Les thons rouges et la géohistoire de leur pêche
dans le Golfe ibéro-marocain
Loïc Ménanteau*
Présenté en 2009
au
Festival International
de Géographie
FIG
à
Saint-Dié-des-Vosges
et révisé
en septembre 2015
* LETG-Nantes
Géolittomer
UMR 6554
CNRS
et
Université
de Nantes
océan
Atlantique
mer
Méditerranée
Golfe
Ibéro-marocain
FRANCE
PÉNINSULE
IBÉRIQUE
AFRIQUE DU NORD
Bathymétrie du golfe ibéro-marocain et du détroit de Gibraltar
D’après Vanney & Ménanteau, 2004. Courbes topographiques à partir des cartes topographiques espagnoles et portugaises : 200,
500, 1 000 y 1 500 m. Courbes bathymétriques d’après J.-R. Vanney (IBCEA n° 1, 2002) et P. Hunter (IBCEA n° 4). Équidistance des
isobathes : 50 m (pointillé) jusqu’à 150 m, après 200 m. Courbes maîtresses kilométriques.
Détroit de Gibraltar
Il existe 3 espèces de thons rouges :
Thon rouge du Nord ou thon rouge de l'Atlantique : Thunnus
thynnus, présent dans l'Atlantique nord et la Méditerranée
Thon rouge (bleu) du Pacifique nord : Thunnus orientalis
Thon rouge du sud : Thunnus maccoyii
Les thons rouges ne représentent qu’une partie des espèces de
thons (60 000 tonnes pêchés sur 3,5 millions de tonnes, soit 1,7%) :
- Thon blanc ou germon (Thunnus alalunga) est plus petit que le thon
rouge et vit avec ce dernier (pêché en surface)
- Thon obèse ou patudo (Thunnus obesus)
-Thon jaune ou albacore (Thunnus albacares) est un thon tropical
- Bonite à ventre rayée ou listan ou listao (Katsuwonus pelamis) qui est
un thonidé tropical
- Ravil (Euthynnus allettaratus), thon tropical
Thons rouges et autre espèces de thons
Domaine géographique des thons rouges
Thunnus thynnus et Thunnus orientalis
Thunnus thynnus (L.)
Thon rouge, Thunnus thynnus (L.), de 1,40 m de longueur, capturé à Barbate en juin 1956
Selon leur poids, les thons rouges ont reçu différents noms :
atuarro (45-50 kg), albacora (10-12 kg), cachorreta (5-6 kg)
Thon jeune, de 0,25 m de longueur,
Pêché par la madrague de la Línea
le 20 septembre 1958Dessins Julio Rodríguez-Roda (1964)
Thunnus thynnus (L.)
M.E. Bloch, 1785-1797
Taille 2 m (jusqu’à 3 m) - Max. = 4,58 m
Poids Adultes : 150 kg (jusqu’à 400 kg) - Max. = 910 kg
Longévité 20-40 ans
Vitesse 45 km/h (max. = 80 km/h, min. = 8 km/h, quand il dort)
Traversée de l’Atlantique en moins de 60 jours
Maturité à partir de 4-5 / 3 ans (femelle : 1,10 m, mâle : taille
supérieure)
Fécondité Externe : 20 (5-45) miliions d’œufs (femelle) mais mortalité
larvaire très élevée
Alimentation forte voracité : espèces pélagiques (harengs, maquereaux,
sardines, anchois - pour les jeunes -, crustacés, …)
Quelques caractéristiques biologiques des thons rouges
Thunnus thynnus (L.)
Sa capacité d’oxygénation est 30
fois supérieure à celle des autres
poissons.
Il absorbe 75% de l’oxygène
dissous dans l’eau (taux de
respiration = 500 mg de O2/kg/h).
Le thon rouge nage la bouche
ouverte, car il n’aspire pas mais
accumule de l’eau.
Il convient de signaler deux facultés des thons rouges qui jouent un
rôle fondamental pour sa biologie :
- sa capacité de thermorégulation qui lui permet de se déplacer
dans des eaux marines de différentes températures (3-30°C)
- sa résistance aux changements de salinité (5-37‰), ce qui
explique l’étendue de son domaine marin.
