ÉLÉMENTS DU PATRIMOINE À DÉCOUVRIR
LE FAUBOURG SAINT-JEAN
UNE HISTOIRE MARQUÉE D’OBSTACLES
1. La porte Saint-Jean : mémoire de la
présence militaire
2. La place D'Youville, un carrefour animé
de tout temps
3. Le YMCA et le théâtre Le Capitole
4. Les communautés religieuses à la rescousse :
pauvreté et épidémies
5. Le 20e siècle: de vieux faubourg à cité moderne
6. Les grands incendies du 19e siècle
UN ESPACE À VIVRE ET À PARTAGER
7. L'héritage irlandais
8. Le legs de la communauté anglo-protestante
9. La rue Saint-Jean, la colonne vertébrale
du faubourg
10. L'église Saint-Jean-Baptiste, un joyau
du patrimoine
11. La maison à toit mansardé: témoin d'une époque
12. La manufacture de tabac B. Houde et Cie
13. L'escalier du Faubourg: entre haute et basse-ville
14. La côte Badelard, le «coin flambant»
15. La falaise : vivre en symbiose avec la nature
16. La tour Martello #4, un avant-poste militaire
17. La maison à toit plat : une architecture
du siècle dernier
18. La Place du Faubourg
UNE RÉPUBLIQUE CITOYENNE
19. La rue Saint-Gabriel, sur la ligne de front
20. L'îlot Berthelot : symbole d'une résistance
de longue haleine
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Le territoire situé sur les hauteurs du coteau Sainte-Geneviève
a connu un développement urbain marqué d'obstacles qui
ont forgé la personnalité du quartier Saint-Jean-Baptiste
constitué à l'origine de deux faubourgs : le faubourg
Saint-Louis sur la colline parlementaire et le faubourg
Saint-Jean installé à flanc de falaise.
Sous le Régime français, certaines parcelles du faubourg
Saint-Jean sont défrichées et exploitées par quelques
colons pendant que la majeure partie est propriété de deux
communautés religieuses : les Augustines de l’Hôtel-Dieu
et les Ursulines de Québec. Au début du 18e siècle, des
artisans s'installent aux portes de la ville fortifiée, le long de
la rue Saint-Jean. Toutefois, les autorités militaires
française, puis anglaise, n’hésiteront pas à démolir les
maisons groupées près des fortifications pour créer une
zone dégagée de tout bâtiment afin de voir venir l'ennemi.
Il faut attendre la fin du 19e siècle qui correspond au départ
des troupes britanniques pour que le véritable coup d'envoi
soit donné au peuplement dans le faubourg Saint-Jean.
Au 19e siècle, la vie dans le faubourg est perturbée par de
grands incendies, de même que par des épidémies qui
frappent lourdement la population. Au 20e siècle, c'est la
grande vague du progrès qui transforme en profondeur le
paysage urbain. Retracer l’histoire du faubourg Saint-Jean,
c'est comprendre de quelles façons se sont façonnés au fil
du temps les réflexes de solidarité et l'esprit d'entraide qui
caractérisent ce milieu de vie aujourd'hui.
UNE HISTOIRE MARQUÉE D'OBSTACLES
Abraham Martin est le premier à s'être installé dans
le faubourg Saint-Jean vers 1645. Il défriche une terre
connue alors sous le nom de Claire fontaine en raison de la
présence, à cette époque, d'une abondante source d'eau.
Il y bâtit une maison familiale et une grange où il élève des
animaux qu'il allait abreuver et faire paître sur les berges
de la rivière Saint-Charles. Il empruntait alors un sentier
qui constitue l'origine de l’actuelle côte d’Abraham.
3
Limites de la terre d'Abraham Martin. Sous le Régime anglais, ce lopin de terre et les environs sont surnommés les Hauteurs d'Abraham. Suite à lacélèbre bataille entre les Français et les Britanniques en 1759, l'appellationAbraham s'étend au territoire voisin qui prend le nom de Plaines D’Abraham.Archives de la Ville de Québec, N022267
L e premier habitant
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Porte Saint-Jean vers 1860. Point de départ du circuit.Archives de la Ville de Québec, N016366
La porte Saint-Jean constitue le point de départ du
peuplement du quartier. À l'époque de la Nouvelle-France,
cette ouverture représente un véritable trait d'union entre le
faubourg et l'intérieur de la ville fortifiée. D'ailleurs, les
artisans qui choississent d'abord de s'installer à l'extérieur
de l'enceinte demeureront longtemps dépendants à bien
des égards des services fournis dans le bourg. Par exemple,
ils doivent franchir la porte pour se rendre au marché ou
encore à l'église. Ouverte dès le levé du soleil, la porte se
refermait à la tombée du jour, laissant à eux-mêmes les
habitants du faubourg : sans service, ni protection.
