Par Razamwendé Saturnin SAWADOGO
Dirigé par : A. AKNIN, V.GERONIMI
Mémoire recherche
Master 2 Economie Théorique et Appliquée du
Développement Durable
Ressources non renouvelables et développement
soutenable : L’or du Burkina est-il vraiment une
bénédiction ?
Septembre 2015
2
A mon père et à ma mère,
A ma patrie, le Burkina Faso !
A la conquête de la liberté et du progrès !
3
Remerciements
Du fond du cœur,
Je remercie mon professeur et encadreur : Mme A. AKNIN, pour le thème et
l’encadrement et les nombreuses observations ;
Je remercie mon professeur et encadreur : Mr V. GERONIMI, pour la correction, les
conseils et le soutien;
Mes remerciements vont également à :
Ma compagne, Myriam Legrand, pour la correction et les critiques.
Abraham SAWADOGO pour son soutien moral et matériel
Hajar DAOUDI pour le soutien moral et la correction
Richard BITIE pour la lecture et la correction
Merci à tous !
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Sommaire
Liste des sigles et acronymes............................................................................................ 6
Résumé ............................................................................................................................ 7
Introduction .................................................................................................................... 8
Chapitre I : Entre bénédiction et malédiction des ressources naturelles : littérature
théorique et empirique .............................................................................................................. 10
I. Les ressources naturelles facteurs de croissance ..................................................... 10
1. La théorie des avantages comparatifs .................................................................. 11
2. Le « Big push » par les ressources naturelles ....................................................... 11
II. La malédiction des ressources naturelles : Littérature théorique et empirique. ... 12
1. Evidences empiriques .......................................................................................... 12
2. Théories explicatives ........................................................................................... 13
a) L’évolution à long termes des prix mondiaux. .............................................. 13
b) La volatilité des prix des matières premières ............................................... 14
c) L’éviction permanente du secteur manufacturier ........................................ 14
d) La mauvaise qualité institutionnelle ............................................................. 16
III. Développement soutenable et malédiction des ressources naturelles ................... 19
1. Le développement soutenable et la malédiction des ressources naturelles ........... 19
2. Soutenabilité forte ou faible ................................................................................ 20
3. La règle de Solow-Hartwick ................................................................................ 21
Conclusion ..................................................................................................................... 22
Chapitre II : Spécialisation primaire et développement soutenable au Burkina Faso ... 23
Introduction .............................................................................................................. 23
I. Généralité sur le Burkina Faso ............................................................................ 23
1. Evolution récente des indicateurs de développement socio-économiques du
Burkina Faso ..................................................................................................................... 24
a) La croissance économique au Burkina Faso ................................................. 24
b) Les sources de la croissance au Burkina Faso .............................................. 26
c) Les inégalités et la pauvreté au Burkina Faso .............................................. 28
2. De la stabilité politique au Burkina Faso ......................................................... 29
II. Du boom minier au Burkina Faso .................................................................... 29
1. Développement du secteur minier .................................................................... 30
2. Cadre réglementaire et institutionnel .............................................................. 31
3. Les potentialités et les facteurs explicatifs du boom minier .............................. 32
a) Les facteurs explicatifs du boom minier au Burkina Faso ............................ 32
5
b) Les potentialités du secteur minier burkinabè ............................................. 34
III. Contribution, vulnérabilité et risques .............................................................. 36
1. Contribution du secteur minier à l’économie burkinabè ................................. 36
2. Contribution du secteur au développement local ............................................. 38
3. Vulnérabilité et risques de malédiction ............................................................ 39
Conclusion ..................................................................................................................... 44
Chapitre III : De la soutenabilité du secteur minier burkinabè ..................................... 46
Introduction .................................................................................................................. 46
I. A là quête d’un indicateur de développement soutenable .................................... 47
1. De l’IDH à la mesure du capital humain .......................................................... 47
2. L’épargne nette ajustée ................................................................................... 48
3. La Formation Brute de Capital Fixe ................................................................ 49
II. Du choix de la non pondération du capital physique et du capital humain ...... 50
III. Burkina Faso et l’hypothèse d’un changement de régime d’accumulation de
capital physique et humain .................................................................................................... 51
1. Evaluation du capital humain .......................................................................... 51
a) L’espérance de vie au Burkina Faso ............................................................ 51
b) Taux de scolarisation au primaire ................................................................ 53
c) De l’accumulation du capital humain au Burkina Faso................................ 55
2. De l’accumulation du capital physique au Burkina Faso ................................. 55
Conclusion ..................................................................................................................... 58
Bibliographie ................................................................................................................. 59
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Liste des sigles et acronymes
BIC Bénéfices Industriels et Commerciaux
BNAF Brigade Nationale Anti-Fraude de l’or
BUMIGEB Bureau des Mines et de la Géologie du Burkina
CDEAO Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest
EVI Economic Vulnerability Index
FMI Fonds Monétaire International
IDE Investissements Directe Etrangers
IDH Indice De Développement Humain
IMFPIC Impôt Minimum Forfaitaire sur les Professions Industrielles et
Commerciales
IRVM Impôt sur les Revenus des Valeurs Mobilières
ITS Inspection Technique des Services
LBM London Bullion Market
SEMAFO Société Exploitation Minière en Afrique de l’Ouest
TBM Taxe des Biens de Mainmorte
TPA Taxe Patronale et d’Apprentissage
TVA Taxe sur la Valeur Ajoutée
UEMOA Union Economique et Monétaire Ouest Africaine
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Résumé
La malédiction des ressources naturelles autorise à s’inquiéter sur l’avenir d’un pays,
dès lors que l’exploitation d’une ressource naturelle connait un boom substantiel. C’est le cas
du Burkina Faso depuis 2009 avec l’exploitation de l’or. Pour vérifier que l’or du Burkina
Faso est une bénédiction, nous analysons graphiquement la dynamique d’accumulation des
différents capitaux avant et après le boom minier, et constatons que si le Burkina Faso est
passé d’un régime d’accumulation de capital physique relativement faible a un niveau plus
élevé après le Boom minier, ceci n’est pas le cas au niveau du capital humain qui quant à lui
présente un nouveau régime plus bas. Pour conjurer la malédiction des ressources naturelles
dans ce pays, une attention particulière doit être accordée à l’accumulation du capital
humain afin que les générations présentes et futures puissent garder au moins un niveau de
bien être constant.
Mots clés : malédiction des ressources naturelles, développement soutenable,
Burkina Faso.
8
Introduction
Depuis 2009, l’exploitation de l’or a connu une expansion considérable au Burkina
Faso. L’or s’est hissé au rang de premier produit d’exportation et a fortement impacté la
structure de la balance commerciale et des revenus de l’Etat. Entre 2006 et 2010, la
production aurifère du Burkina a été multipliée par 8. Faisant de ce pays le 3e producteur d’or
d’Afrique de l’Ouest.
Les potentialités du secteur aurifère justifient de nos jours un grand optimisme affiché
par les politiques et un grand espoir pour le peuple burkinabè qui y voit de belles perspectives
pour l’amélioration de ses conditions de vie et le garant d’un avenir radieux pour les
générations futures. L’augmentation des dépenses d’explorations minières et les modifications
du code minier pour augmenter l’attrait d’investissement étranger dans ce pays témoignent de
cet optimisme. Ainsi en 2012, plus d’un tiers des projets d’explorations ou de forage
prospectif opéré par des sociétés minières étrangères en Afrique de l’ouest ont eu lieu au
Burkina Faso.
La théorie économique quant à elle, voit dans les ressources naturelles une opportunité
pouvant être à la base d’un «big push » pour le décollage économique mais également le
risque d’une malédiction pouvant compromettre l’avenir des générations futures. En effet, les
ressources naturelles constituent une importante source de revenu pouvant financer une bonne
partie des investissements nécessaires pour amorcer le décollage économique des pays qui en
sont dotés. Elles sont à la base d’importants afflux d’Investissements Directs Etrangers et de
recettes fiscales au service des stratégies nationales de développement.
Malheureusement, l’expérience a prouvé que l’abondance de ressources naturelles est
très souvent associée à des guerres civiles, à la misère des populations locales, à la mauvaise
gouvernance et a la dégradation de l’environnement ( Karl 1997, Aknin 2009). Les chercheurs
ont ainsi pu observer que l’abondance des ressources naturelles n’a pas toujours été le gage
d’une croissance saine et soutenable mais plutôt la source de plusieurs maux qui ont
transformé la bénédiction de la nature en ce qu’ils ont convenu d’appelé la malédiction des
ressources naturelles (Aknin 2009). Selon Carbonier (2007), l’impact négatif des ressources
naturelles est mis en exergue sur trois plans : la performance économique, les risques de
guerre civile, et le fonctionnement des institutions et la gouvernance.
La théorie économique sur la soutenabilité faible permet de dégager théoriquement
une cause fondamentale de l’échec des stratégies de développement soutenable dans les
9
économies extractives : Le faible taux d’accumulation des facteurs de productions,
notamment le capital humain et le capital manufacturier. Dès lors qu’il y’a exploitation de
ressources non renouvelables, la première condition de soutenabilité faible est la capacité de
l’économie à accumuler les capitaux substituts. En effet, le développement soutenable tel
qu’énoncé par le rapport Bruntland (1987) est celui qui permet de subvenir aux besoins de la
génération actuelle sans compromettre à la capacité des générations futures à en faire de
même. Dès lors, la science économique distingue la soutenabilité forte, selon laquelle aucun
capital ne peut remplacer l’autre et la soutenabilité faible qui accepte l’hypothèse de
substituabilité.
Le développement est soutenable tant que la destruction d’un capital est compensée
par l’accumulation d’un autre capital. Appliqué au cas du Burkina, cette définition de la
soutenabilité voudrait donc que l’exploitation de la ressource non renouvelable qu’est l’or et
la dégradation environnementale qui s’en suit soit accompagnée par l’accumulation de capital
humain et/ou physique de sorte à permettre aux générations futures de subvenir à leur besoin.
Le Burkina Faso satisfait-il cette condition de la soutenabilité faible ?
En nous basant sur ce concept de soutenabilité faible, l’or du Burkina serait une vraie
bénédiction si le boom minier s’accompagne d’un taux d’accumulation de capital physique et
humain significativement plus élevé que celui observé en moyenne avant le boom minier.
L’objectif de cette étude est double, mettre en évidence les risques associés au
développement du secteur minier burkinabè à la lumière de la théorie de la malédiction des
ressources naturelles dans un premier temps, ensuite vérifier l’hypothèse du passage d’un
régime d’accumulation faible à un régime élevé depuis le boom minier de 2009.
Pour répondre a cette question, nous explorons la littérature sur la malédiction des
ressources naturelles et le développement soutenable dans notre premier chapitre. Le chapitre
2 présente les spécificités de l’économie burkinabè. Le chapitre 3 discute de la pertinence des
indicateurs de développement soutenable en nous permettant de dégager des indicateurs pour
mesurer l’accumulation de capital physique et humain au Burkina Faso afin de vérifier
l’existence ou non d’un changement de régime dans l’accumulation de capital physique et
humain.
10
Chapitre I : Entre bénédiction et malédiction des ressources
naturelles : littérature théorique et empirique
Les ressources naturelles constituent avec le capital naturel au sens large, un facteur de
production d’une importance considérable dans la dynamique économique. La découverte de
gisements miniers, pétroliers ou autres dans un pays apparait de prime abord comme une
bénédiction lorsqu’on ne considère que les opportunités de revenu que son exploitation peut
engendrer. Néanmoins, certains Etats ont échoué malgré l’abondance de ressources, à
rehausser le niveau de vie des populations. Dans le pire des cas, on observe une régression des
indicateurs de bien être après la mise en exploitation des ressources. Ce phénomène a inspiré
l’émergence de la théorie de la « malédiction des ressources naturelles ».
Pour mieux appréhender le phénomène, nous passons d’abord en revue la contribution
des ressources naturelles au développement. Ensuite nous évoquons quelques preuves
empiriques soutenant la théorie de la malédiction des ressources naturelles et les théories
explicatives, notamment le syndrome hollandais, l’éviction du secteur manufacturier, etc.
Enfin, nous tentons un rapprochement entre le concept de développement soutenable et la
théorie de la malédiction des ressources naturelles, en insistant sur les implications de la règle
de soutenabilité faible sur cette dernière.
I. Les ressources naturelles facteurs de croissance
Les ressources naturelles peuvent contribuer de différentes manières à la croissance
économique et au développement des Etats qui en sont dotés. Qu’elles soient renouvelables
ou non renouvelables, les ressources naturelles sont recherchées sur le marché international de
sorte qu’exportées à l’état brut, elles génèrent d’important flux de devises pour ces pays.
Ensuite, ces ressources naturelles interviennent directement dans le processus de fabrication
de produits de grande consommation, les pays qui en sont dotés peuvent ainsi bénéficier
d’avantages comparatifs, les transformer sur place et être plus compétitif sur le plan
international. Selon Gelb (2010, page 1) : « On note ainsi entre 1975 et 2004 une progression
de 175% de la part de l’Amérique latine sur les marchés internationaux de métaux ».
L’émergence de grands pôles industriels tels que la Chine, la Corée, la Malaisie ou
l’Indonésie est en grande partie lié aux bénéfices que ces pays ont su tirer de leurs ressources
naturelles.
On peut établir théoriquement un lien positif entre ressources naturelles et croissance
économique à travers une relecture de deux principales théories économiques : la théorie des
11
avantages comparatifs de Ricardo (1817), et la théorie du Big push de Rosenstein-Rodan
(1943).
1. La théorie des avantages comparatifs
Initialement élaborée pour démontrer les avantages du commerce international et de la
spécialisation, la théorie des avantages comparatifs de D. Ricardo (1817) est toujours
d’actualité pour définir comment un pays riche en une ressource peut en tirer avantage dans le
commerce mondial. En effet, dès lors qu’un pays regorge d’une ressource, il dispose d’un
certains avantage sur les produits finis incorporant cette ressource. Une politique permettant
de pratiquer des prix faibles sur cette ressource à l’intérieur du pays peut constituer une base
pour l’émergence d’un secteur de transformation. Dans sa définition des avantages
comparatifs, Ricardo insiste sur les gains d’une telle structuration du commerce mondiale.
Chaque Etats se spécialisant dans les produits sur lesquels il jouit d’un avantage comparatif de
productivité.