Deux paramètres physiques importants :
la température et la salinité des eaux marines
Variations moyennes de la superficie au fond dans les eaux gaditanes. Chiffres romains :
mois. D’après des publications de R. de Buen (campagnes du Xauen).
Un paramètre joue un rôle fondamental dans leurs migrations : leur dépendance des couches
thermiques de l’eau et de leurs variations (quotidiennes, saisonnières, pluriannuelles) dans les
zones de ponte.
Malgré leur faculté d’adaptation aux
variations de température et de salinité,
les thons rouges ont besoin pour leur
reproduction d’une température de
l’eau marine supérieure à 19°C (19-
21°C / 24°C en Mediterranée, 24,5-
29,5°C dans le Golfe du Mexique et le
canal de Floride) et d’une salinité
élevée.
Une très bonne vision
de prédateur incompatible
avec des eaux turbides
Des thons au sang chaud
Le système circulatoire du thon rouge lui permet de maintenir son corps à une température
supérieure d’environ 10° à celle de l’eau marine dans laquelle il nage.
Le sang des vaisseaux capillaires est réchauffé par les mouvements musculaires du thon
et il réchauffe lui-même celui amené dans les vaisseaux artériels par les branchies.
Cette faculté, que seule ont parmi les autres poissons certains grands requins blancs, varie
suivant l’âge et la grosseur du thon rouge.
Cela permet aux grands thons rouges d’aller chasser, par exemple, dans des eaux froides
au large du Labrador et de la Norvège.
“ Ces poissons nagent en troupe, & se
suivent comme des moutons (…) ”
(Delaporte, 1772). Ils forment des bancs
constitués par des exemplaires de tailles
semblables que guide l’un d’entre eux qui
agit comme un capitaine. Les thons se
déplacent à faible vitesse et dans les
niveaux superficiels s’ils sont adultes ou
en caravanes et à plus grande vitesse s’ils
forment des groupes plus hétérogènes.
D’autres espèces les accompagnent dans
leurs déplacements migratoires. Ils nagent
au dessus de la thermocline (couche de
fort gradient thermique) dans les eaux
tempérées. Ils passent sous la thermocline
dans les eaux les plus chaudes.
Un grand poisson migrateur
Migrations trophiques et génétiques des thons rouges
trophique
génétique
IFREMER, 2007
Les thons rouges ont besoin pour leur ponte d’eaux d’une température supérieure à 19°C (19-21°C en Méditerranée) et de salinité
élevée, ce qui les obligent à franchir le détroit de Gibraltar pour trouver ces conditions en Méditerranée (principalement, entre les
îles Baléares et la Sardaigne et à l’ouest de la Sicile). Réalisation : Loïc Ménanteau et Laurent Pourinet (LETG-Nantes Géolittomer
UMR 6554 - CNRS et université de Nantes)
Voies migratoires, génétiques et trophiques, des thons rouges
dans l’Atlantique Nord et la mer Méditerranée
Mouvement migratoire du thon rouge. 1, atún de derecho ; atún de revés ; 3, position et date de la zone de
concentration maximale des thons rouges. D’après Rodríguez Roda (1964).
Arribada des thons rouges
Routes migratoires des thons dans le Golfe ibéro-marocain
D’après Rodríguez-Roda (1964). Cartographie : Loïc Ménanteau et Laurent Pourinet
Le long des côtes espagnole et
marocaine, migration des thons de
course (mai-juillet) de l’Atlantique vers la
Méditerranée et, de retour (septembre-
octobre), dans le sens contraire.
Écologie et déplacement des thons rouges dans les eaux tarifaines : 1, thons de derecho ; 2, thons de revés ; 3, rebord
du plateau continental ; 4, zones de résurgences épisodiques (eaux plus fraîches et salées) ; 5, direction de vents
responsables des résurgences ; 6, madragues en activité (a) et abandonnées (b) ; 7, hauts fonds (A, bajo Aceitera ; C, Los
Cabezos ; H, banco del Hoyo ; L, Lajas de Conil ; M, Los Marrajos ; P, Placer de Meca ; R, Lajas de Cabo Roche ; T, Banco de
Trafalgar) ; 8, isobathe de 50 m. D’après Muñoz Sardón (1962), Rodríguez Roda (1964), Establier & Margalef (1964).
