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Page 1: Le déterminisme social naît à l’école

vendredi 18 février 2011 LE FIGARO

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OPINIONSLES BLOGS Laurent Suply

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Marie-France CalleBLOG.LEFIGARO.FR/INDE/

NAMASTE§ SALAM!

La priorité est à la question agricoleneutralité : d’ailleurs, dans la liste évoquéeplus haut, nombre de produits comme leriz, le beurre, la viande bovine ou le poivrene possèdent pas – à l’échellemondiale –demarché financier représentatifet se trouvent de facto ignoréspar les grands indices qui concentrentla plus grande partie de la spéculationfinancière sur lesmatières premières.

Ce que lesmarchés constatentaujourd’hui, c’est la négligencedont a été victimependant des décenniesl’agriculture dans de très nombreux paysendéveloppement, c’est le recul

d’une certaine formede productivismealorsmêmeque, du fait de la croissancetant démographique qu’économique,les besoins alimentaires ne cessaientd’augmenter.

Aujourd’hui, les équilibres des bilansmondiaux sont tellement précaires

que lesmarchés sont à lamerci dumoindreaccident climatique, surtout lorsquecelui-ci affecte un grandpays exportateurcommece fut le cas en 2010 et 2011avec le Canada, la Russie, l’Australieet l’Argentine pour les céréaleset les oléagineux. Au-delà des tensionsdu court terme, lemessage que nous

adressent lesmarchés par le biais de ceshausses de prix est simple et de bon sens :les déséquilibres alimentairesmondiauxsont là pour durer. Et, commed’habitude,ce sont les plus pauvres qui souffrent.

Ces hausses de prix ont en effetprovoqué deux types de réactions suivantles pays : des crises politiques pour les uns,des tensions inflationnistes et des débatssur les prix et lesmarges pour les autres.Pour les premiers, on paie là le résultatde décennies demal gouvernance etd’abandondes politiques agricoles au nomdu libéralismemal digéré des institutions

deWashington (Fondsmonétaireinternational et Banquemondiale).

Espérons seulement que l’indignationinternationale puisse se traduire en espècessonnantes et trébuchantes pour financerle développement agricole de tous ceuxqui en ont besoin, et lemodèlede la politique agricole européenne (la PACdans sa première version, celle des années1960) est probablement le plus pertinentpour les pays les plus pauvres.

Dans les pays développés, et surtouten Europe, la hausse des prix agricolesprovoque d’autres tensions, à l’intérieurdes filières elles-mêmes et jusqu’auconsommateur. Avec la disparition

des« vieilles » politiques agricolesde stabilisation desmarchés et des prix,c’est presque la première fois depuisles années 1950 que se pose la questionde la transmission de l’instabilité agricoleaux produits alimentaires.

Dansunpays comme la France,ces hausses font surtout éclater

au grand jour lemalaise existant presqueà tous les stades des filières industrielleset commerciales, l’absence de confianceentre les acteurs et le climat délétèrequi préside auxnégociations de prix.

Les quelquesmois à venir jusqu’àla nouvelle campagne dans l’hémisphèreNord (juillet) resteront très tendus sur desmarchés nerveux,même si on peut penserque la plupart des grands importateurs ont,à l’image de l’Égypte ou de l’Algérie,« couvert » leurs approvisionnements.Ensuite tout dépendra de la production2011-2012, de la situation enRussienotamment, des surfaces ensemencéesenmaïs ou en soja aux États-Unis,du climat et des hommes unpeupartout.Souhaitons que la campagne à venirpermette de reconstituer les stocksdes grands exportateurs et que lesmarchésrelâchent donc leur pression.Maissouhaitons aussi que 2011 ne passe pas à latrappe aussi vite que 2008, que lemondeune fois de plus n’oublie pas ses paysans.Car, demain – et c’est là notre seulecertitude – lemonde aura encore faim !* Auteur de« Lemonde a faim »,Bourin éditeur

En ce début de 2011, les tensionssont extrêmes sur lesmarchésagricolesmondiaux : les prixdes céréales et des oléagineuxmais aussi du sucre et denombreux produits tropicaux

comme le café, le cacao oumême le poivre,ceux dubeurre ou de la viande bovineaffichent des hausses parfois historiques.La seule exceptionnotable à cetemballement des cours est le riz.Sur nombre demarchés,et notamment ceux des« grains » (blé,

maïs, soja), la situation estmêmeinquiétante et onne peutexclure de nouvelles haussesdurant les prochainsmois.En ce sens, les autoritéspolitiques ont raisond’alerter l’opinion publique

mondiale et il faut saluerla décision française de faire de laquestion agricole et alimentaireundes thèmesmajeursde sa présidence duG20.

