quatre autres états du sahel (Algérie, Lybie, Niger et Burkina Faso). Le profond ressentiment à l’égard du sud, plus riche, mêlé à une incompréhension
culturelle a provoqué dès la fin de la colonisation un réel sentiment indépendantiste, chez les populations Touaregs en particulier.
Les Touaregs n’ont jamais accepté, depuis l’indépendance acquise en 1960, de se soumettre au pouvoir de Bamako. Ils ne comprennent pas pourquoi ils
devraient obéir aux lois d’un État, promulguées à des milliers de kilomètres de chez eux. D’autant que l’État malien, très affaibli, n’est aucunement en mesure
de faire appliquer la législation au nord du pays, ni même d’imposer son autorité sans faire appel à l’armée. Les Touaregs eurent l’occasion de mener deux
rebellions dont celle de 1963, très sévèrement réprimée, et plus récemment une révolte allant de 1990 à 1996, sans réel succès. La répression du gouvernement
malien fut féroce et de nombreux civiles furent victimes d’exactions de la part de l’armée malienne ou des milices noires venues du sud Mali comme le MPGK.
Ces soulèvements sont principalement motivés par des questions d’ordre institutionnel (demande décentralisatrice) économiques et sociales (aide au
développement). Les écarts économiques et culturels sont pour beaucoup dans les velléités d’indépendance des Touaregs. Il faut patienter jusqu’en 2012 pour
que différents facteurs extérieurs comme intérieurs concordent, pour qu’enfin les Touaregs puissent espérer de nouveau proclamer l’indépendance de leur
territoire, nommé Azawad, qui signifie littéralement « territoire de transhumance ». Chose enfin faite le 6 avril 2012.
Mais les Touaregs n’auraient pu espérer proclamer l’indépendance de leur nation au Mali, s’ils n’avaient reçu l’aide des milices salafistes et des groupes
terroristes particulièrement bien implantés dans la région. Ces facteurs extrêmes sont complémentaires entre eux et visent à alimenter le climat explosif de la
région.
La présence de groupes terroristes proche des mouvances djihadistes, à l’image d’Aqmi ou Ansar Dine, qui trouvent un moyen de se financer en contrôlant
et alimentant les flux de trafics et de contrebandes (drogues, migrants, cigarettes et armes) demeurent les principaux facteurs de déstabilisations. Insaisissables
pour l’armée malienne dans leur fief montagneux du nord, les Touaregs sont rejoints en 2012 par les forces Touaregs, enrôlées dans l’armée libyenne, après la
chute du Colonel Kadhafi. Grâce aux armes, aux munitions et aux équipements militaires qu’ils ramènent dans leur sillage, ils offrent aux Touaregs comme aux
Djihadistes des moyens d’actions élargis.
Pendant que le Nord s’arme et conteste de plus en plus violemment l’autorité et l’unité territoriale du Mali, le sud connaît une crise politique sans précédent
depuis la chute de la dictature en 1991. Le 22 mars 2012, le gouvernement est renversé par un coup d’État, mené par de jeunes militaires, considérants que le
président actuel est incapable de résoudre le conflit au nord. Des affrontements ont lieu au sein même de l’armée malienne, l’empêchant de contre attaquer
efficacement en direction du Nord. Alors que les forces Touaregs de l’Azawad stoppent leur avancée aux frontières du territoire qu’ils ont proclamé, ils sont
rapidement supplantés et attaqués par les Djihadistes qui souhaitent imposer la Shari’a. Défaits à maintes reprises, les Touaregs se replient et laissent au
Djihadistes le contrôle du terrain récemment conquis. Ces derniers relancent l’offensive vers le sud et repoussent facilement les troupes désorganisées de l’État
malien, qui voyant sa capitale menacée, lance un appel au secours à la Communauté Internationale. C’est dans ce contexte que le gouvernement Français lance
l’opération Serval en janvier 2013.
Aujourd’hui, ce ne sont pas moins de 27 belligérants qui s’affrontent au Mali, et depuis le lancement de l’opération Barkhane le 1er août 2014, c’est toute la
bande sahélo-saharienne qui se trouve concernée par la Question terroriste. En étudiant la base de données Uppsala Conflict Data Program, nous sommes
amenés à nous interroger sur le type et la fréquence des violences exercées par les acteurs au Mali depuis le début des années 90. Quels en sont les causes, les
conséquences, les partis concernés et surtout quelles sont en réalité les victimes de ces échanges de tirs plus souvent sporadiques qu’intenses, mais toujours
meurtriers.
