pas adapté ou s’ils
refusent de le prendre. Comment obliger un patient à prendre son traitement s’il ne veut
pas ?
B : Qu’entendez-vous par altération de la personnalité ?
D : Le dédoublement de la personnalité des patients psychotiques. Ils peuvent être
« gentils », puis au moment où on s’y attend le moins, s’énerver alors qu’il n’y a pas eu
d’évènements particuliers. C’est très déstabilisant.
B : Cela vous inquiète quand vous prenez en charge un patient psychotique ?
D : Qu’il décompense ?
B : Oui, en cas de décompensation du patient ?
D : Oui
B : Pourquoi ?
D : Et bien, que cela peut survenir à n’importe quel moment.
B : A quelle pathologie est, selon vous, reliée à ce que vous m’avez expliqué ?
D : A la pathologie psychotique.
B : Pas une autre pathologie spécifique ?
D : Eh bien, tous les patients psychotiques décompensent. Du moins, ils peuvent
décompenser.
B : Si je vous dis « patient psychotique » entre guillemets, vous pourriez me dire une
pathologie qui pourrait être associée ?
D : Le schizophrène ?
B : Par exemple oui. Evaluez-vous plus intensément la sphère psychologique du patient
« étiqueté psy » que celle d’un patient névrosé ?
D : étiqueté psy ?
B : Oui… le patient psychotique
D : Je ne suis pas sûre d’avoir compris, mais je pense que non. Névrosé, vous voulez
dire un patient normal.
B : Si votre définition du patient névrosé est la normalité, oui.
D : Normalement, on devrait, mais pour ça, il faudrait déjà être en nombre.
B : J’allais vous demander si vous pouviez accorder autant de temps aux soins
techniques qu’aux soins relationnels avec ces patients, mais je devine la réponse.
D : Oui, c’est très compliqué, pour une histoire de temps. Et puis, ils sont compliqués à
comprendre. C’est peine perdue.
B : Comment vivez-vous la prise en charge de ces patients au sein de votre service de
médecine ?
D : Mal. On fait notre travail, on surveille, mais on sait qu’on ne fait pas notre travail à
100%.
B : Vis-à-vis des patients psychotiques ?
D : Non, vis-à-vis de la prise en charge ici.
B : Vous avez des affects spécifiques vis-à-vis de ces patients ? Vous m’avez parlé tout
à l’heure que ça vous inquiétait les patients qui changeaient d’humeur facilement.
D : Oui, ça m’inquiète.
B : Au point de vous faire peur ?
D : Oui
B : Vous avez eu des formations spécifiques à ce type de patients ?
D : Non, aucune.
B : Et à l’institut de formation ?
D : Oui, à l’institut, mais très superficiellement. Il faut de l’expérience sur le terrain
pour pouvoir gérer la situation.
B : En général, sont-ils renvoyés plus rapidement du service ?
D : Les patients viennent pour une pathologie, ils sont traités pour, donc ils ne sortent
pas plus rapidement du service qu’un autre patient.
B : Vous m’aviez dit tout à l’heure que vous n’étiez pas aidés par une aide extérieure ?
D : Non, pas d’aide.
B : Et la psychiatrie de liaison ? Existe-il un suivi lors de leur hospitalisation ?
D : Non plus.
Entretien n°4 :
Bastien : Existe-il des prises en charge de patients plus compliquées que d’autres ?
V : Il y a toujours des prises en charge compliquées. Par exemple, dernièrement, un
patient n’était jamais content, il pensait que tout lui était dû. Il sonnait en permanence…
ça use !
B : Est-ce que les patients psychotiques font partie de ces prises en charge plus
compliquées que d’autres ?
V : Ah oui ! Les fous n’arrangent rien !
B : Comment définissez-vous les patients psychotiques ?
V : Ils viennent souvent d’un milieu social défavorisé, se droguent très souvent,
probablement pour oublier leur mal. Ca les rend agressifs, et pas forcément adhérant
aux soins. Ils ne parlent pas, ou alors de façon discontinue. Les patients peuvent avoir
plusieurs personnalités.
B :A quelle pathologie est reliée, selon vous, cette pathologie ?
V : Il y a plusieurs pathologies dans la psychose, après, elles se ressemblent toutes.
B : Vous avez un exemple de pathologie ?
V : Les troubles de décompensation, la schizophrénie, les psychoses maniaco-
dépressives… je ne vois que celles-là.
B : Quand vous recevez un patient psychotique dans votre service, évaluez-vous plus
intensément la sphère psychologique du patient psychotique que celle du patient
névrosé ?
V : Non. Je n’en vois pas l’intérêt.
