Résumédel’ActeI:
Le Peninsula, un palace de rêve au cœur de la ville qui ne dort jamais, c’est là qu’officieKathleen.Anciennementjournaliste,elleœuvremaintenantàsatisfaireauxdemandesdesprestigieuxclientsqui fréquentent l’hôtel.Conciergedenuit,elledemeureun témoin transparentde leursvies,s’appliquantàrevêtirunmasqueimpassibledeprofessionnalisme.
Loinduluxedel’hôtel,KathleentrouveduréconfortdanslalecturedespetitesannoncesduNewYorker.Endixans,aucuneannoncenel’ajamaisséduite,aucunenel’ajamaisempêchéededormir.Aucune,saufune.Laseuleannonceàlaquelleelleaosérépondre.
Quand Andrew Blake, charismatique magnat de la presse, arrive au Peninsula, le précieuxbouclierdeKathleensefissure.Pourlapremièrefoisdepuisqu’elletravailleàl’hôtel,ellen’estplustransparente.Désarçonnéepar ses exigencesetdéstabiliséepar sonattention, elle choisitd’ignorersoncomportementetd’entamerunerelationavecDaniel,nouvellementbarmanaupalace.
AprèsavoirluttécontrelessentimentsambivalentsqueprovoqueAndrewBlakechezelle,c’estavecuncertainsoulagementqu’ellel’observequitterl’hôtel.Maisc’estsanscompterl’audacedesonclient,quiluisoumetunedernièrerequête:passerlanuitaveclui…
***
–Je…je…vousdemandepardon?hoquetai-jeenvoyantlevisagedecertainsdemescollèguessetournerversmoi.
–Danslecontexted’unerelationstrictementprofessionnelleévidemment,sourit-il.Lasecondesuivante,ildisparutdanslaportetambouretjeretrouvaimarespiration.Samarrivaquelquesinstantsplustardetjeluifisuncompterendudelanuit.Compterenduqui
n’incluaitévidemmentpasmaséanced’humiliationdanslasuite.Jerécupéraimesdeuxmagazines–l’habitueletmoncadeauempoisonné–etm’engouffraidans
lapremièrebouchedemétropourrentrerchezmoi.
CHAPITRE4
J’avais leweek-endde libre,maisàmonréveil,vers15heures, jen’avaispasenviederesterseule. J’appelai Dan et nous prîmes rendez-vous dans un cinéma près de chez moi,exceptionnellement ouvert. Pour la première fois en deux ans, je me surpris à faire un effortvestimentairepourunesortie.LaphraseacerbedeMariamerevintentête:c’estvrai,jen’avaispasétéavecquelqu’unaucinémadepuisuneéternité.Avecunhomme,depuisaumoinsdeuxéternités.
Je retrouvai Dan devant le cinéma, souriant avec chaleur avant dem’étreindre dans ses braspuissants.
–Bonsoir,beauté!–Bonsoir,Dan.Ilmelibéraetplaçasamaindanslebasdemondos,m’entraînantversleguichetducinéma.Ce
simplecontactm’aidaàmelibérer.J’étaissoudainementdécidéeàlâcherprise,àquittermavietristeetmonotonepourquelquechosedeplusstimulant.
Danslecinéma,Danm’aidaàretirermonmanteauetnousdiscutâmesdesajournéepasséeavecsonpère.Visiblement,Jimn’avaitcessédetitillersonfilsàmonpropos.
–Ilaradotétoutelajournée…Jevaismefaireuneraison:jecroisquetuastapédansl’œildemonpère!
–Vraiment?LafouleétaitplutôtéparseencesoirdeNoël.Àcroirequetoutlemondetentaitdedigérerla
dindedelaveille.–Iltetrouvesensationnelle!Tun’imaginespasleseffortsetlarusequ’ilm’afallupourqu’il
nem’accompagnepasici,plaisanta-t-il.–Tonpèreestcharmant…–Ilteplaît?mecoupa-t-il,anxieux.–Pasautantquesonfils,murmurai-jeàsonoreillealorsquelenoirsefaisaitprogressivement
autourdenous.L’écran s’illumina et je devinai le sourire géant de Dan. Il laissa son avant-bras reposer sur
l’accoudoir,mainouverte,silencieuseinvitationpourrentrerdanssavie.Réellement.Je tentaidemeconcentrersur le film,maismonregardétaithappésoitpar levisagedeDan,
rivésurl’écran,soitparsamain.Danmeplaisait.Sachaleur,sonsourire,safacultéàmefairesentirbienrienqu’avecsonregard
sombre et pourtant rassurant, tout cela me gonflait de joie. Comme si je le connaissais depuislongtemps,alorsqu’iln’étaitdansmaviequedepuisunesemaine.
Jesourisàl’idéedemesentirimportanteauxyeuxdequelqu’un.Exactementcequejevoulais:êtreconvoitéeetaiméesanscraindredemeperdredansunocéandemensongesetdesecrets.Commesiledestinmettaitenfinquelqu’unsurmaroute,commesilapartderêvequejecherchaisenvainserévélaitenfinàmoi.
Unnouveausourireidiots’emparademeslèvresetnelesquittapluspendantlerestedufilm.Aumêmeinstant,mesdoigtstrouvèrentceuxdeDanetilserradoucementmamain.Lesyeuxtoujoursrivéssur l’écran, je levis sourire légèrementavantdeporter ledosdemamainàses lèvrespourl’embrasserdoucement.
Après laséance, ilmeraccompagnaàmonappartement,ne lâchantpasunesecondemamain.Devantmaporte, ilyeut toutdemêmecet instantgênantoùonnesavaitpasvraimentcommentsequitterluietmoi.
–Jebosselasemaineprochaine,dit-ilaprèsunlongsilencetendu.–Moiaussi.Mais…Enfin…J’aimeraisqueça–jedésignail’espacerestreintentreluietmoi–
nesevoiepasàl’hôtel.–Ça?répéta-t-ilenréprimantunsourire.–Tusaiscequejeveuxdire.Ça!–Est-cequ’onsecachepourunebonneraison?Genreunpointdurèglementdel’hôtelqueje
neconnaîtraispas?–Non…Juste,jen’aimepasêtrelacibledeson-dit.Jeveuxqueçaresteentretoietmoi.Ilmefitunsourirequej’interprétaicommeun«oui».Jemesoulevaisurlapointedespieds,
effleurantseslèvrespleines.Aussitôt,sonbrass’enroulaautourdematailleetilmemaintintcontrelui,retrouvantmabouche.Jereculailégèrement,meheurtantàlaportederrièremoietDanenprofitapourinsinuersalangueentremeslèvres.Jelelaissaifaire,melaissantemporterparlasensationdesoncorpschaudcontre lemien.Ilattiramoncorpsfrêlecontre lesienet jem’agrippaiàsesbras,enfonçantmesonglesdanslalainedesonmanteau.
Aprèsquelquesminutes, il rompit lebaiser,souriantsurmes lèvres,sonfrontcontre lemien.Sesmains,toujourssurmeshanches,metenaientfermementcontrelui.
–Tudevraisrentreravantquejenefassequelquechosedevraimentmalhonnête,murmura-t-il.–Malhonnêteàquelpoint?–Tuneveuxvraimentpassavoir.–Bonnenuitalors.Ilfermalesyeuxunecourtesecondeavantdes’écarterdemoi.–Onsevoitdemain?demanda-t-il,pleind’espoir.–Sansproblème.Appelle-moi.–Jeleferai.J’observaisasilhouettemassives’éloignerendirectiondesascenseursdel’immeuble.Jerentrai
chezmoietmeglissaidansmonlit.Enrepensantàcettesoirée,jesongeaiàquelpointj’avaisfaitlebonchoix.Toutecetteviequej’avaisinconsciemmentchasséerevenaitenfindoucement.
JepassailesdeuxjourssuivantsavecDan.Celaachevademeconvaincrequequelquechosedefortetdepuissantseconstruisaitentre luietmoi. Ilétaitattentionnéetprévenant.Pour lapremièrefoisdepuisdeuxans,onprenaitsoindemoi,sansrienmedemanderenretour.
Nousparlionsdetout,ettrèsfacilement.Nosgoûtsenmusiqueetenlittératuredifféraient,maisnousnousretrouvionslorsquenousparlionscinémaetgrâceàunsensdel’humouridentique.
Le lundi soir, je reprismon servicedenuit auPeninsula.Cette semaine devait être courte et,ayant travaillé pour le réveillon de Noël, j’étais libérée le soir du Nouvel An. Daniel avait un
planningsimilaireaumien.Chaquenuit,auxenvironsde2heuresdumatin,Danm’apportaitmonthé,avec,souslatasse,un
petitmotqu’ilrédigeait.
Jevaistenterdenepaspassermontempsàteregarder.D.
***
Jepersisteàcroirequetudevraistedétacherlescheveuxplussouvent.D.
Celamefaisaitsourire,etjerépondaisàsesremarquesenécrivantmoi-mêmeunmotaudosdesonpapier.
Leharcèlementestpuniparlaloietparladirectiondecethôtel.K.
***
Nousquittionsl’hôtelensemblechaquematin,endirectiondurestaurantdanslequelilm’avaitemmenéepetit-déjeuner.Aprèscerituelnocturne,nousretournionsversnosappartementsrespectifs.Lesbaisersquenouséchangionsavantdenousquitterétaienttoujoursplusprofondsetmelaissaientdansunétatdemanqueintense.
***
Mescheveuxseronttoutàtoiceweek-end.K.
***
Cederniermotdataitdejeudietnelaissaitquepeudedoutesurmesintentionsduweek-end.LesourirelumineuxdeDanetsesyeuxsombresnelaissèrent,eux,aucundoutesursacompréhensiondumessage.Aussi,levendredisoir,aprèsavoirdînéaurestaurantenguisederéveillon,jelaissaiDandécouvrirmonpetitappartement.
Aprèsavoirfaitletourdupropriétaire,serégalantdemescommentairesidiotssurleshabitudeshorriblesetbruyantesdemonvoisin,ils’installasurlecanapé.Jem’assisprèsdelui,nosgenouxsefrottantinvolontairementl’uncontrel’autre.Aprèsunmomentd’embarras,ilsetournaversmoietaprèsavoirposésamainsurmajoue,ileffleuradoucementmeslèvres.
Qu’ilmedemandeainsilapermissiond’allerplusloin,aprèsunesemainederelationidylliqueet rassurante,me conquit totalement. Je retrouvai ses lèvres, encadrai son visage demesmains etl’attiraicontremoi.Jebasculaienarrière,m’allongeantsurlecanapé.LecorpsdeDan,moulécontrelemien,suivitmongesteetilseretrouvaau-dessusdemoi,semaintenantsursesavant-bras.Duboutdesdoigts, ilrepoussamescheveux.Marespirationdevintlourdeet, trèsvite,Danseredressapuisquittalecanapé.Jeleregardai,surprise,etilmetenditlamain.
–Pourunepremière,ilfautaumoinsunlit.–Tuessipragmatique,remarquai-jeenprenantsamainpourmeleveràmontour.Brusquement, il glissa unemain derrièremes genoux et j’eus tout juste le réflexe d’enrouler
mesbrasautourdesoncou.
–Depuisquandsommes-nousmariés?plaisantai-je.–Justeunequestiondetemps,murmura-t-il.Ilnousdirigea jusqu’àmachambreetmeposaavecdélicatessesur le lit. Ilôtasonpullnoir,
retiraseschaussuresets’allongeasurmoi.–Rienqu’unequestiondetemps,répéta-t-ilennichantsatêtedansmoncou.Sesmainsglissèrent sousmonpull, réchauffantmapeau.Trèsvite, ilm’endébarrassaet son
regardparcourutmoncorps.–Tuesmagnifique,Kat.Sonindextraçauncheminbrûlantdemoncoujusqu’àmonnombril,enpassantparlesillonde
peauentremesseins.Ildescenditplusbas,quémandantduregardunenouvelleautorisationd’accès.Lesyeuxclos,jerespirailourdementavantd’ouvrirmoi-mêmelesboutonsdemonjean.JelejetaiausoletDangrogna.Jelerepoussaidoucementetnousnousfîmesface,allongéstouslesdeuxsurlelit.Avec ses pectoraux saillants, ses épaules fortes et ses biceps ciselés, Dan aurait pu faire peur àn’importe qui.Mais dans son regard caressant, je retrouvai l’homme rassurant et protecteur qu’ilétait.
J’approchai de nouveau de lui, accaparant ses lèvres. Il enroula son bras autour dema taille,frottantsonbassincontrelemien.Jegémisensentantsonexcitationquifaisaitdéjàéchoàlamienne.J’attaquai l’ouverture des boutons de son jean, le lui ôtant rapidement. Son boxer suivit lemêmecheminetmamainsemitàlecaresser.Sonsexesetenditunpeuplusdansmapaumeet,àsontour,ilmerebasculasurlelit.
Ilrepoussamonsoutien-gorge,appréciantensouriantleclipsituéàl’avant.Sesmainslargesetdoucescaressèrentmesseins, trèsvitesuiviesparses lèvres.Jemecambraicontre lui,me laissantenvahirparladoucesensationdechaleuretdejoiequisediffusaitdansmoncorps.Salanguetitillalonguementlespointesdemesseins.Jesoupiraid’aise,moncœurs’accélérantdeplusenplus.Monamantglissalelongdemoncorps,sesmainstraînantsurmapeau.
Avecdouceur,ilrepoussamonderniersous-vêtementetposasamainsurmonsexe.Ilallaitetvenaitsurmoi.Lesyeuxmi-clos,jevoyaislestraitsdesonvisagechangerdoucement.Ladouceurs’estompaitpeuàpeupour laisserplaceà l’envieetaudésirbrutetviolent.Allongésur lecôté, ilobservaitlesréactionsdemoncorpsàsacaresse.
Jemecambraidenouveau,gémissantlourdement.–S’ilteplaît,gémis-je.–Dis-moi,souffla-t-ilenpoussantsondoigtenavant.Jecriaideplaisiravantdegeindredefrustration.Danretirasondoigtetcouvritsonsexed’un
préservatif.Lasecondesuivante,ilsepositionnasurmoietsonmembreeffleuramonentrée.–Dan,s’ilteplaît,grondai-jeenremuantdeshanches.Il saisit mes poignets et, d’une main, les retint au-dessus de ma tête. Son regard me brûla
littéralementetpendantunecourteseconde,l’associationdesoncorpsmusclé,desamainfermeetdesesyeuxnoirsm’effrayapresque.Puis,ilm’embrassadoucementets’enfonçaenmoiaveclenteur.
J’immobilisaimeshanches,appréciantsapoussée.Jerelevailesgenoux,mecambraiettentaidegardermoncorpslepluspossibleaucontactdusien.Satêtedansmoncou,sonsouffles’accéléraenrythmeavecsonbassin.J’allaisàsarencontre,sentantmadélivranceproche.Mapeaumebrûlaitetchacunedemesterminaisonsnerveusespalpitaitdedésirtropcontenu.
Jetentaidelibérermesmains,maisDanmemaintintfermementprisonnière,cettelueurdedéfitoujours présente dans son regard. J’abdiquai. Mon corps se tendit fermement alors que Dan mefaisaitl’amourfrénétiquement,dansunrythmequasiinhumain.Jel’encourageaienbougeantcontre
lui,engémissantdeplaisir toutenmurmurantsonprénom.Ildonnadeuxpuissantscoupsdereins,m’arrachantdescrisetj’explosaiautourdelui.
Lesyeuxclos,jesentisDanbougerau-dessusdemoi.Illâchamesmainsets’effondrasurmoiavantdeglissersurleflancenmecalantcontresontorse.Sapoitrinesesoulevaitspasmodiquement.Jeposaimamainsursontorse,calquantmarespirationsurlasienne.
–Jepeuxpasserlanuitici?demanda-t-ilenfixantleplafond.–Jenevoyaispasleschosesautrement,répondis-je.Il se débarrassadupréservatif etme reprit dans sesbras. J’étouffai presquedans son étreinte
maisfinispartrouverunepositionconfortable.–Dorsbien,beauté.Jesuislà.Jefermailesyeux,sombrantdoucementdanslesommeil.Àmonréveil,iln’étaitpluslà,maisunmottrônaitsurl’oreiller.
Mabonnerésolutionpourcettenouvelleannée:nepastedireàquelpointtuesimportantepourmoi.D.
***
Jetournailepetitpapier,souriantlargement.
Troptard.
J’éclataiderireetm’enfonçaidansmonoreiller.Jepouvaisencoredormirunpeu.Ledébutde la semainepassadansunsouffle.La finde lapériodedes fêtesmarquait aussi la
reprisedel’activitéàl’hôtel.Lelundi, jepassaienrevuel’ensembledesréservationsdumois,àlarecherchedenomsfamiliers.
BlakeMedias.Dans l’euphorie de ma relation avec Dan, j’en avais oublié les tourments que provoquait
AndrewBlakeenmoi.JereprisledossierqueLynnem’avaitlaisséavantsondépartetvérifiaiquetoutavaitétéprévupourlepiano.
Depuisquejetravaillaisici,aucunclientnes’étaitjamaissouciédecepiano.Ilétaitaumieuxunélémentdedécoration,aupire–et j’avaispu leconstatermoi-même–unendroitunpeusaugrenupourfairel’amour.
Lynne avait heureusement fait le nécessaire et un accordeur devait passer dans lamatinée.Lasalle de conférences avait été réservée, et Blake ne restait finalement pas deux jours, mais cinq.Heureusement, je n’étais de service que pour ses trois premières nuits. Soudain, je repensai à sonmagazine. Jen’avaismêmepasencoreouvertPowerfull…Et, contrairement àmoi,AndrewBlaken’étaitpasdugenreàoublierlesdétails.
LemaildétaillantsonplanningdesprochainsjoursavaitétéimpriméparLynne.Jeretrouvaissesannotationsmanuscrites:deuxréservationsaurestaurantasiatiquedel’hôteletunetablepourlesoirde sonarrivée auFive, la brasserie située au troisième étage. Pour son séjour, il avaitmêmeréservéunsoinauSpaetlapiscineavaitétéprivatiséetouslessoirs,hormislesoirdesonarrivée,après22heures.
Aprèsavoirtoutvérifié,jerefermailedossierBlake,lelaissantenhautdelapile.Commetouteslesnuits,Danm’amenaunthévers2heuresetnousdiscutâmesquelquesminutes.
Savacation finissait vendredi soir, et je savaisque saprésence ici allaitmemanquer. Il avait cette
incroyablecapacitéàmerendreheureuseet légère.Sesyeuxsombress’illuminaientet ilm’attiraitdansl’étreintechaudeetrassurantedesesbras.Etj’aimaisça…J’aimaismesentiraimée.
Lanuitdemardiàmercredifutparticulièrementstudieuse.Jefis,pourunefois,uneinfidélitéàmon magazine préféré – lâchement mis de côté depuis que Dan partageait mon lit – pour lirePowerfull.Arméedemoncarnetdenotesetd’unstylo,jedéchiffraiscrupuleusementchaquearticle,annotant,ajoutant,commentantlesrubriquesetlamiseenpage.
Jem’octroyaiunepausepourlethé.–Qu’est-cequetulis?medemandaDanalorsquejesurlignaiunarticle.–Powerfull.–LetrucdeBlake?Maisjecroyaisqueçanesortaitquelemoisprochain?–Ilm’ademandédelirelenumérozéroetdeluidonnermonavis.Danm’arrachalemagazinedesmains,lefeuilletantfurieusement.Estomaquée,jeremarquaises
yeuxquisevoilaientdecolère.–Jen’arrivepasàycroire…,murmura-t-ilentresesmâchoiresserrées.–Dan…–Cetypesesertdetoi!explosa-t-ilsoudainensecouantlarevue.Je reculai légèrement, presque apeurée par cette rage.Dan soupira et reposa lemagazine sur
monpetitbureau.Ilchassalatensiondesonvisageetposasesmainsàplatsurlecomptoir.–Pardon…C’estjusteque…Blake…– Dan, c’est mon job ! le coupai-je. On me demande de faire en sorte que leur séjour soit
idyllique,onmedemandedelesfairerevenir.AlorsquandBlakemedemandedelirecemagazine,jelefais!
–Ilteplaît?–Aucasoùtul’auraisoublié,jesuisavectoi.Je repris lemagazine et l’ouvris à la page où jem’étais arrêtée. Un silence tendu et glacial
s’installa,maisjerestailesyeuxrivéssurmalecture.–Kat,regarde-mois’ilteplaît,murmuramonpetitami.–Tun’aspasàêtrejaloux.Jenefaispascegenredechoses…Jenecouchepasavecunclient,
ajoutai-jeenplantantmonregarddanslesien.–Tuesencolère?–Non…Jesuisjuste…déçue,soupirai-je.–OK,Kat,m’interrompit-ilavecunfaiblesourire.J’aijuste…réagidefaçonexcessive.Je…je
tiensbeaucoupàtoi,Kat,et…–C’estbon,Dan.Faisjusteensortedemefaireconfiance.–Promis.–Detoutefaçon,AndrewBlakeestmarié!plaisantai-jeenhaussantlesépaules.–Tuvoisqu’ilteplaît!ritDan,denouveaudétendu.–Leseulquimeplaîtestencemomentenfacedemoi,chuchotai-jeenposantmamainsurla
sienneensigned’apaisement.Jesentaistoujoursunelégèrecrispation,maisDanmesouritavantderetirersamain.Ilretourna
à sonposte aubar et je replongeai dansma lecture.Quelquesheures plus tard, alors que le soleilpointaitàpeine,jereposailemagazineetrelisaimesremarques.Blakedébarquaitcesoiretj’avaiscertainement pris trop de notes. En tout cas, certainement trop par rapport au temps qu’ilm’accorderait.
Sam et Lynne arrivèrent en même temps en discutant et mon collègue de jour me tendit ungobeletfumant.
–Alorscesvacances?demandai-jeàSam.–Tropdedindeettropdemonde.Mabelle-familleaunetendancemanifesteàl’envahissement.
Dieumerci,jelesaidéposéscematinàl’aéroport,etnormalement,cesoir,jeseraienfintranquille!–Tuvasreprendredoucement.C’estcalmeici.–TuasfaitlesréservationspourBlake?demandaLynne.–Toutes,oui.Parcontre,Sam,tupourrasvérifierlaPeninsulaSuite?Etn’yaffectepasKim!le
prévins-je.–Pasdeproblème!Ducoindel’œil,jevisDanielquitterl’hôtel.Jeluifisunsourire,lerassurantsurmonintention
delerejoindre,avantdemetournerversLynneetSam.–LedossierBlakeestlà,indiquai-jeàSamenramassantPowerfulletmonbloc-notes.–OK.Àcesoir!JequittaimonpupitreetLynnemesuivitjusqu’auxvestiaires.–J’aiunedégustationdegâteauxpourlemariage,cetaprès-midi.Tupourrasvenir?–Biensûr,Lynne.Àquelleheureprécisément?– 16 heures… Et je me disais qu’on pourrait aussi aller essayer ta robe, ajouta-t-elle avec
prudence.–Oh…Je…–S’ilteplaît,Kat.Jeretiraimavesteetsoupirai.Àchaqueévénement,àchaqueétapedelapréparationdumariage
de Lynne, j’avais la sensation désagréable de cautionner une erreur. Je participai à cette immensemachine,œuvrantpourlebonheurdeLynne,etpourtant,quelquechosemanquait.Certes,jenefaisaisaucuneconfianceàPhilip,maiscequejecraignaisencoreplus,c’étaitdefairedumalàmameilleureamie.