Carte gravée de Nicolas de Fer, vers 1700. Coll. Loïc Ménanteau
44,5 km
23,7 km
Formes du détroit
- la cuvette médiane : deux
bassins (occidental ou Tarik >
600 m ; oriental > 1000 m) et un
chaînon axial à deux têtes
(monts Hesperides et Hercules,
vers 445 m)
- le seuil (el umbral) intercon-
tinental
- plateau intercalaire (sommet :
286 m) compris entre les hauts-
fonds de la Punta Paloma (los
Cabezos, Placer Nuevo) et de la
Pointe Malabata (banc du
Phénix).
- les approches occidentales :
deux couloirs inégaux en largeur
et en profondeur (250-400 m), le
Canal de Buen (N) et le Canal
Spartel, séparés par le banc
Majuan / Ridge / Spartel (50 m),
et bordés d'éperons escarpés
(au N : Promontorio del Xauen).
In : J.-R. Vanney , L. Ménanteau. 2004 Géographie du golfe ibéro-marocain
Liquides : - flux à composante orientale (courant
atlantique) : E = 50-200 m ; T = > 15-20°C , S = 36 ups
(moyen) ; V = de 0,75-1,5 km/h (moyen) à > 3 (maxi) ;
Q = 1 à 1, 4 sv (moyen) ; C = 37073.103 km3/an.
- flux à composante occidentale (sous-courant
méditerranéen) : E = 200-800 m - T =13°C - S =
38,2 -38,4 ups (maxi.) , V = de 0,4-0,7 km/h (moyen) à
4 (accélération dans les fonds en gorge) ; Q = 1 à 1,2
sv (moyen) ; C = 35,553.103 km3/an.
Veine méditerranéenne. Entrée, en profondeur, de l’eau méditerranéenne dans l’océan Atlantique
Le franchissement du détroit de Gibraltar par les thons rouges
Fotografía Loïc Ménanteau, 1991.
Djebel Musa (851 m)
CEUTAPunta
Almina
Géométrie du détroit de Gibraltar
- surface (km2) : 2300 ; volume (km3) : 22 000 ;
- longueur (km) : 60 ; largeur (minimale, km) : 14 ;
- distances (km) : C. Trafalgar - Spartel (limite W) : 45 ;
Puntas Europa - Almina (limite E) : 34 ;
isobathes 200 m : 10 ; 500 m : 7 km
Almería
Mar de Alborán
océan
Atlantique
Tanger
Views of Earth, 2006. C. Hormann
Le Détroit de Gibraltar
Le Gaditanum ou Herculeum Fretum
Mer Intérieure
Mer Extérieure
Tingis
Views of Earth, 2006. C. Hormann
Les Colonnes d’Hercule, la porte de l’Atlantique
Punta Almina
Barbate
Europa Point
Cabo Camarinal
Punta Marroqui
Ensenada de Valdevaqueros
Ceuta
Méditerranée
Modèle d’élévation du Shuttle Radar Topography Mission (SRTM) drapé avec une combinaison colorée d’images Landsat
La pêche du thon rouge :
une pêche pratiquée depuis les Phéniciens
et sans doute le paléolithique
Revers d’un as de bronze
de l’Algarve (Portugal), IIe-Ier s. a.C.)
Usines de salaison antiques du Golfe ibéro-marocain
À remarquer la très forte concentration d’usines sur la côte
nord du détroit de Gibraltar. Une autre zone, de moindre
concentration, est située au sud de Cadix (Gadir / Gades), cité
d’où, selon les auteurs classiques, on contrôlait le commerce
des salaisons entre les Ier et IIe s. d. C. Après le IIe siècle,
l’hégémonie de Cadix va disparaître au profit des côtes de
l’Algarve.
