Par
Blaise Muzingu Nzolameso
Promoteur
Professeur Jean Nizet
Année académique 2009-2010
Les sites maraîchers coopérativisés de Kinshasa en RD Congo
Contraintes environnementales et stratégies des acteurs
Faculté des Sciences économiques, sociales et politiques Département des Sciences de la population et du développement
INSTITUT D’ ÉTUDES DU DÉVELOPPEMENT
UUCL Université Catholique de Louvain
Année académique 2009-2010
Par
Blaise Muzingu Nzolameso Ingénieur Agronome
Diplôme interuniversitaire d’Ếtudes Approfondies en Développement, Environnement et Sociétés (UCL, FUSAGx, ULg et FUCAM)
Thèse présentée en vue de l’obtention du grade de docteur en sciences politiques et sociales
(Développement–population-environnement)
Composition du Jury
Prof. Dominique Tabutin (Président du Jury, Université Catholique de Louvain)
Prof. Jean Nizet (Promoteur, Université Catholique de Louvain et FUNDP de Namur)
Prof. Charles Kinkela (Lecteur, Université de Kinshasa)
Prof. Eric Tollens (Lecteur, Katholieke Universiteit Leuven)
Prof. Jean Marie Wautelet (Lecteur, Université Catholique de Louvain)
Prof. Jean Phillipe Peemans (Lecteur, Université Catholique de Louvain)
UUCL Université Catholique de Louvain
Faculté des Sciences économiques, sociales et politiques Département des Sciences de la population et du développement
INSTITUT D’ ÉTUDES DU DÉVELOPPEMENT
Les sites maraîchers coopérativisés de Kinshasa en RD Congo
Contraintes environnementales et stratégies des acteurs
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Le contenu du présent document n’engage que l’auteur.
À propos de l’auteur
Blaise Muzingu Nzolameso est né à Kinshasa en RD Congo. Ingénieur agronome et diplômé
interuniversitaire d’études approfondies en Développement, Environnement et Sociétés (UCL,
FUSAGx, ULg et FUCAM) en Belgique. A exercé des charges d’expert à la direction d’études,
d’évaluation et de planification du Ministère du Développement rural. Admis en doctorat à l’Université
Catholique de Louvain, ses axes de recherche portent sur l’agriculture urbaine et l’analyse des
organisations coopératives.
Ế mail: [email protected]
ii
À mon père Muzingu Kapenda André
À ma mère Semba Mafuta Georgette
À toi Bijou Masiala et toute mon affection à Tshieck,
Vanessa, Huguette, Michée, Hans, Winnie et Joël.
iii
Muzingu Nzolameso Blaise (2010) Les sites maraîchers coopérativisés de Kinshasa en RD Congo.
Contraintes environnementales et stratégies des acteurs. (Thèse de doctorat), Louvain-la-Neuve,
Université Catholique de Louvain, 180 pages, 15 tableaux, 36 figures. 12 photos, 10 annexes, 1 carte.
Mots clés: Site maraîcher coopérativisé, environnement, contraintes, stratégies, acteurs.
Résumé
La pratique du maraîchage dans les sites organisés en coopératives est aujourd’hui stimulée par une demande locale importante, qu’accompagne une augmentation rapide de maraîchers. Mais l’on constate qu’en dépit de ses multiples fonctions dont l’emploi, le revenu complémentaire, la contribution à la sécurité alimentaire et à l’assainissement du milieu, qui font d’elle une activité montante en économie de survie, les maraîchers et leurs coopératives respectives œuvrent dans un environnement marqué par des contraintes et des opportunités.
Les contraintes rencontrées par les maraîchers handicapent la production et la commercialisation des légumes. Tandis que les contraintes que rencontrent les coopératives interagissent comme des facteurs régressifs à l’action organisationnelle. Le regroupement des différentes contraintes identifiées par les maraîchers a permis d’élaborer une typologie qui distingue les contraintes sociales, les contraintes économiques ainsi que les contraintes culturelles.
Cependant, des solutions alternatives peuvent être envisagées afin d’atténuer, sinon éviter ces contraintes. Elles passent par l’usage systématique des stratégies informelles de changement. Parmi elles, les acteurs recourent aux pratiques financières informelles dont l’épargne, le micro crédit, le travail à l’exploitant qu’aux diverses activités d’autofinancement. Des connaissances et des compétences variées se rencontrent sur le terrain et sont échangées à travers ce qu’il est convenu de nommer l’École au champ. Les acteurs font également concourir les réseaux relationnels, qu’il soit familial, linguistique ou confessionnel. Nous dégageons de ces stratégies des acteurs, trois types des capitaux dont le capital économique, le capital culturel et le capital social, qui s’interfèrent afin d’engranger les ressources nécessaires et de réduire les contraintes rencontrées dans les SMC enquêtés.
L’intérêt de la présente étude réside dans la mise en évidence d’une approche interdisciplinaire qui permet d'analyser des réalités complexes et pluri-dimensionnelles de changement, articulant structures, et stratégies des acteurs autour du changement. Ces stratégies constituent une véritable innovation qui participe et représente une authentique alternative aux modèles de développement.
iv
Muzingu Nzolameso Blaise (2010) Cooperativized market-gardening sites of Kinshasa in DR Congo.
Environmental constraints and strategies of the actors (PhD thesis), Louvain-la-Neuve, Catholic
University of Louvain, 180 p., 15 tabl., 36 fig., 12 ph., 1 map.
Key Word: Site, market-gardener, cooperativized, environmental, constraints, actors.
Abstract
The practice of gardening in sites organized into cooperatives is driven nowadays by a significant local demand accompanied by a rapid increase of gardeners. But in spite of gardening's multiple functions including employment, supplementary income, contribution to food security and environmental sanitation, which make it an Economic survival's rising activity, gardeners and their respective co-operatives still work in an environment marked by constraints and opportunities.
The constraints faced by gardeners hamper both vegetables' production and marketing. Cooperatives' constraints for their part act as regressive factors for the organisational action. Grouping of various constraints identified by gardeners allow for a development of a typology that distinguishes social, economic and cultural constraints.
However, alternative solutions may be considered to mitigate and even to avoid these constraints. They pass through the systematic use of change's informal strategies. Among them, the actors resort to informal financial practices including savings, micro credit, work with the owner and various self-financing activities. Various knowledges and skills are meet on the ground and are exchanged through what is conventionally called the School field. Actors make also use of network of relationships, whether familial, linguistic or religious. We derive from these actors' strategies three types of capital (economic, cultural and social) which act together in order to garner the necessary resources and reduce constraints in the SMC respondents.
The interest of this study is the demonstration of an interdisciplinary approach for analyzing complex realities and multi-dimensional change, linking structures, and strategies of actors around the change. These strategies are a true innovation that participates and represents a genuine alternative to traditional models of development.
v
Table des matières
Résumé...................................................................................................................................... iii
Abstract .................................................................................................................................... iv
Table des matières .................................................................................................................... v
Liste des tableaux .................................................................................................................... ix
Liste des figures ....................................................................................................................... ix
Liste des photos......................................................................................................................... x
Liste des annexes...................................................................................................................... xi
Liste des cartes......................................................................................................................... xi
Sigles et abréviations .............................................................................................................. xii
Remerciements........................................................................................................................ xv
Introduction générale............................................................................................................... 1
CHAPITRE 1. PROBLÉMATIQUE ET MÉTHODOLOGIE.......... ................................... 2
1.1. Contexte et problématique de l’étude ........................................................................................... 2
1.2. Cadre de référence théorique ........................................................................................................ 7
1.2.1. État contraignant de l’environnement ............................................................................ 10
1.2.2. État habilitant de l’environnement ................................................................................. 13
1.2.3. Approche sociologique du développement .................................................................... 18
1.3. Hypothèses de l’étude................................................................................................................. 21
1.4. Méthode et outils de collecte des données.................................................................................. 23
1.4.1. Technique d’observation ................................................................................................ 23
1.4.2. Technique documentaire ................................................................................................ 24
1.4.3. Technique des entretiens ................................................................................................ 25
1.5. Difficultés de réalisation............................................................................................................. 27
1.6. Structure de la thèse.................................................................................................................... 28
Première partie: État contraignant de l’environnement..................................................... 29
Introduction........................................................................................................................................ 30
CHAPITRE 2. CONDITIONS NATURELLES ET HISTORIQUES FA VORABLES AU
MARAICHAGE .................................................................................................................................. 31
2.1. Ville province de Kinshasa......................................................................................................... 31
2.1.1. Situation géo climatique................................................................................................. 31
vi
2.1.2. Lotissement et population .............................................................................................. 32
2.1.3. Présentation et dispersion des SMC par pôles géographiques ....................................... 34
2.2. Dimensions constitutives de l’agriculture urbaine à Kinshasa ................................................... 36
2.2.1. Déploiement de la filière maraîchère de 1954 à 1960.................................................... 37
2.2.2. Ancrage: de l’indépendance à 1990 ............................................................................... 38
2.2.3. De l’année 1990 à ce jour............................................................................................... 40
2.3. Modèles de solidarité à l’origine des coopératives maraîchères à Kinshasa .............................. 41
2.3.1. Coopération occidentale ................................................................................................. 41
2.3.2. Coopération africaine ..................................................................................................... 42
2.3.3. Mouvement coopératif en RD Congo............................................................................. 42
2.4. Conclusion .................................................................................................................................. 46
CHAPITRE 3. CONTRAINTES RENCONTRÉES DANS LES SMC ............................. 47
3.1. Production maraîchère dans les sites coopérativisés enquêtés.................................................... 47
3.1.1. Identification des légumes cultivés dans les SMC étudiés............................................. 47
3.1.2. Facteurs régissant l’établissement des cultures maraîchères à Kinshasa........................ 52
3.1.3. Procédés de production dans les SMC enquêtés............................................................ 53
3.2. Commercialisation des légumes cultivés dans les SMC étudiés................................................. 54
3.2.1. Bases de fixation des prix de vente des légumes cultivés dans les SMC étudiés........... 54
3.2.2. Analyse des prix des légumes cultivés dans les SMC étudiés........................................ 55
3.2.3. Circuits de distribution des légumes cultivés dans les SMC étudiés.............................. 56
3.3. Analyse des contraintes rencontrées dans les SMC.................................................................... 57
3.3.1. Recueil des contraintes identifiées par les maraîchers ................................................... 58
3.3.2. Regroupement et analyse des contraintes rencontrées par les maraîchers ..................... 58
3.3.3. Contraintes rencontrées par les entités coopératives ...................................................... 73
3.4. Conclusion .................................................................................................................................. 73
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement......................................................... 74
Introduction........................................................................................................................................ 75
CHAPITRE 4. CAPITAL ÉCONOMIQUE CHEZ LES MARAÎCHERS. ...................... 76
4.1. Finance populaire : une alternative au système classique ou formel .......................................... 76
4.1.1. Recours des maraîchers des sites coopérativisés étudiés à l’épargne............................. 78
4.1.2. Recours des maraîchers des sites coopérativisés étudiés au microcrédit ....................... 80
4.1.3. Travail à l’exploitant ...................................................................................................... 87
4.2. Analyse des coûts d’exploitation dans les SMC étudiés............................................................. 87
4.3. Marge bénéficiaire d’une activité maraîchère dans un site coopérativisé................................... 88
4.3.1. Analyse des recettes d’exploitation dans les SMC étudiés............................................. 88
4.3.2. Évaluation de la marge bénéficiaire d’une activité maraîchère...................................... 90
vii
4.4. Conclusion .................................................................................................................................. 91
CHAPITRE 5. CAPITAL CULTUREL CHEZ LES MARAÎCHERS ... .......................... 92
5.1. Capital culturel et sa proximité avec l’approche MED............................................................... 92
5.2. Types de formation valorisée par les maraîchers........................................................................ 93
5.2.1. Formation classique ou scolaire ..................................................................................... 93
5.2.2. Formation non classique ou parascolaire ....................................................................... 94
5.2.3. Combinaison formation non scolaire et formation scolaire............................................ 94
5.3. Indice des effets de la formation chez les maraîchers................................................................. 95
5.3.1. Utilisation rationnelle de la terre dans les SMC étudiés................................................. 95
5.3.2. Diversification des légumes cultivés dans les SMC étudiés........................................... 97
5.3.3. Rendement des principaux légumes cultivés.................................................................. 98
5.3.4. Dispositions foncières dans les SMC étudiés................................................................. 99
5.3.5. Ressources hydriques dans les SMC étudiés................................................................ 102
5.3.6. Recours aux fertilisants organiques dans les SMC étudiés .......................................... 104
5.3.7. Autoproduction des semences dans les SMC étudiés................................................... 105
5.3.8. Tactiques de commercialisation dans les SMC étudiés................................................ 106
5.3.9. Autres techniques viables utilisées dans les SMC étudiés ........................................... 111
5.4. Conclusion ................................................................................................................................ 111
CHAPITRE 6. CAPITAL SOCIAL CHEZ LES MARAÎCHERS ..... ............................. 112
6.1. Nature et types de capital social valorisé par les maraîchers.................................................... 112
6.1.1. Capital social familial chez les maraîchers .................................................................. 114
6.1.2. Capital social linguistique ............................................................................................ 115
6.1.3. Capital social religieux................................................................................................. 116
6.2. Combinaisons du capital social avec les autres capitaux.......................................................... 117
6.2.1. Interaction à l’intérieur du capital social ...................................................................... 117
6.2.2. Combinaison du capital social avec le capital économique ......................................... 118
6.2.3. Combinaison du capital social avec le capital culturel................................................. 118
6.3. Avantages de capital social valorisé et combiné avec les autres capitaux................................ 118
6.3.1. Acquisition par les maraîchers de ressources diverses................................................. 118
6.3.2. Socialisation des maraîchers dans les sites coopérativisés........................................... 122
6.4. Conclusion ................................................................................................................................ 122
CHAPITRE 7. STRATÉGIES DÉPLOYÉES PAR LES ACTEURS COLLECTIFS... 123
7.1. Description fonctionnelle des SMC étudiés.............................................................................. 123
7.1.1. Adhésion volontaire et ouverte à tous .......................................................................... 123
7.1.2. Pouvoir démocratique exercé par les membres ............................................................ 124
7.1.3. Participation économique des membres ....................................................................... 127
viii
7.1.4. Autonomie et indépendance ......................................................................................... 127
7.1.5. Éducation et coopération entre coopératives................................................................ 127
7.2. Stratégies organisationnelles déployées par les SMC............................................................... 127
7.2.1. Structure organisationnelle des SMC........................................................................... 128
7.2.2. Analyse des stratégies déployées par les SMC............................................................. 136
7.2.3. Réactions des acteurs individuels vis-à-vis des stratégies des coopératives ................ 142
7.3. Évaluation de la dynamique des acteurs du point de vue du développement ........................... 143
7.3.1. Potentiel du développement local du secteur maraîcher Kinois...................................143
7.3.2. Caractéristiques essentielles de la dynamique impulsée par les acteurs....................... 144
7.3.3. Processus de développement du secteur maraîcher kinois ........................................... 145
7.4. Conclusion ................................................................................................................................ 147
Conclusions générales........................................................................................................... 148
CHAPITRE 8. CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES ................................................... 149
8.1. Rappel des objectifs de la présente étude ................................................................................. 149
8.2. Rappel des hypothèses de la présente étude.............................................................................. 149
8.3. Vérification des hypothèses de la présente étude...................................................................... 149
8.4. Perspectives .............................................................................................................................. 151
8.4.1. Perspectives institutionnelles ....................................................................................... 151
8.4.2. Redynamisation des structures coopératives étudiées.................................................. 153
8.4.3. Approvisionnements divers.......................................................................................... 154
8.4.4. Commercialisation des légumes cultivés dans les SMC étudiés .................................. 155
Références bibliographiques................................................................................................ 157
Annexes.................................................................................................................................. 169
ix
Liste des tableaux
Tableau 1. Identification des légumes cultivés dans les SMC étudiés .................................................. 47
Tableau 2. Occupation du sol par types des légumes cultivés............................................................... 48
Tableau 3. Dépenses moyennes prévisionnelles d’un maraîcher .......................................................... 63
Tableau 4. Nature des légumes cultivés, espaces occupés et nombre des plates-bandes ...................... 88
Tableau 5. Fréquence de mise en culture des spéculations légumières................................................. 89
Tableau 6. Prix de revient des légumes par plate-bande de culture....................................................... 90
Tableau 7. Recettes totales d’exploitation dans un site maraîcher ........................................................ 90
Tableau 8. Évaluation de la marge bénéficiaire d’une activité maraîchère........................................... 91
Tableau 9. Surfaces allouées à la production maraîchère dans les SMC étudiés .................................. 95
Tableau 10. Nombre des plates-bandes et superficies allouées aux légumes cultivés .......................... 96
Tableau 11. Indice d’utilisation de la terre dans les SMC étudiés ........................................................ 97
Tableau 12. Indice de diversification culturale dans les SMC étudiés.................................................. 98
Tableau 13. Rendements des principaux légumes cultivés dans les SMC ............................................ 98
Tableau 14. Fonctions et effectifs répertoriés dans les comités de gestion des SMC ......................... 125
Tableau 15. Effectifs des maraîchers producteurs dans les SMC enquêtés......................................... 129
Liste des figures
Figure 1. Secteurs de l’environnement qui influencent les SMC étudiés.............................................. 12
Figure 2. Typologie des capitaux et hiérarchisation des stratégies d’acteurs........................................ 15
Figure 3. Rapprochement entre les capitaux de Bourdieu et MED....................................................... 18
Figure 4. De contraintes vers les stratégies du changement .................................................................. 20
Figure 5. Influences négatives et positives de l’environnement sur les acteurs .................................... 22
Figure 6. Répartition des SMC par pôles géographiques de Kinshasa.................................................. 34
Figure 7. Dénombrement des SMC par communes administratives de Kinshasa................................. 35
Figure 8. Principales filières de l’agriculture urbaine à Kinshasa......................................................... 36
Figure 9. Évolution de tc dans les SMC de Kinshasa de 1962 à 2008 .................................................. 45
Figure 10. Occupation du sol maraîcher par les types des légumes cultivés......................................... 48
Figure 11. Instabilité des prix des légumes dans les SMC enquêtés ..................................................... 56
Figure 12. Chaîne de distribution des légumes dans les SMC enquêtés ............................................... 56
Figure 13. Typologie des contraintes rencontrées dans les SMC enquêtés........................................... 59
Figure 14. Contraintes rencontrées par les entités coopératives............................................................ 73
Figure 15. Composantes de capital économique chez les maraîchers................................................... 77
Figure 16. Motivations de la demande du microcrédit.......................................................................... 81
Figure 17. Fréquences de microcrédit dans les SMC............................................................................ 82
x
Figure 18. Autres moyens utilisés pour renforcer le capital d’exploitation .......................................... 82
Figure 19. Échéances de remboursement de microcrédit dans les SMC............................................... 83
Figure 20. Modalités de remboursement du microcrédit dans les SMC................................................ 83
Figure 21. Évaluation du système de microcrédit dans les SMC.......................................................... 85
Figure 22. Autres moyens d'épargne des maraîchers hormis microcrédit ............................................. 85
Figure 23. Statuts fonciers des parcelles exploitées par les maraîchers .............................................. 100
Figure 24. Modes d’accès à l’espace cultivé dans les sites enquêtés .................................................. 102
Figure 25. Lieux de vente des légumes produits dans les SMC.......................................................... 106
Figure 26. Type de conditionnement des légumes vendus dans les SMC........................................... 108
Figure 27. Modalités de vente des légumes dans les SMC ................................................................. 109
Figure 28. Types de vente des légumes dans les SMC....................................................................... 110
Figure 29. Composantes du capital social chez les maraîchers........................................................... 114
Figure 30. Composantes du capital social familial chez les maraîchers.............................................. 114
Figure 31. Composantes du capital social linguistique chez les maraîchers ....................................... 115
Figure 32. Évaluation des bénéficiaires d’emploi dans les SMC........................................................ 119
Figure 33. Accession au statut de maraîcher coopérateur ................................................................... 124
Figure 34. Organigramme et modèle fonctionnel dans un SMC......................................................... 126
Figure 35. Rapport femmes/hommes dans les SMC enquêtés ............................................................ 131
Figure 36. Organisation du secteur maraîcher à Kinshasa .................................................................. 134
Liste des photos
Photo 1. Maraîchage en plein centre urbain de Kinshasa (Bitabé/Masina)........................................... 37
Photo 2. Culture d’amarante pratiquée dans les SMC enquêtés............................................................ 49
Photo 3.Culture de gombo pratiquée dans les SMC enquêtés............................................................... 50
Photo 4. Culture d’aubergine (à gauche) et fruits à maturité (à droite)................................................ 51
Photo 5. Culture de ciboule pratiquée dans le site de Kimbanseke....................................................... 52
Photo 6. État défectueux d’une voie d’accès dans le SMC de Kimbanseke.......................................... 65
Photo 7. Aménagement d’un bassin de retenue d’eau dans un SMC.................................................. 103
Photo 8. Plates-bandes de cultures situées à côté d’une rivière........................................................... 103
Photo 9. Canaux d’irrigation des plates-bandes de cultures................................................................ 104
Photo 10. Autoproduction des semences de l’amarante dans un SMC ............................................... 106
Photo 11. Siège administratif de l’UCOOPMAKIN ........................................................................... 135
Photo 12. Bâtiment administratif de la coopérative de Kimbanseke................................................... 137
xi
Liste des annexes
Annexe 1. Évolution du processus de coopérativisation dans les SM étudiés .................................... 170
Annexe 2. Évolution des prix des légumes cultivés dans les SMC étudiés......................................... 171
Annexe 3. Sites maraîchers opérant dans la ville de Kinshasa............................................................ 172
Annexe 4. Catégories des bénéficiaires de l’emploi crée dans les SMS ............................................. 175
Annexe 5. Valeur alimentaire et nutritionnelle des légumes feuilles .................................................. 175
Annexe 6. Valeur alimentaire et nutritionnelle des légumes fruits ..................................................... 175
Annexe 7. Apport protoénergétique pour 100 g des légumes consommés.......................................... 176
Annexe 8. Sites maraîchers coopérativisés membres de l’UCOOPMAKIN....................................... 176
Annexe 9. Guide d’entretien avec les maraîchers des sites coopérativisés ......................................... 178
Annexe 10. Guide d’entretien avec les membres des comités de gestion des coopérativises ............. 179
Liste des cartes
Carte 1. Carte administrative de la ville de Kinshasa............................................................................ 35
xii
Sigles et abréviations
ACI Alliance coopérative internationale
ALPK Appui aux initiatives locales de la population de Kinshasa
B1 Riboflavine
B2 Thiamine
BC Bas Congo
BCC Banque centrale du Congo
BDD Bandundu
BDD Bureau diocésain du développement
BEAU Bureau d’études, d’aménagement et d’urbanisme
C.U.D Commission universitaire pour le développement
CECOMAF Centre de commercialisation des produits maraîchers et fruitiers
CGAP Consultative group to assist the poorest
COOPACEK Coopérative agricole de crédit et d’épargne de Kinshasa
COOPACEM Coopérative agricole de crédit et d’épargne maraîchers
COOPEC Coopératives d’épargne et de crédits
COOPECMAKIN Coopérative d’épargne et de crédit des maraîchers de Kinshasa
CRB Croix-Rouge de Belgique
CRDI Centre de recherches pour le développement international
CTOM Centre de traitement d’ordures ménagères
DECO Développement communautaire
DEVEDEA Direction des voies de desserte agricoles
DFID Departement for international developpement
EC École au champ
CEP Champ École Paysan
Eq Équateur
FAC Fonds d’aide et de la coopération française
FAO Food and agriculture organization of the united nations
FCK Facultés catholiques de Kinshasa
FNS Formation non scolaire
FMI Fonds Monétaire International
FOLECO Fédération des ONG laïques à vocation économique du Congo
FUCAM Facultés universitaires catholique de Mons
FUSAGx Faculté universitaire des sciences agronomiques de Gembloux
FS Formation scolaire
xiii
FUNDP Faculté universitaire Notre-Dame-de-la-Paix de Namur
G Gramme
GRET Groupe de recherche et d’échanges technologiques
GRH Gestion des ressources humaines
IM Institut médical
IMF Institutions de microfinance
INS Institut national des statistiques
ISC Institut supérieur du commerce
ISP Institut supérieur pédagogique
kat Katanga
Kin Kinshasa
K Occ Kasaï occidental
K Or Kasaï oriental
KUL Katholieke universiteit Leuven
M: Mettre
Man Maniema
MED Moyens d’existence durables
Mg Milligramme
MUECKI Mutuelle d’épargne et de crédit de Kinshasa
NK Nord Kivu
Nma Nombre des maraîchers adhérents
OCC Office congolais de contrôle
O.I.T Organisation internationale du travail
ONG Organisation non gouvernementale
ONGD Organisation non gouvernementale de développement
ONL Office national de logement
PAR Programme d’appui à la réhabilitation
PASMAKIN Projet d’appui aux associations maraîchères de Kinshasa
PB Plate-bande
PIB Produit intérieur brut
PME Petite et moyenne entreprise
PMP Projet maraîcher et pisciculture
Pmt Population maraîchère totale
PNUD Programme de nations unies pour le développement
PO Province orientale
PP Niacine
xiv
PV Procès-verbal
PVU Prix de vente unitaire
RAUKIN Réseau d’agriculture urbaine de Kinshasa
RDC République démocratique du Congo
REGIDESO Régie de distribution d’eau
ROI Règlement d’ordre intérieur
SA Sécurité alimentaire
SAU Superficie agricole utile
SC Site coopérativisé
SENAHUP Service national pour le développement de l’horticulture urbaine et périurbaine
SENASEM Service national de multiplication des semences
SENEN Service national des énergies renouvelables
SNIR Service national d’information rurale
SENIAT Service national d’intégration d’appropriation à la terre
SK Sud Kivu
SM Site maraîcher
SMA Sommet mondial pour l’alimentation
SMC Site maraîcher coopérativisé
SNHR Service national d’hydraulique rurale
SOLAGRI Solidarité pour une agriculture biologique intégrée
Tc Taux de coopérativisation
Tpc Taux de pénétration coopérative
UCL Université catholique de Louvain
UCOOPMAKIN Union des coopératives maraîchères de Kinshasa
ULB Université libre de Bruxelles
Ulg Université de Liège
UNIKIN Université de Kinshasa
Vit Vitamine
xv
Remerciements
La réalisation d’un travail de cette envergure nécessite l’appui en continu de plusieurs
personnes. J’ai pu apprécier, pendant toutes les années durant lesquelles j’ai travaillé à la
présente thèse, la rigueur d’esprit, le professionnalisme et les grandes qualités de scientifique
expérimenté de Monsieur le Professeur Jean Nizet, promoteur de cette thèse. Je le remercie
pour la méthode de travail qu’il m’a inculquée et pour sa sollicitude tout au long de ce
processus de recherche. L'aboutissement de ce travail doit beaucoup à la confiance qu'il m’a
manifestée dès le départ et dont j’ai essayé de me montrer digne malgré tous les problèmes.
Je remercie également Messieurs les Professeurs, Charles Kinkela (Université de Kinshasa),
Éric Tollens (Katholieke Universiteit Leuven), Jean Marie Wautelet et Jean Philippe Peemans
(Université Catholique de Louvain) tous membres du comité d’accompagnement de ma thèse.
Je leur exprime ma plus vive gratitude, ma respectueuse admiration et le grand plaisir que j’ai
éprouvé à travailler avec eux. À chaque fois que je suis passé devant le comité
d’accompagnement de ma thèse, ils ont toujours su m’écouter attentivement. Les discussions
que j’ai eues avec eux ont été très fructueuses et m’ont permis d'améliorer de jour en jour ce
travail malgré d’énormes difficultés.
Je n’aurais jamais pu amener ce projet à terme sans le support financier du Service d’aide aux
étudiants. Je remercie singulièrement Madame Christianne De Wan, assistante sociale qui
s’est occupée personnellement de mon dossier durant l’année académique 2007-2008.
Je tiens également à exprimer toute ma reconnaissance à l’égard des membres de ma famille.
Je cite mon frère aîné abbé Édouard Kabongo, prêtre et administrateur de paroisse dans le
diocèse de Namur, pour ses remarques et commentaires sur l’ensemble du manuscrit de ce
travail. Mes frères et sœurs Raoul et Alex (à Mechelen), Angélique, Jean et Ếmilie (à
Kinshasa), Kelly (à Liège) et Winnie Nzolameso (à Londres) pour leur sympathie et leur
fraternité.
Merci à toi, Tata Berthe dont la présence au quotidien m’a permis de contrer la solitude.
Je remercie Madame Anne Lambillon (à Namur), professeure de français, pour avoir assuré la
correction de la version définitive de ma thèse.
J’adresse enfin mes remerciements à tous les collègues de « Graduate School of Development
Studies » pour les critiques constructives formulées lors de mes différentes présentations dans
les séminaires des doctorants.
De nombreuses autres personnes que je n’ai pas pu nommer ont énormément contribué à
l'aboutissement de ce travail. Qu’ils trouvent ici l'expression de ma sincère reconnaissance.
Introduction générale
1
Introduction générale
Introduction générale
2
CHAPITRE 1. PROBLÉMATIQUE ET MÉTHODOLOGIE
Pour comprendre la pratique du «maraîchage dans les sites coopérativisés de Kinshasa», il
convient de la situer dans le temps et dans l’espace. C’est à partir de ce contexte historique
que nous formulons la problématique qui nous occupe dans ce travail. Cette problématique
requiert un cadre de référence approprié. Il s’articule autour de concepts et de théories qu’il
n’est pas inutile d’élucider. Afin de construire notre recherche, nous tentons de concilier
l’analyse critique et l’approche empirique, dans la mesure où notre étude se propose de se
réapproprier le concept de maraîchage urbain organisé en coopérative en le situant dans le
contexte congolais. L’objet de cette étude implique une approche interdisciplinaire qui fait
appel, sur fond d’histoire, aux apports de la sociologie, de l’économie et de l’agronomie à
partir des défis de la RDC à l’heure de la refondation de l’État et de la mondialisation. Ce
chapitre porte déjà en filigrane la structure générale de notre travail.
1.1. Contexte et problématique de l’étude
La pratique agricole axée sur le maraîchage dans l’espace urbain et périurbain de Kinshasa
n’est pas un phénomène nouveau. Bien avant l’indépendance, le maraîchage se pratiquait de
manière habituelle, et cela, par simple habitude des paysans immigrés dans la capitale. Le
maraîchage est devenu une pratique imposée par la colonisation afin de faciliter
l’approvisionnement de Léopoldville1 en légumes de type européen et, de renforcer la
politique agricole de l’époque.
Quelques années après l’indépendance, sous un régime autoritaire faisant de l’agriculture la
priorité des priorités, la filière maraîchère à Kinshasa se trouve contrôlée par l’État. À partir
des années 1980, la RD Congo, pays potentiellement riche plonge dans une crise globale
aiguë caractérisée par une mauvaise gestion politico-économique2 (nationalisations,
dictatures, laxisme budgétaire avec comme corollaires l’inflation, l’insécurité juridique et
administrative à laquelle on ajoute la corruption, la précarisation ainsi que les pillages
fréquents des commerces et des industries qui ont accéléré la détérioration économique du
pays). La fermeture de plusieurs entreprises, qui en est la conséquence, accentue le chômage
et les tensions sociales. Selon les études menées par Mutamba (2003, p. 39 ; 58), les pillages
des années 1991 et 1993 ont occasionné de pertes évaluées à environ 25% du PIB et la
suppression de plus de cent mille emplois.
1 Actuellement appelée «Kinshasa», la capitale de la République démocratique du Congo. 2 La notion de «mégestion» politico économique se rapporte à celle de la mauvaise gouvernance. Celle-ci est définie comme étant la faiblesse dans l’exercice d’une autorité économique, politique et administrative capable de gérer les affaires d’un pays à tous les niveaux. Dans son article sur «stratégie cible en 2000 : faire fonctionner un gouvernement pour les gens pauvres», le Departement For International Developpement (DFID) interprète la gouvernance pour signifier «comment les institutions, règles et systèmes de l’état-exécutif, légal, judiciaire et militaire-fonctionnent au niveau central et local, et comment l’état en réfère aux citoyens, à la société civile et au secteur privé.»
Introduction générale
3
Les caractéristiques essentielles de cette crise peuvent être regroupées en trois axes
socioéconomiques :
- L’explosion démographique qui engendre des problèmes de maîtrise de l’espace
urbain, d’aménagement, d’équipement et des infrastructures non sans impact sur
l’écosystème ;
- La faible industrialisation, un fort développement des activités informelles, une
hypertrophie du secteur tertiaire3 ;
- La pauvreté qui touche près de 80% de la population kinoise survivant à la limite de la
dignité humaine, c’est à dire sous le seuil de pauvreté avec près de 0,30$ US par
personne et par jour (Mini plan, 2005, p. 7).
Au-delà d’une situation socioéconomique déplorable (chômage, faiblesse généralisée des
revenus et peu d’accès aux soins de santé et au système éducatif, détérioration du bilan
alimentaire, dégradation du tissu économique), les estimations réalisées par la Banque
Centrale du Congo indiquent que le taux de croissance a atteint 5,6% en 2004 contre 3,5% en
2003. Une croissance qui passe d’un taux négatif depuis plusieurs années à un taux positif.
Depuis peu, cependant, on observe une tendance à la consolidation de l’économie. Les
données avancées par Mutamba (2003, p. 39 ; 58I) indiquent un taux d’inflation en recul,
s’établissant à 8% en 2006 contre 135,1% en 2001 et 511,2% en 2000.
À la suite des analyses qui précèdent, Gharbi (2006, p. 50) montre que la croissance
économique a franchi le seuil de 7% en 2006 contre 5% en 2002. Mais, au-delà de toutes ces
tendances, il faut noter qu’à ce jour l’économie congolaise est à nouveau en pleine récession.
La baisse des exportations minières, pétrolières et forestières en est l'une des causes directes.
Les conséquences sont telles que les finances publiques explosent, les réserves en devises
s’effritent, la croissance périclite et enfin la dépréciation de la monnaie entraîne la hausse des
prix. Cette récession, qui s’ajoute à la crise financière internationale, renforce le marasme
social au sein d’une population dont 50 à 57% vit avec moins de 1$ US par jour, indique le
rapport du ministère du Plan de la RD Congo (Miniplan, 2005).
Cette situation préoccupante est responsable de la pauvreté constatée en RD Congo en
général, et dans la ville de Kinshasa en particulier. La population sans emploi ou à faible
pouvoir d’achat se trouve abandonnée entre paupérisation et guerre : elle tente désespérément
de survivre. Cependant, celle de Kinshasa développe, non sans contraintes, une dynamique
locale de développement. Il s’agit, selon les enquêtes menées sur le terrain, de transformations
sociales observées à travers les activités socioéconomiques du secteur dit informel (bricolage,
débrouille) au détriment du secteur formel ou officiel (Assogba, 2000, p. 119 ; Peemans,
1997, et Muzingu, 2007, p. 89). Ces formes d’économie consistent pour les classes populaires,
à faire feu de tout bois pour survivre. Elles ne pourraient toutefois présider, après plus d'une
décennie de récession et la disparition des politiques urbaines, à un développement à
3 Concerne les services, les activités de commerce ainsi que le transport.
Introduction générale
4
l'africaine. Elles sont aussi, en quelque sorte les modes de financement des quartiers urbains
kinois et font partie intégrante des pratiques populaires.
Les pratiques populaires relèvent de la participation massive de la population, toutes
catégories sociales confondues, sans souci de hiérarchie. Elles puisent leur légitimité dans un
ancrage historique basé sur les modes traditionnels d’organisation et de gestion, hérités de la
période précoloniale. L’intérêt de ces pratiques réside dans leur forte capacité d’adaptation au
fil des époques. En effet, l’histoire nous enseigne que ces pratiques populaires ont été
également des réponses face aux difficultés vécues en période coloniale de même que face
aux conséquences des approches développementistes et indépendantistes prônées dans les
années 60 et 70 (Moussa, 2004, p. 4). Elles constituent aujourd’hui une réponse aux méfaits
sociaux des programmes d'ajustements structurels imposés depuis les années 80, une réponse
au phénomène de précarité et d'exclusion sociale qu’induit la mondialisation depuis les années
90 (Peemans, 1997 ; Lapeyre, 2002 et Moussa, 2004, p. 5).
Les pratiques populaires font partie des axes d’actions qui tentent précisément de mettre en
œuvre de nouvelles interactions entre structures et acteurs, en se dégageant tant du néo-
marxisme essentialiste que de l'économisme néo-libéral et du postmodernisme. Cette
économie politique doit, en outre, permettre des interactions nouvelles entre les niveaux
micro, méso et macroéconomiques et combiner à la fois des stratégies individuelles, des
formations de réseaux et des constructions associatives plus ou moins élaborées (Peemans,
1997, p. 132 ; 2002, pp. 267-268 et Charlier et al. 2004).
Parmi les diverses pratiques populaires, qui orientent et réintègrent la population kinoise, nous
retenons celle qui se rapporte à l’agriculture urbaine et plus particulièrement à la filière
maraîchère.
Le maraîchage est pratiqué par nécessité et constitue, pour la population kinoise d’origines
diverses, l’activité principale sitôt son arrivée à Kinshasa. Les facteurs qui motivent la
population dans le choix du maraîchage sont nombreux. C’est le cas, entre autres, de la
proximité de la ville qui entraîne une spécialisation vers la production de légumes à haute
valeur ajoutée et des exigences variables en capital et en expertise de ces productions qui les
rendent accessibles à des populations aux faibles ressources. Ces exigences sont faibles pour
les légumes feuilles, qui peuvent être cultivés près des maisons avec des ressources
exclusivement locales ; elles sont plus élevées pour des systèmes intensifiés à base de variétés
importées. Il importe de noter également que les cycles courts des cultures maraîchères
(moins de trois mois) s’adaptent au caractère précaire des activités en milieu urbain et au
manque de ressources financières de la population qui s’adonne à cette activité. D’autre part,
il faut souligner, l’adéquation des légumes à l’alimentation en milieu urbain où ils permettent
de diversifier les régimes alimentaires et enfin les faibles exigences en capital de départ du
commerce de légumes frais.
Introduction générale
5
La population qui pratique l’activité maraîchère s’oriente vers les sites de son choix. Mais
dans l’ensemble, nous constatons que la pratique maraîchère dans la ville de Kinshasa est
perceptible dans les sites tantôt structurés tantôt non structurés.
Pour les sites structurés, les maraîchers se regroupent au sein de différentes entreprises
d’économie sociale. Selon Draperi (2005), les entreprises d’économie sociale sont considérées
comme des groupements de personnes associées autour d’un projet commun.
Nous distinguons différents groupements de maraîchers dans la ville de Kinshasa. Les uns se
différencient des autres par leur processus organisationnel. C’est le cas de la coopérativisation
abordée par Gentil (1984, p. 9) ; d’ONGisation4 reconnue par Trefon (2004) ; d’association5
largement commentée par Giovannoni et al. (2004, pp. 119-122) et O’deyé (1985, p. 70, 111)
et de la mutualisation6. De tous ces processus organisationnels, celui de la coopérativisation
concerne particulièrement les sites maraîchers étudiés.
L’Alliance coopérative internationale (1996) définit une coopérative comme une association
autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins
économiques, sociaux et culturels communs au moyen d’une entreprise dont la propriété est
collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement. L’objectif d’une coopérative renvoie
à la réussite commune de ce que l’action individuelle ne permet pas d’obtenir. Lambert (2002,
p. 233) parle plutôt de «l’union fait la force».
Une coopérative se distingue en cela de l’association à but non lucratif dont le but est moins
lié aux activités économiques et de la société commerciale qui établit une distinction entre ses
associés et ses usagers. La distinction entre «coopérative» et «mutuelle» est plus une
différence d’appellation et de structure juridique qu’une différence sur le type d’activité. En
effet, comme dans les «associations», les membres sont à la fois actionnaires et clients.
Adaptée à la réalité des sites maraîchers enquêtés, la coopérative a pour but de trouver des
solutions aux divers problèmes qui constituent une contrainte au bon déroulement des
activités maraîchères.
Le phénomène des coopératives maraîchères à Kinshasa remonte des années qui précèdent
l’indépendance, mais son accroissement est signalé à partir des années 1972 sous l’impulsion
de la coopération française à travers le Centre de commercialisation des produits maraîchers et
fruitiers en sigle «projet CECOMAF». Il importe de signaler qu’à ce jour ce processus
4 Les ONG constituent le pivot des stratégies visant les grands domaines de développement, de la protection naturelle et des équipements socioéconomiques. Elles sont présentes dans les différents projets et visent davantage le renforcement des capacités des acteurs locaux par les formations, les initiatives et la sensibilisation aux problèmes de développement. Globalement les ONG sont formées à partir des initiatives individuelles ou collectives d’acteurs sociaux diversifiés. 5 En économie sociale, les associations sont les regroupements d’individus qui vendent leurs biens et services à un prix au moins supérieur au coût de production ou encore ceux qui produisent des biens et services non marchands en vue de satisfaire leurs missions de base. 6 Le terme «mutualisme» vient du latin «mutuus» qui signifie «réciproque, qui s’échange». En économie, le mutualisme est une doctrine qui se base sur la mutualité, cette dernière étant une coopération d’acteurs qui travaillent ensemble avec le souci de l’intérêt général de tous.
Introduction générale
6
organisationnel (coopérativisation des sites maraîchers) a atteint une proportion importante
par rapport aux autres types d’organisation de maraîchers.
Dans les sites non structurés, que nous n’aborderons pas dans le cadre de ce travail, les
maraîchers travaillent de manière dispersée, et cela, dans des espaces inappropriés pour cette
activité. Les plates-bandes de cultures sont dressées le long des grandes artères de la ville, aux
alentours des écoles, des marchés, des églises, des terrains de football ainsi que dans certaines
voies d’accès des quartiers. Ces espaces inadéquats au maraîchage exposent les cultures
maraîchères à des risques innombrables parmi lesquels nous citerons les faibles précautions
d’hygiène (les passants y urinent, vomissent et crachent) et le risque élevé de contamination
des légumes par les métaux lourds à cause de la proximité des plates-bandes avec les voies
routières.
Partant de nos observations sur le terrain, nous dégageons deux constats majeurs en ce qui
concerne la pratique maraîchère sur les sites organisés en coopérative. Le premier constat
concerne les maraîchers (acteurs individuels) et le second renvoie aux structures coopératives
(acteurs collectifs).
Concernant les maraîchers individuels, nous avons constaté que, malgré les immenses
possibilités de contribution qu’offre l’activité maraîchère en termes d’emploi, de revenu, de la
sécurité alimentaire et de l’assainissement du milieu, l’efficacité de la pratique maraîchère sur
les SMC de Kinshasa est compromise par de multiples contraintes qui entravent la production
et la commercialisation de légumes.
Face à l’ensemble des contraintes rencontrées par les acteurs tant individuels que collectifs à
la fois dans l’exercice de la pratique maraîchère, et dans l’action organisationnelle des
coopératives, nous nous posons un certain nombre de questions.
- Quelle est la nature de ces contraintes, et comment les acteurs s’organisent-ils pour les
dépasser.
- Dans quelle mesure les stratégies utilisées par les acteurs rendent performants le
maraîchage et l’action organisationnelle des coopératives?
Ces interrogations permettent non seulement de clarifier et de préciser le sujet de notre étude,
mais d’envisager les étapes ultérieures de notre recherche. Mais à partir des résultats des
données issues de la littérature et des enquêtes que nous avons effectuées dans les SMC de
Kinshasa, le présent travail tente de répondre à ces questions essentielles.
Avant d’y arriver, la présente étude se propose, comme objectif principal, d’analyser les
différentes incidences (négatives et positives) de l’environnement sur les maraîchers
individuels, et sur leur coopérative.
De ce qui précède, nous dégageons trois objectifs spécifiques distincts dont:
- Identifier et analyser les contraintes qui handicapent l’activité maraîchère et l’action
organisationnelle des SMC ;
Introduction générale
7
- Noter les stratégies informelles initiées par les maraîchers, individuellement et
collectivement, vis-à-vis des contraintes environnementales rencontrées dans les SMC
enquêtés ;
- Évaluer la dynamique des acteurs du point de vue du développement.
Pour atteindre les objectifs susmentionnés, nous recourons à la littérature spécialisée. Celle-ci
nous aide à formuler le cadre de référence théorique à partir duquel nous menons notre étude.
Comme nous pouvons le dégager, l’intérêt de cette étude réside dans sa proximité avec ce qui
fait l'originalité des études de développement au sens "development studies". C'est-à-dire, la
mise en évidence d’une approche interdisciplinaire qui permet d'analyser des réalités
complexes et pluri-dimensionnelles de changement, articulant structures, et stratégies
d'acteurs autour du changement.
1.2. Cadre de référence théorique
Une théorie peut être vue comme une tentative d’expliquer une expérience dans une situation
donnée. Dans le cadre de notre étude, nous expliquons les relations qui existent entre
l’environnement et l’organisation. Cette approche nous renvoie aux théories des organisations
dont celle de la dépendance des ressources. Elles permettent de situer les sites maraîchers
coopérativisés par rapport à l’environnement. Deux états, contraignant et habilitant, de
l’environnement sont analysés. Le premier état analyse les contraintes rencontrées par les
acteurs, tandis que le deuxième état montre comment les acteurs locaux se sont ré-appropriés
partiellement au moins des organisations importées (coopératives), en mettant en œuvre des
stratégies associatives informelles.
La théorie des organisations est une discipline située à la limite de l'économie, de la
sociologie, de la gestion ainsi que des sciences politiques. Elle s'intéresse aux organisations,
aussi bien marchandes que non marchandes, dans toutes leurs diversités (entreprise, hôpital,
syndicat, association, administration, coopérative). Elle a pour but d'analyser leur
fonctionnement, leur structure et leur développement afin de proposer les améliorations.
Nombreux auteurs nous ont permis de saisir le sens du concept d’«organisation». Plane
(2003, p. 8) considère une organisation comme un effort qui favorise l’accomplissement de
projets communs. De son côté, Livian (2000, p. 7) insiste sur la coopération nécessaire entre
plusieurs individus qui décident de réaliser ensemble quelque chose.
Des définitions qui précèdent, le terme «organisation» peut revêtir trois sens distincts en
sociologie :
- Un regroupement d'humains qui coordonnent leurs activités pour atteindre certains
buts. L'organisation est donc envisagée comme une réponse au problème de l'action
collective, de sa coordination et de sa stabilisation ;
Introduction générale
8
- Les diverses façons par lesquelles ces groupements structurent les moyens dont ils
disposent pour parvenir à leurs fins ;
- L'action d'organiser ou encore le processus qui engendre les groupements ou les
structures organisationnelles.
Les trois sens du concept d’organisation s’appliquent aux sites maraîchers coopérativisés de
Kinshasa. Ainsi, nous choisissons de préciser, pour des raisons de cohérence et de rigueur
méthodologique, les différentes terminologies contenues dans le sujet de la présente étude. Il
s’agit de «site maraîcher», de la «coopérative», des «contraintes», de l’«environnement», des
«stratégies» et des «acteurs».
Un «site» est un lieu, un terrain ou un emplacement précis où est localisée une activité (Rey-
Debove et Rey, 1996, p. 2097). Dans cette étude, le terme «site maraîcher» désigne un
endroit ou encore un périmètre délimité et destiné au maraîchage. Le terme «maraîchage» est
un secteur d’activité caractérisé par la production des espèces légumières destinées
essentiellement à la vente (Kinkela, 2001, p. 229). Il se différencie du terme «potager»
destiné à l’usage familial.
Le terme «contrainte» désigne un obstacle, un empêchement, un goulot d’étranglement ou
encore toute difficulté qui empêche la réalisation d’une activité ou d’une action
organisationnelle.
Le concept d’«environnement» peut être envisagé de façon très différente en fonction du
contexte dans lequel il est utilisé. Kimpianga (2007, p. 19) explique que l’environnement est
un ensemble de conditions naturelles susceptibles d’agir sur les organismes vivants et sur les
activités humaines. Ce concept est multidimensionnel et nous l’avons abordé dans ce travail
sous sa dimension sociologique en nous référant aux théories modernistes des organisations le
conservant comme une entité située en dehors des frontières de l’organisation.
L’environnement influence les résultats organisationnels par ses contraintes et aussi par ses
opportunités intrinsèques.
Le concept de «stratégie» se définit en relation avec celui de «contraintes». Il est largement
utilisé dans le domaine de la gestion. Il désigne les décisions, les directives importantes prises
par les responsables d’une organisation pour faire face à une situation bien déterminée
(Pichault et al. 2000, p. 184). Debove (1996, p. 2149) considère une stratégie comme un
ensemble d’actions coordonnées en vue de réussir une action organisationnelle. À la suite de
Livian (2000, p. 67), nous utilisons ce concept pour désigner un ensemble de comportements
stables que les acteurs adoptent en vue de limiter un dysfonctionnement dans
l’accomplissement d’une activité.
La notion d’«acteur», selon son étymologie, signifie celui qui agit, qui fait mouvoir. En
sciences du développement, ce concept désigne une personne qui prend une part active dans la
réalisation d’une activité ou dans l’action organisationnelle. Un « acteur » exécute le rôle
prescrit selon ses propres besoins, en l’adaptant ou en modifiant les interactions dans
Introduction générale
9
lesquelles il se retrouve impliqué. Dans la présente étude, le concept d’«acteur» désigne les
maraîchers considérés individuellement et collectivement. Le concept recouvre également une
pluralité d’intervenants du secteur maraîcher. C’est le cas, par exemple, des ouvriers
agricoles, des fournisseurs et vendeurs d’intrants agricoles, des structures d’appui, des
acheteurs revendeurs, des transporteurs et entre autres.
Les deux précédentes notions, stratégies et acteurs, sont intimement liées. C’est ainsi que, tout
au long de notre exposé, nous parlerons des stratégies des acteurs afin de désigner «une
démarche qui peut être définie comme la conception et le mode d'actualisation des ressources
combinées pour atteindre un but» (Debuyst, 2001, pp. 118-119). L'auteur distingue les
stratégies de types relationnelles qui réfutent à des options et des logiques d'interventions ou
d'actions relatives aux acteurs qui sont étroitement engagés et les stratégies de réalisation qui
tiennent compte des pistes et des programmes de réalisations pour atteindre un but. La
première option de l’auteur renvoie, dans le cadre de notre étude, aux capacités valorisées par
les maraîchers individuels afin d’engranger les ressources que nous nommons «capitaux». La
seconde option de l’auteur concerne les moyens collectifs mobilisés par les coopératives
maraîchères afin de réduire la dépendance vis-à-vis des ressources.
Revenons à présent sur la relation organisation-environnement. Nous montrons qu’une
organisation est considérée comme un système ouvert (Friedberg, 1999, pp. 51-52 ; Hatch,
2000, p. 101 ; Melese, 1979, p. 44 et Schermerhorn, et al. 1994, p. 12). Celui-ci permet de
saisir les différents secteurs de l’environnement qui exercent une influence sur une
organisation. Comme nous pouvons le constater, l’environnement est une notion fort
complexe. Se ralliant aux auteurs tels que Bernoux (1999, p. 40) ; Crozier et al. (1977);
Friedberg (1993) ; Hatch (2000, pp. 111-113) et Plane (2003, p. 7), nous pensons qu’il
n’existe pas une définition unifiée et synthétique du concept d’organisation. Car, aucun
modèle universel d’organisation ne peut être possible, toute forme d’organisation dépend de
l’environnement.
Parmi les théories liées à celles des organisations, nous avons choisi d’aborder singulièrement
celle de la dépendance des ressources autrement appelée théorie du contrôle externe. Cette
littérature nous paraît la plus appropriée pour écrire la relation entre l’environnement et les
organisations. Nous abordons cette théorie en deux étapes. Nous évoquons d’abord la notion
de la dépendance, avant de la relier, ensuite, à celle des ressources.
Pour expliquer la notion de la dépendance, nous allons nous référer à la théorie tiers-mondiste
du développement. Elle affirme que les économies du tiers-monde suivent les modèles de
développement inadaptés qui accompagnent et accentuent leur dépendance envers les pays
développés (Kimpianga, 2007, p. 224). Outre les phénomènes d’accumulation enregistrés de
la part des pays développés aux dépens des pays en développement, les auteurs de la théorie
de la dépendance (Samir Amin, André Gunder, etc.) stigmatisent les phénomènes d’échange
inégal ainsi que la division internationale, lesquels entretiennent le cycle de la dépendance
Introduction générale
10
économique des pays en voie de développement par rapport aux pays dits développés
(Tremblay, 1999, p. 20).
Ce qui précède nous permet d’établir un lien entre la notion de la dépendance et celle de
ressource afin d’accéder à la théorie de la dépendance des ressources. Également appelée
théorie du contrôle externe, la théorie de la dépendance des ressources est principalement
développée par Pfeffer et Salancik (1978, pp. 39-61) et exploitée par des nombreux auteurs
comme Schermerhorn, et al. (1994, pp. 508-509); Hatch (2000, pp. 93-96) et Nizet (2003, pp.
41-42). Elle est basée sur l’hypothèse selon laquelle les organisations sont contrôlées par leur
environnement.
Le mot environnement provient du verbe «environner». Il signifie «action d'entourer».
Plusieurs explications peuvent encore être données. Mais, comme nous l’avons signalé
précédemment, le concept d’environnement est complexe à cause de son caractère
polymorphique et polysémique, ou encore de la nature du lien qui le lie à l’organisation. Dans
le sens commun, l’environnement fait référence au climat et à l’ensemble des conditions
naturelles (Kimpianga 2007, p. 19). Il fait également référence aux données et éléments
extérieurs où se situe l’organisation. Cette approche fait clairement état des échanges que les
organisations entretiennent avec leur environnement ou encore de l’environnement
organisationnel (Hatch, 2000, p. 79).
Un «environnement organisationnel» comprend tous les éléments et changements externes
qui peuvent avoir une incidence directe ou indirecte, positive ou négative, sur l’organisation.
À la lumière de cette définition, nous dégageons deux états de l’environnement qui
constituent la charpente de notre travail. Le premier état considère les incidences négatives de
l’environnement soit un environnement porteur des contraintes (état contraignant). Le
deuxième état suggère les incidences positives ou encore les opportunités que recèle
l’environnement (état habilitant).
1.2.1. État contraignant de l’environnement
L’état contraignant s’applique aux influences négatives de l’environnement sur les
organisations. Les plus visibles sont celles que nous considérons comme des contraintes que
les acteurs devront intégrer dans leurs stratégies. Les théories des organisations distinguent
différents secteurs de l’environnement. Ce sont ces secteurs qui influencent, à travers les
contraintes, l’activité maraîchère et l’action organisationnelle des coopératives. Il s’agit du
secteur social, du secteur culturel, du secteur politique, du secteur légal, du secteur
économique, du secteur technologique et enfin du secteur physique (Hatch, 2000, pp. 83-87;
92 et Plane, 2003, p. 47).
