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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 4 319

L U P O U R V O U S

Sous la direction de Catherine Spielvogel

Peut-on placer un cathéter péridural chez unpatient anesthésié ?

Horlocker TT, Abel MD, Messick JM, Schnoeder DR. Small risk

serious neurologic complications related to lumbar epidural catheter

placement in anesthetized patients. Anest Analg 2004;96:1547-52.

Le point de savoir si la mise en place d’un cathéter péridu-ral chez un patient anesthésié est possible reste controverséet fait l’objet de débats passionnés. Le risque allégué decette pratique est de méconnaître un signe d’alarme quitraduirait une lésion médullaire ou radiculaire, expriméseulement par le patient éveillé. Ce raisonnement s’appuienotamment sur l’analyse des cas compliqués, qui retrouvela notion de paresthésies ou de douleurs dans un certainnombre de cas. L’équipe de la Mayo Clinique a rassemblédes données provenant de 4 298 patients qui ont tous béné-ficié de la mise en place d’un cathéter péridural lombaireutilisé pour l’analgésie post-opératoire. Tous ces cathétersont été insérés après l’induction anesthésique et laissé enplace sur une durée moyenne de 2,4

± 0,8 jours. Aucunpatient n’a présenté de complication neurologique à la suitede cette procédure.

Ces résultats appellent plusieurs commentaires :

1 — ils viennent à l’appui de travaux effectués en pédiatriequi montrent que la pratique de rachianesthésie ou d’anes-thésie péridurale sous anesthésie générale peut être consi-dérée comme acceptable, en effet Elisabeth Giaufre qui aeffectué une enquête nationale en France a montré quesur 24 409 blocs sous anesthésie générale, aucun n’a donnélieu à des séquelles neurologiques. Chez l’enfant, cette pra-tique n’est pas contestée car on estime que le risqueencouru par la ponction chez un patient éveillé est supé-rieur. (Giaufre E, Dalens B, Joubert A. Epidemiology andmorbidity of regional anesthesia in children: a one yearprospective survey of the French — language Society ofPediatric Anesthesiologiste. Anesth. Analg 1996;83:904-12).

2 — même si l’analyse d’un certain nombre de complicationsneurologiques fait apparaître la survenue de paresthésies oude douleurs à l’injection, d’une part ces risques ne sont pasretrouvés constamment, d’autre part, dans les cas considé-rés, leur survenue n’a pas empêché la constitution de lacomplication. L’information utile serait donc de savoir sila survenue de paresthésie a conduit à modifier le gesteanesthésique et si cette modification a permis d’éviter une

complication. Autant dire que ce raisonnement est impossibleà vérifier.

3 — la série de Horlocker et coll. même si elle est impres-sionnante, est bien en dessous du seuil nécessaire pourconclure définitivement à l’innocuité de cette pratique. Eneffet le risque de complication neurologique grave aprèsbloc central est de l’ordre de 1/10 000. Tout au plus peut-on conclure à partir des données de la Mayo Clinique quela mise en place de cathéter péridural sous anesthésiegénérale n’augmente pas de façon dramatique le risque decomplication.

Quelle doit donc être la recommandation ? En se basant surles données précédentes on pourrait recommander quechaque fois que la coopération du patient est acquise et quesa contrainte n’est pas excessive il est préférable d’effectuerle geste chez un patient éveillé. Occasionnellement il peuttoutefois être effectué chez un patient anesthésié lorsqueles conditions précédentes ne sont pas remplies.

Francis BONNET

Hôpital Tenon, Paris.

Les AINS sont les antalgiques de la crise decolique néphrétique

Holdgate A, Pollock T. Systematic review of the relative efficacy of

non-stéroidal anti-inflammatory drugs and opioids in the tretment

of acute renal colic. Brit Med J 2004;326:1041-7.

La crise de colique néphrétique constitue une urgencetypique qui est prise en charge le plus souvent au domi-cile du patient et parfois en hospitalisation. Leur fré-quence est de l’ordre de 15 pour 10 000 sujets et laprobabilité de survenue au cours d’une existence est del’ordre de 2 à 5 %. Les traitements antalgiques proposéssont soit les anti-inflammatoires non stéroidiens, soit lesopiacés. Certains y ajoutent des antispasmodiques dontl’efficacité n’est pas démontrée. L’augmentation de pres-sion dans l’uretère est à l’origine d’une synthèse locale deprostaglandines sous l’effet d’une expression accrue descyclo-oxygénases de type 2. Les prostaglandines contri-buent à entretenir le spasme de l’uretère dont ellescontractent le muscle lisse. Les AINS ont donc un pointd’impact spécifique qui expliquerait leur relative effica-cité. Le but de cette méta-analyse a été de comparer l’effi-cacité des AINS et celle des opiacés dans cette indication.