–D’accord.Sonvisages’illuminad’unsourireimmenseetellemepritdanssesbras.Maladroitement,jela
serraicontremoi,heureusedeluifaireplaisir.–Jeterejoinsici?proposai-je.–Oui,lepâtissierestàdeuxblocs.–Bien.Àcesoiralors!Je quittai l’hôtel quelques minutes plus tard, Powerfull et mes notes sous le bras, avant de
rejoindreDan.–Petitdéjeuner?–Pascematin,Dan.Je…–C’estàcausedecettenuit?mecoupa-t-ilvivement.–Non, non… Je… je dois relire ça, expliquai-je enmontrantmes notes, et je dois rejoindre
Lynnedansl’après-midi.–Tuescertainequecen’estpasàcausedemoi?–Dan,soufflai-jeencollantmoncorpsausien,jet’aiditquetupouvaismefaireconfiance.Je
veuxjusteallerdormirmaintenant,carjenepourraipaslefaireplustard.–D’accord.Ilposaseslèvresdoucementsurlesmiennesetm’embrassa.Pourluiprouverquejeneluien
voulaispas,j’agrippaisesavant-brasetappuyaifermementmeslèvrescontrelessiennes.Ilsembla
surpris,maistrèsvite,samaintrouvamanuqueetnouséchangeâmesunbaiserpassionné.–Àcesoir,dis-jedoucement,mesmainstoujourssursesbras.–Àcesoir.Ceseramonavant-dernièrenuit!–Ilvafalloirfêterçaalors,rétorquai-je,joueuse.–Toutcequetuveux,beauté.Toutcequetuveux!Nousnousséparâmesendirectiondenosmétrosrespectifs.Aprèsunlongsommeilréparateur,
jeregagnail’hôtelendébutd’après-midi,relisantmesnotesdanslarame.Jenevoulaispasêtrepriseau dépourvu, et, pour l’instant, toutes mes conversations avec Andrew Blake avaient étédéconcertantes.
JerejoignisLynneàl’hôteletnouspartîmesensembleendirectiondesadégustation.–Celui-ciestàlacrème,avecunfourrageauxfruitsrouges,annonçalavendeuseenposantune
assiettedevantnous.Lynne me lança un regard perdu. Nous en étions à notre cinquième gâteau et je risquai
l’overdosedesucre.Lynnehésitait,tentantdeconciliersesgoûtsavecceuxdePhilip.–Lynne,c’estledernier…Jenepeuxplusrienavaler!l’avisai-je.–Tuescenséem’aider!–Jefaisdemonmieux,jet’assure.Maistoutcesucrem’écœure.–Lepremier,auchocolat,étaitbien,non?–Ilssonttousbons,Lynne.Tous!Etàcerythme,jenerentreraisplusdansmarobe!–Bien,bien…Jevaisfinirparmedécider.Nous goûtâmes l’échantillon minuscule devant nous. Lynne le mastiqua longuement, tentant
sûrementdes’octroyerunsursisavantladécisionfinale.Elleposasafourchetteetseperditdanssaréflexion.Jedemandaiunverred’eauàlavendeuseetmerinçailabouchedecetamasdesucrerie.
–Nousprendronslepremier,affirma-t-ellesoudain.–Vousenêtescertaine?demandalaserveuseenprenantnotedelacommande.Lynnemejetaunregard,denouveau,complètementperdueethésitante.– Oh ! non… ne me demande rien. Tu m’as demandé de venir goûter, je suis venue ! me
défendis-jeenlevantlesmainsdevantmoi.–Ettutedismonamie?–Jetelaisselibredeteschoix!–Bien.Lepremier,répéta-t-elledansunsouffle.–Combiendepersonnes?–150…Euh,non…Prévoyezpour200!–Bien,mademoiselle.LavendeusepritledétaildelacommandeetLynneversaunsubstantielacompte.Lafamillede
Philipétaitriche,trèsrichemême.Lemariagen’avaitpasvraimentétébudgétisé,etPhilipn’avaitdecessedemelerappelerdèsquenousnouscroisions.Cethommeavaitunrapportàl’argentquimedépassait.Ilenvoulaittoujoursplus.Maiscequiétaitdérangeant,c’étaitqu’ilvoulaitlemontrer.
Une heure plus tard, j’étais perchée sur un podium, bras en l’air pendant qu’une jeune filleprenait lesmesuresnécessaires aux retouchesdema robe.Lebustiermegênait unpeu,maisdansl’ensemble, la robe était jolie. J’avais craint de ressembler à unemeringue informe,mais Lynne,contretouteattente,avaitrespectémonchoix.
Cette dernière commentait les retouches, précisant qu’elle voulait que la robe soit ajustée auniveaudelataille.
–Commenttesens-tu?medemanda-t-elleaprèsvingtminutesdetorture.
–Encombrée!– Tu es très jolie… Philip a un frère célibataire, tu sais ! ajouta-t-elle en levant un sourcil
entenduàmonattention.– Laisse-moi deviner, il est lui aussi riche à millions et passe son temps à les compter !
rétorquai-jesèchement.–Kat!–Pardon.C’est…Non,rien.Laissetomber.–Aimerais-tuPhilips’iln’avaitpasautantd’argent?–Parcequetut’empresseraisdeluidemanderdesedélesterdesonpatrimoinepourmeplaire
peut-être?–J’aimeraisjustecomprendrepourquoituessisévèreaveclui!–Jenesuispassévèreaveclui.Jecherchejusteàcomprendrepourquoituveuxtemarieravec
lui!–Parcequejel’aime.Etparcequ’ilm’aime,expliqua-t-elleavantdes’intéresserdenouveauàla
robe.Jesecouailatête,incrédule.Elleavaitréussiàseconvaincredefairesavieaveclui.Elleavait
réussiàseconvaincrequ’elleétaitamoureusedelui.–Parlonsplutôtdetoi,suggéra-t-elle.–Rienàdire,mentis-jealorsquejeneparvenaispasàretenirmonsourire.–Toi,tumecachesuntruc,commentaLynne,lespoingssurleshanches.Commentils’appelle?–Daniel.–Danielqui?Jeleconnais?–L’intérimairequiremplaceAngie.–Wow…Etqu’estdevenuetarègled’or:«Nejamaissortiravecquelqu’undel’hôtel»?–Techniquement,iln’estpasvraimentdel’hôtel.–Commec’estpratique!Sexe?–Humm…–Sexedonc!Suruneéchellede1à10?–Lynne!m’écriai-je,choquée.–Tuneveuxpasrépondre?–Non!C’est…personnel.Aïe!criai-jeensentantuneépinglepiquermahanche.–Pardon,mademoiselle,s’excusalajeunecouturière.Lynne s’installa dans le fauteuil face à moi et prit un magazine. Je reconnus leNew Yorker.
J’envisageaiuncourt instantde lui faire lire lesannoncesmais renonçai.Lynnenecomprenaitpasmonaddictionetjen’avaispaslecœuràtenterdelaconvaincre.
Surmonpodium,jecommençaisàtrouverletempslong.Trèslong.Lacouturièresepenchaetjedevinaiqu’elleattaquaitl’ourletdelarobe.
Prèsdevingtminutesplustard,noussortionsdelaboutique.J’étaislégèrementendoloried’êtrerestéepresqueuneheurestatique,lesbrasrelevés.Surlechemindel’hôtel,jem’arrêtaiaukiosque,achetantleNewYorkerpourpasserlanuit.
–Tuasuneviesexuelleettulisquandmêmecetruc!–Unepartderêvenefaitjamaisdemal!–Oh…Donc,iln’apas10sur10,sourit-elle.–Jen’aipasditça!–Tun’aspasditlecontraire!
Nouspassâmeslaportetambouretenattendantledébutdemonservice,trenteminutesplustard,jemedirigeaiverssonbureau.J’ouvrisleNewYorker,toutensuivantLynnequis’agitaitdevantmoi.
–Philipvam’attendre,râla-t-elleenconstatantl’heure,toutenrassemblantsesaffaires.–Tun’aspaslapermissionde20heures?ironisai-jeennouantmescheveux.–Trèsdrôle!Nousavonsundînercesoiravecsesparents.–Oh…Çaal’air…fun!tentai-jeavecmaladresse.–Unenfer,oui!clama-t-elleens’installantderrièresonordinateur.Samèreestunecoincéequi
n’osemêmepasprendreuntaxidepeurdesefairedétrousser.Etsonpèrepassesontempsdanssonbureauàtravaillercommeun…
Savoixs’éteignitetellerelevalesyeuxversmoi.Leuréclatbrillants’estompaet,àlaplace,lastupéfactionetunepointedecolèreapparurent.
–Tuasquelquechoseàmedire?m’interrogea-t-ellebrutalementenmefixantdroitdans lesyeux.
–Non…Maisdequoiparles-tu?–Tuescertaine?Rien?–Mais,évidemment!Quesepasse-t-il,Lynne?–Jedoisteremplacerpourtondébutdeservice.–Quoi?m’écriai-jeenmerelevantdemachaisevivement.Je contournai son bureau pour regarder l’écran : unmail du directeur demandait àLynne de
resterdeuxheuresdeplus,pourmeremplacer.–Tuavaisprévudet’absenter?s’enquitmonamie,unpeupluscalme.–Non.Jenesaisabsolumentpasdequoiils’agit!–UnentretienavecPerkins?proposa-t-elle.Ilprécisequ’ilviendratevoiràtaprisedeservice.–Peut-être.Jefronçailessourcils,àlarecherched’uneexplicationrationnelle.Unemultitudederaisonsse
fracassèrent dans mon esprit au même moment : ma liaison avec Dan, Kim et notre dernièreconversation,lerefusducadeaud’AndrewBlake.Danstouslescas,jeredoutaiscesdeuxheures.
Aprèsavoirramassémarevue,jequittailebureaudeLynne,l’espritembrumé.Jemedirigeaiversmonvestiaire,réfléchissantàtoutevitesseàcequipouvaitm’attendre.JegardailemagazinedeBlake,leNewYorkeretmonbloc-notesavecmoi.JemepostaiprèsdeSam,écoutantd’uneoreilledistraitelesinformationsqu’ildevaitmetransmettre.
–Toutvabien,Kat?–Je…Euh…Est-cequeM.Perkinst’aparlé…demoi?l’interrogeai-je.–Cematin.Ilvoulaitmonavissurtontravail.Jeluiaiditquetoutétaitparfait.–Oh…Ilveutmevoirapparemment.– C’est sûrement pour te féliciter, me rassura-t-il. Je ne vois pas quel genre de reproche il
pourraittefaire!–Humm…Merci.–Jevaisyaller.Prendssoindetoi.Oh…Ettantquej’ypense,Blakeestarrivé!Super!Jeposaimesaffairesdanslabannettedevantmoi.Commesimasoiréen’allaitdéjàpas
êtreassezcompliquée,ilfallaitencorequejesupporteAndrewBlakeetsesremarquesdéstabilisantes.Ilfallaitquejem’occupe,quejepenseàautrechose.Samavaitraison,jen’avaiscertainement
rienàmereprocher.SaufDan…EtBlake…EtKim…Sijamaisj’apprenaisquecettepetitepesteétaitderrièrecette
histoire,jepromettaisdelatuer!
Cherchant àme concentrer, j’imprimai les factures du lendemainmatin – tâche normalementdédiéeàSam–etvérifiai lesréservationsdesallepour leweek-endàvenir.Lehallbourdonnaitàcause des allers et venuesmais je parvins à faire abstraction du bruit tandis que j’entreprenais declasserlesarchives.
–Bonsoir,Kathleen.Cettevoix.Cetteintonation.Jerelevailatêteettrouvaileregard…d’AndrewBlake.
CHAPITRE5
–MonsieurBlake,lesaluai-jepoliment.–Commentallez-vous?–Trèsbien,jevousremercie.Quepuis-jepourvous?Je voulais évacuer Andrew Blake et cette conversation dérangeante au plus vite. J’étais
suffisammenttourmentéeparmonentretienavecM.Perkins.–Pouvez-vousmedirequelletablem’estréservée?–NousvousavonsréservéunetableauFive.Souhaitez-vousquequelqu’unvousaccompagne?–Annulez-la.Jevaisdîneraubarcesoir.–Bien,monsieur.Toujourspourdeuxpersonnes?–J’espère,sourit-il.J’appelaislerestaurantautroisièmeétage,annulantsaréservation,puispriscontactavecDaniel
pour qu’il me garde une table. Quelques minutes plus tard, je vis sa silhouette se déplacer et jecomprisqu’ilavaitfaitlenécessaire.
–Votretableestprête,monsieur.–Parfait.Vousm’accompagnez?–Je…euh…Oui.Biensûr,balbutiai-je.Ilsortitsontéléphoneetsaconversationduraàpeinequelquessecondes.–Vouspouvezfairelenécessaire.Merci.Nous entrâmes dans le bar et Dan me désigna l’espace réservé du menton. J’indiquai
l’emplacementàBlake.Àmagrandesurprise,ilmedevançadedeuxpasettiraunechaise.–Installez-vous,Kathleen.–Je…Monsieur…Jedoisretourner…–Toujoursaussiprofessionnelle.Rassurez-vous,vosclientsnesontpastotalementabandonnés.Ilsetournaversmonpupitreetj’imitaisongeste.Lynnesetenaitdebout,droitecommeun«i»,
lesyeuxécarquillés. Jedéglutisviolemment,comprenantenfin lamachination. Jecroisai le regardrieurdeBlakeetm’installaiavecprécautionsurlachaise.
Blakecontournalatableets’installafaceàmoi.–MonsieurPerkinsaacceptédevouslibérerpendantdeuxheures.–C’est…inattendu,avouai-je.–Ilmesemblaitavoirétéplutôtclairlorsdemadernièrevisite.Enuninstant,lesouvenirdesondépartdupalacemerevintàlamémoire.«Lanuitensemble…»Jelefixai,stupéfaiteparsonaplomb.
–Évidemment, jemedoutaisdevotrepotentiel refus. Je savaisquevousn’accepteriezpasdesortirdeladroitelignedevosobligations.J’aidoncprislesdevants.
–C’estextrêmementcavalier,sifflai-je,pasfranchementheureusedemefairemanipuler.– La fin justifie lesmoyens. Ceci étant dit, je prendrai soin de vous solliciter directement la
prochainefois.Laprochainefois?Jericanaiensongeantquejamais,jen’accepteraisquoiquecesoitdelapart
decethomme.Jeluilançaiunregardsévère.–Quedésirez-vousboire?s’enquit-il.–Rien.Jevousremercie,assénai-je,trèstendue.Il reposa lacartesur la tableetcalasonmentonsursespoings joints.Sonregardbrillantme
tétanisaetmoncœurs’alourditdansmapoitrine.–N’êtes-vouspascenséeacquiesceràtoutesmesdemandes?–Passiellesmesemblentinappropriées.–C’estparcequejesuisunclientquevousêtesmalàl’aise?–Eneffet,avouai-je.–Bien.Danscecas,jevaisallerréserverunesuiteauFourSeasons,etvousneverrezplusen
moiqu’unancienclient.–Je…– Je suis certain que M. Perkins sera ravi d’apprendre cet arrangement, continua-t-il en
composantunnumérosursonportable.Jemecrispaiencoreplus.FaireperdreunclientdecestandingauPeninsulaallaitsûrementme
coûtermaplaceetmaréputationdanstoutel’hôtellerie.–Attendez!m’exclamai-jevivementenposantmamainsursontéléphone.Blakemefitunsourirevictorieux.–Jeprésumequevousvoulezboirequelquechosemaintenant?–Je…Unjusdefruitsseraparfait.–Voilàquejeretrouvecefameuxprofessionnalisme.Il jetaunregardendirectiondeDan.Cederniersepropulsaàunevitessehallucinanteànotre
table.–Unjusdefruitspourmademoiselle.Vousavezunepréférence?s’enquit-ilavecunsourire.–Je…Pomme.Pomme,çaseraparfait,balbutiai-jeenosantàpeineregarderDan.–Jusdepommedonc.Etpourmoi,unverredecabernet.Danacquiesçaetmefitunfaiblesourire.Jerepensaiàsacrisedejalousiedelaveille.J’espérais
qu’ilnefassepasd’esclandrecesoir.–Jevousremerciepourlepiano.Iladésormaisunsondécent.–Oh…Jevousenprie.–Avez-vousluPowerfull?–Oui.J’ai…Jel’aiparcouruavecbeaucoupd’attention.Ilopina,satisfait,etDanrevintversnouspourposernosboissonssurlatable.–Avez-vousfaim?m’interrogea-t-ilenprenantlacartedevantlui.–Non,merci.J’aimangéavantledébutdemonservice.–Jeprendraisunhamburger,saignant.Avecdeslégumes.–Bien,monsieur,réponditDaneninclinantlatête.Ils’éclipsaquelquessecondesplustard.Jetentaidemedétendreetmeréfugiaidansmonverreà
la recherche d’une contenance. Blake s’affaissa dans son fauteuil, faisant rouler le sien entre ses
mains.–Jevousécoute.Qu’enavez-vouspensé?–J’aitrouvéçabien.Complet.Legraphismeestintéressantetlesarticlessont…–Kathleen,jenevousdemandepasd’êtrepolitiquementcorrecteavecmoi.–Mais…–Jesaisquevousavezfaitdesétudesdejournalisme.Jesaisquevousêtesunefillebrillante.
Pour l’instant, vous ne m’avez pas déçu, faisons en sorte que notre « relation professionnelle »perduredanslesmêmesconditions.
Jemefigeaisurmachaise,estomaquéeparsaconfiance,etmeléchainerveusementleslèvres.Jevoulaisenfinirauplusviteaveccetteentrevue,maisilnesemblaitpasl’entendreainsi…
–Maintenant,dites-moivraimentcequevousenpensez.–J’aiprisdesnotes.Sivousvoulezbienm’excuseruninstant.–Faitesdonc.Jemelevaidemachaiseetilm’imitaparpuregalanterie.J’allaisversmonpupitreàgrandes
enjambées.LynnefeuilletaitleNewYorkeret,enmevoyantapprocher,ellebonditdesaplace.–C’estquoicettehistoire?demanda-t-elle,lesnerfsàvif.–Jenesaispas,Lynne.Donne-moimonbloc-notes.–Tuasintérêtàmeraconter!–Plustard.Elle me tendit mes notes et je retournai à ma place. De nouveau, Blake se leva quand je
m’installai.Prenantuneprofondeinspiration,j’ouvrismonbloc,avantderedirigermonattentionsurBlakequimefixaitintensément.
–Soyezfranche.–Je trouve l’organisationdumagazine tropbrouillon.On litunarticledefond,puisona les
pagesmode,puisdenouveauunarticledefond…Je levai lesyeuxvers lui, cherchantune réaction. Ilopinadoucementetporta sonverreà ses
lèvres.–Legraphismeest…minimaliste.–C’estunpartipris,mecoupa-t-ilens’accoudantàlatable.Jemetus,nesachantsijedevaispoursuivreounon.–Jeveuxfaireunbonmagazine,pasuneœuvred’art.–Levisuelestpourtantcequidétermineral’achat,contrai-je.–Donc,pourvous,seulel’apparenceimporte?–Paspourmoi.Pourlamajoritédesgens…Àchoisirentredeuxmagazines,lelecteurlambda
choisiralajoliecouvertureàautrechosedeplus…–…minimaliste?finit-ilpourmoi.–Oui.Ilyeutunsilence tendu.Lesyeux rivés surmesnotes, je relevai timidement le regard.Blake
avaitlesmâchoirescrispéesetsonregardbrillants’assombrissait.–Poursuivez,m’intima-t-il.–Vousdevriezétofferlapartieculturelle.VousêtesàNewYork,c’estimportant.–Etvousyverriezquoi?–Duthéâtre…Oupeut-êtreuneformederencontreavecquelqu’undudomaineartistique.DanapportasonassietteàBlakeetcelui-ci reculapourse faireservir.Denouveau, jecroisai
son regard.La bienveillance du début de soirée avait laissé place à l’inquiétude. Je lui fis un petit
sourire,presqueinvisible,avantqu’ilnereprennesaplacederrièrelebar.Blake mordit généreusement dans son hamburger. Je l’observai mastiquer son repas, me
demandantsijedevaiscontinuer.Ilavalasabouchéeets’essuyalabouche.–Votrepointdevueest…effrayant,sourit-il.–Vousm’avezdemandéd’êtrefranche,ripostai-je.–C’estjustementcequim’effraie.Quandjedisça,laplupartdesgenssecontententdesortirla
brosseàreluire.Jerougisviolemment,inquièted’avoirfranchilalignerouge.–Votrepetitaminousfixedepuisledébutdurepas,annonça-t-il.–Cen’estpas…–Nefinissezpascettephrase,Kathleen.Jen’appréciequetrèsmodérémentlemensonge.Surtout
aprèsuntelélandefranchise!Il repritunegorgéedesonverre.Moncorps, légèrementdétendudepuisquelques instants, se
crispa instantanément. Je voulais quitter cette table. Je voulais quitter son regard inquisiteur etméfiant.Jevoulais…reprendremaplacedeconciergeetqu’ilresteunsimpleclient.
– Y a-t-il aumoins quelque chose de récupérable dans ce que vous avez l’air de considérercommeunéchectotal?Etgardezàlamémoirecequejeviensdevousdireausujetdumensonge.
–Lesarticlessontbienécrits,argumentai-jeenignorantsadernièreremarque.Lessujetssontoriginaux.
–Vousavezaimé?–Beaucoup,admis-jeavecsincérité.Nouveau silence. Blake reprit une bouchée de son repas. Le regarder manger était à la fois
gênantet…intéressant.–Vousavezterminé?–Je…oui.Jemerelevaidemachaise,prêteàquitterlatableavecmesnotessouslebras.–Quefaites-vous?–Jevouslaissefinirvotredîner,monsieur.–M.Perkinsm’aoctroyédeuxheures.Jenecomptepasvouslibérerplustôt.Finissezvotrejus
depomme.Jemerassissur-le-champmêmesi jemouraisd’enviededisparaîtreetde reprendre lecours
normaldemavie.Blakesetamponnaleslèvresavecsaservietteetrepoussasonassiette,àdemiterminée.Ilattrapamonbloc-notesetleparcourut,unairconcentrésurlevisage.Malàl’aise,jecherchai
àfixerautrechosequesonvisage.Maisuneforceétrangeréorientaittoujoursmesyeuxverslui.Jelesurprisàsourire.
–Ma fonction de rédacteur en chef ne vous convient pas ?me demanda-t-il en pointantmonbloc.
–C’est…paradoxal,soufflai-je.Ileutunnouveausourireet,d’unmouvementdemain,m’encourageaàpoursuivre.–Jeveuxdire…Celan’estpascohérentavecvotrepersonnalité.–Vousavezunavissurmapersonnalité?–Pasunavis.Juste…J’écoutecequ’onmeditàvotresujet.–Etquedit-on?–Quevousêtesunvéritablesecret,avouai-jeenrougissant.
–Mavieprivéeestsecrète.Paslereste.Toutlemondesaitexactementcequejefaisetpourquoijelefais.
–Onvouscraint,ajoutai-je.–Vousmecraignez?–Vousêtesunclient.–C’estdoncun«oui»?–MonsieurBlake,puis-jevousdébarrasser?nousinterrompitDan.Il hocha la tête avec agacement et Dan repartit avec l’assiette. Malgré la rapidité de son
intervention,jeretrouvaiceregardsombreetféroce.–Laplupartdesgenssontnerveuxenmaprésence.Vousappelezçadelacrainte,j’appelleçadu
charisme.–Je…–Je suisunhommenormal,Kathleen.Comme tout lemonde, j’aides rêves,desespoirs,des
déceptions.–Jesuiscertainequevosrêvessontréalisables.–Vouscroyez?–L’argentaideàcela.–Oubliezl’argent.Etoubliezquijesuis.Jen’aicomprisquetroprécemmentàquelpointcette
façademedesservait.DanvintremplirsonverreetBlakeluiordonnademeresservirunjusdefruits.Jen’euspasla
forcedeprotester.–L’apparence,Kathleen,cen’estpasimportant.–Çal’estdanscemonde,quevouslevouliezounon.Vousfréquentezunhôteldeluxe.Toutici
n’estquefaçade,apparenceetfaux-semblants.–Toutsaufvous.Jehaussailessourcils,vexéedesaremarque.–Nevousméprenezpassurmesintentions.J’aijusteenviedevouscomprendre.–Dansquelbut?demandai-je,curieuse.– La franchise est une valeur éculée, tout comme la politesse et l’honnêteté. Vous êtes
surprenante.Vousm’appelez«Monsieur»,alorsquejenemegêneaucunementpourvousappelerparvotreprénom.Vousrestezaimablealorsquej’agiscommeunparfaitgoujatavecvous…
–Vousappelezçadelapolitesse,j’appelleçaduprofessionnalisme,lecoupai-jeenreprenantsesmots.