D’après Ponsich, 1988, révisé. Réalisation : Loïc Ménanteau
Érosion des bassins d’une usine de salaison romaine à l’ouest de Faro (Algarve, Portugal).
Ph. Loïc Ménanteau, 1978
Érosion des bassins d’une usine de salaison romaine à l’ouest de Faro (Algarve, Portugal).
Ph. Loïc Ménanteau, 1978
Usines de salaison de Baelo Claudia (Tarifa)
Ph. aérienne oblique Loïc Ménanteau, 1990 (Casa de Velázquez)
Thunnus thynnus (L.)
Quartier industriel de salaisons
de la cité romaine de Baelo Claudia (Tarifa)
Cuves de salaison romaines de Baelo Claudia (Tarifa)
Ph. Loïc Ménanteau, 2001
Mur de façade d’une grande conserverie dans le quartier industriel de la cité hispano-romaine de Baelo
Claudia (Tarifa). D’une élévation de 4,50 m (avec deux étages), elle comporte une porte et quatre
ouvertures. Au-devant de la porte, sol d’une longue salle de réception et préparation du poisson. Les
thons y étaient vidés, leurs nageoires et leurs têtes coupées, puis lavés (puits à gauche de cette salle). À
droite, sol d’une grande salle (100 m2) en mortier de tuileau, destinée au dépeçage du poisson -
découpage en morceaux assez petits pour entrer par les cols des amphores (10-15 cm) - et à la salaison,
car elle est bordée sur deux côtés par neuf cuves de salaison de différentes dimensions.
Ph. panoramique Loïc Ménanteau, 08-03-2014
Usine de salaison romaine à Baelo Claudia (Tarifa)
Usine de salaison
de Septem (Ceuta)Dessin : Olga Galiano
Usine de salaison
de Septem (Ceuta)Dessin : Olga Galiano
Madrague de tiro ou de vista
Gravure de Henri Louis Duhamel de Monceau, XVIIIe siècle
La madrague de tiro de las Torres de Hércules à Cadix
Partie inférieure d’une gravure de Georgius Houfnaglius (Joris Hoefnagle).
In : Civitates Orbis Terrarum. Braun Hogenber, 1574. Coll. Loïc Ménanteau
Manœuvres avec une madrague de tiro
Barques, deux filets : de sedal et la cinta
La almadraba de tiro de Conil en 1765
Archive Ducal de Medina Sidonia, Sanlúcar de Barrameda
Une tour de madrague :
la tour de Castilobo, au sud de Conil de la Frontera
Ph. aérienne oblique Loïc Ménanteau, 1985
Une tour de madrague :
la tour de Castilobo, au sud de Conil de la Frontera
Ph. aérienne oblique Loïc Ménanteau, 1985
Madrague de buche del Río del Terrón, 1771. Archivo Ducal de Medina Sidonia, leg. 1156.
La madrague de buche du Terrón
Plan de la madrague de El Terrón sur la côte d’Ayamonte du type buche.
A. Sañez Reguart, 1791
Filet de la madrague en élévation de El Terrón du type buche, sur la côte d’Ayamonte.
A. Sañez Reguart, 1791
Archivo Ducal de Medina Sidonia (Sanlúcar de Barrameda). S.N. 6
La madrague de buche de Barbate
Barbate et son port de pêche (côte nord-ouest du détroit de Gibraltar).
Ph. aérienne oblique Loïc Ménanteau, 1988
La madrague de buche de Barbate
Ph. aérienne oblique Loïc Ménanteau, 1988
Madrague de buche de Barbate
Cuadro d’une madrague.
Schéma en perspective de L. Bellón (1923)
Madrague de buche
Phases d’une levantada.
D’après L. Bellón (1923)
T, testa
S, sacada
C, barcos de acopejar de fuera
B, barcos de acopejar de tierra
Almadraba de buche avec double entrée
In : Marchand, J.-B. Émile, 1926. La pêche au Maroc. Paris, éd. établissements RAY-GEO.
atunes de revés
atunes de derecho
223 ancres
Bateaux de madrague à Barbate. Ph. David Florido
Levantada :
copo de la madrague
de Conil de la Frontera
Carte postale semi-moderne. Coll. L. Ménanteau
Copo de la madrague de Barbate. Ph. Llorca.