Disons-le tout net,la spéculation–dans sa dimensionfinancière –n’a jouéqu’un rôle secondaire

dans cette crise,contrairement

à ce qu’affirment certains.Depuis les années 1930, toutesles études académiquesréalisées sur le rôle de laspéculation ont conclu à sa

Philippe Chalmin*

À la veille de l’ouverturedu Salon de l’agriculture,l’économiste,professeur à l’universitéParis-Dauphine,explique pourquoiles déséquilibresalimentairesmondiauxvont durer.

sexué. Examinons plutôt lemouvementque les « styles »masculin et fémininimpriment à notre culture.Le style féminin devient unmodèle

parce que notre culture a dumalavec les « valeurs » traditionnellesdu stylemasculin, comme l’autoritéet le sens du conflit. Le sexemasculinfut le sexe de référence. Il l’est encore,d’unemanière détournée : plus quela féminisation de la société, c’estla récusation d’une figure dumasculindont il s’agit. Cette récusationest d’ailleurs portée par les hommesqui ont institué un partage du pouvoir.« Ils » sont encore aux «manettes »dans les entreprises et en politique,alors qu’« elles » investissent certainesprofessions (médecine, justice)et que les familles deviennentclairement « matricentrées ».

Dans l’univers de l’entreprise,certains auteurs relatent

l’émergence dumanagement de typeféminin,mettant en avant une éthiquede persuasion, de discussion, voirede compassion.Mais ces valeurssontmises en place par un encadrementlargementmasculin. Nous fuyonsles hiérarchies explicites, les décisionspyramidales : le style féminin est appelé à

la rescousse d’un pouvoir qui se veut plussubtil et d’une agressivité qui se souhaiteplus oblique. Onmet au centre la capacitéd’initiative, la flexibilité de l’employé.On se veut écoutant. Mais la pressiondemeure forte, et la conduite des projetss’avère de plus en plus complexe, puisqueles différents niveaux d’implicationset de responsabilités s’entrecroisent.Ce recours plusmarqué au « style »

féminin concerne aussi la politique,univers encore largementmasculin.L’intérêt deMartine Aubry, critiquécependant dans les rangs du PS,pour la philosophie du « care » se situedans la lignée de ces « valeurs »féminines de proximité des personnes,de sollicitude, de « réparation » dumonde.De plus en plus sensible à un universrisqué, notre culture politique intègredes aspectsmaternants : il s’agitd’œuvrer « à l’intérieur » dumonde,de ranimer un corps social asthénique,plutôt que de tenter de le projeter enavant, dans un progrès auquel nul ne croit.

Derrière cet habillage constitué par laféminisation paradoxale dumonde social,ne trouve-t-on pas en fait une crise de laresponsabilité, longtemps accaparée parles hommes d’unemanière hiérarchique,explicite, parfois écrasante ? La familleest le siège desmêmes symptômes

que la politique et lemonde du travail :les parents prônent un discours libéral,se refusent à une position autoritaire,maisexercent une pression subtile, souventséductrice, voire un chantage affectifpour arriver quandmême à leur fin.Nous sommes tous, hommes et femmes,soucieux d’expression, de sensibilitéet désireux d’être entendus et reconnus.Mais sommes-nous désireux de nousexposer, d’assumer nos responsabilitéset d’en payer le prix, devant nos proches,nos enfants, nos collaborateurs ?

Les plus jeunes, les plus exposés à lacompétition sociale, n’ont plus en face

d’eux des autorités claires, vis-à-visdesquelles ils peuvent se situer et exercerd’éventuels recours, et ne bénéficient pastoujours d’interlocuteurs consistants.Cette fuite de la responsabilité, et cetteouverture générale du parapluie du discoursde précaution, entraîne ainsi l’inflationde la recherche juridique des responsables,dans les petites affaires de nos vies commedans les grands scandales qui secouent notremonde.Mais aucun jugement ne pourraréinstituer le sens de la responsabilité !* Enseigne à l’Institut catholique de Lilleet au Collège des Bernardins(1) Enquête Ifop pour « Famille Chrétienne »demi-janvier 2011.