–Touché,sourit-il.–Vousentretenezvotrepropremythe,conclus-je.Il s’enfonça dans son siège et je repris un peu contenance. La seule façon de survivre à cet
entretien,c’étaitde lemener. Ilvoulaitmonavissur lui, jepouvais le luidonner.S’ilappréciait lafranchise,ildevraitl’encaisser.
–Jenesuispasunmythe.–Biensûrquesi…Vousavezdel’argent,vousréussissezetvousconservezlesecretsurvotre
vieprivée.Vousfascinez.Etlafascinationrendcurieux.Vousentretenezcecerclevicieux.–Quevoulez-voussavoir?demanda-t-ilensepenchantversmoi.Jetentaidereculer,deretrouverunedistancerespectable,maisilposasamainsurlamienneet
accrochamonregard.Moncœurremontadansmagorgeetmoncorpsfutsecouédetremblements.–Dites-moi,Kathleen.
–Rien.–Danscecas,accepteriez-vousdemedirepourquoivousêtessipâle?–Jen’aipas…l’habitude.–Deshommes?–Deparlerdecettefaçonaveclesclients.–Donc,jevousdéstabilise.Soyezrassurée,votrepetitamiveilleaugrain.SonregardsedirigeaendirectiondeDan.Je tournai la têteàmontour.Dannousfusillaitdu
regard,nettoyantlebardéjàétincelant.Jesentisbrutalementlatensionentrenoustrois.JeretournaimonregardsurBlake,puissurnosmains,l’unesurl’autre.
–Lesapparences,Kathleen.Ellessonttoujourstrompeuses.–Ce…cen’estpascequevouscroyez.–Vraiment?Vousvoulezquejevousdisecequen’importequipourraitcroireenrentrantici?JejetaiunœilversDan,toujoursencolère.Sonregardnoiretsonvisagetendunelaissaientpas
dedoutesurlaragequil’habitait.–Lesgenspenseraientquenousavonsunrendez-vous.Oupeut-êtremêmequec’estmoivotre
petitami.Ilspenseraientaussiquelebarmanestfurieuxparcequej’aiétédésagréableaveclui.–Etensuite,cesfameusespersonnesverraientvotrealliance.–Oh…Évidemment.Peut-êtrealorsserions-nousmariés?s’amusa-t-il.–Jen’aipasd’alliance,contrai-jeenretirantrageusementmamain.Jem’adossaiàmachaiseetcroisaimesbras.–Qu’attendez-vousdemoi?l’interrogeai-je,encolère.–Rien.Vousavezdéjàétébienau-delàdemesattentesavecça ! souligna-t-ilenpointantmes
notes.–Bien.Jevaisdoncreprendremonposte,grognai-jeenmerelevantvivement.Blakemesaisitlepoignetpourmeforceràmetournerverslui.–Restez,murmura-t-ild’unevoixrauque.–J’aidutravail.–Toujoursaussibutée,sourit-il.Etilmeresteuneheure.Je tirai surmonbras, tentantdem’échapper,mais ilme tenait fermement.Danapparut àmes
côtésenunéclair,s’interposantentreBlakeetmoi.–Unproblème,Kat?–Toutvabien,murmurai-jeavecapaisement.Lasoiréeétaitdéjàassezcompliquée,inutilederajouterunaffrontement.–Kathleenallaitcommanderdeuxcaféspourfinirnotreentretien,expliquaBlake.–C’estbiença,Kat?s’enquitmonpetitami.–Je…Mavoixs’éteignitetmonregardpassadeDanàBlake.D’unregardsombreetcolériqueàdes
yeuxbrillantset lumineux. Je tremblaiunpeusurmes jambesavantdeme rasseoir surmachaise.Blakemelibéradansl’instantetDansepenchasurmoi:
–S’ilt’importune,jepeuxappelerlasécurité.–Çaira,répliquai-jesèchement.–Kat…–Çaira,Dan.Maintenant,amènesoncaféàM.Blake.Aprèsuneseconded’hésitation,Danrepartitetunsilencetendus’installaentrenous.Jeletoisai
méchamment,espérantqu’ilcomprennequejen’étaisenaucuncasprêteàluipardonnercegeste.
–Excusez-moi,Kathleen.Je…jeveuxjustequevouscompreniezque…–Quevousavezcrééuntelvideautourdevousquevousêtescontraintd’utiliservotrepouvoir
pourmeparler?–Vousavezuneimagesinégativedemoi.–Pourquoimoi?demandai-jedenouveau.– Parce que vous, comme moi, n’agissons pas comme tout le monde. Avez-vous un secret,
Kathleen?–Toutlemondeadessecrets.–Pourquoitravaillez-vousdenuit?–Lehasard!répondis-jeenhaussantlesépaules.–Jedirais la fuite.Cettemêmefuitequiexpliquequevousavezrenoncéau journalismepour
vouscontenterdesatisfaireleslubiesderichesclientscapricieuxcommemoi.–Jenefuisrien!m’exclamai-jeavecforce.–Vraiment?–Absolument.– Donc même si je vous proposais de doubler votre salaire pour travailler pour moi, vous
accepteriez?–Non,évidemment.Il secoua la tête, un sourire apparaissant sur ses lèvres. Je posai mes mains sur la table,
conscientequ’ilétaitdenouveauentraindemenerlejeu.–Barman !cria-t-il à l’attentiondeDan.Apportez-nousduchocolat,demanda-t-il sansquitter
sonregarddumien.Jesensquecetteconversationvadevenirpassionnante.Quelques instants plus tard, le bruit d’une petite assiette à dégustation posée entre nous vint
troublerlesilence.–Servez-vous,meproposaBlakeenrepoussantl’assietteversmoi.–Merci,soufflai-jeenprenantunchocolatfourré.Blakecroquadanslesienetfermalesyeuxpourlesavourer.–Unplaisirquejem’octroiedenouveaudepuispeu,commenta-t-ilenriant.Il desserra sa cravate, et soudain c’était comme s’il avait perdu sa stature d’homme puissant,
médiatiqueetnébuleux.Ilétaitdevenuunhommeordinaire,seperdantdansunplaisirsimplecommeduchocolat.Jesourisdoucementetremuailatêtepourdétendremanuque.
–Jenefaispasçapourcoucheravecvous,Kathleen.D’unepartparcequevotrepetitaminemelaisseraitsûrementpasfaire;etd’autrepartparceque…
–…vousêtesmarié,finis-jepourlui.Illouchaverssonallianceetsonvisageperditdesalumière.–Je…Oui…J’aimeprofondémentmafemme.–Pourquoinepasluiavoirdemandésonavissurvotremagazine?l’interrogeai-je.–Jevousl’aidit.Lafranchiseestunevaleurrareetéculéedenosjours.–Commentsavoirsivouspouvezmefaireconfiance,vousmeconnaissezàpeine!–Jesais.J’airécemmentprisconsciencedufaitquelespersonnesquimeconnaissaientlemoins
étaientaussilesplushonnêtes.L’honnêteté…voilàcequej’attendsdesgensquim’entourent.–Jecomprends,admis-je.–Etvouscomprendrezaussialorsquejetiensàgardercegenredepersonnesautourdemoi.–C’estdifficile,remarquai-je.–Maispasimpossible…J’attendsdevoircequel’avenirmeréserve.
–Voussavezcequ’ondit…Lemeilleur resteàvenir, soufflai-jeenm’emparantd’unsecondchocolat.
–J’aimeàlecroireeneffet.Il se tut et pour la première fois depuis le début de notre conversation, ce silence n’était ni
gênantnitendu.Aucontraire,ilétaitconfortableetbienvenu.Dannousservitnoscafés, levisagefermé.Iln’osamêmepasreleverlesyeuxversmoi,et je
dusmefaireviolencepournepasmeleveretleretenir.–Jedonneuneréceptionàlafindemonséjour.J’aimeraisvousyvoir.–MonsieurBlake,jesuisdansl’obligationdedécliner.–Etjesuisdansl’obligationd’insister.–Vousêtesunclient.– Je vous invite à une réception. Dois-je vous refaire ma fameuse démonstration sur mes
capricesidiotsmaisnécessaires?Jerelevailesyeuxverslui,scrutantsonvisage.Seslèvressesoulevaientdansundemi-sourire.
Difficiledesavoirs’ilplaisantaitounon.– Si cela peut vous rassurer, vous pouvez venir avec votre chien de garde, ajouta-t-il en
désignantDandumenton.–Jen’aipasbesoind’êtreprotégée.Nidevousnidepersonne.–Parfait.J’aimeautantquevousveniezseuledetoutefaçon.D’icilà,lefameuxfuturdontnous
parlionsaurapeut-êtreévolué.Il sourit, toujours énigmatique, et but son café d’un trait. Je le regardai faire, observant son
allianceluireàlalumièredel’éclairageambiant.Quelgenredefemmepouvaitsupportersonarrogance?Il se leva,medistrayant demes pensées, et se plaça derrièremoi. Jeme figeai,mesmuscles
transis et la gorge soudainement sèche. Sesmains se posèrent surmes accoudoirs et je sentis sonparfumboiséflotterautourdemoi.Monpoulss’accéléra.Ildépassaitleslimitesdelabienséance.
De toute façon,aucoursdesdeuxdernièresheures, jevenaisde franchiruneàune toutes leslimitesquejem’étaisfixées.
–Mercid’avoirpassélasoiréeavecmoi,Kathleen,murmura-t-il.Magorgeseserraetunebouled’angoisse,mêléeàunsoupçond’excitation,seformadansmon
ventre.Savoix,chaudeetpuissantependantnotreentretien,devenaitapaisanteetdouce.–Jevaisvouslaisservaqueràvosoccupationshabituelles.–Je…Euh…,balbutiai-je.JemelevaimaladroitementetBlaketiramachaisepourl’écarter.Jeremismajupeenplaceet
finalementretrouvaisonregardbrillant.–Merciencoredevotretravail,Kathleen.–Je…jevousenprie.–Nousauronsl’occasiondenousrevoird’icilaréception.Jehochaisimplementlatête,leremerciantainsidesoninvitation.Jefisunpasenavant,prêteà
cavalerjusqu’àmonposte.–Jevousraccompagne,proposa-t-ilenposantsamaindanslebasdemondos.Je m’immobilisai, comprenant que cela n’avait rien d’une proposition. Il avait choisi de
m’escorter et cela ne souffrait d’aucune forme de refus. Il avança, m’entraînant avec lui, et noustraversâmeslebar.Surmadroite,jevisDannoussuivreduregard,furieuxetinquiet.
Noustraversâmeslehall,lumineuxetsilencieux,etnousarrêtâmesdevantuneLynneéberluée.LebrasdeBlakeretombalelongdesoncorpset,aumêmeinstant,marespirationrepritunrythmenormal.
–Merciencore,Kathleen,pourm’avoiraccordédevotretemps.Denouveau, jehochai imperceptiblement la tête,me souvenant tout justequ’il nem’avaitpas
franchement donné la chance de le lui refuser. Soudain, il prit mamain, la porta à hauteur de saboucheetm’offritlepremiervéritablebaisemaindetoutemavie.
Jemecrispaiunpeuplus,hypnotiséeparsonregard,avantd’observersabouchesiprochedemapeau.
–Bonnenuit,murmura-t-ilavantderelâchermamain.IlsaluaLynned’unsimplemouvementdetête.Lesyeuxtoujoursrondscommedessoucoupes,elleenrelâchalestyloqu’elletenait.Monbrasretombamollementpendantquemesjouesmebrûlaienttoujours.
CHAPITRE6
Dans lebrouillardcotonneuxquim’entourait, jedistinguai le«ding»de l’ascenseur.Ma têtebourdonnait.Jefrottaimesmainsl’unecontrel’autre,espérantainsichasserl’amasdenervosité,destressetdegênequecethommeavaitréussiàcréerenmoi.
–Toi,tumedoisuneexplication.Etcrois-moi,elleaintérêtàêtresacrémentbonne!s’exclamaLynneencontournantlecomptoir.
–Je…Rien…Lynne…Riendutout,fuis-jeenprenantsaplace.Jeremuaidespapiers,évitantd’observermesmainstremblantes.Mavueétaitbrouillée,maisje
parvinsàm’asseoiretàmesaisirdudossierBlake.–Qu’est-cequetufiches?medemandaLynne.–Jerajouteàsanotesondînerdecesoir,répondis-jeautomatiquement.LamaindeLynnerefermaviolemmentledossieretmonstylovolaquelquepartderrièremoi.Je
relevailesyeuxverselle,hébétée.–Uneexplication.Maintenant!m’ordonna-t-elleenfronçantlessourcils.Noussommesamies,
jepeuxaussientendrelesdétailsscabreux!JesoupiraiavantdeluiraconterlaversioncourtedemonentrevueavecBlake.Jem’arrêtaiaux
détailsstrictementprofessionnels:sonmagazineetmacritique.–Etlebaisemain?m’interrogeaLynneavecsuspicion.–Je…jenesaispas,Lynne.Peut-êtrejusteunefaçondemesaluer.–Bahvoyons!Jecroyaisqu’ilétaitmarié?–Ill’est.Etjecite:ilaimeprofondémentsafemme!–Netefrottepasàlui,Kat.Sadernièreremarquemepiquaauvif.Jenesavaispassijedevaisêtrevexéeouflattée.–Jenemefrottepasàlui,Lynne.C’estunclient!m’écriai-jedurement.–Oui,unsacrégrosclient!Etjetiensàlegarder!répliqua-t-elleaussisèchement.–Lynne,jesaispertinemmentoùestmaplace.Tun’asaucuneraisondet’inquiétersurlesujet.–Vraiment?Alorspourquoituescouleurcoquelicotetlesmainstremblantes?m’interrogea-t-
elle.–Ça, j’aimerais vraiment le savoir aussi ! hurla soudainDan en venant à grandes enjambées
versnous.Je reculai instinctivementcontre lemuretLynnesedécala sur ladroitepour lui laisserde la
place.–C’étaitquoicecirque?Monsieursepavaneaveclepersonnel?
– OK… Dan, ce n’est pas ce que tu crois. Je n’étais même pas au courant de cette soirée,expliquai-jerapidement.
–Ettulelaissestetraiterdelasorte?cria-t-il.Tulelaissesfaire?–Dan,ellen’étaitvraimentpasaucourant,tentaLynneens’approchantdelui.EtBlakeneluia
paslaisséd’alternative.C’estunclientimportant!–Jesais.Jesaisquec’estunclient!Je…Bonsang,çamerenddinguedevoirquecetypepeut
fairetoutcequ’ilveutavecsonargent!JemedécollaidumuretallaiversDan.–Jecomprendsquetusoisfurieux,maisjet’assurequejen’aipaspréméditécettesoirée.Sinon,
jetel’auraisdit!–Jeneveuxplusquecetypet’approche!m’ordonna-t-ilenpointantsonindexrageursurmoi.–IlresteauPeninsulapendantquatrejours!s’exclamaLynne.– Bien. Dans ce cas, préviens-le que votre relation est professionnelle. Uniquement. Je ne
supporteraispasunnouveaugestedéplacé.–Quelgestedéplacé?m’interrogaLynneenmejetantunregard.–Riendegrave,éludai-jeenfrottantmonpoignetausouvenirdesongeste.Dan,cethommeest
juste…seul…etjenesaispas…sûrementmégalo.Ilabesoindesesentirpuissant,etpourl’instant,jesuis…
–…sonjouet…Voilàcequetues:unsimplejouet!C’estainsiquelestypesdanssongenreagissent,grogna-t-il.
IlbaissalatêteetjecroisaileregardinquietdeLynne.Surseslèvres,jelusunsimple«Ettusorsaveccetype?».J’avançaiprudemmentversDanetposaimamainsursajoue.
–Net’enfaispas…Jemaîtriselasituation,murmurai-je.–Jen’ensuispascertaine,arguaLynne.Jelafusillaiduregardetellelevalesmainsdevantelleensignededéfense.–Dan?–Jehaiscetype!–Jemetiendraisàdistance,assurai-je.Ilrelevalatêteversmoi.Lafureurétaittoujoursbienprésentesursestraits,maislapeuryétait
aussiapparue.–Netelaissepasembobinerparlui,murmura-t-il.–C’estpromis.Ilm’ouvrit les bras et je l’étreignis quelques instants. Ilme serra fort contre lui,me coupant
presquelarespiration.Commes’ilcraignaitqueBlakeneviennemeravir.Jemedétachaideluietconstataiqu’ilréponditàpeineaufaiblesourirequeje luiadressai.Il
s’excusaavantdetraverserlehall,lesépaulesvoûtées.–Unbrinpossessif,non?remarquaLynneenl’observantpendantquejerejoignaismachaise.–Ilm’aobservéependantdeuxheuresentêteàtêteavecunautrehomme.Jepensequ’onpuisse
luilaisserlebénéficedudoute.–Cecidit,ilaraison.Faisattentionàtoi.–Aucuneraisond’avoirpeurdecethomme.Ilestjustemalheureux.–Etmarié!ajoutaLynne,leregardpétillant.–Etmarié.Etc’estunclient.Cequifaitunpaquetdebonnesraisonspourqueturentrescheztoi
pourretrouvertadélicieusebelle-mère.–C’estça,moque-toi!
Nous rîmes doucement etmon corps se détendit. Gérer l’affrontement avec Blake, puis avecDan,n’avaitpasétédetoutrepos.Jen’avaispasbesoindenouvellesémotionsfortescesoir.Jemecontenteraid’unbonthéetdemalecturepréférée–aumoins,lesannoncessontinoffensives–avantderejoindreDanaupetitmatinpournotrerepashabituel.
–Passeunebonnenuit,melançaLynneennouantsonécharpe.–Merci,Lynne.Bonnesoiréeàtoiaussi.Elle sortit de l’hôtel et jem’assis surmachaise.Soudain, toute lapression, tout le stressque
j’avaisressentisdepuisledébutdelasoirées’évaporèrent.DesbribesdemaconversationavecBlakemerevenaient.Sa façondeme tester,demedéfier,de franchir la ligne invisiblequinousséparait.J’étaisemployéedel’hôteletlui,client.Nosroutessedevaientd’êtreparallèles,pasentrelacées.
Fortedemaconviction,j’éclusailesréservationsàvaliderenmoinsdevingtminutes,avantdemepenchersurleplanningdeBlake.Jevalidaisaréservationauspadulendemain,puissatableaurestaurantasiatique.Unetablepourtrois,cequimerassurasurmaprochainenuit.
Versminuit, je rangeai le tout etme saisis dema revue. J’épluchai rapidement les articles defond,souhaitantmeconsacrerauplusviteàmonhypnotisantepassion:lesannonces.
Toi,bonnetnoiretmitainesgrises.Danslafileducinémasurla53e.Tuparlaisavecunautrehomme,maistum’assouri.AnnonceBR.9800.
***
Dans le train à destination du Vermont. Avons échangé plusieurs regards, plusieurs sourires et même unnumérodetéléphone.Maisimpossibledetejoindre.AnnonceBR.5623.
Letéléphonedemonbureausonna,mefaisantsursauter.Évacuantmonmagazine,jejetaiunœilsurlenumérodelasuitequis’affichait:Blake.
Encore!–MonsieurBlake?–Kathleen,jedoisêtreàunrendez-vousauxauroresdemainmatin.Wake-upcallà6heures,et
ilmefautunchauffeuràdispositionpourlajournée.– C’est noté, monsieur, répondis-je en notant ses demandes. Devons-nous prévoir un petit
déjeuner?–Vous,mieuxquequiconque,savezcequejeprendspourlepetitdéjeuner.J’entendislatraced’unsourireet,malgrémoi,meslèvress’étirèrentaussi.Arrogant.Irrésistible.–C’estentendu,monsieur.–Bonnenuit,Kathleen,dit-ild’unevoixdouce.–Bonnenuit,monsieurBlake.AprèsavoirréservélavoitureetprévenuleserviceenchambreducafématinaldeBlake,jeme
réinstallaidansmonfauteuiletreprismalecture.
Vousaviezraison.Laplupartdes lettresontcommencécommelavôtre.Maisc’était leseulpointcommun.Aimeraisregarderlaneigeavecvous.AnnonceBR.5875.
Jemeredressaiprestement, lecœurbattantàunevitessehallucinante.Jesentismonsouffleseraréfier. J’étouffai. Je posai les mains à plat sur mon bureau et tentai de calmer ma respiration.
J’inspirai et expirai profondément à plusieurs reprises. La sensation de suffocation disparutprogressivement.
Reprenantmes esprits, je jetai un coupd’œil vers lemagazineque j’avais lancé au sol.Cetterevue que j’affectionnais tant m’angoissait maintenant. Je la regardais comme on regarderait unebombesurlepointd’exploser.
Aprèsquelquesinstants,jelaramassaietmerassis.
Vousaviezraison.Laplupartdeslettresontcommencécommelavôtre.
Ma lettre pour l’inconnu. L’annonce qui m’avait tellement perturbée, les quelques mots quiavaientdéclenchéunetempêteviolentedansmavie.Ill’avaitlue.Inlassablement,jereluscettephrase.J’étais enpleinparadoxe.Finalement,mon rêve,mon fantasme–me reconnaîtreun jourdansuneannonce–,seréalisait.Maiscen’avaitpasl’effetquej’avaisespéré.Celam’effrayait,alorsquecelaauraitdûmeréjouir.
Aimeraisregarderlaneigeavecvous.
Généralement,lehasardn’étaitpastrèsgénéreuxavecmoi.Évidemment,jecroyaisaudestin,àlasommedeschosesinexplicablesquifaisaientquevousrencontriezquelqu’unetpasunautre.
Maismaintenant…maintenant,toutcelaétaitréel.J’étaisdansunedecesannoncesquejepassaismon temps à dévorer. J’étais la femme que l’on cherchait, celle qu’on désespérait de revoir. Saufqu’ilignoraitàquoijeressemblaisetquec’étaientdesimplesmotsquiavaientliénosvies.
Unpeuétourdiepar laviolencedemadécouverte, je songeaiauxconséquencesqu’avaiteuescetteannoncedansmavie.
Jesecouailatête,cherchantàmeremettrelesidéesenplace.Jepouvaistoutaussibiennepasentenircompte.Fairecommesitoutcelan’existaitpas.Sijenerépondaispas,cethommem’oublierait.Parcequec’estainsiqueleschosessepassent:onoublie.
Jerepoussaimonmagazinesousunepilededossiers,lecachantainsidetoutevuedirecte.Ma nuit fut longue. Très longue. Daniel m’amena un thé vers 3 heures, mais se montra
extrêmement silencieux.De touteévidence, sacrisede jalousiepassagère l’avait secoué. J’espéraisqueleschosesrentrentdansl’ordrepournotrepetitdéjeuner.Régulièrement,jeregardaifurtivementleNewYorker.Dumoins,cequejepouvaisendistinguer.
Je n’arrivais toujours pas à croire qu’une chose pareille pouvait m’arriver. Et ce que jecomprenaisencoremoins,c’étaitpourquoijeréagissaisaussiviolemment.Jenevoulaispasdecetteannonce,jenevoulaispasdel’intérêtdecethommeetpourtant,quelquechosem’avaitattiréedanscequ’ilavaitécrit.Quelquechosedebeau,dejuste,quiallaitbienplusloinqu’unesimpleannonce.
À 6 heures, j’entamai le marathon Blake. J’appelai dans sa suite pour le réveiller. Une voixrauqueetencoreenveloppéedelimbesdesommeilmerépondit.
–Bonjour,monsieurBlake.Wake-upcall,dis-jedoucement.–Merci…Kathleen,balbutia-t-ilàvoixbasse.–Votrevoiturevousattendraà7heures.J’entendisdumouvement,puisils’éclaircitlagorgeetmurmuraunbref«OK».–Bonnejournée,monsieur!lançai-jedemavoixlaplusdynamiquepossible.–Kathleen…Moncafé!grogna-t-il.–Toutdesuite,monsieur.
Il raccrocha immédiatement et j’appelai le service en chambre pour lui faire amener un caféchauddanssasuite.Monsoulagementnedurapasplusd’uneminute.Alorsquejemerassisdansmachaise,préparantconsciencieusementlapressedujourpourlesclients,j’entendislavoixnasillardedeKim.