Le secteur social est centré sur les interactions entre individus privilégiant le réseau
relationnel pour se socialiser dans un milieu. Le secteur culturel est centré sur la
transformation des traditions, les attentes vis-à-vis des comportements et les valeurs de la
société dans laquelle les organisations fonctionnent. Nous constatons que les tendances
Introduction générale
11
sociales et culturelles se rejoignent. Le secteur politique est habituellement décrit par rapport
à la répartition et à la concentration du pouvoir ainsi que par rapport à la nature des systèmes
politiques (démocratie, autocratie) dans la région du monde dans laquelle les organisations
produisent. Le secteur légal concerne la Constitution et les lois du pays dans lequel les
organisations s’approvisionnent et assurent la commercialisation de leur production. Le
secteur économique se compose des marchés du travail, des marchés financiers et des
marchés des biens et des services. Le secteur technologique fournit les connaissances et les
informations issues des développements scientifiques que l’organisation peut acquérir et
appliquer pour produire les biens et les services. Le secteur physique comprend la nature et
les ressources naturelles.
Dans le cadre de la présente étude, nous établissons que les influences négatives de chaque
secteur de l’environnement, sur les maraîchers individuels et collectifs, se traduisent en
contraintes. Les maraîchers individuels identifient les contraintes rencontrées en deux temps.
Les contraintes liées à la production et celles qui concernent la commercialisation de légumes.
Les contraintes liées à la production de légumes concernent notamment :
- Le besoin en main-d'œuvre ;
- L’insuffisance de moyens financiers qui rend difficile l'acquisition d'intrants agricoles
(outillage, semences, pesticides, engrais) nécessaires à la production ;
- Les multiples cas de vols ;
- Les difficultés d’arrosage dues à la destruction des systèmes d’irrigation (pillages de
1991 et 1993) ;
- Les inondations et les ensablements des parcelles de cultures ;
- Les problèmes de maladies et d’insectes ravageurs de cultures ;
- La dégénérescence des semences ;
- L’insécurité foncière et le faible encadrement technique.
D’autre part, les contraintes qui freinent la commercialisation de légumes sont entre autres :
- Les problèmes de conservation des légumes ;
- Les difficultés d’enlèvement des légumes de sites de production vers les halles de
commercialisation ;
- L’inaccessibilité des routes rendant le transport difficile ;
- Les exigences des acheteurs ;
- L’instabilité de prix due à la fluctuation de la monnaie ;
- Les aléas climatiques.
Introduction générale
12
Tandis que les problèmes exprimés par les acteurs collectifs (coopératives maraîchères) nous
retenons :
- La faiblesse ou l’absence d’activités d’autofinancement ;
- La faiblesse d’organisation et d’encadrement.
- Les difficultés de suivi des dossiers administratifs des maraîchers sur le microcrédit et
sur les titres fonciers.
- Le faible taux de pénétration coopérative.
Le regroupement de toutes ces contraintes nous permet d’établir une typologie qui répartie
entre autres les contraintes sociales, des contraintes économiques et des contraintes
techniques. L’ensemble constitue autant des facteurs déclencheurs du dysfonctionnement de
la pratique maraîchère et de l’action organisationnelle dans les SMC enquêtés. Un facteur
déclencheur est une perception d’une menace ou toute situation externe créant une difficulté
de réalisation de l’action collective (Debuyst, 2001, p. 130). Nous assimilons la menace ou la
difficulté évoquée par l’auteur, aux différentes contraintes identifiées par les maraîchers et les
coopératives.
De ce qui précède, nous montrons que chaque type des contraintes provient d’un secteur de
l’environnement. Nous avons retenu trois types de contraintes qui émanent de trois secteurs
de l’environnement. Ils sont schématisés dans la figure nº1 ci-dessous.
Figure 1. Secteurs de l’environnement qui influencent les SMC étudiés
Source: Auteur, sur base de la relation organisation-environnement (Hatch, 2000, p. 84)
Les contraintes sociales regroupent les difficultés ou problèmes liés à la législation (faiblesse
des lois sécurisant la filière maraîchère), à l’inattention des institutions publiques aux
problèmes des maraîchers, mais aussi à la faiblesse des ressources humaines (irrégularité de la
main-d’œuvre) et à la faiblesse des aspects organisationnels (faillite des coopératives face aux
besoins des maraîchers).
Secteur économique Secteur
social Secteur culturel
Acteurs
Contraintes sociales
Contraintes financières Contraintes
techniques
Introduction générale
13
Les contraintes économiques font état de l’insuffisance de moyens financiers pour faire face
aux dépenses d’exploitation. Ces dépenses sont réparties en charge de travail (paiement de la
main-d'œuvre) et en charge des moyens de production (achats des intrants divers dont les
semences améliorées, les fertilisants et le matériel agricole).
Les contraintes techniques recouvrent des facteurs très divers. Citons principalement les aléas
climatiques (ensablement des parcelles des cultures maraîchères, occupation anarchique des
ceintures vertes des sites maraîchers et destruction des systèmes d’irrigation), le faible
encadrement technique (dégénérescence des semences, maladie des cultures et ravages des
insectes et déficit des formations), le faible approvisionnement en intrants, l’insécurité
foncière et les difficultés de commercialisation liées à la fluctuation de la monnaie, à la
difficulté d’enlèvement des produits, aux exigences des acheteurs et à la baisse de prix en
saison sèche et également à la sphère technique.
Au niveau des acteurs collectifs, nous avons enregistré différents cas de dépendance vis-à-vis
des ressources. Cette dépendance perturbe non seulement l’action des coopératives, mais
entravent également leur dynamique organisationnelle. Les entretiens avec les membres des
comités de gestion des coopératives étudiées nous ont permis de recenser la dépendance
respectivement vis-à-vis des contraintes sociales, économiques et techniques.
La dépendance vis-à-vis des ressources sociales est perceptible à travers la difficulté de suivi
des dossiers administratifs des maraîchers qu’il s’agisse de microcrédit, de titres fonciers ou
autres. La dépendance des ressources économiques est caractérisée par la faiblesse ou
l’absence des activités d’autofinancement. Enfin, la dépendance des ressources techniques
concerne les difficultés d’organiser les travaux collectifs afin d’être à l’abri des inondations et
de l’ensablement des terrains, les problèmes d’encadrement des maraîchers et le faible taux de
pénétration coopérative.
Nous relevons que l’environnement contraignant dans lequel évoluent les acteurs du secteur
maraîcher Kinois mérite d’être changé. Ce changement ne peut en aucun cas s'improviser,
mais il doit faire intervenir les acteurs considérés comme pivot du changement. Ceux-ci
doivent s’exprimer, valoriser les capacités disponibles et développer les stratégies pour
accumuler les ressources et réduire au maximum les contraintes rencontrées. Quand nous
pensons changement au sein des SMC, nous pensons organisation, nouvelles stratégies et
ressources. La présence de ces ressources dans l’environnement nous permet de passer de
l’état contraignant à l’état habilitant de l’environnement.
1.2.2. État habilitant de l’environnement
L’environnement peut se révéler non seulement contraignant, mais également habilitant. Un
environnement est qualifié d’habilitant lorsqu’on se réfère aux incidences positives ou aux
opportunités qu’il recèle. Cet état nous amène à considérer qu’une organisation n’existe pas
dans l’abstrait. Elle fait partie d’une société qui a atteint un niveau de développement
technique, économique et social, caractérisé par une certaine structure sociale. Elle tire de
Introduction générale
14
cette société les ressources essentielles à l’accomplissement de ses objectifs (Plane, 2003, p.
47). Il s’agit des ressources favorables qui sont largement disséminées dans l’environnement.
Dès lors, les acteurs cherchent à contrôler ces ressources afin de contrebalancer les incidences
négatives ou contraintes de l’environnement.
Pour accéder aux ressources dont ils ont besoin, les acteurs développent des stratégies autour
du changement. Parlant des acteurs, dans le cadre de notre étude, nous faisons allusion, en
nous référant à Debuyst, (2001, p. 116), à tous les maraîchers producteurs et comités de
gestion des coopératives enquêtées qui sont tous plus ou moins concernés, directement ou
indirectement, par les contraintes qui handicapent la pratique du maraîchage et qui freinent
l’action organisationnelle des SMC étudiés. Ces acteurs valorisent les capacités en termes des
capitaux.
Par définition, le concept «capital» désigne une richesse ou un stock (de terre, de biens
mobiliers ou immobiliers, d'outillages...) qui sert à la production afin d’accéder à un revenu. Il
renvoie aux théories des capitaux développées, principalement, par Bourdieu (1979 a ; 1980).
Dans son ouvrage «La distinction», l’auteur propose une théorie originale de la
hiérarchisation de l’espace social qui se compose de capitaux économiques, culturels et
sociaux. Les mêmes théories sont reprises par différents auteurs dont Accardo et Corcuff
(1986, pp: 153-154) et Charlier et al. (2005, p. 112; pp. 118-120 et 123-124). Ceux-ci pensent
que la situation d’un individu dans l’espace social dépend à la fois du volume total des
capitaux qu’il possède et de l’importance de chacun de ces capitaux. Attardons-nous quelque
peu sur ces différentes notions exposées avec maîtrise par Bourdieu.
Le capital social semble jouir d'une certaine popularité depuis le milieu des années 1990 tant
dans les disciplines des sciences sociales, politiques ou économiques que dans les discours
politiques. À l'origine, il s'agit d'un concept se référant à un des types de ressources dont
disposent les individus et/ou les groupes sociaux. Cependant, la conception du capital social
va rapidement s'élargir à l'ensemble des interactions sociales au sein d'une société (Sirven,
2004). D’après les définitions données par les théoriciens américains, le capital social est
considéré comme un stock, mais un stock de relations, de valeurs, d’aptitudes ou encore
l’approfondissement des liens, leur multiplication, leur intensité, l’actualisation de tous les
liens potentiels ou encore des réseaux (Méda, 2006). Selon cet auteur, c’est l’expression
«réseau social» qui résume le mieux ce vaste concept. Il recouvre un ensemble de relations
personnelles et sociales ou encore les ressources sociales formelles et informelles. Dans les
SMC, les maraîchers entretiennent des rapports de coopération qui ne sont pas toujours le fait
des textes légaux, mais plutôt qui relèvent des liens tribaux, amicaux ou encore religieux. Ils
sont considérés comme des vecteurs de liens sociaux. Le développement relationnel observé
chez les maraîchers facilite les rapports interpersonnels, mais également les rapports
professionnels.
Le capital économique, lui, désigne non seulement ce que les économistes appellent en
général le patrimoine (ensemble des biens matériels possédés par un individu, par exemple un
Introduction générale
15
logement, des bijoux, des actions ou des obligations, etc.), mais aussi les revenus ou
ressources financières. Au niveau des SMC, les acteurs individuels accèdent aux ressources
financières en développant des stratégies informelles dont le microcrédit, l’épargne et le
travail à l’exploitant. Tandis que les acteurs collectifs recourent aux activités
d’autofinancement et à celles prévues dans les statuts et règlements d’ordre intérieur.
Le capital culturel est constitué par des ressources le plus souvent attestées par des
formations. Dans le cadre de cette étude, le capital culturel fait intervenir la formation des
maraîchers par l’entremise des séances d’École au champ et celles relatives aux échanges
d’expériences.
L’interprétation de ces capitaux nous permet de mettre au point une typologie des capitaux.
Nous joignons à cette typologie l’ensemble des stratégies déployées par les acteurs vis-à-vis
des contraintes rencontrées dans les SMC enquêtés (figure nº2).
Figure 2. Typologie des capitaux et hiérarchisation des stratégies d’acteurs
Au-delà de la puissance théorique de l'appareil conceptuel proposé par Bourdieu, les trois
types des capitaux susmentionnés sont largement abordés dans l’approche des moyens
d’existence durables (approche MED).
L’approche des moyens d’existence durables fut développée au milieu des années 80 avec les
travaux de Robert Chambers et poursuivis par Conway et d’autres au début des années 90.
Depuis lors, quelques agences de développement dont le Department For International
Development, la Banque mondiale ou encore la FAO ont adopté les concepts dits des moyens
d’existence et s’est efforcé de les mettre en œuvre. Elle vise à placer les acteurs au cœur du
développement, c'est-à-dire de les considérer comme acteurs principaux de leur propre
développement. Cette approche constitue une réflexion à la fois sur les objectifs, la portée et
les priorités du développement. Elle s’ajoute à un paysage conceptuel et opérationnel déjà
bien complexe dans le domaine du développement.
Stratégies des acteurs
Capital social
Capital économique
Capital culturel
Types des capitaux
Développement relationnel
Liens de famille
Liens linguistiques
Liens confessionnels
Formation
École au champ
Échanges d’expériences
Engranger les ressources afin de réduire les contraintes rencontrées.
Objectifs des acteurs
Financement informel
Recours à l’épargne
Recours au Microcrédit
Travail à l’exploitant
Autofinancement et autres
Introduction générale
16
Le terme «moyen d’existence» est défini comme un ensemble des moyens et capitaux mis en
œuvre pour qu’un individu satisfasse ses besoins vitaux. Les MED peuvent s’utiliser de
manières différentes. Ils englobent les capacités, les avoirs (ressources matérielles et sociales
incluses) et les activités requis pour subsister. Ils sont durables lorsqu’ils permettent de faire
face à des pressions et à des chocs tout en maintenant ou en améliorant, aujourd’hui comme
demain, les capacités et les avoirs sans toutefois amoindrir la réserve de ressources naturelles
(Chambers et Conway, 1992). Les auteurs tels que Evans et Ngau (1991); Tacoli (1998) et
Rakodi (1999) se sont penchés sur les notions de moyens d’existence durables (MED). Ils
rapportent que les gens ont besoin d’une série d’avoirs pour obtenir des résultats positifs en
termes de moyens d’existence. Les travaux publiés par le PNUD (1999) notent que l’approche
MED nécessite la mobilisation d’un certain nombre de capitaux matériels et immatériels
complexes tels qu’identifiés précédemment.
Les moyens d’existence durables sont distribués en cinq capitaux différents. Il s’agit de
capital humain, de capital naturel, de capital financier, de capital social et de capital physique.
Le capital naturel renvoie à tout ce qui n’a pas subi l’influence de l’homme. Il comprend les
réserves de ressources qui fournissent les biens et les services utiles à l’existence. Il s’agit par
exemple des forêts vierges, de l’eau, du sol, des ressources halieutiques et minérales. Le
capital social fait référence aux rapports de confiance et de réciprocité qui soutiennent l’action
coopérative ainsi qu’à l’appartenance aux groupes formels et informels. Il renvoie aux réseaux
qui augmentent la capacité des gens à travailler ensemble et leur permet d’avoir accès aux
institutions et aux services. La loi formelle (statuts) et la loi informelle (droit coutumier et lois
réglementant la vie locale) sont aussi des formes de capital social. Le capital humain se
rapporte aux capacités, aux connaissances, aux croyances, aux attitudes, à l’aptitude au travail
(disponibilité, structure de la main-d’œuvre) et à la santé. Ces composantes permettent aux
acteurs de poursuivre différentes stratégies d’existence. Le capital physique a trait aux
infrastructures de base et aux services qui aident à soutenir les moyens d’existence. Il s’agit
de tout ce qui bénéficie de l’apport de l’homme. C’est le cas par exemple, des transports
abordables, de l’alimentation en eau, des systèmes d’assainissement, du logement, des
surfaces cultivées, des animaux domestiques et autres. Il faut également signaler que la
synergie entre le capital humain et le capital naturel (MED) permet de dégager le capital
physique (MED). Le capital financier renvoie aux ressources monétaires dont les populations
pauvres peuvent disposer, y compris les réserves (c’est-à-dire l’épargne, le crédit) et les flux
réguliers d’argent (par exemple le travail rémunéré, les remises de fonds, les subsides, les
transferts de paiement et autres droits sociaux).
En rapprochant les deux littératures sur les capitaux, nous estimons que les deux insistent ce
sur quoi les individus (maraîchers) misent pour accumuler les ressources qui leur permettent
de faire face aux contraintes rencontrées dans la pratique maraîchère. Signalons que les
maraîchers interviewés sont occupés à accumuler des biens (ressources) socialement
valorisés. Plus précisément, ils accumulent des connaissances et des compétences (capital
culturel) puisqu’ils sont formés et encadrés. Mais ils engrangent aussi des moyens financiers
Introduction générale
17
(capital économique) et développent des relations (capital social). Lorsque Bourdieu
comptabilise dans les capitaux l’ensemble des capacités valorisées par les acteurs afin
d’obtenir des ressources, les partisans de l’approche des moyens d’existence durables
considèrent un capital comme un patrimoine existant qu’un acteur peut acquérir afin d’assurer
son existence de manière durable. Les deux approches mettent en évidence une capacité.
Celle-ci ne devient patrimoine ou capital que lorsqu’elle est valorisée.
Concrètement, nous montrons d'abord que le capital social (Bourdieu) éclate en deux capitaux
(capital humain et capital social) dans l’approche MED. En ce qui concerne les maraîchers,
ces capitaux résument différents liens valorisés par l’entremise de la famille, de la langue
parlée et des appartenances religieuses. Non seulement ces liens socialisent les maraîchers,
mais ils permettent également de mobiliser les ressources, particulièrement humaines, telles
que la main-d’œuvre, les clients acheteurs et les autres partenaires des maraîchers.
Ensuite, nous indiquons que le capital économique (Bourdieu) est assimilé au capital financier
et interagit avec le capital physique (MED). Ce constat renvoie aux ressources financières que
les maraîchers cherchent à contrôler, par le moyen de l’épargne, du microcrédit et du travail à
l’exploitant afin de faire face aux différentes dépenses liées à la production des légumes.
Enfin, nous constatons que le capital culturel (Bourdieu) est fractionné en capital humain et en
capital social dans l’approche MED. Il s’avère important de signaler, à ce stade théorique, que
le capital naturel (MED) n’est pas inclus dans le capital culturel (Bourdieu). Mais nous
essayons de les rapprocher à partir de certains indices des effets de la formation. En effet, les
maraîchers accumulent les connaissances et les compétences grâce à l’École au champ et aux
échanges d’expériences organisés dans leur coopérative.
Ces connaissances et compétences permettent aux maraîchers d’améliorer les techniques de
travail afin d’accéder à des ressources que nous rangeons dans le capital naturel (MED). C’est
le cas par exemple de la terre, de l’eau et des déchets (feuilles vertes) qui constituent des
ressources naturelles indispensables à la pratique maraîchère. Concrètement, il faut noter que
la terre constitue une ressource indispensable qui détermine l’établissement des cultures
maraîchères. Elle est considérée comme un capital naturel dans l’approche MED. Un autre
indice des effets de la formation se rapporte aux ressources hydriques. Il faut noter que l’eau
utilisée par les maraîchers, pour arroser les cultures, est une ressource indispensable à la
pratique maraîchère. Elle est enregistrée comme capital naturel dans l’approche MED. Une
autre ressource naturelle acquise par la formation renvoie aux fertilisants organiques. Ceux-ci
concernent les déchets verts biodégradables.
Nous retenons de toutes ces illustrations que la formation dont il est question se rapporte aux
séances d’École au champ et aux échanges d’expériences entre maraîchers. Elle a des effets
positifs et diversifiés sur la production et la commercialisation des légumes. Les différents
indices des effets de la formation épinglés précédemment permettent de renforcer la proximité
entre les théories des capitaux développées par Bourdieu et l’approche MED en ce qui
concerne, respectivement, le capital culturel et le capital naturel.
Introduction générale
18
Le capital culturel (Bourdieu) interagit également avec le capital financier (MED). C'est-à-
dire, la formation acquise permet aux maraîchers de produire les légumes (capital physique
MED). Ceux-ci sont vendus et génèrent de l’argent sous forme de liquidités.
De ce qui précède, nous dégageons et identifions les interactions (figure nº3) qui permettent
de rapprocher les théories des capitaux de Bourdieu à l’approche MED.
Figure 3. Rapprochement entre les capitaux de Bourdieu et MED Source: Auteur, sur base des théories des capitaux et de l’approche MED
De cette proximité entre ces deux approches théoriques, nous relevons que leurs contenus ne
s’excluent pas mutuellement, mais se complètent. Les acteurs qui valorisent les capacités
qu’ils possèdent pour accéder aux ressources font preuve d’un esprit d’imagination, de
créativité et d’autonomie et se montrent aussi capables de cheminer vers une transformation
positive du secteur maraîcher kinois. C’est ce processus de changement, en vertu duquel les
acteurs (maraîchers et coopératives) accèdent au mieux être, que nous considérons comme
développement (Hermet, 2000). Pour éclairer cette allégation, nous nous référons à l’approche
sociologique du développement.
1.2.3. Approche sociologique du développement
Avant d’aborder cette approche, il convient de signaler que le développement est une
problématique dont on a commencé à se préoccuper dans l’entre-deux-guerres. Elle n’a
pourtant véritablement fait l’objet d’élaboration théorique importante qu’après la seconde
guerre mondiale. Dès le départ, ce n’est pas un concept pensé en tant que tel, mais il est pensé
en fonction de ce qui est son absence, définie comme le «sous-développement», vu comme le
manque de développement (Peemans, 2002, p. 8). Nous remarquons cependant que dans le
parler populaire, on confond souvent croissance et développement. Or, il ne s’agit pas là de
synonymes. Le développement implique l’accroissement de bien-être et le changement dans
la structure économique et sociale. Il engage une société sous tous ses aspects. Tandis que la
croissance est une notion plus simple. Elle se réfère à un accroissement des activités de
Capitaux selon Bourdieu Capitaux selon l’approche MED
Capital humain
Capital naturel
Capital physique
Capital social
Capital financier
Capital économique
Capital social
Capital culturel
Introduction générale
19
production de biens et services, mais n'implique pas nécessairement des changements dans la
structure de la société. Le concept de développement contiendrait donc l'idée de croissance. Il
est interdisciplinaire et englobe une multitude de composantes ou champs de connaissances
(Celso, 1975). Il est défini comme un ensemble de transformations économiques, sociales et
culturelles (Kimpianga, 2007, p. 16).
L’analyse de ces transformations nous permet de circonscrire la présente étude devant la
nécessité de croiser plusieurs regards, non seulement celui de l’économiste, du sociologue, du
politologue ou de l’anthropologue, du médecin et de l’ingénieur, mais aussi celui de
l’agronome.
Pour comprendre le processus de changement qui s’opère dans les SMC de Kinshasa, nous
avons abordé une discipline spécifique qu’est la sociologie du développement. Cette branche
de la sociologie, plus courante dans la littérature en anglais qu'elle ne l'est en français, admet
de placer la dynamique impulsée par les acteurs en regard de leurs impacts sur la société.
Dans son ouvrage intitulé Development Sociology. Actor Perspectives, Long Norman (2001)
étudie les genres d’interventions et de transformations sociales qui ont caractérisé la deuxième
moitié du vingtième siècle. Cet ouvrage met en lumière les transformations impulsées par les
acteurs à la base. L’auteur considère, en fonction des réalités de chaque milieu, qu’aucun
développement local ne ressemble à un autre. Il renforce son point de vue en estimant qu’il
n'existe pas de «recette» du développement local et que chaque cas constitue une «signature»
spécifique. Le développement relève des interfaces et des connexions intersystémiques qui ne
s’opèrent jamais de la même façon.
Face à cette réalité, les théoriciens du développement se sont aperçus que les territoires ne se
développent pas tous de la même façon. Cela signifie, en d’autres termes, que les mêmes
causes ne produisent toujours pas les mêmes effets et que le développement est fonction de
facteurs variés et dépend d’une réalité spécifique. C’est à partir de cette perspective que notre
travail s’écarte de l’analyse structurelle la plus courante dans les études sur le développement.
À la lumière de ce qui précède, notre étude permet, à travers une approche interdisciplinaire,
d’analyser des réalités complexes et pluri-dimensionnelles de changement, articulant
structures, et stratégies d'acteurs autour du changement. Elle se concentre, plus
particulièrement, sur les fondations théoriques et méthodologiques construites à partir de
l’analyse des stratégies des acteurs qui évoluent dans un environnement qui fait peser sur eux
de fortes contraintes. Il s’agit concrètement d’évaluer la dynamique des acteurs du secteur
maraîcher et de questionner les processus de développement social et économique au regard
de cette littérature.
L’analyse des réalités spécifiques rencontrées dans les SMC enquêtés par rapport aux
différents faits étudiés, dans les différents coins du monde, par Norman (2001), nous permet
de dégager deux observations majeures. Premièrement, nous pensons que le facteur
déclencheur ou encore la situation externe responsable du déséquilibre ou du
Introduction générale
20
dysfonctionnement observé dans les SMC enquêtés se rapporte aux contraintes.
Deuxièmement, les actions du changement entreprises pour réduire ces contraintes se
rapportent aux stratégies. Ces actions sont initiées à la base par les acteurs (maraîchers
individuels et collectifs). D’où la justification de la notion du développement par le bas,
considérée comme un ensemble des stratégies informelles déployées par les maraîchers. Il
s’agit d’un mouvement ascendant (schématisé ci-dessous) initié par les acteurs afin de passer
de l’état des contraintes à celui du changement dans les SMC.
Figure 4. De contraintes vers les stratégies du changement
Le choix des stratégies par les maraîchers dépend en principe, de la perception des contraintes
rencontrées et des ressources facilement mobilisables. Ainsi, il faut noter que la dynamique
impulsée, individuellement et collectivement, par les maraîchers consiste à engranger les
ressources capables de réduire les contraintes. Cette dynamique dite «montante» fait
apparaître des nouvelles transformations sociales, économiques et techniques dans les SMC.
Elle est considérée comme un modèle du développement par le bas.
Le paradigme du développement par le bas s’oppose à celui du développement fonctionnel ou
du développement par le haut. Il renvoie selon Long (2001) ; Aydalot (1985, p. 108) et
Tremblay (1999, pp. 20-30) aux transformations endogènes ou encore locales.
Pour la clarté de l’exposé, chacun de ces deux termes mérite d’être explicité. Nous relevons
d’abord, celui du développement endogène. C’est un concept qui est né avec la nécessité de
freiner les inégalités du développement dans l’espace et de territorialiser ce développement.
Ce type de développement est plus basé sur les besoins fondamentaux des personnes
(alimentation, logement, éducation, travail) que sur les besoins de la croissance du marché. Il
est axé sur la valorisation des ressources locales: sur le plan des ressources naturelles, sur le
plan de la culture locale ainsi que sur le plan des savoir-faire locaux. Il faut noter cependant
que le développement endogène n’est pas un processus de fermeture vis-à-vis de l’extérieur,
ni encore un repli sur les seules forces locales. Il intègre la capacité de transformation du
système économique et social; capacité d’introduire des formes spécifiques de régulation
sociale au niveau local (Garofoli, 1994). Le caractère local de ce développement se raccorde à
l’approche précédente (Boisvert, 1996 ; Latouche, 1991, p. 11).
Nous décrivons le développement local, en nous référant à Tremblay et al. (1996 et 1997);
Pecqueur (1989 et 1996); Vachon (1990 et 1993); Favreau (1995 et 1996) et Proulx (1995 a,
Stratégies du changement
SMC
Acteurs individuels et collectifs
Facteurs déclencheurs «Contraintes»
Facteurs déclencheurs «Contraintes»
Introduction générale
21
1995 b, 1997), comme une perspective centrée sur la revitalisation des communautés locales
et sur l'amélioration des conditions de vie des populations selon des initiatives mises en œuvre
à la fois par et pour ces populations locales elles-mêmes. Cette approche est principalement
orientée vers l'amélioration des indices économiques traditionnels, telle la croissance des
emplois et des revenus, à partir d'initiatives mises en œuvre par le secteur privé.
Au niveau des SMC, nous relevons deux réflexions. La première réflexion considère que les
transformations socio-économico-culturelles incarnées par les maraîchers sont endogènes.
Elles proviennent de l’intérieur de l’environnement du secteur maraîcher. Les acteurs tant
individuels que collectifs valorisent de capacités et, développent de stratégies afin d’atténuer
les multiples contraintes qui émanent de leur environnement. Ces acteurs se sont inspirés,
particulièrement, et ré-appropriés, partiellement au moins, des organisations importées telles
que le projet CECOMAF financé par la coopération française. Concrètement, les acteurs
parviennent à cette dynamique organisationnelle en mettant en œuvre des stratégies
associatives informelles. La clé de ce processus réside dans le processus de coopérativisation
des SMC, l’opérationnalisation des dispositifs d’encadrement tels que l’École champ et les
séances informelles d’échanges d’expériences entre maraîchers et sites coopérativisés. La
deuxième réflexion attribue aux stratégies des acteurs un caractère local. Elles concernent un
secteur d’activités bien déterminé soit le «maraîchage» pratiqué dans la ville de Kinshasa.
L’analyse réalisée sur les stratégies déployées par les acteurs individuels et collectifs kinois,
vis-à-vis des contraintes rencontrées, fait état d’une dynamique qui permet d’atteindre les
objectifs économiques, culturels et sociaux des maraîchers individuels et des coopératives.
Cette dynamique est orientée par trois axes directeurs dont la rupture avec les formes de
dépendance prévisibles dans les sites maraîchers ; le retour sur soi et la formation locale
réalisée par le truchement des dispositifs des écoles au champ et d’échanges d’expériences
entre maraîchers et coopératives. Il ressort de ces axes directeurs la propension des acteurs à
la créativité, à l’autonomie et à la socialisation dans un environnement socioculturel,
juridique, politique et économique contraignant.
En conciliant les différentes théories susmentionnées avec celle de la sociologie du
développement, nous constatons que les stratégies déployées par les acteurs sont considérées
comme une dynamique ascendante. Celle-ci est caractérisée par le développement relationnel,
l’élan financier et la fiabilité des techniques du maraîchage. Cette dynamique constitue un
processus de changement ou de transformation qui s’effectue à petite échelle, dans un
contexte d’économie informelle.
1.3. Hypothèses de l’étude
Partant des questions de recherche, nous avons défini un cadre de référence théorique qui
nous permet de formuler des propositions des réponses aux questions de départ. Nous
rappelons que les SMC ne se développent pas sans influences de l’environnement. Celles-ci
peuvent être négatives ou positives et proviennent de trois secteurs de l’environnement. En ce
qui concerne les influences négatives, il faut signaler que les maraîchers sont confrontés à des
Introduction générale
22
contraintes qui handicapent le déroulement de leurs activités. Au niveau des coopératives, ces
contraintes interagissent comme des facteurs régressifs à la dynamique organisationnelle.
Outre les incidences négatives de l’environnement, les acteurs y puisent également des
ressources qui constituent le versant positif (figure nº5).
Figure 5. Influences négatives et positives de l’environnement sur les acteurs
Il ressort de cette tentative de schématisation que les flèches descendantes représentent les
influences négatives de l’environnement tant sur les acteurs individuels que sur les acteurs
collectifs. Les plus visibles sont considérées comme des contraintes (état contraignant de
l’environnement). Dans le cadre de cette étude, nous établissons que les contraintes identifiées
sont variées, qu’il s’agisse de la production ou de la commercialisation des légumes.
Par contre, les flèches ascendantes dirigées vers les trois secteurs expliquent les incidences
positives de l’environnement sur les acteurs (état habilitant de l’environnement). Il s’agit
globalement des stratégies «mouvements ascendants» déployées par les acteurs afin de
contrôler les ressources. Ces ressources sont considérées comme des capitaux. En nous
appuyant sur les théories des capitaux et sur l’approche MED, nous affirmons que les
maraîchers s’affranchissent des contraintes qui pèsent sur eux en valorisant les capacités
qu’ils possèdent afin d’accumuler les ressources sous forme des capitaux. Outre les capacités
valorisées par les maraîchers individuels, il importe de relever les stratégies organisationnelles
déployées par les comités de gestion des coopératives (acteurs collectifs) afin de contrôler les
ressources. Le schéma actionnel qui nous a servi de fil conducteur pour les maraîchers
individuels, peut aussi être utilisé dans le cas des acteurs collectifs. Ceux-ci déploient une
diversité des stratégies, mais le choix de chacune d’elle dépend de la contrainte rencontrée.
Ainsi, l’analyse contrastée des stratégies déployées par les acteurs collectifs permet d’avancer
que celles par lesquelles les SMC évitent leurs contraintes contribuent de manière différenciée
à la dynamique organisationnelle des entités coopératives.
La vérification de ces hypothèses a nécessité une démarche méthodologique qu’il convient
d’expliciter.
SSeecctteeuurr tteecchhnniiqquuee
SSeecctteeuurr ssoocciiaall
SSeecctteeuurr ééccoonnoommiiqquuee
SMC
Acteurs individuels et collectifs
Introduction générale
23
1.4. Méthode et outils de collecte des données
Les données qui nous ont permis de vérifier nos hypothèses proviennent de trois sources
principales : des sources documentaires, des enquêtes sur le terrain et des observations. Ces
techniques ont permis, comme le pense Dépelteau (2000, p. 203), de réaffirmer les
conjectures théoriques abordées précédemment. Nous avons consulté des ouvrages, des
revues, des travaux de fin d’études dont mémoires et thèses, des rapports ainsi que des
archives disponibles dans les différents bureaux des ministères et services concernés.
L’analyse des documents a permis de dégager des éléments explicatifs de la dynamique des
acteurs sur le terrain. Vu la pauvreté des données statistiques disponibles auprès des services
concernés, nous ne pourrons présenter que quelques chiffres. Cependant, malgré la faiblesse
des ressources statistiques, nous avons réussi à faire correspondre le discours à la réalité. Les
rendements et les prix des légumes, les effectifs des maraîchers, l’évolution sur la
coopérativisation des sites maraîchers, le minimum d’encaisses, le volume de cotisations, les
droits d’adhésion, les différentes sources de financement, les indices d’utilisation de la terre et
de diversification des cultures constituent autant de données chiffrées qui étayent nos
analyses.
1.4.1. Technique d’observation
L'observation est considérée comme un outil. Elle permet d’effectuer le travail de terrain sans
passer par un intermédiaire. Il s’agit d’un mode d’investigation direct qui se déroule dans le
milieu naturel (Dépelteau, 2000, p. 336).
Nos observations se sont effectivement déroulées in situ. Différents procédés d’observation
ont été utilisés, inspirés d’auteurs tels que Berthier (1998, pp. 12-13); Bertaux (2005, p. 32) et
Copans (2005, pp. 34-46). Nous nous sommes rendus sur le terrain (SMC), avons observé
directement ce qui s’y passe. Nous avons organisé des entretiens avec les acteurs afin de
recueillir les informations utiles à la présente étude. Cette façon particulière de faire est
procéder est restée conforme à l’approche de Friedberg (1988, pp. 107-108) relative aux
observations sur le terrain. Pour plus de clarté, il faut signaler que nos observations in situ se
sont généralement déroulées dans les SMC de Kinshasa. Plus précisément dans celui de
Kimbanseke, de N’djili et de Mango situés tous trois dans la partie Est de la ville de Kinshasa.
Nous avons centré les observations en priorité sur les différentes contraintes qui handicapent
la pratique maraîchère et l’action organisationnelle et ensuite, sur les pistes de sortie de ces
contraintes, c'est-à-dire les différentes stratégies mises en place par les acteurs.
Nos observations nous ont permis de constater la diversité de ces contraintes. C’est le cas des
aléas climatiques caractérisés par la pénurie d’eau pendant la saison sèche ou encore les cas
d’inondation et d’ensablement des parcelles pendant la saison pluvieuse. Hormis les aléas
climatiques, nous avons également noté la mauvaise qualité des semences en particulier et des
intrants en général.
Introduction générale
24
Nous avons visité les différentes infrastructures des coopératives : les bureaux, les champs
collectifs des membres, les dispositifs d’irrigation, les points de retenue ou puits d’eau. Les
différentes visites effectuées dans les blocs de culture nous ont permis d’identifier les
principales spéculations légumières ensemencées, et d’appréhender les techniques culturales
utilisées par les maraîchers en vue d’améliorer la production des légumes.
Nous avons également assisté aux différentes opérations de vente des légumes, notamment les
marchandages en ce qui concerne le prix. Nous avons réalisé une première visite dans les
différents points de vente des intrants situés dans les environs des sites maraîchers où nous
avons pu relever la qualité et les prix de différents intrants commercialisés. Lors de ces
mêmes visites, nous avons pu mettre le doigt sur certaines stratégies activées par les acteurs.
Notamment, celles qui se rapportent aux indices des effets de la formation tels que
l’utilisation rationnelle de la terre, la diversification des légumes cultivés, l’aménagement des
points de retenue d’eau, l’autoapprovisionnement en intrants. Par ailleurs, nous avons pu ainsi
éprouver l’efficacité de l’encadrement technique en assistant à des séances d’école au champ
et des échanges d’expériences et enfin nous avons pu appréhender les tactiques de
commercialisation.
1.4.2. Technique documentaire
Afin de mieux appréhender les observations de terrain, nous les avons confrontées à un vaste
corpus documentaire. L’exploitation documentaire consiste à consulter différents documents,
de nature et d’origine diverses, relatifs à la thématique traitée (Berthier, 1998, pp. 12-13 et
Dépelteau 2000, pp. 104-106).
Avant, pendant et après notre séjour de terrain, nous avons donc consulté des rapports et des
archives provenant des coopératives. C’est le cas des états d’avancement des activités
maraîchères à Kinshasa. Nous nous sommes également référés à des rapports sur les ouvrages
généraux et spécifiques, ainsi qu’à des revues scientifiques, des articles ou des actes de
colloques.
Les sources documentaires proviennent principalement des différentes facultés (celle des
sciences économiques, sociales et politiques, celle de droit et des sciences de l’éducation) de
l’Université Catholique de Louvain, mais aussi de la Faculté Universitaire des Sciences
agronomiques de Gembloux. Nous avons également réservé notre attention à la consultation
de certains documents officiels émanant de l’administration communale des sites maraîchers
enquêtés à Kinshasa, des services nationaux et spécialisés des ministères congolais. Nous
avons également consulté les documents publiés par les organismes internationaux, il s’agit
principalement des rapports annuels sur la production maraîchère en RD Congo, ainsi que des
documents iconographiques (images et photos).
L’essentiel de la documentation consultée a trait à la dynamique agraire, notamment aux
cultures maraîchères, à la sociologie des organisations (théories des organisations), aux
Introduction générale
25
théories des capitaux et à l’approche des moyens d’existence durables ainsi qu’à la sociologie
du développement.
1.4.3. Technique des entretiens
Un entretien est un procédé d’investigation scientifique, utilisant un processus de
communication verbale pour recueillir les informations précises en relation avec les objectifs
et hypothèses de la recherche (Dépelteau, 2000, p. 314 et Grawitz, 1990, p. 742). La
conception de cette technique dans les SMC enquêtés mérite d’être comprise selon
Lamoureux (1995, p. 392). Ce dernier considère un entretien comme un outil qui sert à
recueillir les témoignages verbaux de personnes ressources. Considérés comme techniques,
les entretiens nous ont permis de repérer des personnes-ressources dont les maraîchers
(acteurs individuels) et les comités de gestion des coopératives (acteurs collectifs) étudiées
dans le présent travail. Elle nous a également permis d'avoir une vision la plus exhaustive
possible sur les expériences des acteurs vis-à-vis des contraintes rencontrées dans la pratique
maraîchère. Il existe une diversité des techniques d’entretien parmi lesquelles nous avons
choisi les entretiens semi- directifs abordés par de nombreux auteurs dont Blanchet (1985) ;
Mucchielli (1991, pp. 28-32); Berthier (1998, p. 24 ; 53); Montane (2003, p. 19) et Copans
(2005, p. 67).
Avant d’élaborer le guide d’entretien semi-directif, nous avons précisé, à partir des questions
de recherche, les objectifs de l’étude. Nous avons abordé ensuite, les conjectures théoriques
avant d’avancer les hypothèses de l’étude. La technique nous a permis, tout en nous centrant
sur la thématique traitée, de mieux appréhender, de compléter de confronter les informations
recueillies dans la littérature.
Les deux premières étapes correspondent respectivement à la question de départ et aux
conjectures théoriques. Nous les avons abordées dans la problématique et dans le cadre de
référence théorique de l’étude.
La troisième étape concerne l’élaboration d’un guide d’entretien (Annexe 9 et 10) qui indique les
lignes directrices qui ont sous-tendu nos entretiens. Ces grandes lignes ont trait à
l’identification des contraintes par les acteurs individuels et collectifs. Le même guide
d’entretien permet de saisir diverses approches valorisées par les acteurs afin de mobiliser au
mieux les ressources dont ils disposent. Les entrevues elles-mêmes ont été réalisées, d’une
part, avec les acteurs individuels et, d’autre part, avec les acteurs collectifs.
Concernant les acteurs individuels, nous avons cherché à saisir un maximum d’informations
concernant les contraintes qui handicapent la pratique maraîchère dans l’environnement des
SMC de Kinshasa. De ce relevé, nous retenons trois types de contraintes : les contraintes
sociales, les contraintes économiques et les contraintes techniques. Elles correspondent
chacune à un secteur de l’environnement tel que décrit plus haut. À travers les mêmes
entretiens, les acteurs individuels nous ont rapporté leurs réactions vis-à-vis des contraintes
indiquées. Ces réactions sont fonction des capacités valorisées afin d’accumuler les ressources
Introduction générale
26
en termes de capitaux. En accord avec le cadre théorique, trois types de capitaux ont été
retenus, à savoir : le capital économique, le capital culturel, et le capital social.
Par contre, pour les acteurs collectifs, nos entretiens ont été orientés vers les maraîchers
membres des comités de gestion de chaque coopérative. Nous avons identifié les besoins
responsables de la dépendance aux ressources. Ces acteurs nous ont renseignés sur les
stratégies déployées afin de contrôler les ressources et réduire la dépendance.
Pour réaliser nos entretiens, nous avons retenu un échantillon de 75 maraîchers à raison d’une
moyenne de 25 maraîchers par site. L’effectif des acteurs individuels représente 80% de cet
échantillon. Nous avons divisé chaque site maraîcher en blocs de culture et nous en avons
retenu 4 par site. Dans chaque bloc de culture, nous avons travaillé avec 5 maraîchers
individuels choisis au hasard sur base d’une liste de maraîchers émanant du comité de gestion
de la coopérative. Quant aux acteurs collectifs (membres du comité de gestion des
coopératives), l’échantillon s’élève 5 maraîchers membres du comité de gestion par
coopérative soit 20% de l’échantillon total.
Nous avons organisé deux séjours de terrain afin de nous approprier cette technique. Le
premier séjour s’est déroulé de janvier à avril 2006. Il nous a permis de procéder aux
entretiens exploratoires en vue de la restructuration de notre guide d’entretien. Le deuxième
séjour a eu lieu entre novembre 2007 et février 2008. Il nous a permis d'approfondir certains
points de l'enquête et de boucler l’essentiel de nos entretiens avec les acteurs concernés.
L’organisation pratique des séjours de terrain réalisés à Kinshasa a entraîné un coût financier
(titres des voyages, frais déplacements locaux, achat des matériels de travail) et a nécessité
d’adapter notre apparence physique et vestimentaire ainsi que notre mode de communication
à la réalité du terrain. Les conditions matérielles de notre travail sur le terrain ont été
modestes. Les rencontres avec les maraîchers ont bénéficié d’une ambiance conviviale.
Concernant la communication avec les maraîchers, nous retiendrons que la maîtrise de la
langue locale (lingala) parlée par les maraîchers a été d’une importance capitale.
Lors de la retranscription des informations en vue de leur analyse, nous avons choisi de
retranscrire dans le corps de la thèse quelques extraits de nos entretiens avec les différents
acteurs. Ces entretiens on été recueillis dans la langue vernaculaire des maraîchers, des
ouvriers agricoles et de toute personne impliquée dans la production des légumes. Nous les
avons ensuite traduites littéralement en français afin de les restituer sans en élaguer les redites.
En traduisant ces propos en français, nous avons opté systématiquement de rester fidèle au
témoignage de chaque intervenant jusque dans sa subjectivité en nous gardant d’édulcorer
leurs paroles.
L’avant-dernière étape de nos entretiens renvoie à l’analyse ou interprétation des informations
recueillies. Comme pensent Mercier et al. (2006, p. 144), nous avons interprété l’ensemble
des informations récoltées auprès des acteurs sur le terrain afin de rendre intelligible la
situation exposée dans le récit et, analysé en vue de regrouper les convergences et les
Introduction générale
27
divergences des récits des acteurs en ce qui concerne les contraintes rencontrées dans la
pratique maraîchère, et les stratégies déployées.
Dans leur livre «La méthode d’analyse de groupe», Campenhoudt et al. (2005, p. 97-98)
indiquent qu’il y a convergence, lorsque deux ou plusieurs témoignages d’acteurs relèvent
d’un même type d’explication des phénomènes, se renforcent et se complètent. Par contre, la
divergence intervient lorsqu’ un ou plusieurs récits d’acteurs se révèlent plus ou moins
opposés, relèvent de types d’explication des phénomènes discordants, voire incompatibles les
uns avec les autres, et se concurrencent plus qu’elles ne se renforcent mutuellement.
Lors de l’analyse, nous avons constaté dans les récits d’acteurs l’emboîtement en ce qui
concerne les convergences et divergences des acteurs. Nous avons également dégagé des
divergences à l’intérieur d’une convergence majeure. Ainsi, les convergences et divergences
répertoriées ont été regroupées, hiérarchisées et quantifiées, selon le cas, pour constituer une
typologie des contraintes qui handicapent la pratique maraîchère et l’action organisationnelle.
Cette typologie a permis de faire correspondre les capacités valorisées par les acteurs
individuels et les stratégies organisationnelles déployées par les acteurs collectifs. Nous avons
présenté certaines informations sous forme de tableaux, figures, photos et schémas. La variété
des présentations nous a permis de discuter, de commenter et d’expliquer au mieux les
phénomènes et leurs interactions.
La dernière étape de la technique des entretiens concerne la communication des résultats de
l’étude. Il faut noter que notre première communication est une contribution à un ouvrage
collectif: «Comportement organisationnel des sites de coopératives maraîchères de Kinshasa
vis-à-vis des contraintes environnementales», in: Nizet, J. et Pichault, F. (Dir.), les
performances des organisations africaines. Pratiques de gestion en contexte incertain, coll.
"Conception et dynamique des organisations", Paris, L'Harmattan, pp. 89-106. Nous avons
également procédé à des présentations dans les séminaires des doctorants avant d’envisager
enfin, la soutenance privée et la leçon publique à travers lesquelles nous avons présenté
l’ensemble des résultats de notre étude.
1.5. Difficultés de réalisation
L’ensemble de techniques utilisées dans la collecte des informations sur le terrain a rencontré
quelques limites. Celles-ci concernent le décalage entre un discours nécessairement simplifié
(entretien) et la description de réalité du terrain, le faible garanti de sécurité des acteurs et
l’absence d’un climat de confiance entre les acteurs et le monde universitaire. Concernant le
décalage entre discours et réalité du terrain, il faut signaler que nous avons ressenti lors de nos
entretiens avec les acteurs des SMC les réserves et les réticences à se livrer à un étudiant, lui
préférant un professionnel. Nous prenions aussi conscience des écarts entre le discours
recueilli (mais aussi les comportements, les positionnements, les attitudes, les actions et
décisions, etc.) et la pratique des acteurs. Ceux-ci nous ont tenu un discours plutôt très positif
de leurs dispositifs, de leurs méthodes et de leurs fonctionnements. Ils n'évoquaient que très
Introduction générale
28
rarement ou presque pas les conflits ou problèmes rencontrés entre acteurs individuels et avec
les comités de gestion (acteurs collectifs). Le faible garanti de sécurité des acteurs se rapporte
au questionnement des acteurs interviewés quant aux motivations de l’étudiant chercheur. Il
faut signaler pour éclairer cette difficulté que, lors de différents entretiens, nous nous faisions
accompagner par le secrétaire du comité de gestion ou encore par le chef de bloc de culture de
chaque coopérative. Cette présence a sans doute pesé sur la propension à évoquer les aspects
négatifs de leurs pratiques et relations. Les inquiétudes des acteurs interviewés se résument en
ces termes : «Comment leur discours allait- ils être interprété et analysé, et pour quelle
finalité?». L’absence de réponse claire à ces questions les a rendus très réticents dans leurs
réponses. Cette situation ne nous a donc pas permis de mesurer l’étendue des conflits,
rivalités ou antagonismes réels entre acteurs. Le climat de confiance relative entre les
maraîchers et l’étudiant chercheur ne s’est pas installé du jour au lendemain. En ce qui nous
concerne, nous avons dû faire preuve de patience dans notre approche et tenter une intégration
progressive dans le milieu des maraîchers. C’est au fil de la recherche que nous avons acquis,
à force de rencontres et d’entretiens, une certaine légitimité auprès des interviewés. Dès lors,
ils ont peu à peu accepté notre présence et la pertinence de nos travaux sur le terrain, nous
devenions ainsi de moins en moins extérieurs au milieu de l’étude.
Les autres difficultés rencontrées sur le terrain concernent la modicité des moyens financiers
ainsi que les difficultés techniques et documentaires. Le manque d’octroi d’une bourse
d’études ne nous a pas permis de respecter le planning des activités en ce qui concerne surtout
les voyages d’études sur le terrain. Les difficultés techniques proviennent des fréquentes
coupures d’électricité, de l’instabilité de connexion Internet, des difficultés de transport et des
tracasseries policières lorsque nous avons eu besoin des quelques photographies dans les sites
maraîchers. Nous reconnaissons, quant aux difficultés documentaires, la faiblesse que les
services publics présentent au niveau statistique, réduisant nos données à des chiffres
présentés à titre indicatif.
1.6. Structure de la thèse
Outre l’introduction et la conclusion générale, la présente thèse mobilise différentes
approches disciplinaires pour analyser les contraintes et les opportunités qui émanent de
l’environnement des SMC de Kinshasa. L’introduction générale situe le contexte dans lequel
l’étude a été menée. Elle fixe la problématique de l’étude et détaille la démarche utilisée dans
la collecte des informations. La première partie analyse les contraintes rencontrées par les
maraîchers et par leur coopérative respective. La deuxième partie décrit la dynamique
d'innovation qui implique la mise en place de nouvelles pratiques, individuellement et
collectivement, grâce à la valorisation des capacités en terme des capitaux et au déploiement
des stratégies. La conclusion générale de la thèse examine la véracité des hypothèses avancées
et présente les perspectives en vue de renforcer les stratégies déployées par les acteurs.
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
29
Première partie: État contraignant de l’environnement
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
30
Introduction
La première partie de cette étude cible la problématique des contraintes rencontrées dans les
sites maraîchers organisés en coopérative. Elle note que la pratique maraîchère est
conditionnée par certaines ressources situées dans l’environnement (État contraignant). Cette
dépendance vis-à-vis des ressources augmente lorsque les ressources dont les maraîchers et
les structures coopératives ont besoin deviennent rares.
Schermerhorn, et al. (1994, p. 508) estiment que les ressources qui créent les dépendances
peuvent être de divers ordres, et ce, en fonction de l’environnement. Il s’agit des secteurs de
l’environnement dont les incidences négatives constituent des contraintes. Cette partie de
l’étude identifie, catégorise et analyse les différentes contraintes qui handicapent la pratique
maraîchère et l’action organisationnelle des coopératives.
Avant d’y arriver, cette partie de l’étude fait état de la dimension constitutive de l’agriculture
urbaine à Kinshasa et note le déploiement de la filière maraîchère avant et après
l’indépendance. Elle relève les modèles de solidarité qui sont à la base du processus
organisationnel des maraîchers rencontrés dans les sites enquêtés.
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
31
CHAPITRE 2. CONDITIONS NATURELLES ET HISTORIQUES FAVORABLES AU MARAICHAGE
Ce chapitre traite de l’environnement des sites maraîchers coopérativisés. Il fait état de la ville
province de Kinshasa, des dimensions constitutives de l’agriculture urbaine ainsi que des
modèles de solidarités qui sont à l’origine des coopératives maraîchères à Kinshasa.
2.1. Ville province de Kinshasa
Le concept de ville province de Kinshasa signifie que cette dernière est non seulement une
capitale et une ville, mais aussi une province constituée de communes urbanisées et de
communes rurales. Les espaces verts, les faubourgs et le Pool Malebo font également partie
de la ville province de Kinshasa (De Saint Moulin, 2005). Par contre, la périphérie de
Kinshasa est constituée de tous les alentours de la partie urbanisée de la ville où se déroule
une intense activité agricole et connexe. Citons l’exploitation du bois de chauffage, des
chenilles, des noix, des fruits exotiques, des champignons, la production de vin de palme et de
raphia, de fougère et autres. La périphérie de Kinshasa recouvre aussi les espaces- verts
appelés également ceinture verte de Kinshasa, les faubourgs et les communes périphériques
situées aux confins de la ville. Parmi ces communes, nous avons retenu celle de Maluku, la
plus vaste de toutes. Elle s’étend à l’Est jusqu’à plus de 200 km du noyau urbain sur l’axe
routier Kinshasa et Kikwit
2.1.1. Situation géo climatique
La ville de Kinshasa se situe à une latitude de 4° 23' 1" Sud, une longitude de 15°26 ’ et à une
altitude moyenne variant entre 280 à 350 m. Elle est limitée au Nord-Est par la province de
Bandundu, au Sud par celle du Bas-Congo, au Nord-Ouest et à l’Ouest par la République du
Congo Brazzaville, sur une frontière naturelle formée par une partie du fleuve Congo. La ville
de Kinshasa couvre une superficie totale de 9965 km 2 (Ministère du Plan, 2005).
Le climat de la ville de Kinshasa, observé par Crabe entre 1931 et 1970 appartient au type
AW4 selon l’échelle de Köppen (Crabe, 1980). Il s’agit d’un climat tropical chaud et humide
subéquatorial dominé par deux saisons: d’abord une saison sèche qui dure quatre mois. Elle
s’étend habituellement de mi-mai à mi-septembre. Ensuite, une saison pluvieuse qui dure huit
mois et qui s’étend de la deuxième moitié du mois de septembre à la première moitié du mois
de mai. Le mois de novembre est le plus pluvieux de la première période de la saison. Entre la
fin du mois de décembre et le milieu du mois de février apparaît une «petite saison sèche» où
les pluies sont rares et irrégulières. Elles redeviennent abondantes au mois de mars et avril
avec un maximum de pluviosité enregistré au mois d’avril. Il pleut en moyenne près de 113
jours à Kinshasa. Les précipitations annuelles moyennes sont de l’ordre de 1365 mm. Les
pluies sont, dans bien nombre des cas, très localisés, mais il n’est pas exclu qu’une pluie
tombe sur l’ensemble de la ville. La température demeure élevée pendant toute la saison des
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
32
pluies et se situe pendant cette période entre 27 et 31°C. En saison sèche, et particulièrement
de mai à juillet, la température diminue et oscille entre 20 et 25°C. Le mois de juillet est
considéré comme le plus froid de l’année. La moyenne annuelle est de 25°C et celle de
l’humidité relative s’élève à 79%.
