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CMJN

Liberté 62 n°856 - Le 10 Avril 2009- 2 -

Tribune librePOUR DES MESURES À LA HAUTEUR

CONTRE LES SUPPRESSIONS D'EMPLOISCE QU’IL EST POSSIBLE D’EXIGER TOUT DE SUITE

Par Yves Dimicoli, économiste, membre de la direction nationale du PCF

TT OTALOTAL a annoncé,pour 2008, un bénéfi-ce net de 13,9 mil-liards dʼeuros, undividende en haussede 10 % (2,28 mil-

liards dʼeuros) et, pour 2009, 550suppressions dʼemplois ! Ce nʼestpas un cas isolé ! Lʼan dernier, lesgroupes du CAC 40 ont réalisépour quelque 75 milliards dʼeurosde bénéfice net (très inférieur auxprofits réels), malgré le retourne-ment de la conjoncture au secondsemestre. Nombre dʼentre eux ontaccru les dividendes versés auxactionnaires. Tous sʼapprêtent,cette année, à réduire leur massesalariale. Lʼemploi sert, plus quejamais, de variable dʼajustementet les «charges salariales» sontconsidérées comme le coût àréduire.Si on laisse faire, cela peut contri-buer à transformer la récession endépression.Dʼun côté, on accentue lʼinsuffi-sance de la demande et des qua-lifications, dʼun autre côté, on netouche pas aux énormes «coûtsen capital» qui étouffent lʼactivité :intérêts payés aux banques et auxcréanciers, dividendes versés auxactionnaires, gâchis dʼéquipe-ment, prélèvements des donneursdʼordres sur les sous-traitants,rentes de la grande distribution…Sans parler de tout lʼargent qui, aulieu de servir au développementdes capacités humaines, estplacé dans la finance, cherchetoujours à spéculer ou est déloca-lisé.Alors oui, il faut exiger desmesures radicales pour stoppercette fuite en avant. Ainsi, il estjustifié de demander lʼinterdictiondes licenciements en cas de paie-ment de dividendes, car ceux-cidoivent être mis à contributionavant tout. Cependant, on ne peut

se contenter de cette revendica-tion, cela ne ferait pas le compte.La gravité sans précédent desproblèmes dʼemplois appelle, eneffet, une tout autre ampleur desréponses, depuis des mesuresimmédiatement possibles jusquʼàdes transformations très pro-fondes. Dʼabord, il y a des socié-tés qui ont versé «zéro dividen-de». Cela y rendrait-il les licencie-ments plus incontournables ?De plus, dans les groupes, laréduction des emplois se fait sur-tout par dʼautres voies que les«licenciements pour motif écono-mique» : on pousse aux «départsvolontaires», on renvoie «pourfaute», on nʼembauche pas pourremplacer les départs, les fins deCDD ou de «missions dʼintérim»,

on recourt massivement au chô-mage partiel… Les dirigeants dePSA et de Renault avaient juré dene procéder à aucun licenciementen 2009, en contrepartie dʼaidesdʼÉtat, mais ils annoncent 18 000suppressions dʼemplois.Le gros des licenciements écono-miques se fait dans les PMEconfrontées à la réduction brutaledes commandes des donneursdʼordres et à un «rationnement»du crédit, les banques utilisant lesaides publiques pour augmenterleurs marges. Cʼest cela quiexplique lʼenvolée des faillitesquʼaucune interdiction des licen-ciements nʼempêcherait. Enmême temps, le plus importantplan de suppressions dʼemploisorganisé en France est le fait delʼÉtat (30 000 pour 2009) avec,notamment, le non-remplacementdʼun départ de fonctionnaire à la

retraite sur deux, au nom de lalutte contre les déficits. Cʼest leservice public quʼon assassineavec un contrecoup récessif surlʼactivité économique dʼensemble,ce qui accroîtra le déficit public…Et puis, il y a tous les chômeursqui, légitimement, ne se sententguère concernés par ce qui ne seprésenterait que comme uneréclamation dʼinterdiction deslicenciements. Eux, ils ont besoinque les entreprises créent desemplois et dʼun redoublement desefforts pour une formation de qua-lité bien rémunérée.Pour arriver à responsabilisersocialement les entreprises il fautconquérir, tout de suite et en fait,des pouvoirs effectifs des salariéspour réorienter les gestions des