Je relevai les yeux vers les ascenseurs. Aucun doute possible, elle allait chez Blake.Malheureusement, le tempsque je réagisse, les portes se refermaient sur elle. Je n’avais plus qu’àprierpourqu’ellesachese teniretpourqu’ellenefassepasuneénormeerreur.Jemepromisquecelaseraitladernièrelecaséchéant.
Elle réapparut cinqminutes plus tard, écarlate.Merde !Kimdisparut en cuisine, et, arméedemon stock de journaux, j’en entamai la distribution que j’expédiai aussi vite que possible. Vingtminutesplustard, jemeréinstallaiderrièremonpupitre.J’exhumaileNewYorkerdesacachetteetrelusl’annonce.Aucundoutepossible,lemessagem’étaitbiendestiné.
J’avais lechoixmaintenant.Jepassaimontempsàmeserinerque jecroyaisaudestin,que jevoulaisêtrechoisie.
Dorénavant,celanedépendaitplusquedemoi:soitjerépondaisàcettelettreetj’acceptaisdevoiroùcelamènerait,soitjel’oubliais.
Àl’instantoùjeformulaiscechoix,madécisionfutprise.J’avaistentéd’ignorercetteannoncependanttouteunepartiedelanuit,commentpouvais-jepenserréussiràl’oublier?Cethommeavaitjustebesoinqu’onluiparleetqu’onluidisequetoutiraitbien.Ilnem’avaitjamaisvue,nem’avaitjamaiscroiséedanslesecretespoirdenouerunerelationavecmoi.
Justeunelettre…Peut-êtredeux,etl’affaireseraitclose.–Bonjour,Kathleen,résonnalavoixdeBlakedevantmoi.–MonsieurBlake,lesaluai-jepoliment.Je relevai les yeux vers lui avec un sourire poli. Si j’avais déjà eu l’occasion de remarquer
qu’Andrew Blake, le soir, après une journée bien remplie, était extrêmement beau, force était deconstaterquelematin,ilétaitàcouperlesouffle.
Il était rasé de près, révélant ainsi le parfait dessin de sesmâchoires. Le col de sa chemise,légèrementouvert,laissaitdécouvrirl’espaceentresesclavicules.Jedevinaileparfumdesonafter-shavelorsqu’ilsemitenmouvementpourenfilersaveste.
–Votrevoitureseralàdansquelquesminutes,annonçai-je.–Trèsbien.Cecidit,jedoisavouerquevousm’avezvraimentdéçucematin,dit-ilenajustant
lesboutonsdemanchettedesachemise.–Je…Oh…Àquelsujet,monsieur?–Monpetitdéjeuner.Je réfléchis à toute vitesse. J’étais pourtant certaine de mon choix : juste un café. Je pris le
dossierreprenanttouteslesinformationsàsonsujetetcompulsaimesnotes:effectivement,justeuncafé.
–Unproblèmeavecvotrecafé,monsieur?–Disonsqueleproblèmeétaitcequiaccompagnaitlecafé.–Leroomservicen’apasétéàlahauteur?Sic’estlecas,jevousprésente,aunomdel’hôtel,
mesplus…– Kathleen, me coupa doucement Blake en posant sa main sur la mienne pour me rassurer,
reprenez votre dossier. Je n’ai rien à redire concernant le café,mais c’est vous que j’attendais cematin.
Jefigeaimongeste.Sondossierentrelesmains,jebaissailesyeux,cherchantuneparade.Mais,évidemment, je me retrouvai coincée. Il savait pertinemment qu’il avait le pouvoir et que je nepouvais pas réellement le contredire. Péniblement, je redressai la tête, plantantmes yeux dans lessiens.
–Quandvousêtesdeservice,jeveuxquemoncafésoitapportéparvossoins.–Bien,je…–Notez-le,intima-t-ilendésignantledossier.Etparpitié,nemefaitespasrecroiserlechemin
delajeunefemmedecematin.Savoixetsonregardm’hypnotisaientet,consciencieusement,jeprisnotedesaremarque.
CaféparKD.
–Parfait.Aurais-jelachancedevouscroisercesoir?–Oui,monsieur.Jesuisdeservice.–J’aimelesbonnesnouvellesauréveil.Ilvérifialeboutondemanchettedesonautremanchepuisajustasamontre,unpeuclinquanteà
mongoût,et finitpar resserrer sacravate. Je l’observai, fascinéeparcetteconfianceen lui,par lasouplessedesesgestes.Iln’yavaitpasunepointedemaladresseoudenervositédanstoutsoncorps.C’étaitharmonieux,facile.Commesilesvêtements,àl’instardeshumainsqu’ilcôtoyait,exécutaientsansbroncherlemoindredesesordres.
–Commentsuis-je?demanda-t-il.–Je…Euh…Je levai la main à hauteur de ma gorge et désignai mon encolure, cherchant à me faire
comprendre. Je me fustigeai d’être aussi gourde avec lui. Il suffisait d’aligner deux mots et decoordonnermabouche,mamainetmoncerveau.Toutcelaauraitdûêtresimple.
–Votrecol,monsieur,articulai-jepéniblement.–Pouvez-vousm’aider?Sansattendremaréponse, il sepenchaau-dessusdemonpupitreet leva la tête.Soncouainsi
dégagé,ilattenditquelquesinstantsavantdebaisserlesyeuxsurmoi.J’hésitaiunesecondeavantdeportermesmainsàhauteurdesoncou.
Je réajustai sa cravate et les revers de son col, parvenant à canaliser le tremblement demesdoigts.Pouréviterdemeperdredenouveau,jefixaiintensémentlenœuddesacravatenoire.Jelissailespansdesaveste–réflexeliéàmesannéesdeviecommuneavecmonpère–avantdemereculer.
–Merci,Kathleen.Ilme fixa quelques secondes.Quelques longues secondes. Je finis par baisser les yeux. Pour
chassermonembarras,jemeconcentraisurmontravail.–Votresoinestréservépour16heures,etvotredînerpour20heures.–Lesoinn’estpaspourmoi.JedemanderaiàMeghandevenirseprésenter.–Trèsbien.MmeBlakedînera-t-elleavecvous?demandai-jeennotantsonnomfaceausoin.–MmeBlake?s’étonna-t-il.–Lesoinauspadoitdurerenvirondeuxheures,mais…Iléclatad’unrirejoyeuxetcristallintandisquejerougissaisviolemment.–Meghan…Meghann’estpasmafemme,articula-t-ilentredeuxrires.–Jevouspriedem’excuser,murmurai-jeaucombledelahonte.– Jevous enprie, sourit-il.Meghanest…uneamie, clarifia-t-il aprèsun instantde réflexion.
Unetrèsbonneamie.EtsonnomestStanton.
Prestement,jerayaislenom«Blake»dansledossieretleremplaçaisparsonvéritablenomdefamille.
–Pouvez-vousvérifierqu’unechambreaétéréservéepourelle?Je pianotai rapidement sur l’ordinateur, vérifiant qu’une seconde chambre avait bien été
réservée.Secondechambre,aunomdeBlake.Évidemment.Jecorrigeail’information,mefustigeantencoredemabourde.
–Évidemment,çarestesurmoncompte,sourit-il.Leportierapparutdansmonchampdevision.Ilhochalatête,mesignifiantainsiquelavoiture
demonclientétaitenplace.–Votrevéhiculeestprêt,monsieur.–Parfait.Bonnejournée,Kathleen.Jesouris largement,appréciantsagentillesse.Certainsclientspouvaients’offusquerd’unrien.
Lesoinn’étaitpaspoursafemme,justepouruneamie.Jesecouailatête,chassantl’idéesaugrenuequigermaitdansmonesprit.Cethomme…Sepouvait-ilqu’iltrompesafemme?
C’étaitimpossible.Ilnepouvaitpasmetenirundiscourssurl’honnêtetéetlafranchiseetagirdelasorte.Justeuneamie.Jeregroupailespapierséparpilléssurlebureau,posaimonmagazineetmonbloc-notes dans un coin et lançai l’édition des factures. Je n’osai pas imaginer celle de Blake.Astronomiquepourmoi;pourlui,c’étaitunegoutted’eaudansl’océandesonpatrimoine.
J’accueillisSamavecunsouriredesoulagement.Ilmetenditmoncappuccinoavantdesesaisirdestransmissions.
–Quelquechoseàsignaler?medemanda-t-il.–Rien,répondis-jeenoccultantmondîneravecBlake,l’annonceduNewYorkeret lacrisede
jalousiedeDan.MeghanStantonvavenirseprésenter.C’estuneamiedeBlake.Net’étonnepas.–Pasdesouci.EttonentretienavecPerkins?–Oh…Euh…Ilaannulé,mentis-jedenouveauenbaissantlesyeux.–Ont’attend,m’indiquamoncollègueendirigeantsonregardderrièremoi.Danétaitlà.Iln’étaitpassouriant,maisilnesemblaitpasfâchénonplus.Jerisquaiunsourire
auquel il répondit à peine. Je quittai Sam quelques secondes plus tard, il fallait que je passe auxvestiairesavantderejoindreDan.Nousavionsdeschosesàmettreaupoint.
–Hey!Kat!m’interpellaSam.–Quoi?m’agaçai-jesansraison.–Tonmagazine!cria-t-ilenagitantlarevue.Je rebroussai chemin et lui arrachai le magazine des mains. Maintenant, je savais pourquoi
j’étais énervée. J’étais fatiguée et laperspectivedediscuter avecDanmemettait lesnerfs àvif. JefourraimarevuedansmonsacetrejoignisDanàl’extérieur.Àpeinemonregardcroisalesienqu’ilseprécipitaversmoietmepritdanssesbras.
–Jesuisdésolé,Kat,murmura-t-il.J’airéagicommeunidiot.Je…jetiensbeaucoupàtoietcetype…
–Toutvabien,Dan.Jet’assure.Blakeestjusteunsaletypearrogant.Ils’écartademoi,maisnoscorpsrestèrentàproximitél’undel’autre.Ilposaseslèvressurles
miennes et m’embrassa doucement. C’était doux et tendre, et j’oubliai instantanément sa réactiondisproportionnée de la veille. Tout cela était la faute de Blake. Je voulais préserver ma vie. Lesdécisionsquej’avaisprisespendantlanuit–garderunedistanceprofessionnelleetnepasrépondreàsessollicitationshasardeuses–étaientlesbonnes.
–Onvapetit-déjeuner?proposai-jeavecdouceur.
–Mieuxqueça.Onvachezmoi.
***
Jemeréveillaibienplustard,nuedanslelitdemonpetitami.Danmetenaitcontrelui,sonbrasfermementcoincécontremataille.Jebougeaidoucement,espérantnepasleréveillercomplètement.
–Qu’est-cequetufais?marmonna-t-ilalorsquejerepoussaisonbras.–Jevaisrentrer,j’aibesoindedormir.–Cen’étaitpascequetuétaisentraindefaire?–Dan,soupirai-jeenenfilantmonjean.Ilsaisitmamainetmefittombersurlelit,meréceptionnantdanssesbras.–Jecroisquejevaisavoirdumalàvouslaisserpartir,mademoiselleDillon.Ilpritmonvisageentresesmainsetm’embrassaavecferveur.J’étouffaiungémissementcontre
saboucheavantqu’ilnemefassebasculersurlelitpourmieuxmedominer.Ilquittameslèvresetplantasonregardsombredanslemien.
–J’aimeraisqueturestes.–Ilfautquejerentre.Jebossecettenuitetj’aibesoinderécupérer.–Tupeuxrécupérerici!–Dan,s’ilteplaît,soufflai-jeenmedégageant.Jemerelevaietfinisdem’habiller.LeregarddeDanavaitchangé,sevoilantd’unetristessenon
dissimulée.J’optaipourlecompromis.–Quandj’auraisfaitmadernièrenuit,jeresterai…Enfin,situenastoujoursenvie,ajoutai-je.Il
m’enrestedeux.Àsontour,Danseredressa,glorieusementnuetsemitàgenouxsurlelit.Ilmefitunsourire
heureux.–Jevaisfairedecetendroitunlieudignedet’accueillir,promit-il.Je rassemblaismescheveuxenunequeue-de-cheval lâcheetprismon sac.Curieusement,une
forceétrangemepoussaitàquittercetendroit.Danetmoiavionspetit-déjeuné,puisnousavionsfaitl’amour,maisjevoulaisretrouvermonappartementetmonindépendance.
Jevoulaisdigérermanuit.Etsurtout,j’avaisbesoindesolitude.Malgrétoutesabonnevolontéetsessourireslumineux,Dannemelaissaitpasletempsdepenser.Dèsquejem’offraisunmomentdesilenceetderéflexion,ilsefaisaitundevoirdedécouvrirlecontenudemespensées.
–Onsevoitdemain?–Euh…ouais.Plutôtenfindejournée,j’aidestonnesdechosesàfaire.Jefuyaissonregard,espérantqu’ilnecherchepasàmefaireplier.Jel’entendissoupirer,puisil
saisitdenouveaumamain.Jeportaimesyeuxsurluitandisqu’ilapprochaitmamaindeseslèvrespourl’embrasser.Instantanément,jerepensaisàAndrewBlakeetàsonbaisemaindelaveille.
–Àdemainalors,soufflaDanielsurmonreversdemain.–Àdemain.Je l’embrassai furtivement sur la joueavantde sortirdechez lui. Jegagnaimonappartement
aussi vite que possible. En entrant chez moi, je me sentais déjà mieux. L’air vif hivernal m’avaitdégriséeetlepoidsdesderniersévénementss’étaitenvolé.
J’ôtaimesvêtements,optantpourunetenued’intérieurchaudeetconfortable.Finalement,jemecalaidansunfauteuiletregardailepaysageenneigé.
Aimeraisregarderlaneigeavecvous.
L’annonceduNewYorkerme revint violemment en tête. Soudain, il était primordial que je larelise. Juste pour m’assurer que l’ambiance féerique du Peninsula n’avait pas biaisé moninterprétation.Jerécupérailemagazinedansmonsacetreprismapositioninitiale.
Je relus les lignes. Plusieurs fois. Il s’agissait bien de moi et de ma lettre. Peu importait lerésultatfinal–etj’étaisàpeuprèscertainequenotreéchangen’iraitpasbienloin–,jemedevaisdeluirépondre.Pasforcémentpourlui,maissurtoutpourmoi.Pournepasresteravecdesregretsouunsentimentd’inachevé.
Jeposaimonmugausoletattrapaimonbloc-notes.
Cherinconnu,LaneigeretombesurNewYorkàl’instantoùjevousécrisceslignes.J’espèrequevousaurezlachancedevoircespectacle.Je ne sais pourquoima lettre vous a tant… touché.Votre annonce était superbe. Peut-êtrem’a-t-elle justeinspirée,peut-êtrevosétatsd’âmen’étaientpassiéloignésdesmiens.Detoutefaçon,jenesuispascellequivousaaidé,vousêtesceluiquim’afaitouvrirlesyeuxsurlaviequej’avaisetquejeneveuxplusavoir.J’espère que vous avez trouvé la force de surmonter votre peine. La vie est courte, belle et toujoursimprobable.Jepense–non,jesais–quelemeilleuresttoujoursàvenir.Pourvouscommepourmoi.Ilsuffitdechangersonregardsur leschoses.Devoir leverreàmoitiéplein,de trouver l’aspectpositifdechaquechose.Jenedispasquec’estsimple,maisçaviendra.Je vous écris sans savoir qui vous êtes. Je suis àNewYork, sommes-nous voisins ? Je lis leNew Yorkerdepuispresquedixans.Laplupartdemesprochessemoquentdemonaddictionauxannonces.Maisquandj’aivuvotreréponse,cettenuit,dansmonmagazine,j’aieulasensationd’êtrerécompenséedemonattente.J’admetsquecelapeutsemblerétrange,ouégoïste,maisjesuisheureused’avoirretenuvotreattention.Jepeuxdoncrayercetitemdelalistedeschosesàaccomplirdansunevie:apparaîtredansuneannonceduNewYorker.Concernantlefaitderegarderlaneigeensemble…Jenesaispasquoivousdire.D’unpointdevuepratique,laneigefiniraparlaisserplaceausoleil,jedoutedoncquecelasoitpossible.Questiondetiming.Parailleurs,c’estregarderlaneigequiestintéressant,paslaregarderavecmoi.
Jerelevaimonstylo,relisantmalettre.Mesidéesn’étaientpasfranchementhiérarchisées,maisj’étaisincapabledefairemieux.Lafatigue,Blake,Daniel,lemariageàvenirdeLynne…Toutcelatourbillonnait dansma tête. Je me dispersai. Je sautai d’un sujet à un autre sans savoir pourquoi.J’arrachailafeuilledemonbloc-notes,m’apprêtantàlaroulerenboulepourlajeter.
Jerelevailesyeuxverslesfloconsdeneigequitombaientaveclégèretésurlesol.Jerelusmalettre et hésitai quelques instants sur la formule de politesse adéquate. J’avais dumal à juger queldegréd’intimitéadopter.
J’optaipourunbasique«Àbientôt».Aprèstout,jenesavaisriendecethomme,etilauraittrèsbien pu être un sociopathe en puissance. Cette pensée brutale me fit réfléchir au mode decommunicationàmettreenplace.
Merelevantdemoncanapé, je tentaide réfléchircalmementà lasituation.J’avais initiénotreéchange,maisjamais,mêmedansmesrêveslesplusfous,jen’auraiscrurecevoiruneréponse.
Jefermailesyeux,essayantd’imaginerl’hommequiétaitderrièrecesmots.Jenesavaispasàquoi il ressemblait,nimêmeoù ilvivait etpourtant, à l’instantprécisoù je rouvris lesyeux,moncœur sursauta dansmapoitrine.D’un coup, toutme semblait clair, facile. Je devais le faire.Parcequ’ilavaitbesoindemonaide,etparcequej’avaisacceptélasienne.Parcequ’ilvoulaitregarderlaneigetomber,etqu’elletombaitdevantmesyeux.
Je récupérai mon téléphone et, prise d’une idée quime semblait plutôt intelligente, j’appelaiGregory.
–Sécurité!répondit-ilavecforce.–Greg,c’estKat.–Salut,Kat…Unsouci?s’inquiéta-t-il.–Toutvabien.JevoulaissavoirsinousavionstoujourscetteboîtepostalepourlePeninsula?–Toujours,oui.Jelarelèveàmaprisedeservice.Pourquoi?–Je…j’ai…Enfin,j’aibesoind’uneadresse,maispascelledemondomicile.–T’ascommandéuntruchonteux?plaisanta-t-il.–Gregory!–OK…J’airiendit!Detoutefaçon,ellen’estquasimentplusutilisée.–Merci,Greg.–Jet’enprie.Tumeraconteras?demanda-t-il.–Aucunechance!Onsevoitcesoir?–Oui,briefingavecLynne,MariaetunmecdechezBlake.–Oh…Laréceptiondedimanchej’imagine?–C’estça!T’eslaveinardedel’histoire.J’aivuquetun’étaispasdeservice.–Unsimplecoupdechance,Greg.Àcesoir!–Bye,Kat.Jeraccrochai le téléphoneensongeantauxderniersmotsdeGregory.Jen’étaiseffectivement
pasdeservice,maisBlakem’avaitinvitée.Invitationquej’avaisdéclinéepoliment.Parcequ’ilétaitunclient,etmoiuneemployéedel’hôtel,nousnepouvionsavoircegenrederelation.
Pour être honnête, je cherchai la ligne, la limite. Je resongeai au dîner qu’ilm’avait imposé.Malgrélacarapaceprofessionnellequejerevêtaisenentrantdanslepalace,malgrétoutemavolontéàcompartimentermavie,jenevoyaispluslafrontièreentremonrôledeconciergeetmonstatutdefemme.
Cethommebouleversaitmesrepères.Dèsqu’ilmeparlait,dèsqu’ilmetouchait, jeperdais lecontrôle.Ilmeprovoquaitetmepoussaitdansmesretranchements.
Je frottainerveusementmonpoignet.Était-ce à cemoment-làque les choses avaientdérapé?Quandilm’avaitretenue?
Ilétaitconfiant,sûrdelui.Toutcequejen’étaispasetquimefaisaitsentircommeuneidiote.J’avaislescartesenmainpourfaireresurgirlafrontièreentreluietmoi.Jen’étaispasdeservicecedimanche,jen’avaisquefairedecesexigencesendehorsdemonservice.
Madécisionétaitprise:jen’iraipasàcetteréception.
CHAPITRE7
Jerécupéraimalettreetannotail’adressedelaboîtepostaletoutenbas,espérantpresquequ’ellene serve pas. Dès que cet homme aura découvert la banalité de ma vie, le goût de l’aventure lequitteraitcertainement.
Je signaidemonsecondprénom, inutilede semerdes indices.Mettrede ladistance.Êtreuneautre.C’étaitétrange.Jemislalettresouspli,etunmélanged’appréhensionetd’excitationformaunebouledansmonventre.Commesimoncorpsanticipaitdéjàuneréponsepossible.
Jepostai l’enveloppesurlecheminduPeninsula.Contrairementàlapremièrefois,oùj’avaishésitésurlebien-fondédemoninitiative,j’étaissûredemoi.Englissantl’enveloppedanslaboîte,j’avaisfermélesyeuxunepetiteseconde.Etj’avaisànouveausenticettemêmesensationdesecousse.Unpeuébranléeparlesréactionsincontrôlablesdemoncorps,jegagnailePeninsula.J’eusàpeineletempsd’ouvrirlabouchepoursaluerSamqu’ilm’arrêtad’ungestedelamain.
–Avanttoutechose,ilfautquetumedisescequ’ilsepasseavecBlake.–Blake?m’étonnai-je.–Ilvientdemefairedécalersondîner…–Etoùestleproblème?lecoupai-jeenmesaisissantdudossierclient.–Leproblème?Est-cequ’ilyauntrucentreluiettoi?–Quoi ?Mais…mais enfin, non ! Il a une espèce de… je ne sais pas…d’intérêt pourmoi,
balbutiai-je,stupéfaite.–Iladécalésondîneràcausedetoi.Le souvenir de notre conversation de la veille me revint en tête. Je n’étais pas franchement
motivéepourremettreçacesoir.–Ilveutquetuparticipesaubriefingpourlaréception.–Quoi?m’écriai-je.–IlssonttousdanslebureaudeLynne.Blakeademandétaparticipation.Ducoup,ledînerest
décaléà21heures.–Pourquoinepasm’avoirappelée?Jeseraisvenueplustôt!râlai-je.–J’aiessayé!ripostaSamavecunelégèrecolèredansleregard.Cecidit,çaaétéimpossible
dèsl’instantoùcecherBlakeamenacédemefairevirersijelefaisais.–Oh,Sam,jesuisdésolée.Crois-moi,iln’yarien.Ilajustedécidéquej’étaissatêtedeTurc.–UnetêtedeTurc?Ilnevoulaitpasqu’ontedérangependanttonrepos.–Jevaisluiparler.Etjevaisréglerça.Jeneveuxpasqu’ilt’importune.Tupeuxrentrer,jevais
m’enoccuper,soupirai-jelourdement.–Bien.Passeunebonnenuit,dit-ild’unevoixadoucie.
Ilm’embrassadoucementsurlajoueetjeleremerciai.JesavaisqueSamétaitencolère,maisde mon côté, j’étais plutôt abasourdie. Je jetai un coup d’œil rapide aux transmissions avant derejoindrelebureaudeLynne.
Quandjepénétraisdanslapetitepièce,jecroisaiimmédiatementleregarddemacollègue.Ellemefitunsourireheureuxetse levadesonfauteuilpourmerejoindre.Gregory,brascroisés,étaitdeboutprèsd’elle,tandisqueBlakeetMariametournaientledos,enpleineconversation.