B : Pourquoi, selon-vous, il n’y a pas d’intérêt ?
V : Tous les patients viennent pour se faire soigner, ce n’est pas de notre ressort. Il
existe des infrastructures pour soigner ces gens.
B : D’accord. Sinon, comment vivez-vous la prise en charge d’un patient psychotique
au sein de votre service ?
V : Comme celle d’un autre patient, même si cela est compliqué, comme je vous l’ai
expliqué tout à l’heure.
B : Vous m’aviez dit que certains patients étaient agressifs. Vous avez déjà subi des
violences ?
V : Jamais, mais je ne sais jamais à quoi m’attendre.
B : Vous voulez dire que vous avez peur de la violence potentielle du patient ?
V : En quelque sorte, oui.
B : Vous avez eu des formations concernant la prise en charge des patients
psychotiques ?
V : Non. Les cours de l’école, mais dans le service, aucune formation ne nous a été
donnée.
B : En général, est-ce que la durée d’hospitalisation des patients psychotiques est
inférieure ou égale à celle des patients névrosés ?
V : Je n’ai jamais fait attention à ça. Ils restent le temps qu’ils doivent rester pour se
faire soigner.
B : Ils ne sortent donc pas prématurément. Pour vous faire aider, est-ce que une équipe
mobile existe pour la prise en charge des patients psychotiques ?
V : Quand ils sont suivis à l’extérieur ?
B : Oui
V : Non, je n’ai jamais vu une quelconque équipe venir pour s’assurer de la continuité
des soins psychiatriques.
Entretien n°5 :
Bastien : Existe-t-il des prises en charge plus compliquées que d’autres ?
H : Etant infirmière, je dois m’adapter à chaque situation, même si elle est nouvelle.
Dans votre cursus, vous verrez que vous devrez vous adapter en permanence. Donc non,
il n’y a pas de prise en charge compliquée.
B : Et avec les patients psychotiques ?
H : Je n’ai jamais eu de problèmes avec eux. Il faut savoir rester calme et coopérant
avec le patient.
B : Comment définissez-vous les patients psychotiques ?
H : J’avais reçu des leçons sur la schizophrénie à l’école d’infirmière. D’après mes
souvenirs, ce sont des patients qui ont des délires mystiques avec plusieurs
personnalités.
B : C’est la façon dont vous définissez les patients psychotiques ou les patients
schizophrènes ?
H : Les deux.
B : D’accord... Est-ce que vous évaluez plus intensément la sphère psychologique du
patient psychotique que celle du patient névrosé ?
H : Bien sûr ! Il est important que le patient psychotique se sente bien « dans ses
baskets » pour que l’on puisse lui prodiguer de bons soins.
B : De quelle façon vous y prenez-vous ?
H : Il n’y a pas de façon spécifique de faire, éviter d’énerver le patient schizophrène,
aller dans son sens.
B : Eviter de l’énerver ?
H : Oui, éviter de le faire « monter ».
B : C'est-à-dire ?
H : Ne pas énerver le patient lors de sa prise en charge.
B : Concernant le patient schizophrène et le patient psychotique ?
H : Oui.
B : Pouvez-vous accorder autant de temps aux soins techniques qu’aux soins
relationnels avec ces patients ?
H : Bien entendu ! Ils sont aussi importants l’un que l’autre. Ceux qui vous diront
qu’ils n’ont pas le temps, c’est qu’ils ne souhaitent pas le faire.
B : Comment vivez-vous la prise en charge d’un patient psychotique au sein de votre
service ?
H : Il n’y a pas de différences fondamentales avec les autres patients.
B : Vous avez eu des formations spécifiques à ces pathologies psychiatriques ?
H : Mis à part en cours, non. Et puis, quel serait l’intérêt ?
B : Et bien, prendre en charge de façon optimale le patient psychotique, mais j’ai
comme l’impression que nos avis divergent. Vous m’avez dit tout à l’heure que vous
cherchiez à « ne pas faire monter le patient » ni à l’énerver : avez-vous des affects vis-à-
vis de ces derniers ?
H : Non, pour moi, il est comme un autre patient.
B : Si vous cherchez à ne pas faire monter le patient, c’est que vous avez peur de ses
réactions ?
H : Je n’ai pas peur de ces patients, ils sont comme les autres.
B : Vous m’avez dit tout à l’heure que vous cherchez à ne pas l’énerver, il n’y a pas de
raisons à cela ?
H : Le protéger contre lui-même.
B : Si vous souhaitez les protéger contre eux-mêmes, vous les surveillez tous ?
H : C'est-à-dire ?
B : Par rapport à leur traitement, par exemple.