L’Uppsala Conflict Data Program (UCDP) de l’université d’Uppsala en Norvège, est l’une des plus grande base de donnée sur les violences organisées et
l’un des plus anciens projets de collecte de données sur les conflits internationaux ou civils. Avec près de 40 ans d’existence, l’UCPD couvre presque toute les
régions du globe. L'UCDP produit des données de hautes qualités, qui bénéficient d’une couverture mondiale, qui sont mises à jour chaque année.
L’organisation du site permet de comparer facilement les données d’un pays à l’autre.
L'UCDP met à jour en permanence sa base de données en ligne (UCDP Conflict Encyclopedia) sur les conflits armés et la violence organisée. Elle contient
des informations sur plusieurs aspects des conflits armés, tels que leur dynamique et leur résolution. Cette base de données interactive offre gratuitement un
système en ligne pour visualiser, manipuler et télécharger des données, y compris des ensembles de données prêtes à l'emploi sur la violence organisée et le
rétablissement de la paix, disponible à cette adresse : http://www.ucdp.uu.se/
Les données sur les conflits armés sont publiées chaque année dans le Journal of Peace Research depuis 1993, dans les rapports sur la sécurité depuis 2005,
dans l'annuaire du SIPRI depuis 1988 et dans le States in Armed Conflict (1987-2012). En outre, les chercheurs de l'UCDP publient régulièrement des
recherches sur les guerres, ses causes, son escalade, sa propagation, sa prévention et sa résolution dans des revues et des ouvrages scientifiques.
L’UCDP a volontairement partagé les acteurs en trois groupes. Premièrement, les pertes dues à la violence d’Etat, exercée par les gouvernements Malien,
Mauritanien et Algérien. Mais l’Azawad ainsi que l’Empire du Macina ont été délibérément désignés comme des États. Deuxièmement, les victimes des
groupes terroristes ou non reconnu comme des Etats. Enfin les dernières victimes sont celle d’un seul camp, les civils, provoqué par l’un ou l’autre parti au
conflit. La base de données ne reconnait que la violence exercée sur les civils de la part du gouvernement malien, d’Aqmi, du FIAA (Front Islamique arabe de
l’Azawad) et du MPGK.
I. Entrée dans le fichier
A. Variable qualitative
a) Année des actions violentes Les bases de données de l’Uppsala Conflict Data Program, débutent en règle générale au milieu des années 70. L’inexistence de données fiables
ou même vérifiées, empêchait d’opérer de vastes opérations de collecte. Mais à partir du lancement d’internet dans les années 1990 et son
développement très rapide dans les pays occidentaux, les chercheurs purent chercher des informations à la source elle-même, permettant des
compilations de bases de données sur les conflits armés ultra complètes. En ce qui concerne le Mali, la récolte de données n’a débuté qu’à partir de
1990. Nous pouvons remarquer deux pics de violences aux extrémités du graphe. La première explosion de violence a lieu dès le début des années 1990,
et culmine comme on peut le voir durant l’année 1994. La deuxième phase d’action violente commence en 2012, et contraste fortement avec l’année
2011. Entre ces deux périodes, peu ou prou d’actions violentes sont à noter. Les raisons qui poussent des individus à prendre les armes sont fortement
similaires, que ce soit aux débuts des années 1990 ou à partir de 2013. En 1991, les dirigeants Touaregs de l’AZAWAD profitent de l’instabilité qui fait
rage à Bamako2) pour proclamer l’indépendance du Nord Mali. S’ensuit une courte guerre contre les dissidents Touaregs qui galvanisent la population
du sud, renforçant de fait la stature du premier président récemment élu, Alpha Oumar Konaré. S’ensuit après les combats, une sanglante répression qui
culmine en termes de violence, au cours de l’année 1994. La seconde période se démarque de la première par son ampleur, ce qui s’explique aisément
par le déploiement de l’opération Serval le 17 janvier 2013. Or nous pouvons remarquer que le nombre d’actions violentes n’est pas très élevé pendant
l’année 2011. Ce qui nous laisse à penser que le conflit s’est intensifié avec la venue des Français, et ce dès le début des opérations aériennes en janvier