CesdernierspivotèrentversmoietBlakeselevaaussitôtdesachaise.–Bonsoir,Kathleen.–MonsieurBlake,Maria,lessaluai-jepoliment.–Allonsdanslasallederéception,proposacettedernièreenprenantunpetitbloc-notes.Lynneetmoinouseffaçâmeset laissâmes sortirdubureauGregory,Mariaetnotreclient. Ils
prirentunpeud’avanceetLynneenroulasonbrasautourdumien.–Jenesaispascequetuluiasfait,maisilnejurequepartoi,murmura-t-elle,conspiratrice.–Jesuisdésolée,Lynne…Vraiment,je…–Net’excusepas.Quoiqu’ilsepasse,continue.Elle me relâcha et rejoignit la petite troupe devant nous, un sourire immense plaqué sur le
visage.Unefoisdanslasalle,jerestaiàl’écart.Techniquement,jen’avaisrienàfaireici.MariaetBlakeparlèrentdécorationfloralependantdixbonnesminutes.
Du coin de l’œil, j’observai mon client. Son costume gris était sûrement un sur-mesure. Iltombaitimpeccablementlelongdesesjambes.
–Jeveuxdesbouquetssurlestablesici,etlà,commenta-t-ilendésignantdesespacesdevantlui.Pourlalumière,pouvez-vousfairequelquechosedetamisé?
–Parfaitement,acquiesçaLynne.–Avez-vousvuaveclechefpourlerepas?–Ilseraservià21heures,commevousledésiriez.Elle sortit deux feuilles de son calepin et les lui tendit. Il les déchiffra rapidement avant de
retournersonattentionsurMaria.–Vu la saison,nousn’utiliseronspas lebalcon, toutefois, pouvez-vousymettreuneoudeux
plantesavecunpeudelumière?–Sansproblème.Etpourlescouleurs?–Peuimporte.Jevousfaisconfiance.Il fit un sourire à Maria et mon cœur s’emballa bêtement. Elle ne cilla pas, se contentant
d’opiner.–Pourlasécurité,ilyauraunelisted’invités,repritBlakeens’adressantàGregory.–Trèsbien,monsieur.–Lalisteestexhaustive.Jeneveuxpasêtredérangépourquelqu’unquineseraitpassurlaliste.
Suis-jeclair?–Parfaitementclair,monsieur.Nousajouteronsundétecteurdemétaux.JeredressailatêteetfixaiGregory,puisBlake.Ilséchangèrentunregard,puiscedernierhocha
latête.Quelquechosem’échappait.Jelesregardaisdenouveau,alternativement,maisBlakeétaitdéjàpasséàautrechose,avançantdanslasalleàgrandesenjambées.
– Ici, vous installerez le nécessaire pour le champagne. Il y aura une centaine de personnes,prévoyezpour150.
Ilretirasavesteet,instinctivement,j’avançaiversluipourlarécupérer.Unlégersourires’étirasurseslèvres,presquemoqueur,puisildirigeasonregardsurLynne.
–MademoiselleHoffman,s’ilvousplaît,luiintima-t-ilentendantsaveste.Passél’instantdesurprise,elleavançaversluietrécupérasavesteavecprécaution.Ellemejeta
unregard,consternée.Jereculai,têtebasse,àlafoisvexéeetplongéedansl’incompréhensionlaplustotale.Qu’est-cequejefichaisici?
–Kathleen?–Euh…oui?Iltenditlamainetj’approchaideluiavecprudence.Sonregardrivésurmoi,ilinclinaàpeinela
tête.–N’ayezcrainte,merassura-t-ilavecunbrind’ironie.Ces simplesmotsme firent gagner en assurance et je lui fis un vrai sourire conquérant.Une
petitevoixmeserinaitderesterunefemmeprofessionnelleavanttout.Retrouverlalimite,resterdansmondomaine,sansluidonnerunechancedem’enfairesortir.
Saufquecettepetitevoixn’avaitvisiblementpasconscienceduregarddeBlakesurmoi.Ilagitasesdoigts,m’invitantàvenirencoreplusprèsdelui.Cettefois,moncorpsentraenlutte.Jenecessaisdemerépéterd’êtreunesimpleemployée,àsesordres,qu’ilfallaitquej’agisseenadulteraisonnéeetpasenfemme.
J’attrapaisamainetilm’attiracontrelui.Jeheurtaisontorseassezviolemment,m’encoupantlesouffle.Ilcalasasecondemaindanslebasdemondostandisquejefixai,abasourdie,sagorgeetledessinparfaitdesesmâchoires.
–Nousallonsdanser.Etjeveuxvérifierl’espace.–Je…euh…–Jemène.Vousn’avezqu’àsuivre.Ilpressasamaindansmondosetm’attiraavecassurancecontrelui.Iltintfermementmamain
danslasienneetglissasurlagauche.Hagardeethaletante,jesuivissongesteavecmaladresse.–Détendez-vous,Kathleen,murmura-t-ilenbougeantavecgrâce.–J’essaye,dis-jeavecdifficulté.–Dites-vousquec’estunsimpleentraînementpourdimanchesoir.Jecomptesurvouspourme
garderunedanse.Jeme raidis, stupéfaite par son incroyable confiance en lui. Il partait du principe que j’allais
forcément venir. Je sentis une rage sourde bouillir dansmes veines. Cet homme neme ferait paschanger d’avis. S’il voulait une cavalière, il lui suffisait d’appeler sa femme.À cette pensée,monregardsedirigeaversnosmainsliées.Sonallianceétaitlà,visible,brillante.
–Votrefemmenepeut-ellepasvousservirdecavalière?demandai-jedoucement.–Ellenelepeutpas.Eneffet.Detoutefaçon,jenesuispascertainquecegenrederéceptionlui
plaise.–Jenesuispasnonplusunegrandeadeptedesmondanités,avouai-je.–J’oseespérerquec’estleseulpointcommunquevousayezavecelle.Ilnousfittournervivement,avecélégance.Moncorpssedétenditpeuàpeu,soulagéd’avoirpu
luitenirtête.Nousdansionsdepuisplusieursminutes.Ilétaitgracieuxetj’essayaidenepasparaîtretrop gauche. Je me concentrai sur ses mouvements, gardant la tête droite. Vu le public que nousavions,jenesouhaitaispasspécialementmeridiculiser.
–Voilàquiestmieux,commentaBlake.Ilnousentraînaplusloin,àhauteurdelabaievitrée.–Vousviendrez,n’est-cepas?medemanda-t-ildoucement.–MonsieurBlake…
–Çaressembleàun«non».– Allez-vous encore arguer de votre condition de client prestigieux ? assénai-je, agacée par
toutecettemiseenscène.Ilsecontentadesourire,nousfaisantdanserpluslentement,toujoursplusloindemescollègues.–Non,sourit-ilalorsquejerelevailesyeuxverslui.Jedéglutisavecdifficulté,conscientedelaprésencedesoncorpscontrelemien.Jebougeaimes
doigtscontresamain.Enréaction,ilrelâchasaprisedansmondos,remontantunpeusamain.–J’aimeraisbeaucoupquevousveniez.Vous.Paslafemmemuéeparsoninstinctprofessionnel.–Vousrestezunclientdel’hôtel.Jenepeuxpasfaireça.–J’aimeraisquevousyréfléchissiez.Ils’arrêtasoudainetrelâchamamain.Jebaissailesyeuxausol,deplusenplusmalàl’aise.–S’ilvousplaît,murmura-t-ilenrelevantmonmentonduboutdesonindex.Macarapaceprofessionnelle sebrisaàcet instantprécis. Ilne ressemblaitplusà l’hommede
pouvoirquejeconnaissais.Iln’étaitpasbeau,ilétait…àcouperlesouffle.Sestraitsétaientdétendus,commes’ilavaitabaissésonmasque.Jen’avaisplusBlakedevantmoi,justeunhommenormal.
Je plongeai mon regard dans le sien, me coupant du monde extérieur. Il n’y avait plus mescollèguesmuets,iln’yavaitpluscettesallederéceptionvide.Justeluietmoi.Lui,quémandantmaprésence,etmoi,luttantcontrelesréactionsincontrôlablesdemoncorps.
–D’accord,soufflai-je,conquiseparsonregardpresquesuppliant.Illâchamonmentonetmesouritlargement,cachantàpeinesajoie.Puis,lasecondesuivante,il
repritsonmasque. Il releva lesyeux,et jedevinaiquesonregardseportaitsurLynne,GregoryetMaria.
– Je crois que nous avons fait le tour. Mademoiselle Hoffman, pouvez-vous me chiffrer laprestationetmeprésenterundevisdemain?
–Biensûr,monsieurBlake.Il avança vers eux, déblatérant de nouveau avecGregory sur la sécurité et la discrétion qu’il
attendait de la part de son équipe. Je restai figée, mes pieds refusant de bouger. Quand enfin, ilsgagnèrentlasortiedelasalle,discutantdesdétailsducocktailetduquartetdejazzquijoueraitpourl’occasion,jemedécidaiàlessuivre,toutenrestantàbonnedistance.
Enrejoignantmonposte,j’étaisencoreabasourdieparlateneurdemaconversationavecBlake,et surtout par mon manque de volonté. Quelque chose en lui me faisait oublier mes résolutions.J’oubliaisquejedevaisêtreàsonserviceetdevenaisunefemmemalléable,presquedépendantedesessourires.Nuldoutequeçadevaitlefaireriredemevoirsifaible.
Ilsrestèrenttouslesquatrequelquesminutesdanslehallavantd’êtredérangésparlafameusefemmeblonde que j’avais vue le soir de la conférence de presse.Elle enroula son bras autour deBlakeet l’embrassa sur la joueen riant.Blake laprésentaet j’eus le tempsd’apercevoir le regardgourmanddeGregorysurseslonguesjambesgainéesdenylon.
–Mademoiselle?Jesortisdemacontemplationetdirigeaimonattentionsurlavoixmasculinequim’interpellait.–Bonsoir,souritl’hommeavecunsourire.–Bonsoir,monsieur.Sesyeuxgrismefixèrentet,brutalement,lesouvenirdenotrerencontremerevint.Ils’agissait
del’hommequim’avaitparlélorsdelaconférencedepresse.–JedîneavecAndrewBlake,pouvez-vousm’appeleruntaxipour23heures?Jereprendsun
voldenuitetsijeleloupe,jepensequejevaisfinirparmefairevirer!
Jenotaisademandesurunbloc-notes,souriantàsaremarque.–C’estnoté,monsieur.Jeviendraivousprévenirquandvotretaxiseraarrivé.–Parfait.–Laprochainefoisqu’onmeproposeunboulotsoi-disantenor,jelerefuse!plaisanta-t-il.Sonregardnaviguasurladroiteets’arrêtasurnotreprésentationduspa.–Unspa?J’aivraimentunmauvaiskarma!pesta-t-ilencompulsantlabrochure.Jesuisàpeu
prèscertainquecemassageindienpourraitvraimentmefairedubien.Qu’enpensez-vous?–Jesuiscertainequ’ilpourraitvousconvenir,monsieur!approuvai-jeensouriant.Il pencha la tête versmoi, tout sourire. Je distinguai tout demême de légers cernes sous ses
yeux.–Vousn’avezjamaiseulachanced’enfaireun,n’est-cepas?–Malheureusement,non,avouai-je.Maisnosclientsensonttrèssatisfaits.–Etvouscroyezque…–Nat!s’exclamaunevoixderrièrelui.Laplantureuseblondeavançaitversnousavecprestance.Ellesemblaitdéfileretnonmarcher,
commenousautres,pauvreshumains.Ilss’étreignirentquelquessecondesetjesusquejeredevenaistransparente.
–Tuasfaitundecestrucs?demandal’hommeendésignantlabrochureduspa.–Cetaprès-midi…Etc’étaitdivin!s’extasia-t-elle.–Tuestoujoursdanslesbonscoups?Pourquoiaujustedois-jealleràcettefichueréunionen
Floride?–Parcequetueslecerveau,etjesuisjuste…moi!plaisanta-t-elle.–Andrewestbientropsympaavectoi!Jevaisallermeplaindre!JedevinaiquelablondeétaitMeghanStanton,l’amiedeBlake.Elleétaitvraimentsuperbe,avec
seslongscheveuxblondscascadantdanssondos.Sonteintétaitreposé,frais,etsarobenoireétaitajustéeàlaperfection.
–Tuserasàlaréception?demanda-t-elleàl’homme.–Normalement,oui.EnfinsiAndrewnem’expédiepasunefoisdeplusàl’autreboutdupays.–Ilt’avaitprévenu.Sapriorité,c’estNewYork.–Jesais,jesais.Relevantlesyeuxverslehall,jevisquel’entretienentreMaria,GregoryetLynneseterminait.
Cettedernièrevintversmoi,contournamonpupitreetposasesnotessurlemeuble.–Depuisquandtudanses?medemanda-t-elleavecunepointed’humourdanslavoix.–Tum’asdemandédecontinuer,éludai-je.–C’estvrai.Maisilt’appelleKathleen,quandjesuis«mademoiselleHoffman».Jelevailesyeuxauciel.Lynneavaitledonpourmonterenépinglelamoindrepetitechose.–Dequoiavez-vousparlépendantvotre…danse?–Derien.–Kathleen,mademoiselleHoffman?nousinterrompitlavoixdeBlake.–Monsieur?– Je veux ce devis demain matin, avec mon café. Kathleen, vous finissez votre service vers
8heures,jecrois?–Eneffet,monsieur.–Parfait.Danscecas,caféà7heures.Dansmasuite.Ilmefitunbrefsourire,façonpoliedemerappelerquej’allaisaveclecafé.
–Nat,jeteleferaisuivre,ajouta-t-ilenaccrochantleregarddesoncollaborateur.–Etj’auraisunsoinauspalaprochainefoisquejeviens?Je vis Lynne réprimer un rire, alors que le jeune homme blond haussait frénétiquement les
sourcils.–Meghanenaeuun,argumenta-t-il,presqueboudeur.–Décroche-moilemêmecontratqu’elleetoui,tuaurasunsoin!–C’estinjuste!Illuisuffitd’agiterlescheveuxethop,toutlemondeluitombedanslecreuxde
lamain!–Jeproposequenousenreparlionsàtable,conclutBlakeavecunsourire.–Jevousaccompagne,offris-jepoliment.Lynnemejetaunregardahuriquej’ignorais.Jelesdevançaietmedirigeaijusqu’àl’ascenseur.
Je lesentendaisplaisanter tous les troisetnepusm’empêcherde sourire faceà l’attitudedu jeunehommeblond.De toute évidence,Blake et son amieprenaientunmalinplaisir à le torturer. Je leslaissaientrerdanslacabine,puislessuivis,mepostantfaceauxportes.
–Dois-jeterappelertondernierfaitd’armes?demandaBlakealorsquel’ascenseurvibraitsousnospieds.
–Pourquoitoujoursressasserlepasséetdesdétailssansimportance?–Sansimportance?s’esclaffaMeghan.–Tuétaisd’accord!ripostaleprénomméNat.–Parcequejenepensaispasquetuleferais!–Ilétaittempsd’agir.Ettun’aspasledroitderâler!Jel’aifaitpourtoi!Regarde-toi,tuesdéjà
unautrehomme.L’ascenseurs’arrêtadansunesecousseetmestroisclientsmesuivirent jusqu’aurestaurant.Je
lesquittaiàl’entrée,laissantundemescollèguesprendrelerelaispourlesinstaller.–Mercibeaucoup,Kathleen,meglissaBlakedansunmurmure.–Jevousenprie.Àvotreservice,ajoutai-jeenfuyantsonregard.–J’iraisàlapiscineaprèsmondîner.Pouvez-vousvousassurerquetoutsoitprêt?J’opinaidoucementetlesaluaiunedernièrefoisavantdem’éclipserpourreprendremonposte,
réglant les détails de la privatisation de la piscine.Lynne tenta demeposer d’autres questions surAndrewBlakeetnotreétrange relation,mais je refusaide répondre.De toute façon, jen’avaispasvraimentlesréponses.
–Jevaisrentrer,jesuisépuisée,soupiraLynneenregardantsamontre.–Tuasraison.Tuasfinitondevisdetoutefaçon.Jel’amèneraiàBlakedemainmatin.–Tutechargesmêmeduroomservicemaintenant?–Cen’estpascequetucrois!souris-je.–Oh!Maistunesaispascequejecrois!–Tun’aspasunhommeàsatisfaire?ripostai-je.–Pascesoir…ilestendéplacement.Maisc’estgentildetesoucierdemavieamoureuse!Jeluilançaiunregardenbiais,meretenantd’argumentersurcequ’ellepensaitêtredel’amour.–Tuabandonnes?s’amusa-t-elle.–Lynne,tusaiscequejepensedetoutecettehistoire.–Jel’aime.Jevaisl’épouser,continua-t-elle.–Jesais.– Tu sors avec un mec pathologiquement jaloux depuis deux semaines et tu te permets
d’expertisermavieamoureuse?
–OK…Lynne,stop.Jeneveuxpasmedisputeravectoi.Jenesuisexperteenrien.Jet’aiparlédemonressenti,maintenantlesujetestclos.
–Tonressentise limitaitàquoidéjà?grogna-t-elle.Ahoui,Philipn’estpasunhommepourmoi.C’étaitvraimentuneanalyseprofondeetargumentée,railla-t-elle.
–Jenevoispaspourquoimonavistetoucheautant.–Parcequetuesmonamie,etquej’aimeraisquetusoisheureusepourmoi.–Jesuisheureusepourtoi,Lynne.Vraiment.–Maistupréfèresliredesannonces,contra-t-elle.– N’as-tu jamais envie demoments demagie ? l’interrogeai-je en songeant à ce que j’avais
ressentienlisantl’annoncedel’inconnu.–Lamagie,cen’estpaslaréalité.Riendetoutcelan’existe.Cen’estpasparcequ’ontravaille
dansunpalacequeleprincecharmantexiste!–Laisse-moiycroire,OK?–Tuesirrécupérable,soupira-t-elleenselevantdesachaise.Jehaussailesépaules.Cetteconversation,nousl’avionseuedescentainesdefois.Lynneétaitla
filleréaliste,lespiedsancrésausol,quandj’étaisunedoucerêveusebêtifiantdevantmesannonces.Saufquecettefois,j’avaismonannonce.
Lynnerassemblasesdossiersetquittamonpupitrepoursedirigerversl’ascenseur.Jeconsultaimamontre,jedevaisprévenirlecollaborateurdeBlaked’icicinqminutes.
Jevérifiaiauprèsduvoiturier laprésencedutaxiavantderetournerdans lehall.Un«ding»retentit et la seconde suivante, un bruit sourd suivi d’un petit cri de surprise résonnèrent dans lepalace.
Lynneétaitfigée,sesaffaireséparpilléesausoletbrusquementlejeunehommeblondsortitdel’ascenseur.
–Jesuisdésolé…Jeneregardaispasdutoutoùj’allais,s’excusa-t-ilavantdeseprécipiterausolenmêmetempsqueLynne.
–C’estmoi,monsieur.Toutesmesexcuses,j’auraisdûvérifierquel’ascenseurétaitvideavantde…
–…foncerdroitdevantvous?finit-ilavecunepointed’humourdanslavoix.Jerestaiprudemmentàl’écart.IlmesemblaitqueLynnetremblaitunpeu,sûrementhonteuseet
agacée à la fois. Elle ramena ses cheveux derrière l’oreille – signe annonçant une probableapocalypsedanssonunivers–etpestacontresamaladresse.
–Laissez…Jevaisfinir,soupira-t-elleenramassantsesstylos.–Jesuisaussifautifquevous.Croyez-moi,habituellement,j’aiuneparfaitecoordination.Jesourismalgrémoi.Laplupartdenosclientsn’auraientmêmepasprisletempsdes’excuser,
etluil’aidaitàramassertoutenfaisantensortededétendrel’atmosphère.Sonâge,prochedunôtre,devaitsûrementexpliquercetteréactioninhabituelle.
Etpuis ilyeut cettecourte seconde.À l’instantoù ils se relevaient tous lesdeux, jevis leursregards rivés l’un à l’autre. L’homme blond lui tendit un dernier dossier cartonné et leursmainss’effleurèrent.L’instantsuivant,Lynnebaissaitlesyeuxetramenaitsesdocumentscontresapoitrine.
Ils restèrent faceà facequelques instants,hésitant tous lesdeuxà laisserpasser l’autre.Leurscorpssemouvaientenmiroir,Lynneallantàdroitequandl’hommeallaitàgauche.Aprèsquelquessecondesdecettevalse,Lynnefinitparsefigeretl’hommelacontournapours’éloignerverslaportetambour.
Ilme saluadiscrètementd’unmouvementde tête et, avantde sortir de l’hôtel, il se tournaendirection des ascenseurs. Lynne avait déjà disparu et les portes se refermaient sur elle. Je sourisencore,secouantlatête.Cettefameusemagiequ’elleniaitenblocétaitlà,justelà,soussesyeux.
Environ vingt minutes plus tard, Lynne quitta le palace, me déposant en chemin le devis deBlake.Ellemesouhaitaunebonnenuitetjegagnailebarpourmefairemonthéhabituel.UnnouvelextraremplaçaitAngie.Jem’étonnaisqueDann’aitpasétégardé,maisvunotresituation, ilvalaitmieuxquenosviesprofessionnellesrestentindépendantesl’unedel’autre.
Je croisai furtivement la silhouette d’AndrewBlake alors qu’il retournait à sa suite après saséancedepiscine.Ilm’adressaunsimpleregard,sansdireunmot.
À7heures,aprèsavoirtriéetdistribuélesjournaux,jerejoignis,avecmonplateauetledevisde Lynne, la suite de Blake. Je toquai doucement à la porte, m’annonçant. La voix de Blakem’ordonna d’entrer et je le découvris attablé devant son ordinateur, compulsant des graphiquescolorés.
–Bonjour,monsieur.Votrecaféet ledevispourvotreréception,annonçai-jeenposant le toutsurlatableadjacente.
–Merci,Kathleen.Illeparcourutrapidementavantd’apposersasignatureetdemeretendrelepapier.–C’estparfait.Commetoujours,souffla-t-ilalorsque jemedandinainerveusementd’unpied
surl’autre.Pouvez-vousrécupérermescostumespourlenettoyage?–Biensûr,monsieur.Jemedirigeaiverslaporteetjel’entendissereleveretmesuivre.–Kathleen?–Monsieur?–J’espèrequedimanche,jeneseraiplus«MonsieurBlake»maisjuste«Andrew».–Je…jevaisessayer,balbutiai-je.–Parcequelaplupartdemesamism’appellentparmonprénom.J’aimeraisautantquevousne
dérogiezpasàcettehabitude.Jetressaillislégèrementàlamentiondenotre«amitié».Jeledétaillais,enjeanbrutetT-shirt
gris.Mes yeux s’attardèrent sur le col enV, révélant cette pilosité que j’avais déjà remarquée. Jeremisaussitôtmacarapacedeprofessionnalismeetluioffrisunpâlesourire.
–Jevoussouhaiteunebonnejournée,monsieurBlake.–Pareillement,Kathleen.Je sortis de la suite, et soudain ma respiration reprit un rythme normal. Cet homme avait
décidément un pouvoir phénoménal sur moi. J’étais à mi-chemin entre la fascination et la foliefurieuse. Mais cet homme m’attirait : pas l’homme de pouvoir ou le client, mais juste lui, l’êtredésarméethonnêtequej’avaiseul’occasiond’apercevoirlorsdenotredanseimprovisée.
Ilseservaitdemoi,memanipulait.J’étaisentraindedevenirsaprisonnièreet,finalement,celanemedérangeaitplus.
Après avoir fait les transmissions à Sam, je pris le métro pour rentrer chez moi. La neigecommençait à fondre doucement, sûrement grâce au petit réchauffement des températures.C’est lasonneriedemontéléphonequimetirademonsommeilréparateur.
Dan.Jesoupirai,mefrottailesyeuxetdécrochai.–Salut,mabelle,chantalavoixdeDan.–Bonjour,Dan.