Ph. Véronique Flanet, 1984
Levantada à la madrague de Tarifa
Levantada à la madrague Aguas de Ceuta
Carte photo. Coll. Loic Ménanteau
Es tan gustoso el entretenimiento, ya por la
fuerza de los brutos, ya por la variedad de los
arpones y redes con que los prenden y matan,
ya por los ensangrentados que suelen dejar el
mar, que no hay fiesta de toros que le igualen
Gerónimo de la Concepción, 1690. Emporio del Orbe
La pesca del atún, Salvador Dalí (1967)
Portfolio fotográfico de España. Cuaderno n° 77 Ayamonte. Barcelona, A. Marin editor. Coll. Loïc Ménanteau
Carte postale ancienne M. Ruffo, Tarifa. Coll. L. Ménanteau
Carte postale ancienne M. Ruffo, Tarifa. Coll. L. Ménanteau
À Sanlúcar, le palais du Dios de los Atunes
1294 ? : le roi Sancho IV el Bravo concéda à Don Alonso I Pérez de Guzman le privilège de
pêcher des thons « desde el río Odiana hasta la costa de Grenada conquista o que se conquistara”,
c’est-à-dire sur toute la côte andalouse depuis Ayamonte à l’emboucchure du Guadiana, jusquà
Almería.
“Buen provecho haga à mi amo” : les Ducs de Medina Sidonia retiraient des madragues 50 000
ducats d’or par an.Détail d’un dessin du flamand Anton van den Wingaerde, Sanlúcar de Barrameda.
Österreichische Nationalbibliothek, Vienne (Autriche)
À Sanlúcar, le palais du Dios de los Atunes
1294 ? : le roi Sancho IV el Bravo concéda à Don Alonso I Pérez de Guzman le privilège de
pêcher des thons « desde el río Odiana hasta la costa de Grenada conquista o que se conquistara”,
c’est-à-dire sur toute la côte andalouse depuis Ayamonte à l’emboucchure du Guadiana, jusquà
Almería.
“Buen provecho haga à mi amo” : les Ducs de Medina Sidonia retiraient des madragues 50 000
ducats d’or par an.Détail d’un dessin du flamand Anton van den Wingaerde, Sanlúcar de Barrameda.
Österreichische Nationalbibliothek, Vienne (Autriche)
Madragues et sel marin
Détail d’un plan manuscrit en perspective de la baie de Cadix (seconde moitié du XVIIe siècle).
Paris, Bibliothèque Nationale de France.
Partie inférieure d’une gravure de Georgius Houfnaglius (Joris Hoefnagle). In : Civitates Orbis Terrarum. Braun Hogenber.
Salaison du thon rouge à Conil de la Frontera en 1572
À l’arrière-plan, on remarque au centre de la ville de Conil con la chanca del Duque qui borde la rive droite du Río
Salado. Des hommes y préparent les filets pour une madrague de tiro. À l’horizon, à gauche, on voit les tours de
guet de la madrague. Au premier plan, différentes étapes de préparation et de salaison du thon avant son expédition
dans des tonneaux.
Almadraba de Zahara
de los Atunes en 1565
Partie gauche d’un dessin du flamand
Anton Van den Wingaerde, 1565.
Document exceptionnel montrant la
madrague de guet (de tiro ou de vista)
du duc de Medina Sidonia en pleine
campagne printanière de pêche aux
thons. En C est indiqué le cap Spartel,
marquant le sud-ouest du détroit de
Gibraltar. Sur le rivage, des groupes
d’hommes tirent les extrémités du filet
(sedal) destiné à ramener les thons
vers la plage. Ces thons sont ensuite
transportés dans des charrettes.
En haut, au centre, on voit le bâtiment
de la chanca, appellé le Castillo de las
Pilas, dont la fonction était triple :
protection contre les incursions
barbaresques, mise en sécurité du
matériel de la madrague en dehors de
la saison de pêche et, surtout,
opérations de salaison des thons. Au-
devant de la chanca était
l’emplacement où on salait les thons
(adonde echen en sal los atones).