2012. L’internationalisation du conflit l’a rendu plus violent qu’il ne l’était auparavant.
2 Coup d’Etat de mars 1991 qui renverse la dictature de Moussa Traoré, chef incontesté du pays depuis 1968.
Idé, Carte des raids
aériens français au
Mali, in La Croix [en
ligne], 14 janvier
2012. https://www.la-
croix.com/Actualite/
Monde/Carte-des-
raids-aeriens-
francais-au-Mali-
_NG_-2013-01-14-
898777
Groupe de soldats
Touaregs du MNLA dans
la région de Kidal, le 4
février 2013.
Source : ©
REUTERS/Cheick
Diouar, 29/10/2014
b) Type de violence
Toutes périodes confondues, nous pouvons noter que la violence la plus représentative est celle qui s’exerce par un parti au conflit à l’égard de la
population civile (3). En effet, les civils sont des cibles privilégiées dans les guerres asymétriques d’aujourd’hui. Quand bien même ils sont censés être
protégés par les protocoles additionnels des Nations-Unies portant sur les types de violences exercés dans le cadre d’un conflit, ils demeurent des cibles
privilégiées pour les insurgés, qui les utilisent comme boucliers humains, ou bien les maltraitent (occupation de Tombouctou). De l’autre côté, l’État
malien à tendance à considérer comme traitre la population dans les territoires reconquis du nord, ce qui entraîne des représailles qui prennent la forme
d’exécutions plus ou moins sommaires, voire de massacres, comme en 1994 quand 50 civils ont été fusillés par l’armée gouvernementale.
Deuxième remarque, la violence d’État, exercée indépendamment de la cible, est de loin la plus courante. Disposant de plus de ressources que
ses adversaires l’État malien en a fait un usage intensif. L’action des troupes françaises est sans doute comptabilisée dans celle de l’État malien, or
l’intervention française dans le conflit s’est intensifié au regard de l’équipement des forces françaises particulièrement efficace et puissant, qui pouvaient
de plus compter sur des appuis aériens. Nous pouvons en outre noter que l’État mauritanien est intervenu au Mali entre 2010 et 2011 à quatre reprises.
Surtout, il est normal que dans un conflit asymétrique les forces de l’état et celles issues de la sédition s’affrontent dans la mesure où l’objectif
final des deux partis est de détruire, du moins repousser, l’autre. Enfin dans un pays en crise comme le Mali, il n’est pas étonnant de voir le cadre de la
violence déborder sur des luttes entre factions, elles-mêmes séditieuses. C’est le cas des rebelles de l’Azawad, incorporés dans le MNLA, qui affrontent
régulièrement les djihadistes d’Aqmi, ou les nomades Peuls qui cherchent avant tout à protéger leur bétail des voleurs.
c) Nom du Conflit Ce qui à première vue peut frapper un néophyte du conflit malien, c’est la multitude des acteurs. Pas moins de 27 groupuscules et partis
s’affrontent dans le nord du pays depuis 1990. Ces groupes ont pour particularité d’étendre leur action à aucun des pays de la bande sahélo-saharienne
en particulier. Ce qui peut expliquer en partie la faible présence de certains groupes armés comme par exemple l‘ethnie des Dogon. Les forces armées de
certains pays se permettent à certaines occasions d’intervenir sur le territoire Malien pour poursuivre des groupes armés ayant commis des crimes sur
leur territoire, c’est le cas en particulier de la Mauritanie, et dans une moindre mesure de l’Algérie. Ces deux États partagent des frontières désertiques
avec le Mali, expliquant la porosité des frontières. Mais ce sont surtout les actions de l’État malien qui restent les plus nombreuses (plus de 150 combats
sur près de 369 cas). Les conflits entre groupes armés sont au contraire plus sporadiques. La guerre au Mali se caractérise en particulier par des
affrontements violents entre les forces gouvernementales et les rebelles de l’Azawad, ou contre les autres groupuscules armés, qu’ils soient ethniques
(Dogon, Macina Empire) ou terroristes (Aqmi, l’ex GSPC, ou Ansar Din).