–Jeteréveille?– Oui…Mais j’ai quantité de choses à faire, donc c’est une bonne chose, avouai-je en me
relevantdemonlit.–Jenet’ennuiepaslongtemps,jevoulaissavoirsituétaislibrepourdîneravecJodieetmoi.–QuiestJodie?l’interrogeai-jeenmettantmabouilloireenroute.–Uneamie…Elleveuttoutsavoirdetoi…–OK…Situveux.Jesuisdereposceweek-endetmonplanningestplutôtléger.–Parfait.Dimanchesoiralors?–Non!m’exclamai-je.Pas…pasdimanche.–Tuviensdemedire…–JedoisdîneravecLynne,débitai-jeàtoutevitesse.Tusais,poursonmariage.Jedétestaimentir,mais je savaisquec’étaitnécessaire.Dannesupportaitdéjàpasque je sois
l’obligéedeBlakeauseindel’hôtel, jedoutaissérieusementqu’ilappréciequejepasseaussimontempslibreaveclui.
–Bien…Bon,jevaisvoiravecJodiealors.Onsevoittoujoursdemain?–Sansproblème.Jeseraisraviedepasserlajournéeavectoi.–Tumemanques,Kat.–Tumemanquesaussi,murmurai-jeavecsincérité.–Jedoistelaisser.Jeterécupèredemain,àlasortiedel’hôtel.–Parfait.Jeraccrochaiavantd’entendrequelquechosequejen’avaispasenvied’entendre.Dansemblaittellementsûrdenous.Celam’effrayait.Noussortionsensembledepuistrèspeude
temps,etj’avaislasensationdevivreunerelationsuiviedepuisdesmois.Jepassailerestedemajournéeàrangerl’appartement.Dansmamissionménage,jeretrouvai
monexemplaireduNewYorkeretdePowerfull.Jelesentassaisurmatabledechevet,mepromettantde les rangerplus tard.Jesourisà lapenséedemonannonce,songeantquema lettresebaladaitàtraverslesÉtats-Unis.
L’inconnuétaitcertainementd’icicarleNewYorkerétaituneinstitutiondanscettevilleetquejenepouvaisimaginerunétrangerlirecemagazine.
En reprenant lemétro le soir, jeme surpris à observer les hommes autour demoi. Peut-êtreétait-illà,justesousmesyeux.Jescrutailafoule,attendantstupidementquemoncorpsréagisse.Ouquemoncœurtressautecommeill’avaitdéjàfait.Maisrienneseproduisit.
***
Je relevai Sam rapidement.Ce dernierm’informaqueBlake était déjà dans sa suite et que jedevaisluiamenersonpetitdéjeunerjusteavantmondépart.C’étaitmadernièrenuitdeservice.Aprèsça,ilmefallaitsurvivreàlaréception–etjedoutaisdepouvoirlefaire–etensuite,Blakepartiraitd’ici.
Jusqu’àlaprochainefois.Carsij’avaisdésormaisunecertitude,c’estqu’ilreviendrait.Etcelamefitsourire.J’enétaisàlafoisheureuseetangoissée.Lelendemainmatin,toutsourire,jetoquaiàlaportedeBlake.
–Vouspouvezentrer,Kathleen.–Bonjour,monsieur.Votrecafé!
Ilpritlapetitetassesurmonplateauetl’avalad’untraitavantdelareposer.Ilseléchaleslèvresetsedirigeaverslasalledebains.Jesoupiraidesoulagement–pasd’affrontementcematin–etmedirigeaiverslasortie.
–Jevoussouhaite…–Nevousavisezpasdepartir.J’enaipourquelquesminutes,cria-t-il.Jeme figeai, lamainsur lapoignée.Cethommeneme laissait jamais respirer ! Il réapparut,
embaumantl’after-shave,sescheveuxpresquedisciplinés.–Posezceplateau,m’intima-t-il.Je m’exécutai. Il eut un sourire satisfait et enfila sa veste. Mal à l’aise, je tentai de trouver
quelquechoseàregarder,maisjerevenaistoujoursàlui.Sesmouvements,sesgestes,cettefacilitéàsemouvoir.J’étaissubjuguée.Iljetaunderniercoupd’œilàsonreflet,resserrantsacravate,avantdem’ouvrirlaporte.Ensilence,nousgagnâmesl’ascenseur.
–J’aibesoindevousparler,avoua-t-ilquandlesportesserefermèrent.–Jevousécoute,soufflai-jeenrelevantlesyeuxverslui.–Pourdimanchesoir.Dois-jevousprévoirunchauffeur?–Je…Non.Çaira.Jeviendraientaxi.–Bien.Ily eutun silence, àpeine troublépar lamusiquedoucequediffusaient leshautsparleurs. Je
bougeaiunpeuavantdeprendreconsciencequejenefaisaisquemerapprocherdelui.Jefisunpasdecôtépourm’écarterpourdebon.
–Jesuisheureuxquevousveniez,dit-ildoucement.–Jen’aipasencoreeul’occasiondevousremercierpourvotreinvitation,maisje…–Serez-vousescortée?demanda-t-ilbrutalement.Denouveau, jecroisaisonregard.Je rougis légèrementavantdemefrotternerveusement les
mains.–Non.Jeviendraiseule.–Votrechoix?–Eneffet.–Jepourraiscomptersurvouspourunedansealors?–Avecplaisir,avouai-jed’unepetitevoix.Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent et je retrouvai brutalement le bourdonnement du hall.
Blakeposasamaindansmondosetmefitavancerendirectiondelaportetambour.–Jesaisquejepeuxtoujourscomptersurvous,Kathleen.–C’estmontravail,monsieur.–Jenepensepas.Ils’agitdevous.Vousêtes…labonneamie,lajeunefillesolidaire.Jefronçailessourcils.Pourquoicelasonnait-ilcommeuneinsultedanssabouche?Labonne
amie?Devantmonsilence,ilreprit:–Alorsquevouspourriezêtretellementplus.–J’aimelapersonnequejesuis.–Vousaimerezencorepluslapersonnequevousserezdimanchesoir!–Etquiserai-jecenséeêtre?l’interrogeai-je,vexée.–Lafemmesublimequidanseraavecmoidimanchesoir,voyons!Quid’autre?J’ouvris labouche,mais rienne sortit.Une foisencore, cethommeavait trouvé lemoyende
retournerlasituation.Nousdescendîmeslescinqmarchesd’entréeduPeninsulaetilhélauntaxi.
–Comprenez-vouscequejeveuxdire?m’interrogea-t-ilalorsqu’untaxijaunesegaraitdevantlui.
–Jecrainsquenon.–J’espèreêtreavecKathleendimanchesoir…Pasavecl’employée,expliqua-t-ilens’installant
àl’arrièreduvéhicule.– L’employée que je suis aurait certainement demandé une rétribution pour un tel service,
grinçai-je.–Etjel’auraispayée.MaissavoirquevousvenezsansvotreuniformeduPeninsulameconvient
nettementplus.Quelleestvotrecouleurpréférée?demanda-t-ildansunsourire.–Levert,répondis-jeautomatiquementensoutenantsonregard.–Commemafemme.Bonnejournée,Kathleen.–Bonnejournée,monsieurBlake,murmurai-je,pétrifiée.Il claqua laporte et je regardai, immobile, imperméableau froid, lavoiture senoyerdans le
trafic.Jeretournaiàmonpupitre.Samarrivaquelquesminutesplustard.–Est-cequetoutvabien,Kat?– Je…Euh… oui. Juste un peu de fatigue,murmurai-je avant de faire tomber deux dossiers
successivementausol.Toujours sous le choc dema conversation avecBlake, je comprenaismaintenant comment il
avaitréussidanslesaffaires.Ilsavaitmanipuleretretournerlessituations.–Hum…Blakeestpartipourlajournée,repris-jepéniblement.Iln’arienprécisépourcesoir.
Lynneteparleradelaréception.–D’accord.Tuesdereposceweek-end?–Oui…Je…Enfin,jevaisenprofiterpourmereposer.Rougissanteetbalbutiante,jequittaiSampourgagnermonappartement.Surletrajet,j’envoyais
unmessageàDaniel,indiquantquejelerejoindraienfindejournéeetpourlanuit.Aprèsunesiesteréparatrice, jemepréparai lentementà retrouvermonpetitami,mais je restaipartagée.D’uncôté,j’appréciais Dan, sa chaleur, son sourire et son enthousiasme.Mais de l’autre, j’étais tourmentée.J’avaisl’impressionquemaviesedéroulaitsansavoirlecontrôledecetterelation.
CHAPITRE8
C’estavecunelégèreappréhensionquej’arrivaischezDan.Maisdèsqueseslèvresseposèrentsur les miennes, j’oubliai mes inquiétudes. Il me faisait me sentir bien, me sentir femme. Il étaitprévenantet,eneffet,ilavaitfaitdesonappartementuncocondouillet.
–Quoideneufàl’hôtel?medemanda-t-ilpendantnotredîner.–C’estunpeul’effervescence…Blakedonneunegrosseréception.Jepensequ’àcetteheure-ci,
Lynnedoitêtredanstoussesétats!–Uneréception?Pourquoiaujuste?–Lelancementdesonmagazine,expliquai-jeenenroulantdespâtesautourdemafourchette.–Ilvaréunirlegratindelavillepourcélébrersaréussite?railla-t-il.Je reposai ma fourchette et regardai mon petit ami. Cette ironie, ce sarcasme, cela ne lui
ressemblaitpas.– Dan, je peux comprendre que tu n’apprécies pas Andrew Blake, mais pourquoi es-tu si
vindicatifàsonsujet?–Ettoi,pourquoies-tusicompréhensiveaveclui?riposta-t-il.–Jenejugepasunhommequejeneconnaispas.–Jeconnaiscegenredetypes,Kat.Ilssontarrogants,prétentieuxetsontpersuadésquetoutle
mondedoitsetraîneràleurspieds.–Tunelaissesdonclebénéficedudouteàpersonne?Sonvisagesefermaetjemedécidaiàcreuserlesujet:soitilavaitquelquechosecontreBlake,
soitiln’avaitpasconfianceenmoi.Entoutétatdecause,ilfallaitvitecreverl’abcès.–Blakeestjusteunclient.Quoiquetut’imagines,c’estfaux!–Iladînéavectoi.–Jen’aipaseulechoix.Jesouhaitequetoutesmesrelationssoientbaséessurl’indépendance,la
libertéetlafranchiseetlanôtrenefaitpasexception,m’énervai-jeenrepoussantmonassiette.– Et évidemment, tu as parlé de ça avec ton « client » ? m’interrogea-t-il en mimant les
guillemets.Oupeut-êtreest-ilplusqueçapourdérogeràlarègle?–Cetteconversationestterminée,lâchai-jeentremesdentsavantdemeleverdetable.–Kat!criaDanielalorsquejemarchaisvivementverslesalonpourrécupérermesaffaires.S’il
teplaît,écoute!–Quejet’écoute?Tuesentraindem’insulter,etjedevraistranquillementt’écouter?J’enfilaimonmanteauavecrage,ravalantmeslarmesdecolère.Commentosait-il?Comment
pouvait-ilcroirequej’étaiscegenredefemme?–Jem’excuse,Kat.Jenepensaispascequej’aidit.
–Dan,j’enaiassez.PourquoilamoindreconversationausujetdeBlakefinit-elleainsi?Sesmâchoiressecontractèrentetsespoingsserefermèrentviolemment.Lesilenceétaitpesant,maisjeluioffrisencoredeuxsecondespourmerépondreavantdeme
détourneretd’enroulermonécharpeautourducou.–Kat,jeveuxjusteteprotéger.–DeBlake?–Deluioudesautreshommes!Iladel’argentetjesaiscequelesfemmespensentdelui.–Tuesidiot,m’écriai-je.L’argent?Vraiment?Etalorsquoi,ilestséduisantetriche,doncje
doisautomatiquementtombersouslecharme?Lacolèrefitplaceàlapeine.Ilnevoyaitmanifestementenmoiqu’unefemmefaibleetattirée
parleclinquant.Cettefois,leslarmesroulèrentsurmesjouesetjelesessuyaid’unreversdelamain.–Jevaisrentrerchezmoi.–Kat,s’ilteplaît…,gémitDan.–Je…jenecroispasêtreenétatderesterprèsdetoi.–Est-ceque…est-cequec’estfini?–Jenesaispas,avouai-jeavectristesse.Prouve-moique…quejepeuxencoreycroire.Jemedirigeaiverslaporte,tentantdenepascroisersonregard.Ilfallaitquejeparte.Resterici,
c’étaitcautionnersoncomportement,etj’enavaisassezdeluitrouverdesexcuses.–Quoiquetupenses,cen’estpasBlakequiestentrainderuinernotrerelation.C’esttoi.Et sur cesmots, je quittai son appartement. Je priai pourqu’il neme suivepas, chassantmes
larmes,mapeineetmacolèresourde.Je regardaismamontre.Àpeine21heures.Pourcesoir, jeseraisvraimentseule.
Ce soir-là, j’ignorai chacun des appels de Dan. Il s’excusa par SMS et me supplia de luirépondre.Jel’ignoraiencore.Lanuitneseraitpasdetroppourdigérercenouvelaccèsdejalousieincontrôlé.
Lelendemainmatin,jemeréveillaientraversdemonlit,lapagedesannoncesduNewYorkerouverteetcolléesurmajoue.Jemefrottailesyeuxavantdeconsultermonréveil.10heures.
Jemeglissai sous ladouche,espérantqu’elleéradiquerait lesdernières tracesdesommeildemonvisage.J’avaisdigérémadisputeavecDanetjesongeaiàl’appeler.Alorsquejemerinçai,lasonneriedelaporteretentitdansl’appartement.
Jesoupirai.SûrementDanquivenaitprésentersesplatesexcuses.Jesortisdemapetitecabinededoucheet,lescheveuxencoredégoulinants,jem’enroulaidansuneépaisseserviettedebainnoire.
–Dan,cen’étaitpaslapeinede…,m’exclamai-je,agacéeenouvrantlaporte.Jeremontaimaserviettecontremapoitrineetmefigeai.AndrewBlake,vêtud’uncabannoir,se
tenaitdevantmoi.Sij’étaissurprise,onpeutdirequeluiavaitl’airstupéfait.Sonvisageétaitcommeparalyséetilseretournabrusquement.
–Bonjour…Kathleen,balbutia-t-il,metournantledos.–MonsieurBlake?m’étonnai-jeavecunevoixsuraiguë.–Pouvez-vousenfiler…unpeignoir?J’aimeraisautantvousparlerfaceàface.–Je…euh…oui,marmonnai-jeavantdefoncerdansmachambre,unrougecoquelicotduplus
beleffetornantmonvisage.–Vouspouvezentrer!hurlai-je.J’ôtai ma serviette et me glissai dans un bas de jogging et un débardeur. Des gouttes d’eau
parsemèrentmonhautnoirtandisquejemefrottaifrénétiquementlescheveux.Qu’est-cequ’ilfichaitici ?Et surtout, comment avait-il dégotémonadresse ?Le souvenir denotredînerme revint.S’il
connaissait mon cursus universitaire, j’imaginai qu’obtenir mon adresse avait donc été un jeud’enfant.
Jefinisrapidementdem’essuyerlescheveuxetmeprécipitaiendirectiondemonsalon.AndrewBlakes’ytenaitdebout,unehousseàvêtementsenrouléeautourdesonbras.
–Désolé…pour…enfin…jepensaisquec’étaitDan,m’excusai-je,mortifiée.–Votrepetitami?Il se tourna versmoi, un léger sourire au bord des lèvres. Il avait ouvert son caban, laissant
apparaîtreunsweat-shirtdel’universitédeSanFrancisco.–J’aipenséquevousauriezbesoindeça.Pourcesoir,ajouta-t-ilenmetendantlahousse.Jelarécupéraimaladroitement,déchiffrantlenomducréateurdeluxedessinéenlettresdorées.
Monregardpassadelahousseàmonclient,puisdeluiàmesmainstremblantes.–Vousnel’ouvrezpas?s’amusa-t-il.–Je…Si…Biensûr.Je posai la housse sur le canapé et, tout doucement, fis glisser le zip. Je découvris une robe
beige, splendide, parseméededentelles et depetitesperles.Lebasn’était quemousselinedouce etaérienne.Blakes’approchademoitandisquej’admiraiscettetenue.J’étaisstupéfaite.J’avaisàpeineassimilésonintrusiondansmonappartement,voilàmaintenantquejedevaisgérercecadeauhorsdeprix.
–MonsieurBlake…,commençai-je.–Andrew,corrigea-t-ilautomatiquement.Vousn’êtespasenservice.–Jenepeuxpasaccepterça,dis-jeenrefermantlahousse.–Biensûrquevouspouvez.Etvousleferez.Masurpriselaissaplaceàuneformedecolère.Pourquimeprenait-il?Unedecesfemmessans
cervellequiacceptesansbronchern’importequelcadeau?Jemeredressailégèrementetm’éloignaidelui.
–Écoutez,j’apprécieréellementquevousvoussoyezdéplacépourça.–Mais?–Maiscetterobevauttrèscertainementunefortune.–L’argentn’estpasunproblèmepourmoi.–Çaenestunpourmoi!m’écriai-je,presqueàboutdesouffle.Ilmefixaintensément,sûrementunpeuperduparmaréaction.Jedevais l’avouer,moi-même, jeme trouvaiunpeuexcessive. Ilmesuffisaitde luidirenon,
inutiled’enfaireunscandale.–MonsieurBlake,repris-je,unpeupluscalme,j’appréciequevousvoussouciiezdematenue,
mais…–Devotretenue?s’esclaffa-t-il.Vouspensezquej’aifaittoutçajustepourunerobe?–Je…–Jenem’étaispasinterrogésurcequevousalliezporter,maisMeghanaétéplusperspicace
surlesujet,mecoupa-t-ilensouriant.Àvraidire,jesuisvenuicipourm’assurerquej’auraisbienl’honneurdevousvoircesoir.
–VousremercierezMademoiselleStantondesaprévenancemaisilmesemblaitavoirétéclaireausujetdemaprésenceàvotreréception,m’agaçai-je.
–Eneffet.Maisj’avaispeurquenotrepetiteconversationd’hiermatinn’aitchangéleschoses.–Jenevoispasenquoi,mentis-jeenmesouvenantdemavexation.Ilplantasesyeuxdanslesmiens.Jesavaisquej’étaisunemauvaisementeuse.
– Je me suis trompé hier. Vous n’êtes pas la femme sans relief que vous vous efforcez deparaître.
–Jevaisprendreçacommeuncompliment,exhalai-jealorsquemoncœurs’emballaitbientropvite.
– C’en est un. Vous êtes… pleine de surprises, rit-il doucement. Mais j’aime ça. C’est…rafraîchissant.
–Quesuis-jecenséedire?demandai-jebrutalement.Sonsourires’effaçainstantanémentetilreculalégèrement.Moncorpsrepritunfonctionnement
normaletmonventrecessadesetordre.–Quesuis-jecenséedirepourcesoir?complétai-je.–Oh…Ehbien,ditesquevousêtesuneinvitéepersonnelled’AndrewBlake.Généralement,cela
ouvredesportes,ajouta-t-ilavechumour.Jesecouailatête,partagéeentrehilaritéetagacement.Cetypeétaitd’unearroganceeffroyable.
Maisj’étaiscertainequecequ’ildisaitn’étaitpasfaux.–Detoutefaçon,aveccetterobe,vouséblouireztoutlemonde.–MonsieurBlake…–Andrew,rectifia-t-ildenouveau,sanssedépartirdesonsourire.–Jevousremerciedevotresollicitude,maisjepréférerais…–Kathleen,croyez-moi,jenelefaispaspourmoi.Jelefaispourvous.Jeneveuxpasvousvoir
malàl’aisependantcettesoirée.–Je…–Jesaiscequelesgenspensentdemoi,mecoupa-t-ilvivement.Jesaisquelesrumeurslesplus
follescourentàmonsujet.Maisjesaisaussiquevousnevousarrêtezpasàça,etc’estenpartiepourçaquejeveuxvousavoiravecmoicesoir.
–Enpartie?m’amusai-jeavecunsourire.–J’adorelesfairejaser…Çalesoccupe.AndrewBlakeavecuneautrefemmequelasienne…
Voilàquilesoccuperajusqu’audessert.Ilsouritlargement,visiblementfierdesastratégie.Jesourisàmontour,contaminéeparsajoie.
Soudain,undétailmerevint.–Puis-jevousposerunequestion?–Jevousécoute.–Pourquoiprévoirundétecteuràmétaux?– Simple précaution. Je n’aimerais pas que la fête soit gâchée par un illuminé. Je vais vous
laisserprofiterdevotrejournée,ajouta-t-ilensedirigeantverslaporte.–Je…Euh…merci…pourtout.–Jevousenprie.Ilouvritlaporteetjemeprécipitaiàsescôtéspourl’accompagner.–Meghanaaussiprévuleschaussures.S’ilyaunsouci,vouspouvezlajoindreàcenuméro.Ilsortitunecartedevisitedesapocheetmelatendit.Ilyavaitannotéunmotsurledosdela
carte.
Àcesoir.Andrew.
Jerelevailesyeuxverslui,plongéedansunetotaleincompréhension.–Jenesavaispassivousseriezchezvous,avoua-t-ilcommesilasituationétaitnormale.–Oh…Enfinquelquechosequevousnesavezpassurmoi?lâchai-jeavecsarcasme.
–Jevous l’aidit :vousêtespleinedesurprises.Àcesoir,Kathleen! lança-t-ilens’éloignantversl’ascenseur.
–Àcesoir,Andrew.Àlamentiondesonprénom,iltournalatêteversmoi,unimmensesourirebarrantsonvisage.
Aprèsavoirfermélaporte,jefilaiàlasalledebains,espérantrattrapermescheveuxavantquelesdégâtsne soient irréversibles.En find’après-midi, j’appelaisDaniel pourmettre les choses àplat,mais une femme répondit à sa place. Elle se présenta – Jodie – etmon cœur, qui s’était serré enentendantcettevoixféminine,sesentitinstantanémentmieux.
–Danestsousladouche,m’expliqua-t-elle.–Oh…Pourriez-vousluidirequeKataappelé?–Kat?LaKat?–Hum…oui.–Danm’a racontépourhier.Tusais, ilne fautpassauterauxconclusions. Il…On luiadéjà
brisélecœurparlepassé,et…–Jodie,jecroisquejepréféreraisparlerdeçaaveclui,assenai-je,unpeuagacée.–Oh…Oui.Biensûr!Neprendspasdedécisionshâtives.C’estunmecbien.–Jesais,soupirai-je.Dis-luijustequej’aiappeléetquej’aimeraislevoirlundi.–C’estnoté!Àbientôt,Kat!Jesuiscontentequ’onaitpudiscutertouteslesdeux!–Moiaussi,assurai-je.Après une heure de bataille ardue avecma chevelure, j’avais réussi à les discipliner et à les
lisser. Les pointes étaient légèrement bouclées et retombaient souplement sur mes épaules. Je memaquillailégèrementetenfilailarobequ’AndrewBlakem’avaitapportée.
Enmeregardantdanslemiroir,j’euslasensationdevoiruneinconnue.Lesbrasnusetlagorgedégagée,j’étaisuneautre.PlusvraimentKat,mais…Kathleen.L’invitéepersonnelled’AndrewBlake.
Pourlapremièrefoisentroisans,j’allaisfranchirlescinqmarchesduPeninsulaetpasserdel’autrecôtédelabarrièreinvisibleetinfranchissabledemonpupitrepourparticiperaurêve.
Jecommandaiuntaxiet,enl’attendant,jereprislemagazinedeBlake.Jeleconnaissaisdéjàparcœur,oupresque,maisj’espéraismemettreainsidansl’ambiancedelasoirée.
Vingtminutesaprèsmonappel, l’interphonegrésillaet, ajustantuneétole surmesépaules, jerejoignislebasdemonimmeuble.
–KathleenDillon?m’interrogeaunhommeencostumebleufoncé.–Oui?Pourtouteréponse,ilretirasacasquetteetouvritlaportièredelavoiturederrièrelui.–MonsieurBlakem’achargédevousconduireàlaréception.–Évidemment !murmurai-jeen levant lesyeuxauciel. J’imagineque jen’aipasvraiment le
choix.Je grimpai dans la luxueuse berline en soupirant. Le peu de confiance que j’avais réussi à
capitaliserétaitentraindefondrecommeneigeausoleil.Lavoitureavançaitprudemment.Laneigeavaitreprissesdroitssurlavilleetuntapisblancse
formaitsurlestrottoirs.AlorsquenousremontionslaCinquièmeAvenue,unebouled’angoisseseformadansmonestomac.Soudain,jen’étaisplusaussicertainedubien-fondédemaprésencecesoir.