2. Le « Big push » par les ressources naturelles
Le sous développement du tiers monde est très souvent associé à un manque
d’infrastructures, une insuffisance de l’épargne et de l’investissement, de sorte que dans
certains cas ce phénomène est assimilable à un piège de pauvreté. A cet effet, Sachs (2005)
propose la solution du Big push par un accroissement de l’aide internationale pour la
réalisation des différents investissements nécessaires au développement. Les études sur les
pièges à pauvreté et l’efficacité de l’aide au développement (Easterly, 2005), tendent à
montrer les limites d’une telle prescription. Néanmoins, l’exploitation des ressources
naturelles se traduisant par un important afflux de ressources financières, peuvent servir de
levier au financement des infrastructures de développement et provoquer le décollage
économique de ces Etats. En effet, selon Roseinstein-Rodan (1943), au premier stade de
développement, les investissements dans l’industrie naissante d’un secteur peut accroitre le
profit des autres secteurs. Ainsi en investissant simultanément dans plusieurs secteurs, on peut
atteindre un équilibre haut alors que pris individuellement, aucun secteur n’aurait pu se
développer seul.
De toute évidence, les ressources naturelles lorsqu’elles sont bien gérées, sont une
bénédiction. Des Etats comme le Botswana, la Norvège ou l’Indonésie ont profités de la rente
tirée des ressources pour diversifier leur économie et gagner le pari de l’industrialisation. Le
Botswana a entamé sa période post coloniale avec un faible taux d’investissement et un
12
niveau substantiel d’inégalité. Il est le deuxième plus grand investisseur sur l'éducation
(dépenses publiques en % PNB), et bénéficie du taux de croissance le plus élevé au monde
depuis 1965 (Van der Ploeg. 2011). La Norvège est le troisième exportateur de pétrole du
monde après l'Arabie Saoudite et la Russie, mais il est l'un des pays les moins corrompus au
monde et bénéficie d'institutions bien développées, une gestion transparente et des politiques
favorables au marché (Van der Ploeg. 2011).
II. La malédiction des ressources naturelles : Littérature
théorique et empirique.
De nombreuses études empiriques ont mises en évidences l’existence de la
malédiction des ressources naturelles. Nous pouvons citer entre autres : Sachs et Warner
(1995, 1997, 1999, 2001) ; Gelb (1988) ; Auty (1990, 1998). En tant que fait stylisé, des
théories ont émergées pour tenter de comprendre comment le phénomène opère, et
éventuellement comment conjurer la malédiction.
1. Evidences empiriques
La malédiction des ressources naturelles est née des observations de Auty (1990) qui
utilise ce terme pour qualifier le phénomène « contre intuitif » qui fait que dans les
régressions de croissance, les pays richement dotés en ressources naturelles soient ceux là
même qui peinent à connaitre une croissance économique soutenue. D’un coté on a des pays
pauvre en ressources telles que Singapour, Hong Kong, la Taiwan, ou le Japon qui, du point
de vu de la croissance se démarquent positivement. Tandis que le Nigeria, le Gabon, ou le
Venezuela qui sont plutôt bien dotés en ressources naturelles, réalisent des performances
médiocres et stagnent depuis les indépendances (J. A. Frankel 2012).
En analysant les données de 1970 à 1990, Sachs et Warner (1997) ont montrés que les
pays riches en ressources naturelles ont tendance à croitre moins vite que les pays peu dotés
en ressources naturelles. Ils ont effectué des régression de croissance, en prenant en compte
des caractéristiques économiques telles que le « ratio exportation en ressource naturelles par
rapport au PIB » ,« la population active », « l’intégration globale de
l’économique », « l’ouverture économique », « le taux d’investissement », « le taux
d’accumulation de capital humain », « le ratio des dépenses publiques », « le déficit fiscal »
et « l’efficacité des institutions ».
Par ailleurs, Sala-i-Martin (1997) et Doppelhofer et al. (2000) ont trouvé que les
ressources naturelles font parties des 10 variables explicatives les plus robustes dans les
13
régressions de croissance. Cette étude vient étayer les conclusions de Sachs et Warner (1995),
Auty (1990), Gelb (1988).
Sachs et Warner (2001) ont revu la littérature empirique sur la théorie des ressources
naturelles. Ils constatent qu’au delà de la corrélation négative entre abondance en ressources
et croissance, l’introduction de variables géographiques et climatiques ne modifie pas
significativement les conclusions. En effet, selon les auteurs (page 5): « en considérant la
possibilité qu’il existe un biais lié à l’existence de variables géographiques non observables,
les pays dont les conditions géographiques sont favorables auraient une croissance soutenue
en laissant passer le temps. La part des ressources naturelles dans l’économie apparaitra
alors faible par ce que le reste de l’économie aurait connu une croissance soutenue et non
par ce que ces pays sont pauvres. Les pays pauvres en ressources naturelles quant à eux,
apparaitrons comme riche (mesuré par le ratio exportation de ressources naturelles sur PIB),
le reste de l’économie n’ayant pas connu de croissance soutenue ». De même, le test de
contrôle direct de la variable géographique dans la régression réalisé par Gallup et al. (1999)
et le test indirect consistant à contrôler la croissance des périodes antérieur réalisé par Sachs et
Warner (1997), ont conclu que la prise en compte des variables géographiques n’élimine pas
la malédiction des ressources naturelles.
2. Théories explicatives
Quelles sont les mécanismes qui expliquent la malédiction des ressources naturelles ?
La théorie économique propose plusieurs explications que l’on peut résumer en 6 groupes
(Frankel 2012). Il s’agit notamment de : l’évolution à long terme des prix mondiaux, la
volatilité des prix des matières premières, l’éviction permanente du secteur manufacturier,
institutions autocratiques ou oligarchiques, l’existence d’institutions anarchiques et le
syndrome hollandais.
a) L’évolution à long termes des prix mondiaux.
Cette théorie remonte au années 1950 avec la thèse de Prebish et Singer qui stipule
que sur le long terme, les prix des produits minéraux et agricoles suivent une trajectoire à la
baisse. Selon la loi d’Engel, les ménages consacrent une fraction plus faible de leur revenu à
la nourriture et autres nécessités de base lorsque leur revenu augmente. Appliquée à
l’économie mondiale, cette loi se traduit sur le long terme par une dégradation des termes des
échanges au détriment des pays du sud. Prebish (1950) observe que depuis 1876, les termes de
l’échange se sont dégradés pour les pays exportateurs de matière première au profit des pays
14
exportateurs de produits manufacturés. Dans cette logique on comprend bien que les pays
riches en ressources naturelles qui n’ont pas réussi à industrialiser leur économie réalisent de
faible performance économique sur le long terme. Néanmoins, l’évolution récente des cours
des matières première remet en cause cette hypothèse. En effet, le cours des matières
premières, notamment les matières premières agricoles se caractérise par une dynamique en
escalier : la tendance générale à la baisse depuis 1921 connait un retournement à partir des
années 2000 et se stabilise autour d’un nouveau régime dynamique élevé à partir de 2006
(Couharde et al. 2012). V. Geronimi et Taranco (2014), confirme également l’hypothèse selon
laquelle les termes de l’échange des produits primaires s’orientent vers un niveau durablement
plus élevé, atteignant 104.09 (base 100 en 1977-79) contre 65.64 sur la période 1986-2005.
b) La volatilité des prix des matières premières
Cette théorie soutien que la volatilité des prix des matières premières est l’un des
déterminants majeurs de la malédiction. Le marché des matières premières se caractérise par
des changements brusques des prix de base, de la découverte de nouveaux gisements, de
nouvelles technologies ou des fluctuations des taux de change. La volatilité s’explique
principalement par une faible élasticité-prix de la demande et de l’offre, à court terme. De
sorte que lorsque que les prix augmentent, la demande ne diminue pas assez à court terme et
lorsque les prix baissent, l’offre ne diminue pas assez non plus. Cela s’explique par le fait que
le système de production nécessite toujours un temps d’ajustement (Frankel 2012).
La volatilité des prix nuit gravement à la croissance et à la productivité sur le long
terme. Elle occasionne un chômage frictionnel, une utilisation incomplète du capital, et des
coûts occasionnels très élevés. La volatilité est non seulement mauvaise pour la croissance
mais également pour l’investissement, la distribution des revenus, la pauvreté et l’éducation
(Van der Ploeg 2011). Dans les pays riches en ressources naturelles, caractérisés par un
marché financier peu développé, une polarisation ethnique et de faibles institutions, Ramey et
Ramey (1995) montrent que les effets négatifs des ressources naturelles sur la croissance sont
dus principalement à la volatilité des cours des matières premières.
c) L’éviction permanente du secteur manufacturier
Les ressources naturelles sont néfastes à la croissance par ce qu’elles induisent des
effets d’éviction sur des activités et des déterminants clés de la croissance. Sachs et Warner
(2001) évoque notamment l’hypothèse selon laquelle l’abondance de ressources naturelles
crée un excès de demande sur le marché des produits non marchands. Cette hausse de
15
demande entraine une hausse du prix des intrants et de la main d’œuvre qui réduisent le profit
du secteur manufacturier national dont la compétitivité n’est plus garantie sur le marché
international. Ils ont ainsi pu montrer l’existence d’une corrélation entre abondance de
ressources et prix élevés dans ces pays même après contrôle de la relation positive entre
niveau de revenu des pays et prix élevé observé par Ricardo, Balasa et Samuelson. Un
deuxième test dans le même article a permis aux auteurs de vérifier que sur la période 1970-
1990, la baisse de compétition du secteur manufacturier a surtout eu pour effet une
compression de la contribution de ce secteur à la croissance.
La logique d’éviction ne s’applique pas uniquement au secteur non manufacturier.
L’abondance de ressource naturelles à des effets négatifs sur l’entrepreneuriat et l’innovation,
de sorte que l’Etat et les entrepreneurs se tournent vers ce secteur qui offre des rentes plus
élevés au détriment des autres secteurs. Si les salaires sont plus élevés dans le secteur de la
ressource, les entrepreneurs et les innovateurs potentiels sont encouragés à travailler dans ce
secteur et se transforment en chercheur de rente. Gylfason et al. (1999) et Gylfason (2000) ont
pu établir un lien négatif entre ressources naturelles et éducation. Sachs et Warner (2001)
soutiennent que les variantes de la logique d’éviction sont apparemment les théories qui
expliquent le mieux la malédiction par ce qu’elles survivent plus aux investigations
empiriques.
Le syndrome hollandais s’inscrit également dans la logique d’éviction.
Historiquement, le syndrome hollandais apparait lorsque l’augmentation des revenus
provoquée par l’exploitation de la ressource entraine une appréciation du taux de change réel
avec pour conséquence une contraction du secteur marchand et une désindustrialisation. C’est
ce qu’on a observé autour des années 1960 au Pays Bas avec la découverte du gaz naturel. Le
syndrome hollandais regroupe maintenant un certains nombre d’effets pervers liés à l’afflux
de devise, notamment une augmentation des dépenses publiques, une augmentation du prix
des biens non échangeables, un déplacement de la main d’œuvre du secteur manufacturier
vers le secteur de la ressource et parfois un déficit du compte courant.
Davis et Tilton (2005) critiquent la théorie de la maladie hollandaise en soutenant
qu’elle ne fait que refléter les mécanismes par lesquelles l’économie nationale s’ajuste pour
tirer avantage du secteur de la ressource. Elle ne devient une maladie qu’a partir du moment
où la ressource s’épuise et que l’économie échoue à reproduire le processus inverse pour
transférer la main d’œuvre vers les secteurs traditionnels.
16
d) La mauvaise qualité institutionnelle
L’une des explications de la malédiction des ressources naturelles est la mauvaise
qualité institutionnelle. Bien que la malédiction s’observe empiriquement dans les régressions
de croissance sur tout les pays riches en ressources, lorsqu’on prend en compte la qualité
institutionnelle, deux groupes apparaissent : d’un coté, les pays avec de mauvaises institutions
apparaissent victimes de la malédiction, tandis que de l’autre coté, les pays avec de bonnes
institutions réalisent des performances nettement supérieures à celles du premier groupe
(graphique 1). Mehlum et al. (2006) affirment donc que la variance dans les performances de
croissances entre les pays riches en ressources est principalement due à la façon dont la rente
est distribuée via l’arrangement institutionnel. Ils distinguent ainsi des institutions dans
lesquelles production et recherche de rentes sont complémentaires et des institutions ou la
faiblesse des lois, le dysfonctionnement de la bureaucratie, et la corruption occasionnent des
gains avec stratégies d’accaparement. Dans le premier cas les entrepreneurs sont incités à
produire et donc soutenir la croissance tandis que dans le second cas, ils sont plutôt incités à
quitter les activités productives vers des activités improductives.
Les auteurs construisent alors un modèle théorique qu’ils testent en utilisant les
données de Sachs et Warner (1997b) et en introduisant un « terme d’interaction »
correspondant à une pondération de l’abondance de ressource par la qualité des institutions.
Ils constatent alors que dans ces conditions, la malédiction est d’autant plus faible que la
qualité institutionnelle est élevée. Lorsque la qualité institutionnelle est supérieure au seuil de
0.93, la malédiction n’opère pas. Ce qui correspond au cas de 15 des 87 pays de l’échantillon.
17
Figure 1 : ressources et institutions
Source : H. Mehlum, K. Moene & R. Torvik (2006) « Institutions and the Resource Curse »,
page 2.
La qualité des institutions est mesurée par une moyenne non pondérée de cinq indices
basés sur des données de Political Risk Services: un indice des règles de loi, un indice de
qualité de la bureaucratie, un indice de corruption dans le gouvernement, un indice de risque
d’expropriation et un indice sur la répudiation des contrats par le gouvernement. Malgré les
risques de causalité inverse que les auteurs soulignent dans leur article, il n’en demeure pas
moins que ces résultats viennent remettre en cause la position de Sachs et Warner (2001). Au
sujet des institutions, ces derniers soutenaient en effet que le manque d’évidences empiriques
rend la piste institutionnelle moins robuste pour expliquer la malédiction.
En outre, d’autres études viennent appuyer l’hypothèse d’une malédiction par la
mauvaise qualité des institutions. Le succès du Botswana peut bien s’expliquer par ses bonnes
institutions (Acemoglu et al. 2002). Ce pays détient en effet les meilleurs scores en terme de
corruption et réalise depuis 1965, les taux de croissance les plus élevés au monde malgré une
part des ressources naturelles de l’ordre de 40% du PIB. Lane et Tornell (1996,1999)
expliquent les mauvaises performances du Nigeria, du Venezuela et du Mexique par un
dysfonctionnement des institutions qui conduit à des comportements d’accaparement.