2.1.2. Lotissement et population
Au lendemain de l’indépendance, Kinshasa s’urbanise sans norme pour trois raisons : le
départ brusque des fonctionnaires belges, la guerre civile à l’intérieur du pays et l’abolition du
système de passeport pour les migrants ruraux. La jeune administration nationale
inexpérimentée n’arrive pas à contenir la vague migratoire et à trouver une solution
immédiate à la crise du logement. Les politiciens, les chefs coutumiers, les bourgmestres et
les fonctionnaires inconscients s’improvisent lotisseurs, au mépris de la loi selon laquelle «le
sol et le sous- sol appartiennent à l’État qui les gère par le biais de ses services compétents».
La conséquence logique de ce lotissement anarchique, dispersé et incontrôlé réside dans la
diversité de types de quartiers dans la production spatiale de la ville. C’est le cas aussi bien
des quartiers résidentiels, des quartiers des anciennes cités, des quartiers des cités planifiées,
des quartiers excentriques et d’extension que des quartiers semi- ruraux.
Les quartiers résidentiels sont caractérisés par leur haut standing : la voirie est goudronnée, le
système d’égout est partiellement fonctionnel, les habitants disposent un revenu élevé. Dans
les rues de ces quartiers, les activités informelles sont faibles. L’accessibilité est bonne et
aménagée tant pour les automobiles que les piétons. Les infrastructures sont présentes et en
bon état, mais sous-utilisées. Ces quartiers se situent particulièrement dans les communes de
la Gombé, Limeté Résidentiel, Salongo limeté, Ngaliema et Lemba Righini.
Les quartiers des anciennes cités sont de vieux quartiers, avec des habitations en général
vétustes et taudifiées. Les rues sont, en partie, bitumées et les canalisations d’eau bouchées.
Ces quartiers se situent notamment dans les communes de Kinshasa, Lingwala, Barumbu et
Kintambo. Dans ces quartiers, la densité de la population est très forte et les emplois
informels sont très présents. Les infrastructures sont à leurs à la fois insuffisantes et
dégradées, et les chaussées ne sont pas aménagées.
Les quartiers planifiés sont cadastrés, et dotés des commodités urbaines. Les canalisations
sont vieilles et sous dimensionnés, celles des eaux ménagères sont presque inexistantes. La
densité de la population reste forte et les emplois informels sont très importants. Les
infrastructures sont saturées et dégradées. Ces quartiers occupent les communes de Lemba,
Matete, N’djili (quartiers 1 à 7), Bandalungwa et Kalamu où se trouve le célèbre quartier
Matonge.
Les quartiers excentriques et d’extension sont essentiellement d’autoconstruction, isolés, non
cadastrés et en majorité habités par des couches sociales à faibles revenus. Ils se situent dans
les communes de Masina, Kinseso, Selembao, Makala, N’djili extension, Bumbu,
Kimbanseke, Ngaba. Certains de ces quartiers sont créés sur des sites inondables et des
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
33
collines friables. Les infrastructures publiques sont quasi inexistantes. Ces quartiers sont
inclus dans les communes de Masina, Kisenso, Selembao, Makala, N’djili extension, Bumbu,
Kimbanseke, Ngaba.
Enfin, les quartiers semi-ruraux sont localisés dans les communes de Maluku, N’sele, Mont-
Ngafula. Ces quartiers occupent à eux seuls plus de 50% de la superficie de la ville. Ils sont
quasiment inhabités et se trouvent à plus de 60 km du centre-ville. Ils remplissent les
fonctions de banlieues agricoles.
Concernant la population de Kinshasa, il faut noter que le dernier recensement remonte à
l’année 1984. Cependant, en 2004, le Ministère du Plan par le biais de l’Institut National des
Statistiques (INS) a mené des investigations dans l’ensemble du pays, et plus particulièrement
dans la ville province de Kinshasa où l’on dénombre une population chiffrée à 5260000
habitants structurés de la manière suivante :
- La quasi-totalité de cette population (97,9%) est congolaise. Les ressortissants des
pays limitrophes de la RDC représentent 1,5% de la population totale de Kinshasa,
ceux des autres pays africains 0,5% alors que ceux venant d’autres continents sont
minoritaires avec 0,1%.
- La population de nationalité congolaise résidante à Kinshasa est composée
essentiellement des groupes ethniques suivants : 32,1% sont des ressortissants du Bas-
Congo, 30,3% proviennent du Bandundu, 14,1% du Kasaï et du Katanga. Les deux
premiers groupes ethniques résidant dans les provinces proches de Kinshasa sont les
plus représentés dans la capitale congolaise.
- La migration à Kinshasa est essentiellement urbaine. En effet, près de trois quarts (soit
71,2%) des migrants parviennent d’un autre milieu urbain (chefs-lieux de province ou
de district, autres villes) alors que 27,1% sont issues du milieu rural et 1,8% viennent
de l’étranger (INS, 2005). La même référence indique que 71% de Kinois sont nés à
Kinshasa et seulement 29% séjournaient dans une autre localité avant de venir
s’installer à Kinshasa. Il faut noter également que plus de la moitié de ces migrants (55
%) ont moins de 40 ans et sont arrivés à Kinshasa ces dernières 20 années. Les
principaux motifs qui justifient les mouvements migratoires vers Kinshasa sont les
raisons familiales (53,4%), la poursuite des études (20,6%) à cause de la concentration
à Kinshasa des infrastructures scolaires et la recherche d’un emploi (11,3%).
Contrairement à l’opinion communément répandue, les déplacés de guerre ne
représentent que 1,7% de l’ensemble des migrants (PNUD, 2005).
Depuis lors, aucune statistique valable ne nous permet de chiffrer avec certitude la taille
actuelle de la population kinoise. Les différentes spéculations oscillent entre sept et dix
millions d’habitants et estiment que la ville de Kinshasa est enregistrée parmi les 30
agglomérations les plus importantes dans le monde.
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
34
2.1.3. Présentation et dispersion des SMC par pôles géographiques
La ville de Kinshasa est répartie en trois pôles géographiques. Il s’agit de la partie Kin-Est,
Kin-Ouest et Kin-Centre. Parmi ces trois pôles géographiques, nous estimons que la partie
Kin-Est regroupe le plus grand nombre, soit 50% des SMC. La partie Kin-Ouest comprend
30% des sites maraîchers. Enfin, Kin-Centre ne compte que de 20% des sites (figure nº6).
50%
30%
20%
Kin Est
Kin Ouest
Kin Centre
Figure 6. Répartition des SMC par pôles géographiques de Kinshasa
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
Les activités maraîchères rencontrées dans ces trois pôles géographiques font partie intégrante
de l’agriculture urbaine. Nous avons choisi d’orienter notre étude vers la partie Est de la ville
de Kinshasa. Et, notre choix s’est particulièrement porté sur trois SMC : ceux de Kimbanseke,
de Mango et de N’djili.
Le SMC de Kimbanseke est bordé à l’Est par le quartier Salongo, à l’Ouest par la rivière
N’djili, au Nord par le site de N’djili et au Sud par le site maraîcher de N’tadi. Il fut délimité
en 1954 après celui de N’djili qui n’arrivait plus, à cause de la demande de plus en plus
croissante, à approvisionner le marché local en produits maraîchers. Les premières
installations d’exploitants remontent aux années 1957-1958. Leur mission principale fut
d’assurer l’approvisionnement des colons belges en légumes frais.
La coopérative maraîchère de Mango est implantée dans un quartier de la commune de
Kimbanseke. L’année 1972 fut marquée par le regroupement de petits groupes d’exploitants
maraîchers. C’est en 1980 que le processus de coopérativisation devint effectif dans ce site.
Les maraîchers coopérateurs ont bénéficié de l’encadrement et de l’appui technique de la
coopération française notamment les apports en intrants divers, et les crédits. En 1989, la
coopérative maraîchère de Mango est reconnue par un arrêté de l’Hôtel de Ville.
Le SMC de N’djili fut créé à l’initiative du premier bourgmestre de l’époque (1952-1956). La
date effective de sa création se situe aux environs de 1962, après la coopérative de
Kimbanseke. En 1966, la coopérative dépendait de la présidence de la République. En 1972, il
sera créé en son sein, un Centre de Commercialisation des Produits maraîchers et Fruitiers
(CECOMAF) grâce à la coopération française. La coopérative de N’djili a subi, comme toutes
les autres, les effets négatifs des pillages des années 1991 et 1993. Il s’agit de destruction des
infrastructures: barrage d’irrigation et bâtiments et du vol des cultures en place.
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
35
Les deux premiers SMC enquêtés (Kimbanseke et Mango) se localisent dans les communes
administratives de Kimbanseke tandis que le troisième SMC enquêté (N’djili) est circonscrit
dans la commune de N’djili (carte nº1).
Carte 1. Carte administrative de la ville de Kinshasa
La commune de Kimbanseke est située au Sud-est de la ville de Kinshasa et au sud de la
commune de N’djili dans la zone des collines. Elle est la commune la plus peuplée de la ville
depuis les années 1980. La commune de Kimbanseke est une des communes urbaines la plus
peuplée avec près d'un million d'habitants.
Quant à la commune de N’djili, il faut signaler qu’elle est située dans une plaine, au-delà de la
rivière N’djili dans sa partie ouest. Elle est bornée au Sud par les communes de Kimbanseke
et Masina dont elle est séparée par le boulevard Lumumba. Elle est l'une des vieilles cités
planifiées par les Belges et compte 13 quartiers populaires, elle donna son nom à l'aéroport
international de N’djili lequel est administré par la commune de N’sèle.
Les travaux réalisés par Muzingu (2005, pp. 83-85) identifient 60 sites maraîchers et les
répartissent dans les communes de Kinshasa (figure nº7).
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10
N'djili
Kimba
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Communes
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SM
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Figure 7. Dénombrement des SMC par communes administratives de Kinshasa
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
On note qu’un grand nombre des sites maraîchers (9 sites sur 60 soit 3%) sont localisés dans
la commune de Kimbanseke. La commune de Mont Ngafula vient en deuxième position avec
Coopérative maraîchère de N’djili
Coopérative maraîchère de Kimbanseke
Coopérative maraîchère de Mango
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
36
8 sites sur 60 soit 2%. Les communes de Masina et de Bandalungwa sont classées en dernière
position avec chacune 1 site sur 60 soit 0,3%. Les activités maraîchères rencontrées dans cette
partie de la ville font partie intégrante de l’agriculture urbaine dont nous retracerons, dans les
lignes qui suivent, les dimensions constitutives.
2.2. Dimensions constitutives de l’agriculture urbaine à Kinshasa
L’agriculture urbaine, intra-urbaine ou encore périurbaine fait l’objet de définitions multiples
dans la littérature. Elle regroupe l’ensemble des activités en zones urbaines et périurbaines de
culture, d’élevage et d’acheminement de matières premières ainsi que le traitement et la
commercialisation des produits agricoles (Margiotta, 1996, pp. 9-12; 1997, p. 4).
La différence entre agricultures urbaine et périurbaine est liée à la présence ou à l’absence des
rapports fonctionnels entre ville et agriculture. Mais dans l’ensemble, l’agriculture tant
urbaine que périurbaine comprend à la fois la production végétale (agriculture vivrière et
arboriculture) et la production animale (porcs, volaille, poisson, etc.) dans les zones urbaines
bâties. Elle constitue une activité qui permet de produire, de transformer et de vendre des
aliments et d'autres produits agricoles sur les terrains des zones urbaines et périurbaines.
L’agriculture urbaine à Kinshasa couvre plusieurs secteurs d’activités, dont le maraîchage, la
riziculture, la floriculture, et l’élevage. Les activités détaillées de chaque filière sont illustrées
dans la figure nº8 ci-dessous.
Figure 8. Principales filières de l’agriculture urbaine à Kinshasa
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
Dans cette étude, l’agriculture urbaine vise essentiellement la production et la
commercialisation des légumes. Il s’agit de la filière maraîchère illustrée ci-dessous.
AAggrriiccuull ttuurree uurrbbaaiinnee
MMaarraaîîcchhaaggee
RRiizziiccuull ttuurree
ÉÉlleevvaaggee
FFlloorriiccuull ttuurree
LLéégguummeess ffeeuuii ll lleess
LLéégguummeess ffrruuii ttss eett ttiiggeess
LLéégguummeess rraacciinneess eett bbuullbbeess
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VVoollaaii ll llee
CCuunniiccoollee
CCaapprriinn eett OOvviinn
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Principales filières et activités
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
37
Photo 1. Maraîchage en plein centre urbain de Kinshasa (Bitabé/Masina)
Source : Auteur sur base des données d’enquête
Le concept «filière» désigne l’ensemble des actes de production, de transformation, et de
distribution relatifs à un produit ou à un groupe de produits homogène et concourant à la
satisfaction d’un même besoin final de la consommation (Lebailly et al. 2000, pp. 4-5). Selon
les mêmes auteurs, le concept de filière et ses champs d’application diffèrent selon l’angle
sous lequel on s’y intéresse et les utilisations que l’on veut en faire. Tandis que le terme
« maraîchage » tire son origine du mot «marais». Les cultures légumières sont réalisées de
préférence en zone de marais pour des facilités d’irrigation. Pour Kinkela (2001, p. 229), les
cultures légumières renvoient à un secteur d’activité caractérisé par la production intensive de
légumes destinés à la vente.
De ce qui précède, nous retenons que la filière maraîchère relève de l’horticulture et son
objectif est d’assurer la production et la commercialisation des légumes. Du point de vue
historique, nous situons l’expansion de la filière maraîchère à Kinshasa en trois périodes
différentes. Il s’agit de la période précédant l’indépendance (1954-1960), de la période de
l’indépendance jusqu’en 1990, et de la période de 1990 à ce jour.
2.2.1. Déploiement de la filière maraîchère de 1954 à 1960
Bien avant l’indépendance, le maraîchage était déjà pratiqué de manière traditionnelle par la
population. Mais il faut souligner que cette activité s’est également présentée comme une
solution envisagée par l’administration coloniale belge, afin de sortir la population kinoise,
particulièrement les femmes, de l’oisiveté subséquente à la vie citadine. L’objectif essentiel
était d’assurer la production des légumes et fruits exotiques destinés aux Européens vivant à
Kinshasa (Carpelle, 1947. pp. 51-52). Cette production fut essentiellement pratiquée par les
Lari installés à Kinshasa. Bone (1973, p. 109) pense que ce groupe ethnique, originaire du
Congo Brazzaville, peut être considéré comme le premier exploitant maraîcher rencontré dans
les sites de Kinshasa.
Plusieurs études situent le début de la production maraîchère à Kinshasa dans les marais de la
rivière N’djili. L’élément fondateur qui retient notre attention renvoie à l’organisation des
paysannats horticoles en 1954 par l’administration coloniale. Le but de ce paysannat horticole
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
38
était de répondre aux impératifs de la politique coloniale de l’époque (Bulletin agricole du
Congo Belge, 1954, pp. 1125-1129 ; Jewsiewicki, 1975, pp. 175-226).
Cette politique agricole coloniale est passée par trois phases : la culture obligatoire,
l’enseignement pratique agricole et «le paysannat». Si les deux premières phases sont
nouvelles chez les Congolais de l’époque, la troisième, le «paysannat», est déjà présente dans
le décret de 1933 qui fixe pour 20 ans la ligne directrice de la politique «indigène» de
l’administration coloniale.
Comme méthode de production, le «paysannat» visait à confier l’introduction de la propriété
privée de la terre et la responsabilité de la production au chef de famille. Pourtant, jusqu’à la
guerre de 1939-1945, l’application de cette mesure s’est limitée à quelques tentatives, car
l’administration coloniale craint l’émergence d’une petite bourgeoisie paysanne indigène.
La politique de «paysannat» est reprise après la deuxième Guerre mondiale avec une révision
de la conception même du «paysannat». Celui-ci est défini comme une codification raisonnée
des pratiques culturales indigènes ou encore une remise en ordre de ce que ces méthodes ont
d’anarchique et d’inorganisé. Les auteurs tels que Denis (1956, p. 576) ; Capelle (1947, pp. 8-
10) et Comhaire-Sylvain (1968, pp. 28-29) font remarquer qu’avant l’application de cette
politique coloniale, les Lari congolais s’adonnaient déjà à la production maraîchère dans
divers marais et dans les zones neutres à travers la ville. C’est pour cette raison que
l’administration coloniale entreprit rapidement de distribuer des terrains en vue d’organiser
des paysannats horticoles dans les marais de la rivière N’djili, sur sa rive droite. L’activité
maraîchère devint alors une pratique imposée par l’administration coloniale, en vue de
renforcer, sous le paysannat, la politique agricole de l’époque.
On assiste en 1954, au lancement du projet d’aménagement de la rive droite de la vallée de la
N’djili afin d’assurer l’approvisionnement de Léopoldville (actuellement Kinshasa) en
légumes frais. Le projet se réalise sur une superficie de 28 ha répartis en parcelles de 21 ares.
Deux années plus tard, en 1956, le périmètre maraîcher de Kimbanseke est mis en valeur. Il
prolonge celui de N’djili et les travaux de délimitation seront effectués par l’agronome belge
Voldeker en vue de l’installation de ces deux premiers périmètres maraîchers. Dans chacun
des deux périmètres, une coopérative de soutien à la production et à la commercialisation
s’organise, et les maraîchers sont largement encadrés. Mais, la production de ces deux sites
maraîchers concerne essentiellement les légumes de type européen afin de répondre à la
demande des nombreux Européens présents dans la ville.
2.2.2. Ancrage: de l’indépendance à 1990
Dans le tourbillon de l’indépendance, on assiste, en 1964, à l’expulsion de bon nombre de
maraîchers originaires du Congo Brazzaville. Ce départ constitue un choc pour l’évolution des
activités maraîchères à Kinshasa et désorganise le fonctionnement des centres maraîchers de
Kimbanseke et de N’djili. L’encadrement ainsi que l’approvisionnement en fertilisants et en
semences (de légumes de types européens) ne sont plus suffisamment assurés.
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
39
Le remplacement, par les autorités, des maraîchers brazzavillois par des ouvriers
inexpérimentés, n’a pas donné satisfaction. La population kinoise se retrouve face à une forte
diminution de la demande du marché en légumes et fruits exotiques à cause de l’absence d’un
appui suffisant du gouvernement au secteur maraîcher. Cette situation responsable d’une forte
baisse des débouchés pour les légumes européens s’explique par le départ de la majorité des
Européens après la décolonisation. Ce qui amène les maraîchers à se reconvertir rapidement à
la production de légumes feuilles locaux dont la vente est davantage assurée.
Après l’indépendance, en 1965, le calme politique est rétabli. Cependant, sous un régime
autoritaire, le pouvoir fait de l’agriculture la priorité des priorités et la filière maraîchère reste
désormais sous son contrôle. Le projet d’aménagement du périmètre maraîcher de la rivière
N’djili est relancé par le Département de l’Agriculture et du Développement rural.
Dès le début des années 70, le pays fait appel à la coopération française à travers le Fonds
d’Aide et de la Coopération française (FAC) afin de soutenir le volet « maraîchage » de sa
politique agricole. L’année 1972 marque une étape importante dans l’évolution du maraîchage
à Kinshasa. En effet, par arrêté ministériel du 10 mai, un centre de commercialisation des
produits maraîchers et fruitiers de la vallée de la N’djili est créé sous le sigle CECOMAF. Son
objectif est la commercialisation des récoltes, l’approvisionnement en moyens de production
et la diffusion des techniques culturales modernes, mais également l’organisation des
maraîchers en coopératives. Les conditions du marché local ne lui permettent pas d’intervenir
directement dans la commercialisation, et son rôle dans ce domaine se réduit finalement à un
service de transport qui, du reste, ne fut pas de longue durée.
Par contre, grâce à l’expansion de l’activité maraîchère, le CECOMAF a élargi son action à de
nouveaux périmètres maraîchers. Le recensement signale l’opérationnalisation de 9
périmètres officiels. C’est le cas notamment de la vallée maraîchère de la Funa située au Sud
de la ville et du site maraîcher de Lemba- Imbu auquel l’on rattache les sites de Kinseso,
N’djili, Kimbanseke, Manzanza, la vallée de Tadi, Tshangu, Mango et le site de Mokali
auxquels on joint celui de Bono. Plusieurs projets se sont succédé afin d’assurer
l’administration des sites maraîchers recensés.
Nous en retenons, les étapes principales. En 1974, la pisciculture fut relancée à l’initiative du
CECOMAF par l’introduction de l’espèce «Tilapia nilotica». À partir de 1977, le projet
CECOMAF ne s’occupe presque pas de la commercialisation, mais devient un organisme de
développement intégré et constitue donc une nouvelle structure au sein du département de
l’Agriculture. Quelques années plus tard (1986), le centre est remplacé officiellement par le
Projet Maraîchage et Pisciculture (PMP) mais la dénomination CECOMAF continue à être
utilisée et ses infrastructures lui sont léguées. Cette période situe le début du ralentissement
jusqu’à la cessation, en septembre 1989, des activités du CECOMAF. C’est la même année
qu’intervient la création d’un projet d’appui aux associations maraîchères de Kinshasa
(PASMAKIN) qui succède le Projet Maraîchage et Pisciculture (PMP). Cependant, sa
fonction est fortement réduite au manque de moyens et de personnel.
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
40
Quatre objectifs principaux ont été assignés au projet PASMAKIN. Il s’agit de la formation
managériale, de la formation à la gestion de l’exploitation agricole, la formation à la gestion
des coopératives et à l’alphabétisation des adultes maraîchers.
N’oublions pas de signaler, en dehors de ces sites encadrés, l’existence de quelques sites non
encadrés situés dans la vallée de la Bumbu (près de la vallée de la Funa), la vallée de la
Lukunga-Ikusu (à l'ouest de la ville) et un site près de l’aéroport. Un peu partout en ville, le
long des rues, des routes et sur les terrains vagues, l’on constate la présence de petites
parcelles spontanées couvertes de cultures maraîchères. La production de ces jardins est
difficile à évaluer, mais elle n’est certainement pas négligeable. La grande partie de cette
production «sauvage» est destinée à la vente et participe de façon ponctuelle à
l’approvisionnement de la ville en légumes divers.
2.2.3. De l’année 1990 à ce jour
Les années 1990 se caractérisent par une croissance excessive de l’exode rural vers les grands
centres urbains, particulièrement vers Kinshasa. Cette explosion démographique crée une
situation de crise alimentaire aiguë dans les grandes villes du pays. La crise est accentuée par
la défaillance de l’équilibre macroéconomique national dû aux pillages des systèmes de
production à travers le pays en 1991 et 1993. Le tissu économique se dégrade, le chômage et
l’inflation s’accroissent. La population désespérée s’oriente vers la débrouillardise. Une part
importante de cette population s’oriente vers le maraîchage par nécessité. Elle adhère au
groupement des maraîchers de son choix. De ce qui précède, nous retenons que l’expansion
de la filière maraîchère à Kinshasa est liée à la persistance de la crise économique. Face à
cette crise, le gouvernement de la RD Congo estime que l’horticulture urbaine et périurbaine
apporte des solutions à la question de la sécurité alimentaire des villes. Il décide de fusionner
les projets CECOMAF et PASMAKIN en une seule structure dénommée Service national
d’Appui au développement de l’Horticulture urbaine et périurbaine, sous le sigle SENAHUP.
La création de ce service est officialisée par l’arrêté ministériel n°26/CAP/MIN/AGRI DR
AL/96 du 18/09/1996. La mission confiée au SENAHUP consiste à coordonner les activités
maraîchères et fruitières et d’assurer l’encadrement des maraîchers et fermiers groupés en
coopératives agricoles dans la ville de Kinshasa. En plus de cette mission, il a été assigné au
SENAHUP cinq objectifs à savoir l’intensification des productions maraîchères et fruitières
en milieu urbain et péri urbain par l’intégration de l’horticulture dans la gestion des espaces
verts, la restauration des techniques culturales et d’élevage, la réhabilitation des périmètres
maraîchers afin d’assurer une régularité des approvisionnements urbains et ruraux à toute
période de l’année et d’augmenter le revenu de l’horticulteur, l’éducation coopérative,
l’identification des ressources humaines capables d’assurer le suivi de la politique nationale
en la matière et enfin l’implantation progressive des structures autogérées à travers le
territoire national. Sur le terrain, les impacts de ce service sont limités à l’appui logistique via
la FAO et à l’encadrement des maraîchers structurés et regroupés en différents processus
organisationnels.
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
41
2.3. Modèles de solidarité à l’origine des coopératives maraîchères à Kinshasa
Les maraîchers s’organisent différemment dans leurs sites respectifs même si le principe de
base dans ce processus organisationnel est «l’union fait la force». Le processus permet
d’améliorer la qualité du travail et de renforcer l’esprit du groupe. La formule puise ses
origines dans les différents types de coopération qui ont préexisté. C’est le cas de la
coopération occidentale; de la coopération africaine et de ses solidarités ainsi que du
mouvement coopératif au Congo.
2.3.1. Coopération occidentale
Le terme de coopération véhicule une idéologie dont on trouve essentiellement les racines
dans le socialisme associationniste (Bort 2003, p. 94). Celui-ci est un mouvement d’idées qu’a
connu la société française à partir des années 1830. Il s’est prolongé avec plus ou moins
d’intensité jusqu’au début du 20e siècle avant le développement de l’État social (Ferraton,
2007). Il a donné lieu à un foisonnement de pratiques basées sur deux piliers qui servent
aujourd’hui à définir l’économie solidaire : la réciprocité comme principe économique pour
organiser la production et distribuer les richesses ; la création d’espaces publics de proximité
dans lesquels sont élaborés des projets marqués par des valeurs de solidarité. Les origines de
l’action collective avant eux se perdent dans la nuit des temps. Il faut éviter de penser que la
coopération moderne n’est que la reproduction lointaine des pratiques ancestrales. Nous
pouvons au contraire situer assez précisément sa naissance dans le temps et dans l’espace.
Les premières civilisations qu’a connues l’humanité étaient collectivistes. Que ce soit dans le
clan, dans la tribu ou dans la famille, la propriété était collective: les hommes étaient fondus
dans la communauté à laquelle ils appartenaient, l’individu «n’avait guère de droits ni
d’existence juridique propre». En revanche, le groupe assurait sécurité, protection et moyens
de subsistance à l’individu. De ces fondements sociaux est né le mouvement coopératif.
Des auteurs tels que Beauchamp (1994, p. 33); Draperi (2002, pp. 77-79) et Gagnon et al.
(2001, pp. 5-6) notent que le mouvement coopératif a connu, des origines à aujourd’hui, un
parcours multiforme. Selon ces auteurs, l’historiographie du mouvement coopératif attribue la
naissance de la coopération à la fondation, en Angleterre, de la coopérative des Équitables
Pionniers de Rochdale en 1844.
En marquant le début du mouvement des coopératives de consommateurs, ces pionniers ont
formulé aussi de matière cohérente et articulée des principes fondateurs. Mais il faut aussi
évoquer, le capitalisme sauvage qui régnait à l’époque et la misère populaire qui en a découlé
et a poussé les ouvriers à se regrouper pour la contrer. Ainsi naîtra la coopérative ouvrière de
production développée par Jean- Philippe Buchez en France ; ou encore, dans les années 1850
et 1860, les initiatives de création de banques coopératives en Allemagne chez Hermann
Schulze–Delitzsch et Freidrich Wilhelm ; sans oublier, plus tard les premières manifestations
de coopératives d’habitation en Italie,.
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
42
C’est au début du 20e siècle jusque vers la fin des années 1970 que le modèle de coopératives
de consommateurs imposera littéralement son hégémonie parmi les autres formes de
coopératives. Dans les pays occidentaux, on compte au cours du 20e siècle de nombreux
exemples d’encouragement du développement coopératif. Alors que les pays socialistes et les
pays en développement poussent plus loin le rapport à l’État. Dans de nombreux cas, on a
déterminé l’apport des coopératives soit comme une fonction complémentaire à l’État, soit il
développe une relation de forte dépendance vis-à-vis de l’état. De plus, les dirigeants du
mouvement coopératif provenaient souvent de l’appareil d’État ou du parti au pouvoir. Pour
Mac Pherson (1996), ce sacrifice du principe d’autonomie et de souveraineté des coopératives
n’a pas été sans conséquence. L’effondrement des régimes socialistes du bloc de l’Est s’est
aussi accompagné dans ces pays de la disparition de grands pans des réseaux coopératifs.
Dans l’ensemble, tous les mouvements coopératifs ont pour but de contrer les injustices et la
pauvreté causées par les révolutions modernes. On se trouve dès lors, face à un nouveau type
de société qui accorde une ouverture aux plus démunis exclus d’un système capitaliste. Cette
opportunité permet d’améliorer les conditions d’existence et d’élever le niveau de vie des
foyers de ces démunis.
2.3.2. Coopération africaine
Contrairement à la coopération occidentale qui se développe en réaction à un contexte
économique individualiste, les solidarités traditionnelles en Afrique sont le fait d’un régime
fortement collectif (Beauchamp, 1994, p. 34). Cette constatation permet de nous pencher sur
certaines spécificités structurelles et historiques de l’Afrique noire. Nous nous arrêterons plus
particulièrement à quelques aspects touchant l’économie et l’organisation sociale. L’économie
moderne, qu’elle soit capitaliste ou coopérative, repose sur un type de rationalité qui s’articule
entre autres autour de l’innovation, de l’entrepreneuriat et de la recherche du profit, bien que
la répartition de ce dernier soit différente selon que le système est capitaliste ou coopératif.
Ces éléments sont beaucoup moins présents dans l’économie africaine caractérisée par le
blocage de l’accumulation, les dysfonctionnements financiers et le déséquilibre sectoriel
(Hugon, 1993, pp. 22; 26 et 32). L’auteur note en ce qui concerne le blocage de
l’accumulation, un faible taux assorti d’une forte intensité capitalistique, la distorsion en
faveur des secteurs non directement productifs, la faiblesse de la demande et les contraintes de
devises des biens capitaux. Quant aux dysfonctionnements financiers, l’auteur note la grande
diversité de l’informel financier. C’est le cas des tontines et finances informelles. Pour ce qui
est des déséquilibres sectoriels, l’auteur relève le cas particulier de l’agriculture africaine
considérée de traditionnelle. Elle est basée sur les cultures vivrières et rarement fondées sur la
maîtrise de l’eau. Elle consomme peu d’intrants et beaucoup d’espace.
2.3.3. Mouvement coopératif en RD Congo
Le mouvement coopératif existe en RD Congo depuis l’époque coloniale. Il s’est renforcé
grâce à l’appui des organisations internationales, en l’occurrence l’ONU, la FAO, le BIT, etc.
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
43
Ces institutions considèrent l’organisation coopérative comme l’outil par excellence pour
libérer les pays pauvres du sous- développement.
Mokilidanga (1997) indique que les premières coopératives et associations coopératives à voir
le jour dans les colonies belges étaient agricoles (élevage, agriculture). Implantées à Kisantu
(Province du Bas Congo) en 1934, elles se nommaient «Kintuadi ki Bakongo» (coopérative
des Bakongo) sous l’initiative des Centres Agronomiques de l’Université de Louvain au
Congo. C’est ainsi que leurs orientations sont restées longtemps calquées sur le modèle des
premières coopératives agricoles. Elles répondaient aux besoins de la métropole. Nous nous
intéressons dans les lignes qui suivent aux principaux objectifs, à la mission poursuivie ainsi
qu’aux statuts qui les régissent.
Parmi les principaux objectifs des coopératives, nous retenons entre autres l’éducation
technique et économique de ses membres, la vente des produits agricoles et de l’élevage, et
l’achat des intrants (semences et outillage agricole). Leur mission était de défendre les intérêts
de leurs membres en assurant la promotion et la mise en place d’un paysannat indigène.
Pour ce qui des statuts qui les régissent, nous retiendrons que le premier statut des entreprises
coopératives s’établit et se valide par le décret du 23 mars 1921. Selon le même décret, seul le
gouverneur de la province est habilité à authentifier la création d’une coopérative. Ce décret,
en conformité avec la loi belge de 1873, n’établit aucune différence entre les coopératives
européennes et celles de natifs dits «indigènes du Congo belge». Or, chaque pays possède ses
particularités et ses racines socioculturelles propres et cherche ses propres solutions à ses
problèmes.
Faute d’adaptation aux réalités socio- économiques propres au milieu traditionnel congolais,
la réglementation coopérative qui avait été introduite par le décret du 23 mars 1921 a fini en
1949 par être officiellement réservée aux seules coopératives du colonat européen (Münkner
et al. 1996). À l’inverse, l’inquiétude manifestée par les sociétés cotonnières du Congo devant
la diminution constante du nombre de planteurs de coton motive la création d’une section
spécifique des coopératives indigènes. Celle-ci se fixe comme tâches la gestion des affaires
indigènes, celle de la main-d'œuvre du gouvernement du Congo belge ainsi que la
promulgation du décret du 24 mars 1956 sur les coopératives indigènes. Cette disposition
réglementaire soumet dès lors le Congo belge à deux régimes de sociétés coopératives
distinctes. L’un pour le colonat et l’autre pour les indigènes du Congo belge.
Loin de procéder à une analyse du processus de coopérativisation dans l’ensemble des
organisations sur l’échelle nationale, nous nous sommes limités aux sites maraîchers de
Kinshasa. Nous avons noté que l’explosion des activités maraîchères à Kinshasa se caractérise
par l’absence d’une organisation capable de défendre les intérêts des exploitants maraîchers
face aux autorités, aux propriétaires fonciers et aux revendeurs de terre. Pour pallier à cette
faiblesse, la stratégie organisationnelle spontanée mise en place a permis le groupement des
maraîchers afin de redynamiser l’activité maraîchère et de défendre les intérêts des
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
44
maraîchers. Parmi les différentes formes d’organisation des maraîchers, celle relative au
groupement en coopératives nous a intéressés. .
Nous rappelons que les «premières» formes d’organisations économiques solidaires mises en
place par les maraîchers datent de l’époque coloniale. Les maraîchers se rassemblaient au sein
des coopératives de production et de commercialisation. Mais lors des troubles qui suivirent
l’accession à l’indépendance, ces groupements des maraîchers se désorganisent notamment
suite à un manque d’adhérents et à des problèmes de gestion dus à la disparition du capital,
des fonds de roulement. Seul le groupement de N’djili parvint à survivre tant bien que mal
grâce à une aide de la FAO et à la vente de légumes de type européen. Mais lorsqu’à partir de
1965 le contingent de l’ONU quitte le pays, les débouchés pour ces légumes se raréfient.
C’est avec l’aide de la coopération française à partir des années 1967 que les coopératives, par
l’intermédiaire de BDPA, se réorganisent. Les fonds proviennent de prélèvements sur les
ventes de semences. Par contre, peu des maraîchers acceptent de payer leurs parts sociales
pour devenir coopérateurs à part entière.
L’évolution du processus de coopérativisation des sites maraîchers a retenu notre attention.
Nous avons noté que le processus effectif de la coopérativisation des sites maraîchers débute
vers 1962 et perdure jusqu’à l’aube des années 1970. Les efforts du CECOMAF (en 1972)
facilitent le regroupement de 8000 maraîchers en 12 centres coopératifs (N’djili, Kimbanseke,
Funa, Masina, Tadi, Kisenso, Mokali, Ndingi-ndingi, Tshiangu, Lemba Imbu, Tswenge,
Manzanza). Ces centres sont agréés par un arrêté commun nºSC/GO/EGV/89 du 25 avril 1989
promulgué par le gouverneur de la ville de Kinshasa. À cette date, l’aire maraîchère à
Kinshasa ne dispose que 101 ha (estimation CECOMAF). L’idée de départ est d’assurer
l’approvisionnement en intrants et de faciliter l’écoulement de la production des exploitants
maraîchers.
Mais à côté des principes généraux, il faut signaler que les coopératives maraîchères de
Kinshasa s’accordent sur un triple engagement. Il s’agit de défendre le droit à la terre des
maraîchers jusqu’à l’obtention de certificats d’enregistrement ; de pérenniser les activités
maraîchères et de ravitailler la ville en légumes divers ; de contribuer à l’effort national
d’autosuffisance alimentaire et de lutter contre la pauvreté.
La situation actuelle de la coopérativisation des sites maraîchers de Kinshasa révèle que le
processus gagne du terrain. Le processus permet non seulement de distinguer les SMC de
ceux qui ne le sont pas, mais aussi d’évaluer le taux de coopérativisation (Gentil, 1984, pp.
25-26) ou encore le taux de pénétration coopérative (Draperi, 2002, p. 80) dans les sites
maraîchers. Pour Gentil (1984, p. 19), le taux de coopérativisation est un rapport entre le
nombre des coopérateurs (nc) et la population coopérativisable (PC) soit Tc =pc
ncou encore
d’après Draperi (2005, p. 80), le taux de pénétration coopérative est le rapport entre le nombre
des maraîchers adhérents (nma) à la coopérative, et la population maraîchère totale (pmt) soit
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
45
tpc=pmt
nma. Nous insistons sur ce taux, car, sans adhérents impliqués il n’existe pas de
coopératives. Il faut cependant signaler que le processus de coopérativisation dans les sites
maraîchers de Kinshasa est complexe. Il dépend d’un site maraîcher à l’autre. Nous montrons
que sur un total de 60 sites maraîchers identifiés dans la ville de Kinshasa, ceux qui
s’organisent en coopératives sont évalués à 53% (soit 32 sites maraîchers) par rapport à ceux
(47% soit 28 sites maraîchers) qui s’orientent vers d’autres formes d’organisation.
Nous choisissons de présenter ici les données sur le taux de coopérativisation des SMC de
Kinshasa de 1962 jusqu’au moment de notre dernier séjour sur le terrain (1er trimestre 2008).
Cette évolution est illustrée dans la figure nº9 ci-dessous.
0102030405060708090
100
1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010 2020
Années
% d
e co
op
éra
tivis
atio
n
Figure 9. Évolution de tc dans les SMC de Kinshasa de 1962 à 2008
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
Il ressort de la figure nº8 ci-dessus qu’au début de ce processus (1962), le taux de pénétration
coopérative dans tous les sites était de l’ordre de 65%. Vingt années plus tard, ce taux a
progressé de 39% afin d’atteindre entre 1980 et 1982 un pic évalué à 89%.
L’avancée rapide constatée dans ce processus organisationnel s’explique par l’appui de la
coopération française par l’entremise du projet CECOMAF (1972-1980). Ce projet a axé ses
activités sur l’appui logistique (intrants divers) permanent et efficace, l’appui technique
(encadrement) efficient, les facilités pour la commercialisation, c'est-à-dire le transport des
légumes de sites de production vers les lieux de vente.
Le retrait du CECOMAF et les tristes événements politico-militaires ou encore les pillages
des années 1991 et 1993 constituent les moments les plus difficiles dans le fonctionnement
des SMC. Le premier est à la base du découragement des maraîchers qui croyaient tout
obtenir de la coopération, alors que le deuxième a engendré de multiples conséquences
néfastes enregistrées dans les SMC. Nous citons à titre illustratif, la dégradation de toutes les
infrastructures (bureaux, systèmes d’irrigations, intrants divers, charroi automobile et autres)
acquises.
Pour faire face à ce déséquilibre fonctionnel, les différents comités de gestion ont exigé des
maraîchers membres le renouvellement de leurs parts sociales, et au besoin, de leurs droits
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
46
d’adhésion. Cette décision arbitraire a non seulement rendu inactif un grand nombre
d’adhérant, mais a contribué à l’échec de la gestion de leurs coopératives. L’inactivité
constatée chez les maraîchers a provoqué la baisse sensible et brutale du taux de
coopérativisation dans tous les SMC (Annexe 1). Cette régression de la formule coopérative
proche de zéro perdure jusqu’en 2002 malgré les efforts sans effets constatés entre 2003 et
2008. À ce jour, les efforts, bien que minimes, de la part des structures étatiques
(SENAHUP), paraétatiques (ONG) et internationales (FAO, PNUD et autres) consistent à
renforcer la sensibilisation des maraîchers afin d’accroître le taux de coopérativisation.
2.4. Conclusion
La ville de Kinshasa a connu, dés l’époque coloniale et jusqu’à ce jour, une explosion
démographique sans précédent. Elle compte 24 communes urbaines réparties en différents
quartiers. C’est dans ces quartiers que se déploie la filière maraîchère. Le processus
organisationnel en cours consiste au regroupement des maraîchers en coopératives, mais il en
ressort jusqu’à ce jour un faible taux de pénétration coopérative.
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
47
CHAPITRE 3. CONTRAINTES RENCONTRÉES DANS LES SMC
Les sites maraîchers coopérativisés de Kinshasa évoluent dans un environnement qui fait
peser de fortes contraintes sur les maraîchers et sur les entités coopératives. Non seulement
ces contraintes handicapent la production et la commercialisation des légumes, mais elles
constituent autant de facteurs régressifs à la dynamique organisationnelle des coopératives. Ce
chapitre dresse le portrait de la filière maraîchère dans les sites dits coopérativisés de
Kinshasa. Il analyse les différentes activités mises en œuvre, de la pépinière jusqu’à la récolte
(filière de production) et de la récolte à la distribution (filière de commercialisation). Ce
chapitre examine enfin, les principales contraintes rencontrées par les maraîchers ainsi que par
les entités coopératives.
3.1. Production maraîchère dans les sites coopérativisés enquêtés
Pour analyser la filière de production maraîchère dans les sites coopérativisés enquêtés, nous
identifierons d’abord les légumes qui y sont cultivés. Ensuite, nous déterminerons les facteurs
qui régissent l’établissement des cultures maraîchères. Et nous montrerons enfin les différents
précédés de production dans les sites maraîchers concernés.
3.1.1. Identification des légumes cultivés dans les SMC étudiés
L’identification des légumes cultivés dans les SMC est faite sur base de leurs noms
scientifiques, noms en français et noms en langue locale.
Tableau 1. Identification des légumes cultivés dans les SMC étudiés
Nom scientifique Nom en français Nom local Organe consommé Rendement Kg/ m2
Solanum esculentum Amaranthus sp Abelmoschus esculentus Ipomea batatas. Hibiscus sabsariffa Brassica sp Basella alba Capsicum annuum Allium fistulosom Manihot utilissima
Aubergine Amarante Gombo Patate douce Oseille Chou Baselle Piment Ciboule Manioc
Bilolo Biteko teko Dongo dongo Matembele Ngai ngai Nkovi Pinale Pili pili Ndembi Pondu
Feuille et fruit Feuille Feuille et fruit Feuille Feuille Feuille Feuille Feuille et fruit Feuille Feuille
5 4 4 5 4 6 4 3 5 5
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
Nous regroupons ces légumes selon les organes consommés et distinguons trois principaux
types (légumes feuilles, légumes fruits et légumes racines). Ils sont cultivés de manière
relativement intensive puisque plusieurs espèces peuvent se succéder dans la même parcelle
au cours de la même année. Les légumes cultivés dans les SMC enquêtés couvrent
différemment le sol exploité par le maraîcher (tableau nº2).
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
48
Tableau 2. Occupation du sol par types des légumes cultivés
Typologie des légumes Principales spéculations cultivées % d’occupation
1. Légumes feuilles Amarante
Feuilles de Patate douce
Ciboule
Feuilles de manioc
Autres
28
25
18
15
01
Sous-total (1) 87
2. Légumes fruits Aubergine
Gombo
Tomate
05
03
03
Sous-total (2) 11
3. Légumes racines Carotte 02 Sous-total (3) 02 Total général
100
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
Les légumes feuilles sont représentés par une diversité d’espèces dont l’amarante qui couvre
28% du sol maraîcher. Les légumes fruits sont dominés par l’aubergine violette et couvrent
5% du sol maraîcher. Les légumes racines sont représentés par la carotte et couvrent 2% du
sol maraîcher.
Dans l’ensemble, il convient de noter que la production légumière s’oriente essentiellement
vers les légumes feuilles. Ils occupent 87% de sol cultivé contre 11% pour les légumes fruits
et 2% pour les légumes racines (figure nº10).
87%
11% 2%
Légumes feuilles
Légumes fruits
Légumes racines
Figure 10. Occupation du sol maraîcher par les types des légumes cultivés
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
Parmi les principaux légumes cultivés dans les SMC étudiés, nous avons choisi d’étudier
quelques uns. Les critères de choix ont porté, outre l’occupation du sol, sur la valeur
marchande. La première catégorie concerne d’abord la culture de l’amarante. Elle est vendue
par plate-bande de 20 m2 au prix de 9,7$. Ensuite, le gombo dont le prix est évalué à 10,6$
pour la même surface. De la deuxième catégorie, nous avons retenu la ciboule. Sa valeur
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
49
marchande est de l’ordre de 12,1$ par plate-bande de 20 m2 suivie de l’aubergine vendue au
prix de 12,8$ pour la même surface.
Amarante: Amarantus spp.
Le centre d’origine et de domestication de l’amarante se situe en Amérique centrale et au
Mexique. L’amarante a été introduite en Afrique tropicale il y a plusieurs siècles et s’est
diversifiée en une gamme très étendue de cultivars locaux (Lannoy, 2001, p. 430). Elle est
cultivée à l’origine pour ses graines, mais aujourd’hui l’aspect consommation de ses feuilles
prédomine avec deux espèces en l’occurrence : Amarantus tricolore et Amarantus dubius.
Les amarantes d’origine africaine portent des noms génériques très variés : «m’boum» au
Sénégal, «barri» au Congo- Brazzaville et «biteku teku» au Congo Kinshasa. Elles
appartiennent à la famille des Amaranthaceae.
C’est une plante annuelle, érigée, à cycle court. Les tiges de l’amarante sont habituellement
ramifiées et parfois pubescentes. Elles peuvent atteindre 1,5 à 2m de hauteur. Selon nos
observations, les feuilles de l’amarante sont simples, lancéolées, aux extrémités pointues.
Elles sont alternes et possèdent un pétiole allongé et un limbe dont la taille, la coloration et la
forme varient en fonction des cultivars (photo nº2).
Photo 2. Culture d’amarante pratiquée dans les SMC enquêtés
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
Les déclarations des maraîchers indiquent que le semis de l’amarante peut être pratiqué, d’une
part, en plein champ ou en pépinière et, d’autre part, à la volée ou en ligne. Ces modes de
semis se conforment à la littérature de Kroll (1994, p. 149) sur les techniques culturales.
Afin d’obtenir une plus grande homogénéité au niveau de la pépinière, les maraîchers
mélangent les graines avec du sable fin. Dans ce cas, ils utilisent à peu près 5g de semences
par kilogramme de sable et répartissent ensuite le mélange dans de petits sillons de 1 cm de
profondeur, à raison de 5g/m linéaire. Les jeunes plants sont prêts à être repiqués lorsqu’ils
atteignent une hauteur de 5 à 7 cm, soit environ 20 jours après le semis. Une autre pratique
des maraîchers consiste à semer à une forte densité (10 cm x 10 cm) en prévoyant d’arracher
des plantes complètes 3 semaines après le semis. Des densités moins élevées (20x20 cm) sont
adoptées lorsque plusieurs récoltes sont envisagées. En cas de semis direct, la première récolte
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
50
a lieu au moment de l’éclaircissage des plants. La deuxième récolte intervient entre 35 et 40
jours après le semis et correspond à un arrachage complet des pieds. Pour corriger le déficit
du sol, les maraîchers incorporent une fumure organique (engrais vert) au moment de sa
préparation. La possibilité d’apporter les engrais minéraux n’est pas exclue.
Gombo: Abelmoschus esculentus (L.) Moench
Autrefois rattachés au genre Hibiscus, les gombos constituent aujourd’hui le genre
Abelmoschus, au sein de la famille des Malvacées (Hamon et al. 1997, p. 313). La culture de
gombo est présente en Afrique depuis plusieurs millénaires, comme l’attestent les documents
datant de l’Égypte ancienne. Par la suite, la plante se diversifie en une multitude de cultivars
adaptés à des milieux variés. Le gombo s’adapte bien aux climats chauds et humides. Il est
sensible à la sécheresse et ne supporte pas des températures nocturnes trop basses (Lannoy,
2001, p. 480). Un développement optimal de la plante est obtenu lorsque la température
diurne est comprise entre 25°C et 40°C et lorsque la température nocturne est supérieure à
22°C. Il préfère des sols profonds, limon- sableux, bien drainé, riche en matières organiques
et dont le pH est compris entre 6 et 8.
Deux espèces sont cultivées actuellement pour leur fruit qui est un légume très populaire dans
la plupart des pays tropicaux et méditerranéens : A. esculentus et A. caillei. Ces deux espèces
se distinguent notamment par les caractères floraux et le nombre chromosomique (Hamon. et
al. 1997, p. 314; Lannoy (2001, pp. 480- 481). Les pratiques culturales des maraîchers dans
les sites coopérativisés de Kinshasa consistent en un semis. Trois semaines après celui- ci,
lorsque les plantes atteignent environ 8 à 10 cm de hauteur, ils procèdent par éclaircissement
de la culture en ne laissant qu’un plant par poquet.
La cueillette en vert (photo nº3) débute environ 10 jours après la floraison soit 50 à 60 jours
après le semis.
Photo 3.Culture de gombo pratiquée dans les SMC enquêtés
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
Les récoltes suivantes s’échelonnent sur une période d’environ 50 à 120 jours à raison d’un
passage tous les 2 jours. La production retenue pour une plante s’élève à une moyenne de 10 à
25 capsules.
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
51
Aubergine: Solanum aethiopicum L. et Solanum macrocarpon L.
D’après Lannoy (2001, p. 458), le centre d’origine et de domestication de ces espèces se situe
en Afrique de l’Est (Ouganda). Par la suite, le processus de diversification qui entraîne la
formation des groupes actuels se développe en Afrique de l’Ouest (Côte d'Ivoire, Bénin).
L’aubergine appartient à la famille des Solanaceae. C’est une plante herbacée, vivace dans
certaines régions, mais habituellement cultivée comme plante annuelle. Trois espèces
d’aubergines sont cultivées de manière générale: S. melongena L., très commune en Asie et
dans le bassin méditerranéen (aubergine, eggplant, brinjal en Inde), S. aethiopicum L.
(scarlett eggplant, garden egg au Ghana) et S. macrocarpon L. (gboma eggplant), ces deux
dernières espèces sont les plus cultivées en Afrique. On rencontre également S. aethiopicum
en Amérique du Sud et S. macrocarpon en Amérique tropicale et en Asie (Daunay M. et al.
1997, p. 83). Les deux espèces ont comme caractéristiques d’être parfaitement adaptées aux
régions tropicales et équatoriales et d’être probablement plus résistantes aux parasites que S.
melongena. Ceci nous permet de soutenir que les aubergines sont tolérantes à la chaleur, car
les températures requises pour leur développement correspondent à la saison (entre 25° et
35°C).
Elle est cultivée, le plus souvent, avec d’autres espèces dans des jardins ou des petits champs
à proximité des quartiers. Les maraîchers préfèrent semer les graines d’aubergine en pépinière
et les plantules sont repiquées au bout de 30 à 50 jours, lorsqu’elles mesurent à peu près 15
cm. Les cueillettes sont échelonnées et interviennent à intervalle régulier de 6 à 12 jours
(photo nº4).
Photo 4. Culture d’aubergine (à gauche) et fruits à maturité (à droite)
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
La deuxième catégorie concerne les légumes européens. Nous n’avons retenu pour cette
catégorie que la ciboule.
Ciboule: Allium schoenoprasum L.
Plante originaire de l’Europe, la ciboule appartient à la famille des Allium. Elle est cultivée
pour ses feuilles, souvent utilisées comme condiment ou épice. Les consommateurs utilisent
ses feuilles fraîches, crues, ciselées, pour aromatiser les salades et diverses préparations
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
52
culinaires. Cuites, elles entrent aussi dans la préparation de certaines recettes : sauces ou
omelettes. Considérée comme condiment, elle est aussi appelée cive, ou civette. Ses feuilles
sont nombreuses, fines, frisées et creuses. Ses tiges, de faibles hauteurs, portent de petits
bouquets de fleurs violacées (photo nº5).
Photo 5. Culture de ciboule pratiquée dans le site de Kimbanseke
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
Lorsque les maraîchers la cultivent pour un usage commercial, la multiplication de la ciboule
se fait plutôt par semis en lignes espacées de 20 cm. La récolte intervient 3 à 5 mois après la
plantation et s’effectue en coupant les feuilles. Les maraîchers, le cas de Cyprien Siki
Balembo, pensent que plus la coupe des feuilles est fréquente plus la plante repousse avec
vigueur.
3.1.2. Facteurs régissant l’établissement des cultures maraîchères à Kinshasa
Parmi les facteurs qui déterminent l’établissement des cultures maraîchères dans les sites
organisés en coopératives, on note le climat, le sol et la topographie.
Le climat est un facteur déterminant pour le rendement d’une culture. Parmi les nombreux
facteurs constitutifs du climat, tous ne présentent pas la même importance pour le maraîcher.
La température semble le facteur le plus important, car elle permet de remédier à la déficience
de la pluviométrie par l’irrigation ou l’arrosage.
Le sol, en tant que deuxième facteur, en raison de sa composition biochimique et physique. La
nature des sols de culture peut être modifiée par drainage, amendement et par les méthodes
culturales. Les terres alluvionnaires constituées de particules terreuses transportées par des
eaux de ruissellement constituent les sols de première qualité pour les cultures maraîchères.
Ces sols étant fréquemment situés dans le bas-fond des vallées abritées présentent des
conditions idéales pour la majorité des cultures délicates.
La topographie permet de cibler, d’une part, les terrains qui sont menacés par les inondations
et les eaux de ruissellement et, d’autre part, les terres détrempées ou marécageuses qui ne sont
utilisées qu’après leur assainissement par drainage.
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
53
3.1.3. Procédés de production dans les SMC enquêtés
Selon Mianda (1996, p. 50), le procédé de production comprend les différentes tâches
nécessaires en vue de produire. La production des cultures maraîchères est soumise à
plusieurs facteurs que les maraîchers maîtrisent en partie. Il s’agit de la terre, du travail et du
capital d’exploitation.