H : Non, pas spécialement. S’il fallait surveiller que chaque patient prenne son
traitement, on ne s’en sortirait plus. Je fais donc confiance aux patients, y compris aux
patients psychotiques.
B : Vous voulez dire quoi par « on ne s’en sortirait plus »
H : Il y a des choses auxquelles il faut faire confiance aux patients.
B : Vis-à-vis de l’observance des traitements, par exemple ?
H : Oui. Comme je vous l’ai dit, il faut montrer que l’on a confiance dans les patients.
B : Est-ce que les patients psychotiques sortent prématurément du service pour la
continuité de leur suivi psychiatrique ?
H : Non, ils sont hospitalisés pour une cause somatique, mais ils repartent dans leur
service d’origine par la suite.
B : Existe-t-il une équipe mobile de psychiatrie pour prendre en charge ces patients
durant l’hospitalisation ?
H : Non, je n’ai jamais vu ça. Par contre, l’équipe pluridisciplinaire est assez
compétente pour maîtriser la situation. Il y a une psychologue qui peut aider les patients
qui en ressentent le besoin.
Entretien n°6 :
Bastien : Existe-t-il des prises en charge compliquées ?
G : Oui, forcément
B : Auprès de quel type de patient ?
G : ça dépend de sa pathologie, de son état. Ça peut être difficile auprès d’un patient
psychotique. Il faut faire attention à ne pas être agressif, c’est une prise en charge qui
demande beaucoup plus de temps, d’où la difficulté.
B : Comment vous définissez le patient psychotique ?
G : C’est un patient qui a une altération de la réalité, mais il n’y aura pas de soucis s’il
est bien équilibré. D’une façon générale, le patient psychotique, c’est le fou, c’est le fou,
c’est tout. Il peut entendre des voix, il peut avoir une altération de tous les sens. C’est le
fou, entre guillemets, mais avec un grand F, la définition que tout le monde donnerait.
Dans les manifestations, ils ont un dédoublement de la personnalité, une agressivité
grandissante, ils ont des hallucinations. Je repense à une schizophrène qui était mal
équilibrée, et qui était dangereuse.
B : Est-ce que vous évaluez plus intensément la sphère psychologique du patient
psychotique que celle du patient névrosé ?
G : disons que l’on va plus arrondir les angles, on va « mettre de la pommade avant
d’arriver », on est toujours plus vigilantes.
B : est-ce que vous pouvez accorder autant de temps aux soins relationnels qu’aux soins
techniques ?
G : En général ? Honnêtement, non. Autant être clair. On ne peut pas se permettre avec
toutes les restructurations de personnel. On essaiera de prendre du temps, mais nous ne
sommes pas seuls. L’entretien d’aide peut être fait aussi bien par une infirmière, qu’une
aide-soignante ou une ASH. On a 16 lits fois 2, soit 32 lits, et on privilégie les lits de
soins palliatifs. Dans tous les cas, même si on est formé, avoir la bonne réponse au bon
moment n’est pas forcément évident.
B : De quelle manière vous vivez l’hospitalisation d’un patient psychotique ?
G : Quand ils pètent les plombs, on est désemparées, on en arrive à des attaches et des
sédations. Il y a des psychiatres qui passent dans le service quand c’est difficile. Ce sont
des patients à risque dans un milieu à risque, il peut très bien « péter une fenêtre » et
sauter, mais on peut perdre facilement le contrôle de la situation. Il y a une soignante
qui s’est fait attaquer au pic à perfusion.
B : Avez-vous déjà eu des formations spécifiques ?
G : Juste par rapport à l’agressivité, mais ce n’est pas spécifique à la pathologie. C’est
un sentiment d’échec que l’on peut ressentir, nous ne sommes pas forcément aidées par
les médecins qui les voient 5 minutes par jour dans un moment de calme. On attend
souvent le transfert vers un service spécialisé. On peut facilement péter les plombs avec
ce genre de patients.
B : Avez-vous d’autres affects ?
G : La peur, le sentiment d’échec, mais certains n’ont pas de manifestations
d’agressivité, ils nous font rire.
B : Ces patients sont renvoyés plus rapidement ?
G : Tout dépend s’ils sont stabilisés sur le plan somatique. On règle ce qui motive
l’hospitalisation.
B : il y a une équipe mobile au sein du service même ?
G : Ce qui pourrait surtout nous aider, sans aucune arrière-pensée, c’est… les hommes.
L’image masculine virevolte dans la tête des gens. Quand il y a des étudiants
infirmiers, c’est « Bonjour Docteur » ; la femme est une infirmière, l’homme est un
médecin. Quelque part, ça rétablit une situation, mais pas dans tous les cas.