Pratiquer la philosophie
Des essais à l’école élémentaire
Alain Riess
CPC Strasbourg 3
Cliquez sur la souris pour avancer
Développer la pensée critique
Des objectifs qu’on se fixe
Développer des habiletés logiques
Amener les enfants à penser et à argumenter par eux-mêmes, pour eux-mêmes
Dans le cadre du « Vivre ensemble »
En continuant à apprendre à débattre avec ses camarades, l’élève comprend tout ce que la
confrontation à autrui apporte à chacun.
Si la philosophie n’apparaît pas dans les programmes, ces pratiques de débats philosophiques y sont en filigrane
Dans le cadre de la maîtrise de la langue
Les compétences langagières recherchées lors un débat mettent en œuvre des discours argumentatifs.
Des exemples de sujets à lancer.
Partir d’une question
Quand peut-on dire qu’une personne est un adulte?
La beauté, qu'est-ce que c'est ?
Qu’est-ce qu’un ami ? Qu’est-ce qu’un copain ?
Qu'est-ce que c’est être heureux ?
Pourquoi je ne peux pas faire tout ce que j’ai envie de faire ?
Pour faire un même travail, de même qualité, Bernard met 10 heures et Hervé met 11 heures. Faut-il payer plus Bernard, payer plus Hervé ou payer les deux de la même manière ?
Partir d’un petit texte présentant une situation
avec dilemme
Pour avoir fait une même action qui est interdite dans le règlement l’élève A est puni plus sévèrement que l’élève B.Es-tu d’accord ?
Le maître qui les a punis s’explique. Dis ce que tu penses des différentes explications qu’il donne et donne d’autres explications qui te semblent possibles :
Pour B, c’est la première fois qu’il fait quelque chose d’interdit.
A est un garçon, B est une fille.
A n’a pas voulu reconnaître ce qu’il a fait.
A a des cheveux blonds et je n’aime pas ça.
L'objet de la discussion
doit présenter un caractère philosophique
(problème fondamental pour lequel il n'y a pas de réponse unique a
priori)
mais également constituer un enjeu véritable pour les élèves
Le point de départ peut aussi être
un texte
un album ou un ouvrage
Je voulais te dire
• Un petit garçon ne parvient pas à communiquer avec son papa qui lit toujours le journal. Les mots restent bloqués dans sa gorge. Il va voir Meule, son ami imaginaire qui comprend son problème et lui tire de la gorge un long ruban de papier sur lequel sont écrites toutes les pensées de l’enfant
Langage, incommunicabilité, solitude
Un chat est un chat• Narcisse est un chat qui n’est pas content d’être un chat. Il
essaie d’être un loup, un lion, un chien … mais cela ne lui réussit pas du tout.
• Finalement, il comprend qu’il est très bien comme il est.
Identité s’accepter soi-même
Bonjour, madame la mort.
• Une très vieille dame reçoit un jour la visite de la mort qui vient la prendre. Comme la vieille dame est sourde, elle ne comprend pas ce que la mort lui veut et elle lui propose de devenir son amie. Comme la mort la trouve très sympathique, elle n’ose pas refuser. Mais la mort doit repartir. Elle organise une belle fête pour le 100ème anniversaire de la dame. Au matin, celle-ci ayant soufflé les 100 bougies, annonce qu’elle est prête…
Vieillesse et mort
Goûters philosophiques
Pour de vrai et pour de faux
La guerre et la paix
Les Dieux et Dieu
Le travail et l’argent
Prendre son temps et perdre son temps
Un exemple :
Quand peut-on dire qu’une personne est un adulte ?
Les caractéristiques d’un débat philosophique
Il doit être universel
Il doit concerner tout homme, de tous les temps.
Un débat sur les avantages et inconvénients du téléphone portable est un débat d’actualité, pas un
débat philosophique.
Il doit y avoir implication
Toute question à portée universelle n’est pas forcément philosophique.
Un problème philosophique touche à ma vie, à mes choix.
Les élèves sont souvent à même de sentir si les questions posées mettent en jeu leurs choix
fondamentaux.
La question philosophique ne peut faire l’objet d’une vérification expérimentale.
La réponse à une question philosophique
peut être argumentée,
mais elle demeure indéfiniment en suspens
Un débat philosophique est totalisant
c’est-à-dire
qu’il entraîne d’autre questionnement.
Si je me pose la question
« Qu’est-ce qu’un ami »
Je suis invité à répondre à la question
« Qu’est-ce qu’aimer ? »
Et même
« Qu’est-ce qu’une personne? »
En pratique
La séance dure entre 30 et 45 minutes, une ou deux fois par semaine.
L'espace doit être suffisant, le groupe doit se situer autour de 12/15 élèves.
Les élèves assis en cercle ou en U
Iil faut veiller à l'atmosphère du groupe.
Les enfants lisent à haute voix, les phrases du texte.
( Une phrase par élève pour s'assurer que chaque enfant lise et suive la lecture du texte et c'est une entrée dans l'appartenance au groupe).
Déroulement
Présentation du thème et compréhension de la tâche demandée
L’enseignant fait redire le texte avec des mots des enfants et s’assure de la compréhension de la question.