Une enquête récente dépeintl’opinion des Françaisquant à la « féminisation »de la société (1). Le débatsur le « genre », c’est-à-dire sur les représentations

sociales de la différence sexuelle, est vifaujourd’hui. D’un côté, nous pensonsque les hommes et les femmes doiventavoir une égalité de place dans la société,mais, d’un autre côté, nous continuons ànourrir le débat sur les « valeurs »masculines ou féminines. Nouspercevons que la sexuation, si elles’exprime dans des formes culturelles

très différentes, est une réalitéirréductible. L’expériencede la grossesse, par exemple, asuscité une« culture » d’attentionet d’accueil qui fait partie del’héritage féminin. Le géniehumain est cependant liéà cette puissance de la cultureintégrant, et transformant,les faits de nature.Abandonnonsdonc les débats,indécidables, quitenteraient dediscerner ce quiserait gravé dans lemarbre du corps

La société se féminise-t-elle ?

« Ces hausses ont provoqué des crises politiquespour les uns, des tensions inflationnistes et des débatssur les prix et les marges pour les autres»

Jacques Arènes

Pour le psychanalyste*,le soi-disantmodèleféminin de la sociétéest avant toutune récusationdes « valeurs »traditionnellesdu stylemasculin.

DESSINSDOBR

ITZ

Le déterminisme social naît à l’école

L e Conseil d’analysestratégique vientde souligner que la Franceavait l’un des plus faiblestaux d’encadrementdes élèves du primaire

et du supérieur parmi tous les paysde l’OCDE. Cette étude vient conforterce que nombre de rapports

ont déjà montré : la qualitéde l’enseignement se dégrade

en France. En outre,les comparaisonsinternationales le disentclairement : cesmauvaises performancessont moins une questiondemoyens que derépartition desmoyenset d’organisation.L’émotion soulevée

par ces informationsn’est pas un hasard.L’opinion publique sentbien qu’il se noue là

quelque chose de dramatique pourl’avenir de notre société. Un sujetqui a à voir avec notre prospérité futureet notre cohésion sociale.En effet, l’économie contemporaine

est secouée par deux chocsmassifs :la percée des pays émergentset l’accélération du progrès technique.Or les territoires comme les personnesqui tirent leur épingle du jeu sont ceuxqui ont les capacités de bénéficierde cet environnement spécifique,à la fois mouvant, plein d’opportunitéset incertain. Disons-le clairement :la nature du capitalisme favorise lesindividus qui sont les mieux qualifiés.

Certes, il a toujours été plus simplede s’insérer sur le marché du

travail quand on était diplômé.Mais ce qui était vrai dans les années1970 l’est bien plus aujourd’hui.En 1978, la différence entre le taux dechômage des personnes non diplôméesou seulement titulaires du brevet

des collèges et le taux de chômagede l’ensemble de la populations’élevait à 5,5 points. En 2009, l’écartse montait à près de 30 points !Le taux de chômage des non-diplômésest quasiment de 50% ! Autant le dire :les non-diplômés ont aujourd’huiune probabilité très faible de trouverun emploi. À ce titre, les 165 000 élèvesqui sortent du système scolaire chaqueannée quasiment sans diplôme (et quiforment avec le temps des bataillonsde plusieurs millions d’individus !) sontenvoyés au casse-pipe par la société.Il faut donc considérablement

améliorer la formation et le niveaude qualification de la population denotre pays. Mais la formation au senslarge : la vraie formation tout au longde la vie, sans découper la formationen formation initiale et continue, sansvouloir privilégier l’enseignementsupérieur sur l’enseignementsecondaire. Car être formé ne signifiepas disposer à 20 ans des compétences

les plus pointues dans un domaineprécis. Être formé, cela signifieen premier lieu savoir lire et écrire,et s’exprimer correctement. Et c’estjustement le rôle des écoles maternelleet primaire. Les économistes abordentpeu ces sujets. Les syndicats patronauxnon plus, jugeant plus important detenter de régler nos déficiences enmatière d’enseignement supérieur etde formation continue. Erreur funeste.

L’école confère des forceset des faiblesses que les individus

portent tout au long de leur vie.C’est un vrai déterminisme socialqui naît dans nos écoles. Une vraiepolitique de cohésion sociale,une politique capable de remédierau chagrin des classes moyennes,c’est l’accent mis sur l’éducation,avant la fiscalité ou la façon de sortirdes 35 heures.*Vient de publier «Le Chagrin des classesmoyennes», JC Lattès.

Nicolas Bouzou

Selon le directeur fondateurd’Asterès*, la faiblessede l’encadrementdes élèves du primairepénaliseles classesmoyennessur le marchédu travail.

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