18
Par ailleurs, Frankel (2012) identifie également l’anarchie institutionnelle comme
facteur explicatif de la malédiction. Il regroupe sous cette rubrique les théories relatives à
l’exploitation insoutenable des ressources, les droits de propriétés inapplicables, et les guerres
civiles comme mécanismes par lesquelles la malédiction opère.
La malédiction par l’épuisement rapide de la ressource concerne surtout les cas ou la
gestion anarchique de la ressource conduit non seulement à son épuisement mais aussi au
gaspillage de la rente. Dans la plupart des cas, ce sont les gouvernements chargés de la
gestion de la ressource qui ont tendance à en extraire à un taux supérieur à celui du sentier
optimale d’extraction (Hartwick 1977, Solow 1986), soit par ce qu’il anticipe qu’ils ne vont
plus être réélu ou par ce qu’ils ont des préférences très élevées pour le présent. Le manque de
réinvestissement de la rente et de diversification de l’économie condamne les générations
futures à souffrir d’une baisse de consommation et de bien être. L’exemple de l’épuisement
rapide des gisements de Phosphate de l’ile de Nauru dans le sud du pacifique illustre bien les
effets pervers de l’abondance de ressources. Après avoir été source de haut revenu, les terres
qui abritaient ces gisements ont été dévastées et l’île est maintenant dans un état de précarité
relative.
La tragédie des biens communs traduit également des situations ou la faiblesse des
droits de propriétés entraine des situations d’épuisement rapide. L’incapacité de l’Etat à
définir les droits de propriété et à les sécuriser est alors identifiée comme le principal moteur
de la malédiction. Lorsque la ressource est dispersée sur un vaste territoire tel que le cas des
aires de pêches, des zones de pâturage ou des aquifères d’eau, une surexploitation collective
de la ressource conduit à son épuisement rapide, accompagné d’une utilisation non contrôlé
de la rente.
Le dernier mécanisme par lequel l’anarchie institutionnelle explique la malédiction
concerne l’apparition de guerres civiles dans les Etats riches en ressources naturelles. Les
analyses contemporaines des guerres civiles voient dans les ressources naturelles un
déterminant majeur de l’apparition de guerres civiles : « Les guerres civiles s’expliquent alors
par un comportement rationnel des agents,… (dont) les objectifs sont purement
économiques » (Aknin 2009, p 16). Pour reprendre les propos de Collier (2000, 3), cité dans
Aknin (2009), « les guerres civiles procèdent d’une « prédation à grande échelle » sur des
activités économiques génératrices de revenus, dans le but de financer la rébellion ».
L’accaparement de la rente liée aux ressources naturelles devient alors une condition sine qua
non de la survie de la rebellion, d’autant plus, que les ressources naturelles issues de ces zones
19
de conflits sont « connectées aux marchés mondiaux » (Aknin 2009). Wick et Bulte (2006)
ont pu montrer que dans un Etat sans ressources, la probabilité d’apparition de guerre civile se
situe autour de 0.5%, tandis que dans un Etat qui tire un quart de son PIB des ressources
naturelles, la probabilité d’apparition de conflit atteint 23%.
III. Développement soutenable et malédiction des
ressources naturelles
La malédiction des ressources naturelles repose principalement sur le constat que les
Etats dotés d’importantes ressources naturelles réalisent de mauvaises performances
économiques. A travers la littérature sur le sujet, on constate que par mauvaises performances
économiques, cette théorie entend généralement faible croissance du PIB et ne prend pas
toujours en compte le caractère soutenable de la croissance. Elle ne fait pas explicitement de
lien entre croissance économique et développement soutenable.
Nous pensons que l’intégration de la dimension « soutenable » pourrait profondément
mitiger les conclusions des différentes études sur les ressources naturelles et « la
malédiction ». Il ne s’agit plus ici de maximiser simplement un taux de croissance
économique, mais plutôt de maximiser un taux de croissance « vert » à même d’être perpétué
indéfiniment.
1. Le développement soutenable et la malédiction des ressources
naturelles
Le rapport Brundtland a popularisé la notion de développement soutenable en insistant
à la fois sur le fait de pouvoir perpétuer indéfiniment le bien être de génération en génération
et aussi en tenant compte de la durabilité, c'est-à-dire la préservation de l’environnement.
Selon les auteurs de ce rapport, « le développement durable est un développement qui répond
aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux
leurs » (rapport Brundtland 1987). La deuxième édition de ce rapport remplace
« développement durable » par « développement soutenable » (Editions du Fleuve, 1988). A
la lumière de cette définition, on comprend que les politiques de développement et les
recherches dans ce domaine doivent nécessairement prendre en compte les trois dimensions
du développement : l’économique, le social et l’écologique.
Nous soutenons donc que la théorie de la malédiction des ressources naturelles doit
être révisée de sorte à intégrer ces trois dimensions du développement. En effet, jusqu'à
présent, les évidences empiriques à ce sujet ce sont focalisées sur l’économique, parfois le
20
social et a très peu fait cas de l’écologique. A l’heure actuelle, le débat serait donc de voir
dans quelle mesure les pays riche en ressource naturelles s’inscrivent sur une trajectoire de
développement soutenable et non plus de faire des comparaisons entre pays sur la seule base
du taux de croissance du PIB.
Les partisans de la croissance zéro avaient déjà souligné les effets pervers des
politiques axées sur la croissance au sens traditionnel sans tenir compte de la pression sur les
ressources planétaires et les différentes pollutions qui bouleversent les écosystèmes. Le
rapport Meadows du Club De Rome (1972), a eu le mérite d’attirer l’attention de l’humanité
sur son incapacité à soutenir une croissance exponentielle dans un monde fini. Bien que
l’effondrement de la croissance par l’épuisement des ressources n’ait pas été constaté ces
dernières décennies, il n’en demeure pas moins que l’humanité cours à sa perte toutes choses
égales par ailleurs, avec son rythme de croissance actuelle et les taux de pollutions qui s’y
rapportent.
Dans quelle mesure les pays riches en ressources naturelles peuvent-elles réaliser de
faibles performances économiques par rapport au pays pauvres en ressource naturelles sans
pour autant s’inscrire dans une configuration de malédiction de ressources naturelles ?
Nous soutenons, que le développement soutenable au sens de la conjugaison des trois
dimensions : « économique », « social » et « écologique », permet de poser les bases et
d’apporter une réponse plus ou moins satisfaisante à cette question. En effet, un pays riche en
ressources naturelles ne serait plus maudit, dès lors qu’il s’inscrit sur une trajectoire de
développement soutenable, et cela indépendamment de ses performances économiques par
rapport aux autres pays.
2. Soutenabilité forte ou faible
Selon les auteurs néoclassiques, le capital naturel, le capital physique et humain
peuvent se substituer entre eux. On parle alors de soutenabilité faible. Cette conception de la
soutenabilité est celle que sous entend les indicateurs de développement soutenable telle que
l’épargne nette ajustée. Dans cette optique, les ressources non renouvelables peuvent être
entièrement consommées dès lors qu’elles sont transformées en d’autres types de capitaux et
transmis aux générations futures.
La soutenabilité forte soutenue par Daly (1990) remet en cause l’hypothèse de
substituabilité entre les différents types de capitaux. Daly estime que pour être soutenable, le
rythme de consommation des ressources renouvelables ne doit pas excéder le rythme de
21
régénération de celle-ci. Quand aux ressources non renouvelables, il faut prendre en compte le
rythme de développement des substituts. De même, le rythme d’émission de pollution doit
être contenu dans les limites de la capacité d’absorption de l’environnement.
Nous contestons également l’hypothèse de la substituabilité illimitée entre capitaux, en
reconnaissant qu’au delà d’un certain seuil, la baisse du stock de capital naturel ne peut être
compensée par un accroissement du stock de capital physique et humain. Néanmoins, nous
admettons dans cette étude que les pays riches en ressources naturelles peuvent s’inscrire dans
une trajectoire de développement soutenable à partir du moment où la majeure partie de la
ressource est constituée de ressources fossiles et que son exploitation s’accompagne d’une
réparation des dommages causés à l’environnement, une maitrise des taux de pollution. Dans
ces conditions, l’hypothèse de soutenabilité faible peut être considérée dès lors que le principe
de précaution (Marechal, 1996) est appliqué : contenir les risques d’irréversibilité qui menace
l’environnement. L’accent sera alors mis sur l’usage de la rente et la capacité de ses pays à la
convertir en capital physique et humain conformément à la règle de Solow-Hartwick.
3. La règle de Solow-Hartwick
Pour Solow (1974) et Hartwick (1977), la recherche d’une certaine forme d’équité
intergénérationnelle et les moyens pour y parvenir doivent être à la base de l’exploitation des
ressources non renouvelables. Ainsi, le critère d’équité conduit Solow à soutenir que la
consommation par tête doit être constante à travers le temps de façon à ce qu’aucune
génération ne soit favorisée par rapport à une autre. Le problème consiste alors à déterminer
le plus haut niveau de consommation pouvant être indéfiniment perpétué à travers les
générations. Hartwick définit alors la règle de soutenabilité comme celle qui consiste à
investir toute la rente des ressources non renouvelables dans d’autres types d’actifs (capital
fabriqué). «Avec un tel programme, la génération présente convertit des ressources
épuisables en machines et vit des flux courants provenant des machines et du travail. Avec un
tel programme, on peut supposer que, dans un sens, le stock total de capital productif n'a
jamais été épuisé puisqu'en fin de compte le stock de ressources épuisables sera converti en
un stock de machines et, compte tenu du fait que les machines sont supposées ne pas se
déprécier, aucun stock ou de machines, ou de ressources épuisables ne sera jamais épuisé »
(Hartwick 1977).
22
Conclusion
La théorie de la malédiction des ressources naturelles a le mérite de mettre en exergue
les dérives liées à l’utilisation des rentes, d’insister sur les conséquences des comportements
rentier des politiques et des entrepreneurs. La malédiction par l’éviction du secteur
manufacturier, la généralisation de la corruption, l’émergence de guerres civiles et la
dégradation des institutions sont des fléaux qui situent la plupart des pays riches en ressources
naturelles sur des dynamiques très éloignées de la règle de Solow-Hartwick.
A la lumière de la littérature sur le développement soutenable dans ses trois
dimensions (économique, sociale et écologique), les investigations sur la malédiction des
ressources naturelles doivent nécessairement modifier leurs approches du phénomène. Certes,
les comparaisons entre pays, sont utiles par ce que mettant en évidence les contradictions sur
le niveau de croissance des pays riches en ressources naturelles, mais le développement
soutenable est surtout celui qui préserve l’environnement et assure aux générations futures un
niveau de vie au moins égale à celui des générations présentes. Dans ce contexte, la logique
des comparaisons qui reviennent sans cesse dans la littérature sur la malédiction des
ressources naturelles nous semble obsolète. En effet, chaque pays ayant ses institutions, sa
propre culture et son mode de gouvernance, des conclusions et recommandations spécifiques
à chaque Etat pourrait mieux se transcrire dans les stratégies nationales de développement.
Aussi nous exhortons les chercheurs à se recentrer sur des diagnostiques pays, du moins dans
une visée opérationnelle.
A la question comment conjurer la malédiction des ressources naturelles, il s’agira
donc dans un premier temps de voir dans quelle mesure chaque pays riche en ressources
naturelles s’écartent ou non de la règle de Solow-Hartwick, ensuite un diagnostic des raisons
de cet écart (si écart il y’a), permettra d’identifier les actions à mettre en place afin de
réhabiliter la capacité de ces Etats à s’inscrire sur une trajectoire de développement
soutenable.
23
Chapitre II : Spécialisation primaire et développement
soutenable au Burkina Faso
Introduction
Le Burkina Faso est géographiquement situé au cœur de l’Afrique de l’ouest. Pays
enclavé, il est limité par six pays, notamment la Cote d’Ivoire, le Ghana, le Togo, le Benin, le
Niger et le Mali. D’une superficie totale de 273 187 km² (donnée de l’Institut National de la
Statistique et de la Démographique du Burkina Faso), la population du Burkina Faso est
estimée à 18 365 123 habitants en juillet 2014. Le Burkina a hérité de la colonisation, le
Français comme langue officielle, à coté de laquelle on identifie trois principales langues
nationales : le Mooré, le Dioula et le Fulfulde.
La population burkinabè est majoritairement agricole, néanmoins le secteur tertiaire
reste la première source de valeur ajoutée. L’exploitation minière traditionnelle est historique
mais le boom minier commence en 2009, avec la mise en exploitation de 6 mines modernes,
qui vont porter l’or au rang de premier produit d’exportation du Burkina Faso. Depuis 2010,
le Burkina Faso est le quatrième plus grand producteur d’or en Afrique.
L’or contribue-il au développement socio-économique du Burkina ? Quelles sont les
enjeux du secteur minier au Burkina Faso en termes de soutenabilité et de risque de
malédiction des ressources naturelles ?
L’objectif de ce chapitre est de mettre en évidence l’évolution récente des indicateurs
de développement socio-économiques du Burkina Faso, les caractéristiques du secteur minier
burkinabè, notamment le cadre réglementaire, la contribution de ce secteur à l’amélioration du
bien être des populations et enfin l’exposition de ce pays aux risques de malédiction des
ressources naturelles.
I. Généralité sur le Burkina Faso
Depuis les indépendances dans les années 60, le développement du Burkina Faso
repose principalement sur les produits primaires. L’agriculture à joué un grand rôle jusqu’a
très récemment en 2008, ou l’or a pris le relais en tant que premier produit d’exportation.
L’analyse de l’évolution des taux de croissance du PIB et du PIB par habitant, des sources de
la croissance et de l’évolution dans le temps des conditions de vie des populations au Burkina
Faso permet de mettre en évidence les grandes caractéristiques de l’économie de ce pays.