Participation effective de tous et réflexion individuelle.
Si c’est possible, demander aux élèves d’écrire au brouillon leur propres réactions ( quelques lignes) avant qu’il y ait
partage collectif.
Ce moment permettra d’enrichir le débat collectif et le maître pourra encore une fois s’assurer de la
compréhension de la tâche.
Le débat proprement dit peut commencer.
Il faudra veiller à ce que tout ce que les élèves disent soit justifié.
Ne pas en rester à l’expression de l’opinion, mais à la justification de celle-ci ( Je pense ceci parce que ….)
C’est la condition nécessaire pour qu’il y ait pensée réflexive et débat argumentatif.
Son rôle d'arbitre est de faire participer, sans donner de réponses toutes faites. ( pourquoi dis-tu cela ?, que veux-tu dire par ...?).
Le rôle du maître
Il guide sans diriger,
Il aide à la présentation des idées,
Il veille à ce que toutes les opinions soient entendues et également argumentées.
Il fait attention à ne pas apporter de contenu ou d’opinion.
Il est intéressant de garder une trace de synthèse de ces débats pour qu’ils puissent être communiqués à
d’autres classes qui traitent le même sujet.
Cette synthèse peut se faire
Par l’enseignant qui note au tableau au fur et à mesure les idées argumentées.
Par un autre adulte présent dans la classe.
Par enregistrement du débat et synthèse différée de celui-ci.
Les intérêts de ces moments de débat sont multiples
L’enfant est philosophe par nature et il se pose souvent la question du pourquoi des choses. Ici, c’est en confrontant ses opinions avec celles de ses pairs qu’il avancera dans la réflexion.
L’enseignant (et l’adulte) n’apporte pas lui-même la réponse.
Réfléchir c’est retourner sur soi (au sens du rayon lumineux), c’est revenir sur ses représentations . D’où viennent-elles (les sources) et sont-elles fiables ? (esprit critique)
En confrontant ses idées avec d’autres l’élève est amené à ne pas retenir qu’une thèse.
Certains sujets ont des réponses multiples et variées
Les apports au niveau de la maîtrise de la langue sont également importants.
Voici un extrait de productions orales et écrites d’une élève de CE2 lors d’ateliers philo.
La question était « L’homme est-il un animal ? »
Cet exemple montre le développement de compétences linguistiques discursives
Usage de structures linguistiques plus complexes et diminution des phrases simples.
Usage de connecteurs logiques spécifiques à ce discours : car , parce que, …
On y retrouve bien sûr les spécificités de la langue écrite et de la langue orale.
On y découvre également une évolution au niveau de la prise en compte de l’autre dans le discours.
« Je ne suis pas d’accord avec Julien »
« Oui, mais… » ( concession et rebondissement de l’argumentation)
Au niveau de l’écrit, on constate la capacité à nuancer de plus en plus un propos et à présenter une argumentation de
plus en plus étayée.
Encore des exemples
Qu’est-ce que être sage?
• Au départ, on constate que les élèves partent du mot sage=gentil
• « Etre sage, c’est ne pas faire de bêtises, être gentil, écouter ses parents ».
• L’intérêt du débat est de faire évoluer cette première signification vers la seconde : Faire preuve de sagesse .
• On peut partir de la question « Qu’est-ce que être sage » et la recentrer vers
une situation du type :• « Sur le chemin de l’école, je rencontre
3 grands qui ont l’air menaçants. • Quelle est la conduite la plus sage dans
cette situation? »
QU’EST-CE QUI EST JUSTE ?
• Pour une fête, quelqu’un a donné une grosse somme d’argent à la famille Gustard pour qu’ils la partagent entre leurs quatre enfants.Les parents veulent que le partage soit le plus juste possible. Ils en discutent en famille. Chacun des enfants donnent son avis :
L’aîné dit :
• Je pense qu’il est plus juste que l’on partage l’argent selon nos besoins. Quand on est plus âgé, on a besoin de plus de choses, par exemple pour l’école. Donc, il faudrait que ce soit moi qui aies le plus, puis chacun un peu moins selon son âge.
(Choix 1)
Le second dit :
• On devrait répartir l’argent en fonction de nos qualités. Par exemple, celui qui travaille le mieux à l’école devrait avoir plus, puis chacun un peu moins.
(Choix 2)
Le troisième dit :
• C’est simple, il n’y a qu’à regarder ce que dit la loi : quand il y a un héritage dans une
famille, on doit partager également entre les enfants. C’est ce que nous devons faire. La
loi dit toujours ce que nous devons faire. (Choix 3)
Le dernier dit :
• C’est plus simple encore. Moi, je suis le plus fort, donc, je dois tout avoir. C’est comme ça,
dans la nature, chez les animaux : c’est le plus fort qui gagne.
(Choix 4)
Conclusion
• La pratique du débat philosophique dès l’école élémentaire trouve parfaitement sa
place dans la demi-heure de débat hebdomadaire. Cette pratique est en elle-
même une activité de maîtrise de la langue orale et un moment de confrontation d’idées
dans le cadre d’un débat réglé.