La terre constitue le premier facteur de production, sa la valeur varie selon la nature du sol, le
climat, les possibilités d’irrigation et de fertilisation, etc. La terre seule ne suffit pas pour
assurer la production des cultures, pour être valorisée elle nécessite d’être travaillée. Ce
travail exige de moyens financiers (capital d’exploitation) appropriés. Pour rationaliser
l’utilisation de la terre, les superficies exploitées par les maraîchers sont proportionnelles aux
moyens d’exploitation dont ils disposent. Cette proportionnalité s’appréhende à partir du
nombre de plates-bandes ensemencées par rapport aux dépenses d’exploitation auxquelles
doit faire face le maraîcher.
Le travail consiste (d’un point de vue économique) en un effort conscient en vue de produire
un bien ou un service (Kalala et Landu, 1996, p. 36). Il correspond au rapport homme par jour
et à un itinéraire technique, notamment le calendrier cultural. Ce dernier est constitué par un
ensemble d’activités : préculturales (labour, enfouissement de la matière organique) ;
culturales (semis, sarclage et récolte) et postculturale (commercialisation et conservation des
semences).
Les activités préculturales constituent les premières pratiques observées chez les maraîchers.
Elles couvrent plusieurs étapes parmi lesquelles le débroussaillage. Il permet de débarrasser
tout le couvert végétal qui occupe le sol de culture, il est suivi immédiatement du labour
(retournement de la terre afin de la rendre perméable) et, enfin, de la formation des plates-
bandes.
Les activités culturales se composent du semis (ou repiquage), du sarclage, de l’arrosage, du
regarnissage, du binage, de la fertilisation ou amendement et, enfin de la lutte contre les
maladies et les ravageurs des cultures. Le semis consiste à placer les semences ou les
plantules d’un légume dans un sol préalablement ameubli. Il est effectué en ligne, dans le cas
du repiquage ou à la volée, dans le cas des semences dans une pépinière, il est suivi
immédiatement par un apport hydrique, soit l’opération d’arrosage. Le sarclage s’effectue à
l’aide d’une houe ou à la main afin d’éliminer toutes les mauvaises herbes. Le régarnissage
permet de combler les vides constatés (plantules détruites par la chaleur ou les grosses pluies).
Le binage intervient tout au long de la culture. Il favorise la perméabilité du sol et son rythme
varie en fonction son épaississement.
Les activités postculturales ont trait à la récolte et à l’autoproduction des semences pour
l’établissement des prochaines cultures. La réalisation de toutes les activités susmentionnées
dépend de la mobilisation d’une main-d'œuvre conséquente. Celle-ci peut être familiale (40%
des cas) lorsqu’elle est constituée des enfants et autres personnes qui font partie du ménage du
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
54
maraîcher, ou salariée lorsqu’il faut recourir aux ouvriers agricoles. Le nombre de la main-
d’œuvre varie d’un maraîcher à l’autre. Mais la moyenne observée chez les maraîchers
enquêtés est d’au moins trois ouvriers par maraîcher. À ce chiffre s’ajoutent les interventions
ponctuelles d’une main-d'œuvre familiale.
Le capital d’exploitation est le troisième facteur de production. Il concerne les différents frais
engagés, tels l’achat des semences et fertilisants divers, des outils agricoles et le paiement de
la main-d'œuvre. Il est également constitué par le capital fixe comme les équipements
agricoles (outils, terrain et autres instruments aratoires) et le capital financier composé des
systèmes de crédit formel et informel. Le capital d’exploitation permet, selon les cas,
d’assurer les achats courants, principalement les semences et intrants connexes.
Subsidiairement à Kinkela (2001, p. 249), les maraîchers interviewés attestent qu’une bonne
production maraîchère dépend particulièrement de la qualité des facteurs mis en œuvre, du
caractère judicieux des combinaisons productives sélectionnées, des rapports entre le coût des
produits et le coût des autres facteurs utilisés, mais aussi du degré d’encadrement dont
bénéficient les maraîchers.
3.2. Commercialisation des légumes cultivés dans les SMC étudiés
La commercialisation consiste à assurer la vente des légumes auprès des consommateurs par
l’entremise des vendeurs. Afin d’analyser le système de commercialisation des légumes dans
les SMC, il importe d’étudier les bases de fixation des prix, et d’évaluer les circuits de
distribution du producteur au consommateur.
3.2.1. Bases de fixation des prix de vente des légumes cultivés dans les SMC étudiés
Le prix représente une valeur d’échange d’un bien ou d’un service exprimé en monnaie
(Kinkela, 2001, p. 256). Le bien échangé contre la monnaie c’est, dans notre cas, le légume.
L’unité de prix utilisée dans les sites maraîchers est le franc congolais (FC) indexé suivant le
cours du dollar américain. Nos entretiens avec les maraîchers indiquent que les prix de
légumes dans les SMC étudiés sont instables. Les mêmes enquêtes relèvent que la fixation des
prix dépend de plusieurs critères. Nous citerons le cas de la densité des légumes dans la plate-
bande (une portion de la parcelle ou du jardin sur lequel les légumes sont cultivés de manière
permanente), mais aussi la qualité, la saison, la demande du marché et le coût de production.
Chaque critère est perçu différemment dans les trois SMC enquêtés. Mais dans l’ensemble, les
maraîchers évoquent le critère de qualité sans toutefois méconnaître les impacts des autres
critères sur le prix de vente de légumes.
La qualité tient compte des caractéristiques intrinsèques du produit. Nous relevons entre
autres: les caractéristiques physiques (grosseur, couleur, niveau de maturité, présentation,
aptitude à la conservation); les caractéristiques organoleptiques et hygiéniques (ces critères
sont difficiles à vérifier à l’achat, mais les consommateurs se contentent des aspects visibles,
comme la vigueur des plants. La perte de qualité intervient lorsque les produits maraîchers
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
55
demeurent en place après la maturité. L’absence de standardisation de la qualité rend difficile
l’application d’un prix uniforme.
La saison influence non seulement la production maraîchère, mais elle a aussi une incidence
sur la commercialisation des légumes. À titre illustratif, nous retiendrons la culture
d’amarante, abondante sur le marché à partir du mois de février et mars (petite saison sèche),
ce qui provoque donc une baisse de prix de 5430 FC (l’équivalent de 10$ US) à 4344 FC (soit
8$ US)7par plate-bande. Le taux de la baisse de prix est évalué à 20%. La même situation se
représente à partir des mois de juin, juillet, août et septembre (grande saison sèche), où le prix
baisse sensiblement à cause de forte concurrence. Par contre, entre mars- avril et mai (saison
de pluies), les maraîchers ont du mal à réussir leur pépinière à cause des inondations, des
ensablements et lessivages fréquents qui détruisent leurs parcelles de culture. Pendant ce
temps, l’amarante se raréfie et son prix augmente légèrement, d’environ 10% (5766,6 FC soit
10,62$ US par plate-bande). Une augmentation sensible d’environ 30% (6847,2 FC soit
12,61$ US par plate-bande) du prix de l’amarante est remarquée en saison des pluies (à partir
des mois d’octobre, novembre, décembre et janvier).
Concernant la demande des marchés, il faut signaler que c’est sur les marchés urbains que les
produits s'éloignent de leurs producteurs et s’autorégulent. Il faut noter que les prix sont,
généralement, guidés par ce rapport de l’offre et de la demande. La production des légumes
est maximale pendant la saison sèche. Cette période connaît une abondance de la production
locale, d’où une baisse importante des prix. Tandis qu’en saison pluvieuse, à cause des aléas
climatiques, la production diminue, d’où une augmentation remarquable des prix.
Le coût de production constitue également un critère dans la fixation de prix des légumes. Il
est étroitement lié aux différentes dépenses d’exploitation telles que la main-d'œuvre (salariée
et temporaire pour les travaux de labourage, repiquage, application des engrais), les achats des
intrants divers (pesticides, engrais, semences) et l’amortissement du matériel agricole
(arrosoir, binette, brouette, fourche). Nous constatons par ailleurs que ce coût de production
constitue une contrainte énorme rencontrée dans la pratique maraîchère.
3.2.2. Analyse des prix des légumes cultivés dans les SMC étudiés
Comme nous l’avons épinglé précédemment, les prix de vente des légumes dans les SMC sont
assez variables suivant chaque type des légumes cultivés. Les légumes européens coûtent en
général plus chers que les légumes africains. Le rapport de l’offre et de la demande s’ajoute à
l’épineux problème de dévaluation de la monnaie locale et rend les prix des légumes instables.
Les données en notre possession nous ont permis de tracer les courbes d’évolution sur
l’instabilité des prix des légumes vendus de 1985 jusqu’en janvier 2008. Quatre spéculations
légumières sont prises en compte dans l’analyse des prix des légumes cultivés sur les SMC
étudiés (figure nº11).
7 Le taux de change est basé sur les données de la banque internationale pour l’Afrique au Congo (BIAC) de février 2008: 1$ =543 Francs Congolais.
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
56
0
2
4
6
8
10
12
14
16
1985 1990 1995 2000 2005 2010
Années culturales
Pri
x e
n $
US Amarante
Ciboule
Aubergine
Gombo
Figure 11. Instabilité des prix des légumes dans les SMC enquêtés
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
Nous relevons, pour l’ensemble des légumes cultivés, que les différents prix pour le même
type de légume ne sont pas stables. Le prix le plus élevé intervient du côté des légumes
exotiques avec une moyenne de 13,4$ US pour l’aubergine, et de 12$ US pour la ciboule. Le
prix des légumes exotique s’effondre (jusqu’au tiers de leur valeur) depuis le début 2000 et se
redresse vers fin 2002. Le coût des légumes locaux a diminué légèrement au cours de la
période considérée avec une tendance au redressement des prix au début de l’année 2003.
3.2.3. Circuits de distribution des légumes cultivés dans les SMC étudiés
Les circuits de distribution des légumes du producteur au consommateur se trouvent dans le
secteur informel. L’analyse du système de commercialisation dans les SMC met en exergue la
plusieurs intermédiaires.
Globalement, le maraîcher producteur vend ses légumes au grossiste collecteur. Celui-ci se
charge de la récolte et vend à son tour ses légumes, soit directement aux détaillants, soit aux
grossistes ou aux demi-grossistes.
Figure 12. Chaîne de distribution des légumes dans les SMC enquêtés
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
PPrr oodduucctteeuurr
GGrroossssiissttee
GGrroossssiissttee-- ccooll lleecctteeuurr
DDééttaaii ll llaanntt
CCoonnssoommmmaatteeuurr
DDeemmii -- ggrroossssiissttee
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
57
Nous dégageons de cette chaîne une diversité d’intermédiaires dans le circuit de distribution
des produits maraîchers. La conséquence majeure qui en découle est l’augmentation
incontrôlée des prix de vente des légumes.
3.3. Analyse des contraintes rencontrées dans les SMC
En nous référant à la relation environnement et organisation, nous avançons que les SMC ne
sont pas considérés comme des organisations abstraites, ni, encore moins, comme des
organismes clos sur eux-mêmes. Au contraire, ils apparaissent comme des structures liées à
l’ensemble de la société par des éléments qui conditionnent étroitement leur fonctionnement.
Ces éléments s’illustrent à travers les contacts réguliers que les organisations entretiennent
avec l’environnement (Crosier et Friedberg 1977, pp. 111 et 139 ; Mertens et Morval (1977,
p. 7). Cette approche qui nous plonge dans la notion de l’environnement organisationnel,
permets non seulement de situer les coopératives maraîchères par rapport à leur milieu, mais
encore de relever les facteurs qui les influencent. Ces facteurs sont considérés comme des
contraintes que les acteurs intègrent dans l’accomplissement de leurs activités.
Les contraintes rencontrées dans les SMC étudiés handicapent, d’une part, la pratique
maraîchère et d’autre part l’action organisationnelle des coopératives. Elles sont généralement
identifiées en lien avec différents secteurs de l’environnement. Compte tenu de la pluralité de
ces secteurs, nous les avons groupés afin de ne retenir que ceux qui correspondent aux types
de contraintes épinglées par les maraîchers eux-mêmes lors des entretiens.
Cette section se propose de procéder à un diagnostic des contraintes rencontrées dans les
SMC étudiés. Ce diagnostic ne constitue cependant pas un audit. En effet, un audit se fait
toujours en référence à une norme. Il se limite en général à un secteur ou à une fonction
particulière. Un audit peut également entraîner des sanctions et n’est pas réalisé en priorité, à
l’usage de la structure «auditée», mais plutôt à celui de ses financeurs (Boulte, 1991, pp. 16-
17, 76-77 ; 87).
Le diagnostic pratiqué ici peut être considéré comme un outil d’éclairage sur les contraintes
qui constituent un frein à la pratique maraîchère et à l’action organisationnelle des
coopératives. Il rend compte du dysfonctionnement qui affecte la pratique maraîchère et
l’action organisée des coopératives. Marion (1999, pp 36-37) présente le dysfonctionnement
comme un faisceau des conséquences secondaires inattendues qui accompagnent toujours un
plan d’action rationnel et qui empêchent d’atteindre les buts fixés par les dirigeants, ou encore
les effets parfois pervers, parfois vertueux, mais toujours surprenants engendrés par la mise en
mouvement d’une fonction dans une structure.
Afin de poser ce diagnostic, nous avons procédé en deux étapes. La première consiste à
recueillir les contraintes tandis que la deuxième se centre sur l’analyse de ces contraintes
groupées par secteurs de l’environnement.
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
58
3.3.1. Recueil des contraintes identifiées par les maraîchers
Les problèmes évoqués par les maraîchers au cours de nos investigations et retenus sur base
de leurs fréquences varient selon qu’il s’agit de la production ou encore de la
commercialisation des légumes. Nous reprenons ici un extrait des récits des maraîchers afin
d’illustrer l’identification faite par les maraîchers eux- mêmes.
Le maraîcher Emmanuel Kianzambi de la coopérative de Kimbanseke témoigne:
«Je rencontre d’énormes difficultés pour
produire et vendre les légumes. Parmi ces
contraintes, je cite les cas des problèmes liés
au climat, au besoin en main-d’œuvre, à
l’insécurité foncière et à l’instabilité des prix
de vente des légumes.»
Cette déclaration illustre que les difficultés identifiées par les maraîchers concernent à la fois
la production et la commercialisation des légumes.
Même si des améliorations sont observées au niveau des techniques de production, l’activité
garde encore des teintes traditionnelles. Celles se rapportent à certaines contraintes
rencontrées dans la production maraîchère. Ces contraintes concernent, entre autres, le besoin
en main-d’œuvre, les problèmes organisationnels, l’insécurité foncière, le manque
d’encadrement, le coût élevé des engrais et des intrants, les multiples cas de vol, les aléas
climatiques (inondations et ensablement), l’approvisionnement difficile en eau d’arrosage, le
manque de financement, la mauvaise qualité des semences, le manque de matériel agricole, le
délabrement des infrastructures routières et les cas de maladies et de destruction par les
insectes.
Les contraintes en rapport avec la commercialisation des légumes ressortent distinctement de
la fluctuation de la monnaie, de la baisse des prix de vente en saison sèche, des difficultés
d’écoulement de la production ou de la forte concurrence ; on peut encore citer les exigences
des acheteurs, le transport des produits, les recouvrements de créances et les difficultés de
conservation.
3.3.2. Regroupement et analyse des contraintes rencontrées par les maraîchers
Afin de mieux appréhender les contraintes rencontrées par les maraîchers, nous les avons
groupées en fonction de différents secteurs de l’environnement. Ce rapprochement permet
ainsi d’établir une typologie des contraintes liées à la pratique maraîchère dans les SMC de
Kinshasa. En effet, les maraîchers n’évoquent pas de manière isolée les contraintes qu’ils
rencontrent. Ils les lient les unes avec les autres afin de montrer les interactions qui existent
entre ces contraintes. Par rapport aux différents secteurs de l’environnement, les différentes
contraintes identifiées par les maraîchers sont classées en trois types distincts qui constituent
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
59
une typologie des contraintes. Il s’agit des contraintes du type social, des contraintes du type
économique et des contraintes du type technique (figure nº13).
Figure 13. Typologie des contraintes rencontrées dans les SMC enquêtés
Source : Auteur, sur base des données d’enquêtes
De l’analyse de ce schéma, il ressort de nombreuses interactions des contraintes rencontrées
par les maraîchers. C’est le cas par exemple de l’inaccessibilité des routes, et du faible
approvisionnement en intrants. Ces deux difficultés sont respectivement liées aux problèmes
institutionnels et aux difficultés financières. Le besoin en main-d'œuvre est, lui, lié aux
difficultés financières.
L’analyse de chaque type de contraintes consiste à le décomposer en différentes parties afin
de les étudier les unes après les autres (Rifai, 1996, p. 27).
� Contraintes sociales
Les contraintes d’ordre social regroupent, entre autres, les problèmes liés à la faiblesse de la
législation, le besoin en main-d’œuvre, les problèmes institutionnels et les problèmes
organisationnels.
Les contraintes liées à la faiblesse de la législation se traduisent par un vide juridique en ce
qui concerne l’application des lois existantes. Considérons le cas du régime foncier pour
Typologie des contraintes
Sociales
Économiques
Techniques
Besoins en main d’oeuvre
Indisponibilité des ressources hydriques
Difficultés financières
Dégénérescence de semences
Faible approvisionnement en intrants
Maladies des cultures
Problèmes de commercialisation
Insécurité foncière
Aléas climatiques
Problèmes institutionnels
Problèmes organisationnels
Inaccessibilité des routes
Faible encadrement technique
Problèmes de législation
Statistique de production
Formation des maraîchers commercialisation
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
60
lequel, le non-respect de la loi est considéré parmi les causes internes du mal ou encore du
sous- développement (Kimpianga, 2007, p. 137; 146).
Il faut noter que la terre est considérée comme premier facteur de production. Cependant, son
accès difficile constitue une contrainte majeure qui guette les maraîchers rencontrés dans les
sites coopérativisés. Même si le maraîchage dans les sites organisés en coopératives utilise
généralement des espaces réduits et souvent enclavés, il se heurte à l'urbanisation croissante et
concurrentielle qui entrave son déploiement. En effet, de nombreux citadins confrontés au
problème de logement occupent les bandes de protection des sites maraîchers, ainsi la presque
totalité des ceintures vertes est lotie puis construite. Maisonnettes d’habitation, petits marchés,
écoles, dispensaires débordent sur l’espace vert et perturbent la pratique des activités
maraîchères. Cette urbanisation incontrôlée engendre à la fois conflits humains et fonciers. La
compétition se révèle toujours défavorable au secteur maraîcher suite à l'absence ou à la
faiblesse de législation spécifique.
Nous relevons quelques cas à titre indicatif. Le premier cas renvoie à la pression foncière. Les
conséquences sont le délogement des maraîchers des périmètres d’activités ou encore le
déplacement continu de l’activité maraîchère vers la périphérie de la ville ou encore vers les
sites plus éloignés des domiciles parfois difficiles d’accès augmentant considérablement les
frais de transport et le coût de revient des légumes. Cette situation est non seulement
responsable de l’insécurité dans les SMC, mais elle menace également la production des
légumes et réduit la rentabilité des exploitations maraîchères. Le deuxième cas concerne le
statut foncier des parcelles exploitées afin de pérenniser la succession au droit de propriété en
cas de décès du maraîcher. Dans ce genre de cas, le conflit s’installe, la famille du maraîcher-
propriétaire se déchire et s’occupe de la terre laissée par le défunt sans toutefois la mettre en
valeur et sans la collaboration de l’épouse du défunt. Souvent, ce genre de terrain reste
longtemps inoccupé.
Subsidiairement au conflit qui précède, nous avons également relevé la difficulté des
maraîchers à travailler dans un terrain appartenant à un clan ou à une famille élargie.
L’absence d’un responsable attitré fait qu’aucun membre de la famille n’est vraiment motivé à
mettre en valeur une partie du terrain. Alors que personne ne se soucie d’entretenir ce
patrimoine, les membres du clan passent tout leur temps à empêcher toute personne qui aurait
l’ambition d’exploiter le sol. Par conséquent, la terre reste longtemps inoccupée constituant
ainsi un abri pour les voleurs et est envahie par les nuisibles moustiques et serpents, capables
d’inquiéter les voisins. En fonction de sa position topographique, le terrain peut être sujet aux
multiples cas d’ensablement, d’inondation, de lessivage permanent et de menace d’érosion.
Nous retenons de ce qui précède deux types de contraintes foncières : contraintes liées au
statut foncier des parcelles exploitées et celles liées au statut d'occupation des terres. Ces deux
contraintes majeures signent d'emblée la précarité de l'espace urbain. Cette insécurité foncière
se traduit concrètement en instance de « déguerpissement » que sous-tendent des menaces
permanentes. Elle influence dans une large mesure la durée d'occupation agricole des
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
61
parcelles ainsi que leur mobilité et leur instabilité. Suivant les statuts et la durée d'occupation
des parcelles et les modes de valorisation dont elles font l'objet, l'expulsion sera plus ou moins
brutale. En effet, pour les espaces relevant du domaine coutumier, le phénomène d'abandon
des parcelles est plus lent eu égard au réflexe de respect qu'observent les autorités politiques
et administratives vis-à-vis de l'entité traditionnelle ou coutumière. Les espaces prêtés ou
loués sont essentiellement des domaines déjà immatriculés, appartenant à l'État ou à des
particuliers. Le «déguerpissement» à ce niveau sera plus brutal, compte tenu de la
réaffectation de ces espaces à des fins d'immobilisation résidentielles administrative ou
industrielle. Notons que les plus anciennes parcelles sont les plus exposées parce qu’elles sont
inoccupées.
La faiblesse de la protection légale en ce qui concerne l’usage des produits phytosanitaires
constitue une préoccupation majeure dans les SMC étudiés. En effet, l’ordonnance 128/AGRI
du 17 décembre 1957 relative à la réglementation des produits phytosanitaires est la dernière
en vigueur en cette matière. Le nouveau projet de loi en matière de protection phytosanitaire,
préparé en novembre 1994, est resté lettre morte. Aucun agrément ou homologation des
pesticides importés n’est effectué. De plus, l’Office congolais de Contrôle qui contrôle les
produits importés n’assure pas l’analyse de leur teneur en principes actifs et en résidus. Les
maraîchers font état de la présence de certains pesticides toxiques dans les points de vente qui
approvisionnent les SMC alors que ces produits sont prohibés sur le plan international à cause
de leur forte dangerosité. Cette contrainte, bien que rangée dans le type social, évoque
également des aspects du secteur politique, légal et technologique de l’environnement dans
lequel évoluent les sites maraîchers coopérativisés.
Les contraintes liées à la main-d’œuvre constituent des préoccupations quotidiennes chez les
maraîchers. Il faut noter que cette main-d'œuvre est constituée essentiellement d’ouvriers
agricoles non spécialisés. Chacune des opérations culturales effectuées nécessite une main-
d'œuvre importante payée à la tâche. La minceur des moyens financiers dont disposent les
maraîchers ne leur permet pas d’y faire face. Une autre lacune relative aux ressources
humaines est l’absence de surveillants au champ : cette situation favorise les vols des
légumes. Et, les conséquences se répercutent sur la production et sur la rentabilité des ventes.
Concernant les contraintes institutionnelles, nous rappelons que le maraîchage constitue une
activité d’appoint très importante pour de nombreux habitants de la ville, pourtant on
remarque que le secteur maraîcher souffre d’un déficit d’attention de la part des autorités
municipales. L’argument principal qui justifie cette accusation se rapporte aux lotissements
incontrôlés qui s’établissent face à la passivité des autorités municipales. En effet, nous
estimons que le maraîchage ne constitue pas, pour ces responsables, une préoccupation
majeure dans l’élaboration des options du développement local de Kinshasa. À titre
d’exemple, le document intermédiaire de stratégie de réduction de la pauvreté (2004) ne
retient ni l’agriculture urbaine, ni encore moins le maraîchage, comme axe de réduction de la
pauvreté.
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
62
Les difficultés d’organisation engendrent d’autres contraintes surtout d’ordre technique. Nous
avons constaté que le manque d’organisation de la commercialisation des légumes est
responsable d’instabilité des prix de vente pour le même type de légumes. Or, moins il y a
organisation dans les SMC plus les maraîchers subissent les effets négatifs de certaines
contraintes. C’est le cas des aléas climatiques pour lesquels l’absence de dispositions contre
les érosions, les ensablements et les inondations influence négativement la production de
légumes et par conséquent leur commercialisation.
L’insuffisance de statistiques sur les productions dans les SMC a retenu notre curiosité
scientifique. Si, en général, les statistiques agricoles sont pauvres en RD Congo, elles sont
pratiquement inexistantes dans le comité de gestion de certaines coopératives. C’est le cas du
site de N’djili et de Mango.
� Contraintes économiques
Les contraintes économiques se rapportent, essentiellement, à l’insuffisance ou encore à la
minceur des ressources financières. Cela se fait remarque, d’une part, au niveau des
maraîchers individuels et, d’autre part, au niveau des comités de gestion des coopératives.
Le besoin en ressources financières ressenti par les maraîchers individuels s’exprime en
termes de dépenses d’exploitation à engager. Le maraîcher Joacin Luzolo relate ceci par
rapport à cette contrainte:
«La grosse difficulté liée à la pratique maraîchère
est d’ordre financier. L’argent me manque pour
exécuter diverses tâches agricoles notamment
payer les ouvriers pour le dressage des plates-
bandes de cultures et, les achats d’engrais et de
semences.»
Felix Biola de la coopérative de Kimbanseke abonde dans le même sens:
«Vous savez monsieur, les arrosoirs et autres
petits matériels il faut les acheter. En plus, les
fréquents arrosages de mes plates-bandes
nécessitent un ou deux ouvriers agricoles qu’il
faudrait payer. Où trouver alors cet argent ?
Comprenez combien cela s’avère difficile.»
Généralement, les maraîchers expriment leurs difficultés financières par rapport aux dépenses
liées aux travaux à exécuter dans le jardin. Nous avons dégagé de ces entretiens deux postes
de charges constituant la structure des coûts de production : il s’agit d’une part, des dépenses
liées à la main-d'œuvre, et d’autre part, de l’achat des intrants (fertilisants, semences et
matériel agricole) (tableau nº3).
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
63
Tableau 3. Dépenses moyennes prévisionnelles d’un maraîcher
Nombre des plates-bandes/Saison
Coût des travaux Charges d’exploitation
14/SP 20/SS Prix unitaire ($) Prix total ($) Main d’œuvre utilisée :
- dressage de plates bandes de cultures
- fertilisation - repiquage - arrosage
3,5 119
Achats fertilisants divers
- déchets ménagers - fiente de porc - gadoue - engrais chimique
56 kg 14 sacs 3 sacs 10, 5 kg
80 kg 20 sacs 4 sacs 15 kg
0,23 1,2 1 1,4
31,2 48,8 7 35,7
Achat semences - Amarante - Ciboule - Aubergine - Gombo - Autres légumes
0,5 kg 0,5 kg 0,5 kg 0,5 kg 0,5 kg
1 kg 0,8 kg 0,8 kg 0,5 kg 0,5 kg
1,5 2,25 2,5 1,25 1,55
2 2,3 2,5 1,25 1,55
Matériel agricole - Arrosoir (4) - Binette (3) - Brouette (2) - Fourche (4) - Pelle (4)
8,7 1,34 37 6,2 6,2
34,8 4,02 74 24,8 24,8
Amortissement matériel/an 40,6
Total général 291,8 Source: Auteur, sur base des données d’enquête
En termes d’importance, les dépenses liées à la main-d’œuvre se situent en seconde position,
après celles relatives aux intrants. Le poste de charge «main-d'œuvre» concerne
particulièrement le dressage de plates-bandes de cultures, l’opération de fertilisation, de
repiquage et d’arrosage. Le prix à payer pour cette dépense varie en fonction des liens qui
existent entre le maraîcher et l’ouvrier agricole. Il est aussi calculé en fonction du nombre de
plates-bandes à ensemencer, à arroser et à entretenir. Nous rappelons que pour un terrain de
400 m2, le nombre des plates-bandes s’élève à 14 en saison de pluie et à 20 en saison sèche.
Les dépenses d’acquisition des intrants agricoles notamment les fertilisants divers, les
semences et les petits matériels constituent le premier poste de charge le plus important. Elles
représentent environ ¾ de l’investissement consenti par les maraîchers producteurs. Les
fertilisants sont constitués par les déchets ménagers, les déchets de porcheries, mais aussi par
la gadoue et les engrais chimiques. Chaque catégorie de fertilisant tient compte de la surface à
ensemencer, soit le nombre des plates-bandes de cultures. Les semences concernent les
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
64
différentes spéculations légumières dont l’amarante, la ciboule, l’aubergine, le gombo et
autres légumes. Le poste dévolu au matériel agricole renvoie aux différents petits outils
utilisés par les maraîchers. Ce matériel concerne les arrosoirs, les binettes, les brouettes et les
fourches. L’amortissement de ce petit matériel, qui devra être échelonné en quatre ans, permet
de répartir le coût total (162,4$ US) prévu pour les achats en fonction de cette durée soit 40,6$
US/an.
Nous signalons que deux rubriques importantes n’ont pas été relevées par les maraîchers. Le
cas de la location foncière et le coût de transport. En ce qui concerne la location foncière, il
faut signaler que nous n’avons pas relevé le loyer du lopin de terre exploité par les maraîchers
parce que la quasi-totalité des maraîchers enquêtés ont un statut de propriétaire. Quant au coût
de transport ainsi que la taxe d’étalage, nous dégageons de nos entretiens que plus de la moitié
des maraîchers interviewés préfèrent vendre leurs légumes sur place au champ. Ce qui fait que
les dépenses relatives au coût de transport et à la taxe d’étalage ne sont pas reprises par les
maraîchers dans la structure des coûts de production.
Il faut cependant noter que, le coût de chaque poste de charge est fixé en monnaie locale (soit
franc congolais), mais indexée en dollar américain. D’après les données inscrites dans le
tableau précèdent, il faut noter, et cela, à titre indicatif, que les dépenses se chiffrent à 291,8$
répartis en saison de pluie et en saison sèche. Les dépenses en saison de pluie sont évaluées à
41% soit 119,6$ tandis que celles prévues en saison sèche représentent 59% soit 172,1$. La
difficulté qu’éprouvent les maraîchers à rendre disponibles les fonds pour les dépenses
saisonnières constitue un handicap à l’avancement de l’activité maraîchère. C’est ce goulot
d’étranglement à la pratique maraîchère que nous qualifions de «contrainte économique ou
financière». Plusieurs implications peuvent être signalées au regard de la contrainte
économique. Nous abordons particulièrement celle relative à l’aménagement des voies
d’accès.
Les contraintes liées à l’aménagement des voies d’accès touchent les infrastructures routières.
Il faut noter que cette contrainte exige des ressources financières importantes. L’approche
MED considère la présence d’une bonne infrastructure routière comme un capital physique.
Celui-ci interagit avec le capital économique (Bourdieu). Une infrastructure routière est en
effet indispensable pour l’enlèvement des produits maraîchers qui peuvent provenir des sites
éloignés des quartiers populaires. Elle constitue donc une condition de progrès pour le secteur
maraîcher urbain. Elle permet en outre l’acheminement aisé des intrants nécessaires : le
transport rapide de la production vers les marchés et un accès facile pour les vulgarisateurs et
autres acteurs extérieurs. L’accès routier contribue à la croissance économique et de surcroît à
la réduction de la pauvreté. Elles facilitent la circulation de biens et de personnes et en
favorisant la création de nouvelles activités économiques. Plusieurs études et rapports le
confirment. C’est le cas de celui de la Banque Mondiale (1991, p. 68) sur le développement
dans le monde. Ce document évoque l’exemple des villes ayant bénéficié de programmes
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
65
publics d’amélioration des infrastructures routières et qui affichent un revenu moyen par
ménage de près d’un tiers supérieur à celui des autres.
Au niveau des voies d’accès dans les SMC, nous constatons le mauvais état des routes ou
encore la détérioration très avancée de certaines voies d’accès dans la plupart des sites
maraîchers. Cette contrainte handicape l’acheminement et le transport des produits de certains
fonds marécageux jusqu’au marché le plus proche. Cette inaccessibilité est visible et nous
insistons particulièrement sur l’état défectueux des voies d’accès rencontrées dans certains
sites. Le cas le plus frappant est celui du site de Kimbanseke (photo nº6).
Photo 6. État défectueux d’une voie d’accès dans le SMC de Kimbanseke
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
La contrainte liée à l’aménagement des voies d’accès dans les SMC constitue non seulement un
obstacle majeur pour l’évacuation de la production, mais elle contribue également à la
fragilisation de la filière maraîchère dans ces sites. Il convient de noter que les trois SMC
étudiés se situent chacun au moins 10 km du centre-ville. Rendre praticables les voies d’accès
vers ces sites exigent non seulement la mise à disposition de finances, mais également et
surtout une prise de conscience de l’administration territoriale tant au niveau provincial que
national.
L’insuffisance des ressources financières se fait également ressentir chez les acteurs collectifs
représentés par les comités de gestion des coopératives. Les finances constituent une
ressource importante dans la vie des organisations, car l’argent est facilement convertible en
d'autres ressources telles que la main-d'œuvre, le matériel et autre apport (Pfeffer, 1986, pp.
101-102). Les comités de gestion contactés estiment que cette contrainte est liée à l’accès
limité au crédit et à la faiblesse des institutions de microfinance. Sur le plan des crédits, les
maraîchers individuels et les comités de gestion des coopératives font état de préjugés ou de
méfiance de la part des institutions de microfinance à l’égard de certaines sollicitations. Elles
estiment que: «Ils ne savent pas comment gérer de l’argent», «Ils manquent de discipline et de
formation», «Ils ne rembourseront pas» et dans un esprit paternaliste déclarent : «Ne faites pas
peser sur les épaules des personnes en situation financière déjà difficile le fardeau de la
dette». Une telle analyse fait fi du fait que les maraîchers ont toujours emprunté de l’argent
pour les enterrements, les mariages, pour l’essentiel de leurs effets ménagers, qu’ils ont
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
66
développé leurs propres caisses de solidarité telles que les tontines, les mutuelles de crédit
appelées «banques Lambert», et ceci, avec des taux de remboursement élevés, qu’ils ont en
outre eu recours à des prêteurs privés qui leur appliquaient des taux d’intérêt excessifs voire
usuraire.
Au-delà de ces arguments, les maraîchers interrogés soulèvent les exigences d’octroi de micro
crédit. Parmi ces conditions, on note particulièrement le fait d’être membre de la coopérative,
l’obligation d’avoir une caution ou une épargne dans l’IMF, être propriétaire d'un terrain,
faire partie d'un groupe solidaire et enfin être «bon» producteur et faire d’une preuve d’une
ancienneté d’au moins 6 mois dans l’activité maraîchère.
Les différentes IMF qui fonctionnent dans les SMC excluent ainsi un certain nombre de
maraîchers qui ne remplissent pas toutes les conditions. C’est ici que l’on peut pointer les
contradictions de certains projets sur le terrain. En effet, tout en prônant la réduction de la
pauvreté, les conditions imposées par certaines institutions de microfinance se révèlent
discriminatoires, car ils obéissent à une logique de rentabilité financière, excluant défait les
pauvres qu’ils sont censés aider. En ce qui concerne la faiblesse des structures de
microfinance, il est important d’indiquer quelques facteurs de déstabilisation ou de
fragilisation de ce système. Il s’agit particulièrement de l’hyperinflation, la prise de mesures
monétaires incohérente, l’instabilité politique. Ces facteurs de déstabilisation ou de
fragilisation font que les IMF perdent entre 1991 et 1993, près de 80% de leur clientèle et
66% des fonds placés dans les banques de dépôt, justifiant ainsi le climat de méfiance des
membres envers ce mouvement (Panzu, 2005, p. 23).
De ce climat de méfiance naissent des institutions de microfinance autres que les COOPEC.
Elles sont l’œuvre, dans la majorité, des ONG et des initiatives locales de Développement.
C’est le cas de la coopérative agricole de crédit et d’épargne maraîchère; la coopérative
agricole de crédit et d’épargne de Kinshasa; la Coopérative d’épargne et de crédit des
maraîchers de Kinshasa; l’ONG Mokili Mwinda et de la Mutuelle d’épargne et de crédit de
Kinshasa.
� Contraintes techniques
Le secteur maraîcher kinois, particulièrement dans les sites organisés en coopérative, est
fragilisé par des contraintes techniques. Pour analyser l’ensemble de ces contraintes, nous
avons dressé une liste de référence, de différents problèmes. Il s’agit concrètement des aléas
climatiques, de la faiblesse des approvisionnements en intrants, de l’insécurité foncière et de
l’accès à la terre, de l’indisponibilité des ressources hydriques, du faible encadrement
technique, responsable de la dégénérescence des semences et des maladies des cultures, ainsi
que des incertitudes de la commercialisation.
Les contraintes liées aux aléas climatiques ont retenu notre attention particulière. Nous
rappelons que les aléas climatiques sont surtout dus à la concentration et à l’intensité des
pluies. Ils ont des incidences, à la fois, sur la production et sur la commercialisation des
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
67
légumes. Le maraîcher Cyprien Siki Balembo du site de Kimbanseke les évoque dans la
déclaration qui suit :
« La saison pluvieuse est une gifle à la
production maraîchère. Non seulement les fortes
pluies enregistrées ces derniers mois provoquent
des inondations, mais elles sont également
responsables des divers cas d’ensablement, du
jaunissement des cultures et rendent les routes
de plus en plus inaccessibles.»
Nous dégageons de ce témoignage que les conditions climatiques sont déterminantes dans la
pratique du maraîchage. Les fortes précipitations et l’humidité relative élevée sont
responsables de la prolifération des champignons sur l’ensemble des SMC enquêtés.
En culture de saison pluvieuse, la fréquence de traitement des plantes, les quantités de
produits utilisés et la commercialisation des légumes varient en fonction de trois paramètres :
- Les conditions climatiques : si les pluies sont violentes, abondantes et longues
l’intervalle entre deux traitements sera réduit et les fréquences élevées, parce que les
plantes une fois traitées sont aussitôt lessivées par les eaux et à nouveau exposées
aux attaques diverses. On assiste également au problème d’érosion et ensablement
des surfaces cultivables.
- La sévérité des attaques en champ par les ennemis de la plante : si les attaques en
champ sont sévères (insectes et champignons) l’intervalle entre deux traitements sera
réduit et les fréquences élevées. La sévérité des attaques en champ dépend de la
nature du nuisible. Il peut s’agir des invasions des acridiens ou des champignons ;
- Production et commercialisation des légumes : il est un fait que la production
diminue pendant la saison des pluies. Ce qui fait que les maraîchers n’arrivent pas à
satisfaire tous leurs clients.
Outre les aléas climatiques, les maraîchers de sites coopérativisés pâtissent également d’un
faible approvisionnement en intrants, d’un encadrement technique insuffisants et aux maladies
de cultures ainsi qu’aux attaques des cultures par les insectes.
Les maraîchers éprouvent d’énormes difficultés concernant l’approvisionnement en intrants.
Ils notent dans leurs témoignages que dans aucun coin de la ville de Kinshasa il n’existe de
structure privée spécialisée dans l'approvisionnement en intrants tels que les semences
améliorées, les engrais, les pesticides et le petit matériel agricole.
Pour ce qui est des semences, les maraîchers indiquent qu’ils ont beaucoup de peine à
s’approvisionner en semences de bonne qualité. Bien qu’une gamme importante de semences
locales (amarante, oseille, tomate locale, gombo, piment) soit produite sur place, leur qualité
douteuse (dégénérescence) ne permet pas d’obtenir de bonnes récoltes.
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
68
Il en est de même pour les pesticides et les engrais qui sont responsables de plusieurs cas des
brûlures des cultures, d’intoxications des sols de cultures, de contamination de l'eau du sol et
de l’air par les métaux lourds et, enfin des contaminations de la population exposée à la
rémanence de ces produits utilisés sans respect des règles. Les travaux réalisés par De Winter
(1999) le démontrent clairement.
L’accès à la terre est une contrainte moins négligeable à l’essor du maraîchage dans les SMC
de Kinshasa. En effet le maraîchage urbain se heurte très souvent à la réglementation en
matière d’urbanisation. Et si les acteurs de cette activité bénéficient encore de la souplesse des
pouvoirs publics en la matière, ils font cependant face à la rigidité des mesures imposées par
les ‘maîtres du sol’.
Les maraîchers pointent encore le manque de suivi et d’encadrement sur le traitement des
ordures ménagères, en particulier sur les doses et les mélanges nécessaires à un bon équilibre
de la matière organique utilisée. Ce constat dénote l’insuffisance d’encadrement dans les sites
maraîchers. Ils font en effet état d’une diversité de contraintes liées à l’insuffisance
d’encadrement technique. Ils signalent le cas de l’insuffisance des techniques appropriées
pour lutter contre les maladies de cultures, la dégénérescence des semences, le manque
d’initiatives pour la constitution du capital d’exploitation. À toutes ces contraintes s’ajoutent
encore de nombreux problèmes de gestion: le manque de motivation de la part des maraîchers
membres des coopératives, le manque de formation et l’absence d’encadrement.
Le manque d’encadrement dénoncé par la quasi-totalité des maraîchers a conduit la plupart
d’entre eux à une mauvaise utilisation des intrants. La conséquence de ce mauvais usage se
mesure à la présence des vecteurs responsables des maladies de cultures. Parmi les cas
rencontrés dans les champs, les maraîchers font état de la prédominance des maladies pendant
la saison pluvieuse alors que pendant la saison sèche les insectes phytophages deviennent
préoccupants. Ces insectes rongent les légumes et en limitent la qualité. Cette pression
parasitaire représente une contrainte importante pour les maraîchers étudiés. Les études
réalisées successivement par Jansen et al. (1994), Moustier et Essang (1996) sur les maladies
et attaques de parasites des légumes confirment ces cas. C’est ainsi que les renseignements
reçus des maraîchers nous ont permis de faire correspondre pour chaque type de légume
cultivé les cas pathologiques et parasitaires constatés. Pour la culture d’amarante (Biteku teku,
Lenga lenga, Tshiteku), les maraîchers constatent que des dégâts causés par Psara basalis
(chenille défoliatrice) et les piqûres de punaises sur les feuilles sont parfois importantes et
peuvent éventuellement nécessiter l’application de produits phytosanitaires. Pour l’aubergine,
les seuls dégâts observés, et qui nécessitent un contrôle phytosanitaire sont ceux dus aux
acariens (tétranyques et tarsonèmes). Certains maraîchers signalent également un
dessèchement des plants d’aubergine d’origine physiologique. Cette maladie se manifeste
souvent dans les sols acides. Concernant la ciboule, les maraîchers observent des symptômes
assez importants d’alternariose sur la culture et dont les causes sont probablement liées à des
arrosages effectués le soir et la forte humidité du milieu le matin. Quant au gombo, les
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
69
maraîchers signalent le cas de deux maladies fongiques : la cercosporiose dans les
environnements humides et le blanc dans les milieux plus secs. La culture de la carotte étant
peu pratiquée, les plants ne font pas l’objet de traitements phytosanitaires particuliers. Des
dégâts parfois importants de la chrysomèle Nisotra sp. y sont cependant observés.
Outre la pression parasitaire, la pratique du maraîchage dans les SMC enquêtés souffre
également d’un autre travers, à savoir le non-respect des doses. Nous avons constaté que la
quasi-totalité des maraîchers de SMC traitent leurs légumes avec des produits chimiques. Les
plus vendus sur les marchés proches des sites coopérativisés sont constitués par les
insecticides (Thiodan, Karaté), les fongicides (Manèbe, Peltar, Sulfate de cuivre) et les
acaricides (Minicron). Ces produits sont, pour certains, très toxiques d’autant plus qu’ils
peuvent pour la plupart être absorbés dans l’organisme par voie orale, pulmonaires ou
dermiques et créent différents cas pathogènes.
C’est le cas, par exemple :
- De l’ingestion des engrais et pesticides chimiques notamment les organochlorés.
Elle engendre les déséquilibres physiologiques ou Methémo-globinemie (incapacité
de globules rouges de transporter l’oxygène) (Morren 2002) ;
- Des maladies associées à la contamination de l'eau du sol, de l’air par les métaux
lourds. Il faut signaler, en passant, que les légumes exposés à la pollution du milieu
urbain constituent un vrai danger pour la santé des consommateurs. C’est le cas des
légumes cultivés le long des axes routiers. Ils sont impropres à la consommation à
cause de l’émanation de la fumée produite par les véhicules. Ce gaz est porteur de
plomb qui finit sa course sur les plantes. Lorsqu’il entre dans le circuit alimentaire,
le plomb qui ne se décompose pas et ne s’évapore pas vite se dépose dans les organes
respiratoires et autres parties du corps du consommateur, et devient nocif à la santé, avec
les mêmes effets que le cas de la fumée de la cigarette.
- Des maladies associées à la réutilisation des déchets urbains et des eaux usées :
micro-organismes pathogènes (bactéries, protozoaires, virus, helminthes, etc). Nous
relevons que les maraîchers ne font pas le tri préliminaire pour enlever les matériaux
qui en font partie. Lorsqu’ils brûlent ces déchets, des traces des métaux lourds
(plomb) persistent dans les cendres qui sont récupérées.
- Des urines des passants, des eaux impropres utilisées pour l’arrosage. Elles souillent
davantage les légumes destinés à la consommation humaine.
Globalement il faut noter que le non-respect des doses prescrites, des fréquences de
traitements des cultures et du délai de carence entraîne une concentration élevée des
substances chimiques dans les légumes (feuilles, fruits et racines). L’étude menée par
Sonchieu (2002) a révélé une concentration élevée de manèbe dans les tomates non lavées
(6,20 ppm2) et moyenne dans les tomates lavées (5,98 ppm) au 14e jour du délai de carence.
La ppm (partie par million) est l’unité de mesure de la concentration en résidus de pesticide
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
70
adoptée par la FAO (1995) dont la norme de 5 ppm. Au regard de cette indication, l’auteur
signale que l’intervalle de temps entre le dernier traitement et la récolte varie en fonction de
chaque produit suivant son degré de toxicité. Il est de 14 jours pour le manèbe, produit très
utilisé dans la production maraîchère. Par rapport à des concentrations relevées ci-dessous, il
faut noter que ces deux valeurs restent supérieures à la norme FAO qui est de 5 ppm. La
consommation de ces produits présente ainsi des risques d’intoxication, et pourtant la
tendance est à la généralisation de la pratique auprès des maraîchers. Le non-respect des doses
et des fréquences de traitement par les maraîchers vise à assurer une production abondante sur
des espaces réduits, et tous les versants n’étant pas propices à la production maraîchère en
raison de la nature du sol.
À propos du petit matériel utilisé, les maraîchers signalent également que, les pulvérisateurs
étant rares, beaucoup d’applications sont effectuées à la brosse, à l’arrosoir, à l’assiette. Il en
découle des risques énormes pour la santé.
En ce qui concerne les contraintes liées à l’irrigation, il faut signaler qu’elles représentent une
préoccupation majeure pour les maraîchers. Elles s’ajoutent aux contraintes sur les aléas
climatiques parce qu’à la fin de la saison sèche, les pépinières et les cultures souffrent du
manque d'eau. D’une manière générale, les difficultés d’approvisionnement en eau posent de
sérieux problèmes aux producteurs et cela s’explique par les trois faits suivant : la difficulté
d’accès à l’eau de distribution, la distance par rapport aux rivières avoisinantes et la
destruction des systèmes d’irrigation.
Au sujet de la difficulté de raccordement pour la distribution d’eau, nous avons constaté qu’à
Kinshasa la gestion d’eau potable est du ressort de la régie de distribution d’eau. Cette Régie
assure la distribution d’eau à travers une série de raccordements dans toute la ville sauf dans
les sites maraîchers éloignés du centre urbain à cause du statut non planifié de ces quartiers.
Les maraîchers sont donc exposés à des manques importants en eau pendant la saison sèche.
Quant à la distance par rapport aux rivières avoisinantes, elle reste le problème épineux relevé
par les maraîchers lors de nos entretiens. Il en résulte que l’arrosage est épuisant et nécessite
beaucoup d’efforts physiques, de temps et représente un coût financier non négligeable.
Concernant la destruction des systèmes d’irrigation, nous signalons que, bien avant les
pillages des années 91 et 93, certains sites disposaient de systèmes d’irrigations construits
avec l’aide de la coopération française (Sites Cecomaf actuellement Site de N’djili et de
Kimbanseke). À ce jour, ces dispositifs sont détruits ce qui accroît le problème d’accès à l’eau
pour les maraîchers et leurs cultures. Les maraîchers utilisent dès lors les eaux stagnantes et
marécageuses pour arroser les cultures. Ces alternatives se révèlent moins saines et sont à la
base des multiples cas de contamination des légumes par de maladies.
Les contraintes liées à la commercialisation font également partie des contraintes techniques.
Elles se rapportent particulièrement à quelques facteurs dont la demande du marché, la qualité
des légumes, la densité de la plate-bande, la diversité des légumes, l’instabilité des prix, les
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
71
aléas climatiques et l’inefficacité des systèmes actuels de commercialisation des produits
légumiers dans les sites maraîchers. La demande du marché est déterminée par le
marchandage des clients ou des acheteurs.
Concernant la qualité des légumes, les maraîchers affirment que, aussi longtemps que la
qualité des légumes ne sera pas standardisée (maturité, variété génétique, méthode de récolte,
etc.) il sera difficile d’harmoniser les prix. Un autre facteur lié à la qualité des légumes, et qui
influence sensiblement la commercialisation concerne leur fragilité. Celle-ci exige des soins
particuliers, non seulement pendant la culture, mais aussi lors de la récolte, au moment du
conditionnement et au moment du transport. Cela s’explique par le caractère périssable des
légumes c'est-à-dire, sensibles aux chocs mécaniques, à la chaleur et au froid.
Quant à la densité de la plate-bande, il faut signaler que les acheteurs tiennent compte de son
degré de remplissage puisqu’ils achètent sur pied. Mais les maraîchers constatent que les
travaux de repiquage effectués par les ouvriers s’avèrent souvent inadéquats. Lorsque les
maraîchers veulent diversifier les légumes à cultiver, ils se heurtent aux problèmes d’accès à
des semences de qualité.
Le prix de vente des légumes n’est pas stable disent les maraîchers. Il dépend des modalités
de vente (vente au comptant ou vente à crédit), du type de vente (vente en gros et au détail),
des types de conditionnement des légumes (botte ou plate-bande) et des lieux de vente (sur
place au jardin ou encore au marché). Tous ces facteurs touchent à l’organisation des marchés
de légumes. Les constats ont révélé que les maraîchers n’ont jamais réussi à se grouper de
manière à pouvoir assurer un approvisionnement régulier auprès des grands acheteurs de la
place (hôtels et restaurants). Ceci est dû à la forte irrégularité observée dans les quantités
produites. L’instabilité des prix des légumes est fonction des certains facteurs de production
comme les aléas climatiques. Le caractère saisonnier de la production horticole, la
surabondance saisonnière de légumes accompagnée de prix très bas à cause de la forte
concurrence, et la diversité des intermédiaires dans le circuit de commercialisation sont
considérés comme responsables de l’instabilité des prix des légumes et de la complexité du
système de distribution des produits maraîchers.
Interrogeons- nous sur l’inefficacité des systèmes actuels de commercialisation des produits
légumiers dans les sites maraîchers. Cette situation révèle la congestion des marchés de
détails qui empêchent une opération efficace et entraînent la hausse des coûts de distribution
de vivres. En fait, les marchés sont devenus trop petits. Les conditions d’installation dont ils
disposent, même pour ceux d'entre eux qui sont assez grands, sont loin d'être satisfaisantes.
Tollens (1996, pp. 9-13) estime que ces marchés sont encombrés parce qu’ils n'ont pas un
espace de déchargement, pas de zones de tri, ni d'installation de nettoyage ; avec un parking
limité pour les camions, pas de réels planchers, des espaces de vente mal couverts quant ils
existent, pas d'installation de stockage, des conditions hygiéniques et sanitaires qui laissent
beaucoup à désirer, particulièrement pour des produits périssables. Leurs seules installations
se limitent de petits stands pour des opérations de vente au détail. En conséquence, il existe
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
72
une prolifération de petits points de vente disséminés dans la ville et de colporteurs itinérants.
Il existe un très grand nombre de détaillants, leurs ventes par individu sont très minimes et
plusieurs consommateurs à faibles revenus viennent plusieurs fois par jour faire des achats
limités.
Il faut noter que les fonctions de vente en gros se font à une échelle relativement réduite et
spécialisée par produit. Il n'existe pas ou peu de marchés de gros comme tels. Chaque jour, les
détaillants passent beaucoup de temps à assembler de petits lots de légumes à revendre dans
les marchés de détail. Les moyens de transport sont devenus chers, les consommateurs
reçoivent souvent des produits de qualité médiocre et ils doivent passer un temps démesuré à
l'achat des provisions alimentaires pour la famille.
Les signaux des prix et une information concernant le marché n'atteignent pas les maraîchers
à travers le système urbain de vente au détail et en gros. Ainsi, la production ne suit pas
convenablement la demande des consommateurs, ni quantitativement ni qualitativement. Les
producteurs sont fréquemment confrontés à des prix incertains des produits, à l'échelle réduite
et au pouvoir oligopolistique des marchés de collecte des produits. Ceci se reflète dans la
variation des prix et la fixation des marges de commercialisation. L'accent est très peu mis sur
les voies et moyens de créer un secteur privé progressif, compétitif et efficace dans la
commercialisation des légumes.
Les efforts du secteur public pour améliorer la commercialisation des légumes ont plutôt des
opérations efficaces de commercialisation et n'ont pas su fournir des conditions facilitant une
coordination efficace des marchés. Les coûts inutiles qui résultent d'une coordination
défaillante des marchés sont rendus évidents par la fermeture régulière de supermarchés par
manque de produits, des pénuries chroniques de biens alimentaires de base et une tendance
générale vers la monopolisation des circuits de distribution (le système de quota) par des
sociétés privées pour des aliments importés, mais aussi pour des aliments produits localement.
Les marchands camionneurs obtiennent l'information relative aux prix par une observation
directe dans les divers marchés qu'ils visitent. Étant donné que la grande partie des achats
effectués par les camionneurs s’effectue dans de petites concentrations de marchés où les
maraîchers livrent le plus souvent les produits de la main à la main, produits transportés sur le
dos ou sur la tête, les acheteurs camionneurs se trouvent alors dans une position favorable de
marchandage. Le maraîcher insuffisamment formé, avec de petites quantités de produits, une
information pauvre concernant le marché et peu ou pas du tout de choix d'acheteurs, est
incapable de marchander pour des prix "justes". Seuls les cultivateurs réunis dans un
groupement ou coopérative (coopératives maraîchères à l’époque de la coopération) peuvent
louer un camion pour transporter leurs produits vers le marché urbain et ainsi éviter des
intermédiaires et mieux maîtriser la distribution de leurs produits.