Je trituraismes doigts, ouvrais et refermais frénétiquementmapochette noire.AndrewBlakem’avaitfaitvenir,maisjen’avaisaucuneidéedespersonnesquej’allaisdevoiraffronter.J’étaislà,habituellement,pourlesservir,paspourdiscuteraveceux.
Lavoituresegarafinalementdevantl’hôteletunvoiturierseprécipitapourouvrirmaportière.Moncollèguenecillapasenmevoyantetmetenditsamain.Jesoulevailégèrementlarobe,espérantnepaslaruineraveclaneige.
Jegagnailetapisdeveloursrougequimenaitauxmarchesetlegroomm’ouvritlaporteavecunclind’œil.Jerisquaiunœilverslepostequej’occupaihabituellement.Samhochalatêtepourmesaluer,maisnesemblapassurpris.Doucement,jemedirigeaiverslasallederéception.
Jepoussailaportedelasalleetentraidansunmondequejeneconnaissaispas.Àpeineavais-jefaitunpasqu’ungardedel’équipedeGregorymedemandamonnometmapièced’identité.Jelaluiprésentaiavantdemefaufilerautraversduportiqueàmétaux.
–Kat?firentenchœurLynneetGregorysurmagauche.–Bonsoir,chuchotai-jeenrougissant.Leursvisagess’illuminèrentenuninstant.Tapisdansunrecoin,jedevinaiqu’ilss’assuraientdu
bonfonctionnementdelasoirée.–Tuesinvitée?s’étonnaGregory.–Je…–Bonsang,cetterobe,Kat!Tuessuperbe!s’extasiaLynneentournantautourdemoi.Organza
etsoie,parfait…Elleestparfaitesurtoi!–Merci,Lynne.C’estAndrewBlakequim’ainvitée,résumai-je.–Décidément!Cetypet’adore!commentaLynneenlevantunsourcil.–C’estjusteunesoirée,Lynne.–Unesoiréeoùtoutlegratinestinvité.Legratinettoi!–Commentçasepasse?demandai-jeàLynne.–Bien…Maistun’aspasàt’ensoucier.Tu…Sa voix s’éteignit et elle recula d’un pas. Elle reprit son visage professionnel, toute trace
d’enthousiasmedisparaissantdesonvisage.–Jecroisquenousn’avonspasétéprésentés,lançaunevoixderrièremoi.JemetournaidoucementettombainezànezaveclecollaborateurdeBlake.–NathanEvans,annonça-t-ilentendantsamain.–KathleenDillon,répondis-jeenserrantdoucementsesdoigts.–LafameuseKathleen.–Fameuse?m’étonnai-je.–Andrewafaitdespiedsetdesmainspouravoirvotreadresse…Non,enfait,j’aifaitdespieds
etdesmainspouravoirvotreadresse,sourit-ilensedésignantdupouce.Sesyeuxrieursmettaient immédiatementà l’aise. Ilmesemblaitqu’ilavaitperpétuellement le
sourire,toutesituationétantassezbonnepourenplaisanter.–Maisjesuisravidevoirquemamissionaportésesfruits,constata-t-ilpendantquesesyeux
naviguaientsurmarobe.Vousêtessuperbe,jedoisl’avouer.–Vousdevezl’avouer?répétai-je,stupéfaite.–Andrewnousabriefés.Nousnesommespascensésvousmettremalàl’aise.–Charmanteintention.–MaisAndrewestuntypecharmant,assura-t-il.–Jesais.Peut-êtreest-ceparcequ’ilsaits’entourer?–Delaflatterie?Ilabeaucoupàapprendredevous.Andrewnesaitpasréellementmanierle
compliment.
Je risdoucement,mesouvenantdenotreconversationsurréalistedumatinmême. Il savait lesfaire,ilfallaitjustesavoirlesdécrypter.Derrièremoi,j’entendisLynnes’excuseretjemeglissaisurmagauchepourlibérerlepassage.
–Oh…Mademoiselle?l’interpellaNathan.Lynnesetournaversnousetplantasonregarddansceluidemonvis-à-vis.–Monsieur?–Pouvez-vousnousfaireapporterdeuxcoupesdechampagne?Vousaimezlechampagne?me
questionna-t-il.–Çaseraparfait!répondis-jeenévitantleregarddeLynne.–Champagnedonc.–Toutdesuite,monsieur.Elleluifitunsourirepoliavantdes’éclipser.J’observaislascèneaveccuriosité.Denouveau,
j’avais le sentiment d’assister à un moment particulier entre deux personnes. Nathan la suivit duregard,cillantàpeine,pendantqu’unlégersouriresoulevaitseslèvres.Ilsecoualatêteetsetournaversmoi.
–Excusez-moi…J’étaisailleurs,sejustifia-t-il.–Aucunsouci,lerassurai-jeenréprimantunrire.–Comments’appellecettefille?–Lynne.LynneHoffman.Brutalement, son sourire s’effondra.Sonvisage se figeaunpeu et unvoile de tristessepassa
danssonregard.–Ya-t-ilunproblème?– Euh… non… non… Tout va bien. Andrew vous a placée à notre table, j’espère que vous
appréciereznotrecompagnie,éluda-t-il.–Àvotretable?–Ahoui…Ilm’avaitprévenuquevousrisquiezderéagirainsi.–Ehbien,c’estsurprenant!–Voustrouvez?C’estpourtant…–Mademoiselle,monsieur,nousinterrompitlavoixdeLynne.Je me tournai vers elle. Dans un petit plateau argenté, elle avait disposé deux coupes de
champagne.Nathanenprituneetme la tenditavantdesesaisirde lasienne.Denouveau, ileutunregardpourLynne.Celle-ciluiadressaunsouriretimide.
–Puis-jevousêtreutilepourautrechose?demanda-t-elleenrabattantlepetitplateaucontreelle.J’attendais que le collaborateur de Blake parle, mais il resta muet. Il triturait sa coupe de
champagneentresesdoigts,fixantmonamie.–Çaira,Lynne,murmurai-jedoucement.Ellehochalatêteetnouslaissaentêteàtête.Nathanavalasonchampagned’untraitets’étrangla
avec.Ilrepritsesespritsauboutdequelquesinstants.–Excusez-moi.–Est-cequetoutvabien?luidemandai-je,unpeuinquiète.–Oui…dumoinsjecrois.Je pris une gorgée de mon champagne. La dernière fois que j’en avais bu, c’était pour
l’obtentiondemondiplôme.Maiscelui-ciétaitnettementmeilleur.–Andrewm’aditquevousaviezfaitdesétudesdejournalisme?
–Eneffet.Voustentezdemesoutirerlesinformationsqu’iln’apasréussiàobtenir?ripostai-jeenriantpendantqu’ilsefigeait.
–Euh…Non.Pourquoi?–M.Blake…enfinAndrew…voulaitsavoirpourquoijetravaillaisici.–Oh…C’étaitavantouaprèsqu’ilchercheàvousdébaucher?–Ya-t-ilunechosequ’ilnevousapasracontée?Ilpenchalatêteversmoi,unsourireamusésurleslèvres,pendantquesesyeuxpétillaient.–Entoutcas,sadescriptionesttoutàfaitconforme.–Oh…Jesais,jesuisbutée.– Iladit«surprenante».Et,croyez-moi, ilestdifficiledesurprendreunhommecomme lui.
C’esttoutàvotrehonneur.–Raviedel’apprendre,souris-jealorsquejelaissaisnaviguermonregarddanslafoule.Notre conversationdura encorequelques instants,mais il fut contraint deme laisser quand il
croisauneconnaissancedanslafoule.Parleravecluim’avaitvraimentdétendue.Macoupeétaitvide,aussijemedécidaiàalleraubar.
Je fis un clin d’œil àGregory qui, bras croisés, surveillait la salle. Il y répondit, ôtant pourquelquessecondessonmasqueimpénétrable,avantdeseconcentrerdenouveausurlafoule.
La salle était belle, chaleureuse et conviviale.Maria avait porté ses efforts sur l’éclairage.Cequ’avaitdésiréBlake,dutamisé,étaitlà,sousmesyeux.Lalumièresediffusaitd’unpeupartout,sansêtreagressive.Surmagauche,lequartetjouaittoujours,presqueensourdine,sefaisantoublier.Àmadroite,unedizainedetablesrondesavaientétédresséespourledîner.
Mes yeux naviguèrent à la recherche d’AndrewBlake.Maintenant que j’étais à nouveaumoi-même, je pouvais décemment aller le saluer et le remercier. La liste desmotifs de remerciementssemblaitd’ailleurss’allongerdeminuteenminute:larobe,lechauffeur,l’invitation,leplacementàsatable.Celadevenaitétourdissant.
Etjelevis.Ilsetenaitloindevantmoi,écoutantavecconcentrationunhommeunpeuplusgrandque lui. Une coupe de champagne à la main, son profil gauche se dessinait dans un assemblageglorieuxd’ombresetdelumières.Sesmâchoiresétaientnettes,presquetranchantes,tandisquelehautdesonvisagerestaitdansl’ombre.Jefronçailessourcils,cherchantàdistinguersonregard.Soudain,sonvisageserelâchaetunsourireapparutsurseslèvres.
Et sur les miennes. Je secouai la tête, cette fois, ce n’était plus de l’étourdissement, maiscarrémentde l’hypnose.Cethommeme subjuguait. Il était à l’opposédes autresmillionnairesquej’avaiseu l’occasiondecroiser, ilnepartageait riende leursmanières sidésagréables,oude leurcôté…despote.Je jetaiunœilsurmarobe,admettantenmoi-mêmequ’ilpouvait toutdemêmesemontreruntantinetautoritaire.
ÀRome,onfaitcommelesRomains,aussijemesaisisd’uneautrecoupedechampagne.Autantjepouvaispasser inaperçueaveccette robe, autant être lesbrasballants à examinerAndrewBlakesembleraitsuspect.Quandjeredirigeaimesyeuxverslui,ilavaitdisparu.
–Jenepensaispasquevousviendrez,sifflaunevoixféminineprèsdemoi.JefixaiMeghanStanton,droitecommeun«I»,plantéedevantmoi,lesyeuxflamboyants.–Bonsoir,marmonnai-je.–MeghanStanton,seprésenta-t-ellesèchement.–KathleenDillon.–Jesaisquivousêtes.Andrewétaitsûrquevousviendriez,maisj’avouequej’avaisdesdoutes,
grogna-t-elle.
Instinctivement,jemeredressaietfisfront.Ilétaithorsdequestionquejemelaissedémonterpar cette pimbêcheblonde.Autant je pouvais admettre l’humiliation à faible dosedans le cadredemontravail,autant,ici,jesupportaismaldemefaireattaquergratuitement.
–Oh…Etjepeuxsavoirpourquoi?demandai-jeinnocemment.– Vous savez pourquoi, sourit-elle. Je ne comprends pas cet intérêt que vous porte Andrew,
ajouta-t-elleensaisissantunecoupedechampagne.–Jevousdemandepardon?–Accompagnez-moi,m’ordonna-t-elletandisqu’ellesedirigeaitsurlecôtédubar.Jelasuivisdoucement.Elles’installafaceàlafouleetjel’imitai.Devantnous,AndrewBlake
riaitdeboncœuravecd’autreshommes.–Andrewestuntypebienet…–Allez-vousmefaireunsermon?lacoupai-jesèchement.–Vousnesavezpasoùvousmettezlespieds.–J’ensaissuffisamment…Jen’appartienspasàcemondeetjeneprétendspasvouloirenfaire
partie.–Vousvoustrompezsurmoi,sourit-elle.Jeneveuxpasvouseffrayer.–Vousvoustrompezsurmoiaussi.Jenesuispas…unedecesfilles!–Unedecesfilles?répétaMeghanenhaussantunsourcil.–CellesquinevoientenAndrewqu’unsimpleportefeuillebiengarni.–Puisquevoussemblezsavoircequevousfaites…–Jelesais,rassurez-vous.C’étaitunpieumensonge.Jen’avaisaucuneidéed’oùtoutecettemascaradeallaitmemener.En
quelquesjoursdeprésence,AndrewBlakeavaitréussiàdétruiremaprécieusecarapace,etvoilàquejemepavanaismaintenantdansunerobehorsdeprixdansunedesesréceptions.Lasituationétaittoutsaufsouscontrôle.
–Oh ! Pour demain, pourrez-vous nous réserver une table auFive…pour six, précisa-t-elleaprèsunecourteréflexion.
–Je…–Nouspartironsjusteaprèsledéjeuner.Prévoyezuntaxipourl’aéroport.–Vous…–Andrewvousa-t-ildéjàindiquélesdatesdesonprochainséjour?Ilm’aparléde…–Meghan!s’écriaBlakequivenaitdefaireirruptionetdontleregardirradiaitdecolère.Ellesepétrifiaàmescôtésen le fixant. Jemefigeaiaussi, surpriseetpresqueapeuréepar la
froideurdesonvisage.SiAndrewBlakepouvaitsemontreragréableetprévenant,ilserévélaittoutaussibiencolérique.Sesmâchoiressecrispèrentetsoudainjecomprisqu’ilseretenaitd’exploser.
– Kathleen est ici en tant qu’invitée, articula-t-il entre ses dents… Si tu as des demandesconcernanttonséjour,adresse-toiauconciergedeservice!
–Mais,Andrew,elleestconcierge!riposta-t-elle.Instinctivement, jem’éloignai deMeghan. Les yeux de Blake s’assombrirent encore plus. Ce
vert-làétaitprofondetterne,loindesémeraudesquejeconnaissais.–Pascesoir!grogna-t-ilavecunevoixtrèsbasse.–Andrew,sifflaMeghan.–J’aidit«Pascesoir»,répéta-t-ilenhachantsaphrasesèchement.J’observai la scène, fascinéepar l’autoritédeBlakeetpar l’aplombde sonamie.Ellen’avait
aucunement peur de lui. Toutefois, je notai que sa poitrine se soulevait plus vite et qu’elle aussi
semblaitseretenirdedirecequ’ellepensaitdemaprésenceici.Elleseraclalagorgeetdégagealamèchedecheveuxflottantsursonépaule.
–Sivousvoulezbienm’excuser,lâcha-t-ellefinalement.Andrews’écarta et la laissapartir. Je suivisdesyeux sa silhouette rouge sangavantquemon
regardnesoitdenouveauhappéparAndrewBlake.– Je vous prie d’excuser son comportement, murmura-t-il pendant que sa colère semblait se
diluer.–Cen’estrien.Jecomprendsquemaprésence…–Cen’estpasrien,mecoupa-t-il.Vousautorisezpeut-êtrevosclientsàvousparlerainsi,mais
jenelesupporteraispasici.Pascesoir.Ilseplaçaprèsdemoietj’esquissaiunsourireironique.SiMeghanm’avaitparléainsipendant
montempsdetravail,aurait-ileulamêmeréaction?–Meghanpensequesapositiondefemmeladessert,expliqua-t-il.–Ellen’arienàmeprouver.–Àvous,non.Maisauxautres,oui.Elleestpersuadéequ’unefemmedoitenfairedeuxfoisplus
pourprétendreaumêmepouvoirqu’unhomme.–Techniquement,ellen’apastort.Unsouvenirnauséabondme revint.Celuidemonancien travail,oùmêmeen travaillantdeux
foisplus,jen’avaispaseugaindecause.– Elle a tort. Une femme ne doit pas en faire deux fois plus, elle doit juste procéder
différemment.–Vousêtesunhomme,vousnesavezpascequec’est.Iltournasonvisageversmoietinclinalatête.Unsourirediscretornaseslèvres.–LadouceKathleenDillonaurait-elleeudesproblèmesaveclagentmasculine?s’amusa-t-il.–Vousmecroyezinoffensive,n’est-cepas?ripostai-jeenplantantmesyeuxdanslessiens.Ilritdoucement,décrochantsonregarddumien.Vexéeparsaréaction,jem’agaçaietsoupirai.
Pourquoim’acharnai-jeàlecontredire?Jedirigeaimonattentionsurlafouleetregardailespetitsgroupesdefemmes,toutesélégantes,
riantdeboncœur,pendantqueleshommesparlaientavecsérieux,acquiesçantàleursinterlocuteurs.À cet instant, cela me frappa. Les hommes travaillaient, les femmes n’étaient présentes que pourl’apparat.
Etj’étaisunefemme,dansunerobehorsdeprix,pasvraimentàmaplace.C’étaithumiliant.Jen’euspasletempsdem’appesantir:lamaind’AndrewBlakeseposadansmondosetjesentissonsoufflefraischatouillermapeau.
–Inoffensiven’estpaslepremiermotquimevientàl’espritenvousvoyantcesoir,chuchota-t-il.
Je frémis doucement, concentrée sur le léger mouvement de ses doigts dans mon dos etl’imperceptibleappuidelapaumedesamain,sonpoucequiglissaitsurmoi,allantetvenantenpetitscercles.
Réprimantlerougissementquigagnaitmesjoues,jemetournaiverslui.J’espéraisavoirl’airimperturbable,mais quandmonvisage se retrouva à quelques centimètres du sien, je compris quej’avaisperdu.Toutmoncorpssetendaitverslui, toutesmesterminaisonsnerveusesexigeaientsontoucheretmonventrebouillonnaitàlafoisdedésiretdeperplexité.
–Vousêtessuperbe,dit-ilpendantquejemeperdaisànouveaudansl’éclatdesesyeuxvertclair.–Je…Merci,soufflai-je.
– Et vous n’êtes pas inoffensive. Vous êtes sûrement la femme la plus intelligente de cetteréception.Vousvaleztellementplusquevousnelepensez.
–Jen’airienàvoiravectoutecettefouleetjenecroispasêtreàmaplace.–Vousêtesmoninvitée.Parconséquent,vousêtesàvotreplace.–Cen’estpascequeMlleStanton…–Meghan peut parfois se comporter en véritable brute. Ne vous laissez pas berner par son
apparencedegarcefrigide.–Jenemanqueraispasdeluidiretoutel’estimequevousavezpourelle,souris-je.–Etellevousconfirmeratoutel’estimequej’aipourvous,rétorqua-t-il.Jesecouailatête,incapablededistinguerlemonderéeldumondeparfaitd’AndrewBlakequand
laréalitémepercuta:toutlemondenousobservait.Desœilladesdiscrètes,desmurmures…J’étaislafemmeàquiparlaitAndrewBlake. Il retira samaindemondos, sepenchasur lebaret saisitunecoupedechampagne.
–Jesuisheureuxquevoussoyezvenue,commenta-t-ilenmetendantunecoupe.–Vousditesçaàtousvosinvités?–Seulementàceuxquicomptentpourmoi.Son bras repassa derrièremoi et samain retrouva l’espace dans le creux demon dos.Mon
ventrefitunsautpérilleuxpendantquemoncœurs’emballaitplusquederaison.Ilestmarié,meserinai-je.Marié.Ilveutjusteprovoquerlafoule.Jetentaid’oubliersamainetdereveniràunsujetmoinsdifficilepourmoi.J’étaisseuleavec
lui,c’étaitlemomentdeleremercier.–Jetenaisàvousdirequeje…–Derien,mecoupa-t-il.–J’apprécieque…–Toutleplaisirestpourmoi,m’interrompit-ildenouveau.–Je…–Kathleen,dites-moiquevousallezcessercettelitaniederemerciements.–Monpèrem’aapprisàtoujoursdiremerci.– Et lemienm’a appris que le seul remerciement valable de la part d’une femme, c’est son
sourire.Ilsetournaversmoi,lesyeuxbrillants.Jeluisouriaisavecjoie,mêmesijedoutaisquecelasoit
suffisant.–Commenttrouvez-vouslasoirée?demanda-t-ilalorsquesonregardsurvolaitlasalle.–Trèsréussie.J’airencontréundevoscollaborateurs,Nathan.–Quoiqu’ilvousaitditsurmoi,n’encroyezpasuntraîtremot.–Ilaétéplutôtélogieuxàvotresujet.–C’estcequejedisais.Nelecroyezpas!Nous rîmes doucement, oubliant le poids des regards des convives sur nous. Andrew se
rapprocha, l’espace entre nous se réduisant désormais à quelques centimètres. Je balayai la foule,apercevantLynneslalomantentrelesinvités.Elletraversalasalleetgagnaunangleàpeineéclairé.Jescrutail’endroit,cherchantuneexplicationàsaprésencelà-bas,quandelledevaitnormalementêtreavecGregory.
EtjevisNathan.Illuiparlait,toutsourire,ladévorantaveccemêmeregardfascinéquelorsdeleurrencontredevantl’ascenseur.J’étouffaiunlégerrire.
–Jepeuxsavoircequivousamuse?demandaBlakeencherchantquij’étaisentraind’observer.
–Jecroisquevotrecollaborateuradéveloppéunlégerbéguinpourmacollègue.Blake fronça les sourcils et les considérapendantquelques instants. Il sepenchaversmoi, sa
boucheàproximitédemonoreille.–Ilfautcroirequ’ilsepassequelquechoseaveclesemployéesdecethôtel.–VoilàpourquoiM.Perkinsnousgarde,plaisantai-je.–Votreamien’estpasrancunière,j’espère,lança-t-ilenreprenantsapositioninitiale.–Pourquoileserait-elle?–Parcequejeluiaifaitrefaireentièrementleplandetableàcausedevous.–Àcausedemoi?m’exclamai-je,consternée.–Enfin, jenevousaipasvraimentnommée,précisa-t-il. J’ai justeditqu’il fallaitécarterune
personnedematable.QuandLynneallaitdécouvrirquiavaitpriscettefameuseplacelibérée,elleallaitsûrementfaire
desbonds.– Rassurez-moi, et dites-moi que vous ne faites pas ça à chaque réception que vous donnez,
souris-jeenespérantdissiperlastupéfactiondemonvisage.–Jevousrassure.Vousêteslaseuleexception,murmura-t-ildanslecreuxdemoncou.Savoixvibracontremapeauettousmesmusclessetendirentunàun.Ilyeutunesecondede
flottementoùsamains’écartademondos,avantderevenirs’yposer.Ilvidasacoupependantque,tremblante,jecherchaisàmeremettrelesidéesenplace.
–Ledînervaêtreservi,jevaisvousaccompagnerànotretable.Ilavançadoucement,m’entraînantaveclui.Samainbougea,agrippantmahanchedansungeste
presquepossessif.Unnouveausourire,àlafoisheureuxetsatisfait,sedessinasurseslèvres,etnousavançâmesverslestables.Lafoules’écartadevantnous,mefaisantprendreconsciencedel’énormitédelasituation.J’étaisavecAndrewBlake.Moietpassafemme.
–Cetterobeestsublimesurvous,murmura-t-ilensepenchantversmonoreille.–Toutlemondenousregarde,constatai-jeavecstupéfaction.–Ilsregardentsimplementlaplusbellefemmedelasoirée,chuchota-t-il,amusé.–Non…C’estvousqu’ilsregardent!–Faites-moi confiance, c’estbienvousqui êtes le centred’attentionce soir.Donnons-leurde
quoidiscuterpendantledîner.Brutalement,ilattrapamamaindanslasienneetlaportaàseslèvres.Ill’effleuraàpeineetje
sentis lacaressede sonsouffle surmapeau.Sonsourirearrogant réapparutet son regard toisa lafoule,heureuxdesoneffet.Auloin,jevisMeghanetNathan.Sicederniersouriaitlargement,elle,semblaitestomaquée.
Arrivés devant notre table, il relâcha ma main et me tira une chaise. Dans un mouvementparfaitementsynchronisé,lafouleavançaverslestablesetlesinvitésprirentplace.Blakes’assitprèsdemoitandisqueMeghanetNathanmefaisaientface.Deuxpersonnesnousentourèrent.Lasensationdemalaisequej’avaisressentieenentrantdanscettesallemereprit.