Le praticien en anesthésie-réanimation, 2004, 8, 4320En utilisant les méthodes de recherche et d’évaluation dela qualité des études, habituelles, les auteurs ont identi-fié 20 études prospectives, randomisées, effectuées endouble aveugle qui comparaient AINS et opiacés chez despatients souffrant de colique néphrétique dont le diagnos-tic était confirmé. Mille six cent treize patients étaientinclus sur l’ensemble de ces études effectuées entre 1982et 1999. Cinq différents AINS (indométhacine, diclofenac,ketorolac, tenoxicam, indoprofène) avaient été étudiés etcomparés à 7 différents opiacés (la péthidine étant le plussouvent retrouvée). Les antalgiques étaient administrésdans tous les cas par voie intramusculaire ou intravei-neuse. De façon surprenante, aucune étude ne rapportaitle délai d’action des antalgiques mais en revanche le ris-que de pas obtenir une sadation complète de la douleurétait plus faible dans le groupe AINS [RR 0,87 ; intervallede confiance : 0,74-1,03] et le risque d’avoir recours à unantalgique de « sauvetage » (médication supplémentaireen cas d’inefficacité du produit étudié) était moindre dansle groupe AINS (RR : 0,75 ; intervalle de confiance 0,61-0,93]. Enfin, parmi les effets secondaires, le risque devomissements était inférieur dans le groupe AINS puisquepour 7 patients traités, un de moins présentait des vomis-sements dans le groupe AINS (en d’autres termes il fallaittraiter au moins 7 patients avec un AINS plutôt qu’avecun opiacé, pour éviter des vomissements chez l’und’entre eux). Cette analyse de la littérature confirme laplace des AINS en première intention dans le traitementde la colique néphrétique. Quand on sait que les patientsdont la douleur n’est pas soulagée sont plus fréquemmenthospitalisés, il est probable que la différence de coûtqui s’inscrit au désavantage des AINS, est inversée àleur bénéfice, compte tenu des coûts engendrés par unehospitalisation. ■

Francis BONNET

Hôpital Tenon, Paris.

L’opacification des cathéters périduraux permet-elle d’apprécier l’étendue du bloc analgésique ?

Yokoyama M, Hanazaki M, Fujii H, Mizobuchi S, Nakatsuka H,

Takahashi T, Matsumi M, Mamoru T, Morita K. Correlation between

the distribution of contrast medium and the extent of blockade

during epidural anesthesia. Anesthesiology 2004;100:1504-10.

Le contrôle radiographique de la position d’un cathéterpéridural est communément effectué lorsque l’on cons-tate que l’extension du bloc anesthésique ne correspondpas à ce qui est souhaité. En dehors des cas où ce con-trôle objective une position erratique de l’extrémité ducathéter, il semble difficile de prévoir l’extension du

bloc anesthésique à partir des images observées. C’est latâche à laquelle se sont attelés les auteurs de cet articleà partir d’une série de 90 patients. Le cathéter péridurala été mis en place en position de décubitus latéral en uti-lisant la voie paramédiane. Le cathéter a été avancé de 3-4 cm dans l’espace péridural. L’étendue du bloc a étéapprécié après l’injection de 5 ml de lidocaïne à 1,5 %,paui le jourr suivant le cathéter a été opacifié en injec-tant 5 ml de produit de contraste. Dans cette série depatient, l’extrémité du cathéter était localisée entre C7et L5, en moyenne 1 seul métamère séparait l’évaluationfaite par l’anesthésiste de la position de l’extrémité ducathéter et son contrôle radiographique. L’extensionradiologique était en moyenne de 9,4

± 3,9 métamères àdroite et de 9,3

± 3,9 métamères à gauche, cependant,d’un patient à l’autre, l’extension pouvait varier de5 métamères entre les deux côtés. Lorsque le cathéterétait en position céphalique ou thoracique haute,l’extension se faisait préférentiellement en direction cau-dale et inversement quand il était placé en position tho-racique basse ou lombaire. Une excellente corrélationétait retrouvée entre les constatations radiographiques etl’évaluation clinique du bloc par la piqûre (pin-prick) quis’étendait en moyenne de 7,6 métamères des deux côtés.D’une certaine façon les résultats de cette étude sontlogiques, la corrélation obtenue étant favorisée par lespositions extrêmes des cathéters. On pouvait en effets’attendre à ce qu’un cathéter placé en position céphali-que donne une extension radiologique et clinique dubloc différente d’un cathéter placé en position lombairebasse. La technique statistique dite de Bland et Altmannaurait probablement été plus adaptée en objectivant lebiais (différence moyenne entre les deux techniques) etla précision (variation de cette différence d’un patient àl’autre).En pratique clinique, les opacifications sont réalisées nonpas lorsque le bloc est étendu et symétrique maislorsqu’il existe un bloc asymétrique, incomplet, enmosaïque ; ou insuffisamment étendu, c’est donc sur cetype de patient qu’il serait intéressant de pouvoir établirune corrélation entre les constatations cliniques et lesconstatations radiologiques. Enfin, les auteurs insistentsur le fait que les radiographies étaient effectuées nonseulement de face mais aussi de profil et analysés atten-tivement par un radiologue, cette pratique optimise proba-blement par rapport aux clichés au lit du patient.

Francis BONNET

Hôpital Tenon, Paris.


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