Les collecteurs en faisant la demande, ils exercent un pouvoir qui tend à réduire les prix des
produits agricoles qu'offrent les cultivateurs. Un tel pouvoir monopsone existe dans de
nombreuses zones de production légumière où il y a peu de marchands camionneurs par
Première partie: État contraignant de l’environnement des SMC
73
rapport aux maraîchers individuels et parce qu'il existe une compétition limitée entre les
marchands camionneurs.
3.3.3. Contraintes rencontrées par les entités coopératives
Considérés comme toute autre organisation de petite taille, les SMC ont pour mission
d’accompagner les maraîchers à atteindre leurs objectifs de production et de
commercialisation des légumes. Dans cette mission, les SMC sont limités par les besoins en
ressources exprimés en termes de contraintes. Ces dernières sont responsables de la
dépendance vis-à-vis des ressources. Cette dépendance est de nature différente comme
l’indique Sainsaulieu (1987, p. 119).
Globalement, les contraintes rencontrées par les entités coopératives constituent un frein à
l’action organisationnelle. Nous avons retenu trois types de besoins des coopératives. Ces
besoins sont considérés comme des contraintes et sont responsables des dépendances vis-à-vis
des ressources (figure nº14).
Figure 14. Contraintes rencontrées par les entités coopératives
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
La première dépendance est d’ordre financier. L’absence, ou encore la faiblesse, des activités
économico-productives constitue un frein à la relance économique des coopératives. C’est
ainsi que les coopératives éprouvent des difficultés financières. La deuxième dépendance fait
état des difficultés d’organiser les travaux collectifs afin de sécuriser les ceintures vertes des
sites maraîchers contre les multiples cas d’inondation et d’ensablement des terrains. La
troisième dépendance concerne le faible taux de coopérativisation constaté dans les sites
maraîchers. Cette dépendance couvre un besoin réel de sensibilisation des différents
maraîchers qui travaillent dans ces sites sans statut d’adhérent.
3.4. Conclusion
Les enquêtes réalisées dans les SMC de Kinshasa montrent que les maraîchers et les entités
coopératives subissent les influences négatives de l’environnement. Il s’agit de contraintes qui
handicapent tant l’activité maraîchère que l’action organisationnelle des coopératives. Celles
rencontrées par les maraîchers sont variées, qu’il s’agisse de la production ou de la
commercialisation des légumes. Au niveau des coopératives, les contraintes rencontrées
créent un dysfonctionnement organisationnel.
Contraintes sociales Dépendance vis-à-vis des ressources sociales
Contraintes économiques
Dépendance des vis-à-vis des ressources économiques
Contraintes techniques Dépendance vis-à-vis des
ressources techniques
- besoins d’organisation ;
- besoins administratifs (sécurisation foncière, financements)
- besoins financiers
- besoins en formation ;
- besoins en sensibilisation
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
74
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
75
Introduction
La deuxième partie de notre étude renvoie aux opportunités que recèle l’environnement soit
état habilitant de l’environnement. Elle permet de passer de la problématique des contraintes
aux réalités complexes et pluri-dimensionnelles de changement, articulant structures, et
stratégies des acteurs autour du changement au sens "development studies". Cette partie de
l’étude montre, précisément, comment les acteurs mettent en œuvre des stratégies associatives
informelles. Ainsi, nous analysons les stratégies développées par les acteurs (individuels et
collectifs) afin de réduire les contraintes rencontrées.
En ce qui concerne les acteurs individuels, nos analyses concernent les moyens sur lesquels
misent les maraîchers afin d’accumuler les ressources et de réduire les contraintes rencontrées
dans la pratique maraîchère. Ces capacités se rapportent les unes et les autres aux différents
capitaux ou encore aux moyens d’existence durables. Nous rappelons que la notion de capital
dont il est question dans cette partie de l’étude s’appuie, entre autres, sur les théories
développées principalement par Bourdieu (1979; 1980) et sur l’approche des moyens
d’existence durables étudiée par Chambers et Conway (1992). Ces théories insistent sur ce
que les maraîchers cherchent à accumuler, ou ce sur quoi les maraîchers misent pour
accumuler les ressources. Ces ressources se rapportent aux trois types des capitaux
(économique, culturel et social) proches de ceux abordés dans l’approche MED. Chaque type
correspond à une diversité des stratégies déployées par les acteurs.
Le capital économique concerne les ressources, tant financières que physiques. Le capital
culturel désigne essentiellement les connaissances et les compétences acquises plus souvent
par des formations. Le capital social recouvre le réseau de relations personnelles, relations
sociales ou les ressources sociales formelles et informelles qu'un individu peut mobiliser. Ces
trois formes de capitaux sont développées respectivement dans les chapitres 4 ; 5 et 6.
Quant aux acteurs collectifs, nos analyses insistent sur les stratégies organisationnelles
déployées pour contrôler les ressources (chapitre 7). Dans ce chapitre, nous avons également
évalué la dynamique impulsée par les acteurs (individuels et collectifs) dans la perspective de
l’approche sociologique du développement. Outre le caractère innovant de cette dynamique
des acteurs, son mérite provoque un élan local, c'est-à-dire un changement du secteur
maraîcher de Kinshasa.
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
76
CHAPITRE 4. CAPITAL ÉCONOMIQUE CHEZ LES MARAÎCHERS
Dans l’activité de maraîchage, les premières contraintes sont d’ordre économique. Les
maraîchers des sites coopérativisés ont mis sur pied des mécanismes originaux de
financement qui relèvent plutôt de l’économie informelle. Face à la déliquescence du système
bancaire, les maraîchers s’organisent pour lutter contre les dynamiques de paupérisation. Dans
ce chapitre, nous évoquons les mécanismes économiques auxquels font appel les maraîchers
des sites coopérativisés de Kinshasa dans le contexte de la crise économique et sociale de la
RDC.
4.1. Finance populaire : une alternative au système classique ou formel
En RDC, le système bancaire est quasi inexistant. Pour faire face aux contraintes financières,
les maraîchers recourent à des alternatives qui se situent entre les pratiques modernes et celles
dites traditionnelles. Le témoignage de Cyprien Siki Balembo est éloquent :
«Je m’arrange pour épargner les moyens
financiers que je possède. Pour éviter de les
dépenser, je recours aussi bien à la pratique
tontinière qu’au système des banquiers
ambulants autrement appelés «papa carte.»
Poursuivant sa description, Cyprien renchérit en ces termes :
«Il m’arrive de contracter une dette auprès des
collègues maraîchers qui me versent une
avance sur la vente. La pratique est bonne,
mais elle m’encombre de dettes.»
Les déclarations de notre interlocuteur renforcent l’hypothèse d’une économie informelle.
Explicitons quelque peu ce concept d’économie formelle. On entend par économie informelle
soit, des activités non intégrées dans le cadre juridico- institutionnel de l’État et de l’économie
dite moderne, soit toutes les transactions financières (emprunts et dépôts) qui ne sont pas
réglementées par une autorité monétaire centrale ou par un marché financier central.
L’économie informelle relève d’un secteur inorganisé ou non institutionnalisé et qui a trait
aux zones rurales, traditionnelles, et aux sphères de subsistance (non monétisée) de
l’économie (Kakule, 2006, pp : 2-5). Tel est le cas de ce que nous nommons la finance
populaire.
En ce qui nous concerne, la finance populaire relève à la fois de la finance informelle
représentée par les banquiers ambulants et les pratiques tontinières, et de la microfinance dont
les Coopec ou crédit solidaire, les banques communautaires et les caisses villageoises (Gentil
et Servet, 2002, pp. 729-736). À ce titre, la finance populaire recouvre à la fois la
microépargne et le microcrédit.
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
77
Dans le cas des maraîchers, la fonction financière (le crédit) est liée aux fonctions
socioéconomiques. Ces pratiques de financement dites populaires, c’est-à-dire celles
auxquelles recourent la majorité des gens, conjuguent «pratiques modernes et pratiques
traditionnelles».
En général, ces pratiques sont diffuses et inclusives (Kakule, 2006, p. 5) et relèvent des
pratiques informelles d’épargne et de crédit dans les pays en voie de développement. Ces
formes d’activités informelles et d’initiatives collectives privées telles que vécues en Afrique
sont des mécanismes financiers en dehors du système financier formel (Charmes, 1990, pp.
11-51 ; Servet, pp. 267-279). D’aucuns les désignent comme des «groupes d’entraide»,
«finance informelle» «institutions financières informelles», «finance semi-informelle»,
«microfinance» (Delbert et Fitchett, 1994, p. 14).
Pour ce qui est des maraîchers de sites enquêtés, ces pratiques illustrent l’inventivité des
acteurs qui agissent dans ce secteur. Parmi ces pratiques de contrôle des ressources
financières, nous distinguons le microcrédit (formel et informel), l’épargne et le travail à
l’exploitant (figure nº15).
Figure 15. Composantes de capital économique chez les maraîchers
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
Loin de nous l’idée de faire du secteur informel le paradigme exemplaire, nous partageons
plutôt l’avis selon lequel le secteur informel est une réponse partielle à la crise du
développement en Afrique. Plus largement, les enjeux économiques en Afrique imposent de
passer nécessairement de la survie au développement. L’un de ces enjeux est l’emploi urbain
ou l’accès au marché du travail. Nous estimons que le secteur informel n’est pas en mesure
d’assurer les meilleures conditions de vie à la majorité de la population. Le maraîchage
comme alternative économique peut-il relever ce défi? D’aucuns pensent que la finance
populaire ou informelle sert uniquement les activités de consommation. Dans quelle mesure
ces activités jouent- elle un rôle significatif dans la constitution et la collecte de l’épargne ou
dans l’affectation de cette épargne sous forme d’investissement, étant donné la trop forte
propension à consommer au détriment de l’investissement? Ce questionnement nous amène à
traiter de l’épargne à travers les pratiques tontinières et les pratiques des banquiers ambulants,
le recours des maraîchers au microcrédit et au travail à l’exploitant.
BBaannqquuiieerrss aammbbuullaannttss
TTrraavvaaii ll àà ll ’’ eexxppllooii ttaanntt
CCaappii ttaall ééccoonnoommiiqquuee ÉÉppaarrggnnee
MMiiccrrooccrrééddii tt TToonnttiinneess
AAuuttrreess
FFoorrmmeell
IInnffoorrmmeell
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
78
4.1.1. Recours des maraîchers des sites coopérativisés étudiés à l’épargne
Dans la logique keynésienne, tout ce qui est produit est soit consommé soit épargné.
L’épargne est égale à Revenu moins Consommation (soit E=R-C). Nous la considérons
comme un solde ou encore un reste de revenu non consommé. Selon cette logique, lorsque le
revenu (R) diminue, la consommation (C) diminue aussi, et vice-versa. C’est l’augmentation
de revenu qui entraîne la propension à l’épargne.
L’épargne est une forme de gestion où les dépenses sont maintenues à un niveau inférieur aux
recettes en vue de constituer des réserves. L’objectif d’une épargne est d’accumuler des
réserves financières. Chez les maraîchers, l’épargne évite un trop grand endettement et une
trop grande dépendance.
Le recours à l’épargne dans le comportement des maraîchers des sites coopérativisés de
Kinshasa est bien antérieur à l’arrivée du mouvement de la microfinance. Même avec des
revenus minimes, les maraîchers des sites coopérativisés ont toujours eu une forte propension
à épargner dans le but de faire face à d’éventuelles situations difficiles et imprévisibles.
En effet, la quasi-totalité des maraîchers déclarent, dans leurs témoignages, avoir commencé à
réaliser l’épargne bien avant de contracter un microcrédit. L’épargne leur a permis de
constituer une réserve financière afin de faire face aux dépenses d’exploitation. L’argent
épargné provient de sources diverses. À cet égard, les témoignages des maraîchers divergent.
Dans l’ensemble, ils évoquent les sources ci- après : la vente des légumes, le petit commerce à
la cité, l’élevage (poulailler, porcherie et autres), les interventions sporadiques de la famille et
des amis et, enfin le travail à l’exploitant.
Au sujet de l’épargne, les témoignages des maraîchers divergent quelques fois. Un maraîcher
nous a confié ceci:
«Je ne fais pas confiance au système de
banque depuis la démonétisation de 1982. Je
garde mon argent au champ, parfois à travers
la pratique tontinière (couramment appelée
likelemba ou moziki).»
Sans contredire le premier témoignage, un autre maraîcher renchérit en ces termes :
«Le système papa carte (ou banquier
ambulant) m’aide à garder mon argent dans la
quiétude. Ces gens sont plus ou moins
sérieux.»
Les deux cas cités ci-dessus, il ressort que le premier se réfère aux pratiques tontinières tandis
que le second recourt aux banquiers ambulants pour assurer son épargne. En outre, les deux
modes d’épargne ont toujours existé avant et après l’apparition du microcrédit, mais ils
n’avaient jamais été institutionnalisés. Nous sommes, une fois de plus, dans l’économie
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
79
informelle. Les transactions financières (emprunts et dépôts) pratiquées par les maraîchers ne
sont pas réglementées par une autorité monétaire centrale ou par un marché financier central.
Il s’agit dès lors de l’économie populaire des petits paysans, des petits artisans et des petits
marchands.
Le secteur informel, d’un point de vue pratique est celui qui échappe, selon Villers (2001, p.
12), au cadre institutionnel et réglementaire de l’économie (inspection du travail, circuit
bancaire, etc.). Il comprend de petites entreprises artisanales ou commerciales qui ne sont pas
intégrées dans le cadre juridico-institutionnel de l’État et de l’économie dite moderne, des
activités dépourvues de statut légal, des entreprises qui ne tiennent pas de comptabilité et qui
n’appliquent pas la réglementation du travail (Adams et al. 1994, p. 14).
Du point de vue financier, les auteurs estiment que le secteur informel désigne toutes les
transactions financières (emprunts et dépôts) qui ne sont pas réglementées par une autorité
monétaire centrale ou par un marché financier central. C’est un secteur inorganisé et non
institutionnalisé, ayant trait aux zones rurales, traditionnelles et aux sphères de subsistance
(non monétisées) de l’économie.
La perception de Peemans (2002, p. 384) du secteur informel nous permet de positionner les
maraîchers dans le contexte qui est le leur. L’auteur considère le secteur informel comme un
secteur d’activité qui a existé depuis des siècles, et est tout simplement l’économie populaire
des petits paysans, des petits artisans et des petits marchands.
L’épargne telle que réalisée par les maraîchers est en effet, non contrôlée et non enregistrée et
à des degrés différents, en dépit du fait qu’elle est le plus souvent pratiquée au grand jour non
légale (ne se conformant pas à la réglementation, par exemple en matière de taxe) ou illégale
(ayant un objet contraire à la loi, par exemple le change de monnaie en dehors des banques et
bureaux agréés).
Les pratiques tontinière, communément appelées «likelemba ou encore moziki» chez les
maraîchers, sont constituées par des associations d’adhésion volontaires, mais individuelles,
elles sont liées aussi bien au milieu familial qu’au milieu géographique ou professionnel
(Assogba, 2000, p. 120 ; Hugon, 1993, p. 27 et O’deyé, 1985, p. 72).
Bien que les appellations diffèrent d’un pays à l’autre, et parfois à l’intérieur d’un même pays,
leur principe reste identique : quelques personnes s’entendent pour verser régulièrement une
cotisation dont le montant total est redistribué à l’une d’entre elles, chacune recevant à son
tour la somme totale épargnée par tous. L’opération est répétée par mois ou semaine en
fonction du nombre de personnes qui composent le groupe. Les auteurs susmentionnés
définissent les pratiques tontinières comme des associations ou mutuelles avec un fonds
d’épargne rotatif où la levée bénéficie à chacun des sociétaires selon un ordre préétabli, mais
révisable.
S’agissant de banquiers ambulants, il y a lieu de noter, de prime abord qu’il est question d’une
pratique ingénieuse de la part de la population locale. Les banquiers ambulants sont aussi
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
80
appelés «tontinier-collecteur». Ils appartiennent, selon Adéchoubou (1996, pp: 59-60), à la
grande famille des tontines pourtant, elles s’en différencient nettement par certains aspects.
Dans cette pratique bancaire ambulante, il n’existe pas de groupe social constitué, ni de tour,
ni de réciprocité, ni de solidarité de secours et non plus d’aspect festif, mais plutôt une
relation personnalisée entre un «banquier» et ses clients.
La pratique consiste pour le banquier ambulant, à se déplacer régulièrement dans les
périmètres maraîchers, en général tous les jours, afin d’effectuer des opérations de dépôt et de
crédit avec une clientèle très diversifiée qui, pour des raisons de modalités n’accède pas aux
banques classiques. La forme la plus usitée est la remise d’une carte avec plusieurs cases
portant le nom, l’adresse et parfois la photo du banquier. De là vient l’appellation «papa
carte» chez les maraîchers. Client et banquier se mettent d'accord sur un montant journalier
de cotisation et, une fois la carte pleine, le banquier restitue l’argent cotisé déduit d’une
retenue journalière qui représente la commission pour le service rendu. Les cotisations
peuvent également se faire selon la périodicité des marchés ou des descentes aux champs ou
s’étaler sur plusieurs mois. Le banquier ambulant ou «papa carte» consent aussi des avances
en cours de cycle d’épargne et, parfois, des crédits. Les populations urbaines, en déployant
leur inventivité dans le secteur informel, et les maraîchers, en y recourant pour faire face aux
diverses difficultés relatives à leur pratique professionnelle, ont développé dans le temps et
dans l’espace une économie populaire qui touche un grand nombre de la population urbaine.
Les ressources financières des maraîchers peuvent également provenir d’institutions de crédit
qui, elles, supposent un endettement : il s’agit du recours au microcrédit.
4.1.2. Recours des maraîchers des sites coopérativisés étudiés au microcrédit
Le microcrédit consiste, généralement, en l'attribution de prêts de faible montant à des
artisans qui ne peuvent pas accéder aux prêts bancaires classiques. Certains maraîchers y
recourent pour lutter contre les pénuries financières. Sur le terrain, aucune distinction précise
n’est faite entre microcrédit et microfinance (Gert van Maanen, 2005, p. 1). Les bénéficiaires
ne se préoccupent pas de savoir quel type de label sera utilisé. Si le produit était lancé
aujourd’hui, il est probable que le terme microfinance aurait été choisi, car il recouvre une
réalité plus vaste que le microcrédit. Cependant, le concept de microcrédit a été inventé et le
terme a conquis le monde. Par ailleurs, les enjeux de la microfinance dépassent celui d’une
définition pointilleuse.
Les enquêtes auprès des maraîchers nous ont permis de distinguer deux types de crédits
(formel et informel). Ceux-ci présentent des structures et des modes de fonctionnement bien
distincts, aussi bien au niveau des taux d’intérêt pratiqués que des conditionnalités de prêt
imposées par les agents de crédit.
Envisageons maintenant le crédit formel chez les maraîchers. Ceux-ci y recourent afin
d’acquérir le capital d’exploitation pour assurer la production. Le microcrédit est obtenu par
le biais des structures officielles dont les COOPEC (coopératives d’épargne et de crédit).
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
81
Parmi les trois SMC étudiés, seuls les maraîchers du site de Kimbanseke et de N’djili ont
recouru aux institutions de microfinance ou microcrédit tandis que les maraîchers du site de
Mango, malgré l’opérationnalisation de ces institutions, n’ont guère fait appel à cette
alternative par peur de s’encombrer financièrement. Des nombreux témoignages qui nous ont
été confiés, nous avons retenu, à titre illustratif, celui de Martin Sita de la coopérative de
Kimbanseke. Il affirme:
«Le microcrédit constitue une solution de
taille pour moi. J’en ai bénéficié trois fois de
suite et l’ai remboursé dans l’intervalle de 4
mois selon l’échéance convenue.»
Nous ne nous sommes pas contentés d’enregistrer l’obtention du microcrédit par les
maraîchers, mais nous avons cherché à épingler dans leurs témoignages, les motivations de la
demande, les montants reçus ainsi que la fréquence, l’échéance et le mode de remboursement
afin de procéder à l’évaluation du système.
Les maraîchers avancent trois raisons majeures à leur recours au microcrédit : résoudre les
difficultés financières, augmenter la production maraîchère et initier d’autres activités. Elles
sont évaluées dans la figure nº16 ci-dessous.
20%
64%
16%
Diff icultés f inancières
Augmenter la production
Autres activités
Figure 16. Motivations de la demande du microcrédit
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
À partir des considérations qui précèdent, nous pouvons déduire que la motivation principale
consiste à augmenter la production maraîchère. Sur le terrain, 64% des maraîchers enquêtés
évoquent cette motivation. En général, le microcrédit est sollicité sur base d’un projet
individuel et rarement sur base d’un projet communautaire ou de groupe.
Quant aux maraîchers n’ayant pas sollicité le microcrédit, nous citons le cas de la maraîchère
Lukombo Masakila du site coopérativisé de Kimbanseke et celui du maraîcher Albert
Bakumbuka. Leurs motivations se ramènent à une simple prudence de s’engager dans
l’obtention d’un crédit pour lequel le délai de remboursement est trop court et le montant trop
faible. Pour ceux qui en ont sollicité et bénéficié d’un tel crédit, le montant oscille entre 50 et
300$ US. Toutefois, le montant le plus souvent cité par les bénéficiaires correspond à 100$
US. Ce montant est loin d’être suffisant pour couvrir tous les besoins d’investissement des
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
82
maraîchers (main-d'œuvre, semences, engrais, etc.). Le microcrédit octroyé n’apporte donc
qu’une petite contribution aux dépenses réelles nécessaires pour atteindre un seuil de
rentabilité optimal. Concernant la période et la fréquence de microcrédit, il faut signaler que
l’accès à ce système est récent. Il ressort de nos entretiens que 52% des maraîchers ont
bénéficié le microcrédit après l’année 2000, contre 23% des maraîchers qui en ont reçu avant
1997 et 25% des maraîchers entre 1997 et 2008. Dans l’ensemble, il faut signaler que 44%
des maraîchers interrogés déclarent n’avoir reçu le microcrédit qu’une seule fois. Alors que
56% des maraîchers étudiés en ont bénéficié au moins deux fois (figure nº17).
44%
21%
17%
11%7%
1 fois
2 fois
3 fois
4 fois
5 fois
Figure 17. Fréquences de microcrédit dans les SMC
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
Quant aux modalités et au taux d’intérêt, les maraîchers éprouvent des difficultés quant à
l’utilisation du prêt. Les conditions imposées par les institutions formelles de microcrédit
obligent les maraîchers emprunteurs à investir dans des activités autres que le maraîchage
pour en constituer le capital d’exploitation. Ces activités interviennent dans des proportions
différentes pour le renforcement du capital financier des maraîchers. Le petit commerce
constitue la première activité (49%), suivie du transfert d’argent (35%) et de l’artisanat (16%)
(Figure nº18 ci-dessous).
16%
49%
35%
Artisanat
Petit commerce
Transfert
Figure 18. Autres moyens utilisés pour renforcer le capital d’exploitation
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
83
Quant aux échéances de remboursement, la figure nº19 ci-dessous montre que 50% des
maraîchers bénéficiaires ont remboursé le microcrédit perçu dans un délai compris entre 4 et 6
mois. Par contre, 10% des maraîchers déclarent avoir remboursé le microcrédit sur une
échéance de plus de 6 mois.
40%
50%
10%
<4 mois
4 à 6 mois
>6 mois
Figure 19. Échéances de remboursement de microcrédit dans les SMC
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
Ce système de crédit favorise les activités à cycle court et la rentabilité intervient tôt dans le
cycle. Le système de crédit à cycle court convient bien aux maraîchers dont le cycle de
production le plus long est d’environ 3 à 4 mois. Par contre, la rentabilité des cultures
maraîchères n’est pas toujours assurée à l’instar de toutes les activités primaires.
En ce qui concerne les échéances de remboursement, nous avons noté que 84% des
maraîchers bénéficiaires déclarent que les échéances sont décidées par l’institution de
microfinance. Alors que 16% d’entre eux affirment avoir fixé les échéances de commun
accord avec l’institution qui accorde le crédit.
Les différents points de vue des maraîchers sur les échéances de remboursement nous ont
permis de retenir quatre types de modalités. La première renvoie au capital+intérêt reparti sur
toute l’échéance. Celle-ci est appliquée à 71% des maraîchers. Elle est suivie par le
remboursement en nature (21%). Le seul remboursement du capital est accepté par 6% des
maraîchers. Le capital+intérêt payé à l’échéance est confirmé par 3% des maraîchers.
70%
6%
21%3%
Capital + intérêt répartisur l'échéannce
Capital uniquement
En nature
(Capital + intérêt) payéà échéance
Figure 20. Modalités de remboursement du microcrédit dans les SMC
Source : Auteur sur base des données d’enquête
Les raisons du non- respect de l’échéance de remboursement sont de trois ordres. La première
raison (53% de cas) évoquée par les maraîchers bénéficiaires est liée aux contraintes
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
84
climatiques. La deuxième raison (39% de cas). La deuxième raison (39% de cas) se rapporte
aux contraintes socio-économiques. La troisième raison (8% de cas) porte sur la durée trop
courte de l’échéance.
Comme nous pouvons le constater, les aléas climatiques surnommés «gifle de la saison
pluvieuse» constituent un des problèmes les plus importants à prendre en compte dans la
production maraîchère. En effet, pendant la saison des pluies, il se produit des inondations et
des ensablements responsables de fortes pertes de récoltes.
D’autres phénomènes se produisent également, c’est le cas par exemple: du flétrissement et de
la pourriture des cultures, du ravage des cultures par les insectes et autres parasites. Les
dommages causés aux cultures par les aléas climatiques rendent plus vulnérables les
maraîchers (faible rentabilité et difficultés de remboursement).
Les maraîchers recourent à plusieurs moyens pour rembourser le crédit. Il faut noter qu’en
dehors des recettes générées par la vente des légumes, les bénéficiaires de microcrédit ont
recours aux recettes de diverses activités artisanales et du petit commerce. Sur cette liste, il
convient d’ajouter le transfert d’argent des autres membres de la famille.
Au terme de l’obtention et du remboursement, une évaluation subjective du microcrédit
s’avère indispensable faute de quoi notre étude risque d’être incomplète. C'est pourquoi nous
intégrons le point de vue des bénéficiaires du microcrédit sur ce mode de financement des
activités maraîchères. En écoutant les avis généralement convergents des maraîchers sur le
système de microcrédit, deux témoignages ont retenu notre attention.
Le maraîcher Cyprien Siki Balembo insiste:
«J’ai recouru au microcrédit cinq fois de suite.
Le système ne m’a pas paru satisfaisant à
cause du montant très bas (100$) et du délai
très court accordé pour le remboursement.»
À côté de ce témoignage, celui de la maraîchère Lukombo Masakila abonde dans le même
sens. Celle-ci ne se réfère guère au microcrédit. Elle n’est pas d’accord avec les modalités de
remboursement et la minceur du montant accordé.
Elle est appuyée par le maraîcher Raphaël Mayasi qui affirme:
«Je ne sollicite pas le microcrédit à cause des
modalités de remboursement, la petitesse du
montant accordé et les caprices des ces
institutions dans l’étude des dossiers. Ainsi,
j’ajoute une partie de l’aide envoyée par mon
frère de Suisse à certaines charges de
production des légumes.»
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
85
Globalement, les maraîchers représentés par les cas de Cyprien Siki Balembo, de Lukombo
Masakila et de Raphaël Mayasi présentent une évaluation négative du le microcrédit quand ils
y ont eu recours. Les valeurs sont inscrites dans la figure nº21 ci-dessous.
13%
87%
Satisfait
Non satisfait
Figure 21. Évaluation du système de microcrédit dans les SMC
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
Nous dégageons de cette figure que près de 87% des maraîchers déclarent ne pas être
satisfaits de la manière dont le système de microfinancement a fonctionné dans leurs
coopératives. Ils évoquent en ce qui les concerne : la rigidité des procédures d’octroi du crédit
formel, le caractère dérisoire du montant octroyé et la durée de remboursement jugée trop
courte. Certains maraîchers parlent même d’un phénomène d’exclusion dans l’étude des
dossiers de sollicitation. Ils mettent en exergue le facteur géographique comme facteur de
segmentation des marchés de crédit. C’est le cas du SMC de Mango qui se situe loin des
institutions de crédit et qui se voit le plus souvent exclu de cet avantage. Parmi les maraîchers
qui ne sont pas satisfaits par le système du microcrédit, l’effectif des hommes dépasse
largement celui des femmes. Cette situation s’explique par le fait que les hommes étant mariés
et chefs de famille n’arrivent pas à faire la part des choses entre les dépenses de l’exploitation
et celles du ménage. Ainsi, le crédit obtenu pour le maraîchage peut être employé pour les
dépenses du ménage. L’insatisfaction par rapport au système du microcrédit réoriente les
maraîchers vers l’épargne via les pratiques tontinières, l’opération «papa carte» ou les
coopératives d’épargne et de crédit (COOPEC). Ce dernier type d’épargne prédomine sur les
deux premiers à concurrence de 79% comme indiqué dans la figure nº22 ci- dessous.
10%
11%
79%
Tontine
Papa Carte
COOPEC
Figure 22. Autres moyens d'épargne des maraîchers hormis microcrédit
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
86
Cette expansion rapide et radicale des coopératives d’épargne et de crédit s’explique
notamment par les conditions d’octroi de microcrédit qui, généralement, exige du demandeur
qu’il possède d’abord un compte d’épargne avant de prétendre à un crédit. Une autre
explication est le fait que l’épargne dans les COOPEC est rémunérée contrairement à la
tontine et au système «papa carte». De plus, les COOPEC constituent une garantie pour la
sécurité de l’argent épargné par les maraîchers.
Faute de remboursement facile de microcrédit contracté, le récit de la maraîchère Lukombo
Masakila mérite une attention particulière. Cette exploitante ne se réfère guère au microcrédit.
Elle réfute les modalités de remboursement et déplore la minceur du montant accordé.
Elle déclare:
«Je préfère être à l’abri du système, car cela
évite de s’encombrer de dettes qui en réalité
ne servent à rien.»
Aussi poursuit- elle :
«Les recettes de mon petit commerce, de
l’élevage, parfois de l’artisanat de mon mari
ainsi que l’appui sporadique de ma famille
m’ont toujours aidé à lutter contre les
difficultés financières.»
À entendre ces déclarations, la maraîchère dispose d’autres sources que le maraîchage pour
accumuler les ressources financières. Il s’agit d’activités non agricoles dont l’artisanat et le
petit commerçant. À cette liste, il convient d’ajouter le transfert de l’argent reçu des autres
membres de la famille. C’est un facteur important du capital social qui se joint au capital
financier.
Le crédit informel est une pratique courante dans le milieu des maraîchers où il est connu sous
l’appellation «banque Lambert». Sa caractéristique essentielle réside dans l’endettement
auprès de la famille et des voisins. Les taux d’intérêt sont limités voire nuls, mais les
montants sont généralement faibles de même que la durée. Il peut aussi se pratiquer auprès
des fournisseurs. En agriculture, il est très fréquent de s’approvisionner à crédit en matières
premières ou en intrants, car le fournisseur est aussi celui qui rachète la production, à un coût
plus faible que celui du marché.
Contrairement au crédit formel, le crédit informel présente les avantages d’être plus répandu
et donc plus facilement disponible, d’accès très souple et disponible assez rapidement. Il
présente par contre de nombreux désavantages parmi lesquels nous citons le surendettement,
la décapitalisation et la servitude. Le surendettement se définit tout simplement comme
l’incapacité à rembourser sa dette. Deux facteurs principaux sont en cause : le taux d’intérêt très
important et cumulé ainsi que l’obligation de rembourser le capital en une fois. La
décapitalisation intervient lorsque le prêt n’est pas officiellement gagé, certains prêteurs
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
87
informels usent alors de leur pouvoir pour venir se servir dans les familles. Le risque de servitude
est défini comme l’obligation de gager sa force de travail en échange d’une avance, avec
obligation de travailler pour le créancier jusqu’à extinction de la dette. Le risque de servitude est
le plus prononcé lorsque le maraîcher reçoit de son client l’avance sur l’achat.
4.1.3. Travail à l’exploitant
Le travail à l’exploitant est un phénomène courant dans les SMC. Il consiste à transformer le
maraîcher en ouvrier agricole. Le but est certes d’accumuler les ressources financières afin
d’exécuter ses dépenses d’exploitation. Le récit frappant du maraîcher Jean Kusoluka du site
coopérativisé de Mango est un exemple plausible. Il relate sa stratégie qui consiste à se
transformer en ouvrier agricole auprès d’un autre maraîcher.
Dans son témoignage, il estime que:
«N’ayant pas de frères ou d’amis en Europe
pour bénéficier de transfert d’argent comme
mes Co-maraîchers, je résous mes difficultés
d’argent en me transformant en ouvrier
agricole de sorte qu’en travaillant chez les
autres, j’accumule de l’argent pour constituer
une ressource financière pour mes travaux
maraîchers.»
En allant travailler chez les autres maraîchers, il gagne de l’argent (salaire à la tâche) qui lui
permet d’exécuter les dépenses de sa propre exploitation. Il met en exergue ses réseaux
relationnels pour acquérir une ressource financière. C’est à ce niveau qu’intervient la
combinaison du capital social et du capital économique. Comme indiqué précédemment, nous
admettons que ces alternatives appartiennent à l’économie informelle ou encore à l’économie
populaire. Ces deux concepts sont utilisés pour désigner «l’expansion de nombreuses petites
activités productives et commerciales qui se développent selon une autre logique que celui du
monde capitaliste (microentreprise familiale, coopérative, artisanats organisés, etc.) même si
elles sont encerclées par ce dernier:» (Peemans, 1997, pp. 109; 117). L’auteur note que ces
deux modes remontent à une période antérieure à la colonisation. Ils se sont diversifiés
pendant une bonne partie de la période postcoloniale. Les ressources financières accumulées
par les maraîchers sont investies dans l’exploitation maraîchère. Les différents coûts
d’exploitation, qui interviennent dans la pratique maraîchère, font l’objet d’une analyse dans
la section suivante.
4.2. Analyse des coûts d’exploitation dans les SMC étudiés
Les coûts d’exploitation concernent principalement les dépenses relatives à la main-d'œuvre
et aux achats d’intrants (fertilisants, semences et matériel agricole. Il ressort des calculs
effectués sur base des informations reçues des maraîchers que les dépenses d’exploitation
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
88
d’une superficie de 400 m2 se chiffrent à 291,1$ US. Elles sont réparties en saison des pluies à
raison de 119,6$ US soit 41% et, en saison sèche à concurrence de 172,1$ US soit 59%.
4.3. Marge bénéficiaire d’une activité maraîchère dans un site coopérativisé
En théorie, déterminer les éléments qui interviennent dans le calcul de la marge bénéficiaire
d’une activité maraîchère est simple. Les coûts de production sont soustraits de la valeur
totale de la production (produit brut) pour obtenir le résultat ou encore les recettes
d’exploitation (revenu net) (Nguegang, 2008, p. 83).
4.3.1. Analyse des recettes d’exploitation dans les SMC étudiés
Dans un SMC, les recettes d’exploitation s’expriment en termes de quantités de légumes
vendus. Cette vente se fait en monnaie locale (franc congolais), mais indexée en dollar
américain. Réparties en saison de pluie et en saison sèche, les recettes d’exploitation dans un
site maraîcher sont fonction de trois variables. Il s’agit de la nature des légumes à cultiver, de
la fréquence de mise en culture et les prix de vente des légumes. En ce qui concerne la nature
des légumes cultivés, nous avons répertorié quelques espèces courantes dont l’amarante, la
ciboule, l’aubergine, le gombo etc. Chaque légume cultivé occupe un espace déterminé en
termes de plates-bandes de cultures. Cette occupation dépend du type de légume et elle est
influencée par la saison (tableau nº4).
Tableau 4. Nature des légumes cultivés, espaces occupés et nombre des plates-bandes
Saison de pluie Saison sèche Nature de légumes cultivés
Espaces occupés en %
Nombre des plates-bandes
Espaces occupés en %
Nombre des plates-bandes
Amarante 25 5 40 8
Ciboule 15 3 25 5
Aubergine 10 2 15 3
Gombo 10 2 10 2
Autres légumes 10 2 10 2
Total 70 14 100 20 Source: Auteur, sur base des données d’enquête
À partir du tableau ci-haut, nous tirons plusieurs constats. L’amarante occupe 25% du terrain
soit 5 plates-bandes en saison des pluies et 40% du sol (soit 8 plates-bandes) en saison sèche.
La ciboule couvre 15% du terrain cultivable (soit 3 plates-bandes) en saison pluvieuse et 25%
du sol (soit 5 plates-bandes) en saison sèche. L’aubergine est ensemencée sur 10% du terrain
(soit 2 plates-bandes) en saison des pluies et 15% du sol (soit 3 plates-bandes) en saison
sèche. Le gombo et les autres cultures couvrent chacune 10% de la terre (soit 2 plates-bandes)
pour chacune des saisons.
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
89
Dans l’ensemble, le maraîcher occupe 70% de son terrain pendant la saison des pluies et y
dresse 14 plates-bandes. Par contre, en saison sèche le maraîcher occupe l’entièreté de son
terrain avec un maximum de plates-bandes possible. La fréquence de mise en culture dépend
également de la saison (tableau nº5).
Tableau 5. Fréquence de mise en culture des spéculations légumières
Saisons climatiques Total année culturale Spéculations culturales
Saison de pluie Saison de sèche
Amarante 4 4 8
Ciboule 2 2 4
Aubergine 1 2 3
Gombo 1 2 3 Source: Auteur, sur base des données d’enquête
Il ressort du tableau ci-dessus que les répétitions culturales sont plus importantes en saison
sèche qu’en saison des pluies. Nous constatons que durant les 8 mois de saison pluvieuse,
l’amarante n’est ensemencée que 5 fois soit, une fréquence de mise en culture évaluée à 62%
alors que pendant la saison sèche le même légume est mis en culture 4 fois soit, une fréquence
de mise en culture évaluée à 100%.
Nous faisons la même observation en ce qui concerne la ciboule, l’aubergine et le gombo. Ces
légumes enregistrent pour chacun une moyenne similaire de 3 récoltes. Pendant la saison
pluvieuse, la fréquence de mise en culture est évaluée à 37% tandis que pendant la saison
sèche, la fréquence de mise en culture est évaluée à 75%. Partant de ces différentes fréquences
de mise en culture, nous concluons : il y a une meilleure performance culturale en saison
sèche qu’en saison pluvieuse.
Parlons à présent du prix de revient des légumes cultivés dans les SMC enquêtés. Les prix de
revient traduisent l’effet combiné des rendements et des charges ou coût de production
(Lebailly et al. 2000). Ils tiennent compte de la qualité des légumes, de la nature et du degré
du remplissage plate- bande. Les prix des légumes varient d’un maraîcher et d’un site à
l’autre. Nous présentons à titre indicatif et de manière générale, les prix des différents
légumes cultivés dans les SMC enquêtés (tableau nº6).
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
90
Tableau 6. Prix de revient des légumes par plate-bande de culture
Prix et recette par
spéculation ($US) en SP
Prix et recette par
spéculation ($US) en SS
Légumes cultivés
Prix de
revient
Prix de
vente totale
Légumes
cultivés
Prix de
revient
Prix de vente
totale
Amarante 10 50 Amarante 10 80
Ciboule 12 36 Ciboule 12 60
Aubergine 13 26 Aubergine 13 39
Gombo 11 22 Gombo 11 22
Autres légumes Autres légumes
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
La variation du prix des légumes cultivés joue un rôle primordial dans la détermination des
recettes d’exploitation. L’évaluation de ces recettes tient compte non seulement du prix, mais
aussi de la fréquence de mise en culture (tableau nº7).
Tableau 7. Recettes totales d’exploitation dans un site maraîcher
Recettes ($) par fréquence de mise en culture Légumes cultivés
Saison des pluies Saison sèche Totale année culturale
Amarante 250 320 570
Ciboule 108 180 288
Aubergine 78 117 195
Gombo 66 66 132
Total par saison 502 683 1185 Source: Auteur, sur base des données d’enquête
Globalement, notre étude montre qu’un maraîcher réalise un meilleur profit en saison sèche
(683$ US) qu’en saison des pluies (502$ US). La comparaison des recettes par saison révèle
que le maraîcher augmente sa production et par conséquent ses recettes. Elles représentent
58% en saison sèche et 42% en saison des pluies.
4.3.2. Évaluation de la marge bénéficiaire d’une activité maraîchère
Dans cette section, nous n’avons pas procédé à l’analyse du seuil de rentabilité. Par contre,
nous avons dégagé la marge bénéficiaire d’un maraîcher qui exploite une superficie moyenne
de 400 m2 et qui vend sa production en gros. Ce qui nous a permis de relever d’abord les
dépenses totales d’exploitation et de dégager ensuite les recettes totales d’exploitation. Les
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
91
dépenses d’exploitation sont à corréler avec le coût de la main-d'œuvre, des fertilisants, des
semences et du matériel agricole.
Les recettes d’exploitation tiennent compte de la nature des légumes cultivés, de la fréquence
de mise en culture et des prix de revient des légumes par unité de surface (plate-bande).
La différence entre les recettes et les dépenses d’exploitation-sans incorporation de
l’autoconsommation représente la marge bénéficiaire du maraîcher évaluée dans le tableau
nº8 ci-dessous.
Tableau 8. Évaluation de la marge bénéficiaire d’une activité maraîchère
Année culturale Rubriques comptables
Saison des pluies Saison sèche Total
Dépenses d’exploitation (en $US) 119,6 172,1 291,7
Recettes d’exploitation (en $US) 502 683 1185
Marge bénéficiaire (en $US) 382,4 510,9 893,3
Rentabilité financière (en %) 42,8 57,2 100
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
La ventilation des recettes et des dépenses confirme que la marge bénéficiaire du maraîcher
varie en fonction de la saison de culture. La marge bénéficiaire représente également la
rentabilité financière lorsqu’elle est exprimée en pourcentage. Elle est de l’ordre de 332,4$
US, soit une rentabilité évaluée à 42,8% en saison des pluies contre 510,9$ US soit 57,2% en
saison des pluies. Avec une pareille marge bénéficiaire, nous osons affirmer avec Kinkela et
al. (2001, pp. 225; 230) et Muzingu (2005, p. 52; 2007, p. 96) et cela sous réserve des calculs
de seuil de rentabilité- que le maraîchage permet non seulement l'émergence des nouvelles
solidarités, mais il constitue également une activité génératrice de revenus.
4.4. Conclusion
Nous venons de montrer que les maraîchers réduisent les contraintes économiques en
recourant indistinctement à l’épargne, au microcrédit, au transfert de fonds et «au travail à
l’exploitant». Toutes ces alternatives permettent aux maraîchers non seulement de constituer
leur capital financier, mais encore de satisfaire aux dépenses d’exploitation. La marge
bénéficiaire du maraîcher, bien que minime, lui offre un complément de revenu capable de
satisfaire aux besoins de sa famille.
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
92
CHAPITRE 5. CAPITAL CULTUREL CHEZ LES MARAÎCHERS
Parler de «capital culturel» chez les maraîchers, c’est évoquer les connaissances et les
compétences générées par les séances de formation permanente dans le cadre des sites
maraîchers. Dans ce chapitre, nous relevons es différents types de formation mise en œuvre
par les maraîchers afin d’acquérir des connaissances leur permettant de faire face réduire les
contraintes techniques rencontrées dans leur pratique. Il s’agit de répertorier et d’analyser les
indices des effets de la formation chez les maraîchers.
5.1. Capital culturel et sa proximité avec l’approche MED
Le thème de «capital culturel» est traité dans les théories de Bourdieu et dans l’approche des
moyens d’existence durables. En rapprochant les deux littératures en ce qui concerne le
capital culturel, nous constatons que toutes les deux désignent un ensemble de ressources, les
plus souvent attestées par la formation, le savoir ou encore la connaissance. Dans le cadre de
cette étude, le capital culturel chez les maraîchers concerne les connaissances et les
compétences acquises par la formation, et valorisées en vue d’une pratique maraîchère
efficace.
En confrontant la notion de capital culturel selon Bourdieu à l’approche des moyens
d’existence durables, nous constatons premièrement que cette dernière n’évoque pas le capital
culturel comme tel. Par contre, son contenu constitue trois types des capitaux dans l’approche
MED. C’est le cas du capital humain (qui se rapporte aux compétences, connaissances et
capacité à travailler) et du capital social (qui a trait aux liens relationnels entre acteurs).
Deuxièmement, nous montrons la particularité du capital culturel de Bourdieu et son
rapprochement avec le capital naturel (MED). Le point de convergence apparaît sur la notion
de la valorisation des acquis de la formation.
La formation dont il question dans la présente analyse, permet aux maraîchers d’accéder, à
partir de techniques culturales viables, à des ressources que nous rangeons dans le capital
naturel, le capital physique, le capital financier ainsi que le capital social selon l’approche
MED. Nous citerons respectivement le cas de la terre, de l’eau d’arrosage, de l’argent et des
ouvriers agricoles.
S’intéresser aux maraîchers des sites coopérativisés en fonction du capital culturel permet
d’identifier les composantes qui interviennent dans l’acquisition des compétences par la
formation. Ces compétences permettent aux maraîchers d’utiliser correctement les techniques
culturales capables, non seulement d’assurer avec succès la production des légumes, mais de
mobiliser les ressources financières à partir de la vente des légumes. Cette illustration permet
de montrer l’interaction qu’il y a entre le capital culturel (Bourdieu) et le capital financier
(MED).
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
93
5.2. Types de formation valorisée par les maraîchers
Selon Bourdieu (1979, p. 3-6), et dans le contexte de cette étude, le capital culturel se réfère à
ce sur quoi les maraîchers misent pour accumuler les compétences relatives à la pratique
maraîchère. Il s’agit essentiellement de la formation dont la nature dépend d’un maraîcher à
l’autre. Les extraits de trois entretiens que nous avons eus avec les maraîchers (Joacin Luzolo,
Jean Kusoluka et Cyprien Siki Balembo) dans leurs sites respectifs l’illustrent clairement.
Le premier témoignage est celui de Joacin Luzolo de la coopérative de N’djili :
«J’arrive souvent à obtenir les rendements
souhaités non sans effort, mais plutôt en me
conformant aux indications techniques de l’École
au champ et les échanges d’expériences entre
maraîchers.»
Le deuxième témoignage concerne le maraîcher Jean Kusoluka de la coopérative de Mango :
«Les échanges d’expériences entre maraîchers des
différentes coopératives m’a permis de maîtriser
certaines techniques culturales.»
Le troisième témoignage nous vient du maraîcher Cyprien Siki Balembo, de la coopérative de
Kimbanseke. Il singularise l’aspect formation organisé par la coopérative :
«La formation organisée au sein de la coopérative
constitue pour moi une base pour cette profession
de maraîcher.»
Ces trois déclarations convergent et mettent en exergue la formation. Elle peut être du type
classique et du type non classique. Cependant, pour assurer de manière permanente la
formation des maraîchers, les SMC ne se limitent pas au dispositif d’École au champ, mais ils
encouragent aussi les échanges d’expériences entre maraîchers d’une part et entre sites
maraîchers d’autre part. Cette formation permet aux maraîchers d’accumuler les
connaissances et les compétences.
5.2.1. Formation classique ou scolaire
Pour lutter contre certaines contraintes techniques qui handicapent la pratique maraîchère, les
maraîchers se réfèrent aux multiples acquis de la formation classique ou scolaire afin
d’accumuler les connaissances générales sur le jardinage. C’est le cas, par exemple, de
différents travaux exécutés à l’École primaire et secondaire (jardins scolaires) et des visites
guidées dans les potagers environnants.
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
94
5.2.2. Formation non classique ou parascolaire
La formation non classique ou parascolaire, signalée par les maraîchers interviewés, englobe
tous les mécanismes de connaissances en dehors de l’école. Il s’agit des connaissances
acquises, d’une part, par le biais de l’École au champ, et d’autre part, à travers l’expérience
professionnelle antérieure.
L’École au champ est un dispositif technique qui assure la formation et l’encadrement des
maraîchers. Ce procédé a été initié par les organisations internationales, notamment la FAO,
le PNUD et les ONG. En tant qu’outil, les coopératives y recourent afin de renforcer la
capacité des maraîchers vis-à-vis des contraintes qui pèsent sur la production et la
commercialisation des légumes. L’École au champ permet aux acteurs de mesurer la somme
de connaissances qui se sont accumulées durant des générations (Dupriez, 1999, p. 172). Du
point de vue conceptuel, l’École au champ (EC) se différencie du Champ-École Paysan
(CEP). Le premier système (École au champ) consiste en une série des rencontres à travers
lesquelles les notions techniques et pratiques sont transmises aux maraîchers. Le second
système (Champ-École Paysan) est un dispositif didactique, une véritable école paysanne où
les producteurs, les chercheurs et les vulgarisateurs se mobilisent dans un espace pour
analyser ensemble des situations qui affectent quotidiennement leur terroir. Les producteurs
sont soucieux de savoir ce qui se passe sur leurs terres et de comprendre tous les phénomènes
qui régissent leurs cultures. C’est dans cet espace, qui constitue le véritable «livre» pour les
producteurs, que toutes les situations sont débattues, analysées et adoptées avec les divers
intervenants. L’apprentissage est basé sur les recherches, à partir de leurs propres expériences,
donc rien d’un savoir théorique, mais une construction du savoir fondée sur des situations
problèmes.
En ce qui concerne les expériences professionnelles antérieures, les maraîchers reconnaissent
les efforts fournis par des structures d’encadrement notamment la coopération française et les
interventions ponctuelles et diversifiées des structures locales. La coopération française a
assuré le renforcement du processus de coopérativisation des sites maraîchers. Tandis que les
structures locales (SOLAGRI, RAUKIN, FOLECO, SENAHUP) ont joué un rôle majeur dans
le renforcement de la formation sur le tas à travers des séances utiles sur les pratiques
culturales et autres techniques. Nos enquêtes indiquent que ces structures d’encadrement ont
travaillé de manière ponctuelle dans le site de Kimbanseke et de N’djili.
5.2.3. Combinaison formation non scolaire et formation scolaire
Les maraîchers combinent également les deux modes de formation précédemment décrits.
Nous distinguons parmi ces maraîchers, ceux qui ont fréquenté l’école (formation scolaire) et
ceux qui apprennent sur le tas (formation non scolaire).
L’analyse de ces composantes qui précèdent montre que la formation non classique a
bénéficié la préférence des maraîchers. Ceux-ci considèrent la formation non classique
comme étant celle qui permet d’une part, l’acquisition des connaissances propres à la pratique
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
95
maraîchère, et d’autre part, celle qui permet le développement des compétences capables de
pérenniser et de rendre efficace la pratique maraîchère.
5.3. Indice des effets de la formation chez les maraîchers
Nous évaluons l’impact de la formation acquise par les maraîchers à partir de quelques
indices dont l’utilisation rationnelle de la terre, la diversification des légumes cultivés, la
sécurisation foncière, la disponibilité des ressources hydriques, l’auto approvisionnement en
intrants, l’encadrement technique et les tactiques de commercialisation.
5.3.1. Utilisation rationnelle de la terre dans les SMC étudiés
La terre constitue la ressource indispensable puisqu’elle détermine l’établissement des
cultures maraîchères. Elle est considérée comme un capital naturel (MED). Son utilisation
rationnelle par les maraîchers revêt une importance fondamentale si l’on veut aboutir à des
résultats culturaux significatifs.
Pour juger de l’utilisation rationnelle de la terre chez les maraîchers, nous avons évalué les
superficies brutes disponibles dans chaque site, la superficie moyenne exploitée par chaque
maraîcher et la superficie totale exploitée par les SMC (tableau nº9).
Tableau 9. Surfaces allouées à la production maraîchère dans les SMC étudiés
Sites maraîchers coopérativisés Superficies disponibles
Kimbanseke N’djili Mango
Moyenne
Superficie brute disponible du SMC (ha) 140 75 150 122
Superficie moyenne exploitée par maraîcher (m2) 400 300 500 400
Superficie totale exploitée par le SMC (ha) 83, 280 62, 430 85,450 78, 200
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
Concernant les superficies brutes disponibles, nos enquêtes indiquent une moyenne de 122 ha
pour les SMC étudiés. De cette évaluation, nous dégageons une disponibilité terrienne plus
élevée dans le site de Mango (150 ha) par rapport à celle du site de Kimbanseke (140 ha) et du
site N’djili (75 ha). La différence constatée par rapport à l’espace disponible trouve son
explication dans les lotissements inégaux pratiqués au lendemain de la colonisation.
Ces lotissements ont tenu compte de la possibilité offerte par les services administratifs
décentralisés (quartiers et communes) où ces sites maraîchers se situent.
Quant à la superficie moyenne exploitée par le maraîcher, nous constatons qu’elle varie en
fonction du maraîcher ou encore d’un site maraîcher à l’autre. Cependant, la moyenne relevée
dans les trois sites maraîchers enquêtés s’élève à 400 m2.
Les superficies totales réellement exploitées par les SMC étudiés font état de 83, 280 ha pour
le site de Kimbanseke, 62, 430 ha pour celui de N’djili et, enfin, de 85, 450 ha pour le site de
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
96
Mango. Au-delà de ces différences entre les SMC étudiés, nous retenons pour l’ensemble la
moyenne de 78, 200 ha.
Le rapport entre la superficie moyenne brute disponible dans les SMC (soit 122 ha) et la
superficie réellement exploitée (soit 78,22 ha) est de 64%. Le reste de l’espace (soit 36%)
demeure encore inexploité. Les maraîchers utilisent de manière raisonnable les portions de
terre à leur disposition afin d’y ériger les plates-bandes de culture.
Une plate-bande ou planche est une partie du champ, ou du jardin, sur laquelle les légumes
sont cultivés de manière intensive. Les dimensions d’une plate-bande varient d’un SMC à
l’autre et particulièrement d’un maraîcher à l’autre. Généralement, elles atteignent 10 x 2 m
soit 20 m2. Les allées de séparation entre les plates-bandes sont de 30 à 50 cm. La terre
ramenée des allées permet de surélever les plates-bandes de 20 à 25 cm de hauteur.
Cette portion de terre, non encore labourée, est considérée comme capital naturel dans
l’approche MED. Elle devient capital physique dès que le maraîcher y intervient par le labour,
le semis et les autres opérations culturales. Cette synergie entre le capital humain et le capital
naturel permet d’accéder au capital physique.
De ce qui précède, nous signalons que l’aménagement des plates-bandes de culture, leur
nombre ainsi que les superficies allouées aux légumes cultivés varient en fonction des saisons.
Les données y relatives sont présentées dans le tableau nº10 ci-dessous.