B. Variable quantitative
a) Total des pertes
Les combats au Mali ont beaucoup marqué la presse française au cours des premiers temps de l’intervention en 2013. Ce fut l’occasion de
tourner des reportages de guerre, de rédiger de nombreux articles pour finalement parler d’un conflit beaucoup plus proche de nous culturellement et
géographiquement que l’était l’Afghanistan ou l’Irak. Toutefois, l’intensité des combats, si elle tend à augmenter à partir de 2012, avec l’offensive du
MNLA vers le sud, reste relativement faible. La moyenne des pertes par combat se situe selon les calculs à 6,405 pertes, et se situe même en dessous du
3ème quartile. À partir du graph, nous pouvons remarquer que les occurrences d’actions violentes comportant aucune perte est la plus haute, alors que les
actions faisant un grand nombre de morts sont plutôt sous-représentées. Cette guerre asymétrique entraîne relativement peu de morts par rapport à la
population concernée, l’ampleur des combats et la taille du théâtre d’opération. Ces modes d’action s’apparentent à une forme de guérilla, où la mobilité
et le harcèlement de l’adversaire sont privilégiés. La plupart des combats sont des escarmouches, provoquant peu de pertes des deux côtés.
Il faut noter qu’aucun moyen ne nous est donné pour déterminer les pertes françaises ni les victimes de leurs actions militaires. Nous supposons
qu’elles sont comptabilisées dans les données concernant l’État malien.
Min. 1st Qu. Median Mean 3rd Qu. Max.
0.000 0.000 1.000 6.405 5.000 100.000
Patrouille franco-
malienne dans un
village du nord
Mali, War on the
Rocks, liens :
https://warontheroc
ks.com/2017/12/m
ali-is-frances-
afghanistan-but-
with-a-difference/
b) Pertes civiles Comme dans tous les conflits depuis la seconde Guerre Mondiale, nous remarquons que les pertes civiles sont désormais bien plus importantes
qu’auparavant. Beaucoup de données le prouvent. La baisse de la moyenne à 4,86 s’explique par le fait que ne sont plus comptabilisées les pertes des
combattants. Les exactions à l‘encontre des civils font relativement peu de morts mais sont très nombreuses et culminent avec 94 civils exécutés par le
gouvernement du Mali en 1990. Quelques années plus tard, en 1994, ce sont des milices noires Songhaïs du MPGK qui massacrent à deux reprises des
populations civiles, comptabilisant 80 exécutions dans chacune des actions.
De nombreuses pertes civiles sont comptabilisées comme NA (Non Attribué), 153 au total, car dans le feu de l’action, il arrive que des civils
soient touchés par des balles perdues. Ou bien qu’ils soient sciemment exécutés par un des parties au conflit sans qu’on ait le moyen de déterminer avec
exactitude qui est l’assassin.
Min. 1st Qu. Median Mean 3rd Qu. Max. NA's
0.00 0.00 0.00 4.86 2.00 94.00 153
C) Pertes civiles par année
Nous pouvons remarquer que deux périodes se dessinent, l’une bien plus violente que l’autre. La première, entre 1990 et 1995 est de loin la plus
tragique en ce qui concerne le sort des civils. Le sud du pays est au bord de la guerre civile après la chute de la dictature, entre partisans de l’ancien pouvoir, et
libéraux. Pendant que dans le nord désertique du pays, les troupes Touaregs du MNLA en profitent pour déclarer l’indépendance de l’Azawad. La réponse
gouvernementale est brutale et le climat de répression s’instaure dans tout le nord du pays, que ce soit à l’encontre des ethnies Songhaïs, des Peuls et surtout des
Touaregs. La répression atteint son paroxysme en 1994.
La seconde période de troubles débute aux alentours de l’année 2007 et perdure encore aujourd’hui. Plus longue, elle est en revanche moins meurtrière.