Le faubourg naissant a également subi d'importants
contre-coups de la présence militaire à Québec. En 1745,
le réaménagement des remparts a justifié la destruction
de toutes les habitations implantées dans le secteur
de l'actuelle place D'Youville. En 1775, lors du siège de
Québec par les Américains luttant pour l'indépendance,
les maisons reconstruites à proximité des fortifications sont
à nouveau détruites pour éviter que l'ennemi ne s'y
abrite. L'isolement conjugué à ces impératifs de défense
constituent sans aucun doute les prémisses du réflexe de
solidarité qui caractérise le faubourg.
Il faut attendre le retrait définitif des troupes britanniques
en 1871 pour qu’enfin le peuplement du faubourg prenne
plus d’ampleur.
La porte Saint-Jean : mémoire de la présence militaire
4
Jean Bourdon arrive en Nouvelle-France comme carto-
graphe et ingénieur-arpenteur. Il s’installe sur le coteau
Sainte-Geneviève vers 1640 dans le secteur de l'actuel
quartier Montcalm, sur une terre désignée fief Saint-Jean.
Bourdon aménage en 1667 le chemin de Saint-Jean
reliant sa terre à la ville fortifiée. Cette route qui
correspond à l'actuelle rue Saint-Jean est demeurée une
voie de transit avant que les commerçants et artisans s'y
agglutinent. Jean Bourdon a donné son prénom non
seulement à la rue Saint-Jean, mais aussi à la porte et
au faubourg.
Jean Bourdon. Musée de la civilisation, bibliothèque du Séminaire de Québec.
M onsieur de Saint-Jean
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Marché Montcalm vers 1915. Archives de la Ville de Québec, N000085
Le YMCA et le théâtre Le Capitole950 et 972, rue Saint-Jean
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La présence de ces deux institutions confirme la vocation
du secteur de la place D'Youville dédiée aux activités culturelles
et récréatives. L’édifice du YMCA (Young Men’s Christian
Association) a été construit en 1897 et sert alors
principalement de centre culturel et sportif pour les jeunes
anglophones du secteur. En 1903, l’Auditorium de Québec,
connu sous le nom de Capitole depuis 1930, voit le jour.
Théâtre, cinéma, opéra, music-hall, concert, gala et bien
d'autres types de prestations s'y succèdent pendant une
cinquantaine d'années jusqu'à ce que la salle de spectacles soit
abandonnée en 1982 en raison d'un certain déclin de sa
fréquentation. En 1984, l'édifice reçoit le titre de monument
historique. Il est restauré en 1992 pour lui redonner sa beauté
architecturale d'antan et pour le faire vibrer à nouveau au
rythme des artistes.
YMCA et théâtre Le Capitole au début du 20e siècle. Archives de la Ville de Québec, N011146
La place D'Youville, un carrefour animé de tout temps
2
Après le départ de la garnison britannique, on songe à
aménager un marché public près de la porte Saint-Jean.
Inaugurée le 5 mai 1877, la halle du marché Montcalm
devient rapidement une place centrale de rassemblement
où convergent les habitants du faubourg. En 1931, la halle
est détruite pour faire place au Palais Montcalm. Des
fouilles archéologiques effectuées en 1986-1987 ont
permis de mettre au jour des vestiges qui témoignent à la
fois de l’ancienneté et de la complexité de l'occupation de
ce site qui demeure
encore aujourd'hui
très convoité par
la population locale
et les touristes de
la vieille capitale
qui y défilent en
toutes saisons.
Patinoire de la place D'Youville. Ville de Québec
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La rue Saint-Jean ininterrompue en 1907. Avec la construction de l’avenueHonoré-Mercier dans les années 1970, le faubourg a littéralement la tête coupée.Le lien historique entretenu avec la place D’Youville via la rue Saint-Jean estcourt-circuité. En 2001-2002, un baume est appliqué sur cette cicatrice urbaineavec le réaménagement à une échelle plus humaine de cette zone de transit. Artpublic, végétation, jeu de murets et de terrasses rappelant l’ancienne trameurbaine de la côte d’Abraham sont autant d’éléments qui animent désormais cetespace. Archives de la Ville de Québec, fonds Henriette Bouffard, N011110
À chaque époque ses bouleversements : le 20e siècle est
marqué par un vent de modernisation qui balaie le
faubourg. Dans le contexte de la Révolution tranquille,
l’État québécois crée un complexe administratif autour de
la colline parlementaire auquel s'ajoute l’aménagement
d’artères autoroutières facilitant les allées et venues de
milliers de fonctionnaires. Le paysage et la composition
sociale du faubourg se transforment en profondeur
avec l’apparition d’immeubles de grandes dimensions qui
coïncide avec la disparition de plusieurs pâtés de maisons
et l'exode des résidants vers la banlieue. Le vieux faubourg
résidentiel se métamorphose en véritable cité moderne.
