Journée d'échanges « Semer et planter local : un défi pour la biodiversité » 26 juin - Paris
Pourquoi des plantes indigènes sauvages d’origine locale?
Armin Bischoff, IMBE, Université d’Avignon
Indigène versus exotique
Les mélanges « prairies ou bandes fleuries » sont de plus en plus utilisés dans la revégétalisation (ronds points, espaces verts, parcs, talus, etc.)
Ces mélanges comprennent souvent les cultivars des espèces indigènes et/ou les espèces sauvages mais exotiques
Voici la première page google.fr (image) pour wildflower mixture
Indigène versus exotique Sélection des fleurs « jolies », mélanges colorés
Fonctions écologiques souvent largement modifiées: interactions avec autres plantes, herbivores, pollinisateurs, décomposeurs, organismes du sol, etc.
Mauvaise adaptation (semis annuel) ou à l’inverse: invasion
Cultivars du bleuet Sauvage, exotique: Cosmos sp.
Espèces indigènes: local versus non-local
Les avantages écologiques des espèces indigènes sont bien connus
Demande croissante en espèces indigènes (révégétalisation)
Cependant espèces indigènes ≠ origine locale!!
Aujourd’hui il existe un marché international d’échange de graines
impliquant de nombreuses espèces indigènes en France
Problèmes potentiels des origines non locales:
• Installation insuffisante car les génotypes sont mal adaptés aux conditions locales
• Invasion « cryptique » des génotypes étrangers
• Effets sur les organismes d’autres niveaux trophiques
• Hybridation avec populations autochthones: changement de la structure génétique, outbreeding depression
Espèces indigènes: adaptation locale
Population d’origine 1
Population d’origine 2
Théorie de l’adaptation locale
La population locale est toujours supérieure (a)
Restauration écologique (b): fitness (performance des populations)
diminue en fonction de la distance aux habitats sources des végétaux
D’après Kawecki & Ebert 2004
Distance de l’habitat source
Fitn
ess (
sites à
resta
ure
r)
(b)
Espèces indigènes: adaptation locale
Transplantation réciproque et expérimentations en « jardin commun »
• Analyser les échelles de la différenciation génétique
• Tester l’adaptation locale et ses échelles spatiales
Plante annuelle des zones humides
perturbées
Deux habitats principaux : marais
salants et berges de rivières
Archéophyte, depuis >2500 en
France, grande aire de répartition
Attaquée par de nombreux
invertébrés herbivores
Espèce modèle: Brassica nigra (moutarde noire)
Espèces indigènes: adaptation locale
0
20
40
60
80
100
120
140
160
Site
Fru
its p
er
pla
nt
Donges (AC) Ponts-de-Cé (RV)
population Vallée de Rivière (RV)
population Côte Atlantique (AC)
Local vs. non local: P<0,001
Intérieur: berges des rivières
Côte: marais salants
Transplantation réciproque entre côte Atlantique et intérieur (120 km)
Populations locales montrent toujours une meilleure performance:
plantes côtières sur la côte, populations fluviales à l’intérieur
Bischoff & Hurault 2013, Am J Bot
Espèces indigènes: échelles d’adaptation
0
2
4
6
8
10
12
14
16
RV
10km
RV
10km
RV
15km
RV
50km
AC
110km
AC
120km
RV
1000
Cum
ula
tive s
hoot le
ngth
(m
)
a
ab
bcc
cc
cRV: River valley population
AC: Coastal population
km
Bischoff & Trémulot 2011,
Oecologia
« Jardin commun » à l’intérieur: pas diminution de la performance en
fonction de la distance, populations de la côte relativement proches
(120 km) poussent mieux que populations éloignées (1000 km)
Populations
RV: Vallée de Rivière AC: Côte Atlantique
Espèces indigènes: échelles d’adaptation
Etude précédente: transplantation
réciproque impliquant une 2ème
population originaire d’un habitat
différent (contraste humide/sec)
0
2
4
6
8
10
12
14
16
Local (home) Local (different) Foreign
Nu
mb
er
of
sp
ike
s p
er
pla
nt
*
0
4
8
12
16
20
24
Local (home) Local (different) Foreign
Pa
nic
les p
er
pla
nt
Plantago lanceolata Holcus lanatus
Cette 2ème pop locale d’un habitat
différent pousse significativement
moins bien que la vraie pop locale (à
peine mieux que les pop étrangères)
** **
*
Espèces indigènes: échelles d’adaptation F
itness (
site à
resta
ure
r)
Ce n’est pas si simple!