On peut tenter de l’expliquer par l’internationalisation du conflit qui empêche l’armée malienne de commettre des exactions à l’encontre des civils sans risquer
de perdre le soutien de la communauté internationale. De plus, l’on peut croire que les militaires Français et la mission de l’ONU au Sahel (MINUSMA)
contrôlent l’armée malienne et la surveillent davantage dans ses débordements. A cette effet, nous pouvons remarquer une nette baisse après l’année 2013 des
actes violent exercer à l’encontre des civiles. C’est sûrement dû à la constitution de la Mission européenne de formation de l’armée malienne (EUTM) le 17
janvier 2013, qui contribue avec l’armée française à encadrer l’armée malienne sur le théâtre des opérations. Le pic de mortalité de 2013 s’explique par la
reprise des principales villes du nord, où de nombreux cas d’exactions de l’armée malienne ont été répertoriés. En effet il a toujours été très difficile de
contrôler les soldats lors de la prise d’une ville, ce qui occasionne souvent des actes de pillages et des exécutions sommaires.
Insigne des forces de la
Mission européenne de
formation de l’armée
malienne (EUTM).
Ouest France liens :
http://lignesdedefense.blo
gs.ouest-
france.fr/archive/2013/01/
28/eutm-mali-a-
desormais-son-insigne-
officiel.html
D) Estimation maximum et minimum des pertes
Dans le cadre d’un conflit, il est souvent très compliqué d’estimer avec exactitude le nombre de morts. Les estimations hautes des pertes situent
la moyenne à 17,19, contre seulement 10,87 par actions violentes pour les estimations basses, soit un écart de plus de sept points, ce qui est assez
conséquent. De plus nous pouvons noter que les estimations, qu’elles soient hautes ou basses sont toujours supérieures au calcul effectué pour le total
des pertes. Très souvent, nous pouvons remarquer que les pertes présentes dans les estimations hautes concernent les populations civiles. Ainsi le plus
grand nombre de perte est 553. Ce massacre aurait eu lieu en 1994 et aurait été perpétré par l’armée malienne. Dans les estimations hautes, les
observateurs ont souvent considéré qu’une action violente faisait une victime, de la sorte, il n’existe pas d’occurrence des actions violentes sans pertes.
Au contraire, les estimations basses des pertes considèrent que dans certains cas, une opération militaire ou violente peut se dérouler sans qu’on ait à
dénombrer de quelconques pertes militaires ou civiles, d’un côté comme de l’autre.
Min. 1st Qu. Median Mean 3rd Qu. Max. NA's
1.00 2.00 4.00 17.19 16.50 553.00 153
Estimations
hautes
Min. 1st Qu. Median Mean 3rd Qu. Max. NA's
0.00 1.00 4.00 10.87 13.00 100.00 153
Estimations
basses
C. Variables mixtes
a) Parti A et Pertes A
En ce qui concerne les variables mixtes, notre approche analytique fut fortement dépendante du choix des variables de la Base de données
que nous avions choisi. C’est-à-dire que certains acteurs reviennent plusieurs fois dans la Partie A comme dans la Parti B, à l’instar du groupe
islamiste Ansar Din ou le GSPC (Aqmi en français). Peut-être les créateurs de la base de données ont décidé de compter les agresseurs en partie
A, et les agressés en partie B. Ou bien la Partie A est comptée comme vainqueurs et la partie B est vaincue, ce qui expliquerait pourquoi des
groupuscules se retrouvent dans les deux parties. En tout cas, nous pouvons noter que tous les gouvernements et les partis gouvernementaux ou
officiels sont tous, sans exception, catégorisés dans la Partie A.
Des différents ensembles, le Gouvernement du Mali comptabilise de loin le plus de perte. Est-ce en raison de son statut étatique, qui
semble catalyser toute la violence des groupes armés, ou bien est-ce dû à son interventionnisme dans toutes les régions de son pays qui amène les
contre-pouvoirs à l’affronter. Le morcellement du Mali en plusieurs entités distinctes qui contestent presque toutes le pouvoir central, conduit les
forces armées maliennes à s’engager sur plusieurs fronts à la fois, dans le but de restaurer sa souveraineté. Expliquant de fait la vulnérabilité de
ses forces.
Ansar Din ou le CMA (office de Coordination des Mouvements de l’Azawad) sont les belligérants subissant le plus de pertes après le
Mali. Adversaires directs du gouvernement il paraît normal qu’ils subissent des pertes plus importantes que les autres groupuscules, beaucoup
moins engagés dans le conflit. Enfin le MPGK semble n’avoir subi aucune perte. Milice créée lors de la première répression dans les années
1990, elle se reforme en 2013 et se rend tristement célèbre pour les exactions commises à l’encontre des populations Touaregs, sans que les
autorités maliennes ne parviennent à la contrôler. Elle ne subit aucune perte mais en revanche sème la mort dans les populations civiles.