Le 20e siècle : de vieux faubourg à cité moderne
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Les premiers habitants
du faubourg sont géné-
ralement peu fortunés. Ils
choisissent d'ailleurs le
faubourg puisque les
prix des terrains sont
abordables. De plus, la
construction de maisons
en bois y est permise,
alors que des matériaux
incombustibles plus dis-
pendieux sont exigés dans
l'enceinte fortifée pour
éviter la propagation des
incendies, terribles fléaux
qui affectent lourdement
les populations des
faubourgs de Québec au
19e siècle.
La population minée par cette calamité, de même que par
les foudroyantes épidémies qui frappent la ville à cette
époque, des organisations de bienfaisance s'installent dans
le faubourg pour porter assistance. En 1849, Mère Marcelle
Mallet, fondatrice des Sœurs de la Charité de Québec, et
ses compagnes s'établissent dans le faubourg. L'année
suivante, la construction de leur maison-mère débute. Ce
projet d'envergure pour l'époque a nécessité le travail de
plusieurs artistes et artisans du faubourg, tels que les
sculpteurs François-Xavier Berlinguet et Louis Jobin.
À la même époque, les Frères des écoles chrétiennes et
la Société Saint-Vincent-de-Paul s'implantent dans le
faubourg pour offrir l'éducation aux jeunes des familles
pauvres. À l'initiative de cette dernière société, l'œuvre du
Bon-Pasteur voit également le jour dans le faubourg.
Chapelle des Sœurs de la Charité. Ville de Québec
4 Les communautés religieuses à la rescousse:pauvreté et épidémies948, rue Richelieu
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Les grands incendies du 19e siècle
Au 19e siècle, les
faubourgs de Québec
sont dévastés par de
terribles incendies. Aux
mois de juin 1845 et
1881 surviennent les
plus importantes con-
flagrations qu’ait connu
le faubourg Saint-Jean.
Malgré les efforts des
pompiers volontaires et
de la population pour
combattre ces vastes brasiers à ciel ouvert, plus d’un millier
de maisons sont détruites lors des deux sinistres.
Construites en bois, les maisons se consument rapidement.
Aussi, puisque l’approvisionnement en eau est effectué à
bras ou par véhicule, la moindre étincelle a le potentiel de
déclencher un incendie incontrôlable. C’est d’ailleurs suite
à ces désastres que la Ville a adopté un règlement
interdisant notamment l’usage du bois comme matériau
de construction et
que des améliora-
tions appréciables
ont été apportées au
système d’aqueduc.
Quant aux nombreux
habitants éprouvés
par ces tragédies,
il y a fort à parier
qu'ils ont dû se serrer
les coudes pour que
le quartier renaisse
de ses cendres.
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Incendie du faubourg Saint-Jean en 1845. Musée national des Beaux-Arts du Québec, no. acc. 58.470, artiste: Joseph Légaré
Les sinistrés se réfugient à la tour Martello #3 lors de l’incendie de 1881.Archives de la Ville de Québec, N022238
Livreur d’eau dans le faubourg en 1872. Archives de la Ville de Québec, N016185
La partie est du quartier a été épargnée par le deuxième
incendie survenu en 1881. Les maisons qui s’y trouvent
sont les plus anciennes du faubourg. La résidence sise au
738-740 de la rue Richelieu arborant un revêtement
de bois et s’élevant sur un étage coiffé d’un toit
à deux versants droits est très représentative du type
d’habitation construit au cours de la première moitié du
19e siècle communément nommé «maison du faubourg».
En contrepartie, la maison voisine sise au 744 avec
parement de pierre et mur coupe-feu évoque davantage
la période de re-
construction qui a
immédiatement
suivi le premier
grand incendie.