Tableau 10. Nombre des plates-bandes et superficies allouées aux légumes cultivés
Nombre de plates-bandes de 20 m2 Légumes
cultivés
S. des pluies S. sèche
Total
plates-
bandes
Moyenne
par saison
Superficies (m2)
ensemencées par type
de légume
Amarante 5 8 13 7 140
Ciboule 3 5 8 4 80
Aubergine 2 3 5 3 60
Gombo 2 2 4 2 40
Autres 2 2 4 2 40
Total 360
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
De ce qui précède, nous sommes en mesure d’évaluer l’indice d’utilisation rationnelle de la
terre (tableau nº11). C’est le quotient de la superficie moyenne (m2) exploitée par maraîcher
sur la superficie (m2) utilisée pour chaque légume cultivé (Diepart et al; 2005, pp. 88-89).
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
97
Tableau 11. Indice d’utilisation de la terre dans les SMC étudiés
Principaux légumes cultivés dans les SMC étudiés
Amarante Ciboule Aubergine Gombo Autres
Superficie moyenne exploitée par
maraîcher (m2)
400
Superficie utilisée pour chaque légume
cultivé (m2)
140 80 60 40 40
Indice d’utilisation de la terre 2,8 5 6,6 10 10
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
La littérature indique qu’un bon indice d’utilisation de la terre est supérieur à 1. Cet indice
permet de mesurer l’intensité avec laquelle un maraîcher valorise l’espace terrien qu’il
possède. Ainsi, pour chaque légume cultivé dans les SMC étudiés, les données inscrites dans
le tableau ci-dessus attestent la rationalité avec laquelle la terre est utilisée.
Il en ressort que tous les indices d’utilisation de la terre sont supérieurs à 1. C’est le cas de
l’indice amarante=2,8; indice ciboule=5; indice aubergine=6,6; indice gombo=10 et l’indice
prévu pour les autres légumes atteints 10 également.
Il ne suffit pas d’aménager les plates-bandes de cultures, ni encore de répartir les légumes sur
les différentes plates-bandes, car la diversification effective des légumes cultivés est d’une
importance capitale. Ce paramètre est vérifié en utilisant l’indice de diversification des
légumes cultivés.
5.3.2. Diversification des légumes cultivés dans les SMC étudiés
Dans un sol réservé à la production, la diversification des cultures légumières permet au
maraîcher de produire et de vendre une diversité des légumes afin de maximiser les bénéfices.
Le niveau de diversification des légumes cultivés est évalué par un indice de diversification
appelé «indice de Simpson» (Diepart et al. 2005, p. 90). Son mode de construction est donné
par la formule suivante : )(1 ∑−N
ni 2 où ni est la superficie cultivée de la culture i et N
est la superficie totale. Les valeurs de l’indice sont comprises entre 0 et 1. L’auteur note qu’en
cas d’augmentation du nombre de cultures l’indice tend vers 1. Au cas contraire, la faible
diversification des légumes cultivés se traduit par l’indice proche de 0.
En se référant au tableau nº12 ci-dessous et en appliquant la formule énoncée plus haut, les
calculs de l’indice de diversification culturale tiennent compte des paramètres ci-après:
superficies totales exploitées et superficies utilisées pour chaque spéculation légumière.
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
98
Tableau 12. Indice de diversification culturale dans les SMC étudiés
Principaux légumes cultivés dans les SMC étudiés
Amarante Ciboule Aubergine Gombo Autres
Total
Superficie utilisée pour
chaque légume cultivé (m2)
140 80 60 40 40 360
Superficie moyenne exploitée (ha) par un maraîcher dans le SMC 0,4
Indice de diversification culturale dans un SMC étudié 0,9
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
Il ressort des calculs effectués à partir du tableau ci-dessus que l’indice de diversification des
légumes cultivés dans un SMC est de 0,9 soit un indice qui tend vers 1. Ce qui signifie et
justifie le bon sens de l’organisation des maraîchers à travers une diversification satisfaisante
des légumes cultivés sur leurs sites.
5.3.3. Rendement des principaux légumes cultivés
Le rendement d’une plate-bande de légumes est le rapport entre la quantité produite sur cette
planche et la superficie utilisée. Il consiste à mesurer l’efficacité de la production. Il s’agit
d’un indicateur composite qui intègre de nombreux paramètres. On représente habituellement
le rendement (Y) comme la fonction: Y= f (A, W, K, T) où (A) représente la terre (W) le
travail (K) le capital et (T) la technique de production (Kinkela, 2001, p. 233).
Parmi les quatre spéculations légumières abordées, l’aubergine produit 55 kg/20 m2, on retient
34 kg/20 m2 pour l’amarante, la ciboule a un rendement de 28 kg/20 m2 et le gombo de 13
kg/20 m2. Ces données varient en fonction des différentes spéculations légumières et diffèrent
d’un site à l’autre. Les rendements de ces cultures sont repris dans le tableau nº13 ci-dessous.
Tableau 13. Rendements des principaux légumes cultivés dans les SMC
Sites maraîchers coopérativisés
Kimbanseke N’djili Mango
Type des légumes
cultivés dans les
SMC étudiés Rendements en kg/plate-bande de 20 m2
Rendement moyen par
plate-bande de 20 m2
Amarante
Ciboule
Aubergine
Gombo
40
30
60
12
32
28
55
14
30
28
50
14
34
28
55
13
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
Les rendements relevés ci-dessus varient sensiblement en fonction du niveau de technicité du
maraîcher et de la capacité de celui-ci à s’approvisionner en différents intrants.
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
99
5.3.4. Dispositions foncières dans les SMC étudiés
Avant d’envisager une production légumière, tout maraîcher se doit de posséder un lopin de
terre. La terre est considérée par l’approche MED comme capital naturel alors que dans les
théories des capitaux développées par Bourdieu, il s’agit d’un acquis du capital culturel que
les maraîchers cherchent à contrôler.
Les récits des maraîchers nous ont permis de comprendre les dispositions foncières qui
régissent les espaces cultivables. Nous reprenons à titre illustratif les paroles des maraîchers
Bernadette Nzuzi Babela, Emmanuel Kinzambi, Dominique Bakununu et Dénise Nsilulu.
Bernadette Nzuzi Babela raconte:
«Quand je me suis retrouvée dans le besoin
d’avoir un lopin de terre pour pratiquer les
activités maraîchères, j’ai demandé à un
maraîcher et celui-ci m’a dit: «on vend
effectivement ce champ, mais il est très demandé.
Tu ferais mieux d’attendre le propriétaire. Je l’ai
attendu, puis je lui ai exprimé mon intention
d’acheter le jardin et il a accepté. Je suis allée
chercher mon mari pour qu’il vienne aussi le
rencontrer parce que je ne veux pas donner
l’argent comme ça. Nous avons négocié ensemble
l’achat avec le propriétaire. Voilà comment j’ai eu
ce jardin.»
Le maraîcher Emmanuel Kinzambi indique:
«Nous avons commencé à travailler ici à titre
informel. Sans un accord de quelqu’un. Le
propriétaire est un Mu humbu (le humbu et le
Teké sont donc les premiers habitants de Kinshasa
depuis sa constitution en ville) est venu me dire
qu’il fallait acheter parce que ces terres
appartiennent aux Bahumbu. Nous avons
rencontré le chef Makela et le marché était conclu.
Les démarches ont été ensuite entreprises auprès
de l’État (commune et service des affaires
foncières et cadastre pour faire les papiers.»
Et enfin, Dominique Bakununu signale :
«Nous étions d’abord locataires. À ce moment- là,
nous louions avec seulement de l’argent que nous
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
100
tirions de la vente de la récolte. Notre loyer était
mensuel. Un jour, le propriétaire du jardin a vu
que la production était bonne, il nous a renvoyés
en disant : «Vous devez quitter ce champ, parce
que j’ai quelqu’un qui va y travailler pour moi».
Nous étions locataires et le propriétaire était
d’origine Manianga.»
Nous dégageons des récits susmentionnés que les parcelles de culture occupées par les
maraîchers sont enregistrées différemment. Nous avons distingué quatre statuts fonciers des
parcelles exploitées par les maraîchers dans les sites de Kinshasa. Comme l’indique la figure
nº23 ci-dessous, nous avons noté que 39% des maraîchers enquêtés occupent les espaces régis
par le droit coutumier, 33% d’entre eux occupent des réserves administratives, les terrains
privés sont occupés par 21% des maraîchers tandis que ceux qui s’installent spontanément
représentent 7%.
33%
39%
7%
21%
Réserves administratives
Droit coutumier
Occupations spontanées
Terrains privés
Figure 23. Statuts fonciers des parcelles exploitées par les maraîchers
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
Quant aux modes d’accès aux parcelles maraîchères, nous retenons que la terre dans les SMC
est possédée de trois manières différentes : les maraîchers qui cultivent la terre dont ils sont
propriétaires, ceux qui la bénéficient sous forme d'un simple prêt et ceux qui l’exploitent en
location.
Il faut signaler que la quasi-totalité des maraîchers soit 83% est propriétaire des espaces qu’ils
cultivent. Ils bénéficient d’une garantie d'usufruit auprès de l’État. Mais il faut signaler, en
nous reportant à Paquet (2002, p. 51), que l'indivisibilité et l'inaltérabilité des espaces occupés
en tant que propriétaires constituent les caractères généraux de cette possession et limite la
notion de propriété. Par contre, les autres se disent propriétaires par voie coutumière, sans
document officiel ni garanti d'usufruit. Pour anticiper cette irrégularité, les comités de gestion
des coopératives entreprennent des démarches, via UCOOPMAKIN, auprès des services
officiels afin de faciliter l’obtention des documents requis.
L'exploitation des espaces basée sur le principe de la location assortie d'une redevance est très
peu répandue (soit 12%) dans l’ensemble des SMC étudiés. L'exploitant apporte le capital et
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
101
le travail, mais bénéficie intégralement du produit de l'exploitation. La redevance foncière à
titre de loyer est déterminée à l'avance d'un commun accord entre le « propriétaire » et le
locataire. Elle varie selon la valeur foncière, l’attrait et la taille de la parcelle. Nous dégageons
également que le taux de l’occupation en location varie selon le site maraîcher. Nous avons
enregistré 19% dans le site de Mango, 10% dans le site de N’djili, et 7% dans le site de
Kimbanseke. Cette difficulté touche désormais autant les autochtones sans terre que les
allogènes. De façon générale, deux conditions sont présentées aux acteurs :
- la location par le versement direct d’une somme d’argent après entente entre le
producteur et le propriétaire. Le versement de cette somme peut se faire avant ou
après l’exploitation effective de la parcelle. Dans ce cas, le producteur fait usage de
la parcelle jusqu’au terme du contrat ;
- l’exploitation de la parcelle par le producteur sans versement des frais de location.
Dans ce deuxième cas, la compensation se fait par abandon de la parcelle par
l’exploitant juste après la récolte complète, cela permet au propriétaire de profiter
des effets résiduels des engrais dans le sol pour la culture du maïs qui donne en ce
moment de hauts rendements.
Il existe un autre mode de faire-valoir qui est intermédiaire entre les deux premiers. Il s’agit
du propriétaire-locataire. Celui-ci concerne les exploitants qui, du fait de la petitesse de leur
propre parcelle, en loueront d’autres afin d’agrandir leur espace de culture et augmenter la
production. Ce mode de faire-valoir, bien que non évalué, est rencontré dans les SMC
enquêtés.
Le prêt de terre constitue, après la location, le troisième mode d’accès à l‘espace cultivé. Ce
mode est utilisé à concurrence de 5% dans l’ensemble des sites maraîchers enquêtés. Dans ce
cas également, le «propriétaire légal» n'est pas l'exploitant de la parcelle.
Mais, à la différence de la location, le propriétaire n'est nullement intéressé dans le produit de
l'exploitation dans la mesure où il ne reçoit aucune redevance à titre de loyer. Cependant, il
peut recevoir à titre de reconnaissance des intérêts en nature, comme cadeaux (produit récolté,
etc.). Pour ce mode d’accès, les proportions s’avèrent faibles dans les trois sites maraîchers
enquêtés. Nous avons noté 3% dans le site de Kimbanseke, 5% dans celui de N’djili et enfin
7% dans le site de Mango. Les lopins de terre sont ainsi concédés sur la base des relations
sociales et d’alliances diverses. Il s’agit de la combinaison du capital culturel et du capital
social. Les trois modes d’accès à l’espace cultivé sont évalués dans la figure nº24 ci-dessous.
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
102
83%
5%12%
Propriété
Emprunt
Location
Figure 24. Modes d’accès à l’espace cultivé dans les sites enquêtés Source: Auteur, sur base des données d’enquête
Peu importent les statuts fonciers des terrains exploités par les maraîchers, l’essentiel est de
les valoriser par un titre de propriété légal du ministère de tutelle. Globalement, le titre de
propriété légal revêt un avantage indispensable. Il permet de travailler sans tracasseries
policières. Lorsque ce titre de propriété n’est pas légal, plusieurs tentatives sont possibles.
Cependant, les maraîchers relèvent un inconvénient très souvent constaté lors de décès du
propriétaire informel. La conjointe et les enfants du maraîcher sont confrontés à la famille du
défunt qui réclame le droit de propriété de leurs frères, parents ou cousins.
Pour contourner ce conflit de succession au droit de propriété, nos interviewés estiment que
l’héritage aux enfants est une voie de sortie. Cette solution exige une légalité. Ils estiment
qu’en faisant de leurs enfants les détenteurs légaux du titre foncier, les maraîchers ne
transforment pas leur situation, car ces enfants héritiers ne deviennent pas propriétaire à titre
individuel.
Pour les maraîchers (surtout les femmes), le fait d’avoir écarté la belle-famille au profit de
leurs enfants est vécu comme une amélioration de leur propre condition. En agissant ainsi, les
maraîchères se mettent à l’abri des réclamations de la belle-famille et garantissent la poursuite
de leurs activités. Nous dégageons de ce qui précède, que la donation aux enfants assure la
poursuite des activités même après le décès des deux conjoints.
5.3.5. Ressources hydriques dans les SMC étudiés
L’eau (capital naturel MED) est une ressource indispensable pour la pratique maraîchère,
alors que les techniques utilisées pour la rendre disponible renvoient aux acquis de la
formation (capital culturel de Bourdieu). L’absence ou l’insuffisance de cette ressource
hydrique dans un site maraîcher amène les exploitants à recourir à la technique d’irrigation.
Selon les normes d’irrigation étudiées par la FAO (1988), les légumes nécessitent une
quantité assez importante d’eau au cours de leur développement. Cette quantité est évaluée
entre 300 et 500 litres d’eau par kilogramme de matière produite. Un déficit hydrique même
relativement faible au cours de la culture se traduit automatiquement par une chute de
rendement.
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
103
Afin de rendre disponible l’eau destinée à l’arrosage des cultures, les maraîchers ont
développé des systèmes variés. Les uns aménagent, eu égard à la proximité de la nappe
phréatique, des puits et des bassins de retenue d’eau dans leur bloc respectif. Les puits sont
généralement peu profonds et construits à l’aide de vieux pneus et de fûts coupés. Les autres,
par contre, ont aménagé les bassins de retenue d’eau (photo nº7). Ceux-ci sont le plus souvent
aménagés à des profondeurs réduites afin de limiter les risques de noyade des enfants. L’eau
est remontée de ces dispositifs à l’aide des seaux ou bidons adaptés.
Photo 7. Aménagement d’un bassin de retenue d’eau dans un SMC
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
Ces bassins de retenue d’eau sont généralement aménagés dans tous les blocs de culture des
sites maraîchers. Le nombre de ces points d’eau varie avec la taille du bloc et des effectifs des
maraîchers qui y travaillent. Il s’est vérifié que tous les maraîchers n’ont pas toujours accès à
ces dispositifs. Ceux dont les plates-bandes de cultures sont situées à côté d’une rivière
utilisent l’eau de celle-ci (photo nº8) malgré le caractère épuisant du travail.
Photo 8. Plates-bandes de cultures situées à côté d’une rivière
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
D’autres encore aménagent pendant la saison sèche des canaux d’irrigation (photo nº9) afin
d’amener l’eau de la rivière vers les plates-bandes de cultures. La même technique est utilisée
pendant la saison des pluies afin d’évacuer les surplus d’eau des plates-bandes inondées.
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
104
Photo 9. Canaux d’irrigation des plates-bandes de cultures
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
Les avantages des canaux d’irrigation sont liés à la saison. En saison pluvieuse, les canaux
d’irrigation permettent de drainer ou d’évacuer les eaux supplémentaires (inondation ou
submersion des plates-bandes). Tandis qu’en saison sèche, ces aménagements permettent de
conduire l’eau vers les plates-bandes. Ces travaux se joignent aux autres aménagements tels
que les points de retenue d’eau. Les travaux de Platteau (1990) et Stern (1992, p. 56) sur cette
problématique encouragent particulièrement ces genres d’aménagements.
5.3.6. Recours aux fertilisants organiques dans les SMC étudiés
Les maraîchers recourent à une diversité de fertilisants organique pour pallier à la rareté et le
coût élevé des engrais conventionnels. Concernant cette alternative, trois témoignages de
maraîchers ont retenu notre attention. Le premier insiste sur les engrais verts:
«Les engrais dont l’urée et le DAP sont difficiles
à trouver. Mais quand on les rencontre dans les
différents petits marchés, leurs prix sont excessifs.
Personnellement, j’utilise les engrais verts
(feuilles vertes, drêches de brasserie, fientes des
poules et autres.»
Le deuxième évoque les ordures ménagères:
«Moi, j’utilise les ordures ramassées dans le
quartier. Mais très souvent, les pousses pousseurs
passent dans les jardins pour nous les vendre. Eux
les ramassent partout dans la cité.»
Le troisième parle des déchets de porcherie:
«Ah! Comme tu le constates, Monsieur l’Étudiant,
j’associe mon jardin à ma petite porcherie. Les
déchets qui proviennent de celle-ci m’aident à
fertiliser mes plates-bandes de légumes.»
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
105
À travers ces témoignages, les différents fertilisants organiques indiqués par les maraîchers
sont considérés par l’approche MED comme capital physique. Parmi eux, nous distinguons :
- Le lisier de porc, provenant des porcheries environnantes et des unités d’élevage
individuel. Cette fumure est fort prisée par les producteurs, mais n’est pas en
suffisance pour tous puisque l’intégration agriculture/élevage n’est pas encore bien
développée dans le milieu.
- Les fumures de poules, appelées fientes par les maraîchers, proviennent des
établissements avicoles installés dans la périphérie de la ville et des petites fermes
locales.
- Les débris végétaux compostés, tels que les mauvaises herbes enlevées lors du
défrichage ou du désherbage et les résidus d’anciennes cultures, sont aussi utilisés en
maraîchage. Il en est de même pour les déchets ménagers.
La première technique mérite d’être encouragée puisqu’en retournant à la terre ce qu’on lui a
prélevé, on consomme ainsi ses propres déchets. Quant à la deuxième technique, il faut noter
que ces déchets, considérés comme nuisibles, étaient jadis mis en tas et brûlés, ils sont
actuellement valorisés en une matière organique utile permettant l’accroissement de la
production maraîchère.
- Le paillage ou mulching est pratiqué par les maraîchers lors d’un désherbage précoce
par binage et enfouissement de la jeune mauvaise herbe dans le sol. On dépose ensuite
une mince couche de terre pour assurer une bonne décomposition. Le paillage effectué
par les maraîchers empêche non seulement les échanges air-terre, mais procure aussi
de l’humus et repousse certains insectes hors de la planche.
Cependant, en dehors de ces techniques simples, certains maraîchers recourent parfois aux
engrais minéraux. Les plus couramment utilisés sont l’engrais complet NPK, l’urée, le sulfate
de potasse et les phosphates. Le prix de gros des engrais est fixé généralement par sac de 50
kg. Les maraîchers utilisent ces engrais en deux temps: au moment du labour, par
enfouissement au sol, et lorsque les plantes ont atteint une certaine taille, par enfouissement
entre les lignes de plantes à l’aide de binettes. Les engrais minéraux sont plus pratiques à
épandre en petites quantités, soit sous forme de granulés, soit sous forme dissoute dans l’eau
d’arrosage.
5.3.7. Autoproduction des semences dans les SMC étudiés
La technique d’autoproduction des semences est courante chez les maraîchers des sites
étudiés. La particularité de la technique consiste à laisser monter quelques pieds vigoureux et
productifs avec inflorescence en bord de parcelle de culture (photo nº10).
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
106
Photo 10. Autoproduction des semences de l’amarante dans un SMC
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
Ces inflorescences sont coupées et exposées au soleil pour le séchage. Les semences séchées
sont enfin triées et conservées pour être utilisées ultérieurement.
5.3.8. Tactiques de commercialisation dans les SMC étudiés
Une tactique est un ensemble de moyens dont on use pour parvenir à un résultat, pour
atteindre un objectif. Face aux contraintes de commercialisation, les maraîchers ont développé
plusieurs alternatives pour la vente des légumes. Le témoignage du maraîcher Albert
Bakumbuku nous éclaire sur les dispositions des maraîchers.
«Je préfère vendre mes légumes sur place au
jardin et cela aux acheteurs et revendeurs de type
grossiste. Ces derniers m’ont souvent payé au
comptant en fonction des plates-bandes achetées.»
Ce témoignage insiste non seulement sur le lieu et les modalités de vente, mais aussi sur le
conditionnement et les types de vente des légumes.
Au sujet des lieux de vente, nous en retiendrons trois : la vente sur place ou la vente «bord
champ» ou encore achat sur pied ; la vente sur les marchés de la ville et la combinaison de
deux (figure nº25).
76%
16%
8%
Sur place au jardin
Au marché
Jardin et Marché
Figure 25. Lieux de vente des légumes produits dans les SMC
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
107
Des trois points de vente susmentionnés, nous avons noté la prédominance (soit 78%) de la
vente réalisée sur place au jardin, et ce, quel que soit le type de légume : l’acheteur
sélectionne les plates-bandes des légumes choisis. Il assure seul la récolte après en avoir
négocié le prix avec le producteur ou la productrice. Les raisons qu’avancent les maraîchers
en faveur du choix de la vente au jardin sont nombreuses. Nous en avons répertorié quelques-
unes. C’est le cas, entre autres, de l’éloignement des marchés, de l’inaccessibilité des sites et
de la crainte de devoir se substituer au vendeur dans un marché plein de tracasseries
administratives, on retient aussi les excès de taxes, les difficultés de conserver les invendus et
enfin le temps nécessaire pour écouler la totalité de la marchandise. Le choix porté sur la
vente sur place au jardin permet non seulement aux maraîchers d’éviter les pertes immédiates
de temps liées à la vente directe sur le marché, mais aussi celles liées à la récolte.
La vente effectuée sur les marchés de la ville est effectuée par certains producteurs (16% des
maraîchers interviewés) ou par les épouses et/ou filles des maraîchers. Les produits sont
généralement de petite quantité susceptible d’être vendue avant la fin de la journée. Ils
concernent les légumes africains. Le petit nombre des maraîchers qui vendent leurs légumes
sur les marchés s’appuie sur la maximisation des recettes. À titre de rappel, il faut noter qu’à
l’époque où le CECOMAF disposait encore de moyens suffisants il organisait le transport des
maraîchers et de leurs marchandises vers les marchés de la capitale. La réussite de l’approche
du CECOMAF a donné satisfaction aux maraîchers pour trois raisons distinctes : le contact
fréquent avec les consommateurs a permis de se rendre compte des exigences de ceux-ci, tout
en étant informé des prix pratiqués et des quantités disponibles; le bénéfice du maraîcher plus
important grâce à la marge bénéficiaire qu’il encaisse en lieu et place des intermédiaires et des
commerçants ainsi que la réduction des pertes entre le champ et le marché. Il faut savoir,
cependant, que le transport qui fut organisé par le CECOMAF ne desservait que les sites
maraîchers disposant de voies d’accès en bon état. Actuellement, l’UCOOPMAKIN, qui
pourrait largement jouer le rôle du CECOMAF en ce domaine, ne dispose d'aucuns charroi
automobile prêt à rouler.
La combinaison des deux points de vente apparaît moins exploitée par les maraîchers. Elle est
évaluée à concurrence de 8% des maraîchers interviewés. D’après leurs dires, ils expliquent
qu’ils sont, les plus souvent, exposés aux sérieux problèmes des invendus et de perte de temps
par rapport à l’ampleur des travaux à exécuter au champ. S’occuper à la fois de la production
et de la vente devient une tâche non encore maîtrisée par les maraîchers. Cette difficulté
résulte de la faible organisation du circuit de commercialisation au sein de la structure
coopérative.
Concernant les types de conditionnement des légumes destinés à la commercialisation, nous
avons relevé trois types. Il s’agit de la vente en botte, la vente à la plate-bande et la vente
combinée botte et plate-bande. Ces trois types de conditionnement des légumes destinés à la
vente sont admis en différentes proportions (figure nº26).
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
108
23%14%
63%
Botte
Plate- bande
Botte et PB
Figure 26. Type de conditionnement des légumes vendus dans les SMC Auteur, sur base des données d’enquête
La vente des légumes en botte est évaluée à 14% chez les maraîchers. Ce type de
conditionnement n’intervient généralement que lorsque les grossistes deviennent rares. Il est
particulièrement utilisé pour les légumes feuilles (cas de l’amarante), mais il faut signaler
qu’il n’est pas d’usage pour les légumes fruits (aubergine et gombo). Pour ces derniers, c’est
la vente en panier qui prédomine à cause du caractère échelonné de la récolte.
La vente à la plate-bande consiste à livrer à l’acheteur l’entièreté de la plate-bande afin qu’il
puisse en retirer le contenu. L’acheteur se charge donc de la récolte des légumes. Ce type de
vente ne nécessite pas vraiment la présence du maraîcher, car les négociations ont lieu à
l’avance. Il constitue le type de conditionnement le plus exploité (63%) par les maraîchers au
moment de la vente des légumes.
Concernant le conditionnement combiné (botte et plate-bande), il est utilisé par les maraîchers
à concurrence de 23%.
À propos des modalités de vente des légumes dans les SMC, les paroles de la maraîchère
Angélique Bavukila vont à nouveau nous inspirer. Dans son témoignage, elle révèle comment
elle s’y prend sur le terrain pour vendre ses légumes.
«Avant, les acheteurs récoltaient seuls les légumes
et allaient les vendre. Après avoir vendu, elles
venaient nous payer. Parfois, elles payaient avant
d’aller vendre. Mais, mon fils, ce travail est
rempli de surprises. Une acheteuse peut arriver:
«oh, aujourd’hui, je n’ai rien!» Par pitié, on la
laisse partir avec les légumes dans l’espoir qu’elle
reviendra payer comme d’habitude. Mais, quand
certaines ont fini de vendre, elles disparaissent
simplement! Une acheteuse peut te dire : «Je
vends à tel marché». Tu vas là-bas et tu ne la
trouves pas! Mais c’est à cause de ces abus que
nous avons acheté une table au marché de Zikida
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
109
pour pouvoir vendre aussi nous- mêmes. Nos
filles vont vendre au petit marché.»
À l’opposé de celle-ci, la maraîchère Denise Nsikulu relativise:
«Certaines acheteuse nous fuient et ne reviennent
plus nous payer. Comme il existe plusieurs sites
maraîchers à Kinshasa, où iras-tu les retrouver?
C’est leur péché. Disons que c’est une faible
proportion qui se comporte de cette façon.
Souvent, elles reviennent avec l’argent, mais le
paiement n’est pas régulier. Ce qui nous fait du
tort.»
De ces deux précédents récits, nous dégageons trois modes de vente. Il s’agit de la vente au
comptant, la vente à crédit, la combinaison de la vente au comptant et à crédit. Parmi ces
modalités, celle qui se fait au comptant est pratiquée par 51% par les maraîchers
contrairement à celle qui se fait à crédit (26%) et à la combinaison de la vente au comptant et
à crédit (23%). Ces proportions sont reprises dans la figure nº27 ci-dessous.
51%
26%
23%
Comtant
crédit
Comptant et crédit
Figure 27. Modalités de vente des légumes dans les SMC
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
Au niveau de chaque SMC, le baromètre n’est pas stable. Nous avons noté que la vente au
comptant prédomine d’abord dans le site de Kimbanseke où elle est pratiquée par 64% des
maraîchers. Ensuite dans le site de N’djili où 52% des maraîchers en font usage. Enfin dans le
site Mango 36% des maraîchers la pratiquent.
Bien que les maraîchers se méfient de la vente à crédit à cause de l’incertitude du paiement,
cette modalité est d’usage dans tous les SMC (N’djili 30%, Kimbanseke 26% et Mango 22%
des maraîchers). Il en est de même pour la combinaison des deux modalités de vente des
légumes. Elle intéresse de moins en moins les maraîchers du site de Kimbanseke (10%) et
ceux de N’djili (18%), mais elle reste adoptée dans le site de Mango par 42% des maraîchers.
À côté des modalités de vente interviennent également les types de vente des légumes.
Globalement, les maraîchers pratiquent trois types de vente des légumes : la vente en gros, la
vente au détail ainsi que la combinaison de deux.
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
110
Les maraîchers témoignent premièrement leur préférence pour la vente en gros. L’analyse
entre les sites maraîchers montre que ce type de vente est pratiqué différemment dans les sites
maraîchers. Son usage est évalué à concurrence de 84% dans le site de Kimbanseke. Les
maraîchers du site de N’djili y recourent à 72% alors qu’il est adopté minoritairement dans le
site de Mango (soit 28%).
Le deuxième type concerne la vente au détail. Il est peu pratiqué dans le site de Mango (soit,
28%) et dans le celui de N’djili (soit 23%). Il est pratiqué très faiblement dans le site de
Kimbanseke (soit 6%) où la quasi-totalité des maraîchers se livre à la vente en gros.
Le troisième type de vente renvoie à la combinaison des deux types précédents. Les
maraîchers s’y emploient à concurrence de 44% dans le site de Mango. Il est peu pratiqué
(10%) dans le site de Kimbanseke et la pratique ne représente que 5% seulement dans le site
de N’djili.
Dans l’ensemble des sites maraîchers, l’évaluation de ces trois types de vente montre que la
vente en gros est adoptée par 60% des maraîchers interviewés. La vente au détail est adoptée
par 20% des maraîchers interviewés. Il en est de même de la combinaison des deux types de
vente pratiquée par 20% des maraîchers (figure nº28).
60%20%
20%
Gros
Détail
Gros et détail
Figure 28. Types de vente des légumes dans les SMC Source: Auteur, sur base des données d’enquête
Nous insistons singulièrement sur le type vente en gros. Développée par Mittendorf (1986) et
Tracey-White (1994), la fonction de la vente en gros constitue un élément critique pour la
bonne performance du système de commercialisation de légumes. La technique permet aux
maraîchers d’éviter les invendus, compte tenu du caractère périssable et de l’inaccessibilité
des routes. Ce sont en effet ces facteurs défavorables qui contribuent à l’augmentation des
prix des légumes. Le type de vente en gros, bien que déjà pratiqué de manière restreinte dans
les SMC, mérite d’être amélioré et organisé à grande échelle. Il permet de contribuer à
l’amélioration des conditions de commercialisation des légumes produits dans les SMC de
Kinshasa.
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
111
5.3.9. Autres techniques viables utilisées dans les SMC étudiés
Les maraîchers initient quelques techniques viables sur le terrain. Ces techniques ont retenu
notre attention. Pour contrer l’épineux problème des aléas climatiques, les maraîchers
recourent à l’irrigation et à l’usage d’abris et de paillage en saison de sèche. Par contre,
pendant la saison pluvieuse, les maraîchers choisissent, quand cela est possible, de travailler
dans les parties non inondables. Travailler en tenant compte des aléas climatiques permet aux
maraîchers de maximaliser la production pendant la saison sèche et de prendre le plus des
soins culturaux pendant la saison pluvieuse. Ils s’organisent également, afin de prévenir les
multiples cas de vol. C’est le cas des permanences nocturnes alternées organisées afin de
sécuriser la production maraîchère.
5.4. Conclusion
Le capital culturel chez les maraîchers concerne essentiellement la formation. Celle-ci permet
aux maraîchers d’acquérir les connaissances en vue d’une pratique maraîchère efficace. La
nature de cette formation dépend d’un maraîcher à l’autre. Généralement, ils participent
activement aux séances d’École au champ et ils recourent aux échanges d’expériences entre
eux. Nous avons également montré que le capital culturel chez les maraîchers interagit avec
d’autres capitaux MED. Nous retenons de ces interactions, quelques indices qui permettent de
mobiliser les ressources et d’assurer avec succès la production et la commercialisation des
légumes.
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
112
CHAPITRE 6. CAPITAL SOCIAL CHEZ LES MARAÎCHERS
Le présent chapitre aborde le concept de capital social et adapte celui-ci à notre objet de
recherche, à savoir la réalité des maraîchers. Il évoque, dans sa première section, la nature et
les types de capital social valorisés par les maraîchers. Dans la deuxième section, le chapitre
met en exergue trois composantes du capital social ainsi que les combinaisons de celui-ci avec
d’autres capitaux. Le chapitre dégage enfin, les synergies respectives de chaque réseau.
6.1. Nature et types de capital social valorisé par les maraîchers
La notion de capital social fut utilisée de façon indépendante par plusieurs auteurs au cours du
XXe siècle. L’initiateur de ce concept est un éducateur, L. J. Hanifan, pour qui le capital
social consiste dans «les substances tangibles qui comptent le plus dans la vie quotidienne des
gens, c'est-à-dire la bonne volonté, la camaraderie, la sympathie et les relations sociales entre
les individus et les familles qui forment une unité sociale.» (Méda, 2002).
Il découle des recherches de Putnam (1993) et Cohen et al. (1998) que c'est James Coleman
qui fit entrer le terme dans l’agenda intellectuel vers la fin des années 80. Tandis que la
paternité de la théorisation de cette notion revient au sociologue Bourdieu.
L'idée centrale de la théorie de capital social, selon Bourdieu (1980); Bourdieu et Wacquant
(1992, p. 52); Portes (1998) et Coleman (2000), est de considérer les réseaux sociaux comme
la somme des ressources actuelles ou virtuelles, qui profitent à un individu ou à un groupe du
fait qu'il possède des relations sociales facilement mobilisables.
Ce concept fait l’objet de nombreuses polémiques dans la littérature. Il s’apparente à
l’approche de moyens d’existence durables. Les auteurs tels que Harriss (1997, pp. 19-71) ;
Narayan et Pritchett (1997) ; Grootaert (1998) ; Marsland et Sutherland (1999) ainsi que
Pretty et Ward (2001, pp. 209-227) interprètent la notion de capital social comme une
catégorie d’avoirs ou encore les moyens d’existence. En effet, l’approche MED renvoie aux
relations sociales formelles et informelles à partir desquelles les individus peuvent bénéficier
d’avantages divers dans leur quête de moyens d’existence. Comme on peut l’observer, ce
point de vue réitère le concept de capital social (selon Bourdieu) et le répartit en deux
capitaux distincts. Il considère d’abord, le capital humain constitué des compétences, des
connaissances, des capacités à travailler, et de la santé. Cet ensemble permet à un individu de
mettre en place différentes stratégies et d’atteindre des objectifs de moyens d’existence.
Ensuite, il considère que le capital social est constitué par l’ensemble des ressources sociales
exploitées par les individus afin de poursuivre leurs objectifs de moyens d’existence.
De ce rapprochement théorique, nous dégageons que le capital social peut être considéré
comme un concept multidimensionnel. Il compte des aspects de nature et types différents,
mais il est fondamentalement considéré comme un réseau relationnel entre individus (Méda,
2002, pp. 36-47) ou capital relationnel (Frirdberg, 1993, p. 21).
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
113
À la lumière de cette approche définitionnelle, nous analysons quelques déclarations de
maraîchers recueillies dans les sites coopérativisés afin d’en dégager les types des capitaux
sociaux valorisés par les maraîchers.
La maraîchère Henriette Nyampika du site de Kimbanseke raconte :
«Je suis née dans une famille modeste. Mes
parents étaient des maraîchers. Quand j’étais
jeune, ils m’amenaient souvent au jardin. Sous
l’ombrage, je les observais sans cesse en train
de travailler. À l’âge scolaire, je les
accompagnais après l’école et je travaillais
avec eux. C’est ainsi que cette passion s’est
installée.»
La maraîchère, Béatrice Nzolani, de la coopérative de N’djili nous révèle:
«J’ai été conduite au jardin pour la première
fois par quelqu’un de notre ethnie. C’est ainsi
que dans le choix des ouvriers agricoles, j’ai
recours à ce degré d’appartenance.»
Enfin, le troisième témoignage conjoint provient de Jean Kusoluka et de Cyprien Siki
Balembo, tous deux secrétaires de comités de gestion respectivement du site de Mango et de
Kimbanseke. Ils indiquent:
«La quasi-totalité de mes clients acheteurs
revendeurs sont de la même religion que moi.
Certains d’entre eux sont de ma tribu. Ces
liens influencent l’attrait des acheteurs en cas
de surabondance des légumes sur les
marchés.»
Nous retenons de ces récits que les maraîchers produisent les relations sociales par la
combinaison de plusieurs facteurs intégrateurs : la famille, la langue, la confession religieuse
ou l’école. Ces quatre facteurs constituent la diversité des formes de capital social que nous
tentons de schématiser dans la figure nº29 ci-dessous.
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
114
Figure 29. Composantes du capital social chez les maraîchers
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
6.1.1. Capital social familial chez les maraîchers
Le capital social familial chez les maraîchers fait intervenir les liens avec la famille proche
aussi bien que lointaine. Ces liens sont valorisés par les maraîchers dans le cadre de leurs
activités. Il importe de rappeler que la quasi-totalité des maraîchers enquêtés a hérité de
l’activité des parents (oncle, tante, cousin ou encore frère) qui ont migré à Kinshasa à des
périodes différentes. Les plus anciens ont plus de 40 ans de présence à Kinshasa. Tous
agriculteurs avant l’exode, seul un petit nombre a directement pratiqué des activités agricoles
à son arrivée à Kinshasa. Cependant, au bout de quelques années, ils optent presque tous pour
le maraîchage afin de s’adapter à la crise ou encore aux conditions socioéconomiques
précaires rencontrées dans la ville.
L’analyse des témoignages susmentionnés indique que certains maraîchers se réfèrent
explicitement aux liens de famille soit proche, soit lointaine. Tandis que les autres maraîchers
combinent les deux types. Mais dans l’ensemble, les liens de famille lointaine sont plus
valorisés (39%) par rapport aux autres (figure nº30).
30%
39%
31%
Famille proche
Famille lointaine
Combinaison de familleproche et lointaine
Figure 30. Composantes du capital social familial chez les maraîchers
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
CCaappii ttaall ssoocciiaall
FFaammii ll iiaall
PPrroocchhee
LLooiinnttaaiinnee
CCoommbbiinnaaiissoonn PP eett LL
LLiinngguuiissttiiqquuee
LLiinnggaallaa TTsshhii lluubbaa
KKiikkoonnggoo
SSwwaahhii ll ii
RReell iiggiieeuuxx
AAuuttrreess
CCaatthhooll iiqquuee RRoommaaiinnee CCaatthhooll iiqquuee oorrtthhooddooxxee
PPrrootteessttaannttee
KKiimmbbaanngguuiissttee
ÉÉggll iisseess dduu rréévveeii ll
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
115
Interrogée lors de nos enquêtes, la maraîchère Henriette Nyampika, du site de Kimbanseke
définit la famille proche comme le ménage au complet. Par contre, elle inclut dans les liens de
famille lointaine les cousins, les neveux, les tantes, les oncles voire les amis proches de la
famille. Les liens de bon voisinage (toutes tendances linguistiques et ethniques confondues)
avec la population environnante regroupent également les liens de famille lointaine.
6.1.2. Capital social linguistique
La langue constitue un élément de rapprochement important entre les individus ; comme
vecteur social elle forme ce qu’on peut appeler le capital social linguistique. Elle rassemble,
d’aval en amont, les maraîchers ressortissants du même village, de la même collectivité, du
même territoire et de la même province. Elle facilite le contact, et engendre la confiance entre
maraîchers et ouvriers agricoles, entre maraîchers et vendeurs d’intrants, entre maraîchers et
acheteurs revendeurs ainsi qu’entre maraîchers et transporteurs.
Nous considérons que les langues nationales couramment parlées par les acteurs constituent
un outil indispensable de valorisation des liens dans le milieu maraîcher. Parmi ces langues,
nous épinglons le Lingala, le Kikongo, le Swahili et le Tshiluba. Elles sont répertoriées dans
les SMC à des proportions différentes (figure nº31).
86%
5% 2% 7%
Kikongo
Lingala
Sw ahili
Tshiluba
Figure 31. Composantes du capital social linguistique chez les maraîchers
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
Le Lingala déjà, langue véhiculaire du Nord du fleuve avant et durant la période coloniale,
s'est imposé comme langue majoritaire parce qu'un grand nombre de kinois est originaire de
régions où le Lingala était déjà une langue véhiculaire. Elle est aussi considérée comme la
langue de la culture populaire, de la musique, des Églises, du théâtre populaire, de l'armée et
de la police nationale depuis l'époque coloniale. En plus de leur langue d’origine, les
maraîchers utilisent le lingala pour témoigner de leurs affinités les uns envers les autres.
Le Kikongo est parlé par les maraîchers ressortissants des provinces du Bas-Congo, du
Bandundu et, dans une large mesure, par les maraîchers d’origine angolaise et brazzavilloise
réfugiés en RD Congo. Dans les SMC enquêtés, le Kikongo est parlé par la quasi-totalité des
maraîchers. La prédominance du Kikongo évalué à 86% sur les SMC s’explique par des
références historiques. En effet, on se rappellera qu’avant l’année 1964, le secteur maraîcher à
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
116
Léopoldville était particulièrement occupé par les Lari originaires du Congo Brazzaville.
Ceux-ci appartiennent à une tribu frontalière de la RD Congo avec le Congo Brazzaville. Ils
sont localisés dans la province du Bas Congo et plus précisément dans le territoire de Dianga.
Les liens linguistiques de part et d’autre de la frontière ont entraîné la plupart des Manianga
dans les activités maraîchères. L’affirmation du maraîcher Cyprien Siki Balembo selon
laquelle : «Le maraîchage à Kinshasa est une particularité de la tribu Manianga» appuie
cette affirmation.
Le Swahili est parlé par les maraîchers ressortissants des provinces du Katanga, du Sud Kivu,
du Nord Kivu et du Maniema.
Le Tshiluba, enfin, est parlé par les maraîchers, du reste minoritaire, ressortissants des
provinces du Kasaï oriental et du Kasaï occidental.
Il faut insister sur le fait que la langue et l’ethnicité sont de puissants vecteurs de liens
sociaux. En effet, nous remarquons à ce jour l’élargissement du maraîchage aux autres tribus
ressortissantes du Bas Congo. Les autres liens sociaux (Église, proximité du quartier ou
famille lointaine) ont également permis aux ressortissants des autres provinces d’intégrer à
leur tour le maraîchage.
De ce qui précède, il faut signaler que les aspects linguistiques et ethniques jouent un rôle
important dans la mobilisation des ressources dans les SMC. C’est le cas de la main-d’œuvre
qui se recrute, consciemment ou inconsciemment sur base du rapprochement avec les
maraîchers. Un autre cas se rapporte aux acheteurs, dont les liens s’établissent presque
exclusivement sur les bases linguistiques et ethniques. On peut y déceler un effet positif de
cohésion sociale, et, à contrario, un effet négatif discriminatoire et limitatif.
6.1.3. Capital social religieux
La religion fait partie intégrante du capital social. Elle constitue à ce titre un indicateur de la
socialisation des maraîchers. Les échanges entretenus avec les maraîchers nous ont permis
d’établir six confessions religieuses dans les SMC enquêtés. Les maraîchers échangent, se
concertent et s’entraident sur base de leur appartenance à telle ou telle Église qui agit comme
un facteur de rapprochement et de confiance entre eux. Ils estiment qu’ils sont unis par une foi
commune.
Le taux de valorisation de capital social religieux chez les maraîchers varie selon le site
considéré. Mais, dans l’ensemble, nous avons évalué les confessions religieuses selon leur
représentativité dans le public cible. Ainsi, la religion catholique romaine est pratiquée par
24% des maraîchers, contre 23% pour la religion protestante, 22% pour la religion
kimbanguiste, 19% adhèrent à l’Église orthodoxe, 7% et 5% respectivement aux Églises de
réveil et aux autres religions.
L’ensemble des liens (familiaux, linguistiques et religieux) valorisés par les maraîchers a un
impact non négligeable dans la mobilisation du capital social. Ces liens encouragent le
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
117
rapprochement entre les maraîchers et entre les maraîchers et les ouvriers agricoles, aussi bien
qu’avec les acheteurs, les confrères maraîchers et les autres partenaires.
Il faut noter que les maraîchers les recrutent les ouvriers agricoles par négociation. Celle-ci
nécessite de bonnes relations entre le négociant et le négociateur. Le maraîcher négociant fait
couramment référence à sa langue, à sa tribu et parfois à ses appartenances religieuses pour
convaincre le négociateur (ouvrier). Une fois les accords passés, les modalités de paiement ne
sont réglementées par aucun texte légal. Il s’agit généralement d’un contrat verbal. L’ouvrier
agricole nouvellement recruté est chargé d’exécuter des travaux comme ceux d’arrosage, de
repiquage, de sarclage et de fertilisation.
À cette catégorie d’ouvriers s’ajoutent les surveillants champêtres. Les règles qui régissent
leur engagement sont les mêmes que celles des ouvriers. Par contre, les dispositions de
recrutement changent lorsqu’il s’agit de la garde des infrastructures (bureau, champ collectif
de la coopérative et dispensaire de la coopérative de Kimbanseke). Le recrutement, pour ce
genre de personnel autrement appelé sentinelles ou surveillants, est du ressort du comité de
gestion de la coopérative, et se fait par le biais du gérant ou, le cas échéant, du secrétaire.
Les maraîchers recourent à ces mêmes liens lorsqu’il s’agit de pour parlers avec les acheteurs
des légumes. L’objectif étant de convaincre les clients en période de forte concurrence. Les
différents liens (familiaux, linguistiques et religieux) évoqués dans les lignes précédentes sont
également mobilisés pour les relations entre les maraîchers et ses différents partenaires. C’est
ainsi que nous considérons le capital social comme un «stock» de relations mobilisées par un
individu. Les différentes composantes du capital social permettent au maraîcher d’accéder,
par exemple, au crédit informel et aux pratiques tontinières. Les liens qui sont mis en exergue
sont considérés comme des facteurs de confiance lorsque le maraîcher veut contracter une
dette auprès de son voisin. Les échanges entre maraîchers dépendent également de liens
sociaux aux liens sociaux entretenus par les uns et les autres.
Notre analyse indique que la particularité du capital social réside dans l’interaction constatée
dans ses différentes composantes. Il faut aussi noter que sa dynamique est liée à sa
combinaison avec les autres capitaux. Il peut se combiner avec le capital économique ou avec
le capital culturel, et de plus, il existe également une dynamique interne du capital social.
6.2. Combinaisons du capital social avec les autres capitaux
Le capital social chez les maraîchers n’est pas valorisé de manière isolée. Il se combine avec
les autres capitaux. Nous avons noté la combinaison du capital social avec le capital
économique ainsi qu’avec le capital culturel, ainsi que des interactions internes du capital
social.
6.2.1. Interaction à l’intérieur du capital social
Nous notons des interactions à l’intérieur du capital social chez le maraîcher puisque ce
dernier utilise tous les liens relationnels disponibles afin de contrôler les ressources humaines.
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
118
L’interdépendance à l’intérieur du même capital social s’illustre dans le rapprochement du
maraîcher avec ses différents partenaires. C’est le cas concret du maraîcher qui exploite ses
liens de bon voisinage, ses liens linguistiques ou encore ses liens religieux afin de s’attirer des
acheteurs ou recruter un ouvrier agricole.
6.2.2. Combinaison du capital social avec le capital économique
Les maraîchers mettent en jeu le capital social avec le capital économique afin de contrôler les
ressources financières. Nous le remarquons à travers le cas du «travail à l’exploitant», l’accès
au crédit informel et la pratique tontinière. Cette combinaison repose sur une mise en
confiance fondée sur les liens (humains, familiaux, linguistiques ou encore religieux)
entretenus entre le bénéficiaire et le donateur. Ces cas montrent que la combinaison des
capacités relationnelles du maraîcher (capital social) avec le capital économique permet de
contrôler au mieux les ressources financières. Celles-ci constituent le moyen à la portée du
maraîcher pour faire face aux dépenses d’exploitation.
6.2.3. Combinaison du capital social avec le capital culturel
Pour expliciter la combinaison du capital social avec le capital culturel, nous revenons sur les
paroles de la maraîchère Henriette Nyampika du site de Kimbanseke. Elle a évoqué dans son
témoignage le mode de vie de sa famille. Elle met à l’avant- plan, sa passion pour le
maraîchage née d’une habitude d’accompagner ses parents au jardin. Nous rappelons qu’il
s’agit du capital social familial. Celui-ci fait appel aux liens de famille proche. Cette habitude
a généré des connaissances ou encore des aptitudes techniques (formation non classique ou
«formation sur le tas») incluses dans le capital culturel.
Nous lisons à travers cette évocation les échanges fructueux entre la maraîchère et son père.
Le récit du maraîcher Jean Kusoluka (site de Mango) et celui de Cyprien Siki Balembo (site
de Kimbanseke) vont dans le même sens. Un autre cas qui démontre la combinaison de capital
social avec le capital culturel a trait aux lopins de terre concédés sur base des relations
sociales et des alliances diverses.
Les différentes combinaisons du capital social avec les autres capitaux offrent aux maraîchers
différents avantages dont l’intégration dans le milieu du maraîchage et l’acquisition ou le
contrôle des ressources.
6.3. Avantages de capital social valorisé et combiné avec les autres capitaux
Le capital social valorisé et combiné avec les autres capitaux permet non seulement
l’acquisition ou le contrôle des ressources, mais aussi la socialisation des maraîchers.
6.3.1. Acquisition par les maraîchers de ressources diverses
De nombreux témoignages de maraîchers dénotent que le capital social valorisé est composé
d’un ensemble d’actifs produisant diverses ressources : valorisé et combiné avec les autres
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
119
capitaux, le capital social produit des avantages en terme de ressources (ou moyens
d’existence) indispensables à la pratique maraîchère. L’interaction interne du capital social
permet d’engranger les ressources humaines (ouvriers agricoles) et les ressources
relationnelles (liens entre individus). La combinaison du capital social avec le capital
économique génère les ressources financières. Celle du capital social avec le capital culturel
permet d’accéder aux ressources naturelles, physiques et techniques.
� Ressources humaines
Les ressources humaines nous font penser à la réinsertion de la population sans emploi. Il faut
noter que le maraîchage permet de résorber une partie de chômage urbain et d’occuper de
nombreux désœuvrés (Shilter, 1991, p. 163 et Kinkela, 2001, pp. 225; 231). Les chômeurs
trouvent auprès des producteurs déjà établis des activités rémunérées, dont celles d’ouvriers
agricoles. Les étudiants, les élèves, les apprentis ainsi que les femmes peuvent se faire
employer comme manœuvres ou ouvriers temporaires. Les vendeurs d’intrants, les
commerçants revendeurs ainsi que les transporteurs trouvent, à travers l’activité maraîchère,
une occupation rémunératrice.
58%20%
20%1%1%
Maraîchers tout statut
Ouvriers agricoles
Commerçants revendeurs
Vendeurs des intrants divers
Transporteurs
Figure 32. Évaluation des bénéficiaires d’emploi dans les SMC
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
En fonction de chaque catégorie de bénéficiaires susmentionnés, la figure nº32 ci-dessus
montre que la catégorie des maraîchers (tous statuts confondus) bénéficie de 58,5% de
l’emploi dans les SMC. Les ouvriers agricoles et les commerçants revendeurs représentent
chacun 19,5% de cet emploi alors que les vendeurs d’intrants divers et les transporteurs
représentent respectivement 1,2% et 1,1%. Bien évidemment, il ne s’agit pas de créer à
travers l’agriculture urbaine une activité susceptible d’attirer les ruraux dans la ville, mais
plutôt de fournir une occupation à ceux qui sont déjà venus augmenter les effectifs d’une
population à nourrir et qui posent des problèmes sociaux de plus en plus aigus.
En d’autres termes, il ne s’agit pas de développer une production urbaine au détriment de la
population rurale, mais de donner une possibilité de travail aux citadins en situation sociale
difficile et à ceux dont le revenu n’atteint pas le minimum vital.
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
120
� Ressources financières
Les ressources financières engrangées par les maraîchers se rapportent aux revenus. Le
maraîchage est une activité qui permet aux maraîchers de générer de revenus
complémentaires au petit commerce et aux salaires de certains agents de l’État convertis au
maraîchage. Ces revenus sont issus de la vente des légumes et varient d’un maraîcher à
l’autre. Ces revenus dépendent également de la saison et surtout de l’offre et de la demande.
Le calcul indicatif sur la rentabilité de l’activité maraîchère donne une idée de ce que les
maraîchers gagnent à la surface cultivée. Bien que le profit soit minime et aléatoire pour
certains exploitants, il leur permet de vivre, ou au moins de survivre. Si les uns peuvent juste
survivre avec leur revenu, d’autres parviennent même à entretenir une famille plus ou moins
nombreuse. C’est le cas d’une productrice qui s’est confiée à notre entretien.
Elle dit
«Je suis veuve et je n’ai pas d’autre source de
revenus que ce que je tire de la vente des
légumes, explique Mayimona, la quarantaine,
montrant du regard ses plates-bandes. C’est
grâce à cela que je parviens à nourrir ma
famille et à payer les études de mes enfants.»
Outre les maraîchers et ouvriers agricoles, le secteur des services s’est aussi développé grâce à
la pratique du maraîchage. Ce sont les cas cités précédemment (transporteurs et vendeurs
d’intrants) auxquels se joignent les vendeurs ambulants qui circulent à travers les jardins
proposés, soit des produits de beauté ou encore de l’habillement. On note également la
présence des femmes spécialisées dans la confection de beignets, de thé, de café et de repas.
Sans oublier, les producteurs de vin de palme communément appelé «lunguila ou N’tsamba».
Tous les produits cités sont destinés aux maraîchers, ouvriers agricoles et autres personnes qui
peuvent ainsi manger et boire sur place au jardin et constituent la clientèle sans laquelle les
petits métiers ambulants n’existeraient pas.