Lettres sur le document : A “la grassa
de las cabezas o clos atones q sanan a
las naos” (la graisse des têtes ou clos
des thons qui assainissent les navires) ;
B “olas en lleno esta grasa” (récipients
remplis avec cette graisse) ; E “el pesa
de los q cargan el atunes” (la balance
de ceux qui chargent les thons.
© Österreichische Nationalbibliothek,
ÖNB
Porte de la chanca de Zahara de los Atunes
Ph. Loïc Ménanteau, juin 1977
Répartition géographique des almadrabas du Golfe ibéro-marocain
In : Ménanteau L.( dir.), 2016. Sel et salines des régions atlantiques européennes . Réalisation : Loïc Ménanteau
Article : Ménanteau L., Alonso C., « Les salaisons de poisson sur les côtes du golfe ibéro-marocain (…) ».
Histoire des armacões de l’Algarve
1249 : le roi Don Alfonso III décide de réserver les droits de pêche du thon
pour la Couronne en créant les Pescarias Reais.
Milieu du XIVe siècle : les Siciliens et Génois qui s’établissent en Algarve
apprennent ce type de pêche aux Portugais
XVIIIe siècle : sous l’impulsion du Marquis de Pombal, la pêche du thon se développe
considérablement, surtout vers 1770-1780. Les madragues se multiplient entre Sagres et
Vila Real de San Antonio, la plupart d’entre elles étant localisées dans le Sotavento.
Milieu du XVIIe siècle : début du déclin
À leur apogée, étant donné leur rendement, il y avait 42 madragues (armacões,
almadravas ou almadrabilhas) sur la côte de l’Algarve. Près de Tavira, en 1881 on
réalise une capture record de 42 000 thons à la madrague de Mêdo das Cascas.
Madragues de l’Algarve en 1865
Capture de thons de derecho Capture de thons de revés
Détail d’une carte marine française du golfe de Cadix publiée en 1865. Coll. Loïc Ménanteau
Composition colorée
d’une image du
satellite Landsat 5 TM
acquise le 18-07-1999.
Traitement :
O. Geffray
et L. Ménanteau
(LETG-Nantes
Géolittomer)
Aguas de Ceuta
Tétouan
Cabo
Negro
Gibraltar
Madrague Aguas de Ceuta.
Photographie prise d’un avion à haute altitude dans les année 1960.
Transmis par Michel Ponsich à Loïc Ménanteau
Océan Atlantique
Ceuta
Création du Consorcio Nacional Almadrabero
Madrague de Punta de la Isla (Sancti Petri, Chiclana de la Frontera). Ph. Loïc Ménanteau, mai 1991
20 mars 1928
0
20000
40000
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55
Captures de thons entre 1525 et 1756
dans les almadrabas des Ducs de Medina Sidonia
Carta del R.mo Maestro Fray Martín Sarmiento al Excmo. Señor Duque de Medina Sidonia
sobre los Atunes. Rédigée à San Martín de Madrid le 18 février 1757.
Total = 5 029 962 thons
Captures des thons entre 1525 et 1625
à la madrague de Conil de la Frontera
0
20000
40000
60000
80000
100000
120000
1525
1528
1531
1534
1537
1540
1543
1546
1549
1552
1555
1558
1561
1564
1567
1570
1573
1576
1579
1582
1585
1588
1591
1594
1597
1600
1603
1606
1609
1612
1615
1618
1621
1624
Captures des thons entre 1525 et 1625
à la madrague de Zahara de los Atunes
0
10000
20000
30000
40000
50000
60000
70000
80000
1525
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1531
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1537
1540
1543
1546
1549
1552
1555
1558
1561
1564
1567
1570
1573
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1579
1582
1585
1588
1591
1594
1597
1600
1603
1606
1609
1612
1615
1618
1621
1624
0
5000
10000
15000
20000
25000
1626
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1634
1638
1642
1646
1650
1654
1658
1662
1666
1670
1674
1678
1682
1686
1690
1694
1698
1702
1706
1710
1714
1718
1722
1726
1730
1734
1738
1742
1746
1750
1754
Conil Zahara
Captures des thons entre 1626 y 1756
dans les madragues de Conil et Zahara
Carta del R.mo Maestro Fray Martín Sarmiento al Excmo. Señor Duque de Medina Sidonia
sobre los Atunes. Rédigée à San Martín de Madrid le 18 de février 1757.