L a maison du faubourg :vestige des grands incendies
Maison du faubourg. Photographe : Félix Genêt Laframboise
1312
Secteur irlandais du faubourg Saint-Jean en 1910. Dans les parages de l’actuelCentre des congrès de Québec étaient regroupées les familles irlandaises dufaubourg. Elles avaient principalement élu domicile sur les rues Scott,O’Connell et St. Patrick. D’ailleurs, ces deux dernières rues connues jadis sousles noms de rues Saint-Jacques et Nouvelle ont été rebaptisées et angliciséespour marquer la présence des Irlandais dans ce secteur.Archives de la Ville de Québec, Atlas Goad des assureurs, FC-409
Chantiers navals dans le quartier Saint-Roch au début du 19e siècle. Archives nationales du Québec, N874-268
Malgré les obstacles qui marquent le peuplement du faubourg
Saint-Jean – présence militaire, épidémies, incendies et
pauvreté –, une diversité d’habitants s’y enracinent. Au 19e
siècle, alors que le port de Québec compte parmi les
principaux points d’entrée des immigrants européens
en Amérique, une vague migratoire provenant des îles
britanniques déferle sur la ville. La construction navale et le
commerce du bois ayant atteint des sommets, nombreux sont
ceux qui choisissent de demeurer à Québec pour profiter de
cette manne. Plusieurs communautés culturelles composent
alors le faubourg Saint-Jean. Elles sont principalement
d’origine française, irlandaise, anglaise et écossaise. Cette
mixité conjuguée, entre autres, au développement commercial
de la rue Saint-Jean a contribué à façonner l'identitié
du faubourg à cette époque.
Les immigrants en provenance de l’Irlande arrivent
nombreux à Québec au 19e siècle dans l’espoir de se bâtir
une vie meilleure. Les famines qui sévissent dans leur pays
forcent nombre d’Irlandais à s’exiler : il s’agit alors d’une
question de survie. Toutefois, à bord des navires qui
effectuent la traversée entre les deux continents, les
conditions de vie sont très pénibles. Des maladies conta-
gieuses font leur apparition parmi les passagers et sont à
l’origine des épidémies qui frappent Québec à cette époque.
À leur arrivée, ces immigrants cherchent du travail et les
chantiers de construction navale de la basse-ville de
Québec ont besoin de main d’œuvre bon marché. Au côté
des Canadiens-français, les Irlandais sont engagés par
des patrons principalement Anglais et Écossais. Même si
l’intégration ne se fait pas sans heurt, les Irlandais partagent
non seulement les mêmes conditions de travail avec les
Canadiens-français du faubourg, mais aussi la tradition
religieuse catholique. De même, ils ont en commun l’usage
de la langue anglaise avec les Canadiens-anglais.
L’héritage irlandaisIntersection des rues Saint-Augustin et Saint-Joachim
UN ESPACE À VIVRE ET À PARTAGER
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Le legs de la communauté anglo-protestante755, rue Saint-Jean
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Résolument francophone aujourd’hui, la ville de Québec a
déjà compté une proportion de 40 % d’anglophones au
milieu du 19e siècle. Le cimetière et l’église St. Matthew
sont les symboles par excellence de cette présence. Le
cimetière St. Matthew constitue le plus vieux cimetière
urbain au Québec. Il a reçu ses premières inhumations en
1772. Les protestants d'origine anglaise ou écossaisse de
toutes confessions y étaient enterrés, qu’ils soient anglicans
ou presbytériens. Des fouilles archéologiques réalisées en
1999 ont révélé qu’environ 6 700 corps ont été ensevelis
dans ce cimetière. En 1820, les nombreux enterrements
pratiqués en plein cœur du faubourg incommodent la
population qui se mobilise pour faire cesser cette pratique
qui sera révolue à partir de 1860.
La communauté anglicane de Québec célèbre d’abord sa
vie liturgique à la cathédrale Holy Trinity située dans le
Vieux-Québec. Puis, une desserte de la cathédrale est
ouverte dans le faubourg en 1822. Le fossoyeur qui loge
dans la maison adjacente au cimetière accueille les
célébrations religieuses dans sa demeure qui sera
consacrée exclusivement au culte à partir de 1827.
N’ayant pas échappé au grand incendie de 1845, cette
maison est remplacée par une chapelle de pierre.
Le nombre de fidèles s’accroissant, à partir de 1870
d’importants agrandissements sont réalisés confèrant un
caractère indubitablement anglais à l’église St. Matthew.
Premier lieu de culte anglican vers 1840. Bibliothèque et Archives Canada, e-996484
Chapelle anglicane vers 1850. Archives nationales du Québec, E6, S8, D78.831, P12
Parc St. Matthew.Photographe : Félix Genêt Laframboise
Un siècle plus tard, en 1978, l’église et le cimetière
sont classés monuments historiques. L’année suivante,
la communauté anglicane cède cet héritage à la Ville de
Québec. L’église est alors transformée en bibliothèque et
ouverte au public en 1980, tandis que le cimetière est
aménagé en parc, redonnant ainsi à la population accès à
ces deux joyaux du patrimoine.
Bibliothèque Saint-Jean-BaptisteMardi, jeudi, vendredi : 12h à 17h
Mercredi : 12h à 20h30
Samedi, dimanche : 13h à 17h
Information : (418) 641-6798
www.bibliothequesdequebec.qc.ca