� Apport à la sécurité alimentaire
La sécurité alimentaire est assurée lorsque toutes les personnes ont, en tout temps,
économiquement (accessibilité), socialement (mode d’utilisation) et physiquement
(disponibilité) accès à une alimentation suffisante, sûre et nutritive, satisfaisant leurs besoins
nutritionnels et leurs préférences alimentaires pour leur permettre de mener une vie saine et
active (FAO, 2002, pp. 50-55; Mulubay, 2001, p. 415).
Cependant, contre toute attente, la difficulté qu’il y a à se nourrir à Kinshasa de nos jours a
atteint un degré jamais connu dans le passé. Les Kinois ne mangent plus qu’une fois par jour,
quand ce n’est pas une fois tous les deux jours (Treffon, 2004, pp. 62-63). Cette allégation
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
121
s’appuie sur la méthode d’équilibre calorifique8qui établit que le Congolais moyen ne dispose
que de 1.815 kilocalorie/jour (Mutamba, 2003, p. 180) contrairement au seuil fixé par la FAO
(soit 2.300 kilocalories en moyenne par jour et par adulte).
Pour contrer cette réalité désolante, la filière maraîchère intervient comme alternative pour
pallier en partie à l’insécurité alimentaire d’un point de vue quantitatif et qualitatif (Kinkela,
2001, p. 265 et Muzingu, 2005, p. 54 et 2007, p. 95).
Du point de vue quantitatif, le maraîchage met à la disposition de la population une diversité
de légumes consommés cuits ou en salade selon la préférence culinaire de chaque couche de
la population.
Quant au point de vue de la qualité, les légumes constituent un élément central de l’équilibre
nutritionnel des populations en situation économique précaire. Les études menées par Lannoy
(2001, p. 433; 463; 484) ont permis de considérer, dans bien des cas, les légumes africains ou
tropicaux comme pourvoyeurs d’une teneur plus élevée en protéines, calcium, fer et matière
sèche que leurs correspondants européens (Annexe 6 et 7).
Par rapport à la valeur énergétique, il faut signaler que les mesures d’apports caloriques
quotidiens constituent les facteurs qui déterminent l’état alimentaire d’une population
(Mougeot, 2004; Kinkela, 2001, p. 265; Muzingu, 2007, p. 95 et Stern, 1992, p. 55). Nous
rappelons que les légumes feuilles les plus consommés sont représentés par l’amarante (108
kj/100g et 26 kcal/100g). Les légumes fruits sont représentés par le gombo (129 kj/100g et 20
kcal/100g) et l’aubergine (108 kj/100g et 26 kcal/100g). La plus grande valeur énergétique se
rencontre dans la catégorie des légumes racines avec la carotte qui produit 154 kj/100g et 37
kcal/100g.
Quant à la teneur en protéine, elle est assez élevée dans les légumes tropicaux (amarante : 3,6-
4,6g/100g) alors que dans les légumes européens, on constate une légère supériorité du gombo
en protéines (1,8g/100g) par rapport à l’aubergine (1,6g/100g).
En ce qui concerne les sels minéraux, les légumes tropicaux constituent une source importante
en calcium et en fer. Bien que l’absorption du calcium par l’organisme humain soit freinée par
la présence d’acide oxalique dans de nombreux légumes, les produits maraîchers représentent
la source la plus importante en calcium dans la ville où le lait, considéré comme source
majeure, reste une denrée à coût élevé.
Concernant la couverture des besoins en vitamines, nous signalons que les légumes
contiennent de la vitamine C, A, B1 (thiamine), B12 (riboflavine) et β-carotènes (provitamine
A) ainsi que l’acide nicotinique.
De ces deux points de vue (qualitatif et quantitatif), nous retenons que les légumes constituent
un complément nutritionnel intéressant. Les calculs effectués sur base des données de
8 Les mesures d’apports calorifiques quotidiens concernent les facteurs qui déterminent l’état de santé et l’état alimentaire (Stern, 1992, pp. 28-29).
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
122
Muzingu (2005, pp. 54-56) montrent que la contribution en calories et en protéines par tête
d’habitant est de l’ordre de 1,3 kcal et 8,1g des protéines pour 100g des légumes consommés.
6.3.2. Socialisation des maraîchers dans les sites coopérativisés
En accord avec la théorie développée par Dubet et Martuccelli (1996, p. 511) concernant la
socialisation et en lien avec la notion d'intégration sociale, la socialisation renvoie à une
inscription dans une appartenance sociale stable. Nous définissons ici la socialisation comme
un processus par lequel la vie et l’activité humaine s’inscrivent dans le réseau
d’interdépendances sociales, ou encore comme un processus d’influence mutuelle entre
l’individu et son milieu. Nous distinguons deux types de socialisation chez les maraîchers. Le
premier concerne la socialisation primaire abordée par Charlier; Nizet et Van Dam (2005, p.
119). Nous nous y référons pour expliquer l’intégration des maraîchers sur base d’une trame
relationnelle et d’une formation. Le deuxième se rapporte à la socialisation secondaire. Nous
la mettons à contribution pour expliquer l’intégration des maraîchers dans le fonctionnement
organisationnel des comités de gestion des coopératives.
6.4. Conclusion
Le capital social se réfère aux capacités relationnelles des maraîchers. Nous constatons que
chez les maraîchers, le capital social se tisse sur une toile constituée de liens familiaux, de
liens linguistiques et de liens religieux. Le capital social chez les maraîchers n’est pas valorisé
singulièrement, il se combine plutôt avec les autres capitaux. Outre l’acquisition des
ressources, le capital social renforce les liens entre les maraîchers dans le cadre de leurs
activités.
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
123
CHAPITRE 7. STRATÉGIES DÉPLOYÉES PAR LES ACTEURS COLLECTIFS
Dans ce chapitre, nous analysons les stratégies déployées par les acteurs collectifs pour
contrôler les ressources et réduire les contraintes qui créent la dépendance vis-à-vis des
ressources. Le chapitre s’articule autour de trois axes. Le premier s’attache à une description
du fonctionnement des SMC en rapport avec les principes coopératifs. Le second consiste en
l’analyse de la structure organisationnelle des SMC : il relève la nature des contraintes qui
handicapent l’action organisationnelle et présente les stratégies déployées pour les surmonter.
Le troisième axe évalue la dynamique des acteurs du point de vue du développement.
7.1. Description fonctionnelle des SMC étudiés
Notre intérêt porte sur l’exercice des principes coopératifs dans le fonctionnement des SMC.
Rappelons au préalable ce qu’est une coopérative : c’est une association autonome de
personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques,
sociaux et culturels communs (Alliance coopérative internationale, 1996).
Le fonctionnement des SMC se réfère aux principes coopératifs dits «principes de Rochdale».
Ceux-ci constituent les lignes directrices du fonctionnement des coopératives maraîchères.
Tout en demeurant conscients des mutations et des révisions successives subies par ces
principes, nous nous en tenons à ceux qui obtiennent le consensus des pionniers de Rochdale.
Il s’agit de : l’adhésion volontaire et ouverte à tous les membres, le pouvoir démocratique
exercé par les membres, la participation économique des membres, l’autonomie et
indépendance, l’éducation et la coopération entre coopératives (Mac Pherson, 1996, p. 23).
7.1.1. Adhésion volontaire et ouverte à tous
Les coopératives sont des organisations fondées sur le volontariat et ouvertes à toutes les
personnes désireuses d’utiliser leurs services, déterminées à prendre leurs responsabilités en
tant que membres, et ce, sans discrimination fondée sur le sexe, l'origine sociale, la race,
l'allégeance politique ou la religion (Couret, 2003, p. 255). De ce principe découle la
satisfaction du désir des adhérents d’œuvrer en commun et à moindre coût au sein d’une
entreprise sociale collective.
Adapté à notre étude, le principe d’adhésion volontaire permet aux maraîchers d’accéder au
statut de coopérateur. La procédure pour y parvenir est schématisée dans la figure nº33 ci-
dessous.
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
124
Figure 33. Accession au statut de maraîcher coopérateur
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
Un maraîcher coopérativisable doit satisfaire à certains critères parmi lesquels posséder un
lopin de terre dans le périmètre maraîcher de la coopérative ; manifester un besoin commun
par rapport aux autres adhérents ; s’acquitter de la part sociale et du droit d’adhésion ; se
conformer aux dispositions statutaires et réglementaires et enfin respecter les principes
coopératifs.
La coopérative qui accepte l’adhésion d’un maraîcher comme coopérateur s’organise, se
structure afin d’assurer à ses membres le maximum de garantie et de sécurité dans le quotidien
de l’activité maraîchère.
7.1.2. Pouvoir démocratique exercé par les membres
En tant qu’organisations démocratiques dirigées par leurs membres, les coopératives participent
activement à l'établissement des politiques et à la prise des décisions. L’exercice
démocratique dans un SMC se traduit par le droit de ses membres au vote égal en vertu de la
règle «un membre, une voix». Ce principe dirige le fonctionnement organisationnel d’un
SMC, c'est-à-dire l’attribution d’un rôle à chacun des membres et à chacun des sous-groupes
(Mertens et Morval, 1977, pp. 44-46).
Généralement, les activités dans un SMC sont dirigées et gérées conformément aux statuts et
règlements d’ordre intérieur en vigueur. Selon ces textes, la gestion est dévolue aux différents
organes, dont l’assemblée générale ; le comité de gestion ; le comité de contrôle ; le gérant
qu’est un employé du comité de gestion.
L’Assemblée générale est l’organe suprême de la coopérative. Elle rassemble tout maraîcher
adhérent et membre effectif de la coopérative. Son rôle est de fixer des orientations
fondamentales et de statuer sur les grandes décisions qui concernent la vie de la coopérative.
Elle est convoquée par le président du comité de gestion ou par son vice-président en cas
Maraîchers coopérativisables
Besoins communs
Acquittement part sociale et droit d’adhésion
Principes coopératifs
Maraîchers coopérateurs
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
125
d’absence de celui- ci. Elle se tient au siège administratif de chaque coopérative. Son pouvoir
se conforme aux statuts en vigueur et consiste à élire et à révoquer le comité de gestion et les
membres du comité de contrôle, à interpréter les statuts et le règlement d’ordre intérieur en
cas de conflits entre comités de gestion et maraîcher coopérateur, à recevoir le rapport
financier du comité de gestion et du comité de contrôle, à l’analyser et à l’approuver ou à le
désapprouver. Enfin, elle statue sur tout problème rencontré par la coopérative et décide de
l’affectation du trop-perçu et désigne un vérificateur pour contrôler les états financiers.
Le Comité de gestion est de droit gestionnaire et représente la personnalité morale de la
coopérative. Il assure le pont entre les acteurs internes et les acteurs externes. Il permet
d’avoir une vue d’ensemble du système organisationnel. Il recourt au service d’un gérant pour
assurer la gestion des activités de la coopérative. Le comité de gestion est chargé de proposer
à l’assemblée générale des projets d’amendements des statuts et du règlement d’ordre
intérieur et de créer en son sein une ou plusieurs commissions. Il se réunit sur convocation du
président, au moins une fois par mois, et chaque fois que la nécessité s’en présente. Il élargit
parfois ses réunions aux chefs de blocs de cultures. Sa fonction spécifique est de s’assurer que
l’organisation remplit sa mission de façon efficace et qu’elle sert les besoins des adhérents. Le
comité de gestion est composé des maraîchers qui exercent les fonctions prévues dans les
statuts. Ces fonctions sont, selon le cas, celles de président, de vice-président, de trésorier, de
1er conseiller et de secrétaire. Tandis que les effectifs pour chacune de fonctions dépendent du
site considéré (tableau nº14).
Tableau 14. Fonctions et effectifs répertoriés dans les comités de gestion des SMC
Kimbanseke N’djili Mango
Maraîchers membres du
comité de gestion dans
les sites coopérativisés
Président (1)
Vice- président (1)
Secrétaire (1)
Trésorier (1)
Conseiller (1)
Président (1)
Vice- président (1)
Secrétaire (1)
Secrétaire Adjoint (1)
Trésorier (1)
Trésorier Adjoint (1)
Conseillers (4)
Commissaires aux comptes (2)
Président (1)
Vice- président (1)
Secrétaire (1)
Trésorier (1)
Conseillers (3)
Effectif 5 12 7 Source: Auteur, sur base des données d’enquête
En assumant une des fonctions décrites plus haut, les maraîchers s’intègrent dans le comité de
gestion de la coopérative. Cette intégration constitue une socialisation du type secondaire.
Elle se réalise au contact d’une institution de travail (Dubet et Martuccelli, 1996, p. 511).
Le Comité de contrôle est l’organe de vérification élu par l’assemblée générale. Sa mission est
de contrôler la comptabilité journalière, les bilans et l’état d’avancement physique et financier
des activités de la coopérative. Il assure également le contrôle des états des lieux et du
patrimoine de la structure. Le comité de contrôle adresse ses rapports de vérifications au
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
126
Comité de gestion et à l’Assemblée générale (Statuts article 30). Il est constitué de
commissaires aux comptes remplissant les critères ci-après: ne pas être parent ou allié ou
conjoint du président de la coopérative ni du gérant ni du caissier; avoir des connaissances
comptables; être d’une bonne moralité. Le mandat des commissaires aux comptes se limite à
une année, il est renouvelable.
Le Gérant est en principe un employé, personnel contractuel et salarié. Il est engagé par le
Comité de gestion. Il s’occupe de la gestion journalière de la coopérative et exerce ses
fonctions sous l’autorité du Comité de gestion. Le gérant est chargé de superviser l’ensemble
des activités de la coopérative. Il exécute les décisions du Comité de gestion, engage ou
licencie le personnel contractuel qu’il administre. Il tient la comptabilité sous sa responsabilité
et assure la pleine responsabilité vis-à-vis des archives sur le fonctionnement de la
coopérative.
Toutes ces fonctions sont hiérarchisées dans un organigramme. Il est considéré comme un
graphique qui représentant de façon synthétique l’ensemble de la structure organisationnelle.
Un organigramme permet de visualiser la place de chaque fonction et les relations de travail
qui existent entre ces fonctions (Probst et al. 1991, pp. 42-44). Celui du comité de gestion
d’un SMC est tracé de la manière suivante (figure nº34).
Figure 34. Organigramme et modèle fonctionnel dans un SMC
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
En confrontant la littérature sur la typologie des formes d’organisations construites par
Mintzberg (1982, p. 274; 1990, pp. 176-196) à la réalité fonctionnelle des SMC enquêtés,
nous constatons que le modèle fonctionnel observé dans le comité de gestion est celui d’une
structure simple (Hatch, 2000, p. 199). Elle est également désignée comme structure linéaire
ou hiérarchique (Probst et al. 1991, pp. 45, 72) ou encore structure plate (Mintzberg, 1999, p.
99). Les caractéristiques essentielles de ce modèle fonctionnel sont sa petite taille et le fait de
ne disposait que de peu ou pas de structure. La plupart des orientations s’opèrent par voie
orale et de manière informelle.
L’aperçu général de ce schéma organisationnel montre une structure classique. Elle se dessine
et se comprend de manière simple. Les voies de commandement sont uniques et les
responsabilités clairement réparties. C’est le plus simple de modèles d’organisation.
Secrétaire
Comité de gestion Président
Collège des Conseillers Trésorier Gérant
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
127
7.1.3. Participation économique des membres
Selon ce principe, les membres contribuent de manière équitable au capital de la coopérative
et en ont le contrôle. Au moins, une partie de ce capital reste la propriété commune de la
coopérative. Les membres ne bénéficient habituellement que d'une rémunération limitée du
montant engagé comme condition de leur adhésion. Ils affectent les excédents aux objectifs
ci-après: le développement de leur coopérative éventuellement par la dotation de réserves
dont une partie au moins est impartageable ; des ristournes aux membres en proportion de
leurs transactions avec la coopérative ; le soutien d'autres activités approuvées par les
membres.
Cependant dans les SMC enquêtés, ce principe rencontre des difficultés d’application. Les
textes statutaires et réglementaires prévoient quelques opérations, dont la part sociale, le droit
d’adhésion ainsi que les cotisations spéciales des maraîchers membres de la coopérative. La
marge de manœuvre en cette matière est prévue dans les dispositions réglementaires
(Règlement d’ordre intérieur). C’est le cas des initiatives économico-productives à travers les
activités d’autofinancement. Mais il faut retenir que la taille, l’efficacité et la gestion de ces
activités dépendent du site maraîcher. C’est la preuve d’une bonne assimilation du principe
d’autonomie et d’indépendance.
7.1.4. Autonomie et indépendance
Les coopératives sont des organisations autonomes d'entraide, gérées par leurs membres. La
conclusion d'accords avec d'autres organisations, y compris des gouvernements, ou la
recherche des fonds extérieurs doit se faire dans des conditions qui préservent le pouvoir
démocratique des membres et maintiennent l'indépendance de la coopérative.
7.1.5. Éducation et coopération entre coopératives
Les coopératives fournissent à leurs membres, à leurs dirigeants élus, à leurs gestionnaires et à
leurs employés, les formations requises afin de pouvoir contribuer efficacement à leur
développement. Elles informent le grand public, en particulier les jeunes et les dirigeants, sur
la nature et les avantages de la coopérative.
Afin de fournir un meilleur service à leurs membres et renforcer le mouvement coopératif, les
coopératives œuvrent ensemble au sein de structures locales, régionales, nationales et
internationales. Les aspects relatifs à la formation et à la coopération entre coopératives sont
largement abordés dans le chapitre 5 relatif au capital culturel valorisé par les maraîchers. La
formation des maraîchers se fait par l’entremise des dispositifs d’École au champ tandis que
la coopération entre coopératives est renforcée par les séances d’échanges d’expériences.
7.2. Stratégies organisationnelles déployées par les SMC
Cette section analyse distinctement la structure organisationnelle des SMC et les stratégies
déployées par les acteurs collectifs vis-à-vis des contraintes rencontrées dans l’action
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
128
organisationnelle. Elle montre également comment réagissent les acteurs individuels vis-à-vis
des stratégies adoptées par les coopératives.
7.2.1. Structure organisationnelle des SMC
Le terme structure renvoie à la relation entre les parties d’un tout organisé (Hatch, 2000, p.
177). Plus précisément, une structure organisationnelle concerne la manière dont les acteurs
se regroupent (Nizet et al. 1995 pp. 130-133 et Mintzberg, 1982, p. 8). Dans notre étude, nous
considérons la structure organisationnelle d’un SMC comme la somme totale des moyens
employés par les maraîchers pour assurer la production et la commercialisation des légumes.
Nous distinguons deux types de structures organisationnelles dans un SMC. L’une est
physique tandis que l’autre est sociale.
� Structure physique d’un SMC
La structure physique d’une organisation consiste en un ensemble de relations entre les
éléments physiques perceptibles. Il s’agit des acteurs agissants, des bâtiments, des meubles et
des équipements (Hatch, 2000, p. 257). Concernant les acteurs sociaux agissants dans les
SMC, il faut noter qu’ils ne sont pas tous partis prenants (personnes physiques ou morales qui
détiennent un rôle), mais plutôt ceux qui agissent dans la situation (Livian, 2000, p. 67-68).
Cependant, comme tout autre rôle, Giddens (2005, p. 345) cité par Nizet (2007, p. 20) pense
que celui des acteurs sociaux au sein d’une organisation consiste, avant tout, à mettre en
œuvre une capacité d’accomplir des actes. L’auteur renchérit en estimant que le rôle des
acteurs sociaux est, en particulier, d’influencer les comportements d’autres acteurs, mais aussi
de transformer les circonstances.
Deux types d’acteurs sociaux agissent dans les SMC de Kinshasa. Les uns sont internes à la
coopérative tandis que les autres sont externes.
La catégorie des acteurs sociaux internes est constituée des personnes directement impliquées
dans la production des légumes dans les SMC. Il s’agit notamment des maraîchers
producteurs permanents, des maraîchers producteurs occasionnels, ainsi que des ouvriers
agricoles.
Concernant les maraîchers producteurs permanents rencontrés dans les sites enquêtés, nous
rappelons qu’ils sont répartis en membres adhérents à la coopérative (maraîchers
coopérateurs) et en membres non adhérents à la coopérative (maraîchers non coopérateurs).
Généralement, une coopérative est caractérisée par une dualité dans le statut de ses membres
(Papon Vidal, 2003, p. 58). C’est le cas des membres adhérents et des membres associés.
Cette concomitance est observée différemment dans les SMC enquêtés où l’on remarque
qu’au début du processus de coopérativisation des sites maraîchers de Kinshasa, la quasi-
totalité des maraîchers était considérée, pour s’être acquittés de la part sociale et du droit
d’adhésion, comme membres effectifs de leur coopérative respective. C’est au fil du temps
que l’on remarque une passivité chez certains membres.
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
129
Cette façon de déterminer le statut des maraîchers en fonction de leur adhésion à la
coopérative nous permet de séparer, d’un côté, les maraîchers coopérateurs et, d’autre part, les
maraîchers non coopérateurs (tableau nº15).
Tableau 15. Effectifs des maraîchers producteurs dans les SMC enquêtés
Qualités des maraîchers rencontrés dans les sites enquêtés
Maraîchers non coopérateurs Maraîchers coopérateurs
SMC
Femmes Hommes Total Femmes Hommes Total
Effectif total SMC
N’djili
Kimbanseke
Mango
970
976
1190
1065
958
423
2035
1934
1613
16
86
69
30
62
20
46
148
89
2081
2082
1702
Total 3136 2446 5582 171 112 283 5865
Moyenne 1045 815 1860 57 37 94 1955 Source: Auteur, sur base des données d’enquête
Nous dégageons du tableau ci-dessous trois éléments sociologiques de caractérisation des
périmètres maraîchers (l’effectif, le statut des exploitants et le genre).
Le maraîchage dans les sites coopérativisés enquêtés reste une activité qui couvre un grand
nombre des exploitants. L’analyse des effectifs montre une moyenne de 1955 maraîchers tous
statuts confondus. La comparaison des effectifs de maraîchers entre sites étudiés montre que
le site de Kimbanseke enregistre 2082 maraîchers. Les maraîchers effectifs de la coopérative
sont évalués à 7% soit 148 maraîchers coopérateurs. Le site maraîcher de N’djili compte 2081
maraîchers. Ceux qui sont formellement membres de la coopérative représentent 2%. Enfin, le
site maraîcher de Mango comprend 1702 maraîchers parmi lesquels 5% ont adhéré à la
coopérative.
Quant au statut des maraîchers rencontrés sur le terrain, nous relevons deux statuts types
(formel et informel). Le statut formel concerne les maraîchers adhérents à la coopérative.
Nous les avons appelés maraîchers coopérateurs. Ce statut est caractérisé essentiellement par
l’obligation de souscrire un engagement d’activité à titre exclusif (Papon Vidal, 2003, p. 62).
Il s’agit du droit d’adhésion à la coopérative et de la part sociale. Par contre, le statut informel
concerne les maraîchers adhérant à la coopérative à l’époque de la coopération française.
L’analyse comparée entre ces deux types de statuts montre une nette prédominance du statut
informel des maraîchers dans les sites des coopératives. Ce statut couvre les maraîchers dits
«non coopérateurs» et représente 95% des effectifs totaux rencontrés dans les sites étudiés. Il
s’agit d’un statut ignoré des textes régissant les coopératives maraîchères de Kinshasa. Par
contre, les maraîchers qui jouissent du statut formel «soit coopérateur» sont largement sous-
représentés puisqu’ils ne représentent que 5%. Comme nous l’avons exposés dans l’approche
historique, nous rappelons que tous les maraîchers rencontrés sur le terrain étaient tous
membres de la coopérative à des époques différentes. Mais il faut indiquer que certains
d’entre eux n’ont pas pu renouveler les droits d’adhésion ni encore moins les parts sociales
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
130
après les pillages des années 1991 et 1993 et, après le retrait de la coopération. Découragés
suite à la faillite et à la défaillance des comités de gestion de l’époque, les maraîchers se sont
retirés des activités de la coopérative. Ils y travaillent parce qu’ils sont soit propriétaires de la
parcelle occupée, soit locataires ou frères du propriétaire, et se considèrent comme membres
effectifs de la coopérative. Nous les avons appelés par défaut «maraîchers non coopérateurs».
Outre les aspects statutaires des maraîchers, nous constatons une présence féminine
importante dans les effectifs enregistrés dans les SMC enquêtés. Ce constat nous renvoie à la
notion de genre. Nous signalons que le concept genre évoque l’organisation sociale de la
différence entre les sexes et celle de leurs rapports. Penser «genre», c’est penser que le rapport
social entre les hommes et les femmes est déterminant dans tout processus social. Si on utilise
«genre» plutôt que «sexe» c’est uniquement en français, c’est devenu le rôle seul tenu dans sa
dimension sociale plutôt que dans son déterminisme biologique. Or, le mot anglais «sex» a un
sens beaucoup plus restrictif que le mot français «sexe» et les anglophones ne peuvent
l’utiliser sans laisser planer la confusion entre «rapports sociaux de sexe» et «rapports
sexuels», contresens fâcheux. C’est donc, le mot anglais «gender» qui est utilisé par les
anglophones et sa traduction immédiate en français est «genre», un mot sans doute porteur,
dans la langue dont il est issu d’une autre culture.
L’approche en terme de genre permet d’apprécier les interactions entre hommes et femmes
dans le changement de processus environnemental (Yepez, 2001, pp. 483-500 et Hatch, 2000,
p. 308-309). Tel qu’il est conçu dans la présente recherche, le genre permet d’examiner la
manière dont la femme s’intègre et participe au processus d’adhésion à la coopérative pour
trouver des solutions à ses problèmes et prévenir la crise socioéconomique qu’elle traverse.
L’adaptation du concept de genre nous conduit à la notion d’analyse par sexe au sein des
SMC. Il s’agit d’identifier la dynamique des disparités entre les sexes dans la pratique
maraîchère. Cette identification se place fait du point de vue des relations sociales et des
activités. Du point de vue des relations sociales, il s’agit de savoir comment les ‘hommes’ et
les ‘femmes’ sont définis dans un contexte donné. Quels sont leurs fonctions, leurs
responsabilités et leurs rôles normatifs? Par rapport aux activités, l’essentiel est de déceler la
proportion des hommes et des femmes occupés à des tâches productives dans les SMC
enquêtés à Kinshasa. Qui fait quoi, quand et où? Qui exerce les tâches de production, celles de
commercialisation et autres?
L’analyse effectuée sur le rapport femme/homme dans les SMC enquêtés indique
généralement une forte prédominance des maraîchères (60%) par rapport aux maraîchers
(40%). Ce rapport comparé est repris dans la figure nº35 ci-dessous.
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
131
40%
60%
Femme
Homme
Figure 35. Rapport femmes/hommes dans les SMC enquêtés
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
La présence féminine est plus prononcée dans le SMC de Mango à raison de 77% des femmes
contre 23% d’hommes. Dans le SMC de Kimbanseke, la présence des femmes maraîchères
représente 58% contre 42% des hommes. Un cas particulier a retenu notre attention. Nous
l’avons constaté dans le SMC de N’djili ou l’on rencontre actuellement plus d’hommes (65%)
que de femmes (35%). Ce cas montre que l’activité maraîchère longtemps pratiquée par les
femmes devient progressivement une préoccupation masculine. Par contre, il faut signaler que
les femmes sont sous- représentées en raison de 20% des femmes dans les Comités de gestion
des SMC de Kimbanseke et de N’djili. Le seul cas de supériorité numérique des femmes dans
le comité de gestion est remarqué dans le SMC de Mango qui compte 57% des femmes.
Parmi les maraîchers occasionnels rencontrés dans les sites coopérativisés enquêtés, nous
avons recensé des hommes et des femmes pour lesquels l’activité maraîchère dans ces sites
constitue une activité sommaire. Ces acteurs exercent généralement l’activité sur des terrains
en location ou cédés momentanément. Nous les avons recensés parmi les «débrouillards» du
secteur informel, on les recrute chez les petits artisans (couturiers, cordonniers…) ainsi que
parmi les fonctionnaires à revenus réduits. Ils travaillent généralement le week-end, les jours
fériés et souvent en cours de soirée.
Les ouvriers agricoles constituent la main-d'œuvre chargée d’exécuter les tâches agricoles
liées à la production maraîchère moyennant une rémunération. Cette catégorie d’acteurs est
dominée par des personnes qui ne possèdent pas de terre cultivable et ne peuvent ni en
acquérir, ni en louer. Les ouvriers agricoles sont caractérisés par leur mobilité. Il arrive à un
ouvrier agricole de quitter son patron parce que celui-ci ne parvient pas à le payer à cause de
la mévente ou d’une mauvaise planification ou par manque de fonds de roulement. Ils se
recrutent souvent parmi les jeunes élèves et autres catégories de personnes qui offrent leur
service et sont payés régulièrement à la tâche. Très souvent, les jeunes élèves s’occupent de
l’arrosage journalier des légumes, ce qui leur permet d’acheter du matériel scolaire. Les
hommes et femmes adultes désherbent les planches une à trois fois par mois, et obtiennent
ainsi un complément d’argent nécessaire pour faire vivre leur famille.
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
132
L’ouvrier agricole se forme sur le tas, acquiert des petites connaissances agricoles, imite les
techniques des anciens maraîchers et du patron. Le premier travail de l’ouvrier agricole
consiste à puiser de l’eau et à arroser les planches, tâches journalières les plus pénibles de
l’activité maraîchère. Ils assurent également la préparation des plates-bandes destinées aux
cultures maraîchères, le labour et la mise en forme des plates-bandes de cultures, puis le semis
et le repiquage. La relation qui existe entre les maraîchers et les ouvriers se résume au travail
à exécuter. Mais le choix, par les maraîchers, des ouvriers agricoles dans les sites
coopérativisés est influencé d’abord par le facteur de la force physique. En cas de forte
concurrence, le patron fait alors intervenir le facteur relationnel.
Au niveau des entités coopératives enquêtées, nous avons également comparé le rapport
femme/homme. Nous avons constaté, dans les différents comités de gestion, que la présence
masculine aux portes de décision représente une forte proportion (soit 71%), contre une
présence féminine évaluée à 29%.
La catégorie des acteurs externes aux coopératives étudiées concerne toutes les personnes qui
exercent une influence quelconque sur la coopérative, tout en se situant hors d’elle. Nous
distinguons dans cette catégorie les fournisseurs et les vendeurs d’intrants agricoles, les
structures d’appui, les acheteurs-revendeurs de légumes ainsi que les transporteurs.
La catégorie des fournisseurs et vendeurs d’intrants agricoles regroupe les services spécialisés
du Ministère de l’Agriculture et du Ministère du Développement rural. Parmi ceux-ci, nous
mentionnons le Service national des semences, le Service national des fertilisants et d’intrants
agricoles. Nous incluons dans cette catégorie, les commerçants-grossistes et les spécialistes
dans la vente des intrants, les demi-grossistes et les détaillants. Les engrais chimiques, les
pesticides, les semences et le petit matériel agricole constituent l’essentiel de leurs
marchandises.
Les structures d’appui aux coopératives maraîchères sont constituées des services spécialisés
de l’État. Ils sont chargés d’exécuter la politique nationale en matière d'intrants agricoles.
Parmi ces services nous citerons quelques-uns dont :
- Le Service national pour le développement de l’horticulture urbaine et périurbaine
(SENAHUP) ;
- Le Service national des semences (SENASEM) qui assure la production (en partie), la
commercialisation et garantit le contrôle des semences ;
- Le Service national fertilisant et intrant connexes (SENAFIC) ;
- Le Service national de vulgarisation (SNV) responsable de l'exécution de la politique
nationale de vulgarisation ;
- Le Service national d’hydraulique rurale (SNHR) chargé des travaux hydrauliques
(forages et autres) ;
- La Direction des voies de desserte agricoles (DEVEDEA) ;
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
133
- Le Service national d’intégration d’appropriation à la terre (SENIAT).
D’autres services ne se consacrent pas directement et spécialement au secteur horticole, mais
ils contribuent à son développement. C’est le cas notamment :
- Du Service national des coopératives et organisations paysannes (SNCOOP) ;
- Du Service national d’information rurale (SNIR) qui se charge de la conception, de la
production et de la diffusion de l’audiovisuel pour la vulgarisation agricole et
l’animation rurale.
La dernière catégorie faisant partie des structures d’appui est constituée des organisations non
gouvernementales (ONG). Kimpianga (2007, p. 25) définit une ONG comme une organisation
privée qui ne poursuit pas d’objectif lucratif et qui fonctionne selon les lois d’un État
déterminé. Bien qu’elle soit une association sans but lucratif, son domaine d’action est très
diversifié puisqu’elle couvre toutes les activités humaines, comme les secteurs culturel, social,
économique, scientifique, sportif, syndical et humanitaire.
Les ONG locales et internationales font partie d'un groupe d'acteurs participant au
développement local des SMC. Vu l'incapacité de l'État à soutenir de manière adéquate ce
secteur d’activités, ce sont elles qui appuient certaines actions de développement. Elles
constituent actuellement le pivot des stratégies visant les grands domaines de développement,
de la protection de ressources naturelles et des équipements socio-économiques, surtout dans
le domaine rural. Dans les villes, les stratégies des ONG visent davantage le renforcement de
capacités des acteurs locaux par de formations, l’initiation et la sensibilisation aux problèmes
environnementaux et de développement. Les interventions de ces institutions se font soit
directement soit sur la demande de la population cible. Dans le premier cas, les projets sont
amenés de l'extérieur sans que la population participe à la fixation des objectifs et au
processus de leur décision. Dans le second cas, il s’agit des initiatives locales des ONG
intérieures. Parmi celles qui collaborent avec les SMC, nous citerons :
- Le Réseau d’agriculture urbaine de Kinshasa (RAUKIN) ;
- La Fédération des ONG laïques à vocation économique du Congo (FOLECO) ;
- MOKILI MWINDA ;
- Solidarité pour une agriculture biologique intégrée (SOLAGRI).
Les autres acteurs sociaux externes à la coopérative concernent les acheteurs-revendeurs et les
transporteurs. La première catégorie «acheteurs-revendeurs» assure la distribution de la
production. Elle joue le rôle de «pont» qui relie le producteur et le consommateur. La
deuxième catégorie d’acteur «transporteurs» intervient dans l’enlèvement des légumes de
sites de production vers les halles de commercialisation.
Le deuxième élément sur la structure physique d’un SMC concerne les bâtiments, les meubles
et les équipements. Les constats indiquent que le SMC de Kimbanseke et celui de N’djili
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
134
possèdent chacun un bâtiment. Celui de la coopérative Kimbanseke est en bon état. Il est
utilisé à des fins administratives. Par contre, le bâtiment de la coopérative de N’djili sert
d’abri contre les intempéries. Tandis que celui de la coopérative de Mango se trouve dans un
état d’abandon et de délabrement avancé. Il a été entièrement saboté lors des pillages des
années antérieures.
� Structure sociale d’un SMC
Outre la structure physique d’un SMC, nous abordons à présent la structure sociale. Celle-ci
regroupe tous les intervenants de la filière maraîchère. Nous tentons de les hiérarchiser en
indiquant qu’au sommet de ce schéma se situe le Ministère du Développement rural. En plus
de son rôle traditionnel, ce ministère constitue le pouvoir organisateur. Il collabore avec
d’autres ministères selon les spécificités de chacun.
Le Ministère du Développement rural est organisé en secrétariat général, qui supervise les
différentes directions normatives et en services spécialisés susceptibles de soutenir le réseau
horticole urbain.
L’organisation du secteur maraîcher à Kinshasa se trouve sous la responsabilité du Service
national pour le développement de l’horticulture urbaine et périurbaine. Son schéma est repris
dans la figure nº36 ci-dessous.
Figure 36. Organisation du secteur maraîcher à Kinshasa
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
Parmi les différents services nationaux et spécialisés du Ministère du Développement rural,
nous citerons le Service national pour le développement de l’horticulture urbaine et
périurbaine (SENAHUP).
Ce service s’occupe de l’organisation et de la promotion de l’horticulture urbaine et
périurbaine en RD Congo. Le SENAHUP a pour mission de promouvoir l’horticulture urbaine
par la coordination des activités maraîchères et fruitières et l’encadrement des maraîchers
fermiers regroupés en associations d’autogestion.
SMC
Min. Dév. Rural Autres Ministères
Secrétariat général
SENAHUP
ONG Extérieures
ONG Intérieure
UCOOPMAKIN
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
135
Les principaux objectifs du SENAHUP consistent à intensifier la production maraîchère et
fruitière en milieux intra- urbain et périurbain par l’intégration de l’horticulture dans la
gestion des espaces verts, à moderniser les techniques culturales et d’élevage en vue de pallier
la carence en légumes et en viande dans les villes, à réhabiliter les périmètres maraîchers pour
assurer une régularité des approvisionnements urbains et ruraux à toute période de l’année. Il
s’emploie également à augmenter le revenu du maraîcher, à assurer l’éducation coopérative et
à identifier des ressources humaines capables d’assurer le suivi de la politique nationale en la
matière, à implanter progressivement des structures autogérées à travers le territoire national,
et à améliorer le circuit commercial en vue de faciliter la vente des produits horticoles et
d’élevage. SENAHUP exerce ses activités dans les centres urbains et dans les villes (zones
intra urbaines ou périurbaines) du pays. Au niveau national, il est administré par une
coordination nationale secondée dans chaque province par un coordonnateur provincial. À ce
jour, seule la coordination urbaine de Kinshasa est opérationnelle. Elle est dirigée par un chef
de bureau, associé à des techniciens et appuyé par un personnel d’appoint.
L’ensemble des SMC se regroupe dans une plate-forme dénommée Union des Coopératives
maraîchères de Kinshasa (UCOOPMAKIN). Elle fut créée sur initiative des SMC au terme
d’une assemblée générale constitutive du 27 novembre 1987 tenue à Kinshasa. Son agrément
est intervenu sous l’arrêté nºSG/59/BGV/89 du 25 avril 1989 du Gouverneur de la ville de
Kinshasa. Les objectifs de l’union sont inscrits dans l’article 5 du ROI et consistent à
promouvoir et défendre les intérêts des coopératives membres, promouvoir la production et la
commercialisation des produits maraîchers, approvisionner ses membres en intrants ou en
moyens de production, aménager et réhabiliter les infrastructures, obtenir les titres de
propriété de tous les périmètres agricoles de la ville de Kinshasa, sécuriser ses biens et ceux
des coopératives membres, informer et former les membres, appuyer les coopératives dans le
domaine judiciaire et créer des œuvres sociales.
Les organes statutaires de l’UCOOPMAKIN sont l’Assemblée générale, le Conseil
d’administration, le Comité de contrôle, le Comité de surveillance et la gérance. Le siège
administratif de l’UCOOPMAKI (photo nº11) se situe dans la commune urbaine de
Kimbanseke.
Photo 11. Siège administratif de l’UCOOPMAKIN
Source: Auteur, sur base des données d’enquête
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
136
Nous distinguons deux catégories de membres (ordinaires et auxiliaires) au sein de l’union
des coopératives maraîchères de Kinshasa.
Les membres ordinaires sont des coopératives maraîchères fondatrices de l’union et ayant
souscrit à la part sociale (100 $ US)9 et au droit d’adhésion. Cette catégorie regroupe 32 SMC
(personne morale). L’union des coopératives maraîchères de Kinshasa compte 9 sites sur un
total de 32 sites organisés en coopérative (soit un taux d’adhésion à l’union évalué à 28%).
Ces derniers ont libéré leurs parts sociales et leurs droits d’adhésion. Les membres auxiliaires
concernent toutes les coopératives maraîchères qui œuvrent dans le rayon d’action de
l’union,10 mais qui n’ont pas encore souscrit à la part sociale ni, encore moins, au droit
d’adhésion.
Parmi les activités réalisées par l’union, nous citons, entre autres, la sensibilisation des
gestionnaires des SMC pour la participation aux séminaires de formation, le suivi et
l’accompagnement des coopérateurs de base, la défense des périmètres maraîchers contre «les
prédateurs» (chef coutumier), l’exposition des produits maraîchers et l’approvisionnement des
coopératives en intrants agricoles, mais aussi l’échange entre sites par rapport aux techniques
efficaces et à la formation des gestionnaires en droit foncier et règlement des conflits, la
diffusion des principes coopératifs, le suivi et l’accompagnement des coopérateurs en matière
de commercialisation des produits du maraîchage.
7.2.2. Analyse des stratégies déployées par les SMC
Nous rappelons que l’action organisationnelle des SMC est limitée par les besoins en
ressources exprimés en termes des contraintes. Ces dernières sont responsables de la
dépendance vis-à-vis des ressources. Trois types de dépendances ont retenu notre attention
dans le diagnostic des contraintes qui handicapent l’action organisationnelle des coopératives.
Les SMC agissent pour améliorer leur capacité d'action et/ou aménager des marges de
manœuvre vis-à-vis de la dépendance des ressources. La capacité des SMC à contrôler les
ressources et à réduire les contraintes s’appuie sur la théorie de la dépendance des ressources
que nous interprétons à travers les opportunités que recèle l’environnement. C’est à partir de
ces dernières que les SMC déploient des stratégies organisationnelles pour contrôler les
ressources et éviter de céder aux contraintes environnementales. Ces stratégies permettent aux
sites maraîchers de modifier la situation à laquelle ils font face. Elles constituent un moyen
pour améliorer la dynamique organisationnelle de chacun d’eux.
Face aux trois types de dépendance des ressources enregistrées, nous constatons que les
stratégies déployées dépendent non seulement de la nature de la dépendance, mais aussi d’un
SMC à l’autre.
9 Article 8 des ROI 10 Le rayon d’action de l’UCOOPMAKIN est la ville de Kinshasa.
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
137
� Stratégies déployées par le SMC de Kimbanseke
Le Comité de gestion du SMC de Kimbanseke exerce ses activités administratives dans son
siège administratif (photo nº12).
Photo 12. Bâtiment administratif de la coopérative de Kimbanseke
Auteur, sur base des données d’enquête
Le SMC de Kimbanseke initie des stratégies capables de limiter la dépendance des ressources.
En ce qui concerne la dépendance des ressources financières, le site de Kimbanseke recèle
d’énormes possibilités de rentrées. Elles sont constituées par les contributions des maraîchers
adhérents et cela conformément aux dispositions statutaires et réglementaires. C’est le cas de
la collecte des parts sociales fixées à 5$/membre et la collecte des droits d’adhésion fixés à
2,5$/membre. Les cotisations spéciales sont prélevées en cas de besoin et se conforment aux
dispositions réglementaires. Afin de suppléer aux ressources financières de la coopérative, le
SMC de Kimbanseke développe des stratégies sous forme d’autofinancement. Nous citons par
exemple la vente de documents (carte de membre, registre d’identification), la vente d’intrants
agricoles, la vente de légumes issus du jardin collectif de la coopérative, la location d’un
chariot et le loyer d’un bâtiment de la coopérative. Le site de Kimbanseke joue un rôle de
sécurité en veillant sur la qualité des fertilisants et semences vendus dans son périmètre
d’activités.
Au niveau de la dépendance des ressources sociales, il faut noter que le SMC de Kimbanseke
gère des ressources humaines. C’est le cas d’une sentinelle chargée de surveiller les
infrastructures de la coopérative. Elle s’occupe aussi des travaux de jardinage dans le champ
collectif. La coopérative de Kimbanseke entreprend différentes démarches administratives.
Certaines sont orientées vers les institutions de microfinance, elles consistent à aider les
maraîchers coopérateurs dans la constitution des dossiers et l’accompagnement dans la
sollicitation de microcrédit. Les autres démarches sont orientées vers le service des affaires
foncières. Le Comité de gestion de la coopérative entreprend via l’UCOOPMAKIN les
démarches afin de faire doter les maraîchers qui y ont droit, d’un titre de propriété légal. Ce
titre épargne aux maraîchers des tracasseries administratives et policières.
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
138
Les démarches dirigées vers les services communaux consistent dans le suivi de l’application
des différents arrêtés de sécurisation des sites maraîchers.
Parmi ces arrêtés, nous signalons:
- Arrêté nºSC/166/BGV/INSP/DR/2000 du 13 octobre 2000 portant sur la création du
Comité municipal de concertation (CMC). D’après cet arrêté, le comité est chargé
d’identifier les zones de production maraîchère, de définir et de spécifier les besoins
en eau de qualité pour les sites maraîchers, de proposer des solutions à des
problèmes techniques qui se posent dans les sites maraîchers, de proposer des
mesures pour faire appliquer les lois existantes en matières foncières, d’identifier et
de débattre des différents problèmes rencontrés dans la pratique maraîchère.
- Arrêté nºSG/149/BGV/INSP/DR/2001 du 25 mai 2001 créant la Commission
urbaine de protection des sites maraîchers, piscicoles, rizicoles. Cet arrêté confie à la
commission ainsi créée la mission d’identifier tous les sites maraîchers, rizicoles et
piscicoles et d’en recenser les exploitants, d’inventorier tous les services publics et
privés d’encadrement ou d’appui qui opèrent sur ces sites, de mesurer, de délimiter
et de borner lesdits sites au titre de domaine de l’État, d’obtenir des services
compétents de l’État les titres de propriété pour le compte de la ville, de mettre à
jour le plan d’occupation des terres par catégorie d’exploitants, d’inscrire
l’urbanisation des espaces verts à vocation horticole dans le plan directeur de la
ville, d’assurer enfin la gestion administrative et technique de tous les espaces verts
par la signature d’un contrat d’exploitants entre l’Hôtel de Ville, les propriétaires et
les exploitants.
- Arrêté nºSC/043/BGV/INSP/INSP/DR/du 17 novembre 2001 portant Aménagement
et reclassement des paysans, des coopératives, des ONGD et des associations dans
les sites agricoles, fermes et vallées maraîchères non exploitées qui appartiennent à
l’État. Cette décision de l’Hôtel de Ville entrevoit la gestion et l’exploitation des
sites et fermes agricoles abandonnés par des partenaires privés, personnes physiques
ou morales, entreprises, associations et ONGD sur base d’une demande et de la
signature d’un contrat d’exploitation.
- Note circulaire nºSC/0729/BGV-FED/INSP/UR/DR/du 11 avril 2003 relative au
bornage des sites maraîchers, rizicoles et piscicoles par les Divisions urbaines des
affaires foncières. Cette note circulaire du vice-gouverneur de la ville en charge des
questions financières, économiques et de développement, demande aux chefs de
division urbaines des affaires foncières de quatre circonscriptions de la ville de
procéder au bornage sans condition des sites maraîchers afin de mettre un terme au
phénomène de lotissements anarchiques.
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
139
- Implication du Projet HUP/FAO à travers la libération des fonds nécessaires au
démarrage des travaux de bornage dont l’exécution fut confiée au service de cadastre
et à celui de l’urbanisme assisté par le SENAHUP.
Concernant la dépendance vis-à-vis des ressources techniques, les stratégies déployées par la
coopérative de Kimbanseke consistent à :
- Prévenir l’occupation anarchique de la ceinture verte responsable de problèmes
d’ensablement et d’érosion. Les stratégies déployées concernent les démarches
administratives relatives à la sécurisation foncière.
- Répondre aux besoins en ressources hydriques. Les stratégies consistent à aménager
les points de retenue d’eau et à construire des puits. Ceux-ci sont insuffisants pour
desservir les maraîchers répartis dans les blocs de cultures. Ces stratégies se
rapportent également au drainage progressif dans tous les blocs de culture à partir
des rivières environnantes. Ces sources hydriques disponibles ne sont néanmoins pas
tout acquises et contrôlées sans difficulté. Le site de Kimbanseke subit sans relâche
la pression de la population environnante qui s’approvisionne en eau à partir de ces
dispositifs.
- Contrôler la ressource matérielle et des intrants par la présence du petit matériel
(petit outillage et engrais) à travers les marchés de petits commerçants dans les
environs du site maraîcher.
- Atténuer la rareté des engrais par la sensibilisation sur l’usage des fertilisants
organiques notamment le compost, les sous-produits de la brasserie, les déchets des
porcheries et poulaillers.
- Répondre au besoin croissant en encadrement. Le SMC de Kimbanseke se soumet
au dispositif technique de l’École au champ. Celle-ci est chargée d’assurer
l’encadrement et la formation technique des maraîchers membres effectifs de la
coopérative. Loin de se substituer aux services spécialisés du ministère de tutelle,
cette stratégie dynamise le site maraîcher de Kimbanseke du point de vue de
l’encadrement.
� Stratégies déployées par le SMC de N’djili
Les ressources financières du site de N’djili sont constituées essentiellement des contributions
des membres et des activités d’autofinancement. Les contributions des membres sont
réglementées par les textes légaux, dont les statuts et le règlement d’ordre intérieur. Parmi ces
contributions, nous avons retenu celles qui émanent des dispositions statutaires. C’est le cas
par exemple des différentes collectes telles que: les parts sociales fixées à 5$ /membre ; les
droits d’adhésion fixés à 2$ /membre et les cotisations spéciales (selon les circonstances). À
propos des activités d’autofinancement, il faut noter que la coopérative maraîchère de N’djili
s’emploie particulièrement à la location de son lopin de terre. Quant à la dépendance des
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
140
ressources sociales, hormis les ressources humaines constituées par les membres de la
coopérative, le SMC de N’djili ne possède pas du personnel contractuel. On lui reconnaît un
rôle important dans l’administration de la coopérative (accueil des visiteurs, échanges
d’expériences entre sites maraîchers). Concernant la dépendance des ressources techniques,
l’alternative du site maraîcher de N’djili s’applique à des séances de formation des maraîchers
sur place. Ces formations sont moins fréquentes et le taux de participation des maraîchers est
faible par manque de sensibilisation.
� Stratégies déployées par le SMC de Mango
Mango est un quartier de la commune de Kimbanseke. C’est en son sein que se trouve le
SMC de Mango. Nous avons noté, quant aux ressources immobilières, la présence d’un
bâtiment (construit pour servir de bureau) en état de délabrement avancé. Nous y avons trouvé
quelque mobilier dont deux tables, trois chaises et une étagère. Le patrimoine de la
coopérative de Mango est aussi constitué de deux chariots et de deux brouettes en mauvais
état. Le comité de gestion de la coopérative n’entretient aucune activité économico-
productive. Les ressources financières de la coopérative sont constituées, respectivement, des
parts sociales fixées à 5$/membre, des droits d’adhésion fixés à 2$/membre et des cotisations
spéciales recueillies selon les circonstances. Par contre, les activités d’autofinancement se
limitent à la vente des fiches parcellaires et des cartes des membres. Face à la dépendance des
ressources sociales, le SMC de Mango gère toute l’administration de la coopérative. Il réduit
la dépendance des ressources techniques à partir des échanges d’expériences entre maraîchers.
En confrontant les stratégies déployées par les SMC enquêtés, nous relevons trois précisions
essentielles. La première concerne le SMC de Kimbanseke. Celui-ci dispose d’une maîtrise
incontestée quant à la dépendance vis-à-vis de la ressource économique. Il développe plus
d’alternatives que les sites de N’djili et de Mango qui ne se limitent qu’aux dispositions
statutaires.
Au sujet de la difficulté d’encadrement des maraîchers coopérateurs, deux indicateurs
spectaculaires sont à relever. Celui d’une École au champ fonctionnelle et celui des échanges
d’expériences professionnelles entre sites maraîchers. Les séances d’École au champ sont
régulièrement organisées. Elles tiennent compte des problèmes techniques rencontrés par les
maraîchers : c’est le cas des maladies des cultures, des attaques des légumes par les insectes,
des difficultés d’application et du non-respect de la rémanence des engrais et pesticides
chimiques, du manque d’informations sur les techniques culturales (sarclage, semis en
pépinière et semis direct) entre autres.
En ce qui concerne la rareté et le coût élevé des engrais conventionnels, la confrontation des
stratégies relève la capacité du site de Kimbanseke à rendre disponibles les engrais
conventionnels et les fertilisants organiques tels que drêche, fumier des fermes, déchets
biodégradables et compost. Cette aptitude à utiliser la matière organique constitue pour le
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
141
SMC de Kimbanseke l’unique façon efficace de penser le développement d'une activité de
recyclage des déchets urbain.
Quant à la sécurisation foncière, le comité de gestion de la coopérative de Kimbanseke
entreprend les démarches auprès des services de cadastre afin d’obtenir pour ses membres les
titres de propriété des lopins de terre cultivée.
Pour ce qui est de la commercialisation des légumes, le comité de gestion de la coopérative de
Kimbanseke amorce des contacts avec les gros consommateurs (restaurants et supermarchés)
de la place afin d’envisager la vente planifiée des légumes.
Sur le plan administratif, le comité de gestion de la coopérative de Kimbanseke montre une
aptitude organisationnelle remarquable à travers la rédaction de rapports d’activités, les
évaluations de la production et les permanences de bureau.
La deuxième précision concerne les SMC de N’djili et celui de Mango. Nous constatons que
hormis leurs capacités créatrices d’emploi (voir différents bénéficiaires), les deux SMC n’ont
pas résolu les problèmes épineux tels que la faible sensibilisation des maraîchers et la faible
assimilation des principes coopératifs. De surcroît, le nombre réduit d’activités financières, le
désintérêt à l’égard des activités de la coopérative et l’absence d’une École au champ sont
autant des maux qui bloquent le dynamisme de ces coopératives.
Nous retenons dans l’ensemble que les trois SMC (Kimbanseke, N’djili et Mango) enquêtés
présentent des caractéristiques internes communes. Ils sont régis par les mêmes principes
coopératifs identifiés à travers les statuts et le règlement d’ordre intérieur. Ce sont des
structures simples avec une présence influente féminine sur le terrain. Ils évoluent tous dans le
même rayon géographique (Kinshasa Est). Ils subissent les mêmes influences de
l’environnement et sont par conséquent dépendants vis-à-vis des ressources correspondantes
aux mêmes contraintes environnementales. Cependant, l’analyse comparative permet de
mettre en évidence la dynamique organisationnelle du SMC de Kimbanseke nettement plus
forte que celle impulsée par le site de N’djili et celui de Mango au niveau social, économique
et technique.
D’un point de vue social, trois aspects ont retenu notre attention. Les SMC dégagent les
possibilités d’emploi via différents bénéficiaires. Ils permettent la réinsertion et l’intégration
des maraîchers. Ils favorisent l’accessibilité, la disponibilité, la qualité et la quantité des
légumes cultivés (lutte contre l’insécurité alimentaire).
D’un point de vue économique, nos analyses insistent sur la capacité à générer le revenu. Les
indicateurs formels (dispositions statutaires et réglementaires) et informels (stratégies des
SMC) ont retenu notre attention. Hormis le SMC de Kimbanseke qui déploie une diversité
d’activités économiques productives, les deux autres sites (N’djili et Mango) ne se limitent
qu’aux dispositions statutaires. Parmi les indicateurs formels (activités statutaires), nous
avons noté successivement la mobilisation et la perception du capital social, la perception de
droits d’adhésion et la perception des cotisations spéciales. Par contre, les indicateurs
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
142
informels (activités non statutaires) sont centrés sur les activités d’autofinancement. Il s’agit
entre autres de la vente des semences, la vente des engrais, la vente des pesticides, la vente
des cartes de membres, la vente des fiches parcellaires, les recettes des jardins collectifs, la
location de matériel ainsi que des revenus immobiliers (bâtiment, lopin de terre). La gestion
de ces ressources financières est réglementée par les dispositions internes de chaque
coopérative.