Mort A Parti A 0 1 2 3 4 5 6
Ansar Dine 3 0 0 0 1 0 0
Arab 0 0 0 0 0 0 0
ARLA, FIAA, FPLA 0 0 0 0 0 0 0
Bambara 1 1 0 0 0 0 0
CMA 5 0 0 2 0 0 0
Dogon 1 0 0 0 0 0 0
FIAA 9 0 0 0 0 0 0
Fulani 2 0 0 0 0 0 0
Ganda Iso 2 0 0 0 0 0 1
Government of Algeria 1 0 0 0 0 0 0
Government of Mali 110 20 7 10 1 2 0
Government of Mauritania 2 0 1 0 0 0 0
GSPC 6 0 0 0 0 0 0
GSPC, Jama'atu Ahlis Sunna Lidda'awati wal-Jihad, MUJAO 0 0 0 0 0 0 0
MAA 2 0 0 0 0 0 0
MPGK 10 0 0 0 0 0 0
Mort A Parti A 7 8 9 10 15 22 34
Ansar Dine 1 1 0 0 0 0 0
Arab 1 1 0 0 0 0 0
ARLA, FIAA, FPLA 0 0 0 0 0 0 0
Bambara 0 0 0 0 0 0 0
CMA 0 0 0 0 0 0 0
Dogon 0 0 0 0 0 0 0
FIAA 0 0 0 0 0 0 0
Fulani 0 0 0 0 0 1 0
Ganda Iso 0 0 0 0 0 0 0
Government of Algeria 0 0 0 0 0 0 0
Government of Mali 0 0 2 1 1 0 1
Government of Mauritania 0 0 0 0 0 0 0
GSPC 0 0 0 0 0 0 0
GSPC, Jama'atu Ahlis Sunna Lidda'awati wal-Jihad, MUJAO 0 0 0 0 0 0 0
MAA 0 0 0 0 0 0 0
MPGK 0 0 0 0 0 0 0
Mort A Parti A 40 45 46 100
Ansar Dine 0 0 0 0
Arab 0 0 0 0
ARLA, FIAA, FPLA 0 0 0 0
Bambara 0 0 0 0
CMA 0 0 0 0
Dogon 0 0 0 0
FIAA 0 0 0 0
Fulani 0 0 0 0
Ganda Iso 0 0 0 0
Government of Algeria 0 0 0 0
Government of Mali 2 1 1 1
Government of Mauritania 0 0 0 0
GSPC 0 0 0 0
GSPC, Jama'atu Ahlis Sunna Lidda'awati wal-Jihad, MUJAO 0 0 0 0
MAA 0 0 0 0
MPGK 0 0 0 0
b) Parti B et Pertes B
Comme explicité plus haut, les civils sont cette fois comptabilisés dans le Parti B et donc dans les pertes B. Nous pouvons constater que les
pertes civiles sont moins élevées qu’on pouvait le penser, néanmoins nous remarquons qu’ils sont très souvent visés par les belligérants. Est-ce la preuve
d’une erreur de comptabilisation liée aux difficultés de réunir les informations directement sur le terrain. De plus la fiabilité des sources locales dans une
zone d’instabilité laisse souvent à désirer.