24
1. Evolution récente des indicateurs de développement
socio-économiques du Burkina Faso
a) La croissance économique au Burkina Faso
L’analyse des séries temporelles de la banque mondiale sur l’évolution des taux de
croissance du Burkina Faso, ainsi que ceux de l’Afrique subsaharienne depuis 1980 montre
que la santé économique du Burkina est intimement liée à celle de la sous-région. En effet, il
semble exister une corrélation entre les statistiques sur le Burkina Faso et celles portant sur la
sous-région. Ainsi, on peut identifier une première période de vaste fluctuation s’étendant de
1980 à 1995. Puis une seconde période de 1995 à 2014, composée de trois sous périodes
scindées par la chute cyclique du taux de croissance par habitant. Il s’agit notamment de la
période 1995 à 2000, de 2001 à 2009 et de 2009 à nos jours.
Jusqu’en 1995, il semblerait que l’Afrique subsaharienne, en général, ait peiné à se
trouver un modèle de croissance soutenable dans le temps. Cette période se caractérise par
une succession de croissances positives et négatives aléatoirement distribuées, des années de
forte croissance, suivi de faible croissance (9.56% en 1982 au Burkina, immédiatement suivi
de 0.34% en 83) et une croissance moyenne relativement faible sur toute la période 1980-95
(3.3% par an pour le Burkina). Cette situation peut s’expliquer en partie par une situation
politique instable (le Burkina connait un changement de régime en 1983), et une grande
vulnérabilité de l’ensemble de l’économie de la sous-région. Notamment une grande
dépendance aux aléas climatiques, et un commerce extérieur peu diversifié et peu compétitif.
La seconde période correspond à ce qu’on pourrait appeler une croissance soutenue,
exclusion faite de la baisse de la croissance de l’année 2000 et de l’année 2009. En effet, le
taux de croissance bien qu’insuffisant pour le décollage économique de pays tels que le
Burkina Faso, s’est situé au dessus de 4% avec des pics atteignant 8%. Dans l’ensemble le
Burkina s’est distingué de la moyenne sous-régionale, avec des performances relativement
élevées (graphique 2). La première explication de cette phase de croissance soutenue se
retrouve dans la dévaluation du franc CFA survenue en 1995. La dévaluation à permis
d’impulser une dynamique en améliorant la compétitivité de l’économie, notamment de la
filière coton qui a été la base des exportations du Burkina Faso jusqu’en 2008. Bedossa
(2012) précise que la stabilité politique et les effets d’entrainement d’un investissement
public élevé ont également contribués à expliquer ce changement de régime au Burkina Faso.
Le maintien du caractère volatile de la croissance est toujours lié à la dépendance aux chocs
internes, principalement climatiques. Tandis que la faible intégration à l’économie mondiale
25
protège toujours partiellement l’économie burkinabè des chocs négatifs externes (Bedossa
2012).
Graphique 1 : Evolution du taux de croissance du PIB et du PIB/hbt
du Burkina et de l’Afrique subsaharienne
Sources : Données banque mondiale (Indicateurs du développement dans le monde),
graphique de l’auteur.
Malgré l’augmentation de la population burkinabè, la création de richesse par habitant
à été beaucoup plus élevée sur la période 1995-2014 que celle observée en moyenne entre
1980 et 1995. De 0.58%, sur la période 80-95, le taux de croissance moyen du PIB par
habitant est passé à 3.31 sur la période 96-2014. Néanmoins, le graphique 2, qui reprend les
taux de croissance moyens sur les différentes sous périodes que nous avons identifié plus
haut, montre une tendance baissière des différents indicateurs depuis 1996. Bedossa (2012, 4)
montre que cette tendance est surtout liée à la baisse de la contribution du secteur primaire
dans la création de richesse : « Le secteur primaire, dont la part dans la valeur ajoutée totale
reste forte (33 % en moyenne sur la période 1980-2005), a vu sa contribution à la croissance
se réduire depuis 2005. De la même manière, le secteur tertiaire, dont la part dans la valeur
ajoutée est la plus importante (46.5 % en moyenne sur la même période), a vu sa contribution
à la croissance baissée sur la période récente ». A la recherche de nouveau relais de
croissance, le développement du secteur secondaire burkinabè semble insuffisant pour
26
garantir au pays un taux d’accumulation à même de compenser le recul dans les deux autres
secteurs.
Graphique 2 : Evolution des taux de croissance moyen dans le temps
Sources : Données banque mondiale (Indicateurs du développement dans le monde),
calcul de l’auteur.
b) Les sources de la croissance au Burkina Faso
Le Burkina Faso est un pays à spécialisation primaire. Son économie est surtout tirée
par le secteur primaire, notamment avec l’agriculture et l’élevage. La chute de la croissance
en 2000 s’explique ainsi par une baisse significative dans la valeur ajoutée du secteur agricole
(-44% environ). Cette baisse semble avoir entrainé vers le bas le secteur secondaire où on
peut observer une croissance négative de l’ordre de 20% dans la valeur ajoutée du secteur de
la Fabrication et 10% dans la valeur ajoutée des activités industrielles. Le secteur agricole
burkinabè souffre depuis 2000 d’importantes fluctuations dans sa capacité à créer de la valeur
ajoutée. Selon les travaux de Yameogo (2009) : « La valeur ajoutée du secteur qui avait
augmenté de 17% en 2001 et de 11.8% en 2005 a connu un repli de 4.3% en 2007, liée à une
baisse de la production du coton et à une mauvaise répartition des pluies dans l'espace et dans
le temps ». A ces aléas climatiques s’ajoute alors les fluctuations du cours du coton à
l’international et une mauvaise organisation de la filière qui s’est traduit par des retards de
paiements des paysans, des annonces tardives du prix d’achat du coton aux producteurs. La
valeur ajoutée du secteur agricole continue ainsi de fluctuer, passant de 40% de croissance en
2008, à - 17% en 2009, puis 19% en 2010, -8% en 2010 (graphique 3). Les médias burkinabè
dénoncent encore cette année (2015), une saison des pluies qui a commencé tardivement,
27
s’accompagnant de pluies diluviennes, d’inondations saccageant les habitations, causant de
nombreux sinistres et une inquiétude vis-à-vis de la capacité des populations à pouvoir se
nourrir décemment du fruit de leur labour.
Graphique 3 : taux de croissance de la valeur ajoutée par secteur
Source : construit a partir des données de la Banque mondiale
Le secteur secondaire burkinabè peut être subdivisé en trois catégories, notamment les
industries extractives, manufacturières et le sous secteur du Bâtiment et Travaux Publics
(BTP). Sur le graphique 3, le taux de croissance annuel du secteur secondaire est représenté
par la catégorie Industrie. Elle comprend la valeur ajoutée du secteur minier, manufacturier,
de la construction, de l’électricité et de l’eau.
On constate que depuis 2000, la contribution de ce secteur à la croissance est
globalement positive. En effet, hors mis 2008 et 2012, l’Industrie burkinabè à connu un taux
de croissance positif. Cette performance est en partie liée à l’apaisement de la crise Ivoirienne
qui a occasionné la création de nouvelles unités de production, l’émergence du secteur
aurifère moderne avec la mise en exploitation de 6 mines d’or, et le démarrage de grands
projets dans le secteur du BTP, notamment avec les chantiers de Ouaga 2000 et du Projet
ZACA (Yameogo 2009). Le repli observé en 2012 s’explique par une baisse de la production
d’or qui s’est chiffré à 32 405kg contre 32600 en 2011, la principale raison de cette baisse
étant due à une baisse du cours de l’or.
28
Le secteur tertiaire est le plus stable. Le taux de croissance de la valeur ajoutée de ce
secteur est moins sensible aux fluctuations du secteur primaire. En termes de contribution à la
formation du PIB, le secteur tertiaire vient en tête avec environ 45% du PIB depuis 2000. En
2012 par exemple, ce secteur a participé pour 53,3% à la création de la valeur ajoutée totale,
avec une contribution à la croissance de 3.9% (Rapport CNPE 2013). Malgré le dynamisme
du tertiaire, la base de l’économie burkinabè demeure le secteur primaire, qui occupe encore
plus de 90% de la population.
c) Les inégalités et la pauvreté au Burkina Faso
En dépit d’un taux de croissance positif depuis 1994, la situation socio-économique
des burkinabè n’a pas significativement évolué. La pauvreté sévit toujours au sein des
couches inférieures de la population et les inégalités sont toujours criantes.
Le tableau 1 permet d’observer l’évolution de la distribution des revenus de 1994 à
2009. On constate que s’il y a bien une diminution de la part de la richesse totale détenue par
les 20% les plus riches, cette diminution est néanmoins insuffisante pour réduire
significativement les inégalités. Le quatrième et le cinquième quintile détenaient encore
67.9% de la richesse totale en 2009, tandis que les deux premiers doivent se partager
seulement 17.3% de la richesse totale.
L’analyse de la pauvreté monétaire mesurée en pourcentage de la population vivant en
dessous du seuil de pauvreté met en évidence une faible contribution de la croissance à la
réduction de la pauvreté. En effet, malgré une croissance soutenue ces dernières années, en
2009, 46.7% de la population burkinabè vivait sous le seuil de pauvreté national (données
banque mondiale). Même si on note une réduction de 4.4% par rapport à 2003, la croissance
moyenne de 6.39% entre 2001 et 2008 n’a eu que peu d’effet sur la réduction de la pauvreté.
Le rapport provisoire du CAPES (2010) sur la pauvreté au Burkina Faso cite parmi les
tentatives d’explication du faible impact, les différents chocs exogènes qui frappent le pays :
inondations, épidémies, crises économiques et alimentaires, conflits politiques dans la sous
région, etc.
Malgré cette faible contribution à la croissance, l’Indice de Développement Humain
du Burkina Faso penche en faveur d’une amélioration des conditions de vie des burkinabè. En
effet, sur une échelle de 0 à 1, ce dernier est passé de 0.321 en 2005 à 0.388 en 2013, soit une
croissance annuelle moyenne de 2.41%. Le pays est ainsi passé de la 183ième
place dans le
classement des nations 2013 à la 181ième
place en 2014 (PNUD 2014). Néanmoins, le rapport
29
annuel 2014 du PNUD sur le Burkina Faso fait remarquer que des trois composantes de l’IDH
burkinabè, l’éducation reste en marge avec des performances relativement plus faibles.
Tableau : distribution des revenus au Burkina Faso de 1994 à 2009
1994 1998 2003 2009 Y2009-Y1994
Part du revenu du cinquième quintile (20%) 56.7 53.5 49.7 47 -9.7
Part du revenu du quatrième quintile (20%) 18.4 18.5 21 20.9 2.5
Part du revenu du troisième quintile (20%) 11.8 12.9 14 14.8 3
Part du revenu du second quintile (20%) 7.9 9.3 9.5 10.6 2.7
Part du revenu du premier quintile (20%) 5.1 5.9 5.8 6.7 1.6
Construit a partir des données banque mondiale (distribution des revenus au Burkina Faso)
2. De la stabilité politique au Burkina Faso
La stabilité politique a constitué un atout majeur du Burkina Faso depuis l’instauration
du multipartisme en 1991. En effet, des élections « démocratiques » ont été régulièrement
organisées, et en matière de droits politiques et de liberté civile, le Burkina est bien classé
parmi ses paires du tiers monde (BAD, 2012). Néanmoins, en 2011 le pays a enregistré des
troubles politiques qui selon le rapport de la BAD (2012, 2), s’expliquent surtout par le «
faible niveau de solidarité sociale caractérisant les politiques publiques, et une crise de
confiance dans les institutions ».
Les événements récents d’octobre 2014, qui ont valu la chute de l’ex-président Blaise
Compaoré avant la fin de son mandat et la mise en place d’un régime de transition viennent
confirmer la crise de confiance des burkinabè dans leur institutions. Cependant, le Burkina
Faso demeure un exemple en matière de paix et de stabilité, au regard de la manière dont ce
pays à su gérer « sa crise », en limitant les dégâts et en réussissant à passer le cap de « l’ère
Blaise Compaoré », c'est-à-dire 27 ans de règne sans partage du pouvoir et une dernière
tentative manquée de modification de la constitution pour se maintenir au pouvoir.
Le pays est actuellement dirigé par un gouvernement de transition. Des élections sont
prévues pour novembre 2015, et les clauses actuelles de la Charte de la transition permettent
de justifier un optimisme vis-à-vis de la paix et de la stabilité politique au Burkina Faso dans
les prochaines années.
II. Du boom minier au Burkina Faso
Le Burkina Faso à profité de la hausse du cours de l’or pour dynamiser son secteur
aurifère et en faire aujourd’hui l’un des piliers et des principales sources de revenu de son
économie. Nous tenterons de présenter sommairement les différentes phases de
30
développement du secteur minier burkinabè, le cadre réglementaire et les innovations
institutionnelles qui ont favorisé son expansion, avant de discuter des performances de secteur
et de sa contribution à la croissance.
1. Développement du secteur minier
Le développement du secteur minier burkinabè est très récent. En effet, l’exploitation
de l’or existe depuis 1960 mais il faut attendre 2008 pour que le passage de l’exploitation
traditionnelle à l’exploitation moderne se concrétise par une croissance exponentielle de la
production. La production d’or du Burkina Faso a atteint 5.8 tonnes en 2008, contre 1.58 en
2007 (Rapport public CES 2011). Ce chiffre à évolué à 12.5 tonnes en 2009, avec la mise en
exploitation de quatre mines industrielles. L’or devient alors le premier produit d’exportation
du Burkina Faso avant le coton. Depuis 2014, huit mines aurifères sont en activité au Burkina
Faso. Il s’agit de la mine de Taparko, Youga, Mana, Kalsaka, Inata, Essakane, Guiro-
Bayildiaga et Bissa-Zandkom. La production d’or a progressivement évolué pour se chiffrer a
environ 32.5 tonnes en 2013 et 36.5 tonnes en 2014 (données nationales, Conseil des
Ministres du 1er
Avril 2015).
Pour répondre aux enjeux économiques, sociaux, environnementaux et politiques liés
au boom minier, le Burkina s’est porté candidat à l’Initiative pour la Transparence des
Industries Extractives en 2009. En février 2013, Il obtient le statut ITIE de Pays Conforme.
Cela traduit d’une part les efforts du gouvernement en matière de transparence et de bonne
gouvernance et d’autre part, le résultat de pressions internationales. D’après le rapport ITIE
2014, le gouvernement burkinabè à déclaré avoir perçu au total 371.46 millions de dollars US
de rentes tirés de l’exploitation minière pour l’année 2012. Elles comprennent les recettes
fiscales (fiscalité intérieure et les recettes douanières) et les recettes de service (royalties et
taxes superficiaires).