entreprises et changer leurs rela-tions aux banques, en exigeant unchangement de la loi et des droitsen ce sens. Dès lors quʼune entre-prise envisage de supprimer desemplois, les comités dʼentrepriseet les délégués du personneldevraient pouvoir sʼy opposer enpratique, les faire suspendre letemps de faire valoir des contre-propositions. Celles-ci viseraient àréduire dʼautres coûts que lescoûts salariaux (les coûts en capi-tal), et bénéficieraient, pour cela,dʼun nouveau crédit bancaire. Lesemployeurs seraient obligés deles examiner et sʼils les refusent,un arbitrage devrait départager,avec une extension de la juridic-tion prudʼhomale pour régler lesconflits sur lʼemploi comme sontréglés les conflits du travail.Il faut, en outre, développer consi-dérablement les contributions des

entreprises et des fonds publics àla formation rémunérée de quali-té, notamment contre le chômagepartiel, pour revenir à lʼemploi àtemps plein, en exigeant une toutautre ampleur du fonds dʼinvestis-sement social concédé, sous lapression des luttes, par le chef delʼÉtat.Tout de suite, dans chaque dépar-tement, on peut exiger des préfetsun moratoire sur les suppressionsdʼemploi et la réunion de tablesrondes pour discuter des proposi-tions alternatives des syndicats etdes élus, en attendant une loi ence sens. Tout de suite, danschaque région, on peut exiger lacréation dʼun fonds public à partirdʼun redéploiement des aidesrégionales aux entreprises. Ilprendrait en charge tout ou partiedes intérêts versés aux banquespar les PME pour leurs crédits, enfonction dʼobjectifs chiffrés dʼem-plois et de formation, et servirait,ainsi, de point dʼappui aux luttescontre le chômage et la précarité.En même temps, on exigerait delʼÉtat quʼil suspende toute aidepublique aux groupes qui veulentsupprimer des emplois et leurimpose le remboursement desaides déjà versées. On réclame-rait que cessent les exonérationsde cotisations sociales patronalesqui coûtent 30 milliards dʼeuros àlʼÉtat. Doté de cet argent, unfonds national pour lʼemploi, par-tie prenante dʼun pôle financierpublic, servirait à diminuer dʼau-tant plus le coût du crédit pour lʼin-vestissement des entreprises quecelles-ci programmeraient plusdʼemplois et de formations.Dʼailleurs, puisque les grandesbanques disposent de quelque360 milliards dʼeuros grâce àlʼÉtat, elles doivent participer, enfonction de ce dispositif, à unemission de service public du cré-

dit, sécurisant lʼemploi et la forma-tion. Elles devraient contribuer àlʼaction dʼun grand pôle financierpublic constitué autour de laCaisse des dépôts et de certainesnationalisations. Le nouveau cré-dit qui serait ainsi développédevrait être appuyé sur la BCEpour se « refinancer », en contra-diction avec lʼorientation actuellede sa politique de taux dʼintérêt.En effet, pour que lʼEurope nesombre pas dans la déflation, ilfaut en finir avec le dogmatismeanti-inflation de M. Trichet etl ʼ«indépendance»pro-marchéfinancier de la BCE. Le taux dʼin-térêt de son refinancement devraitêtre fortement augmenté pour lescrédits servant aux opérationsfinancières. Et, grâce à la créationmonétaire, il devrait être dʼautantplus abaissé, jusquʼà zéro etmême devenir négatif, pour lescrédits en investissements réelsque ceux-ci programmeraient plusdʼemplois et de formations.En réclamant de mettre fin à lʼim-mense gâchis des aidespubliques aux entreprises et auxbanques, au «bouclier fiscal», enrevendiquant la suppression dupacte de stabilité, il sʼagirait ausside viser une relance desdépenses de services publics. Au-delà dʼun moratoire sur les sup-pressions dʼemplois publics à exi-ger sans attendre, il faut uneexpansion nouvelle et durable desservices publics. Les électionseuropéennes seront lʼoccasiondʼen exprimer la nécessité envotant pour les candidats du Frontde gauche et en développant,dans la campagne électorale,leurs propositions alternativesappuyées sur les luttes de terrain.voir également page 7 (articlesur les parlementairescommunistes)

“il est justifié de demander lʼinterdiction deslicenciements en cas de paiement de dividendes”

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