MortB
PartiB 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 13 14 15 16 17
al-Murabitun 2 2 0 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Ansar Dine 15 3 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 1 0 0 0 0
ATNMC 11 0 0 1 1 0 0 0 2 0 0 0 0 0 0 0 1
Civilians 68 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
CM-FPR, GATIA, MAA 3 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
CMA 9 3 1 0 3 0 2 0 0 1 1 2 0 0 0 0 0
FIAA 2 0 0 1 0 0 1 0 1 1 0 1 0 1 0 1 0
FLM 4 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Fulani 2 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
GATIA 4 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
GSPC 9 6 1 0 1 0 2 0 0 0 2 0 0 1 2 0 0
Kounta 1 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Military faction (Red Berets) 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
MPA 4 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 0 0
MUJAO 3 5 0 2 0 0 0 0 0 0 0 0 1 0 1 0 0
MUJAO, Signed-in-Blood Battalion 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Signed-in-Blood Battalion 0 0 0 2 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Touareg 1 0 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
MortB
PartiB 18 20 24 26 30 31 32 33
al-Murabitun 0 0 0 0 0 0 0 0
Ansar Dine 0 0 0 0 0 0 0 1
ATNMC 0 1 0 0 0 1 0 0
Civilians 0 0 0 0 0 0 0 0
CM-FPR, GATIA, MAA 0 0 0 0 0 0 0 0
CMA 1 0 1 0 0 0 0 0
FIAA 0 0 0 0 0 0 0 0
FLM 0 0 0 0 0 0 0 0
Fulani 0 0 0 0 1 0 0 0
GATIA 0 0 0 0 0 0 0 0
GSPC 0 1 0 1 0 0 1 0
Kounta 0 0 0 0 0 0 0 0
Military faction (Red Berets) 0 0 0 0 0 0 0 0
MPA 0 0 0 0 0 0 0 0
MUJAO 0 0 0 0 2 0 0 1
MUJAO, Signed-in-Blood Battalion 0 0 0 0 0 0 0 0
Signed-in-Blood Battalion 0 0 0 0 0 0 0 0
Touareg 0 0 0 0 1 0 0 0
II. Analyse des données
a) Année et type de violence
Pearson's Chi-squared test
data: A
X-squared = 231.65, df = 38, p-value < 2.2e-16
Variations avec la donnée moyenne théorique
On pose comme hypothèse que les années et le type de violence sont indépendants l’un de l’autre, mais après le test de khi2, on se rend compte que la p-
value est inférieure à 5% ce qui signifie que l’hypothèse d’indépendance ne correspond pas aux valeurs étudiées. On trouve donc bien un lien entre le type de
violence pratiqué, et les années. Lorsque nous posons le graphique précédent, nous observons là où les valeurs sont supérieures (noir) à ce qu’elles devraient
être par rapport à la donnée moyenne théorique, ou inférieur (rouge).
On voit ainsi que la violence étatique est assez faible au début des années 90, le gouvernement étant dépassé par les violences, et tend à déléguer l’usage
de la force à des milices comme les membres du MPGK. Après un bref retour, et l’année 2012 décisive, les Français de l’opération Serval puis Barkhane
accompagnent les soldats Maliens, et l’on voit que la violence d’État reparaît, ce qui montre bien la reconstruction progressive de l’appareil militaire malien. En
ce qui concerne la violence non-étatique, elle varie grandement, notamment en 2012 et par soubresaut durant la période de l’opération française. Pour les
violences contre des populations désarmées, on voit qu’elles ont tendance à diminuer au fil du temps. Les années 90 ont ainsi été très dures pour les populations
civiles, mais la reprise progressive de l’armée donne comme tendance un abandon de la violence envers des populations désarmées.
c) la mortalité des civiles par année.
Analysis of Variance Table
Response: MortCivil
Df Sum Sq Mean Sq F value Pr(>F)
Annee 1 8880 8880.3 53.112 6.061e-12 ***
Residuals 213 35614 167.2
---
Signif. codes: 0 ‘***’ 0.001 ‘**’ 0.01 ‘*’ 0.05 ‘.’ 0.1 ‘ ’ 1
Test de l’anova entre Mort Civil et Année
On analyse la variance et le lien entre les années et les pertes civiles. On se rend compte que PR (>F) est inférieure à 5%, ce qui signifie que les
deux variables sont corrélées : le lien est établi entre les pertes civiles et les années. On voit avec le graphique comment celles-ci se distribuent : on voit
particulièrement une part importante de violence vis-à-vis des populations civiles au début des années 90 comme nous avons pu le voir au cours de notre
réflexion. On observe un certain retour dans les années 2000, mais rien de comparable, ce qui correspond d’ailleurs à ce que nous avons pu voir dans le
graphique précédent. La mort des civils dépend des circonstances politiques et militaires qui ont lieu, empêchant de penser le Mali comme forcément
une zone de non-droit où les civils restent vulnérables en tout temps. De plus, nous pouvons ajouter que les zones de combats se situent pour la plupart
en zone semi-désertique où la densité de population est très faible.