A côté de ce secteur industriel, l’orpaillage traditionnel occupe également une place
non négligeable. Selon le ministre Salif Lamoussa Kaboré, lors de sa conférence à l’IFRI le
20/01/2014 : « On estime que plus de 1000 000 personnes sont directement impliquées. Si on
y ajoute les populations riveraines, on évalue à 1.3 million environ, le nombre de personnes
qui tire un revenu quelconque de cette activité ». Le FMI insiste sur la forte probabilité d’une
sous estimation de la production des mines artisanales : « Selon un rapport de 2011 du
Ministère de l'environnement et des affaires sociales et un rapport du CES, 700 000
personnes travaillent directement dans les mines artisanales. La production artisanale
déclarée n’était que de 431 kg en 2011 : sur la base des cours internationaux de l’or cette
31
année-là et d’hypothèses prudentes sur le nombre de personnes (500.000) et les coûts des
intrants nuls (0), cela représenterait un revenu mensuel de 5 dollars par personne, ce qui
n'est absolument pas réaliste,… » (Rapport FMI N° .14/230, page 23).
Graphique 4. Production d’or au Burkina Faso
Source : Rapport FMI No. 14/230, page 22
2. Cadre réglementaire et institutionnel
L’activité minière du Burkina Faso bénéficie d’un encadrement ministériel formalisé
depuis 1995. Depuis l’avènement du boom minier une restructuration a été effectuée en avril
2012, donnant lieu à des innovations telles que la création de la Direction Générale des
Carrières (DCG) et des structures décentralisés, notamment les directions régionales.
Le ministère en charge des mines est organisé en deux sections : Le Cabinet du
ministre et le Secrétariat Général qui comprend les Bureaux d’Etudes, la cellule
environnementale, la documentation, les archives, etc.
Le cabinet du ministre assure directement le contrôle des activités à travers
l’Inspection Technique des Services (ITS) et la Brigade Nationale Anti-Fraude de l’or
(BNAF). Le document de Politique sectorielle des mines 2014-2015 (p14), du ministère,
précise que « L’ITS veille à l’application de la politique du département dans le domaine des
activités minières et énergétiques et assure le suivi-conseil et le contrôle du fonctionnement
des services, des projets et programmes ». Tandis que comme son nom l’indique, la BNAF « a
32
pour mission la recherche, la constatation et la poursuite des infractions à la législation et à la
réglementation relative à la commercialisation de l’or ».
Le cadre législatif et réglementaire du secteur minier burkinabè est régi par un
ensemble de textes juridiques nationaux, sous-régionaux et internationaux tels que la
constitution et ses modificatifs, les règlements de l’UEMOA et de la CDEAO, l’ITIE, le
Processus de Kimberley, le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels.
Le ministère en charge des mines attire l’attention sur les insuffisances de ce cadre,
l’existence de vide juridique et insiste sur la nécessité d’actualiser certains textes
réglementaires : « Ainsi, il apparaît nécessaire d’actualiser certains textes réglementaires
ayant trait au transport, au stockage et à l’utilisation des substances explosives, aux formes
de rapports, à la dépense minimale au km², aux bijouteries. De même de nouveaux textes pour
réglementer le transport, le stockage et l’utilisation des produits dangereux (cyanure…)
doivent être élaborés » Politique sectorielle des mines 2014 – 2025 (page 17).
Le code minier du Burkina Faso, adopté en 1997, a subi une révision en 2003 qui a
considérablement accru l’attractivité du secteur. Ce code est critiqué de ne pas prendre en
compte le développement local, la sécurisation des sites miniers et la protection de
l’environnement. L’expansion sans précédent du secteur minier burkinabè, est aussi un
argument qui interpelle à la nécessité d’une réadaptation de l’environnement juridique
national afin de renforcer la contribution du secteur au développement soutenable du pays tout
en maintenant son attractivité (Politique sectorielle des mines 2014 – 2025).
3. Les potentialités et les facteurs explicatifs du boom minier
a) Les facteurs explicatifs du boom minier au Burkina Faso
Deux principaux facteurs expliquent le boom sans précédent du secteur minier
burkinabè : l’attractivité du code minier burkinabè et la hausse du cours de l’or.
L’attractivité du code minier : elle réside dans les nombreux avantages
fiscaux qu’il accorde aux investisseurs dans les différentes phases de l’exploitation.
En phase de recherche, les investisseurs bénéficient d’une exonération de la TVA pour
les importions et l’acquisition des équipements nécessaires à leurs travaux. Les services
fournis par les entreprises de géo-services et assimilés sont exempts de TVA. Le code minier
garanti également aux investisseurs une exonération de l’impôt sur les bénéfices industriels et
commerciaux (BIC), de la patente, de l’impôt minimum forfaitaire sur les professions
33
industrielles et commerciales (IMFPIC), de la taxe patronale et d’apprentissage (TPA), des
droits d’enregistrement sur les actes portant sur une augmentation du capital. Les droits de
douane sont également réduits au taux de 5%.
Pendant la phase des travaux préparatoires, l’exonération de la TVA se poursuit
pendant les deux premières années. Les droits de douanes s’annulent également pour les
importations de matériels, matières premières, carburant, lubrifiants et pièces détachées.
En phase d’exploitation, le code minier gratifie les investisseurs d’une réduction de
10% du taux de droit commun de l’impôt sur les bénéfices industriels commerciaux (BIC),
d’une réduction de 50% du taux de droit commun de l’impôt sur les revenus des valeurs
mobilières (IRVM). Les droits de douanes sont de 5% et pendant 7 ans, les investisseurs
bénéficient d’une exonération de l’impôt minimum forfaitaire sur les professions industrielles
et commerciales (IMFPIC), la contribution des patentes, la taxe patronale et d’apprentissage
(TPA), la taxe des biens de mainmorte (TBM).
La quantification des différentes exonérations accordées par le code minier burkinabè,
réalisée par le ministère de l’économie et des finances fait état d’environ 1% du PIB en
moyenne sur la période 2007 à 2012. Ce constat a conduit une partie de la société civile
burkinabè à revendiquer une révision du code minier. A cet effet, un projet de loi à été
introduit en 2013 et est toujours en cours de relecture.
Le prix de l’or : Il a connu une flambée de plus de 450% entre 2003 et 2011
(Rapport KPMG 2011). La crise financière de 2008 aurait contribué à accentuer la hausse en
provoquant un déplacement majeur de fonds vers l’or avec la chute des cours boursiers, des
prix de l’immobilier combiné à la grande incertitude économique. Ainsi, une hausse de la
demande et une offre mondiale qui n’a pas pu s’ajuster immédiatement a occasionné une
hausse du prix de l’or qui s’est durablement maintenue avant de se stabiliser vers le second
semestre 2011 sur un palier élevé (graphique 6).
La combinaison de ces deux facteurs : avantages du code minier et hausse
providentielle des cours de l’or, à valu au Burkina Faso l’afflux d’investissements ayant
propulsé son secteur minier.
34
Graphique 6 : prix quotidien de l’or entre 2003 et 2013 ;
($ US/once troy; London Bullion Market)
(Extrait du rapport KPMG 2013, page 14)
b) Les potentialités du secteur minier burkinabè
« L’or brille de partout au Burkina Faso », cette phrase, intitulé d’un article affiché sur
le site web de la présidence du Burkina Faso1, résume l’étendue du potentiel minier
burkinabè. En effet, le pays dispose de plus 70 000 km² de superficie de formation volcano-
sédimentaire qui dans la sous-région ouest africaine regorge de nombreuses potentialités en
ressources minérales. Les principales ressources du Burkina Faso sont l’or, le cuivre, le zinc,
le manganèse, le phosphate et les calcaires. Des indices de Diamant, bauxite, nickel, et
vanadium ont été également répertoriés.
Depuis 2007, les travaux d’exploration se sont accentués au Burkina Faso. Sur la base
des travaux du service national de géologie (BUMIGEB), les sociétés de recherche minière
investissent tout le territoire national pour mettre en évidence les gisements prometteur en
termes de stocks, de teneur et de rentabilité. Plus de 600 permis de recherche valides sont
répertoriés au 31 décembre 2014. Ainsi, le Burkina Faso est actuellement le pays le plus
dynamique dans la sous-région avec plus de 986 autorisations et titres miniers valides. Le
1 http://presidence.bf/les-dossiers-2/lor-brille-de-partout-au-burkina-faso/
35
Burkina Faso est quatrième producteur d’Afrique de l’ouest, et troisième en matière
d’activités d’explorations.
Les réserves des mines en activités au Burkina Faso sont estimées à environ 260
tonnes, soit une dizaine d’années d’exploitations avec le rythme actuel de production de 30
tonnes environ par an. Selon le Rapport FMI n° 14/2030 (2014), les récentes découvertes de
gisements donnent à penser que les réserves non exploitées sont beaucoup plus importantes, le
pays aurait ainsi le plus grand nombre de gisements reconnus non encore exploités en Afrique
de l’ouest. Le graphique 5 résume la situation actuelle des ressources minières au Burkina
Faso. Par ailleurs, contrairement à la lecture du Rapport KPMG (2009), qui estimait la qualité
des gisements du Burkina Faso « moins que remarquable » au regard de la teneur moyenne de
2 g/t des sites en exploitation, la teneur de certains nouveaux gisements découverts laisse
présager une plus grande rentabilité (près de 12g/t sur le site du projet Yaramoko). Le FMI
table sur une activité minière qui se poursuivra à un rythme robuste pendant les 10-15
prochaines années.
Malgré l’importance du potentiel minier, force est de reconnaitre que l’or en tant que
ressource non renouvelable finira par s’épuiser. Le pays doit donc se préparer dès maintenant
à cette évidence, afin de mieux faire de l’or une bénédiction pour le Burkina Faso.
36
Graphique 5 : potentiel minier du Burkina Faso
Sources : DGMG (Extrait du Rapport ITIE 2014, page 21)
III. Contribution, vulnérabilité et risques
1. Contribution du secteur minier à l’économie burkinabè
Les données disponibles pour évaluer la contribution du secteur minier à l’économie
burkinabè sont essentiellement issues des différents rapports ITIE. Depuis l’adhésion du
Burkina Faso à l’initiative pour la transparence des industries extractives, cinq rapports de
conciliation ont été publiés. Ils couvrent la période de 2008 à 2012. Le tableau 6 résume les
données tirées de ces rapports, concernant les revenus du secteur minier, la part dans les
exportations, la part dans les revenus de l’état et la part dans le PIB. Par ailleurs, on identifie
plusieurs publications d’institutions nationales et internationales tentant de situer la place du
secteur minier dans l’économie. On peut citer le rapport CES 2009, le rapport FMI No.
14/230, la communication CNPE 2013, etc.
Le secteur minier constitue une importante source de revenu pour l’Etat burkinabè,
entre 2008 et 2012, cette part n’à cessé de croitre. Elle est passée de 0.24% du budget national
en 2008 à 14% en 2012. Si on prend en compte le principe de l’unité de caisse qui implique
que toutes les recettes de l’Etat soient centralisées avant d’être allouées aux différents
37
ministères pour la mise en œuvre des politiques publiques, on peut dire que l’Etat burkinabè a
vu sa capacité d’action s’accroitre d’environ 14%. Ainsi, lorsqu’on considère les deux
principales fonctions de l’Etat, à savoir l’Etat prestataire de service, et l’Etat acteur de
transformation sociale (Khan 2003), le secteur minier participe directement au renforcement
du rôle de prestataire de service. Malgré l’importance de la contribution du secteur minier au
budget de l’Etat, c’est la capacité de l’Etat burkinabè à transformer cette manne en
infrastructures de développement, en amélioration du capital humain (santé et éducation) qui
décidera du sort des générations présentes et futures.
La part du secteur minier dans le PIB national a atteint 10.6% en 2012. Le secteur
minier à également vu sa part accroitre dans les exportations du pays (72% en 2012 contre
22.6% en 2008), cependant nous sommes amenés à penser qu’il n’y pas de quoi se féliciter,
mais plutôt de quoi s’inquiéter. En effet, Les données de l’ITIE concernent particulièrement le
secteur minier moderne, or ce secteur est connu pour son faible effet multiplicateur dans les
autres secteurs de l’économie. Le principal canal par lequel le secteur minier moderne
participe à la dynamique économique nationale est sa participation au budget de l’état, donc
sa capacité à accroitre le rôle de l’Etat prestataire de service.
Nous critiquons la vision traditionnelle consistant à considérer les IDE du secteur
minier comme un accroissement de capital physique. En effet, la générosité du code minier
burkinabè exonère pratiquement de tout impôt et taxe l’importation de matériels,
d’équipement et toutes autres fournitures entrant dans le processus de recherche et
d’exploitation des entreprises minières, ce qui veut dire que l’Etat ne tire pratiquement aucun
revenu sur ces transactions. Ensuite, le capital physique et technologique importé, de même
que les investissements en termes d’expertise humaine investis dans les industries minières
sont entièrement amortis proportionnellement à la durée de vie de la mine, donc il ne subsiste
pratiquement aucune valeur résiduelle de ces investissements à la fin du cycle d’exploitation
de la mine. Nous considérons donc que ces IDE sont stériles, et la mise en exploitation d’une
mine industrielle ne constitue pas à proprement parler un accroissement du capital physique
national.
La deuxième contribution du secteur minier burkinabè est son rôle non négligeable
dans la création d’emplois. En effet, tandis qu’en 2005 on ne comptait que 180 employés dans
ce secteur, au 31 décembre 2012, les mines industrielles totalisent en tout 7217 employés.
Parmi eux, seuls quelques 396 employés (5%) sont des non nationaux. Certes cela traduit
toujours un manque d’expertise nationale, mais également un transfert de savoir faire car les
38
non nationaux lorsqu’ils ne sont pas des dirigeants, sont des experts dont les compétences sont
rares au Burkina Faso.