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Captures de thons de derecho y de revés
à la madrague de Barbate (1929-1962)
D’après Rodríguez-Roda, 1964
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derecho revés
Captures de thons de derecho et de revés
à la madrague de Punta de la Isla (1930-1962)
D’après Rodríguez-Roda, 1964
D’après Rodríguez-Roda (1964)
Captures des thons et changements climatiques :
nécessité d’une vision globale
Les changements climatiques
ont modifié les conditions du
milieu marin (courants,
température de l’eau, etc.) et
ont eu, sans aucun doute, un
impact sur le comportement
migratoire des thons rouges.
Dans quelle mesure le petit Âge
glaciaire peut-il expliquer la
brusque baisse des captures
dans les madragues à la fin des
XVIe et XVIIe siècle ?
Quelles conclusions tirer de la
coïncidence des périodes de
moindre capture (ex. 1586-1618,
1678-1728) et celles où les effets
du petit Âge glaciaire ont été les
plus grands ?
En 1903, il existait encore 16 madragues (armações), puis leur
nombre diminue rapidement. En 1929, elles disparaissent du
Barlovento ; la dernière du Sotavento, celle de Arraial Ferreira Neto,
fut inaugurée en 1945 pour remplacer celle de Mêdo das Cascas,
détruite par la mer en 1941. À partir de 1961-62 le nombre de
captures aux Açores et Madère est supérieur à celui de l’Algarve.
En 1958, il n’y avait plus que quatre armações sur la côte de Tavira,
qui pêchèrent 1261 thons rouges. Enfin, en 1972, la dernière
madrague arrête de fonctionner après avoir pris un seul et unique
thon pendant la campagne. En 1996, un groupe japonais, ARAI
forme avec les Portugais une société, la TUNIPEX, à Olhão. Avec le
thonier Guentaro Maru, on expérimente une nouvelle technique
nécessitant un personnel réduit (12-15 personnes).
Déclin et disparition
des madragues (armacões)
de l’Algarve
Constructions du CNA à Sancti Petri (Chiclana de la Frontera). Ph. L. Ménanteau, mai 1991
Ancres de la madrague de Punta de la Isla
(Sancti Petri, Chiclana de la Frontera)
Ph. Loïc Ménanteau, juin 1977
Un patrimoine maritime en voie de disparition :
épaves de bateaux de la madrague de Barbate
Ph. Loïc Ménanteau, mai 1991
Le déclin de la pêche du thon fut marqué par une forte diminution
du nombre de madragues : entre les embouchures du Guadiana et
Gibraltar il existait encore 5 madragues en activité dans les années
1960 (Rodríguez-Roda, 1964) contre 12 en 1923 et 21 en 1904
(Buen, 1923). À Barbate, le total des thons capturés au cours de la
période 1975-1988 a été de 47 508, c’est-à-dire une moyenne de
3393 par an (1977: 1245, 1982 : 8233). Pour l’ensemble de la côte
andalouse la production totale a été de 24 463 Tm entre 1985 et
1999 (1995 : 941 ; 1999 : 3520).
Les dernières années ont été marquées par une invasion asiatique.
Les navires japonais ou sud-coréens, équipés de systèmes
d’ultracongélation, et souvent sous pavillon de complaisance,
viennent chercher le thon rouge dans les eaux du golfe, notamment
à Barbate et Zahara. Principal ingrédient des sashimi il s’est
converti en produit cher d’exportation vers ces pays (Au Japon,
consommation de 80% du thon rouge de la Méditerranée).
Déclin des madragues
de l’Andalousie atlantique
Le sashimi comme facteur de renaissance ?