–Matt,Abby,jevousprésenteKathleenDillon,lançaAndrewsurmagauche.–Enchantée,souritlafemmependantquej’opinais.–Tuasl’artdenoussurprendreencoreettoujours,Andrew,plaisantaMatt.–Vraiment?s’étonna-t-il.–Personnenes’attendaitàça.Enfin…àvous,Kathleen.–Kat,lecorrigeai-jeparautomatisme.–Cecidit,repritMattenm’ignoranttotalement,toutepublicitéestbonneàprendre.
J’arquaiunsourcil,prêteàfusillercethommesurplace.Delapublicité?Voilàdonccequejereprésentaisàcettesoirée.
–Abby,vraimentjenecomprendspasquetupuissesêtremariéàcesaletype,souritAndrew.–L’argent,moncher,l’argent,s’amusa-t-elle.EllecoulaunregardattendriversMatt,avantdeleréprimandergentiment:–Nelametspasmalàl’aise,s’ilteplaît.–Jedisjustequecettepetitescènevafairedel’ombreaulancementdumagazine!–Matt!gronda-t-elle,unpeuplusmenaçante.–Quoi?Jesaiscequ’ilsepasserademain.Andrewetsatrèssympathiqueinvitéeferontlesgros
titres.ToutlemondeoublieraPowerfulletsefocaliserasurcetteridiculehistoire.De touteévidence, ilnem’aimaitpas,et ilaimaitencoremoins l’effetdésastreuxque j’aurais
sur leur campagne de lancement. Je jetai un œil vers Matt dont l’œil noir me transperçait et medécidaiàquitterlatable.
–Mercipourl’invitation,monsieurBlake,murmurai-jeenmelevant.–Kathleen,jevousinterdisdequittercettetable,grognaBlakeenmesaisissantlepoignet.–Oui,Kathleen,n’allonspascréerunnouveauscandale,sifflaMattavecrage.–Matt,peux-tuoubliertonboulotetsimplementprofiterdelasoirée?claquaAndrew.–Jevoulaisjusteteprévenir.–Dois-jeaussitedemanderlapermissionpourtevirersur-le-champ?s’écria-t-ilencolère.–Andrew,murmuraMeghanavecapaisement.Toujoursdebout,j’hésitaiàmeréinstaller.JecroisaileregardsombredeBlakeet,sansunmot
deplus,jemerassis.MattetAndrewsetoisèrentavantquelepremiernebaisselesyeuxpourprendresonverre.Abbys’étaitraidiesursachaiseetelleposalesmainsàplatsurlatable.
–Bien…Maintenantque le tonde la soiréeestdonné, jeproposequenousportionsun toast,lançaNathan,toutsourire,faceàmoi.
La table l’imitaetAndrewfinitpar lever sonverre, levisage toujoursmarquéparde la ragecontenue.
–ÀAndrew,puisse-t-ilmefaireunénormechèquepourmaprimeannuelle!déclamaNathanavecsérieux.
Jemeretinsd’éclaterderire,levisaged’Andrewsedétendantfinalement.–Combiendefemmesas-tuàentreteniraujuste?–Unedanschaqueaéroportquejefréquente.J’aicompté,çaenfaitdix-huitdifférentescessix
derniersmois.–Vousvoyagezbeaucoup,commentai-jepourfairelaconversation.–Derrièrel’hommeaucostumeparfaitquiestprèsdevoussecacheunimplacablepatron.Mon
corps subit les pires atrocités à cause du décalage horaire ! Et encore, je ne vous parle pas de lanourrituredel’avion.
–Évidemment!Sinon, tudevraisaussiparlerdeshôtessesque tudragueseffrontément, raillaMeghan.
–Est-cemafautesijeplais?–Biensûr,toutcelasepasseàvotrecorpsdéfendant,ironisai-je.–Parfaitement.Jesuisl’innocenceincarnée,plastronna-t-il.Jamaisje…Savoixs’éteignitetsonregardseperditendirectiond’Andrew.JetournailatêteetvisLynne
qui parlait avec Blake. Andrew hocha la tête. Lynne s’éclipsa et la main de Blake se posa sur lamienne.
Aprèssondépart,j’entamaiuneconversationaxéesurlecinémaavecNathan.Andrewsejoignitànous,m’épatantàplusieursreprisesparsasciencehitchcockienne.
Lesserveursdébarrassèrentl’entréeetilenprofitapoursepencherversmoi:–Sij’ouvreunerubriquecinéma,jevousembauche,promit-il.–Jenecherchepasdetravail,contrai-je.–Votreprixseralemien.–Peut-êtrequejesuishorsdeprix.Mêmepourvous!–Nemedéfiezpas.Vousnesavezpasdequoijesuiscapable.–Vousavezdébarquéchezmoienpleinejournéepourmefairelivrerunerobe,m’exclamai-je
enriant.Jesaisquevousêtescapabledetout.–Bien.Noussavonsdonctouslesdeuxàquoinousentenir.IlsereculaetentreprituneconversationavecMeghan,désormaisplussourianteetdétendue.–Kat,jedoisdirequemêmesivotreprésenceestunesurprise,jesuisraviedevousconnaître,
ditAbby,prèsdemoi.–Leplaisirestréciproque.–Jevoulaism’excuserpourcequ’aditMatttoutàl’heure.C’étaittoutàfaitdéplacéetj’espère
quevousneluientiendrezpasrigueur.–Cen’estpasgrave,balayai-jevivement.Oublionsça.– Je comprends qu’Andrew vous ait invitée. Vous êtes… rafraîchissante. Une étonnante et
rafraîchissantedistraction…–Unedistraction?répétai-je.Pourtouteréponse,ellem’offritunsourirepoli.J’allaisluidemanderplusd’explicationquand
nosplatsarrivèrent.Maisjen’avaisplusvraimentfaim.Derrièrelasoiréeamusanteetfestive,ilnes’agissait qued’un jury. Ilsme jaugeaient, cherchant la failledansmapersonnalité.EntreMeghan,persuadée que j’en voulais à l’argent d’Andrew, les paroles doucereuses d’Abby et le regardméprisantdeMatt,jemesentaisdésemparée,incapabledecomprendrepourquoiAndrewBlakeavaitexigéquejedîneàsatable.
–Vousn’aimezpas?medemandaAndrewalorsquejejouaisavecmanourriture.–Si…si…C’estjustequejen’aipastrèsfaim.–Quelquechosevousaurait-ilcoupél’appétit?–Vous feignez trèsmal l’ignorance,monsieurBlake, répondis-jeendissimulantdifficilement
unsourire.– Croyez-moi, ils sont tous sous votre charme. Il serait très difficile de ne pas l’être…
D’ailleurs,votrepetitamisait-ilquevousêtesici?–Je…–Quandjedis«ici»,jeveuxdireavecmoi,compléta-t-ilenplantantsesyeuxdanslesmiens.–Non,avouai-je.–Ilnem’aimepas.Je retrouvai de l’intérêt pourmonassiette et picorai unmorceaudeviande en réfléchissant à
toutevitesseàcommentchangerdeconversation.–Êtes-vousamoureusedelui?–Jevousdemandepardon?m’écriai-jeenmanquantdem’étoufferavecmanourriture.–Vousl’aimez?Jeveuxdire,vousl’aimezvraiment?Parcequ’unepartiedemoiaenviede
croirequevousnel’aimezpas.–Cettepartiedevousestincroyablementarroganteetprétentieuse.
–Vouspensezquejesuisjaloux?m’interrogea-t-ilensouriantlargement.– Je pense que votre femme n’apprécierait sûrement pas que nous ayons ce genre de
conversation.–Eneffet,serembrunit-il.Toutesmesexcusessijevousaioffensée.Jefinismonassietteensilence.Andrewm’ignorajusqu’àlafinduplatderésistance.Quandles
serveursréapparurent,j’enfuspresquesoulagée.–Jevouspriedem’excuser,murmurai-jeenposantmaserviettesurlatable.Leshommesselevèrenttandisquejequittailatablepourgagnerlestoilettes.J’avançaiviteet
soufflaid’aiseenm’enfermantdans lapremièrecabine.Ledosappuyécontre laporte, je tentaidereprendremesesprits.J’avaisvouludurêve,etvoilàquej’étaisenpleincauchemar.Abbymeprenaitpourunedistraction;Mattnem’avaitplusadressélaparoledepuissonesclandreaudébutdurepas;Blakepassaitdufroidauchaud.Jedétestaichaquesecondedecedîner.
Aprèsquelquesminutesde réflexion, je retournaiàma tableavec lepeudeconfiancequimerestait. De nouveau, les hommes se levèrent pendant que je me réinstallais. Le dessert fut servi,accompagnéduchampagne,etj’entreprisuneconversationlégèreavecNathan.
Cela chassa mes idées noires. Il avait toujours le mot juste pour me faire rire. Je sentais leregardinsistantetcurieuxd’Andrewsurmoi.Lequartetdejazzjouaunpeuplusfort,etjedevinaisqueledînerétaitterminé.Blakes’excusaetquittalatablepourdiscuteravecunhommeplacéàunetableprèsdelanôtre.
–Jeprofitedudépartd’Andrewpourvousinviteràdanser,proposaNathanenselevant.–Oh…ladanse…Cen’estpastropmontruc…–Voyons,Kat.Vousn’avezpasenviedemegâcherlasoirée?–Non,admis-je.Il se planta devantmoi et tendit samain. J’y plaçai lamienne etme levai en lui souriant. À
l’instant où je m’apprêtai à faire un pas, Blake réapparut devant nous et agrippa ma main sansménagementpourlacalerdanslasienne.
–Prioritéaupatron,souritBlake,unairtriomphantsurlevisage.–Voilàquiesttrèsgentlemandevotrepart,sifflai-jeavecmécontentement.–Venezdanser,m’ordonna-t-il.Jerenonçaiàluiparlerdemesdifficultésavecladanseetmacoordinationdemanièregénérale.
Ilm’entraîna avec lui sur la piste improvisée.Blakeplaça samaindansmondos pendant quenosmainssetrouvaient.Dansungestesec,ilm’attiracontreluifermement,etnousdansâmes.
Sesgestesétaientfluides,faciles.Jesuivaisavecdifficulté,meconcentrantardemmentpournepasluiécraserlespieds.Caléecontresontorse,j’osaiàpeineclignerdesyeux.Samaindansmondosbougeaunpeu,glissantunpeuplusbas.Moncœurtapafrénétiquementdansmapoitrine,aupointqu’ildevaittrèscertainementlesentircontresontorse.
–Jenevoulaispasvousmettremalàl’aiseavecmesquestions,Kathleen,murmura-t-iltoutprèsdemonoreille.
–Vousm’avezjustepriseaudépourvu.–Parcequemaquestionétaitdéplacéeouparcequevousn’aviezpaslaréponse?Monpiedgauches’écrasasurundessiens.–Pardon,m’excusai-je.Danetmoi,c’estrécent.–Vousetmoiaussi.–Çan’arienàvoir!ripostai-je.–Ahoui…Notresacro-sainterelationstrictementprofessionnelle.
Ilrepliasonbrasetnosmainsjointesseretrouvèrentcontresontorse.Nousétionsmaintenantcollésl’uncontrel’autre,Andrewmemaintenantauplusprèsdesoncorpsavecsamaindansmondos.Illabougea,atteignantlalimiteacceptable.
Nous dansions toujours, bercés par lamusique autour de nous,mais sesmouvements étaientlents,presqueimperceptibles.Jebougeaiàpeineetflottaipresqueau-dessusduparquet.
–Avez-vousappréciéledîner?–Jevaisêtrehonnête,çan’apasétélemeilleurrepasdemavie.–J’osecroirequec’estlanourriturequevousremettezencauseetnonlesconvives.–Lemagretdecanardétaittrèsréussi,dis-jeenespérantqu’ilcomprenne.–Jenepensaispasqu’ilssemontreraientaussigrossiersàvotreégard.–Expliquez-moipourquoidevraient-ilssemontreraimables?–Parcequevousêtesuneinvitée.Moninvitée.Cetteseuleexplicationauraitdûleursuffire.– Ils ont tiré leurs propres conclusions, lâchai-je en jetant un regard vers la table oùMatt et
Abbynousregardaient.–Peut-êtrequevousnedevriezpasyattacherdel’importance.–Oupeut-êtrequevousdevriezmefourniruneexplicationsurmaprésenceici.–Est-cesiinconcevablepourvousdecroirequej’apprécievotrecompagnie?LemasqueavaitànouveaudisparuetAndrewmefixait,jaugeantmaréaction.–Jecroisquenousdevrionsnousenteniràunerelationstrictementprofessionnelle.Ils’arrêtadebougeretsonvisagesereferma.Labadinerieétaitterminéeetilparaissaitdéçude
maréaction.–Bien.Sivousytenez,murmura-t-il.–Jecroisquecelasimplifieraitleschoses.–Ellessontpourtanttrèssimples.Seriez-vousperturbée?Oudois-jecomprendrequevousne
savezpluscommentréagir?–Jenesuispasperturbée,mentis-jeensentantsamainremuerdansmondos.–Vousêtessurladéfensive.–Jenesuispassurladéfensive,jetentedenepassaccagervotresecondpied.Jedoutequevotre
femmeapprécieraitdevousretrouverenmiettes.–Mafemme?s’étonna-t-il.Dieuduciel,Kathleen,vousêtes…vraimentsurprenante!Il reprit sadansependantque jemorigénaisdansmabarbe.Je l’entendisétoufferun rireet il
approchasonvisagedumien.Mesjouesmechauffaientetlaproximitédesoncorps,chaudluiaussi,nem’aidaitpasàresteralerte.Touteforcederéflexionsemblaitmequitterdèsqu’ilm’effleurait.
–Sachezquemondînerfutdélicieux.Etjeneparleévidemmentpasducanard.–Heureusepourvous,ripostai-jeavecsarcasme.– Concernant votre requête sur une relation strictement professionnelle, je vais devoir m’y
opposer.–Vousn’abandonnezjamais?l’interrogeai-jeenrelevantlesyeuxverslui.–Jamaisavecvous.Jevousl’aidit,vousêtesmaseuleexception.L’exception…Jemeconcentraisurnotredansequitouchaitpresqueàsafin.Quelquechosem’attiraitchezcethomme.Celaallaitau-delàd’unerelationnormaleentredeux
personnes,commesinousgardionsensembleunsecretidiotetsansimportancemaisquinousliait.J’auraisaimém’enréjouir,maisaucontraire,celam’horripilait.
La musique faiblit progressivement et il se détacha de moi. Je regagnai la table pendantqu’Andrewentamaitunenouvelledanse.JediscutaiavecNathan,quimeréinvitaàdanser.
–Andrewapeut-êtregagnécettebataille,maisilnegagnerapaslaguerre,rit-ilenm’entraînantsurlapiste.
–Votreprimeannuelleest-elleassezconséquentepourdessoinsmédicauxd’urgence?–N’ayezcrainte…–Jesuisvraimenttrèsmaladroiteet…–Jemesuis faitpiétinerparun taureaufoufurieuxquand j’avais15ans,croyez-moi, j’aivu
pire.–Oh…Jevaisprendreçapourunvraicompliment,souris-je.–Vouspouvez!Vousêtestoutdemêmeplusgracieusequecetaureau!Je ris de nouveau et nous dansâmes. Enfin, nous faisions comme si. J’avais réussi à danser
véritablementavecAndrew,maisavecNathan,çatenaitplutôtdumassacre.Uneheureplustard,alorsqu’AndrewBlakedisaitaurevoiràsesderniersconvives,jedirigeai
monattentionverslafenêtre.Laneigeavaitrepris,tombantenfloconsépaissurlaville.J’admirailepaysageblancdevantmoi.Leslumièresdelavilleetdesimmeubleséclairaientles
ruesquasidésertes.Vu le froid,monétolen’allaitêtrequed’unfaiblesecours. Jecroisai lesbras,plaquantmesmainsàhauteurdesépaulespourmeréchauffer.
Mon étole glissa sur mon bras et, avant que je n’eusse le temps de la réajuster, je sentis uneffleurement.JerelevailesyeuxversAndrewBlake,dontlesdoigtss’appesantirentquelquesinstantssurmesbrasnus.
–Merci,soufflai-jeavantdereprendremacontemplation.–Jevousenprie.Il se posta derrièremoi, à une distance acceptable.Mais une fois de plus, je fus surprise par
l’intensité des réactions demon corps. Une force quasi surnaturelleme tirait vers lui. Je réduisisl’espaceentrenous,reculantd’unpas.
–NewYorkestvraimentunebelleville,commentaAndrew.Le silence réapparut, calme et apaisant. Après toutes les émotions accumulées pendant la
réception, j’appréciai ce moment de sérénité. Andrew resta derrière moi, silencieux. Cela duraquelquesminutes,quelquesminutesoùiln’existaitriend’autrequecepaysageenneigéavecluiàmescôtés.Ilyeutdumouvementsurmagaucheetnotreprécieuxmomentsefinit.
–MonsieurBlake,commençaLynne,votrevoiturevousattend.–Parfait,mademoiselleHoffman.–Jevousenprie.Elleserecula,prêteàdisparaître,maisBlakel’arrêta.–Merciencorepourl’organisationdelaréception.C’étaittrèsréussi.–Jesuisraviequetoutsesoitpassécommevouslesouhaitiez.–C’étaitau-delàdemesespérances,dit-ilenjetantuncoupd’œilversmoi.UnsouriresedessinasurlevisagedeLynneetAndrewmetenditsonbras.–Votrecarrosseestavancé.Jevousraccompagne.–Andrew,cen’étaitpasnécessaire.J’auraistrèsbienpurentrerentaxi.– Vous tenez vraiment à me contrarier ce soir ? m’interrogea-t-il avec humour alors que
j’enroulaismonbrasautourdusien.–Commeça,lasoiréeseravraimentinoubliablepourvous!–Ellel’estdéjà!Grâceàvous.Nousnousdirigeâmesverslasortiedelasalle.JesaluaiLynneetGregoryavecunhochement
detête.Jetraversailehallavecprudence,entendantleriredeNathanrésonnerderrièremoi.Quelques
secondesplustard,c’estceluideLynne,légeretcristallin,quiflottadansl’air.Le voiturier m’ouvrit la portière et je m’installai sur la banquette arrière de la berline
surchaufféeauxcôtésd’Andrew.Ilindiquamonadresseauchauffeuretlevéhiculedémarra.Andrewdesserrasacravateetôtasesboutonsdemanchette.Malgrélaneige,nousarrivâmesàmonimmeubleenmoinsdevingtminutes.
–Merciencorepourcettesoirée.–Laissez-moivousaccompagnerjusqu’àlaportedevotreimmeuble.Il neme laissa pas le tempsde répondre et quitta la voiture.Le chauffeur vintm’ouvrir et je
retrouvaiAndrewBlakesurlepasdemonimmeuble.Surréaliste.Jesortismesclésdemapochette.–Kathleen,quoiqu’aitditMatt,jenecherchepasàvousmanipuler.–Ilsembleraitquejesoisune«rafraîchissantedistraction».–Quivousaditça?s’agaça-t-il.–Abby.–C’est totalement faux. Faites-moi plaisir et n’accordez aucune importance à tout cela. Si je
passedutempsavecvous,c’estquej’enaienvie.Ilsecoualatête,cherchantsesmotsavantdereleversesyeuxversmoiet,àcetinstant,jesentis
mon cœur tressauter.Même si j’avais eu à gérer tout un tas d’émotions depuisma rencontre avecAndrew Blake, celle-ci était inédite. Mon corps sembla se liquéfier et ma tête me brûlait. Lesbattementsdemoncœurétaientlourdsetdésordonnés.
–Votrecollèguem’aconfiéquevousaimiezlanourritureitalienne.–Je…Eneffet,souris-je.–EtquevousaimiezKeats.–Je…Oui,balbutiai-je,complètementperdue.Qu’est-ceque…–Croyez-vousquejem’intéresseraisàcegenrededétailsivousn’étiezqu’unedistraction?Nosyeuxsecroisèrentdenouveauetmoncœurfitencorecetétrangepetitboninattendu.Une seconde plus tard, les lèvres d’AndrewBlake effleurèrent lesmiennes. Je restai figée et
entendis seulement le bruit demon trousseau de clés atteignant le sol entremes pieds.Andrew serecula à peine. Son visage était tout proche. Son regard se fondit dans lemien et, de nouveau, sabouche retrouva la mienne. Ce fut là notre premier baiser. Le premier contact avait été juste unfrôlement,commes’ilmedemandaitlapermission,alorsquecesecondétaitnettementpluspuissant.
Dans un bref instant de lucidité, je pris conscience que je ne m’étais pas effondrée. J’étaissimplementfigéedanslastupéfaction,etmoncorpsnesemblaitplusvivrequepourlemouvementdouxdesabouchecontrelamienne.
Ilreculadenouveau,mefaisantface.Monvisagesecoloravivementetlecoindeseslèvressesoulevadansundemi-sourire.
–Jevoussouhaiteunebonnenuit,Kathleen.Etcommeill’avaitfaitàl’hôtel,ilattiramamaincontreseslèvrespourm’offrirunbaisemain.
Katrestera-t-ellefidèleàDanousuccombera-t-elleaucharmed’Andrew?Vouslesaurezdansl’acteIIIàparaîtredèslemoisprochain!
Tabledespersonnages
Kathleen –Kat –Dillon :Après avoir abandonné sa carrière de journaliste,Kathleen, jeunefemme de 25 ans, est devenue concierge de nuit dans un palace new-yorkais, le Peninsula.Romantique et profondément attachée à l’importancedudestindans savie, elle espère, un jour, sereconnaîtredansunedespetitesannoncesduNewYorker.Prenantconsciencedelamonotoniedesonexistenceethantéeparuneannoncequil’abouleversée,ellefinitparyrépondre.C’estégalementauPeninsula qu’elle rencontre Andrew Blake, puissant magnat de la presse, client de son hôtel, unhommeséduisantetquitroublelaroutineprofessionnelledeKat.
AndrewBlake:ClientduPeninsulaetchefd’entreprisepuissant.Magnatdelapressesurlacôteouest,AndrewBlakeestaussiarrogantqueriche.Ilalimentelesrumeurs,attiselesconvoitises,maispeutsemontrerparticulièrementfragilequandons’attaqueàceuxqu’ilaime.
LynneHoffman :CollèguedeKat,enchargede l’événementiel,Lynneest très terreà terreetraisonnable.TroppourKatquiluireprocheunevieterneetsanspassion.FiancéeàPhilipKingston,elleprépareassidûmentsonmariage.
NathanEvans:Brasdroitdévouéd’AndrewBlake,Nathanestuncharmeur,bourréd’humour.C’estauPeninsula,àl’occasiond’unerencontrefortuiteetbrutale,qu’ils’éprenddeLynne,collèguedeKat.
DanielCooper:EngagécommebarmanintérimaireauseinduPeninsula,DanielserapprochetrèsvitedeKathleen.
Gregory : Ancien policier, Greg a connu Kathleen quand elle était encore journaliste.DésormaisresponsabledelasécuritéduPeninsula,ilagitcommeungrandfrèreavecelle.
MeghanStanton :Belle,brillanteet toutà fait conscientede l’être,Meghanpeut sembler,deprime abord, glaciale, voire même pédante. Elle se révèle chaleureuse et sensible au charme deGregoryaufuretàmesuredel’évolutiondelarelationd’AndrewetdeKathleen.
Maria:Fleuristeofficielledel’hôtel.TrèsliéeàKathleen,ellesontunerelationdetypemère-fillequicompensel’absencedelamèredeKathleen.Debonconseiletdouce,elleesttoujoursprêteàaiderKathleen.
M.Perkins:Directeurdel’hôtel.Joe/Kim:Personneldel’hôtel.Angela:Amie,confidenteetcollèguedeKathleen.Sam:CollèguedejourdeKathleen,c’estluiquil’aforméeàsonposte.Ilssonttrèsamis.JimCooper:PèredeDan.Jodie:MeilleureamiedeDanieldepuisl’enfance.Elleestraviedelarelationqu’entretiennent
KathleenetDaniel,quitteàêtreintrusive.MattetAbby :Collèguesd’Andrew.Matt semontreparticulièrementdésagréableetdubitatif
HarlequinHQN®estunemarquedéposéeparHarlequinS.A.Conceptiongraphique:AliceNUSSBAUM
©2013HarlequinS.AISBN9782280300490
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