Tableau 6 : Contribution du secteur minier a l’économie burkinabè
2008 2009 2010 2011 2012
Montant des revenus selon les
formulaires ITIE 1.83 19.46 -- -- --
Montant déclaré par les sociétés minières 1.52 15.93 21.51 108.8 184.25
Montant déclaré par le gouvernement 1.67 10.7 22.83 109.9 186.84
Part dans les exportations 22.60% 46% 67% 77% 72%
Part dans le budget de l'état 0.24% 2.11% 2.60% 10.15% 14%
Part dans le PIB -- -- 0.70% 2.18% 10.60%
Emplois 0.16%
Synthèse des rapports ITIE de 2008 à 2012
2. Contribution du secteur au développement local
La contribution du secteur minier au développement local est surtout mesurable à
travers les actions des entreprises minières, le nombre d’emplois nationaux locaux créés et
surtout le type de partenariat. En effet, dans le souci de préserver la cohésion sociale et
d’accompagner l’Etat et les collectivités dans leurs actions de développement local, les
sociétés minières ont entrepris un certain nombre de réalisations dans les domaines de
l’éducation, de la santé et autres services sociaux
A titre d’exemple, en 2010 la Société Exploitation Minière en Afrique de l’Ouest
(SEMAFO) qui exploite la mine de Mana a créé une fondation chargée de gérer le volet social
et humanitaire de son action. Elle a contribué entre autre à la mise en place d’une unité de
production de beurre de karité biologique, d’une unité artisanale de savonnerie au profit des
femmes, à la construction d’écoles, de forage etc. La société IAM GOLD, qui exploite le site
d’Essakane, après une relocalisation des populations sur un nouveau site de plus de 2000
bâtiments, continue de les accompagner dans la fourniture de services sociaux et le
développement d’activités génératrices de revenu.
De toute évidence, le premier objectif d’une industrie minière est la recherche de
profit, c’est pourquoi nous pensons que les actions menées par ces sociétés dans le social et au
profit des populations riveraines, bien que non négligeables, ne sont que symboliques et
principalement destinées a « apaiser les cœurs ». En effet, dans la communication CNPE de
juillet 2013 sur la place des ressources minières dans l’économie burkinabè, il est question
de : Huit (08) écoles ; quatre (04) dispensaires ; deux (02) maternités ; deux mille cent dix
39
huit (2 118) logements ; des forages; deux (02) systèmes d’adduction d’eau potable ; des
lieux de culte; deux (02) garderies d’enfants; trois (03) ambulances ; un (01) centre
d’alphabétisation ; La réalisation et/ou l’entretien de routes d’environ 257 km de route; la
construction de deux barrages ; des réalisations en pisciculture et en culture maraîchère ;
deux (02) parcs de vaccination à bétail et de deux (02) abattoirs ; construction d’une banque
de céréales ainsi qu’un marché et 165 boutiques. Au regard de l’importance du secteur, de
telles réalisations paraissent insignifiantes et ne peuvent être que symboliques.
Au delà des actions directes dans le social, les industries minières participent au
développement local par la création d’emplois locaux. En effet, une distinction des employés
par origine géographique permet de voir l’importance de la main d’œuvre locale dans les
industries minières. Ainsi, en décembre 2011, environ 37,6% des emplois miniers sont
occupés par des locaux. Quand on sait que la rémunération moyenne du secteur est
relativement au dessus de la moyenne nationale, on peut dire que ce canal permet de
dynamiser la petite économie locale.
3. Vulnérabilité et risques de malédiction
a) Boom minier et vulnérabilité de l’économie burkinabè
La science économique définie la vulnérabilité comme « le risque pour un pays d’être
durablement affecté par des facteurs exogènes et imprévus » (Guillaumont 2006). Si nous
retenons cette définition dans le cas du Burkina Faso et en lien direct avec le développement
récent de son secteur minier, la principale source de vulnérabilité de ce pays n’est autre que le
cours mondial des matières premières, notamment le cours de l’or. En effet, comme nous
l’avons expliqué plus haut (II.3.a les facteurs explicatifs du boom minier), sans la hausse du
cours de l’or, le secteur minier burkinabè n’aurait pas connu son essor remarquable. Or le prix
de l’or n’est qu’une donnée pour le Burkina Faso. Il est déterminé depuis 1914 par les
membres de la London Bullion Market (LBM), le prix LBM sert ensuite de référence pour les
transactions « over the counter » (OTC) qui vont déterminer à leur tour un prix spot ou à
terme (Rapport KPMG 2013).
Cette vulnérabilité liée au cours de l’or est très élevée. D’après le Rapport Public CES
(2013), 84% des variations de la quantité d’or produite au Burkina Faso s’expliquent par la
variation du cours de l’or. Une hausse de 1 dollar US entrainerait une augmentation de la
quantité produite de 23.2 kg. Dans le même ordre d’idée, le rapport KPMG précisait que l’or
40
du Burkina ne serait plus rentable si le cours de l’or passait en dessous du seuil de 1425$ US
l’once.
Malgré l’exposition du pays aux chocs extérieurs liés directement au prix de l’or, le
boom minier contribue à réduire la vulnérabilité économique de l’économie burkinabè dans
son ensemble. La vulnérabilité économique telle que mesurée par l’Indice de Vulnérabilité
Economique regroupe trois composantes : l’ampleur et la fréquence des chocs exogènes,
l’exposition aux chocs et la résilience aux chocs qui mesure la capacité de réaction par rapport
à ces chocs. L’exploitation de l’or aurait donc des effets sur les deux premières composantes.
Elle contribuera à réduire l’ampleur et la fréquence des chocs en diversifiant la base de
l’économie et les sources de revenu des populations. Le niveau de production dans ce secteur
étant moins dépendant des aléas climatiques et des autres secteurs de l’économie, ce secteur
participera à réduire l’exposition aux chocs naturels et donc la vulnérabilité. De même,
lorsqu’on considère l’indicateur d’exposition aux chocs tel que le coefficient de concentration
des exportations inclus dans l’EVI, l’émergence du secteur minier participe à réduire la
concentration des exportations en augmentant le nombre de produits exportés.
b) Le Burkina Faso et la malédiction des ressources naturelles
Notre analyse porte particulièrement sur les risques pouvant conduire le Burkina Faso
dans une situation de malédiction des ressources naturelles. Elle se base sur les conclusions du
chapitre 1 du présent document et consiste à voir par rapport aux caractéristiques actuelles du
pays et les théories explicatives de la malédiction des ressources naturelles, comment le boom
minier pourrait engendrer des effets pervers et handicaper le décollage économique et le bien
être des générations futures.
Des six principales théories explicatives de la malédiction des ressources naturelles,
trois d’entre elles retiennent notre attention et semblent le plus menacer l’économie
burkinabè : la volatilité des cours des matières premières, l’éviction du secteur manufacturier
et la mauvaise qualité institutionnelle.
i) La volatilité des cours des matières premières
La volatilité des cours des matières constitue l’un des premiers éléments de risque de
malédiction au Burkina Faso. En effet, la sensibilité de la production minière du Burkina Faso
au cours international n’est plus à démontrer (les variations du cours de l’or explique environ
84% des variations de la production d’or au Burkina Faso d’après le Rapport Public CES
2013). En 2012, la légère baisse du cours de l’or s’est pratiquement traduite par une
stagnation de la production, et une baisse de la contribution du secteur au budget de l’Etat par
41
rapport aux prévisions nationales. Du fait de son rôle décisif dans l’émergence du secteur
minier burkinabè, les cours mondiaux de l’or et leur volatilité représentent un facteur de
vulnérabilité et de risque pouvant conduire le pays dans une situation de malédiction. Dans sa
publication sur les perspectives économiques en Afrique, l’AFDB (2012, p 2) précise que :
« L’économie du Burkina Faso demeure vulnérable, d'une part aux fluctuations des cours
mondiaux des matières premières, or, coton et pétrole essentiellement, d'autre part aux
conditions climatiques ». Une fluctuation des cours autour du seuil de rentabilité pourrait
entrainer des micro-périodes de chômage frictionnel, de baisse des recettes de l’Etat, et
finalement une situation ou l’exploitation minière servirait juste à couvrir des frais de
fonctionnement sans accumulation de capital physique et humain.
ii) L’éviction du secteur manufacturier
Lorsqu’on applique la théorie de la malédiction par la logique d’éviction au cas du
Burkina Faso, on se rend compte que le boom minier crée de nombreuses distorsions dans
l’économie burkinabè. Ces distorsions s’observent aussi bien dans le secteur manufacturier,
dans l’agriculture, dans le marché de l’emploi, et au niveau du système éducatif.
Dans le secteur manufacturier, on observe directement une hausse généralisée des prix
autour des sites miniers, de sorte que les populations locales s’appauvrissent à cause de la
baisse de leur pouvoir d’achat. La hausse de revenu des orpailleurs est directement absorbée
par la hausse des prix. L’agriculture souffre surtout de la perte de ses bras valides à cause de
l’orpaillage artisanal. En effet, des 13000002 personnes de la population qui tire un revenu
quelconque de l’orpaillage traditionnel, beaucoup sont issues du milieu rural agricole.
Les distorsions du marché de l’emploi concernent l’attractivité des salaires dans le
secteur minier moderne et le manque de personnel qualifié. Ainsi, le secteur minier a dans la
majorité des cas, extrait les compétences dont il avait besoin dans le secteur public et les
entreprises locales. Toutes choses qui participent à une baisse de la productivité dans ces
secteurs qui ont pourtant un effet multiplicateur nettement plus élevé que le secteur minier. De
même, le ministère en charge du secteur minier burkinabè manque de personnel qualifié pour
appliquer les textes, effectuer les contrôles et vérifier que les entreprises minières respectent
les clauses de leur contrat avec l’Etat burkinabè.
2 LES ENJEUX DU SECTEUR MINIER DU BURKINA FASO (Conférence du ministre Salif Lamoussa Kaboré à
l’IFRI. 20/01/2014, http://www.ambaburkina-fr.org/les-enjeux-du-secteur-minier-du-burkina-faso-conference-
du-ministre-salif-lamoussa-kabore-a-lifri-20012014/
42
Le dernier point concerne les effets pervers du boom minier sur le système éducatif
national. En effet, nombreux sont les enfants qui désertent l’école pour servir d’aides dans les
mines artisanales. Ce phénomène pose d’ailleurs un véritable problème de droit humanitaire,
et certaines ONG n’hésitent pas à dénoncer les conditions de travail et de vie précaire dans
ces mines. C’est l’exemple du media indépendant IRIN, un article publié en septembre 2012
souligne l’importance des effets de la ruée vers l’or sur l’éducation au Burkina Faso3.
iii) La mauvaise qualité institutionnelle
La mauvaise qualité institutionnelle concerne directement la façon dont la rente est
redistribuée et/ou réinvestie via l’arrangement institutionnel. A la lecture du code minier
burkinabè, les institutions burkinabè semblent clairement afficher leur volonté de rechercher
la rente à tout prix. Ainsi, les nombreux avantages du code s’apparentent plutôt à une braderie
des ressources minières du pays au premier venu. Il n’est pas question de créer les conditions
de l’émergence d’un secteur minier acteur de développement local et national soutenable,
mais plutôt d’attirer rapidement des investisseurs dans une logique d’accaparement rapide de
la rente. C’est ainsi que les vides juridiques, les nombreux dysfonctionnements de la
bureaucratie, la corruption entrainent des fuites énormes en matière de collecte de la rente, et
le principe d’unité de caisse rend difficile l’observation de l’usage de la rente et sa
contribution au bien être des populations. Dans les deux premiers rapports ITIE 2008 et 2009
réalisés par le groupe KPMG, la méthodologie adoptée consistait dans un premier temps à
estimer le montant des recettes dues par les entreprises minières selon les formulaires ITIE,
puis ce que ces derniers déclarent avoir payés et enfin ce que l’Etat déclare avoir reçu. On
peut ainsi constater un premier écart de l’ordre de 300 millions de FCFA en 2008 et 3.5
milliards de FCFA en 2009 entre ce qui est dû à l’Etat burkinabè selon les formulaires ITIE et
ce que les entreprises déclarent avoir payé. Les rapports 2010, 2011 et 2012 ne font plus ce
type de rapprochement, cela traduit la faiblesse et la mauvaise qualité des institutions qui
semble n’avoir aucun moyen de contrôle sur les entreprises, et préfèrent donc passer sous
silence certains points afin d’éviter les remous des populations.
3 BURKINA FASO: L’éducation, victime de la ruée vers l’or,
http://www.irinnews.org/fr/report/96222/burkina-faso-l-%C3%A9ducation-victime-de-la-ru%C3%A9e-vers-l-or
43
iv) Le syndrome hollandais
Le Burkina Faso est loin d’être dans une situation où le boom minier provoquerait une
appréciation du taux de change réel à même de déstructurer son économie. Ainsi le Burkina
Faso conserve malgré le boom minier la même structure économique que celle d’antan : le
secteur primaire constitue toujours la base de son économie et le secteur tertiaire la première
source de valeur ajoutée. Néanmoins, au regard de la tendance baissière de la contribution du
secteur primaire et du secteur tertiaire a la valeur ajoutée totale depuis 2005, et des taux de
croissance moyens qui ne se sont pas nettement améliorés, on pourrait y voir les premiers
signes de la maladie hollandaise. Le taux de croissance du Burkina s’est situé en moyenne à
environ 3%, 7% et 5% respectivement entre 1980 et 1995, 1995 et 2005, 2005 et 2011 : le
développement du secteur minier s’accompagne d’une baisse de dynamisme dans les autres
secteurs. Le syndrome hollandais se manifeste directement par une augmentation du niveau
général des prix, et une appréciation du taux de change réel. Or dans le cas du Burkina Faso,
le FMI fait observer que malgré des pics occasionnels de l’ordre de 10 à 14% comme en
2008-2009, le taux d’inflation s’est maintenu en moyenne en dessous de 4%. Quant au taux
de change réel, il s’apprécie lorsque la balance commerciale est excédentaire : l’entrée nette
de capitaux provoquant une hausse du pouvoir d’achat, des pressions inflationnistes et donc
une augmentation du rapport des prix intérieurs par rapport aux prix extérieurs. Dans le cas
précis du Burkina Faso, la balance commerciale demeure déficitaire même si le pays
enregistre par moment de faibles appréciations du taux de change réel comme au premier
trimestre 2012 (02%). Le Burkina Faso semble donc être à l’abri du syndrome hollandais,
contrairement a ce que la première lecture du recul du secteur primaire et tertiaire pourrait
laisser croire.