Transfert des thons rouges pour le marché asiatique (ultracongélation -60°)
Évolution des captures du thon rouge en Atlantique Est et en Méditerranée depuis 1950
Évolution par
décennie
(1960-2000)
des captures dans
l’Atlantique
et la Méditerranée
Dans l’Union européenne, l'Espagne, la France et l'Italie sont les trois principaux
pays pour la pêche du thon rouge.
En 2007, sur 16 780 tonnes attribuées à l‘Union européenne, les captures
autorisées étaient :
- pour l'Espagne, 5 568 tonnes ;
- pour la France, 5 494 tonnes ;
- pour l'Italie, 4 336 tonnes.
Les navires italiens et espagnols disposent d'un quota global. En France le
quota est réparti et « individualisé » par thoniers-senneurs, il demeure global
pour les autres navires.
À partir du 16 juin 2008 (23 juin pour l’Espagne), afin de préserver les stocks, la
Commission européenne a interdit la pêche à la senne du thon rouge en
Méditerranée et dans l'Atlantique pour le restant de l'année. Il existe un
désaccord sur les quotas entre la Commission européenne et le gouvernement
français (pour le ministère français de l'Agriculture et de la Pêche, quotas
remplis à 50%, en se basant sur les seules déclarations des pêcheurs).
Le respect de quotas en constante diminution
Un thon rouge ou une belle voiture neuve de 35 000 dollars ?
La halle de poissons de Tsukiji à Tokyo, la plus grande du monde, a
vendu vendredi 5 janvier 2007 un thon rouge de plus de 200 kilos pour
la somme de 4,13 millions de yens (35.000 dollars), soit facilement le
prix d'une belle voiture, lors de la première criée de l'année.
Le 5/1/2007 à 18h44 par AFP
Entre 30 et 70 euros le kilo pour un acheteur japonais
Un produit devenu très cher et de plus en plus rare :
faut-il changer les habitudes alimentaires pour défendre
l’environnement marin ?
1/3 de l’offre mondiale
70% des thons rouges de la Méditerranée capturés
pour être engraissés dans des cages flottantes
et être exportés au Japon
Il n’y a pas de reproduction : depuis 1996, ce sont les thons sauvages qui sont
pris pour être engraissés. Les conséquences écologiques sont très graves :
abaissement du stock, bouleversement de leurs migrations génétiques et
trophiques, etc.
Le thon rouge est un poisson migrateur et n’est donc on pas uniquement
méditerranéen. Sa double traversée annuelle du détroit de Gibraltar est
essentielle pour empêcher sa disparition des mers et des océans.
La pêche
française
assure plus
de la moitié
de l’approvi-
sionnement
des élevages
espagnols.
Remorqués
vivants dans des
cages jusqu’aux
sites de
grossissement
(cages de 150-
300 m de
circonférence) et
nourris avec du
poisson congelé
S.O.S. Atún rojo
Commission européenne –
États européens méditerranéens
Échec de la réunion européenne du 21 septembre 2009
visant à protéger le thon rouge de la surpêche. La
Commission européenne souhaitait inscrire le thon rouge
dans l’annexe I de la convention CITES, ce qui revenait à
interdire sa commercialisation internationale.
En novembre 2014, lors de la réunion à Genova (Italie) de
l’ICCAT / CICTA (Commission Internationale pour la
Conservation des Thonidés de l’Atlantique), les industriels
de la pêche ont obtenu une légère augmentation des
quotas, 15.821 tonnes contre 13.400 en 2014, mais le total
est déjà de plus de deux fois inférieur à celui de 2006 qui
était de 32.400 tonnes. Le plan de reconstitution des
stocks de thons rouges a eu de effets positifs et il faudrait
continuer la politique engagée.
Le problème turcLe gouvernement turc, dont le pays avait refusé
d’accepter les quotas précédents accordés par l’ICCAT, a
la plus importante flotte thonière de Méditerranée. Le
commandement des forces navales turques a décidé de
coopérer avec l’ICCAT pour contrôler sa flotte en 2015.
Une surpêche difficile à arrêter
égoïsmes nationaux, non respect des quotas, illégalités
Le Détroit de Gibraltar
Photographie NASA
Du TAC au TIC
Total Inadmissible
de Captures