Conclusion :
Depuis la transition démocratique de 1992, le Mali a connu deux périodes de guerre civile, pendant lesquelles les tensions entre communautés n’ont
cessé de s’exacerber. Par deux fois le Nord a tenté de faire sécession, et la seconde fois, la France dû intervenir militairement pour bloquer l’offensive des
djihadistes qui n’ont cessé au cours de la période de renforcer leurs positions et points d’appuis dans la bande Sahélo-saharienne, au point d’etre même
parvenue à infiltrer la composante militaire de l’Azawad en créant le FIAA. Nous avons pu remarquer au cours de notre analyse que le degré de violence et
d’occurrence des actes violents ont été beaucoup plus soutenu au cours de la seconde période de conflit, autrement dit entre 2012 et 2016. En effet, l’intensité
des combats et la mobilisation d’acteurs étrangers, comme la France, puis les Nations Unies et le G5 Sahel, ont sans doute grandement contribué à l’évolution
de cette tendance. Parallèlement, les actes violents exercés à l’encontre des civils ont grandement diminués au cours du second conflit, grâces aux missions
d’encadrement de l’armée malienne, menées conjointement par les militaires français et les membres de l’EUTM. A ce jour, ce sont 11221 militaires maliens
qui ont été formé.3
En définitive, l’action des français a sans doute empêché l’armée malienne de commettre, à l’instar de ce qui se produisit lors des combats menés au
cours des années 90, de multiples exactions à l’encontre des populations civiles du nord. Toutefois, elle n’est pas parvenue a totalement contrôler l’armée
malienne, notamment lors de la reconquête des villes en 2013, où de nombreuses exécutions sommaires ont été répertoriées par les observateurs.
Selon les estimations de l’UCDP, ce ne sont pas moins 3715 personnes qui ont à ce jour perdu la vie au Mali, depuis 1989. 2159 auraient été tué à la
suite d’actes violents exercés par les gouvernements malien, algérien, mauritanien, par l’Azawad et l’Empire du Macina. « Seulement » 522 personnes auraient
perdu la vie à la suite d’action commises par des mouvements non étatiques. Enfin, ce sont plus de 1034 civils qui ont perdu la vie aux cours des combats. Ils
nous semblent au regard de cette analyse que ce sont les personnels combattants des partis au conflit qui ont subi le plus de pertes au cours de ces trente années,
bien que malheureusement, une proportion d’un mort civil pour trois militaire soit à relever.
3 Site officiel de l’EUTM, EUTM en chiffres, disponible à cette adresse : eutmmali.eu/
Bibliographie :
Base de données
Uppsala Conflict Data Program, Uppsala University, Department of Peace and Conflict Research.
Ouvrages
Groupe SYNOPSIS (Coëtquidan, Morbihan) – Opération Serval au Mali : L’intervention française décryptée, étude réalisée sous la direction de Thomas
Flichy, Panazol, Lavauzelle, 2013.
NANTET, Bernard – Le Sahara : histoire, guerres et conquêtes, Paris, Tallandier, 2013.
GERMAIN, Valentin et Capitaine REY, Nicolas – 50 ans d'OPEX en Afrique, 1964-2014, étude réalisée sous la direction du bureau recherche de la Division
recherche et retour d'expérience, DREX, Paris, Centre de doctrine d'emploi des forces, Division Recherche et retour d'expérience, Cahier du Retex, 2015.
Sites internet
PEZARD, Stéphanie et SHURKIN, Michael – Mali is France’s Afghanistan, But With a Difference, War On The Rocks [en ligne], 1er décembre 2017,
[consulté le 6 janvier 2017]. Disponible sur https://warontherocks.com/2017/12/mali-is-frances-afghanistan-but-with-a-difference/
HALIFA-LEGRAND, Sarah – Exactions au Mali : "C'est exactement ce que l'on craignait", L’Obs [en ligne], 25 janvier 2013, [consulté le 5 janvier 2018].
Disponible sur https://www.nouvelobs.com/monde/guerre-au-mali/20130123.OBS6349/exactions-au-mali-c-est-exactement-ce-que-l-on-craignait.html.
EUTM [en ligne]. OVH, [consulté le 5 janvier 2018]. Disponible sur http://eutmmali.eu/.