Distance de l’habitat source
Espèces indigènes: échelles d’adaptation
Adaptation aux facteurs environnementaux qui changent à petite
échelle complique la relation performance - distance géographique!
C’est plutôt
comme ça!
Fitness (
site à
resta
ure
r)
Distance de l’habitat source
Espèces indigènes: invasions cryptiques Et des fois les populations étrangères sont nettement plus
performantes que les populations locales
Invasion dite « cryptique »: le génotype étranger devient envahissant
Exemple invasion du roseau eurasien aux Etats-Unis
Genotype américain (native) et
eurasien (invasive) de Phragmites
australis
Saltonstall 2002
PNAS
Espèces indigènes: invasions cryptiques
Le génotype eurasien est beaucoup plus
compétitif que le génotype américain et
menace la biodiversité des zones
humides. Traitements de contrôle sont
couteux
Photo: Ontario Ministry of Natural Resources 2012
Hypothèse: isolation à très grande
échelle a permis une sélection
indépendante (sans concurrence
directe). Sous conditions
environnementales similaires évolution
d’un génotype supérieur
Distance de l’habitat source
Fitn
ess (
site à
resta
ure
r)
Adaptation locale: organismes associés
0
2
4
6
8
10
12
14
RV
10km
RV
10km
RV
15km
RV
50km
AC
110km
AC
120km
RV
1000
% D
am
aged leaves
aab
ab
ab
ab
b b
Quelles sont les interactions avec d’autres organismes?
Brassica nigra: invertébrés répondent significativement aux
génotypes. Dégâts causés par phytophages défoliateurs différents:
attractivité et/ou résistance dépendend de l‘origine des végétaux
km
Bischoff & Trémulot 2011,
Oecologia
Populations
RV: Vallée de Rivière AC: Côte Atlantique
Adaptation locale: organismes associés Lien avec différences
phénologiques entre pop
Attaque des inflorescences
par mouches de fruits
(tephritidae) très differente
entre populations de 5
régions allemandes
Centaurea
jacea
Bucharova
et al. 2017
« Seed zones » comme solution?
Gonseth et al., 2001, in SKEW 2003
A Jura, Plateau et versant
nord des Alpes
B Alpes centrales
occidentales
C Alpes centrales orientales
D versant sud des Alpes
Concept « Seed zones »: limite l’échange des graines/végétaux aux
régions biogéographiques +/- homogènes
La Suisse comme pays pionnier en Europe (depuis 2001): 4 régions
principales, 11 sous-régions
Régions +/- arbitraires
« Seed zones » comme solution? Première approche scientifique en Europe (SIG): projet Regiosaaten
(Allemagne, 2008-2010), 9 critères pédoclimatiques (température,
précipitation, continentalité, géologie)
22 régions d’origine, 9 pour la multiplication
« Seed zones » comme solution? Première approche génétique en Europe: projet ECONADA
(Norvège, 2011-2015), AFLP sur 7 à 20 populations de 6 espèces:
En moyenne 4 zones suffisantes
PCA scores de toutes les 6
espèces testées (moyennes
par site d’origine):
Agrostis mertensii, Avenella
flexuosa, Carex bigelowii,
Festuca ovina, Poa alpina,
Scorzoneroides autumnalis
Jørgensen et al. 2016
28 unités naturelles 11 régions d’origine
« Seed zones » comme solution? Et en France? Projet florelocale (2012-2014) pour développer les
zones d’origine inspirée par l’approche allemande: zones
biogéographiques prenant en compte des cartes synthétiques
existantes (notamment végétation), les limites des massifs (>1000
m), le climat, le pH du sol et l’avis des experts
http://www.imbe.fr/armin-bischoff.html, [email protected]
Conclusions • « Semer et planter local » peut éviter les risques liés à l’utilisation
des populations et/ou espèces non-locales: mauvaise adaptation,
invasion cryptique, désintégration des interactions avec d’autres
organismes, « pollution génétique ».
• Le développement des « seed zones » est une approche
importante et pertinente pour réaliser cette idée et représente un
grand progrès par rapport à la situation actuelle.
• Ces zones peuvent être construites à la base des analyses
génétiques moléculaires (variation neutre) et/ou des données
biogéographiques (variation adaptative).
• De meilleures connaissances sur les échelles d’adaptation et de
différenciation génétique sont nécessaires pour ajuster les zones
et pour prendre en compte la différenciation intra-zone.