Les deux autres théories explicatives de la malédiction que nous avons évoqué dans
notre chapitre 1 ne semblent pas tant que ça menacer l’économie burkinabè plus que
l’économie de tout autre pays en développement. En effet, l’évolution des prix mondiaux a
long terme telle qu’exposée par la thèse de Prébish et Singer ne semble pas fonctionner dans
ce cas précis, du fait de la hausse soutenue du cours de l’or observé depuis 2003. Quant aux
risques d’éclatement de guerre civile et d’apparition d’institutions anarchiques, jusqu'à
présent le peuple burkinabè s’est montré très pacifique et les différents acteurs renouvellent à
chaque occasion leur ferme intention de préserver la paix et l’ordre social.
44
Conclusion
Le Burkina Faso à peiné à se trouver un modèle de croissance stable et soutenu
jusqu’en 1995. En faveur de la dévaluation du FCFA, le coton a porté la croissance du pays
jusqu’en 2008, ou l’or a pris le relais en se hissant au rang de premier produit d’exportation.
Malgré une croissance économique soutenue et relativement plus stable, les conditions de vie
des burkinabè ne semblent pas s’améliorer significativement. La croissance participe
faiblement à la réduction de la pauvreté malgré les quelques progrès enregistré par l’IDH.
Néanmoins, la stabilité politique demeure un atout pour ce pays.
Le développement sans précédent du secteur minier burkinabè est principalement dû à
la générosité de son code minier et à la hausse des cours de l’or. Le Burkina s’est ainsi
découvert d’énormes potentialités minières et pourra très probablement compter sur ce secteur
dans la dizaine d’années à venir. L’or participe directement au budget de l’Etat en augmentant
sa capacité d’action d’environ 15%. Néanmoins, la contribution du secteur au développement
local est très limitée et tout semble indiquer que la contribution du secteur au développement
soutenable réside uniquement dans l’usage que l’Etat burkinabè fait de ses recettes fiscales.
De ce fait, La destruction du capital naturel doit nécessairement s’accompagner d’une
accumulation de capital physique et humain, sans quoi l’or du Burkina ne pourrait être une
bénédiction pour les générations présentes et futures.
La première source de vulnérabilité du secteur minier burkinabè réside dans sa
dépendance au cours internationaux de l’or. La production est très sensible aux variations du
prix de l’or, malheureusement tout semble indiquer que l’Etat burkinabè n’a aucun pouvoir
sur cette donnée et doit se contenter tout simplement de considérer l’éventualité dans la mise
en œuvre de ses politiques. De façon globale, le boom minier participe a réduire la
vulnérabilité économique du Burkina Faso en diversifiant ses sources de revenus, et en
stabilisant les fluctuations de son taux de croissance.
En matière de risque de malédiction des ressources naturelles, la volatilité des cours
des matières premières constitue l’un des premiers facteurs de risque auxquels le Burkina
Faso est exposé. Une fluctuation des cours autour du seuil de rentabilité pourraient entrainer
des micro-périodes de chômage frictionnel, de baisse des recettes de l’Etat, et finalement une
situation ou l’exploitation minière servirait juste à couvrir des frais de fonctionnement sans
accumulation de capital physique. Ensuite, dans son développement, le secteur minier a créé
de nombreuses distorsions dans le secteur agricole par l’extraction de la main d’œuvre, dans
le secteur manufacturier et l’Etat par l’extraction du personnel qualifié, et dans le système
45
éducatif avec la déserte des élèves vers les sites miniers. Si ce phénomène n’est pas contenu,
le secteur minier pourrait compromettre le développement du pays dans les années à venir. La
mauvaise qualité institutionnelle apparait également être l’un des principaux facteurs de
risque de malédiction. En effet, la corruption, les détournements, la faiblesse de la
bureaucratie et les stratégies d’accaparement de rente sont encore des fléaux qui handicapent
fortement la contribution du secteur minier au développement soutenable du Burkina Faso.
Nous avons pu observer que le Burkina Faso ne manifeste pas encore de signe de
maladie hollandaise. Cependant, comment mesurer les effets du boom minier sur la
soutenabilité de la croissance au Burkina Faso ? Si théoriquement le développement
soutenable peut conjurer la malédiction des ressources naturelles, quelle est alors la situation
du Burkina Faso ? S’inscrit-il dans une logique de transformation du capital naturel selon la
règle de Solow-Hartwick ou assistons nous à une destruction pure et simple de ce capital ?
46
Chapitre III : De la soutenabilité du secteur minier burkinabè
Introduction
Le secteur minier occupe une grande place dans l’économie burkinabè. Du fait de sa
concentration autour de l’exploitation aurifère et autres minerais non renouvelables, le boom
minier peut être assimilé a une destruction de capital naturel. Analyser la soutenabilité du
secteur minier burkinabè implique donc de définir dans un premier temps les conditions d’une
politique d’exploitation soutenable, puis d’identifier les indicateurs a même de mesurer le
phénomène et enfin de procéder a une analyse empirique permettant d’avoir une idée sur le
niveau de ces indicateurs.
Dans le cadre de notre analyse, nous avons retenu la définition du développement
soutenable du rapport Brundtland. Pour être soutenable, le développement doit pouvoir
perpétuer indéfiniment le bien-être de génération en génération. Cela suppose donc par
rapport à la soutenabilité forte que tous les stocks de capitaux soient constants au fil du temps,
et selon la soutenabilité faible, que le stock total de capital soit au moins constant dans le
temps. Dans notre travail, nous considérons l’hypothèse de soutenabilité faible, tout en
admettant qu’elle comporte des limites. Dans ces conditions, la règle de Solow-Hartwick est
celle qui définit le mieux les conditions de soutenabilité de la croissance dans les économies
de rentes : la règle de soutenabilité consiste à investir toute la rente des ressources non
renouvelables dans d’autres types d’actifs.
Dans quelle mesure l’usage de la rente au Burkina Faso satisfait-il la règle de Solow-
Hartwick ?
Pour répondre à cette question, nous considérons l’hypothèse d’un changement de
régime d’accumulation du capital physique et humain depuis le boom minier au Burkina Faso.
Si la destruction de capital naturel s’accompagne d’une accumulation de capital physique et
humain plus élevée que celle d’avant le boom minier, alors le Burkina Faso se serait engagé
sur une trajectoire plus ou moins soutenable. Si tel n’est pas le cas, le Burkina Faso est
nécessairement sur une trajectoire non soutenable, car au terme de l’épuisement de la
ressource, les générations futures disposeront d’un stock total de capital inférieur à celle de la
génération actuelle.
Nous discuterons dans un premier temps des indicateurs couramment utilisés pour
mesurer le développement soutenable en ses trois dimensions : économique, sociale et
47
environnementale. Ensuite nous nous pencherons particulièrement sur l’aspect économique en
justifiant le choix des indicateurs retenus pour mesurer le capital physique et humain du
Burkina Faso, et enfin nous testerons dans le cas du Burkina Faso, l’hypothèse d’un
changement de régime d’accumulation de capital physique et humain.
I. A la quête d’un indicateur de développement soutenable
Le choix d’un indicateur dépend fondamentalement de ce que l’on veut mesurer,
des moyens techniques et de son opérationnalité. Aussi, pour mesurer la capacité d’un Etat
comme le Burkina Faso à transformer la rente de son secteur minier en d’autres types de
capitaux, nous ne nous attarderons pas sur des indicateurs composites de bien-être, de
bonheur ou de dimensions environnementales.
Il existe déjà une grande diversité d’indicateurs de développement, nous ne nous
vanterons donc pas d’inventer un nouvel indicateur, mais plutôt d’identifier celui qui
s’approche le mieux de notre conception du développement soutenable, de tenter
d’apporter les ajustements nécessaires pour qu’il s’adapte au contexte de notre étude.
Nous passerons donc en revue quelques indicateurs couramment utilisés dans la littérature
en retenant leur mérite, mais surtout en isolant les aspects opérationnels nous permettant
de répondre à la problématique de notre étude. Il s’agit notamment de l’IDH, et de
l’épargne nette ajustée, l’objectif étant de nous inspirer de leur fondement théorique et
empirique afin d’en dériver des substituts permettant de mesurer le capital physique et
humain, pour vérifier notre hypothèse d’un changement de régime d’accumulation de ces
facteurs au Burkina Faso.
1. De l’IDH à la mesure du capital humain
L’IDH est un indicateur composite créé par le Programme des Nations Unies pour le
Développement afin de mesurer l’évolution d’un pays selon les trois critères du
développement humain que sont la santé, l’éducation et le niveau de vie. En tant qu’indicateur
composite, l’IDH opère une pondération de ses trois dimensions. Cela suppose donc une
substituabilité entre ses trois composantes, une simplification excessive de la réalité qui veut
que l’espérance de vie à la naissance permette d’appréhender la santé de la population, que le
taux d’alphabétisation des adultes et de scolarisation des primaires capte la seconde
dimension du capital humain, notamment l’éducation. Le niveau de vie quant à lui est mesuré
par le PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat en dollars.
48
Dans notre contexte, l’IDH apporte enseignement sur l’accumulation de capital
humain. Malgré les limites de la simplification, l’IDH permet d’appréhender les variations du
taux d’accumulation de capital humain (l’éducation et la santé) d’une période à l’autre en
faisant la différence directe entre deux périodes. Par contre l’IDH n’apporte aucun
enseignement sur l’accumulation de capital physique. L’intégration du PIB par habitant
semble biaiser les données car ce dernier capte positivement la destruction de capital naturel
que représente la production d’or, aussi en pondérant le PIB par habitant avec l’accumulation
de capital humain, on se retrouve dans une double comptabilité. En effet, en supposant que
l’Etat ait convertit l’intégralité de la rente en capital humain, pondérer l’éducation et la santé
au produit intérieur reviendrait à comptabiliser la rente et son équivalent en capital humain.
L’IDH n’est donc pas un indicateur permettant de mesurer l’accumulation de capital
humain et physique, néanmoins en diminuant du PIB par habitant, on obtient un indicateur
non exhaustif, mais suffisamment robuste pour apprécier le niveau du capital humain.
2. L’épargne nette ajustée
Les premières tentatives de calcul d’un indicateur de soutenabilité sont apparues
autour des années 1990 avec des économistes tels qu’Atkinson, Pearce ou Repetto. Ces
derniers proposaient alors de soustraire à l’investissement brut tel que mesuré par la
comptabilité nationale, la dépréciation du capital fixe, la dépréciation du capital naturel ou
l’épuisement des ressources minières afin de voir si l’extraction de ressource naturelle d’un
pays était soutenable ou pas (Antonin et al. 2011). Depuis lors, cet indicateur a fait l’objet de
nombreuses critiques et de nombreuses tentatives d’ajustement. Ainsi la banque mondiale
fournie de nos jours des statistiques sur l’épargne nette ajustée, qu’elle définit comme étant
égale à l'épargne nette nationale plus les dépenses en éducation, moins l'épuisement en
énergie, en minéraux et en ressources forestières et moins les dommages causés par le
dioxyde de carbone et les émissions de particules.
L’épargne nette nationale est calculée en déduisant du revenu national brut la
consommation totale, la consommation du capital immobilisé et en y ajoutant les transferts
nets.
Dans le contexte de cette étude et dans notre tentative de mesurer l’accumulation de
capital physique et humain, l’épargne nette ajustée telle que définie peut servir de base pour
l’appréciation de capital physique. En effet, en partant du revenu national brut qui n’est autre
que la somme des valeurs ajoutées produite par tous les résidents, plus toutes les recettes
fiscales (moins les subventions) non comprises dans la valorisation de la production, plus les
49
réceptions nettes de revenus (rémunérations des employés et revenus fonciers) provenant de
l'étranger, et en y soustrayant la consommation totale, la consommation du capital
immobilisé, l’épuisement des ressources minérales, énergétiques, forestières ainsi que les
dommages causés par l’environnement, on obtient un résidu qui correspond logiquement à
l’accumulation de capital physique. En d’autres termes, l’épargne nette ajustée, telle que
calculé par la banque mondiale, diminuée des dépenses d’éducation équivaut à l’accumulation
de capital physique, sous réserve que l’épargne soit égale à l’investissement.
Les données disponibles sur l’épargne nette ajustée du Burkina Faso sont uniquement
les statistiques de la Banque mondiale. Malheureusement pour le Burkina Faso ces données se
limitent à l’année 2010. Or dans le but de mettre en évidence le régime d’accumulation de
capital physique lié au boom minier, il est indispensable de disposer des statistiques des
années récentes afin de dégager une moyenne assez indicative. Cette contrainte majeure nous
oblige donc à nous tourner vers d’autres alternatives de mesure de capital physique
notamment la formation brute de capital physique.
3. La Formation brute de capital fixe
Selon la définition de la banque mondiale, la « Formation brute de capital
(anciennement de l'investissement intérieur brut) consiste en des dépenses pour des ajouts aux
immobilisations corporelles de l'économie plus les variations nettes du niveau des stocks ».
Elle comprend les améliorations des terres (clôtures, les fossés, les égouts, etc.); des végétaux,
machinerie et de matériels achats; et la construction de routes, de chemins de fer, etc., y
compris les écoles, les bureaux, les hôpitaux, les unités résidentielles privées et les édifices
commerciaux et industriels. Selon le SCN 1993, les acquisitions nettes d'objets de valeur sont
également considérées comme de la formation de capital. En d’autres termes, cet indicateur
mesure directement l’accumulation de capital physique par une approche axée sur la dépense
tout en faisant l’effort de prendre en compte sa dépréciation.
Nous retenons donc cet indicateur dans notre tentative de mettre en évidence les
changements de régime d’accumulation. Nous nous basons donc sur les statistiques de la
Banque mondiale qui fournit les données sur le Burkina Faso jusqu'à très récemment en 2014.
De même nous traitons directement du taux de croissance de la formation brute de capital fixe
du Burkina Faso sur la base des données de la Banque Mondiale, qui calcul la croissance
annuelle moyenne de la formation brute de capital fixe en monnaie locale constante. Elle
effectue ensuite une agrégation basées sur les dollars américains constants de 2005.
50
II. Du choix de la non-pondération du capital physique et du
capital humain
Dans le souci de simplifier et de mieux appréhender la réalité par le chiffre, les
chercheurs en sont arrivés à des abstractions théoriques permettant de justifier l’émergence
d’indicateurs composites ramenés sur la même échelle des aspects qualitatifs et des aspects
quantitatifs, des objets d’étude de natures différentes. Si l’accumulation de capital physique
peut facilement être mesurée par les dépenses d’investissement, la subtilité du capital humain
nous parait en revanche insaisissable par la dépense uniquement.