D’un point de vue technique, il faut signaler que l’École au champ permet d’éveiller les
maraîchers sur les stratégies capables d’améliorer les conditions de travail des maraîchers. Ce
dispositif est opérationnel, mais il fonctionne à des degrés divers dans les trois SMC. Les
enquêtes montrent que la quasi-totalité des maraîchers du site de Kimbanseke participent aux
séances de formation organisées au sein de la coopérative. Par contre, dans la coopérative de
N’djili, l’École au champ n’est pas suffisamment opérationnelle alors que la pratique est quasi
inexistante dans la coopérative de Mango.
De ce qui précède, nous avons noté globalement que les maraîchers, tout statut confondu, ont
bénéficié des acquis des organisations importées, notamment le projet CECOMAF sous
l’assistance technique de la coopération française. Ces acquis ont permis aux maraîchers de
mettre en œuvre des stratégies associatives informelles. Les maraîchers individuels ont su
valoriser les capacités qu’ils possèdent afin d’accumuler les ressources. C’est le cas de trois
types des capitaux (économique, culturel et social) largement traité dans les trois chapitres
précédents. Par contre, les acteurs collectifs ont su développer des stratégies afin de
redynamiser le fonctionnement organisationnel des coopératives.
Mais il faut cependant retenir qu’au-delà des stratégies déployées par les acteurs, la finalité
n’est pas la croissance du chiffre d’affaires en tant que tel (car les ressources financières
disponibles dans le comité de gestion de chaque coopérative ne sont pas suffisantes), ni même
la création d’emploi, mais surtout les services rendus aux maraîchers pour l’accroissement de
leurs activités. À l’inverse, c’est lorsque ces structures perdent de vue cette finalité qu’elles
périclitent. Il faut également signaler que malgré cette accommodation des acteurs, les
réactions des maraîchers individuels vis-à-vis des stratégies de coopératives varient selon les
acteurs et les SMC enquêtés. Nous avons choisi d’analyser cet aspect dans la section suivante.
7.2.3. Réactions des acteurs individuels vis-à-vis des stratégies des coopératives
Les maraîchers rencontrés dans le cadre de cette étude travaillent tous dans les sites organisés
en coopératives. Mais, face aux stratégies déployées par celles-ci, les maraîchers réagissent
différemment. Nos constats révèlent que ces réactions dépendent du statut de chacun d’eux.
Différencier les maraîchers en fonction de leur statut signifie les situer par rapport à leur
adhésion à la coopérative. Or, sur le terrain, nous remarquons que les maraîchers se
considèrent tous comme membres des coopératives dans lesquelles ils évoluent alors que ce
n’est pas le cas. Nous avons noté, trois différents types de réactions des maraîchers. Si
certains d’entre eux poursuivent des objectifs relativement similaires et sont impliqués dans
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
143
un «même combat» celui de réduire les contraintes qui les préoccupent, d’autres ont des
positions divergentes, voire antinomiques. Ils sont favorables, ils hésitent par moment et
s’opposent parfois à toutes les stratégies initiées par les coopératives.
La première réaction provient des maraîchers novateurs : ils réagissent favorablement aux
initiatives locales des coopératives. Ils se caractérisent par l’adhésion facile ou totale à la
coopérative ; la participation et l’application couronnées de succès des orientations techniques
de l’École au champ et des échanges d’expériences.
Le deuxième type est celui des maraîchers hésitants. Ils sont caractérisés par une adhésion
partielle à la coopérative. Très souvent, les maraîchers hésitants évitent de s’engager par
rapport aux initiatives locales (sollicitation de crédits, participation aux séances d’École au
champ et aux échanges d’expériences entre sites) organisées par leurs coopératives
respectives.
La troisième réaction concerne les maraîchers hostiles, ceux qui affichent une opposition
quasi totale aux initiatives locales. Ils sont généralement opposés à toute proposition de
changement. Ils travaillent à l’écart des autres et ils n’adhèrent à aucun regroupement de
maraîchers.
Nous avons cherché à épingler les motivations à la base d’hésitation et d’hostilité de certains
maraîchers. Mais il importe de signaler que l’ensemble des conflits entre acteurs n’a pas été
saisi, les maraîchers nous ont révélé de manières évasives, le manque de transparence dans la
gestion des mandats des Comités de gestion précédents ainsi que la subjectivité, parfois la
passivité constatée dans le suivi des dossiers de sollicitation de microcrédit.
7.3. Évaluation de la dynamique des acteurs du point de vue du développement
Nous apprécions dans cette section, la dynamique des acteurs du point de vue du
développement. Cette dynamique considérée d'innovante implique d’une part, la valorisation
des capacités et la mise en place de nouvelles pratiques par les maraîchers considérés
individuellement. Et d’autre part, le déploiement des stratégies organisationnelles par les
acteurs collectifs.
7.3.1. Potentiel du développement local du secteur maraîcher Kinois
La dimension locale telle qu’évoquée dans cette section dépend d’une combinaison de
facteurs (géographiques, historiques, culturels, administratifs, économiques et sociaux). En
d’autres termes, le «local» se rapporte à l'environnement immédiat dans lequel l’activité
maraîchère se crée, se développe et trouve des services et des ressources.
En confrontant la dimension locale du développement à la littérature développée par Long
(2001), l’essentiel de cette analyse se questionne sur les processus de développement social et
économique du secteur maraîcher dans la ville de Kinshasa. L’auteur pense que le
développement économique et social fait référence à l'ensemble des mutations positives
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
144
(techniques, démographiques, sociales, sanitaires...) que peut connaître une zone
géographique (monde, continent, pays, région, quartier, localité). Notre analyse place ces
mutations en regard de leurs impacts sur la localité représentée dans cette étude par les SMC.
D’après les observations et entretiens réalisés sur le terrain, nous estimons que les maraîchers
qui se regroupent, se structurent et s’organisent sont capables d’imagination, de créativité et
d’autonomie. Tandis que les SMC offrent un potentiel de ressources humaines (ouvriers
agricoles, acheteurs-revendeurs, vendeurs d’intrants et transporteurs), de ressources
financières (recettes de la vente des légumes), de ressources naturelles (terre cultivable,
déchets biodégradables entre autres), de ressources physiques dont les infrastructures
éducatives (École au champ et échanges d’expériences) et de ressources institutionnelles
(Comité de gestion des entités coopératives). La mobilisation et la valorisation de toutes ces
ressources permettent d'améliorer les conditions de travail dans les sites maraîchers.
Nous déduisons que le développement local du secteur maraîcher kinois n'est pas un
processus mécanique, il est avant toute l'affaire d'intervenants, d'acteurs qu'il faut mettre en
rapport et mobiliser pour assurer leur participation et stimuler une synergie créatrice, porteuse
d'effets de développement.
7.3.2. Caractéristiques essentielles de la dynamique impulsée par les acteurs
L’analyse faite, sur les capacités valorisées par les acteurs individuels et les stratégies initiées
par les acteurs collectifs, nous permet de dégager quelques caractéristiques essentielles de la
dynamique impulsée par les acteurs du secteur maraîcher de Kinshasa. Nous rappelons que la
dynamique dégagée par les acteurs se rapporte aux stratégies responsables d’une
transformation sociale, économique et culturelle des SMC enquêtés. Parmi les réalités
complexes et pluri-dimensionnelles de changement qui entrent en ligne de compte de cette
dynamique, nous rappelons celles relatives «au mode de financement adopté par les acteurs ; à
la formation et au développement relationnel».
De l’examen des stratégies des acteurs, nous relevons quatre caractéristiques imputées à cette
dynamique. Elle est émergente, globale, intégrée et participe à l’autodéveloppement. À la
suite des auteurs tels que Abdel- Ell Malek (1984, pp. 23-28); Mianda (1996, p. 160-162);
Kimpianga (2007, p. 41-42); Blardone (1981, pp. 11-29) et Long (2001), chacune des
caractéristiques sont expliquées :
- Cette dynamique valorise des pratiques très imaginatives, mobilise des ressources
humaines, financières et matérielles locales et, suscite des comportements novateurs
axés sur la prise en charge, la créativité et l'esprit d'entreprise.
- Elle est globale dans le sens où elle prend en compte tous les secteurs de la vie et
exige la participation de tous les acteurs agissants dans le secteur considéré.
- La dynamique s’avère intégrée dans la mesure où elle assure une cohésion
harmonieuse des classes sociales. Elle vise à substituer des productions locales aux
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
145
importations grâce à la protection de l’agriculture et de l’industrie locale. Un tel
développement autocentré est fondé sur le principe de «camper sur ses propres
forces ou efforts» et de satisfaire tout d’abord les besoins primordiaux de sa
communauté.
- La caractéristique d’autodéveloppement renvoie à la prise en charge individuelle et
collective.
Globalement, la dynamique impulsée par les acteurs est un processus endogène. En effet, elle
prend bien naissance à l’intérieur des SMC sur base d’initiatives spontanées. Elle est le fait de
la créativité et de l’adaptation des entités coopératives elles-mêmes, sans que les choix
résultent d’une intervention extérieure.
Elle constitue donc un processus de développement par le bas. Ce type de développement est
basé principalement sur la ré-appropriation partiellement au moins des organisations
importées (coopératives).
Nous précisons ici que le développement par le bas, ou encore son aspect local n’exclut pas
les dynamiques régionales, nationales ou mondiales. Toutefois, il place les acteurs au cœur
des efforts du développement de leurs sites maraîchers. Nous identifions le caractère local du
développement auquel tend le maraîchage kinois par trois axes directeurs.
- La rupture avec les formes de dépendances prévisibles dans les sites maraîchers :
elle se remarque à travers la valorisation des capacités et des stratégies des acteurs.
- Le retour sur soi : les acteurs comptent d’abord sur leurs propres efforts avant
d’avoir recours à un appui exogène. Cet axe permet aux acteurs d’entreprendre leur
développement «par eux et pour eux» et à s’auto organiser dans leur propre
environnement.
- L’utilisation des techniques culturales appropriées issues des échanges d’expériences
(entre maraîchers) et de l’École au champ.
7.3.3. Processus de développement du secteur maraîcher kinois
Les principales illustrations du développement par le bas du secteur maraîcher de Kinshasa
portent d’abord sur l’imagination et la créativité, ensuite sur l’autonomie et la solidarité des
acteurs.
De l’imagination à la créativité des acteurs, les stratégies déployées pour réduire les
contraintes rencontrées dans la pratique maraîchère et dans l’action organisationnelle sont
considérées comme des cas illustratifs. Les acteurs individuels et collectifs combinent mille et
une astuces afin de produire, de vendre et d’assurer le fonctionnement organisationnel leurs
coopératives respectives. Les cas concrets attestant l’imagination et la créativité des acteurs
sont largement décrits dans les chapitres précédents. Cela ne nous empêche pas d’ajouter
quelques propos, particulièrement illustratifs, recueillis auprès de ces mêmes acteurs.
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
146
Nous retenons ici la question cruciale de l’amendement du sol. En effet, la production
maraîchère nécessite un apport important d’amendements organiques. Pour se faire, les
maraîchers cherchent des solutions de substitution, ils procèdent au ramassage et à la
revalorisation des déchets biodégradables qu’ils enfouissent dans le sol afin d’en améliorer la
qualité.
Voilà comment un maraîcher évoque sa pratique :
«Pour lutter contre la pénurie de fertilisants, je
recours aux ordures ménagères. Je les rassemble
dans mon quartier. Quand je les accumule en
quantité suffisante, j’envoie un ouvrier pour les
chercher à l’aide d’une pousse- pousse.»
En évacuant les déchets ménagers de leurs quartiers, les maraîchers participent, en amont, à la
salubrité, soit à l’assainissement de leur milieu. Ces déchets sont constitués des ordures
ménagères et des résidus des élevages de poules, porcs et autres. Ces déchets sont récupérés
puis compostés. Le compost qui en résulte joue un rôle agronomique important dans les
exploitations maraîchères. Il offre de multiples avantages dont la croissance des végétaux et
des racines, l’amélioration du rythme de diffusion des nutriments, l’amélioration de la
porosité du sol, l’amélioration de la capacité de rétention d’eau et la limitation de l’apparition
des maladies (Muzingu, 2005, pp. 61-63).
À côté des avantages cités, les auteurs dont Moustier et Pagès (1997); Margiotta (1997a, p. 6);
Broutin et al. (2005, p. 28) et Muzingu (2005, pp. 60-63; 2007, p. 96) indiquent l’impact
positif de la filière maraîchère sur l'assainissement du milieu. Cet avantage se rapporte au
ramassage et de la revalorisation des déchets. Les auteurs considèrent que le compost dans la
diversité de sa fabrication permet de corriger et de favoriser le maximum de vie biologique
utile dans le sol. Il renferme en lui une action herbicide, une activité biologique, une action
pesticide et fertilisante. Cependant, il faut noter que malgré l’efficacité agronomique des
composts, la technique de fabrication n’a pas encore conquis l’ensemble des maraîchers. Ils
évoquent des raisons limitées au manque de temps, à la pénibilité de la technique, à la qualité
des ordures et à l’éloignement des sites de compostage.
La problématique de la perte de qualité ou encore dégénérescence des semences est également
intéressante à régler. Les maraîchers recourent à l’autoproduction des semences afin de
pérenniser la production des légumes. Cette pratique rencontre succès et admiration de la part
des acteurs.
Le témoignage suivant le confirme :
«Oui, avant j’avais de sérieuses difficultés avec
mes semences. Mais, maintenant, je n’achète plus
les graines de certains légumes tels que l’amarante
et les autres. Je laisse pousser les plants vigoureux
Deuxième partie: État habilitant de l’environnement des SMC
147
jusqu’à sécher afin de reprendre les semences.
Elles se conservent sans se détériorer.»
Revenons à présent à l’autonomie et à la solidarité des acteurs. Nous les explicitons par
quelques exemples de maraîchers. Rappelons le cas de la mise sur pied des activités
économico-productives initiées par les Comités de gestion des coopératives. Un autre
exemple est l’opérationnalisation d’une École au champ et d’échanges d’expériences entre
maraîchers. Cette disposition s’appuie sur l’autoformation des maraîchers. Elle consiste à
apprendre aux maraîchers les nouvelles techniques culturales et constitue l’unique façon pour
eux de se prendre en charge du point de vue de l’encadrement.
Quant à l’aspect socialisateur, il faut signaler qu’il se réfère au développement relationnel des
maraîchers. Ces relations font intervenir les liens tissés au sein de la famille, de l’Église et de
la communauté linguistique. Ces liens permettent aux maraîchers de mobiliser les ressources
dont ils ont besoin afin de pérenniser l’activité maraîchère.
7.4. Conclusion
Les acteurs collectifs sont soumis à des contraintes qui freinent l’action organisationnelle des
coopératives. Pour remédier à ces contraintes, les acteurs collectifs déploient des stratégies
organisationnelles. Celles-ci constituent des facteurs mobilisateurs de ressources et permettent
aux coopératives d’assurer l’élan financier et la fiabilité des techniques culturales. Nous les
considérons comme une dynamique montante ou encore comme une ouverture vers
l’épanouissement des SMC en particulier et du secteur maraîcher kinois en général.
Conclusions générales
148
Conclusions générales
Conclusions générales
149
CHAPITRE 8. CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES Le dernier chapitre de cette thèse se concentre sur un ensemble d’éléments qui permet de
dresser une conclusion générale de notre étude. Il examine la véracité des hypothèses
avancées et présente les perspectives en vue de renforcer les stratégies déployées par les
acteurs.
8.1. Rappel des objectifs de la présente étude
L’objectif principal poursuivi dans la présente étude était d’analyser les différentes incidences
(négatives ou positives) de l’environnement sur les maraîchers considérés individuellement, et
sur leurs organisations (coopératives maraîchères).
De ce qui précède, nous avons dégagé trois objectifs spécifiques dont :
- Identifier et analyser les contraintes qui handicapent l’activité maraîchère et l’action
organisationnelle des SMC ;
- Noter les stratégies informelles initiées par les maraîchers, individuellement et
collectivement, vis-à-vis des contraintes environnementales rencontrées dans les SMC
enquêtés ;
- Évaluer la dynamique des acteurs du point de vue du développement.
8.2. Rappel des hypothèses de la présente étude
Confrontés aux questions de recherche à la base de notre étude, nous avons avancé trois
hypothèses. Elles examinent, respectivement, la nature des contraintes, les stratégies des
acteurs individuellement et collectivement. La première insiste sur la diversité des contraintes
identifiées quant à la production et à la commercialisation des légumes. La seconde montre
que les maraîchers s’affranchissent des contraintes qui pèsent sur eux en valorisant les
capacités qu’ils possèdent afin d’accumuler les ressources sous forme des capitaux. Et, la
troisième hypothèse indique que les stratégies par lesquelles les SMC évitent leurs contraintes
contribuent de manière différenciée à la dynamique organisationnelle des entités coopératives.
8.3. Vérification des hypothèses de la présente étude
De l’examen des objectifs poursuivis dans cette étude et des hypothèses avancées, nous avons
organisé l’ensemble de notre thèse en deux niveaux d’analyse.
Le premier niveau a fait état de multiples incidences négatives de l’environnement sur
l’organisation. Cet état est considéré comme contraignant, et se réfère aux contraintes
rencontrées par les maraîchers. Ces contraintes sont liées les unes et les autres. Elles
concernent la production et la commercialisation des légumes. Au niveau des entités
coopératives, les contraintes identifiées sont responsables de la dépendance vis-à-vis des
ressources, et constituent autant de facteurs régressifs à la dynamique organisationnelle.
Conclusions générales
150
Le deuxième niveau a fait état des opportunités que recèle l’environnement. Cet état est
considéré comme habilitant et concerne les ressources que les maraîchers cherchent à
contrôler afin de réduire les contraintes rencontrées. Pratiquement, les maraîchers individuels
valorisent des capacités nommées capitaux. Tandis que les comités de gestion des
coopératives développent des stratégies dites organisationnelles.
Concernant les capacités valorisées par les maraîchers, nous avons analysé, singulièrement,
trois types de capitaux (social, économique et culturel).
D’abord, le capital économique. Pour faire aux contraintes financières, les maraîchers
recourent à l’épargne, au microcrédit et au «travail à l’exploitant». Les ressources financières
obtenues grâce à ces pratiques informelles permettent aux maraîchers de faire face aux
dépenses d’exploitation. Les recettes attendues de la vente des légumes, bien que minimes,
offrent aux maraîchers un complément de revenu permettant de mieux satisfaire leurs besoins
quotidiens.
Ensuite, le capital culturel. Face aux nombreuses contraintes techniques, les maraîchers
valorisent les connaissances et compétences acquises grâce à la formation. Celle-ci a lieu
essentiellement lors des séances d’École au champ et des échanges d’expériences entre
maraîchers. Les mérites de cette formation consistent à éveiller et orienter les maraîchers par
rapport aux contraintes techniques rencontrées. L’objectif affiché est d’aider les maraîchers à
réaliser une meilleure production et à assurer une bonne commercialisation des légumes. Cet
objectif se vérifie à travers quelques indices des effets de la formation. Nous avons retenu :
l’indice élevé d’utilisation de la terre pour chaque type de légumes cultivés, la superficie
moyenne exploitée admissible pour chaque maraîcher, le bon indice de diversification des
légumes cultivés dans le SMC, l’usage adéquat des fertilisants organiques, le rendement
cultural acceptable par unité de surface cultivée et un bon statut d’accès aux espaces cultivés.
Enfin, le capital social. Les maraîchers valorisent les différents liens (familiaux, linguistiques
et religieux) qui s’offrent afin de se socialiser dans le milieu et de mobiliser les ressources
sociales dont ils disposent, qu’il s’agisse des ouvriers agricoles, des commerçants-
revendeurs, des vendeurs d’intrants, des transporteurs et autres.
En dépit des capacités dont disposent les maraîchers individuels pour faire face aux
contraintes rencontrées, nous constatons qu’ils ne parviennent pas à les éradiquer. Si certaines
contraintes sont facilement atténuées à partir des capacités valorisées par les maraîchers, ce
n’est pas le cas pour toutes. Nous avons ciblé quelques cas concrets de problèmes récurrents
tels que l’instabilité des prix de vente des légumes, le coût élevé et la mauvaise qualité des
engrais conventionnels, la dégénérescence des semences, la minceur des moyens financiers.
Ces contraintes dépassent l’imagination individuelle des maraîchers et nécessitent
l’intervention du pouvoir en place à travers les actions définies dans un plan de
développement du secteur maraîcher de Kinshasa.
Conclusions générales
151
Outre les acteurs individuels (maraîchers), nous avons montré que les stratégies déployées par
les acteurs collectifs (entités coopératives) vis-à-vis de la dépendance des ressources diffèrent
d’une coopérative à l’autre. L’analyse contrastée des stratégies développées par les SMC vis-
à-vis de la dépendance de ressources similaires a permis de catégoriser le site de Kimbanseke
comme étant le plus dynamique en comparaison de ceux de N’djili et de Mango.
Cette dynamique est essentiellement caractérisée par une énorme possibilité d’emploi (via un
effectif de maraîchers et d’ouvriers agricoles), une bonne capacité administrative via la
cohésion dans le comité de gestion, une diversité des activités d’autofinancement (activités
statutaires et non statutaires), une aptitude à assurer la formation (École au champ, échanges
d’expériences) ainsi que la valorisation des compétences (techniques culturales efficaces).
La dynamique impulsée par le site de Kimbanseke relève tant de l’esprit de créativité que de
la solidarité des acteurs. Il s’agit d’une dynamique émergente, globale, intégrée, auto centrée
et d’autodéveloppement. Elle relève du développement «par le bas» et se caractérise par un
développement relationnel, un élan financier et une fiabilité des techniques culturales.
À l’inverse, l’assimilation précaire des principes coopératifs, la méfiance des maraîchers vis-à-
vis des comités de gestion des coopératives, la faible opérationnalisation ou l’inexistence d’un
dispositif local d’encadrement et l’absence d’activités d’autofinancement constituent pour le
SMC de N’djili et celui de Mango autant de facteurs régressifs.
Somme toute, nous avons constaté que les SMC n’arrivent pas toujours à jouer pleinement
leurs rôles de facilitateurs des actions des maraîchers. Les stratégies encourageantes sont plus
observées dans le site coopérativisé de Kimbanseke, alors que dans les deux autres sites
coopérativisés (N’djili et Mango) les stratégies face à la dépendance des ressources sont
presque nulles. Ces dépendances sont responsables de la fragilité organisationnelle constatée
dans les comités de gestion des sites coopérativisés.
8.4. Perspectives
Les perspectives développées visent à la fois la valorisation des capacités des acteurs
individuels et le renforcement des stratégies organisationnelles des acteurs collectifs. Ces
perspectives gravitent autour du secteur institutionnel, de la redynamisation fonctionnelle des
sites coopérativisés, de l’organisation des divers approvisionnements et de la
commercialisation des légumes.
8.4.1. Perspectives institutionnelles
Dans le cadre de ce travail, les perspectives institutionnelles concernent trois secteurs distincts
à savoir le secteur foncier, le secteur législatif et le secteur du transport.
Le secteur foncier constitue un problème crucial rencontré par les maraîchers des sites
coopérativisés. Nous l’avons largement exposé dans le chapitre relatif à l’analyse des
contraintes. Mais nous souhaitons pour ce secteur, mettre l’accent sur la nécessité d’accorder
Conclusions générales
152
les titres de propriété aux maraîchers dont les dossiers répondent aux exigences du service de
tutelle. Ces titres garantiraient la sécurité et la pérennité des espaces cultivés par les
maraîchers. Pour renforcer cette finalité, la collaboration entre les comités de gestion des
coopératives et les administrations communales concernées sont éminemment souhaitables.
Les autres démarches devront être entreprises en vue de la sécurisation des ceintures vertes
des sites maraîchers. Une telle initiative protégerait les sites maraîchers, en amont, des
occupations anarchiques et, en aval, elle réduirait substantiellement les cas d’érosion et
d’ensablement constatés dans les SMC enquêtés.
Concernant les actions des autorités coutumières, administratives et des élites concernant le
statut foncier des terres cultivées et le mode d’accès, il est nécessaire de mettre en application
des mesures légales ou administratives afin d’accroître la sécurisation foncière et de limiter
les abus de pouvoir dans les zones périurbaines. Cette recommandation s’appuie sur le constat
selon lequel certaines autorités coutumières vendent et revendent une même portion de terrain
à plusieurs personnes sans pour autant être inquiétées.
Relativement au secteur législatif, nous constatons une dichotomie entre l’existence de textes
de loi et la non-application des règles normatives et règles d’usage en agriculture urbaine et
péri urbaine. Il convient de noter que la mise en place de lois sans aucun suivi constitue un
effort nul. Loin de vouloir formuler de nouvelles réglementations, nous souhaiterions la mise
en application et le suivi strict de formes de lois qui existent. Cette suggestion est conforme
aux différents textes de loi non négligeables dans ce secteur d’activité. C’est le cas de l’alinéa
de l’arrêté nº SG/149/BGV/INSP/DR/2001 du 25 mai 2001 portant création de la commission
urbaine de protection des sites maraîchers, piscicoles et rizicoles. Signalons que malgré la
diffusion de cet arrêté, aucun effet n’est perceptible sur le terrain.
La mise en application de cet arrêté concernant l’organisation en matière de fixation des prix
et de mode de vente, l’occupation anarchique des périmètres maraîchers et l’évacuation des
eaux de canalisations et celles d’irrigation permettrait aux maraîchers de contrôler les prix de
vente des légumes, d’harmoniser le mode de vente (exemple de la vente par kilogramme), de
sécuriser les périmètres maraîchers, de réduire les risques de contamination de légumes et
d’en garantir la qualité.
Le secteur du transport est lié à celui de l’aménagement des travaux publics et constitue un
problème qui se pose de façon criante à Kinshasa. Il concerne l’acheminement des produits
maraîchers vers les marchés et celui des intrants agricoles vers les périmètres maraîchers.
Certes, nous ne possédons pas les moyens, et ce n’est d’ailleurs pas notre rôle de proposer une
solution globale aux problèmes qui affectent le transport. Cependant, en ce qui concerne les
SMC, il nous semble possible d’améliorer sensiblement la situation actuelle dans l’attente
d’une amélioration de la situation générale du secteur de transport. Parmi les actions à
entreprendre, nous pensons spécialement à la remise en état et l’entretien des pistes de
desserte. Cette réalisation prendrait en compte les avis des maraîchers, premiers bénéficiaires
du projet, et nécessiterait une participation active des décideurs locaux.
Conclusions générales
153
8.4.2. Redynamisation des structures coopératives étudiées
La redynamisation des structures coopératives nous paraît fondamentale pour l’amélioration
de conditions du secteur des maraîchers. Elle doit améliorer plusieurs facteurs, dont le faible
taux de coopérativisation, les mesures d’encadrement et de sensibilisation ainsi que le
renforcement des activités d’autofinancement.
Le premier facteur, la stratégie organisationnelle, consiste à prouver aux maraîchers des sites
coopérativisés l’intérêt d’un tel type d’organisation. Il est évident que cela ne constitue pas
une tâche facile, et que bien de sacrifices sont indispensables. Cependant, les maraîchers sont
capables de jouer pleinement un rôle syndical clairement défini dans les statuts et règlements
d’ordre intérieur des entités coopératives s’ils y trouvent leur intérêt et s’ils bénéficient d’une
sensibilisation adéquate.
Le volet sur la redynamisation des entités coopératives suppose d’intégrer les mesures
d’encadrement en insistant sur le volet formation reposant sur le dispositif d’École au champ.
Cette formation doit insister sur les techniques culturales appropriées capables de pérenniser
l’activité maraîchère et d’approvisionner Kinshasa en légumes divers.
Un autre aspect des mesures d’encadrement consiste à le renforcer les concertations entre
acteurs, soit la mise en valeur des journées d’information réunissant des représentants des
SMC, des commerçants, des consommateurs, des agents des services techniques et des
organisations non gouvernementales. Lors de ces journées d’information, des discussions en
groupe peuvent être organisées afin de favoriser les échanges d’expériences entre acteurs
impliqués dans la filière maraîchère. En cette occasion, les commerçants peuvent exprimer
leurs demandes tandis que les producteurs peuvent signaler leurs contraintes. Avec l’appui
des techniciens, ils proposent ensemble des solutions pour produire les légumes selon les
exigences des marchés. Les autres préoccupations lors des échanges d’expériences gravitent
autour de la nature des légumes à produire des approvisionnements divers, de la distribution
et de la commercialisation.
Concernant la nature des légumes à produire, nous avons constaté qu’actuellement les
légumes locaux ont conquis la première place dans les SMC de Kinshasa pendant que les
légumes européens s’avèrent intéressants sur le plan commercial. Pour encourager les
maraîchers à pratiquer les légumes européens, trois paramètres méritent une attention
particulière. Il faudrait d'abord qu’il existe une demande solvable de ces légumes. Or, le plus
souvent, elle n’émane pas des étrangers présents à Kinshasa ni des couches aisées de la
population locale. Ensuite, il serait nécessaire que la commercialisation soit organisée de
façon à garantir aux producteurs un prix justifiant les efforts consentis et les risques
supplémentaires auxquels ils devront faire face. Enfin, le souhait serait de réserver une
attention particulière au choix des espèces et variétés à cultiver, et à la disponibilité des
semences correspondantes en quantité suffisante et au moment voulu. Ces trois conditions
paraissent élémentaires, mais devront permettre aux maraîchers d’augmenter leurs revenus en
s’adonnant, raisonnablement, à la culture de légumes de type européen.
Conclusions générales
154
Le dernier élément à considérer dans la dynamique des structures coopératives concerne le
renforcement des activités économico productives. Nous exprimons le souhait de pouvoir
diversifier les activités d’autofinancement. Ces dernières pourraient surtout être orientées vers
la vente des intrants (semences, fertilisants et matériel agricole) et la production des légumes
de bonne qualité. Il ne suffit pas de les diversifier, mais également à veiller sur leur rentabilité
afin de créer des rentrées financières et d’accéder enfin à l’autonomie financière.
8.4.3. Approvisionnements divers
Ces approvisionnements concernent le matériel, les semences, la matière organique et l’eau
d’arrosage. En ce qui concerne l’approvisionnement en matériel de travail, il s’avère
important de noter que, réunis en coopérative dans leurs sites respectifs, les maraîchers
pourront bénéficier non seulement de meilleures conditions protectrices émanant de la
coopérative, mais aussi de l’utilisation en commun du matériel dont l’achat s’avérerait
accessible et plus rentable que pour un maraîcher isolé. Ceci concerne surtout le matériel de
pulvérisation et, éventuellement, la location d’une fourgonnette afin d’assurer aussi bien le
traitement des cultures que le transport des intrants et des légumes.
En ce qui concerne l’approvisionnement en semences, le meilleur moyen pour éviter les
ruptures de stock sera probablement la production locale, ou sur place par chaque maraîcher.
Ceci permettrait de réduire la dépendance des acteurs vis-à-vis de cette ressource.
L’amélioration de l’accès aux semences pourrait passer par les réseaux existants. Elle pourrait
avoir lieu, idéalement, dans les fermes semencières spécialisées. Celles-ci seraient capables de
sélectionner des variétés bien adaptées aux conditions locales. Cette possibilité est réalisable à
partir de la sélection et l’amélioration des variétés locales. L’alternative, exige l’introduction
de nouvelles variétés, après les avoir soumises à un choix qui démontrerait leur aptitude à
donner d’excellents résultats dans les conditions climatiques locales.
Quant à l’approvisionnement en matière organique, il nous paraît important d’orienter les
maraîchers vers une valorisation des différentes matières organiques disponibles. Pour cela, il
faut étudier au niveau local les différentes possibilités de traitement de ces matières en
fonction de la disponibilité des volumes de déchets biodégradables produits dans les quartiers
de la ville de Kinshasa. Parmi les possibilités de traitement, la méthode de compostage en
andain présente plus de facilités pratiques. La production locale du fertilisant organique
permet de le substituer aux engrais conventionnels qui, du reste, sont rares et coûteux. Nous
encouragerons les échanges, à titre indicatif, avec la structure SOLAGRI qui possède à la fois
l’expertise et les compétences nécessaires en matière de traitement des ordures ménagères par
la méthode de compostage en andain.
Pour ce qui est de l’approvisionnement hydrique, particulièrement pendant la saison sèche, la
production des légumes, notamment celle des légumes feuilles, souffre du manque d’eau.
Plusieurs types d’intervention pourraient être facilement envisagés. Nous citons à titre
Conclusions générales
155
illustratif l’amélioration des techniques traditionnelles de puisage et l’aménagement des
canaux d’approvisionnement des eaux d’irrigation.
8.4.4. Commercialisation des légumes cultivés dans les SMC étudiés
Le souci permanent de tout maraîcher est non seulement d’assurer la production des légumes,
mais aussi la vente. Pour pacifier la vente des légumes, nous avons retenu les tactiques de
commercialisation des maraîchers que nous encourageons. Dans le cadre de notre étude, nous
insistons sur la tactique relative à la vente en gros. Mais la nuance que nous apportons
concerne l’organisation du marché en gros. La périssabilité des légumes constitue l’unique
argument qui milite en faveur de cette stratégie. En effet, le temps de passage entre le
producteur et le consommateur final est d’une importance capitale pour le maintien de la
qualité des produits.
Le marché de gros que nous encourageons est un lieu de rencontre de l’offre et de la demande
et de formation des prix. Il permet d’accroître l'efficacité de la distribution en gros et au détail
tout en encourageant la compétition et en induisant l'efficacité.
L’avantage essentiel d'un marché de gros est le fait de rassembler dans un lieu déterminé toute
l'offre et la demande d'un produit donné, permettant ainsi d'élaborer un prix unique
d'équilibre. La formation des prix devient ainsi transparente et les coûts de transactions sont
grandement réduits.
La vente en gros permet à la loi de l’offre et de la demande de jouer pour établir le prix
unique d’un produit. Puisqu’un prix unique d'équilibre s'installe automatiquement par le jeu
des forces du marché dans une situation de concurrence, l'efficience des prix devient plus
grande et tous les participants au marché de gros ont facilement accès à l'information sur les
prix. En effet, il est très difficile d'obtenir un prix d'équilibre unique sans le recours au
mécanisme d'un marché de gros. En l'absence de celui-ci, plusieurs prix s'établissent sur les
différents marchés, la transparence des prix est déficiente et les coûts de transaction (les coûts
encourus par les opérateurs pour obtenir les différentes informations sur les prix du marché)
sont élevés. Sans les grossistes, le détaillant devrait acheter directement aux agriculteurs,
recourant à de nombreuses petites transactions. Un marché de gros est donc un lieu important
de coordination verticale dans la chaîne de commercialisation. L'offre et la demande, ainsi
que la formation de prix peuvent facilement trouver leur équilibre. La vitesse de rotation des
produits y est grande, d’où des coûts unitaires de commercialisation réduits. C'est grâce à
l'efficience de prix qu'offre un marché de gros que les producteurs sont encouragés dans leur
production et, que les marchés deviennent plus stables. Enfin, les marchés de gros sont
également d'importants centres de communication où l'information circule entre les
participants et où une certaine transparence règne. Le problème principal à résoudre par un
marché de gros est la garantie de l’approvisionnement urbain en produits de faible coût.
Conclusions générales
156
Le rôle d'un marché de gros peut être défini à la fois comme outil physique et comme outil
économique. Il constitue, par ses caractéristiques physiques, le facteur qui intervient sur la
réduction des pertes et sur l'accroissement de productivité des opérateurs.
Le marché de gros comme outil économique permet :
- Une plus grande sécurité d'approvisionnement et d'écoulement : l'existence d'une
localisation physique connue des opérateurs et facilement accessible limite le nombre
des intermédiaires dans la filière de distribution. En effet, l'existence de nombreux
opérateurs est actuellement justifiée par une information très parcellisée: les
opérateurs en amont (producteurs, collecteurs) n'ont pas facilement accès aux
opérateurs en aval (grossistes- destinataires, détaillants).
- Une meilleure connaissance des prix de vente : l'existence d'un marché de gros
moderne permet, parce que les transactions sont localisées physiquement, de connaître
de façon plus exacte les cours et d'en assurer la publicité. La bonne formation des prix,
d'une part, et sa connaissance effective par les opérateurs d'autre part, permet
d'améliorer la rentabilité des entreprises et, au plan macroéconomique, de mieux
ajuster l'offre et la demande en évitant les excédents ou les déficits localisés, fréquents
dans le secteur des produits périssables.
- La spécialisation des opérateurs : la séparation du gros et du détail amène les
opérateurs à se spécialiser dans une fonction de grossiste ou de détaillant et à renoncer
aux cumuls. Ils peuvent alors mettre en place les outils et les procédures pour remplir
plus efficacement, et donc à plus faible coût, leur fonction.
- L'augmentation de la taille des lots et la vente séparée de différentes qualités : la
disparition probable de certains intermédiaires et l'augmentation concomitante des
tonnages induisent une augmentation de la taille des lots et la vente séparée de
différentes qualités. En conséquence, le passage à des unités de transport de taille
supérieure est facilité et le coût de la tonne kilométrique diminue.
Au-delà des principales critiques que l’on peut soulever à la création d'un marché de gros, son
rôle change selon les produits et selon le niveau de développement économique. Plus les
maraîchers s’orientent vers la production commerciale, plus les marchés de gros jouent un
rôle crucial dans la coordination verticale de la commercialisation. Cependant, le
développement économique entraîne les maraîchers vers la production commerciale pure, se
spécialisant et concluant des contrats de production et s'intégrant ainsi dans la chaîne de
commercialisation. Ils commencent à produire de plus en plus selon les spécifications de leurs
clients et le marché de gros devient de moins en moins important comme instrument de
coordination verticale. Des liens directs seront établis entre les maraîchers et les chaînes de
supermarchés, généralement au moyen de contrats.
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Annexes
169
Annexes
Annexes
170
Annexe 1. Évolution du processus de coopérativisation dans les SM étudiés
Evolution (en %) de la coopérativisation du site maraîcher de Kimbanseke
0
20
40
60
80
100
120
1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010 2020
Années
%
Evolution (en %) de la coopérativisation du site maraîcher de N'djili
0102030405060708090
100
1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010 2020
Années
%
Evolution (en %) de la coopérativisation du site maraîcher de Mango
0102030405060708090
1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010 2020
Années
%
Sources: Auteur sur base des données d’enquêtes
Annexes
171
Annexe 2. Évolution des prix des légumes cultivés dans les SMC étudiés
Evolution (de 1990 à 2008) de prix (en $ US) de l'amarante dans les SMC étudiés
0
2
4
6
8
10
12
14
1985 1990 1995 2000 2005 2010
Années
Prix
en
$ U
S
Evolution (de 1990 à 2008) de prix (en $ US) de la ciboule dans les SMC étudiés
0
2
4
6
8
10
12
14
1985 1990 1995 2000 2005 2010
Années
Pri
x e
n $
US
Evolution (de 1990 à 2008) de prix (en $ US) de l'aubergine dans les SMC étudiés
11,5
12
12,5
13
13,5
14
14,5
1985 1990 1995 2000 2005 2010
Années
Pri
x e
n $
US
Evolution (de 1990 à 2008) de prix (en $ US) de gombo dans les SMC étudiés
0
2
4
6
8
10
12
14
1985 1990 1995 2000 2005 2010
Années
Pri
x e
n $
US
Sources: Auteur sur base des données d’enquêtes
Annexe 3. Sites maraîchers opérant dans la ville de Kinshasa
Nombre d’exploitants Superficies exploitées Communes Sites maraîcher
hommes femmes
Total
d’exploitants Moyenne par
exploitant /ha
Total /ha
1. Masina
Abattoir Bitabe Pétro Congo RVA Tshuenge Tshangu Mapela
50 72 60
256 205 160
26
58
102 134 351 413 140
39
108 174 194 607 718 300
65
0,0315 0,0315 0,0315 0,0315 0,0315 0,0315 0,0315
3,402 5,481 6,111
19,120 22,617
9,450 2,047
S / total 929 1.237 2.166 0,0315 68,228
2. Kimbanseke
Kimbanseke Mokali Mango Nsanga Manzanza Tadi ITAV/Salongo
234 197 300 282 198 145 140
331 403 306 418 202 165
90
565 600 606 700 400 310 230
0,0203 0,0203 0,0203 0,0203 0,0203 0,0203 0,0203
11,469 12,180 12,301 14,210
8,120 6,293 4,669
S / total 1.496 1.915 3.411 0,0203 69,242
3. N’djili CECOMAF 178 200 378 0,420 159,00
S / total 178 200 378 0,420 159,00
4. Mt - ngafula
Funa Campus Vallée manionzi Vallée tchad Lemba Imbu Kimuenza Mfuti Mitendi Lutendele Ngasele Merci Kabila Lutendele
749 458 224 128 279 263 220 106 132 155 113
901 792 476 282 171 237 260 260 168 220 117
1.650 1.250
700 410 450 500 480 310 300 375 230
0,022 0,022 0,022 0,022 0,022 0,022 0,022 0,022 0,022 0,022 0,022
36,300 27,500 15,400
9,020 9,900
11,000 10,560
6,820 6,600 8,250 5,060
S / total 2.827 3.828 6.655 0,022 146,50
5. Barumbu
Camp Lt Mbaki
22
28
50
0,024
1,20
S / total 22 28 50 0,024 1,20
6. Matete
Camp Vitamine Banunu
75 20
100 17
175 37
0,0087 0,0087
1,522 0,322
Annexes
173
S / total 95 117 212 0,0087 1,85
7. Lemba Camp Mobutu 98
102 200 0,0164 3,28
S / total 98 102 200 0,0164 3,28
8. Limete Q/20 Mai
Mombele
265
135
315
115
580
250
0,0023
0,0023
1,369
0,591
S / total 400 430 830 0,0023 1,96
9. Lingwala Camp Lufungula
25 30 55 0,0545 3,00
S / total 25 30 55 0,0545 3,00
10. Kitambo Cimetière Camp P.M.
35 17
65 33
100 50
0,0312 0,0312
3,120 1,560
S / total 52 98 150 0,312 4,68
11. N’sele
D.A.I.P.N. Dingi dingi Kikimi 1 & 2 N’djili brasserie
50 30 60 30
85 35 40 45
135
65 100
75
0,0227 0,0227 0,0227 0,0227
3,064 1,475 2,270 1,702
S / total 170 205 375 0,0227 8,50
12. Maluku
Plateau I - Kimpeti - Ndako pembe
Plateau II - Mbakana - Mampu
262 327
70 40
120 330
80 66
382 657
150 106
0,0176 0,0176
0,0176 0,0176
6,723 11,563
2,640 1,865
S / total 699 596 1.295 0,0176 22,80
13. Makala Makala Ngunza 10
15 25 0,160 4,00
S / total 10 15 25 0,160 4,00
14. Selembao Habitat Mahimbi
40 20
60 30
100 50
0,0746 0,0746
7,46 3,73
S / total 60 90 150 0,0746 11,19
15. Ngiri ngiri Ngiri - Ngiri 38 20
58 0,162 9,40
S / total 38 20 58 0,162 9,40
Annexes
174
16. Gombé Pépinière 35
15 50 0,0224 1,120
S / total 35 15 50 0,0224 1,120
17. Kalamu Q/20 Mai
Funa
16
7
20
13
36
20
0,2914
0,2914
10,490
5,828
S / total 23 33 56 0,2914 16,32
18. Kasa -
Vubu
Maman Poto
37 30 67 0,7053 47,25
S / total 37 30 67 0,7053 47,25
19. Bandal Pépinière Camp Kokolo Makelele Tshibangu Kimbondo Mouleart
301 170 170
50 85 60
402 223 117
75 73 72
703 393 287 125 158 132
0,0474 0,0474 0,0474 0,0474 0,0474 0,0474
33,332 18,628 13,603 5,925 7,489 6,256
S / total 836 962 1.798 0,0474 85,23
20. Ngaliema Likunga Camp Tshatshi Mangungu
95 30 57
105 10 80
200 40
137
0,0189 0,0189 0,0189
3,780 0,0756 2,589
S / total 182 195 377 0,0189 7,14
21. Kisenso Rifflaert Lemba gare
150 78
175 70
325 148
0,0597 0,0597
19,402 8,835
S / total 228 245 473 0,0597 28,23
Total général 60 8.440 10.391 18.831 0,0372 700,50 Source: SENAHUP, Rapport annuel d’activités 2002
Annexes
175
Annexe 4. Catégories des bénéficiaires de l’emploi crée dans les SMS
Catégories d’emplois Bénéficiaires
SMC
Maraîchers
tout statut
Ouvriers
agricoles
Commerçants
revendeurs
Vendeurs des
intrants divers
Transporteurs
Kimbanseke 2082 694 694 54 44
N’djili 2081 693 693 45 33
Mango 1709 569 569 23 38
Total 5872 1956 1956 122 115
Moyenne/Bénéf. 1957 652 652 41 38
%/ catégorie 58,5 19,5 19,5 1,2 1,1
Sources: Auteur, sur base des données d’enquête
Annexe 5. Valeur alimentaire et nutritionnelle des légumes feuilles
Matières nutritives comestibles/100 g des légumes consommés
Cultures
Eau g Protéine g Cellulose g Calcium
mg
Fer mg Carotène
mg
Vit C
Mg Valeur énergétique 100 g
kJ kcal
Amarante 84-89 3,6-4,6 1,3-1,8 154-410 2,9-8,9 5,7-6,5 64 108 26
Source : Auteur, sur base des données de Lannoy (2001, p. 433 ; 463 ; 484)
Annexe 6. Valeur alimentaire et nutritionnelle des légumes fruits
Matières nutritives comestibles/100 g des légumes consommés Valeur
énergétique
Autres Vitamines (mg)
Cultures
Eau
G
Protéines
G
Cellulose
G
Calcium
Mg
Fer
Mg
Carotène
Mg
Vit C
mg Vit B1 Vit B2 PP kJ kcal
Aubergine 92 1,6 1,5 22 0,9 - 6 0,08 0,07 0,7 108 26
Gombo 90 1,8 0,9 9,0 10 0,1 18 0,07 0,08 0,8 129 20
Source: Auteur, sur base des données de Lannoy (2001, p. 433 ; 463 ; 484)
Annexes
176
Annexe 7. Apport protoénergétique pour 100 g des légumes consommés
Contribution à la sécurité alimentaire pour 100 g des légumes
Apport énergétique
Spéculations culturales
Apport protéique (en g)
kJ kcal
Amarante
Gombo
Aubergine
3,6 - 4,6
1,8
1,6
108
129
108
26
20
26
Source: Auteur, sur base des données de Lannoy (2001 pp.429-513)
Annexe 8. Sites maraîchers coopérativisés membres de l’UCOOPMAKIN
Effectif des maraîchers Nº SMC Communes Superficie (ha)
femmes hommes Total
1. N’djili N’djili 164 1.122 970 2.092
2. Bangui N’sele 203 87 290
3. Mpo N’sele 463 457 920
4. Kimbanseke Kimbanseke 140 1062 986 2048
5. Nsanga Kimbangu 110 1590 910 2500
6. Mango Kimbanseke 150 1190 510 1700
7. Mokali Kimbanseke 600 1456 450 1906
8. Tadi Kimbanseke 160 840 360 1200
9. Lukaya Mont Ngafula 100 560 240 800
10. Dingi-Dingi N’sele 1700 1460 240 1700
11. Vunda-Manenga Mont Ngafula 1100 935 165 1100
12. Vunda Masengi Mont Ngafula 900 383 165 548
13. N’djili-brasserie N’sle 100 330 330 660
14. Lemba-Imbu Mont Ngafula 60 1050 450 1500
15. Kisenso Kisenso 49 1188 462 1650
16. 3 palmiers Kisenso 10 540 120 660
17. Nzungani Kisenso 5 1050 450 1500
18. Nzeza-landu Mont Ngafula 50 172 73 245
19. Funa Mont ngafula Mont Ngafula 95 721 309 1030
20. Lutendele Mont Ngafula 15 574 246 820
21. Manzaza Kimbangu 68 919 396 1315
Annexes
177
22. Bandalungwa Bandalungwa 24 911 388 1299
23. R.V.A. Kimbanseke 64 1239 531 1770
24. Nsimba I Kimbanseke 320 700 300 1000
25. Nsimba II N’sèle 400 711 304 1015
26. Bono Kimbanseke 595 255 850
27. Funa Kalamu Kalamu 6 301 285 586
28. M.A.C.Q 8 N’djili 5 440 240 680
29. Mbudi Ngaliema 80 567 242 809
30. Mbuki Mont Ngafula 4.808 1102 240 1342
31. Bibwa Nsele 6 497 213 710
32. Malemba Kimbanseke 463 457 920
TOTAL 26 860 Sources: Auteur, sur base des données d’enquête
Annexes
178
Annexe 9. Guide d’entretien avec les maraîchers des sites coopérativisés
enquêtés
1. Renseignements sur le maraîcher
Nom du maraîcher :
Sexe :
Nom et commune de la coopérative :
Lieu et date de naissance ………………………………..ans
Origine linguistique : ……………………………………
Niveau scolaire ………………………………………………
Domicile :
- Rue de :
- Quartier :…………………………………...
- Commune :………………………………………
- Région :……………………………………..
Les motivations de votre conversion au secteur maraîcher. ………………………………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………
Nombre d’années d’expérience dans la pratique maraîchère. ………………………………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………
Principales cultures maraîchères exploitées (légumes feuilles, légumes fruits, légumes racines). ………………………………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………
Principaux intrants utilisés dans la production maraîchère. ………………………………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………
Identification des contraintes rencontrées dans la pratique maraîchère. ………………………………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………
Les causes majeures de ces contraintes, Regroupement, interactions entre contraintes. ………………………………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………
Réactions (alternatives) des maraîchers individuels.
1. Contraintes économiques …………………………………………………………………………………………………
Annexes
179
………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………
2. Contraintes techniques ………………………………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………
3. Contraintes techniques ………………………………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………
Entretien réalisé par Blaise Muzingu
Doctorant SPED3 /UCL/Belgique
Annexe 10. Guide d’entretien avec les membres des comités de gestion des coopérativises
Nom du maraîcher :
Sexe :
Nom et commune de la coopérative :
Lieu et date de naissance ………………………………..ans
Origine linguistique : ……………………………………
Niveau scolaire ………………………………………………
Domicile :
- Rue de :
- Quartier :…………………………………...
- Commune :……………………………………… Région :…………………………………….. La fonction dans le comité de gestion de la coopérative. ………………………………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………………………………… La date et événement lié à la création (arrêté de reconnaissance) de votre coopérative. ………………………………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………
L’effectif des membres de la coopérative.
- Membres adhéré ou coopérateurs :………………………
- Membres non coopérateurs : …………………………….
Rapport homme et femme dans l’ensemble du site. - Membres adhéré ou coopérateurs : H : …………F :…… - Membres non coopérateurs : … …H :…………F : …
L’effectif des membres du comité de gestion de la coopérative ? - Hommes :………………………Femmes :…………………….
Les structures extérieures impliquées dans les activités de votre coopérative.
Annexes
180
………………………………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………
Les biens meubles et immeubles que possède votre coopérative. - Biens meubles :
………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………
- Bien immeuble :
………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………
- Autre patrimoine de la coopérative : ………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………
Les besoins en ressources de la coopérative. ………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………
Les stratégies déployées par votre comité pour contrôler les ressources et réduire la dépendance.
a) dépendance sociale………………………………………………………
b) dépendance économique…………………………………………………
c) dépendance technique …………………………………………………
Entretien réalisé par Blaise Muzingu
Doctorant SPED3 /UCL/Belgique
Les sites maraîchers coopérativisés de Kinshasa en RD Congo
Contraintes environnementales et stratégies des acteurs
La pratique du maraîchage dans les sites organisés en coopératives est aujourd’hui stimulée par une demande locale importante, qu’accompagne une augmentation rapide de maraîchers. Mais l’on constate qu’en dépit de ses multiples fonctions dont l’emploi, le revenu complémentaire, la contribution à la sécurité alimentaire et à l’assainissement du milieu, qui font d’elle une activité montante en économie de survie, les maraîchers et leurs coopératives respectives œuvrent dans un environnement marqué par des contraintes et des opportunités.
Les contraintes rencontrées par les maraîchers handicapent la production et la commercialisation des légumes. Tandis que les contraintes que rencontrent les coopératives interagissent comme des facteurs régressifs à l’action organisationnelle. Le regroupement des différentes contraintes identifiées par les maraîchers a permis d’élaborer une typologie qui distingue les contraintes sociales, les contraintes économiques ainsi que les contraintes culturelles.
Cependant, des solutions alternatives peuvent être envisagées afin d’atténuer, sinon éviter ces contraintes. Elles passent par l’usage systématique des stratégies informelles de changement. Parmi elles, les acteurs recourent aux pratiques financières informelles dont l’épargne, le micro crédit, le travail à l’exploitant qu’aux diverses activités d’autofinancement. Des connaissances et des compétences variées se rencontrent sur le terrain et sont échangées à travers ce qu’il est convenu de nommer l’École au champ. Les acteurs font également concourir les réseaux relationnels, qu’il soit familial, linguistique ou confessionnel. Nous dégageons de ces stratégies des acteurs, trois types des capitaux dont le capital économique, le capital culturel et le capital social, qui s’interfèrent afin d’engranger les ressources nécessaires et de réduire les contraintes rencontrées dans les SMC enquêtés.
L’intérêt de la présente étude réside dans la mise en évidence d’une approche interdisciplinaire qui permet d'analyser des réalités complexes et pluri-dimensionnelles de changement, articulant structures et stratégies des acteurs autour du changement. Ces stratégies constituent une véritable innovation qui participe et représente une authentique alternative aux modèles de développement.
Mots clés: Site, maraîcher, coopérativisé, contraintes, environnement, stratégies, acteurs
Blaise Muzingu Nzolameso est né à Kinshasa en RD Congo. Ingénieur
agronome et diplômé interuniversitaire d’études approfondies en Développement,
Environnement et Sociétés (UCL, FUSAGx, ULg et FUCAM) en Belgique. A
exercé des charges d’expert à la direction d’études, évaluation et planification du
ministère du Développement rural. Admis en doctorat à l’Université Catholique
de Louvain, ses axes de recherche portent sur l’agriculture urbaine et l’analyse
des organisations coopératives.
Ế mail: [email protected]