L’IDH mesure le capital humain en prenant en compte la santé et l’éducation, le choix
de l’espérance de vie et du taux de scolarisation traduit une logique axée sur les résultats.
Cette approche nous semble plus rationnelle comparativement a l’approche basée sur les
dépenses en éducation qui est retenue dans la mesure de l’épargne net ajustée. En effet,
l’épargne nette telle que calculée par la banque mondiale ne retient que les dépenses
d’éducation comme indicateur du taux d’accumulation de capital humain. Or le capital
humain étant intrinsèque à l’Homme, la dépense ne peut en aucun cas refléter son niveau.
C’est ainsi que la construction d’écoles engendre des dépenses mais ne constitue pas en soit
une accumulation de capital humain, encore faut-il qu’il y’ait un enseignant et que des élèves
y soient instruits. Dans la même logique, des tentatives d’intégrer la santé dans l’épargne nette
ont été opérées en y ajoutant positivement les dépenses de santé (Dialga 2013), or nous
savons que « des dépenses élevées en santé peut traduire également une population malade et
donc improductif » Dialga (2013).
Dès lors que le capital humain ne peut s’apprécier uniquement par la dépense, une
pondération avec les indicateurs monétaires du capital physique peut conduire à un biais
énorme. La soutenabilité faible autorise la substituabilité entre facteurs de production, mais le
prix relatif ou la préférence sociale d’un facteur par rapport à un autre, relève des choix
politiques et nous parait hors de portée au stade actuel de nos recherches. Nous nous
contentons donc d’observer individuellement la trajectoire de chaque type de capital, en
considérant que dès lors qu’il y’a destruction de capital naturel, cela doit nécessairement
s’accompagner d’une hausse du taux d’accumulation du capital humain et/ou physique si la
règle de soutenabilité de Solow-Hartwick est respectée.
Bien que comprenant la logique sur laquelle repose les pondérations opérées dans les
indicateurs tels que l’IDH ou l’épargne nette ajustée, nous préférons restreindre le champ
d’abstraction de cette analyse afin qu’elle demeure la plus proche possible de la réalité et
51
aussi compréhensible que possible au profane. C’est ainsi qu’au regard de la nature du capital
humain, du capital physique, et de l’objectif de cette étude, nous pensons que la non
pondération traduit le mieux la réalité que nous souhaitons quantifier.
III. Burkina Faso et l’hypothèse d’un changement de
régime d’accumulation de capital physique et humain
1. Evaluation du capital humain
Afin de vérifier l’hypothèse d’un changement de régime dans l’accumulation du
capital humain depuis le boom minier au Burkina Faso, nous nous basons sur l’indicateur de
développement humain (IDH), mesuré par le PNUD. En considérant que le capital humain
peut être appréhendé à travers la santé et l’éducation, nous dérivons de l’IDH l’espérance de
vie comme mesure de l’état de santé de la population et nous retenons le taux
d’alphabétisation des adultes combiné avec le taux de scolarisation au primaire comme
indicateur sur l’éducation. Cependant, pour des raisons de disponibilité des données, nous ne
traiterons que du taux de scolarisation au primaire et de l’espérance de vie pour la mesure de
capital humain.
Les données sont principalement issues de la base de données de la banque mondiale.
Nous disposons ainsi des statistiques sur l’espérance de vie (en nombre d’année) et le taux de
scolarisation au primaire en pourcentage du nombre d’enfants scolarisés sur le nombre total
d’enfants en âge d’être scolarisé de 1990 à 2013. Par contre les données sur le taux de
scolarisation des adultes ne sont pas assez complètes pour nous permettre de calculer les taux
de croissance. Nous limitons donc l’indicateur sur l’éducation au seul taux de scolarisation au
primaire.
a) L’espérance de vie au Burkina Faso
Sur la période 1990-2013, l’espérance de vie au Burkina Faso est passé de 49.36 à
56.27 ; soit un gain de 7 ans sur une période de 20 ans. Le graphique montre une différence
entre la situation des hommes et des femmes de l’ordre de deux ans en 1990. On peut
constater que cette différence présente une tendance baissière sur toute la période et se
stabilise autour d’un an en 2013. Bien qu’enrichissante, cette analyse ne nous enseigne pas sur
les changements de régimes d’accumulation. Pour mesurer le phénomène, nous avons donc
recours au taux de croissance de l’espérance de vie, mesurée par la formule suivante :
TEi =
x100
52
Avec : TE le taux de croissance de l’espérance de vie, exprimé en pourcentage de
l’espérance de vie de l’année i-1, pour une année i donnée.
TEi mesure donc la capacité du pays à accumuler la dimension santé et bien être du
capital humain d’une année a l’autre.
Graphique 6 : Evolution de l’espérance de vie au Burkina Faso
Sources des données : Banque mondiale, graphique de l’auteur
L’évolution du taux d’accumulation de l’espérance de vie au Burkina Faso (graphique
7) montre que contrairement à ce à quoi l’on pourrait s’y attendre, le boom minier
s’accompagne d’un retournement de situation dans l’accumulation des années de l’espérance
de vie. En effet, si le Burkina Faso a connu un taux de croissance de son espérance de vie en
constante hausse de 1991 à 2003 environ, cette croissance se plafonne autour de 0.9% en
2006, avant d’amorcer une tendance baissière depuis 2007. Ce constat vient infirmer
l’hypothèse d’un changement de régime d’accumulation en faveur d’un taux plus élevé au
niveau de l’espérance de vie des burkinabè. Au stade actuel de nos travaux, nous ne pouvons
pas établir de liens de causalité directe entre boom minier et baisse du taux d’accumulation de
l’espérance de vie, nous constatons seulement les résultats paradoxaux qui montrent que par
rapport a ce critère le Burkina Faso semble s’éloigner de la règle de soutenabilité de Solow-
Hartwick.
53
Graphique 7 : Croissance de l’espérance de vie au Burkina Faso
Source : Calcul et graphique de l’auteur, à partir des données de la Banque mondiale
b) Taux de scolarisation au primaire
L’analyse graphique de l’évolution du taux de scolarisation du Burkina Faso, montre
de prime abord que les efforts dans ce domaine se sont concrétisés par une hausse continue de
la part des inscriptions à l’école primaire. En effet, si en 1990, environ 32.5% des enfants en
âge d’être scolarisé intégraient le système éducatif, en deux décennies cette part a plus que
doublé pour atteindre 86.86% en 2013. Néanmoins, on peut constater que la plus grande partie
de cette hausse a été réalisée entre 2003 et 2009. La première décennie 1990-2000 a connue
une hausse de 10.5 points environ, tandis qu’entre 2000 et 2009, on observe une hausse de
32.6 points, soit 3.62 points de croissance annuelle en moyenne. Par contre, depuis 2009, la
situation a relativement baissée, 2.25 point de croissance en moyenne par an.
L’analyse des taux de croissance de cet indicateur (graphique 8), vient confirmer cette
observation en montrant que depuis 2009, le régime d’accumulation de la dimension
éducation du capital humain, mesuré ici par la croissance du taux de scolarisation s’est
nettement détérioré. Plutôt que d’amorcer un changement vers un régime plus élevé, le taux
d’accumulation de l’éducation a été négativement perturbé. Tandis qu’il était stable au dessus
de 5% depuis 2003 (de l’ordre de 9% en 2007), en 2010 il passe en dessous de 1%, puis 4%
en 2011, avant de rechuter à 0.2% en 2013. Ainsi, le boom minier ne s’accompagne pas d’une
hausse de la capacité du Burkina Faso à scolariser une plus grande part des enfants en âge
d’êtres scolarisé, mais plutôt par des vagues de scolarisation et de déscolarisation. Sans nul
doute, l’or y est pour quelque chose et principalement l’exploitation minière traditionnelle qui
attire de plus en plus d’enfants hors du système scolaire.
54
Pour lisser les données et dégager une tendance générale, nous utilisons les moyennes
mobiles centrées d’ordre 3 (graphique 9). On constate que la croissance des inscriptions à
l’école primaire évolue autour d’une tendance cyclique. A l’intérieur de chaque cycle, on peut
alors calculer le niveau moyen de la croissance des inscriptions au primaire, en tant
qu’indicateur du régime d’accumulation de ce facteur.
Graphique 8 : Evolution des inscriptions à l’école primaire
Source : graphique de l’auteur, à partir des données de la banque mondiale
Graphique 9 : Taux de croissance de la part des enfants scolarisés
Source : calcul et graphique de l’auteur, à partir des données de la banque mondiale
55
c) De l’accumulation du capital humain au Burkina Faso
Nous mesurons l’accumulation de capital humain en faisant la somme directe
de l’accumulation de l’espérance de vie et de la croissance des inscriptions à l’école
primaire. Nous identifions graphiquement les changements de régime et calculons la
moyenne de chaque période (Graphique 10). On constate alors que dans le cas du
Burkina Faso, le boom minier s’accompagne effectivement d’un changement de
régime d’accumulation, mais contrairement à la règle de Solow-Hartwick qui veut que
la destruction de capital naturel s’accompagne d’un régime plus élevé dans
l’accumulation des autres types de capitaux, le Burkina est passé d’un régime plus
élevé (8% de croissance annuelle en moyenne) vers un régime moins élevé de l’ordre
de 4% de croissance. Ce paradoxe empirique ne nous permet pas d’établir une
corrélation directe avec le boom minier, néanmoins ces résultats pourraient remettre en
cause les analyses officielles de la soutenabilité de l’exploitation minière du Burkina
Faso si toutefois l’accumulation de capital physique s’inscrit dans la même
dynamique.
Graphique 10 : l’accumulation de capital humain au Burkina Faso.
Source : Calcul et graphique de l’auteur, à partir des données de la banque mondiale
2. De l’accumulation du capital physique au Burkina Faso
L’accumulation de capital physique du Burkina Faso, mesurée par la formation brute
de capital fixe montre une dynamique relativement stable depuis 2001. Le graphique 11
représente son évolution depuis 1990 et on constate que la formation brute de capital fixe
56
évolue en dent de scie jusqu'à 2001, avant d’amorcer une première phase de croissance
jusqu’en 2006-2007 où un léger pic marque de nouveau un changement de régime. On
observe ainsi une pente plus élevée depuis 2008, qui malheureusement aura tendance à
stagner en 2013-2014.
Nous retenons donc ces trois sous périodes identifiées graphiquement, pour isoler les
spécificités en termes de taux de croissance moyen afin de vérifier notre hypothèse d’une
hausse dans le régime d’accumulation, conformément à la règle de soutenabilité de Solow-
Hartwick. Il s’agit donc des sous périodes 1990-2000, 2001-2007 et 2008-2014.
Graphique 11 : Evolution de la formation brute de capital fixe du
Burkina Faso depuis 1990
Source : Calcul et graphique de l’auteur, à partir des données de la banque mondiale
L’analyse graphique de la dynamique d’accumulation du capital physique au Burkina
Faso depuis 1990 (Graphique 12) révèle trois principaux régimes. Un premier régime faible
de 1990 à 2000 avec une moyenne 4.15% de croissance annuelle, un deuxième régime
relativement plus élevé de 6 points de plus que le précédent et enfin le dernier régime de 2008
à 2014 avec une moyenne de 17% de croissance environ. Néanmoins, on constate que la
moyenne de la dernière période a surtout été augmentée par les résultats spectaculaires
enregistrés en 2011 et 2012. 2013 se traduit par une baisse de 40% environ.
Dès lors, la question se pose de savoir si la moyenne élevée observée depuis 2008 est
un phénomène durable ou plutôt la résultante de phénomènes aléatoires ? En d’autres termes
il ne nous est pas possible de conclure à partir de ce constat que la hausse du taux
d’accumulation de capital physique est le fruit d’une stratégie nationale de conversion de la
destruction de capital naturelle en capital physique. De plus, le choix d’une analyse graphique
57
est très arbitraire et nous enseigne uniquement sur les probabilités que le Burkina Faso se
rapproche ou pas de la règle de soutenabilité de Solow-Hartwick.
Graphique 12 : Accumulation de capital physique (croissance
annuelle de la formation brute de capital fixe
Source : Calcul et graphique de l’auteur, à partir des données de la banque mondiale
58
Conclusion
L’or du Burkina Faso est-il vraiment une bénédiction ?
Si le Développement soutenable peut conjurer la malédiction des ressources naturelles
par l’application de la règle de soutenabilité de Solow-Hartwick, l’or du Burkina Faso n’est
autre qu’une bénédiction. Son exploitation s’accompagne d’une hausse dans l’accumulation
de capital physique (mesuré par la formation brut de capital fixe).
Malheureusement, l’accumulation de capital humain ne suit pas la même tendance. Il
apparait en effet que, bien que présentant de façon générale une tendance haussière si on ne
considérant que les valeurs brutes de l’espérance de vie et des taux de scolarisation a l’école
primaire, la dynamique d’accumulation du capital humain est en net recul depuis le boom
minier : Une lecture en termes de croissance et donc de dynamique d’accumulation laisse
entrevoir un recul des performances du Burkina Faso depuis 2009.
Malgré les limites d’une analyse graphique, il apparait que la période 2002-2008 à été
celle qui a connu des niveaux d’accumulation de capital humain très élevé. Sur la même
période le capital physique a affiché un niveau plus élevé que la période 1990-2000. Depuis
2009, l’accumulation de capital physique est passée de 10% en moyenne à 17%, soit une
hausse de 70%. Parallèlement, l’accumulation de capital humain est passée d’un niveau de
8.56% à 4.28% soit une baisse de 50%.
On pourrait être tenté de conclure qu’en absolu, la dynamique d’accumulation de
capital physique du Burkina est nettement plus élevé que le recul observé dans l’accumulation
de capital humain, mais ce serait simplifier la réalité à l’extrême, car si la soutenabilité faible
autorise une substitution entre capitaux, elle ne précise pas un taux de substitution unitaire. Il
est effectivement possible que le capital physique soit moins onéreux que le capital humain
mais également moins rentable que le capital humain. Dans cette logique, un niveau plus
élevé dans l’accumulation de capital physique ne s’accompagnant pas d’une hausse dans
l’accumulation de capital humain est un abus de la théorie, une ignorance de la
complémentarité des facteurs dans le processus de production, et peut être un signe précurseur
de malédiction par les ressources naturelles.
59
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